Université de Clermont-Ferrand I Faculté de Médecine
Mémoire de fin d’études en vue de l’obtention du certificat de capacité d’orthoptiste.
Evolution de la vision des
contrastes et chirurgie
réfractive
Quels sont les effets de la chirurgie réfractive sur notre vision
et plus précisément sur la vision des contrastes ?
24/05/2016
CHU de Clermont-Ferrand
A Monsieur le Docteur BONS, directeur de ce mémoire, pour son aide précieuse et indispensable
à la réalisation de ce mémoire, pour sa disponibilité et sa sympathie.
A Madame le Docteur DALENS, directrice de l’école d’orthoptie, pour sa disponibilité et la
richesse de son enseignement.
A Monsieur le Professeur CHIAMBARETTA, chef du service d’Ophtalmologie pour son accueil et
son enseignement au sein du service.
A Monsieur le Docteur BONNIN, qui a assuré la mise en place et le début du suivi de ce
mémoire, pour ses conseils et sa disponibilité.
A tous les médecins ophtalmologistes du service.
J’adresse également mes remerciements à l’ensemble des orthoptistes du service
d’Ophtalmologie, NEYRIAL Michelle, COLLA Coralie, MICHEL Sylvie, PARIS Laurent, PELLETIER
Constance, MONNEYRON Nathalie, MARCELLIER Jean-Jacques, GRELEWIEZ Hélène, ADAMKIEWICZ Camille, pour leur accueil au sein des différents stages, leur enseignement pratique, leur soutien, leur gentillesse et leur confiance durant ces 3 années d’étude.
A toute l’équipe du service d’Ophtalmologie, internes, infirmières, aides-soignantes et
secrétaires pour leur gentillesse et l’attention qu’ils nous portent.
A l’ensemble de mes camarades, pour leur conseil et soutien, ainsi que pour la cohésion qu’il y a
pu avoir entre nous.
SOMMAIRE
INTRODUCTION ... 6
PARTIE 1 : PARTIE THEORIQUE ... 7
I. Vision des contrastes ... 7
1. Définition ... 7
a) Contraste global & contraste local ... 7
b) 2 types de sensibilité au contraste ... 8
2. Vision des contrastes et acuité visuelle ... 8
3. Zone anatomique et mécanisme à son origine ... 9
a) L’œil est récepteur d’image, transformateur de lumière et transmetteur d’informations. ... 9
b) Les voies visuelles : prise en charge d’une composante spécifique de l’image .... 11
4. Examen ... 12
a) Principe et réalisation ... 12
b) Résultats ... 16
c) Les facteurs influençant la sensibilité au contraste ... 20
II. Chirurgie réfractive ... 21
1. Système optique et amétropies ... 21
2. Les différentes techniques de chirurgie réfractive ... 25
a) Chirurgie avec Laser de Surface : PKR = PhotoKératectomie Réfractive ... 28
b) Chirurgie « tout laser » : Lasik ... 32
3. Les principes de traitement ... 40
a) Myopie ... 44
b) Hypermétropie ... 45
c) Presbytie ... 46
4. Les paramètres influençant les aberrations optiques ... 47
a) Aberrométrie ... 48
c) Différentes causes d’aberrations optiques : ... 50
PARTIE 2 : ETUDE CLINIQUE... 53
1. Méthodologie... 53
2. Résultats ... 55
a) Evolution de l’acuité visuelle ... 56
b) Evolution de la vision des contrastes ... 57
3. Discussions ... 60
CONCLUSION ... 64
6 Le système visuel permet le passage d’ondes lumineuses à travers les différents milieux transparents de l’œil pour les transformer en signaux électriques grâce à la rétine et atteindre, via les voies optiques, le cortex visuel.
La réfraction se définit comme étant un phénomène physique de déviation de la lumière. Lorsque cette dernière rencontre une surface séparant deux milieux transparents d’indices différents, soit lorsqu’elle change de milieu. Les paramètres influençant la réfraction du globe oculaire sont : la longueur axiale, les courbures des dioptres de l’œil et l’indice des milieux transparents. On peut la mesurer de la façon suivante :
Par mesure objective au réfractomètre automatique permettant d’obtenir une valeur théorique de la réfraction oculaire sphérique et cylindrique.
Par mesure subjective de loin et de près avec et sans correction. Grâce aux valeurs obtenues au réfractomètre automatique, l’examinateur ajuste la correction optique afin d’obtenir la meilleure acuité visuelle sans sur-corriger le patient.
Les troubles réfractifs représentent la 1ère cause de consultation en ophtalmologie et touchent près de la moitié de la population : myopie 29% de la population, hypermétropie 9%, astigmatisme 15% souvent associé à une amétropie sphérique, et enfin la presbytie qui touche tout individu à partir d’un certain âge.
La chirurgie réfractive a pour objectif de corriger les défauts de réfraction : myopie – hypermétropie – astigmatisme principalement mais il existe également des méthodes pour corriger la presbytie. Le but étant d’acquérir une vision sans correction, identique à la vision préopératoire corrigée en lunettes, afin que le patient ne dépende plus du port de lunettes ou de lentilles de contact. La 1ère indication de chirurgie réfractive est la myopie.
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PARTIE 1 : PARTIE THEORIQUE
I. Vision des contrastes
1. Définition
Un contraste est une différence de luminance entre les surfaces adjacentes des objets vus. La luminance correspond à la valeur physique de quantification de la luminosité. Et se définit plus précisément comme l’intensité de rayonnement par unité de surface perpendiculaire à la direction d’origine de l’émission. Elle s’exprime en apostilb (asb) ou en candela par mètre carré (cd.m-2) (1 asb = 0.3183 cd.m-2). Le contraste est une caractéristique propre de l’image. Il quantifie la différence de luminosité entre les parties claires et les parties sombres d’une image.
a) Contraste global & contraste local
Le contraste global ou contraste de modulation d’une image a été défini par Mickelson :
𝐶𝑚 = (𝐿𝑚𝑎𝑥 – 𝐿𝑚𝑖𝑛) (𝐿𝑚𝑎𝑥 + 𝐿𝑚𝑖𝑛)
Cela donne un chiffre compris entre 0 et 1, souvent exprimé en pourcentage et utilisé pour mesurer la fonction de sensibilité aux contrastes. 90% étant un contraste très élevé et 10% un contraste très faible devenant à peine visible. Il est ici introduit la notion de luminance moyenne qui ne varie pas lorsque le contraste varie :
𝐿𝑚𝑜𝑦𝑒𝑛𝑛𝑒 = 𝐿𝑚𝑎𝑥 + 𝐿𝑚𝑖𝑛
Tous les tests utilisant les réseaux sinusoïdaux de luminance utilisent cette formule qui semble plus rigoureuse car elle ne fait intervenir qu’une seule variable : le contraste.
Le contraste local, utilisé en photographie, correspond à la perception des contours d’une
image = piqué. Défini par la loi de Weber-Fechner :
𝐶𝑤 = (𝐿𝑧𝑜𝑛𝑒 – 𝐿𝑓𝑜𝑛𝑑) (𝐿𝑓𝑜𝑛𝑑)
Plus utilisé pour obtenir le contraste à un optotype, où Lzone est la luminance de l’optotype et Lfond la luminance du fond.
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b) 2 types de sensibilité au contraste
La lumière est constituée d’une organisation énergétique pour la vision des couleurs et d’une organisation spatiale et temporelle qui nous donne les 2 types de sensibilité au contraste : La sensibilité au contraste spatial et la sensibilité au contraste temporel.
Sensibilité au contraste spatial : capacité du système visuel à détecter des différences de
luminance sur des éléments de dimensions variées, statiques. Elle dessine l’enveloppe du domaine visible et les possibilités de discrimination du contraste.
Sensibilité au contraste temporel : permet de distinguer des différences de luminance sur
des images mobiles, l’œil reste fixe et l’image en mouvement se déplace sur la rétine.
2. Vision des contrastes et acuité visuelle
La fonction de sensibilité au contraste de luminance est la capacité du système visuel à détecter des différences de luminance sur les éléments de l’environnement. C’est un test global de la fonction neurosensorielle qui explore des unités fonctionnelles, devenu une technique d’exploration de la vision depuis 1977.
Au niveau mathématique, la sensibilité représente l’inverse du contraste soit 𝑺 = 𝑪𝒎𝟏 (où S est la sensibilité et Cm le contraste global). Cette formule est utilisée pour la représentation graphique de la fonction de sensibilité au contraste.
L’Acuité visuelle est la capacité de discerner un objet situé le plus loin possible. Elle représente la valeur fonctionnelle de la fovéa ainsi que la valeur chiffrée de la fonction visuelle de l’œil, mesurée à l’aide de plusieurs échelles :
Echelle de Monoyer : mesure l’acuité visuelle de loin en dixième où 10/10ème
correspond à une vision normale.
Echelle de Parinaud : mesure l’acuité visuelle de près, valeur chiffrée de P14 (valeur la plus basse) à P1,5 (valeur la plus haute) avec un texte lu à une distance d’environ 33cm.
Echelle EDTRS est une nouvelle échelle d’évaluation de l’acuité visuelle de loin privilégiée de nos jours car la progression des lignes est logarithmique. La taille des
9 lettres diminue donc de façon progressive et l’évaluation de l’acuité visuelle est plus précise.
Cependant l’acuité visuelle n’explore qu’un paramètre de la perception visuelle : elle mesure le pouvoir séparateur de l’œil au contraste maximale (100%) soit l’angle minimum de résolution dit AMR, pour en faire un test d’exploration de la fonction maculaire. C’est une forme particulière de sensibilité au contraste. Elle ne reflète pas la vie quotidienne.
En somme, le test de la vision des contrastes est un test global de la fonction visuelle beaucoup plus informatif que l’acuité visuelle qui n’explore que les capacités à contraste maximale soit qu’une partie des informations. A partir de l’étude la sensibilité au contraste, on détermine l’enveloppe de vision qui correspond au domaine visible par l’œil.
3. Zone anatomique et mécanisme à son origine
La vision des contrastes dépend de 2 facteurs : Le système optique de l’œil
Les facteurs neuronaux des voies optiques
Le premier élément de la chaine est le segment antérieur de l’œil qui possède 2 rôles essentiels : le transfert de la lumière et le rôle optique de focalisation.
a) L’œil est récepteur d’image, transformateur de lumière et transmetteur d’informations.
Une fois capturée, l’image est décomposée par la rétine, qui est l’organe intégrateur et récepteur de lumière, pour être transmise aux centres cérébraux supérieurs par l’intermédiaire de différents canaux véhiculant un élément caractéristique. De ce fait, il existe des groupes cellulaires spécifiques :
Uniquement actifs aux différences de luminance (intensité lumineuse) Sensibles à chaque composant du spectre électromagnétique (couleurs) Permettant la perception des formes
Statiques (contraste spatial de luminance) ou Dynamiques (contraste temporel de luminance)
10 Ainsi, l’information visuelle n’est pas traitée par un système hiérarchique unique mais par plusieurs systèmes dont les propriétés sont très différentes. Les différentes composantes de l’image sont réparties de manière structurée et organisée :
En vision centrale :
Une résolution spatiale élevée = l’acuité visuelle Des fréquences spatiales élevées
La vision des couleurs En vision périphérique :
Une résolution spatiale faible
Des fréquences spatiales basses et moyennes Le champ visuel
La perception du mouvement
L’œil réalise une transformation de Fourrier : la lumière arrive et l’œil effectue alors une décomposition de cette dernière en un ensemble de contrastes. Toute image ne doit correspondre qu’à une seule distribution de réseaux, et un spectre fréquentiel qu’à une seule image. L’analyse de Fourrier appliquée à l’étude des fréquences spatiales montre qu’un système qui utilise la décomposition spectrale ne perd pas d’information. De plus, cette transformation accomplie par la rétine permet au cerveau non pas simplement de reconstituer une image, mais aussi de la comprendre ce qui est l’objectif premier des aires visuelles.
Pour la sensibilité au contraste, ce sont les cellules ganglionnaires magnocellulaires qui en sont le support anatomique. Et plus particulièrement les cellules ganglionnaires magnocellulaires W et X qui sont actives pour la sensibilité au contraste spatial alors que pour la sensibilité au contraste temporel ce sont les cellules ganglionnaires magnocellulaires Y qui sont actives, soit 20% des cellules ganglionnaires. Les champs récepteurs de ces cellules sont arrondis, il en existe 2 types. A savoir qu’un champ récepteur est une zone de rétine dont l’illumination va modifier le fonctionnement d’autres cellules. Il y a ceux dont le centre répond aux stimuli lumineux appelés on-center ou centre excitateur et ceux dont le centre répond à l’extinction du stimulus lumineux appelés off-center ou centre inhibiteur.
11 L’illumination de la rétine provoque une excitation de la cellule étudiée lorsque le spot est présenté dans une région du champ visuel, alors qu’elle entraine au contraire l’inhibition de cette même cellule lorsque le spot lumineux est projeté dans une région ne se trouvant pas dans le champ visuel. L’illumination du centre entraine l’excitation de la cellule ganglionnaire alors que l’illumination de la périphérie entraine son inhibition. (Figure 1)
Centre inhibiteur d’une cellule
Centre excitateur d’une cellule
b) Les voies visuelles : prise en charge d’une composante spécifique de l’image
Comme évoqué précédemment, il existe des canaux spécifiques de l’information relative aux couleurs, formes, mouvements et intensités lumineuses. L’information est donc traitée par plusieurs systèmes. Et chacun d’entre eux diffèrent suivant leurs propriétés respectives. Pour chaque canal analyseur est défini un contraste ou profil de luminance.
Les différentes cellules ganglionnaires de la voie magnocellulaire se projettent de la façon suivante :
Les cellules ganglionnaires magnocellulaires X sur les noyaux des corps géniculés Latéraux.
Les cellules ganglionnaires magnocellulaires Y sur les corps géniculés latéraux et à un niveau moindre sur les colliculi supérieurs.
Les cellules ganglionnaires magnocellulaires W presque exclusivement sur les colliculi supérieurs.
Colliculus supérieur : structure sous-corticale captant les informations sensorielles pour
assurer l’orientation de la position de la tête. Il se trouve dans le cerveau, au niveau du toit du mésencéphale. Son rôle est de diriger les récepteurs sensoriels de la tête vers des objets
Figure 1 : Représentation schématique des champs récepteurs d’une cellule.
12 d’intérêt. Il reçoit également des informations indirectes qui passent par le cortex visuel, des informations relatives à l’audition et à la somesthésie (principal système sensoriel de l’organisme), de sortes que les réponses sensorielles puissent être coordonnées avec les mouvements de la tête et des yeux en direction du stimulus. Il est fortement impliqué dans la sélection des centres d’intérêts, l’orientation de la tête et des yeux vers ces derniers, la coordination oculo-manuelle et l’initiation des saccades oculomotrices.
Thalamus : permet le relai et l’intégration des afférences sensitives et sensorielles et des
efférences motrices.
Le corps géniculé latéral : reçoit des informations directement de la rétine et envoie des
projections dans le cortex visuel occipital via les radiations optiques : il reçoit des informations en provenance des champs visuels des deux hémi-rétines homonymes. Selon une correspondance point à point c’est le premier niveau de réception de la vision binoculaire.
Puis l’information va parvenir au niveau du cortex visuel primaire, qui est une structure constituée d’unités fonctionnelles, organisée en colonnes appelées hyper-colonnes ou colonnes de dominance oculaire.
En réalité, le stimulus perçu par ce dernier est un réseau à profil de luminance sinusoïdal : il ne s’agit pas de barres « noires-blanches-noires » mais « noires-grises-blanches-grises-noires ». Chaque cellule de l’aire visuelle primaire répond précisément à une barre de largeur, d’orientation, de direction et de fréquence temporelle donnée.
Ainsi la rétine décompose toutes les images projetées sur elle en une somme de réseaux sinusoïdaux avec un contraste variable. L’examen de la sensibilité au contraste correspond donc à des processus de détection et de discrimination de ces réseaux sinusoïdaux composant une image, qui sont les seuls stimuli perçus par le cerveau. La fonction de sensibilité au contraste donne l’enveloppe globale de la vision.
4. Examen
a) Principe et réalisation
Les tests de la vision des contrastes analysent les capacités de discrimination spatiale, temporelle et du mouvement à contraste variable du système visuel, autrement dit la
13 fonctionnalité pour la reconnaissance statique et dynamique à différents niveaux de luminances. Ils étudient le transfert de la stimulation lumineuse le long de l’ensemble des voies visuelles appelé la voie optique.
Basés sur la méthode psychophysique des seuils tout comme pour l’acuité visuelle, soit qu’ils sont dépendants de la participation du patient. Ce sont des tests dits subjectifs.
Les critères de réalisation : Présentation de réseaux Participation du sujet
Distance constante par rapport aux réseaux sinusoïdaux présentés En monoculaire
Les conditions ambiantes doivent rester constantes afin de pouvoir comparer les résultats du patient avec un groupe témoin. Luminosité de la pièce, bruit ambiant et éloignement des tests sont des paramètres très importants à respecter.
Il y a différentes techniques :
Méthode descendante : On a un réseau de fréquence spatiale donnée (cycle par degré). On part d’un réseau de contraste maximal que l’on diminue jusqu’à devenir imperceptible soit, jusqu’au seuil de perception.
Méthode ascendante : on part d’un réseau de contraste non perceptible que l’on augmente jusqu’à devenir perceptible.
Méthode du « choix forcé » : présentation de réseaux de moins en moins perceptibles et il faut « obliger » le patient à en définir une caractéristique (stries horizontales ou verticales / orientées vers la droite, vers la gauche ou verticales). En général cette technique est préférée car elle serait plus rigoureuse que les deux précédentes. Lorsqu’on approche du seuil de visibilité, il faut réaliser plusieurs mesures car il existe à ce niveau une variabilité physiologique.
Différents appareils de mesure sont fréquemment utilisés pour l’étude de la fonction de sensibilité au contraste. Les plus utilisés sont les processeurs graphiques avec un écran
vidéo permettant une analyse plus fine des seuils, ils doivent donc être préférés aux autres
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sensibilité aux contrastes fait partie des appareils de mesure retrouvés régulièrement. Ce
sont des tableaux sur lesquels sont imprimés des réseaux (Figure 2) :
Ligne : réseaux de taille fixe (même fréquence spatiale) et le contraste diminue. Colonne : réseaux dont le contraste est identique mais avec une fréquence spatiale
de plus en plus élevée.
Ces planches ont l’avantage d’être peu couteuses mais sont moyennement précises. Elles ne permettent pas une détection précoce d’un déficit infra-clinique.
Figure 2 : Planche d’étude de la vision des contrastes d’après Vistech Consultants Inc. Issue du site University of Calgary, spatial vision.
On peut noter qu’il existe également des planches d’optotypes à contrastes variables (Figure 3) mais ces dernières font intervenir des capacités cognitives supplémentaires. Les résultats peuvent être rapprochés de ceux retrouvés avec la méthode classique des planches de réseaux. Cette méthode peut être d’une grande utilité dans l’exploration de la vision des contrastes dans la vision de près.
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i Tests de la sensibilité au contraste spatial
Il est nécessaire de générer une image spécifique stimulant un canal donné. Cette image est un réseau sinusoïdal. Ce dernier est formé d’une alternance de bandes plus ou moins claires et plus ou moins sombres. S’il possède une alternance de bandes noires et blanches (Figure 5), il explore un contraste élevé et s’il possède une alternance de bandes dont la différence d’intensité est faible (Figure 4), il explore un contraste faible.
En plus du contraste de stimulation, le réseau est caractérisé par sa fréquence spatiale c’est-à-dire la largeur des bandes, mesurée en cycle par degré d’angle visuel. Les basses fréquences spatiales correspondent aux barres larges (Figure 7) et les hautes fréquences spatiales aux barres très fines (Figure 6). Il est aussi remarquable par la position des bandes dans le champ visuel et son orientation (horizontale, verticale ou oblique).
En pratique, un réseau est présenté avec une fréquence spatiale fixe et seul le contraste de luminance varie. Dès que le réseau lumineux est vu, cela correspond au seuil de sensibilité au contraste pour la fréquence spatiale étudiée, où dès qu’il n’est plus vu selon la méthode utilisée. Soit, à partir d’une valeur de contraste, le patient perçoit le réseau et l’orientation de la trame. En répétant ces mesures pour différentes fréquences spatiales, on définit « l’enveloppe de sensibilité aux contrastes » du système visuel soit l’enveloppe de la capacité de détection des formes pour un œil. Plusieurs méthodes peuvent être utilisées pour la mesure de la sensibilité au contraste spatial :
Méthode objective : mettant en jeu le recueil d’un signal électro-physiologique.
Figure 5 : Représentation d'un réseau de contraste élevé. Issu du cours du Dr BONNIN sur la sensibilité au contraste.
Figure 4 : Représentation d'un réseau de contraste faible. Issu du cours du Dr BONNIN sur la sensibilité au contraste.
Figure 7 : Représentation d'un réseau avec fréquence spatiale faible. Issu du cours du Dr BONNIN sur la sensibilité au contraste.
Figure 6 : Représentation d'un réseau avec haute fréquence spatiale. Issu du cours du Dr BONNIN sur la sensibilité au contraste.
16 Méthode subjective : utilisant un test psychophysique tel les planches de réseaux.
ii Tests de la sensibilité au contraste temporel :
A savoir que la sensibilité au contraste temporel est peu étudiée.
Pour les tests, ce sont des images en opposition de phase (comme pour le champ visuel FDT) et on regarde jusqu’à quelle vitesse le mouvement est perçu.
Flicker test = image de basse fréquence si bien que l’ensemble du champ visuel est stimulé.
b) Résultats
i Sensibilité au contraste spatial
Les courbes de sensibilité au contraste sont représentées sur des graphiques où l’on retrouve en abscisse les fréquences spatiales et en ordonnées la sensibilité au contraste (sur la gauche), en échelle logarithmique ou en décibel. On retrouve parfois sur la droite le contraste exprimé en pourcentage. Ces courbes obtenues sont appelées « enveloppe de
vision » : c’est la zone qui est visible par le sujet. Au-dessus de celle-ci, cela correspond à la
zone non perçue. Quel que soit la méthode et le matériel utilisé, on mesure pour chaque fréquence spatiale testée une valeur de contraste exprimée en unité logarithmique (valeur comprise entre 0 et 1).
Une courbe normale a une forme de cloche avec un pic de sensibilité dans les moyennes fréquences spatiales. La sensibilité au contraste pour des barres très fines, soit pour des hautes fréquences spatiales, explore les mêmes canaux que ceux étudiés lors de la mesure de l’acuité visuelle. L’aspect de la courbe montre que la sensibilité au contraste pour ces barres fines est particulièrement basse, ce qui explique pourquoi la mesure de l’acuité visuelle n’explore que partiellement la vision centrale. 3 formes de résultats sont mises en évidence :
17 Visuogramme (Figure 8) : représente l’écart entre la situation testée et une situation de référence. Pour chaque fréquence, le gain ou l’atténuation sont représentés en décibel (dB).
Figure 8 : Résultats du test de la vision des contrastes sous forme de Visuogramme. Issu du cours du Dr BONNIN sur la sensibilité au contraste.
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Courbe en coordonnées logarithmiques (Figure 9): contraste-seuil en ordonnée et
fréquences spatiales en abscisse. L’optimum de sensibilité se trouve entre 1 et 4 cycles par degré d’angle visuel ; soit la zone des moyennes fréquences spatiales. En deçà on retrouve les basses fréquences spatiales et au-delà les hautes. Exemple ci-dessous :
Figure 9 : Résultats du test de la vision des contrastes sous forme de coordonnées logarithmiques. Issu du cours du Dr BONNIN sur la sensibilité au contraste.
Enveloppe de vision (Figure 10) : les valeurs seuils de contraste pour chaque fréquence spatiale testée représentent la limite de visibilité. Au-dessus, se situe la zone de non-vision. Et en dessous se trouve l’ensemble du domaine visible par l’œil.
Figure 10 : Résultats du test de la vision des contrastes présentés sous la forme d’Enveloppe de vision. Issu du cours du Dr BONNIN sur la sensibilité au contraste.
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ii Sensibilité au contraste temporel
Pour ces tests, on présente une image en mouvement :
Soit en opposition de phase : réseaux dont la luminosité s’inverse, c’est-à-dire la partie noire devenant blanche et la partie blanche devenant noire.
Soit sous forme de réseaux sinusoïdaux se déplaçant sur un écran.
Si la fréquence spatiale de ces réseaux est élevée, les barres semblent clignoter mais au contraire si elle est basse, c’est l’écran qui semble clignoter. En pratique, on présente un réseau sinusoïdal à fréquence spatiale variable, se déplaçant à une vitesse donnée. Puis on diminue le contraste petit à petit jusqu’à ce qu’il devienne imperceptible.
Flicker test : image de basse fréquence spatiale si bien que tout le champ visuel est stimulé. Plusieurs fréquences temporelles, exprimées en Hertz, sont testées. Pour chaque fréquence temporelle, un contraste-seuil est déterminée.
Les résultats (Figure 11) sont représentés sous la forme d’une cloche +/- prononcée. On retrouve une faible sensibilité pour les basses et hautes fréquences temporelles.
Figure 11 : Représentation des résultats du test de la vision des contrastes temporels (Flicker Test). Issu du cours du Dr BONNIN sur la sensibilité au contraste.
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c) Les facteurs influençant la sensibilité au contraste
La luminance : si l’on baisse sa valeur, cela diminue le seuil de sensibilité. L’œil a une sensibilité spécifique pour une certaine luminance.
Les conditions d’éclairement rétinien : l’éclairage maximal permet l’optimisation de la vision des contrastes.
La couleur ajoutée sur les réseaux : sensibilité au vert > bleu > rouge.
L’orientation des réseaux : joue un rôle sur le seuil de sensibilité car on retrouve une meilleure sensibilité avec une orientation verticale.
Le type de test : les tests utilisant des optotypes font intervenir des performances cognitives à la différence des réseaux.
Le temps de présentation : optimum de l’ordre de la seconde. La transparence des milieux.
Le diamètre pupillaire : optimal entre 2 et 4mm.
L’âge : optimal vers 11 ans et diminue à partir de 40 ans.
A savoir, que la sensibilité au contraste se développe entre 1 et 6 mois et les méthodes d’examen peuvent être utilisés dès 3 ans ; à cet âge la sensibilité au contraste est inférieure à celle de l’adulte pour toutes les fréquences spatiales. Elle devient identique à celle de l’adulte à partir de 8 ans. Chez les personnes âgées, la sensibilité au contraste se modifie progressivement. Il y a une baisse de sensibilité pour les hautes fréquences spatiales dû à un phénomène neuronal et à une baisse de l’illumination de la rétine par un myosis sénile. L’évaluation de la sensibilité au contraste est un moyen exhaustif d’analyse du transfert du spectre électromagnétique lumineux à travers les milieux transparents de l’œil, l’intégration rétinienne, et le transfert le long des voies visuelles, jusqu’aux aires associatives cérébrales. L’étude de la sensibilité au contraste délimite l’ensemble du domaine visible par l’œil dont l’acuité visuelle, certes de mesure facile, ne réalise qu’une infime partie. De plus, l’évaluation de ses limites peut permettre de mettre en évidence des altérations précoces dans certaines pathologies. Son étude doit être réalisée dans des conditions rigoureuses et toujours identiques afin d’aboutir à des résultats reproductibles.
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II. Chirurgie réfractive
1. Système optique et amétropies
L’œil est un système optique ayant une puissance de 65 dioptries. Dans ce dernier, les rayons lumineux rencontrent plusieurs surfaces de réfraction : les faces antérieures et postérieures de la cornée et du cristallin. A savoir que la cornée représente les 2/3 de la puissance totale, soit environ 42 dioptries et le cristallin représente le 1/3 restant, soit environ 20 dioptries.
La cornée (Figure 12) est le premier élément du dioptre oculaire. Son épaisseur diminue de la périphérie (600µm) vers le centre (environ 500µm). Elle est formée de 5 couches tissulaires différentes : Epithélium – Membrane de Bowman – Stroma – Membrane de Descemet – Endothélium. Le rayon de courbure de la face antérieure est de 7,7mm en moyenne et celui de la face postérieure est de 6.8mm. Son indice de réfraction est de 1.377. De plus une cornée est d’autant plus puissante (en dioptries) qu’elle est courbe, c’est-à-dire que son rayon de courbure (en mm) est faible. Elle est dite prolate car plus bombée au centre qu’en périphérie. Cette forme naturelle permet une excellente focalisation des rayons lumineux sur la macula. Elle deviendra oblate (plus bombée en périphérie qu’au centre) après une chirurgie de myopie puisque l’on aura aplati son centre.
22 Un œil emmétrope est un œil optiquement normal, les rayons lumineux pénétrant dans l’œil, convergent sur la rétine et l’image est vue nette sans accommodation.
Un œil amétrope est un œil porteur d’une anomalie de réfraction. L’image d’un objet situé à l’infini ne se forme pas sur la rétine et celui-ci est donc vu flou. Le point focal de l’ensemble cornée/cristallin se situe soit en avant soit en arrière de la rétine.
Les différentes amétropies :
Myopie : amétropie sphérique dans laquelle l’œil est trop convergent ou trop long par rapport à sa convergence. L’image de l’objet situé à l’infini se forme en avant de la rétine (Figure 13) et l’objet est donc vu flou.
Figure 13 : Représentation schématique des résultats de la myopie. Issue du site du Dr Gatinel.
Les signes fonctionnels : vision floue de loin mais assez nette de près ; céphalées ; fatigue
visuelle. Le diagnostic de presbytie est plus tardif et prend la forme d’une amélioration de la myopie. Sa fréquence a augmenté dans les dernières décennies. Elle est d’origine génétique et environnementale. Ses facteurs de risque sont principalement les antécédents familiaux de myopie.
o Myopie axile : œil trop long dans le sens antéro-postérieur. Souvent découverte vers 10 ans et se stabilise généralement à l’âge adulte. Dépasse rarement les 6 dioptries.
o Myopie d’indice = myopie réfractive : liée à l’augmentation de la puissance convergente de l’œil. Peut porter sur la cornée (kératocône = secondaire à un rayon de courbure cornéen diminué) ou sur le cristallin (cataracte : secondaire à une augmentation de l’indice réfractif du cristallin).
o Myopie maladie = myopie forte : supérieure à 6 dioptries ou longueur axiale supérieure à 26mm. Elle est dégénérative et débute plus précocement que les autres formes de myopie. Evolue tout au long de la vie pour atteindre 30 dioptries voire plus. Elle peut se compliquer de décollement de rétine, glaucome ou hémorragies.
23 Hypermétropie : amétropie sphérique dans laquelle l’œil n’est pas assez convergent ou trop court par rapport à sa convergence. L’image de l’objet situé à l’infini se forme en arrière de la rétine (Figure 14) et l’objet est donc vu flou. Le mécanisme d’accommodation va cependant compenser le défaut et ramener l’image de l’objet sur la rétine. Dans l’hypermétropie, le système d’accommodation est donc permanent.
Figure 14 : Représentation schématique des résultats de l’hypermétropie. Issue du site du Dr Gatinel.
Les signes fonctionnels sont liés à l’hyper-accommodation nécessaire pour ramener l’image
d’un objet sur la rétine : au début vision bonne de loin et de près puis apparition d’une gêne au bout d’un moment. Céphalées sus-orbitaires ; hyperhémie conjonctivale ; picotements ; larmoiements. Apparition précoce d’une presbytie avant 40 ans.
o Hypermétropie axile : œil trop court dans le sens antéro-postérieur. Présente à la naissance, car l’œil n’a pas encore sa taille adulte, pour disparaitre à l’âge adulte. Si elle est plus importante à la naissance, elle persiste chez l’adulte. La plus fréquente. Hypermétropie d’indice : liée à une diminution de réfraction du cristallin qui peut apparaitre de façon progressive avec l’âge. Rare.
o Hypermétropie de courbure : liée à une insuffisance de courbure du cristallin. Très rare.
Astigmatisme : amétropie statique, non sphérique c’est-à-dire que la réfraction n’est pas la même selon le plan dans lequel se trouve les rayons incidents, dans laquelle l’image d’un point ne correspond pas à un point mais à deux lignes perpendiculaires, appelées « focales » (Figure 15). Le rayon d’incidence de la cornée varie de façon progressive entre 2 plans d’incidences dits « plans principaux ». Le plan principal le plus concave donne l’image la plus antérieure tandis que le plan convexe donne l’image la plus postérieure. Il y a au moins une des deux focales qui n’est pas sur la rétine, c’est pourquoi l’objet n’est pas vu net.
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Figure 15 : Représentation schématique des résultats de l’astigmatisme (mixte). Issu du site du Dr Gatinel.
Les signes fonctionnels ne sont pas présents au 1er plan. On retrouve un flou visuel, rougeur oculaire, céphalées voire une diplopie.
On parle d’astigmatisme régulier lorsque les 2 méridiens principaux sont perpendiculaires l’un à l’autre et d’astigmatisme irrégulier lorsqu’il n’y a pas de symétrie entre ces derniers.
o Astigmatisme simple : une des 2 focales n’est pas située sur la rétine. Myopique : la 2ème
focale se situe en avant de la rétine. Hypermétropique : la 2ème
focale se situe en arrière de la rétine.
o Astigmatisme composé : aucune des 2 focales ne se trouve sur la rétine. Myopique : les 2 focales sont en avant de la rétine.
Hypermétropique : les 2 focales sont en arrière de la rétine. o Astigmatisme mixte : une focale se situe en avant et l’autre en arrière de la
rétine.
Actuellement la technique de mesure la plus fiable et la plus précise de l’astigmatisme est la réfractométrie automatique qui donne la valeur et l’axe.
Presbytie : amétropie sphérique dynamique acquise de manière physiologique. Elle correspond à la perte progressive du pouvoir accommodatif de l’œil.
L’accommodation étant le changement qui s’opère dans l’œil pour rendre la vision distincte à des distances différentes. Elle est réalisée par la modification de forme du cristallin sous l’influence du muscle ciliaire et correspond à une puissance d’environ 3 dioptries. La perte physiologique de cette accommodation correspond à la perte de l’élasticité du noyau du cristallin et au fait que le muscle ciliaire perd de sa capacité à relâcher la zonule. Elle débute généralement aux alentours de 45-50ans pour devenir totale vers 65ans. Cela reste très
25 approximatif et varie suivant chaque personne. L’image d’un objet en vision de près se projette en arrière de la rétine alors que l’image d’un objet en vision de loin n’est pas modifiée (Figure 16).
Figure 16 : Représentation schématique des résultats de la presbytie. Issue du site du Dr Gatinel.
Les signes fonctionnels comprennent une baisse d’acuité visuelle en vision de près se traduisant par des difficultés de lecture (tendance du patient à éloigner son texte), fatigue visuelle, céphalées, picotements et rougeurs oculaires.
2. Les différentes techniques de chirurgie réfractive
Pour modifier la réfraction de l’œil, il est possible de modifier la puissance de la cornée et/ou la puissance du système optique intraoculaire. Deux grands principes agissant sur l’épaisseur cornéenne sont possibles :
Chirurgie soustractive où l’on enlève avec un laser Excimer du tissu cornéen selon un algorithme particulier modifiant puissance et forme. Cette méthode comprend la photokératectomie réfractive (PKR) et le laser assisted in-situ keratomileusis (Lasik).
Chirurgie additive où l’on insère des optiques dans l’œil (implant) devant ou à la place du cristallin. On a rarement recourt à des implants spéciaux placés devant la cornée.
Les techniques cornéennes consistent à établir un aplatissement du centre de la cornée, avec ou sans ablation de tissu stromal. Avec le Laser Excimer, le but est de modifier la forme de la cornée par une radiation ultraviolette de 193nm de longueur d’onde. L’onde est émise
26 par un laser Excimer qui réalise une photo-ablation. Le degré de myopie corrigé est fonction de la profondeur et du diamètre de la photo-ablation. Nous nous intéresserons plus particulièrement aux interventions dites par soustraction ou ablation de tissu cornéen. Dans ce cas, un bilan pré opératoire est réalisé. Ce dernier permet de déterminer avec précision l’erreur réfractive et de rechercher une éventuelle contre-indication à la chirurgie. Il débutera par :
Un interrogatoire précis et rigoureux qui permettra d’établir une relation de confiance avec le patient. On lui demandera son âge (doit être supérieur à 18), le motif à l’origine de la motivation pour une telle intervention, ses antécédents ophtalmologiques et généraux, s’il prend des traitements, s’il porte des lunettes de manière occasionnelle ou permanente, s’il porte des lentilles de contact et/ou si elles sont supportées, s’il présente un syndrome sec, sa profession ainsi que s’il pratique un sport ou non. Si une grossesse est en cours ou envisagée il sera dans ce cas préférable de reculer la date de la chirurgie. On demandera également au patient de décrire sa vision : de loin/de près, de nuit/en journée, plaintes éventuelles (halos, éblouissements… ?).
L’examinateur devra s’assurer de la stabilité de l’amétropie. La réfraction doit être non évolutive. On mesurera l’acuité visuelle en vision de loin et de près d’abord sans correction, en monoculaire et binoculaire. Puis on réalisera une réfraction subjective, afin de trouver la meilleure acuité visuelle corrigée. Et enfin on terminera par une réfraction objective sous cycloplégique (Skiacol) car toute personne présente une capacité accommodative jusqu’à l’âge de 50ans.
La détermination de l’œil directeur est effectuée en faisant observer un point lumineux distant à travers un cercle. Cet œil sera favorisé de loin surtout pour une correction de la presbytie.
L’étude de l’équilibre oculomoteur avec et sans correction est nécessaire : examen sous écran, étude de la convergence et vérification de la vision stéréoscopique (présentation d’un test de TNO qui est normal à partir de 80’’). Si le patient présente une anisométropie, un déséquilibre oculomoteur ou une absence de vision stéréoscopique, un bilan complet sera demandé.
27 Une topographie cornéenne est nécessaire dans un but médico-légal pour vérifier l’épaisseur de la cornée ainsi qu’une absence de kératocône qui est une contre-indication formelle à la chirurgie réfractive.
Une pachymétrie est réalisée pour connaitre l’épaisseur cornéenne : une cornée trop fine est également une contre-indication à la chirurgie de type Lasik.
Une pupillométrie est importante car certaines chirurgie sont pupillo-dépendantes et nécessitent une pupille supérieure ou égale à 3mm en ambiance photopique. Ces 3 dernières mesures sont retrouvées sur l’Orbscan qui est un topographe cornéen. Il réalise une cartographie spécialisée de la cornée : kératométrie (soit les rayons de courbure cornéens) pachymétrie, pupillométrie et la mesure de l’angle kappa (angle mesuré entre l’axe visuel et l’axe pupillaire). Si ce dernier est trop important cela peut entrainer une excentration trop importante du laser et donc un mauvais résultat. Lors de la réalisation d’un Orbscan, il se fait un balayage optique grâce à des fentes lumineuses qui scannent la cornée, ce qui permet de reconstruire en 3 dimensions le volume cornéen et d’étudier les variations de son relief antérieur et postérieur. L’épaisseur point par point de la cornée est trouvée par la distance entre les 2 faces. Il est également muni de disques de Placido qui permettent le recueil des données de la courbure cornéenne. La hauteur d’un point est positive si le point est au-dessus de la sphère de référence, et négative s’il est en-dessous. Les points hauts sont représentés par des couleurs chaudes (rouge orange), ils correspondent à l’axe d’astigmatisme le plus marqué, aux endroits les plus cambrés. Et les points bas en bleu correspondent aux endroits les plus plats, axe d’astigmatisme le moins marqué.
Une mesure de la tension intraoculaire est nécessaire car sa mesure est artificiellement abaissée après la chirurgie, en raison d’un amincissement cornéen. Une OCT (tomographie en cohérence optique) du segment antérieur peut être
effectuée, s’il y a eu une opération antérieure de la cornée.
Un fond d’œil ainsi qu’un examen à la lampe à fente seront réalisés pour s’assurer de l’état oculaire. A noter que toutes pathologies rétiniennes et du nerf optique seront une contre-indication à la chirurgie réfractive.
Ainsi, la technique opératoire la plus adaptée à la réfraction du patient pourra être déterminée. Une information au patient est indispensable et doit renseigner sur les résultats
28 visuels obtenus en général dans le type d’amétropie qu’il présente, les risques (halos ou éblouissements post-opératoires), ainsi que sur le fait qu’une vision parfaite ne peut être obtenue dans tous les cas. De plus on précisera aux patients que cette chirurgie n’est pas prise en charge par l’assurance maladie.
a) Chirurgie avec Laser de Surface : PKR = PhotoKératectomie Réfractive
La Photokératectomie Réfractive permet de réaliser un remodelage cornéen par photo-ablation directement sur la couche de Bowman, qui correspond à la 2ème « couche » cornéenne (Figure 12). On parle de traitement de surface.
i Principe
Mode d’émission : le rayonnement Excimer utilisé en chirurgie réfractive est émis à partir
d’un mélange de l’argon et de la fluorine. Ces deux gaz mélangés puis exposés à une décharge électrique puissante, mobilisent des électrons vers des couches d’énergie supérieure et forment des molécules instables d’argon-fluoride. Quand ces molécules se décomposent, elles émettent une lumière ultra-violette d’une longueur d’onde de 193nm à faible pénétration cornéenne permettant de conjuguer une précision d’ablation et un respect du stroma adjacent. Ceci correspond à ce que l’on appelle la photo-ablation
cornéenne et c’est la phase commune à toutes les chirurgies réfractives. A savoir qu’à
l’intérieur de la cavité du laser se trouve un gaz tampon, l’hélium ou le néon. Il remplit 88 à 99% de la cavité. Le gaz rare (l’argon) constitue 0,5 à 12% du mélange et l’halogène (la fluorine) contribue pour 0,5% du mélange.
Paramètres du laser : En dehors de la longueur d’onde, plusieurs paramètres modifient
l’effet du faisceau laser sur la cornée : la durée des impacts, leur fréquence, leur nombre, la fluence, la configuration du faisceau, mais aussi l’hygrométrie ambiante, les variations de température et l’hydratation du stroma du patient. Selon les machines, les variables qui sont sous le contrôle du chirurgien et sur lesquelles il peut agir, sont : la fréquence des impacts, leur nombre et la fluence. A savoir que la fluence est définie comme le flux d’énergie par unité de surface. Elle s’exprime en millijoules par centimètre carré (mJ/cm2). Les fluences utilisées en chirurgie réfractive vont de 120 à environ 350 mJ/cm2.
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Effets tissulaires et réfractifs : le laser argon-fluoride émettant à 193nm a été choisi car c’est
celui qui crée le bord de découpe le plus régulier, et qui endommage le moins les tissus voisins. Le mécanisme de photo-ablation est purement photochimique au contact de la surface cornéenne. L’effet tissulaire est donc une photo-décomposition ablative, soit une rupture des liaisons inter- et intramoléculaires et une projection des fragments obtenus. Pour les fluences utilisées, l’ablation est d’environ 0.25µm par impact. Plus la surface corrigée est grande, plus l’ablation devra être profonde.
ii Indications et contre-indications
La PKR est prévue pour des myopies faibles, inférieures ou égales à 4 voire 6 dioptries maximum dans certains cas. Il n’existe pas de consensus sur la technique de chirurgie la plus adaptée pour les petites myopies. Elle est également prévue pour des hypermétropies et astigmatismes allant jusqu’à 3 dioptries. Cette méthode est indiquée pour son absence de complications connues à long terme, lors des pathologies de surface comme la dystrophie de Cogan et les contre-indications du Lasik pour des raisons anatomiques. Les contres indications spécifiques de la PKR au-delà des contre-indications générales sont :
Les kératites virales à adénovirus datant de moins de 2 ans et pouvant provoquer une activation du processus cicatriciel (donc un haze pathologique soit un voile cornéen). Des cornées très fines aboutissant à une cornée post-opératoire inférieure à 400µm Les kératométrie post-opératoire inférieure à 36 dioptries ou supérieure à 48
dioptries.
Les ablations de plus 100µm de profondeur. Pathologies inflammatoires de la surface oculaire.
iii Technique opératoire
Calibrer le laser selon les instructions du constructeur
Programmer l’amétropie selon la réfraction finale souhaitée et selon le tableau ou la représentation graphique spécifique du laser
Pour certains patients, administration d’un antalgique oral 15 à 30 min avant la chirurgie.
Instillation de 2 gouttes de collyre anesthésiant (oxybuprocaïne ou tétracaïne) 5 minutes avant l’opération et juste avant la pose du blépharostat
30 Réaliser le centrage en déclenchant l’eye-tracker
Dégager les cils de l’aire du traitement
Débrider l’épithélium manuellement (avec ou sans alcool) ou au laser, soit éliminer les débris. Cette étape est la dés-épithélialisation cornéenne. Elle doit être très soignée pour éviter des retards de cicatrisation ou une persistance d’ilots centraux, ainsi que d’endommager la membrane de Bowman. De plus la surface qui subit cela doit être égale à la zone traitée par laser. A savoir que l’épithélium est plus adhérent en périphérie cornéenne et chez les patients porteurs de lentilles de contact.
Absorber l’excès de liquide car la surface de traitement doit être lisse et sèche avant la photo-ablation.
Effectuer l’ablation en contrôlant la position de l’eye-tracker. La profondeur de la photo-ablation ne doit pas dépasser 100µm en raison du risque de haze.
Après l’intervention, administrer un collyre antibiotique, un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS), des agents cicatrisants et fermer l’œil avec un pansement.
Pour certains, une lentille-thérapeutique est mise en place en fin d’intervention. Elle raccourcit le délai de ré-épithélialisation et diminue les douleurs. Ce traitement, susceptible de se compliquer d’infection et d’infiltrats sous épithéliaux nécessite une surveillance quotidienne particulière. A la suite de la chirurgie, il est conseillé de traiter la sécheresse oculaire ainsi que de porter des lunettes avec des verres filtrants anti-ultraviolets (anti-UV) lors d’une exposition au soleil ou en haute altitude durant les 3 premiers mois. Une variante de cette intervention appelée Lasek consiste à conserver l’épithélium tout au long de l’intervention. Ceci est rendu possible par l’utilisation d’alcool dilué. L’épithélium est soulevé comme le capot d’un Lasik, en conservant une charnière. Il est ensuite repositionné puis protégé par une lentille thérapeutique, pendant environ 48 heures. Le but du Lasek est d’améliorer les suites opératoires en matière de confort du patient, d’efficacité et de diminuer le risque de haze. Les résultats sont encore très discutés.
iv Surveillance
Un contrôle le lendemain de l’intervention peut être réalisé afin de vérifier l’absence d’infection au niveau de la cornée ou d’éventuelles complications. En générale, il y a un premier contrôle autour du 5ème jour pour confirmer la fermeture épithéliale et l’absence d’infection ou d’infiltrat. Puis à 1 mois, où il y aura alors une mesure d’acuité visuelle ainsi
31 que du haze. A partir de là, la réfraction peut être contrôlée tous les 2 mois jusqu’à stabilisation (1 mois pour les myopies faibles et de 6 à 12 mois au-delà). La récupération visuelle n’est pas immédiate. A savoir que les suites opératoires immédiates après PKR sont assez douloureuses. L’ulcération cornéenne guérira en quelques jours.
v Résultats
Myopie : la photokératectomie réfractive au laser Excimer est proposée jusqu’à -6 dioptries.
Pour des myopies inférieures à -3 dioptries, la probabilité d’emmétropisation à 1 dioptrie près est comprise entre 91 et 97,6%.
Pour des myopies comprises entre -3 et -6 dioptries on retrouve un pourcentage d’emmétropisation à plus ou moins 1 dioptrie autour de 75%.
De manière plus globale, pour des myopies inférieures à -6 dioptries, les études montrent un pourcentage d’emmétropisation à +/- 0,50 dioptrie près compris entre 53 et 84%.
Une des limites de la correction des moyennes à fortes myopies est l’incidence du haze, lié à la profondeur de la photo-ablation, en post-opératoire. Celui-ci quasiment constant à 1 mois, disparait le plus souvent entre 2 et 3 mois. Il est possible qu’il persiste jusqu’à 1 an dans les corrections importantes. Dans les traitements de la myopie, la récupération visuelle se fait progressivement dans les 3 semaines suivant l’intervention puis reste stable dans le temps. On retrouve une acuité visuelle sans correction supérieure ou égale à 5/10ème dans 73 à 98% des cas pour des myopies inférieures à -6 dioptries.
Hypermétropie : la Photokératectomie réfractive est efficace pour des corrections
inférieures à +3 dioptries. Dans ces indications 63 à 100% des patients ont une acuité visuelle non corrigée supérieure à 5/10ème en post-opératoire, et 22 à 59% des patients ont une acuité visuelle non corrigée supérieure ou égale 10/10ème. Un gain d’acuité visuelle en vision de près peut aussi être retrouvé sans qu’il n’y ait eu une correction de la presbytie. La stabilisation reste plus tardive que pour la chirurgie de la myopie. Elle se fait entre 6 à 9 mois après l’intervention. A savoir qu’on peut observer une régression de 6 à 30% jusqu’au 6ème mois.
En somme, dans les traitements hypermétropiques, le résultat réfractif passe par une phase initiale de sur-correction pendant un à plusieurs mois qui est suivie d’une phase de régression pour enfin aboutir à l’emmétropie.
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vi Photokératectomie et retraitement
Photokératectomie après Photokératectomie : une deuxième PKR est possible sans complications particulières en cas de sous-correction ou de régression avec stabilisation réfractive après un délai de 6 mois correspondant à la cicatrisation du stroma cornéen. Photokératectomie après Lasik : une PKR pour régression après un Lasik augmentera le risque de haze pathologique.
La PKR est une méthode sûre, fiable et prévisible dans la correction des amétropies faibles à modérées. Elle a vu ses indications s’élargir depuis l’utilisation de mytomycine réduisant ainsi le risque de haze. Malgré ses inconvénients représentés par la douleur post-opératoire et un délai plus long de réhabilitation visuelle, elle reste une méthode très courtisée par les opérateurs en raison du faible risque d’ectasie cornéenne à long terme.
b) Chirurgie « tout laser » : Lasik
Lasik = Laser Assisted Intra Stromal Keratomileusis. On réalise avec cette technique un remodelage cornéen par photo-ablation sur le stroma antérieur. Ce laser est dit « in situ ». En pratique, cette technique de chirurgie réfractive est la plus utilisée de nos jours puisqu’elle couvre 90% des indications de chirurgie d’amétropie, et ce dans le monde, du fait de son champ d’application, de la qualité de ses résultats et de son faible taux de complications. Le Lasik succède à différentes techniques de chirurgie réfractive dont il emprunte certains critères comme la prédictibilité de l’ablation stromale par le laser Excimer et la réduction de toutes les réactions tissulaires grâce à la protection du site d’ablation par un capot-stromal.
i Technique opératoire
L’intervention se réalise en ambulatoire. Une sédation préopératoire peut être proposée avant l’anesthésie locale de la cornée par utilisation d’oxybuprocaïne. Les vérifications du laser sont faites avant l’entrée du patient dans le bloc opératoire. Le choix du diamètre de l’anneau et de l’épaisseur du plateau est fait au préalable en fonction des données retrouvées aux examens et en particulier en fonction de la pachymétrie et de la kératométrie. Cette technique associe la découpe d’un volet cornéen superficiel avec charnière à une soustraction de tissu cornéen réalisée par la photo-ablation d’un laser
33 Excimer. Cela permet la correction d’un large éventail d’amétropie. Elle s’appuie sur un interrogatoire et des examens soigneusement menés. Une fois la salle opératoire préparée : On fait entrer et installer le patient. Ce dernier est alors allongé avec la tête parallèle
au sol.
Mise en place des champs opératoires ainsi que des protections des cils et du blépharostat. Ce dernier permet de dégager les cils de l’aire du traitement et d’ouvrir largement la fente palpébrale.
Désinfection des paupières et des culs de sacs conjonctivaux avec de la bétadine diluée à 5% du blépharostat.
La cornée peut être marquée afin de faciliter le repositionnement d’un éventuel capot libre
L’eye-tracker peut être mis en route
Une fois la succion obtenue (le tonus doit dépasser soit 60 mmHg), la découpe est réalisée sur une cornée fortement irriguée. L’apparition d’une mydriase est le témoin d’une bonne succion.
Il existe 2 méthodes de découpe du volet cornéen : microkératome (dont l’utilisation est décrite plus bas) ou laser femtoseconde. Ce dernier est focalisé à une certaine épaisseur au sein du stroma antérieur. Le volet peut être réalisé à des profondeurs allant d’une découpe ultra fine à 130µm, en moyenne, avec une charnière modulable et des angulations de berge variables.
L’eye-tracker est initialisé. C’est un système de détection automatisé et de compensation des mouvements oculaires qui permet d’assurer un bon centrage du traitement même si l’œil présente des micros saccades pendant la délivrance du laser.
Le capot est soulevé en évitant le contact avec la conjonctive : soit il est plié sur lui-même ce qui protège en lui-même temps la charnière pendant l’ablation, soit il est protégé par un fragment d’éponge mouillée
Le lit stromal est séché à l’air, si besoin à l’aide d’une éponge ne laissant pas de débris.
L’ablation au laser Excimer, avec un profil d’ablation adapté à chaque patient, est pratiquée.
34 Puis le capot est repositionné après lavage de l’interface. Le blépharostat est maintenu 2 à 3 minutes afin de permettre l’adhérence du capot. L’irrigation de la cornée est maintenue.
A la fin de l’intervention, on vérifie le positionnement du capot après clignement. Et on instille une association antibiotique-corticoïde.
Un examen à la lampe à fente 30 minutes après permet de vérifier la clarté de l’interface et l’absence de déplacement du capot. Le patient peut repartir avec une coque de protection qu’il mettra pendant quelques nuits pour éviter tout frottement oculaire involontaire, et une ordonnance d’antibiotique, de corticoïde prévenant toute réaction inflammatoire et d’agents mouillants afin de protéger l’épithélium d’un syndrome sec.
LASIK uni- ou bilatéral ? Le Lasik bilatéral devient de plus en plus fréquent. Ajuster la correction du 2ème œil en fonction du résultat du 1er est une théorie car il faudrait attendre au minimum 3 mois après le 1er Lasik pour pouvoir donner une conclusion du résultat. Le principal risque reste l’infection. Même si sa fréquence est rare de manière unilatérale, sa gravité justifierait à elle seule le décalage dans le temps des 2 interventions et cela parfois malgré la demande du patient.
ii Matériel
Laser Excimer avec les mêmes propriétés que pour la PKR.
Utilisation d’un microkératome (Figure 17). Ce dernier est composé : d’un anneau de succion, une tête qui porte la lame, un moteur, des câbles (succion, motorisation électrique), une pédale raccordée à la console pour déclencher le vide et la découpe, une source d’énergie, un système aspiratif et des accessoires. Il se caractérise par le capot obtenu c’est-à-dire le diamètre, l’épaisseur et la position de la charnière, le mode d’avancement (manuel ou automatique), la lame (plus souvent en acier), la fréquence d’oscillation et le système qui en est à l’origine (mécanique ou turbine), les systèmes de sécurité et enfin s’il est à usage unique ou non.
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Figure 17 : Exemple de microkératome (M2 Morial) : le chiffre 130, présent sur la tête correspond à l’épaisseur attendue du capot cornéen. D’après le site du Dr GATINEL.
Les microkératomes rotatifs sont plus faciles à utiliser. Ils permettent également en théorie d’obtenir une charnière supérieure stabilisée par les clignements de la paupière supérieure. L’épaisseur du capot est déterminée par le plateau du microkératome. Les capots de faible épaisseur autorisent des ablations plus profondes et donc de plus grandes zones optiques mais sont plus difficiles à repositionner. Il permet de découper un lenticule superficiel du stroma cornéen avec une lame en acier inoxydable (pour la plupart) oscillante (8 000 à 20 000 tours/min) actionnée par un moteur électrique ou une turbine à gaz. La translation du microkératome est guidée par les rails de l’anneau de succion et peut être motorisée sur un mode linéaire ou circulaire, ou manuel. L’anneau de succion assure la mise en tension du globe et sert de guide au microkératome en maintenant l’œil immobile. L’étanchéité doit être parfaite pour éviter toute perte de succion au cours de la découpe, source de complications. Mais la survenue de complications et l’apparition des lasers femtosecondes ont abouti à la disparition progressive de ces microkératomes.
Laser femtoseconde (Figure 18). Sa Constitution : o Une source laser
o Une cavité optique : base de l’émission stimulée
o Un milieu amplificateur solide : saphir ou verres dopés (titane, ytterbium) o Un système de pompage optique : diode laser le plus souvent
o Un système d’amplification (non obligatoire)
o Un système de délivrance optique : miroirs et scanners galvanométriques o Une interface thérapeutique : succion limbique pour une aplanation plane ou
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Figure 18 : Exemple d’un laser réfractif d’après VisuMax.
A partir de 2010, ce dernier est devenu une technique de référence pour la découpe du volet cornéen. Mais il faut savoir que des lasers à impulsion ultra courtes se développent depuis les années 1970. L’intérêt des sources à impulsions ultra courtes est de pouvoir atteindre une densité d’énergie instantanée ou puissance crête (Pc) jamais égalée avec un laser. Pour la plupart des sources femtoseconde actuelles, la Pc est 100 000 fois supérieure à la puissance moyenne du rayonnement laser. Il réalise une qualité de découpe plus reproductible, un meilleur contrôle de l’épaisseur programmée et un meilleur centrage. Il agit comme un « bistouri photonique » extrêmement précis dont l’action est possible en profondeur du tissu sans endommager la surface. La découpe au laser femtoseconde permet de pré-visualiser le tracé de la découpe du capot et de le recentrer sur la pupille.
L’effet photo-disruptif est obtenu avec des impulsions ultra-courtes de l’ordre de la femtoseconde (10-15s). Lors de l’interaction d’une impulsion femtoseconde avec un tissu (Figure 19), un phénomène d’ionisation tissulaire se produit aboutissant à la formation d’un plasma gazeux. Ce plasma qui caractérise la photo-disruption est défini comme passage de la matière de son état basal à l’état ionisé (4ème étape possible de la matière). Il se compose d’un nuage d’électrons libres et d’ions dissociés. Une fois ionisée, la matière augmente très rapidement son volume, c’est la phase d’expansion du plasma. On dit que le plasma se dilate. Ce mouvement est à l’origine d’une onde de choc dont l’intensité et la vitesse sont proportionnelles à l’énergie délivrée. Le plasma subit localement un échauffement très important. Cependant, compte tenu de la brièveté de l’impulsion, la conduction électronique est insuffisante pour induire un échauffement en dehors du volume du plasma. L’interaction avec l’environnement est dite « athermique ».De plus, l’énergie délivrée
37 entraine un effet de cavitation (formation de gaz ou de vapeur au sein d’un liquide en mouvement) permettant la destruction par de multiples déchirures de ces composants.
Figure 19 : Représentation schématique des interactions élémentaires du laser femtoseconde avec le tissu cornéen.
La faible atténuation du laser avant son point d’interaction grâce à une longueur d’onde située dans le proche infrarouge (environ 1 000 nm), limitant les phénomènes d’absorption et de diffusion optique. Le confinement majeur de l’interaction grâce à une très forte irradiance générée au point de focalisation. Grâce à ces 2 avantages, le laser femtoseconde peut être utilisé en toute sécurité sur la cornée, sauf lorsqu’il existe des opacifications cornéennes.
iii Indications et limites
La limite supérieure de la réfraction dépend :
De limites réfractives (pourcentage de perte d’acuité visuelle corrigée) : o Environ 8 à 10 dioptries de myopie
o 4 dioptries d’hypermétropie o 4 dioptries d’astigmatisme
De limites kératométriques (des courbures de la cornée) :
o Une kératométrie inférieure à 41 dioptries entrainerait un risque de capot libre
o Supérieure à 47 dioptries entrainerait un risque de boutonnière appelée « button hole »
38 o La kératométrie en post-opératoire ne doit pas être inférieure à 35 dioptries
ou supérieure à 48 dioptries
De limites anatomiques venant de la nécessité de garder un mur stromal postérieur de plus de 250µm d’épaisseur. Cela dépend de la pachymétrie en préopératoire c’est-à-dire que l’épaisseur cornéenne doit être suffisante afin de maintenir la stabilité biomécanique en post-opératoire, de l’épaisseur du capot choisie dont la précision reste faible (de 20 à 40µm près) et de la profondeur d’ablation.
Il faut aussi se méfier de petits globes oculaires ou enfoncés qui pourraient empêcher de placer l’anneau de succion (ceci est très rare).
iv Les contre-indications
Pour la technique au Lasik les contre-indications ne diffèrent peu des contre-indications générales recherchées pour toutes chirurgies réfractives. Notamment l’importance d’avoir une épaisseur cornéenne suffisante. On vérifiera l’état de fragilisation de l’épithélium et de son adhérence (contre-indications relatives) : syndrome sec, dystrophie de Cogan et épisodes d’ulcérations cornéennes récidivantes. Leur du bilan préopératoire, la mesure du tonus oculaire est essentielle. Si un glaucome chronique était retrouvé (cela est rare), l’hypertonie induite lors de la succion pouvant entrainée des lésions de la couche des fibres nerveuses rétiniennes et du nerf optique, tout comme la corticothérapie prescrite systématiquement en post-opératoire, ferait alors réfléchir à une éventuelle indication de PKR qui éliminerait ces 2 facteurs. Un glaucome évolué sera obligatoirement une contre-indication.
v Résultats
A savoir que les résultats de cette technique de chirurgie réfractive ne cessent d’évoluer du fait des modifications apportées aux systèmes d’application qui contrôlent les profils d’ablation. Il n’existe pas de consensus, les résultats variant en fonction du laser utilisé, de la technique et des indications.
Myopie : la prédictibilité pour les myopies faibles et moyennes (inférieures à -6 dioptries) est
de 70 à 100% d’yeux emmétropes à 1 dioptries près. Pour les myopies fortes on retrouve de -6 à -12 dioptries un pourcentage d’yeux emmétropes à 1 dioptrie près entre 50 et 70%. La prédictibilité diminue de façon certaine avec l’importance de la myopie.