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Respect des libertés, besoin des aidants et protection juridique

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Academic year: 2021

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Respect des libertés, besoin des aidants et protection

juridique

Jean-Luc Choquet, Brigitte Croff, Micheline Mauduit, Béatrice Espesson

Vergeat, Joël Moret-Bailly, Isabelle Sayn

To cite this version:

Jean-Luc Choquet, Brigitte Croff, Micheline Mauduit, Béatrice Espesson Vergeat, Joël Moret-Bailly, et

al.. Respect des libertés, besoin des aidants et protection juridique. [Rapport de recherche] Fondation

Médéric Alzheimer. 2003, 154 p. �halshs-01063885�

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« R E S P E C T DES LIBERTÉS, BESOINS DES AIDANTS ET PROTECTION JURIDIQUE »

Etude réalisée pour la Fondation Médéric Alzheimer

2 1 M é d é r i c R è dB C r o f f Conseil & A s s o c i é s — C E R C R I D

Jean-Luc Choquet, Brigitte Croff, Micheline Mauduit,

Béatrice Espesson Vergeat, Joël Moret-Bailly, Isabelle Sayn

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SOMMAIRE

REMERCIEMENTS 4

RESUME 5 PRESENTATION 6

lè r e PARTIE : Le respect des libertés, les besoins des aidants et la protection j u r i d i q u e , a p p r o c h é s à travers

les situations relevées dans les m o n o g r a p h i e s et les r é f l e x i o n s provenant des tables rondes 18

P r é a m b u l e 19

I Etre i n f o r m é ou pas : dire ou ne pas dire 2 6 II G a r d e r une qualité de vie et une liberté de 31 m o u v e m e n t

III Représenter et protéger 41 IV Prendre soin et se projeter dans l'avenir 4 8

C o n c l u s i o n s 52

2È,NE PARTIE : Etude j u r i d i q u e 54

T a b l e des matières en fin de v o l u m e 136

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REMERCIEMENTS

Pour la qualité des é c h a n g e s à l'occasion du pilotage de cette étude, nous adressons nos r e m e r c i e m e n t s à Mesdames Michèle Frémontier, Martine Julien, S y l v i a n e Fior de la Fondation Médéric A l z h e i m e r ; ensuite à l ' e n s e m b l e des personnes, personnes atteintes de la m a l a d i e d ' A l z h e i m e r , aidants p r o f e s s i o n n e l s et familiaux, experts qui ont accepté de participer aux g r o u p e s de rencontre destinés à croiser les aspects légaux et les situations " d e terrain" ; enfin aux m a l a d e s et aux p r o c h e s , aux aidants p r o f e s s i o n n e l s et aux délégués à une mesure de protection j u r i d i q u e qui, d a n s le cadre des entretiens m o n o g r a p h i q u e s , ont accepté de nous faire connaître des aspects g r a v e s de leur histoire et leur points de vue sur les p r o b l è m e s posés par le respect de la liberté de la p e r s o n n e atteinte de la maladie d ' A l z h e i m e r . T o u t e f o i s , les considérations présentées dans ce rapport sont de la seule responsabilité des auteurs.

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Résumé

La question du respect des libertés et de la protection juridique des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer se pose nettement aujourd'hui tout comme celle du besoin des aidants familiaux et professionnels à cet égard. Dix monographies et deux tables-rondes réunissant des experts, des personnes malades et des aidants professionnels et familiaux, et l'analyse juridique des règles de droit mobilisables ont permis d'articuler étroitement les aspects "empiriques" et "légaux". Les principaux résultats de l'étude concernent plusieurs dilemmes de l'action. Pour exemple : Quelle place trouve la personne protégée et représentée lorsqu'il y a mise en place d ' u n e mesure juridique ... Prendre soin et se projeter dans l'avenir : Quels projets vis-à-vis de la personne et pour eux-mêmes s'agissant des protagonistes aidants familiaux et professionnels ; comment se situer entre liberté et protection et/ou surveillance, par exemple, au regard des risques que peuvent introduire un défaut de vigilance et, a contrario, une veille excessive ; autre exemple : dire ou ne pas dire le diagnostic ; l'importance de l'information en matière de diagnostic est apparue cruciale afin de saisir et de réaliser les changements vécus, les changements à venir, afin d'envisager l'avenir, de former des projets utiles, quoiqu'il en soit, à nourrir les accomplissements respectifs de la personne et de son entourage familial et professionnel. Des entretiens avec les institutionnels et les acteurs du champ ont utilement enrichi les résultats de la recherche et abouti en complément de ce rapport à une note de préconisations concernant la problématique des actions à mener qui répondraient aux attentes des institutionnels aussi bien que des malades et de leur famille, sans faire double emploi avec ce qui est d'ores et déjà existant, en matière de protection juridique des majeurs ou concernant

la maladie. Voir, joint au rapport, le fascicule de préconisations.

A bs tract

How to respect the freedom of the people who suffer from the disease of Alzheimer and who are under the légal protection brings up a question that must be considered today as that of the need of those who are helping. Ten monographs and two panels with experts, patients and professionncil and home help, and the légal analysis of the rules relating to the usable law entitled a narrow articulation of the "empirical" and "légal" aspects. The main results of the study affect several dilemmas of the action. For example : which place ftnds the person who are under the légal protection ... to take care and think its future : which projects ? How to deal between freedom and protection and/or the watching over the patient, for instance, as far as the risks that may induce a

lack of watching and, a contrario, an extreme watching. Another example: to sav or not the diagnosis ; the importance of the information in the matter of diagnosis is concerned has turned ont crucial as to grasp and to understand the changes that have been alrectdy lived and those that will be lived in order to consider the future, to make projects necessaty to nurse respectively the achievement of the person and her family and professional circle. Discussions with professionals useful/y enriched the results and led in complément of this report a note of recommenclations conceming the actions to carry ont which would answer waitings of the institutional ones as well as of the patients and their family, without making double use with what right now is existing, as regards légal protection or

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PRÉSENTATION

Introduction

1. La question du respect des libertés et de la protection j u r i d i q u e des personnes atteintes de la m a l a d i e d ' A l z h e i m e r se pose nettement a u j o u r d ' h u i c o m m e celle du besoin des aidants à cet égard. C ' é t a i t j u s t e m e n t l'objet de cette étude que de l ' e x p l o r e r en vue de nourrir de manière c o n c r è t e et

a r g u m e n t é e la réflexion de la Fondation Médéric A l z h e i m e r sur les d é m a r c h e s à e n v i s a g e r ou à privilégier dans ce d o m a i n e . Ce rapport final présente les résultats de cette étude.

2. C o n f o r m é m e n t à la m é t h o d e retenue au préalable, 10 m o n o g r a p h i e s ont été réalisées, transcrites, mises en perspectives puis transmises à l ' é q u i p e de juristes pour illustrer leur p r o b l é m a t i s a t i o n j u r i d i q u e des situations, dans ce cas précis des p e r s o n n e s atteintes de la maladie d ' A l z h e i m e r , s u i v a n t que la p e r s o n n e est placée sous un r é g i m e de protection des m a j e u r s qui fait l'objet de règles spécifiques ou q u ' e l l e ne l'est pas.

Cette étude j u r i d i q u e est précisément venue clarifier les règles de droit mobilisables d a n s ces situations à c o m m e n c e r par les d i m e n s i o n s qui relèvent de la liberté d ' a l l e r et venir pour la p e r s o n n e malade ou par les règles relatives à l ' i n f o r m a t i o n en matière de diagnostic et de secret p r o f e s s i o n n e l , un certain n o m b r e de contraintes dans ce dernier cas ayant d ' a i l l e u r s été m o d i f i é e s depuis la loi du 4 mars 2 0 0 2 relative aux droits des m a l a d e s et à la qualité du système de santé.

Les deux équipes réunies ont bénéficié des apports d ' u n g r o u p e d ' e x p e r t s et d ' u n g r o u p e réunissant malades et aidants professionnels et f a m i l i a u x , destinés à articuler plus étroitement les aspects " e m p i r i q u e s " et " l é g a u x " dans la perspective des d é m a r c h e s à envisager ou à privilégier d a n s ce domaine1.

3. Les principaux résultats de cette étude résident dans une mise à visibilité de plusieurs d i l e m m e s de l'action où chacun imagine plus ou m o i n s faire ce qu'il convient, à partir de ses valeurs et de ses opinions, sans t o u j o u r s être certain de ce qu'il doit faire, en présence de considérations conflictuelles à l'horizon desquelles un tort peut être é v i d e m m e n t causé à la p e r s o n n e qui est pourtant l'objet du souci.

4. Les régimes organisés de protection j u r i d i q u e emportent lorsqu'ils prennent e f f e t une p r é s o m p t i o n de continuité de l'altération des facultés éliminant, ce faisant, la question des intervalles lucides notoires chez les personnes atteintes. Plus a m p l e m e n t et avec b e a u c o u p d'acuité, la question se pose de

1 n.b. : Il restait sur ce d e r n i e r point à s o n d e r les p o s i t i o n s d e s a c t e u r s du c h a m p s u r les p e r s p e c t i v e s tirées de

l ' é t u d e : d e s e n t r e t i e n s a v e c les i n s t i t u t i o n n e l s et les a c t e u r s du c h a m p ont u t i l e m e n t e n r i c h i les r é s u l t a t s d e la r e c h e r c h e p o u r p e r m e t t r e d ' a b o u t i r en c o m p l é m e n t de ce r a p p o r t à une note de p r é c o n i s a t i o n s c o n c e r n a n t la p r o b l é m a t i q u e d e s a c t i o n s à m e n e r qui r é p o n d r a i e n t aux a t t e n t e s d e s i n s t i t u t i o n n e l s aussi bien q u e d e s m a l a d e s et d e leur famille, s a n s faire d o u b l e e m p l o i a v e c ce qui est d ' o r e s et d é j à e x i s t a n t , en m a t i è r e d e p r o t e c t i o n j u r i d i q u e d e s m a j e u r s ou c o n c e r n a n t la m a l a d i e . Voir, j o i n t au r a p p o r t , le f a s c i c u l e de p r é c o n i s a t i o n s .

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c o m m e n t se situer entre liberté et protection, entre liberté et surveillance, au regard des risques que peut introduire un défaut de vigilance et, a contrario, des risques d i f f é r e n t s que peut introduire une veille excessive: jusqu'où laisser faire et accepter la prise de risque? c o m m e n t a c c o m p a g n e r la personne vers des restrictions de sa liberté ? c o m m e n t la protéger en posant des limites? qui porte, in fine, la responsabilité de laisser faire la personne ? A cet égard, l'articulation sensible entre

représentation et protection, s ' a g i s s a n t du m a n d a t et de la posture des tuteurs a fait l ' o b j e t d ' u n e x a m e n .

5. Entre dire ou ne pas dire (et, dans l ' a f f i r m a t i v e , à qui dire le diagnostic? c o m m e n t le dire? et qu'en est-il du secret médical et du droit de savoir?), il est apparu a v e c b e a u c o u p de netteté, après avoir rencontré et entendu plusieurs p e r s o n n e s et d a n s les groupes, f i n a l e m e n t , à la lumière de l ' a p p r o c h e j u r i d i q u e , la nécessité que tous soient i n f o r m é s de façon bien circonstanciée pour c o m p r e n d r e les

c h a n g e m e n t s vécus, les c h a n g e m e n t s à venir , envisager l'avenir, f o r m e r des projets.

6. L ' e n s e m b l e des considérations s o u l e v é e s d a n s l ' a p p r o c h e réalisée avec les protagonistes et d a n s sa reprise e f f e c t u é e par les juristes peut, j u s t e m e n t , se cristalliser avec la notion de " p r o j e t " , dans la nécessité de construire un projet " d e vivre e n s e m b l e " qui se décline alors en projets s p é c i f i q u e s articulés entre eux : "de vie" pour la p e r s o n n e atteinte, " d e vie de f a m i l l e " pour les proches, " d e vie p r o f e s s i o n n e l l e " pour les aidants p r o f e s s i o n n e l s qui s ' y emploient, " d e m a n d a t " pour la p e r s o n n e qui œ u v r e à la protection j u r i d i q u e de la p e r s o n n e atteinte, etc. C ' e s t cette construction de concert qui a été retenue c o m m e une perspective a d é q u a t e et favorable. C ' e s t n o t a m m e n t sous cette f o r m e q u e l ' é t u d e pointe un profil de r é p o n s e aux e n j e u x des d i l e m m e s de l'action. Une question d e m e u r a n t de savoir qui sera au bout du c o m p t e garant d ' u n tel a g e n c e m e n t .

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Lorsque la maladie paraît

A un âge avancé ou plus tôt, parfois, la maladie d'Alzheimer survient, provoquant un lent processus qui se manifeste avec des troubles de mémoire et une certaine désorientation et des modifications du comportement, allant j u s q u ' à des pertes importantes des fonctions cognitives, augmentant les obstacles à maintenir les activités quotidiennes de la vie et aboutissant, ce faisant, à une réduction drastique de l'autonomie personnelle.

Ainsi pour Mme. J qui constate une altération des capacités de son mari qui s'installe progressivement :

Je suis la femme d'un malade jeune puisque mon mari a eu 61 ans e n juin; sa maladie é été reconnue en 97 officiellement suite à des examens à l'hôpital, mais déjà depuis pratiquement un an avant, on avait commencé à faire un traitement plus pour la dépression nerveuse, avec le médecin traitant ...et ensuite des signes plus importants : des pertes de mémoire importantes , pas comme quand on oublie des bêtises, c'était répété et puis perte d'orientation , notamment ne plus retrouver la voiture. C'est ce qui m 'a alertée parce que mon mari était un très grand bricoleur et il allait régulièrement faire des courses pour le bricolage et, un jour où il était parti dans un magasin de bricolage, il n 'a pas retrouvé sa voiture, donc, il a cherché , cherché, et il en est rentré à pied. Là, je me suis dit. il y a franchement quelque chose...

Comme dans ce cas, les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer bénéficient de l'aide apportée par des membres de leur famille, des aidants professionnels, parfois des bénévoles. Ce faisant, la question se pose pour l'entourage de sa disponibilité au quotidien, de ses craintes pour la santé, la sécurité ou s'agissant de démotivation ou de retrait de la personne malade. De nombreux travaux ont d'ores et déjà souligné la répercussion de ces situations sur la qualité de vie des aidants. Parallèlement, la question se pose pour l'entourage de recueillir ou de former un projet de vie pour la personne dans le respect de ses libertés et de sa dignité. La question de l'opportunité d'user d ' u n e des modalités de protection juridique du majeur intervient presque inéluctablement.

Un problème récemment abordé

Parmi les personnes majeures protégées, les personnes âgées de 50 à 69 ans, représentent 26 % et les plus de 70 ans sont 30%, les femmes étant plus nombreuses que les hommes avec l'âge, dépassant les 70 % du total à partir de 70 ans ; les classes d'âges les plus élevées sont surtout composées de femmes qui, à âge égal, souffrent plus souvent d'incapacité et se retrouvent plus fréquemment isolées en raison du veuvage ; dans les derniers chiffres connus (flux 2001), 58 % des mesures hors Tutelle aux prestations sont à la charge d'un membre de la famille ou de l'intéressé, éventuellement via un gérant privé, dont 55 % de tutelles familiales et 61 % de curatelles2.

2 Munoz-Perez B. Nouveaux majeurs protégés. DACS. 2003. miméo : voir aussi Munoz-Perez !).. « La population des majeurs protégés en France, projections à l'horizon 2005 et 2 0 1 0 » . Tutelles Infos. UNAPHI. n° 108. janvier 2001 :

Munoz-Perez B.. « Les placements sous tutelle et curatelle des majeurs : Des mesures en augmentation pour les personnes âgées ».

Cahiers soc. déni méd.. Paris. XXXIXème année. n° 2-3. pp. 195-210. avril et septembre 1999 : d'Autume A., Pauron A.. « La protection juridique des majeurs : 500 000 personnes concernées ». Infostat Justice. n° 51. mai 1998.

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L ' E t u d e PIXEL sur l ' e n t o u r a g e familial des patients atteints de la maladie d ' A l z h e i m e r s o u l i g n e de façon très générale le rôle du conjoint ou des e n f a n t s sur le plan administratif ou j u r i d i q u e , n o t a m m e n t lorsqu'ils sont a m e n é s à représenter le patient en cas de mise s o u s tutelle'.

L ' e n q u ê t e Handicaps, incapacités, d é p e n d a n c e (HID4) réalisée par l ' I N S E E en 1998 et 2 0 0 0 a u p r è s des personnes résidant en institutions, dans les établissements m é d i c o - s o c i a u x et psychiatriques et en 1999 et 2001, auprès des p e r s o n n e s qui résident à domicile, vise à établir une estimation du n o m b r e de p e r s o n n e s handicapées ou d é p e n d a n t e s . Le questionnaire s o u f f r e de plusieurs d é f a u t s de c o n s t r u c t i o n concernant la protection j u r i d i q u e : "tutelle" et "tutelle d ' E t a t " sont distingué mais sans que ce soit le cas pour la curatelle, par e x e m p l e . C e p e n d a n t l ' a p p r o c h e statistique révèle des variables d i s c r i m i n a n t e s entre population bénéficiant d ' u n e protection et celle qui n ' e n b é n é f i c i e pas, sans distinguer la nature de la protection. Après recodage^ et agrégation des types de mesure de protection j u r i d i q u e et avec toutes les précautions d ' u s a g e qui s ' i m p o s e n t , soulignons-le pour des c h i f f r a g e s en cours, on relève à titre indicatif des c h i f f r e s qui c o n c e r n e les p e r s o n n e s présentant des d é f i c i e n c e s intellectuelles ou du psychisme dont les p e r s o n n e s atteintes de la maladie d ' A l z h e i m e r aux stades sévères et m o d é r é m e n t sévères et s o u f f r a n t d ' u n e d é p e n d a n c e importante : la p r é s e n c e de d é f i c i e n c e s intellectuelles ou du p s y c h i s m e qui concernent au m o i n s 17 % des p e r s o n n e s m a j e u r e s est la première indication à la mise s o u s protection j u r i d i q u e et plus de 80 % des m a j e u r s protégés, les h o m m e s autant que les f e m m e s , sont atteints de déficiences p s y c h i q u e s ; 61 % des personnes m a j e u r e s en institution présentent des d é f i c i e n c e s intellectuelles ou du p s y c h i s m e dont 29 % sous protection, 1 7 % à domicile dont m o i n s de 1% s o u s protection ; la proportion des p e r s o n n e s protégées atteintes de d é f i c i e n c e s est de l ' o r d r e de 84 % dans les deux m o d e s de résidence.

L o r s q u ' o n restreint l'observation en considérant la perte des acquis intellectuels, t r o u b l e s de la m é m o i r e , désorientation, tout particulièrement lorsque l ' o r i g i n e ou la s u r v e n u e est associée au vieillissement et c o m p r e n a n t bien entendu les p e r s o n n e s atteintes de la m a l a d i e d ' A l z h e i m e r a u x stades sévères et m o d é r é m e n t sévères, la situation concerne 3,2 % des p e r s o n n e s m a j e u r e s , de 70 ans en m o y e n n e , et dont 12 % vivent en institution, des f e m m e s pour les deux tiers. Lorsque, d ' u n e autre f a ç o n , on restreint l'observation en considérant les m a j e u r s protégés, 22 % présentent ces troubles m a i s résident plus souvent en institution (51 % ) , âge m o y e n et répartition entre h o m m e s et f e m m e s d e m e u r a n t inchangés.6

Enfin, une étude récente m e n é e dans deux associations tutélaires de l ' U N A F A M (Nord et Paris) p o s e la question de la protection à apporter à des personnes s o u f f r a n t de troubles psychiatriques7 et illustre le bien f o n d é des travaux en cours des principaux p r o m o t e u r s d ' u n e r é f o r m e de la protection j u r i d i q u e des m a j e u r s qui mettent l'accent sur la nécessité déjà signalée8 d ' u n e évaluation m é d i c o - s o c i a l e de la population concernée.

3 Novartis Pharma. L entourage familial des patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Etude PIXEL, 20 septembre 2 0 0 ! .

4 Sources : http://rlr-handicap.inserm.fr/hideiHiuetc/resultats hid.htm : Christel Colin C'.. kerjosse R (coord.). Handicaps-incapacités-dépendance. Montpellier. 30 nov. et Ie'' déc. 2000. Document de travail, série éludes. n° 16. DREES. 7juillel 2001.

5 Le CREDES a recodé, non sans difficulté, les codes 61 à 69 («déficiences intellectuelles et du p s y c h i s m e » ) qui

comportaient notamment 63 : "la perte des acquis intellectuels, troubles de la mémoire, désorientation temporo-spatiale (maladie d'Alzheimer. démence, détérioration...)". Cette recodification a conduit à supprimer certaines déficiences initialement repérées mais le plus souvent à ajouter des déficiences.

6 Pour plus de détails, se reporter à l'article de Sylvie Renaut dans ce numéro.

7 Bachimonl J.. Bunuener M.. I lauel ! . . Les personnes souffrant de troubles mentaux sous protection juridique conditions

de vie et rôle des délégués à la tutelle. CRERES. Paris, octobre 2002.

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L ' é t u d e

Dans les faits, les mesures de protection j u r i d i q u e du m a j e u r prennent place d a n s des c o n t e x t e s e x t r ê m e m e n t hétérogènes d ' u n e maison à l'autre, d ' u n e personne à l'autre. Il s'agissait d o n c d ' o b s e r v e r maintenant c o m m e n t celle-ci a été ou non e n v i s a g é e par les personnes e l l e s - m ê m e s , leur f a m i l l e , et les aidants p r o f e s s i o n n e l s qui concouraient à leur soutien. On entrait, ce faisant, dans le cadre d ' u n e logique d ' e x p é r i e n c e où la seule définition institutionnelle de la situation bien q u ' u t i l e ne suffisait pas, loin de là, à en rendre c o m p t e . Le recueil des e x p é r i e n c e s d a n s les situations, de ces actions de c o n c e r t , pouvait permettre d ' a p p r o c h e r la d y n a m i q u e des a r r a n g e m e n t s avec les aidants f a m i l i a u x et p r o f e s s i o n n e l s , c o m m e n t les réponses sont déclenchées et a j u s t é e s aux besoins.

L ' a p p r o c h e m o n o g r a p h i q u e centrée sur la p e r s o n n e bénéficiaire ou pas d ' u n e protection du m a j e u r , a permis de recueillir des matériaux mêlant l'objectivité à la subjectivité de l'expérience et à r e t r o u v e r les c h r o n o l o g i e s des choix au cours d ' u n c h e m i n e m e n t visant à débrouiller la d i f f i c u l t é de la situation v é c u e . . . permettant de souligner, à l'occasion, les conditions de formation de choix réalisés.

Le relevé des relations entre les protagonistes et tout particulièrement entre p e r s o n n e s atteintes de la m a l a d i e d ' A l z h e i m e r , aidants familiaux et tuteurs a permis de relever et de p r e n d r e en considération les é l é m e n t s facilitateurs ou préjudiciables d a n s la situation : l'objectif consistant à décrire, analyser et caractériser les besoins des aidants qui étaient "le c œ u r de cible" de cette étude, destinataires potentiels en premier lieu des d é m a r c h e s à envisager ou à privilégier dans ce d o m a i n e par la Fondation Médéric A l z h e i m e r .

Deux entretiens menés, concernant les situations de deux p e r s o n n e s atteintes de la maladie d ' A l z h e i m e r ( n ° l : concernant Mr J, n°2 : Mr B.), ont permis de consolider la grille d ' e n t r e t i e n en apportant q u e l q u e s c o m p l é m e n t s concernant l ' a n n o n c e de la maladie à la p e r s o n n e c o n c e r n é e et les modalités de prise de décision quant à sa vie ou ses biens (avec ou sans elle). Ils ont permis de sensibiliser les deux é q u i p e s à des thèmes et des aspects j u r i d i q u e s tels que la question de la d é o n t o l o g i e , le droit du patient à être informé sur son état de santé, le respect dans la vie quotidienne des libertés des p e r s o n n e s atteintes par rapport aux traitements m é d i c a m e n t e u x , le droit de la famille à retirer son parent m a l a d e d ' u n hôpital si le traitement est inadapté ou maltraitant, etc.

La réflexion menée entre les deux é q u i p e s lors de ces premiers tests, à partir d ' é c h a n g e s sur la loi de mars 2 0 0 2 relative aux droits des malades9, a contraint à revoir le plan d ' e n q u ê t e , interdisant notre information d ' u n e part, du médecin par e x e m p l e , en c o n c o m i t a n c e avec une i n f o r m a t i o n o b t e n u e par un autre canal, la personne elle-même ou un aidant, information pouvant constituer, par principe, une violation de secret professionnel1 0. Le d é r o u l e m e n t d ' e n t r e t i e n s prévus, par e x e m p l e c e u x de deux m é d e c i n s en désaccord sur les investigations à m e n e r sur une personne atteinte dés lors e m p ê c h é , les é q u i p e s étaient conduites à trouver d ' a u t r e s solutions pratiques et, surtout, à c o n s e r v e r f o r t e m e n t présentes à l'esprit ces dimensions d é o n t o l o g i q u e s coextensives, j u s t e m e n t , à l ' o b j e t de la r e c h e r c h e au titre du respect des libertés.

9 Loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 - Loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé - NOR :

MLSX0100092L.

10 Violation prévue par l'article 226-13 du Code pénal et sanctionnée d'un an d'emprisonnement et de 15000 € d'amende. Le Code de la santé publique prévoit cependant une exception à ce principe mais elle concerne la famille, les proches de la

personne malade ou la personne de confiance recevant les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à celle-ci ...

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Puis les 8 autres monographies ont été réalisées et sont présentées dans une page suivante dans un tableau synthétique qui les distribue selon quelques critères permettant d'illustrer la bonne variabilité de l'échantillon retenu.

L'analyse et la synthèse des situations rencontrées ont été organisées, dans un premier temps, selon huit a x e s :

1) Les éléments rapportés de l'histoire de la personne 2) Les signes de la maladie ; le diagnostic ; le soin

3) les arrangements dans l'entourage et Y organisation autour de la personne ; le rythme de la personne

4) le respect des choix énoncés par la personne et ses limites : lieu de vie ; conduite automobile

5) Attentes et relations vis-à-vis du personnel médical

6) L'économie de la personne : respect des choix et protection de la personne en matière financière

7) Quelle mesure de protection, quelles conséquences sur la vie quotidienne ; le rôle du tuteur, du délégué à la tutelle

8) Quelles façons d'envisager et de considérer la personne ; quelles capacités de l'entourage à poursuivre une relation qui ne soit pas stigmatisante.

Cette étape de l'approche des situations sélectionnées à partir des critères envisagés initialement puis validés lors d'un comité de pilotage, a permis de confirmer leur "bonne" congruence avec les thèmes

princeps de l'étude: respect du projet de vie et des libertés de la personne atteinte de la maladie

d 'Alzheimer ; affinité d'une mesure de protection juridique".

Les situations étaient variées : le malade est déjà, est en passe d'être, ou n'est pas sous une mesure de protection juridique ou, encore, sous une autre mesure comme dans le cas du mandat ou de la gestion d'affaires : on y saisissait de manière parfois "saisissante" les interrogations, les questionnements auxquels s'étaient livrés les aidants. Interrogations que l'équipe était alors en mesure de confronter aux formes de réponses induites par le droit positif correspondant.

Les difficultés ressenties par l'entourage familial, les aidants professionnels et jusqu'au corps médical, sautent aux yeux, tout particulièrement en matière d'annonce du diagnostic mais aussi dans les divisions qui peuvent en naître dans les familles au sein desquelles la personne atteinte peine, au delà du handicap, à se retrouver. Comme on le souligne plus loin, les capacités de l'entourage à poursuivre une relation qui ne soit pas "stigmatisante" est un point décisif.

11 Les juristes parlent à cet égard de nécessité, de subsudiarité et de proportionnalité de la mesure de protection dont la traduction est ici abordée essentiellement à partir d'illustrations concrètes.

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N o m P e r s o n n e " c i b l e " M r . / M e R e n c o n t r e e n q u ê t e # f o i s âge T y p e de r é s i d e n c e Lieu d e r é s i d e n c e S t a d e d e la m a l a d i e R e s s o u rces T y p e d ' a i d e Protec-tion s o c i a l e M e s u r e d e protection : VIP R é s u m é d e s p r i n c i p a u x t r a i t s d e a s i t u a t i o n R é s u m é d e s p r i n c i p a l e s c a r a c t é r i s t i q u e s j u r i d i q u e s s o u l i g n é e s 1 .1 M r . é p o u s e 2 Ibis j e u n e institution B a n l i e u e Paris a v a n c é m o d e s t e s A i d e institutionnelle C N A V C o t o r e P N o n Le s i l e n c e s u r la m a l a d i e à f r e i n é la mobilisation d e Mr. et e n f e r m é son é p o u s e et les e n f a n t s d a n s la solitude S o u p ç o n d ' i r r é g u l a r i t é en l ' a b s e n c e d ' i n f o r m a t i o n s d o n n é e s au m a l a d e : p r o b l è m e s d u r a n t le s é j o u r en institution m é d i c a l i s é e : Le p o u v o i r et la b o n n e foi d e l ' a i d a n t p e u v e n t être r e m i s en c a u s e et sa r e s p o n s a b i l i t é peut être e n g a g é e : 1 n M r . c o u p l e 1 fois j e u n e d o m i c i l e B a n l i e u e P a r i s

peu a v a n c é c o n f o r t a b l e s peu A P A N o n Me., p a r a d o x a l e m e n t , t r o u v e u n e c e r t a i n e l i b e r t é d a n s sa v i e du fait des d i f f i c u l t é s de Mr. La v e n t e d e s b i e n s du m a l a d e en d e h o r s d ' u n e m e s u r e d e p r o t e c t i o n doit s e r v i r au p a i e m e n t d e s s o i n s et non a u p a r t a g e s u c c e s s o r a l I M e . fille c a d e t t e 2 f o i s très â g é e institution Paris m é d i a n T r è s c o n f o r t a b l e s A i d e i n s t i t u t i o n n e l l e + A i d e e x t é r i e u r e S a u v e g a r d e d e justice Vlandat spécial En l ' a b s e n c e d e d i a l o g u e , la situation tend à s ' a l i g n e r s u r les

c o n t r a i n t e s d e l ' i n s t i t u t i o n et à i n s t r u m e n t a l i s e r la M P e x e m p l e d e r e s t r i c t i o n d e s l i b e r t é s en i n s t i t u t i o n m é d i c a l i s é e : L e s e n f a n t s s o u v e n t les p r e m i e r s à i n t e r v e n i r d a n s la g e s t i o n p o u r r é g u l e r : 4 V M e . la fille 1 f o i s â g é e d o m i c i l e P r o v i n c e m é d i a n m o d e s t e s A i d e d o m i c i l e + A i d e f a m i l i a l e A P A nielle f a m i l i a l e Hlle

Gros conflit d a n s la f r a t r i e lié à l ' e m p r i s e d e la s e u l e fille s u r l ' o r g a n i s a t i o n S u p p r e s s i o n d e s m o y e n s d e p a i e m e n t s en v u e d e p r o t é g e r le p a t r i m o i n e d e s p a r e n t s m a l a d e s : L ' a i d a n t peut av oir à s u p p o r t e r financièrement les c o n s é q u e n c e s d e s a c t e s du m a l a d e ; 5 T M r M e fille et g e n d r e 1 f o i s â g é s les 2 en institution m a i s s é p a r é s B a n l i e u e Paris Mr. : a u t r e s h a n d i c a p s , l o u r d e m e n t M e :Alzli. a v a n c é aisé, c u l t i v é A i d e institutionnelle + A i d e f a m i l i a l e Procuration générale p o u r e s 2 L ' a b s e n c e de r e c o n n a i s s a n c e d e s signes de la m a l a d i e c o n t r i b u e à a u g m e n t e r la s o u f f r a n c e d e l ' e n t o u r a g e : g e s t i o n de f a i t organisé p a r a c t e n o t a r i é A s s u r a n c e , retraite, p l a c e m e n t s f i n a n c i e r s . la p r o c u r a t i o n g é n é r a l e n e m e n t i o n n a i t p a s la p o s s i b i l i t é p o u r les e n f a n t s d ' a v o i r a c c è s au c o f f r e (» S M e . d é l é g u é e à la tutelle 1 f o i s â g é e institution P r o v i n c e a v a n c é m o d e s t e s A i d e i n s t i t u t i o n n e l l e nielle i s s o c i a t i o n

Soupçon sur la g e s t i o n d u fils ; la solitude d e la p e r s o n n e peut b o u s c u l e r les f r o n t i è r e s e n t r e protection j u r i d i q u e et a i d e à la personne. Q u e s t i o n du c o n s e n t e m e n t : a s p e c t d i s p e n d i e u x d e s c o m p o r t e m e n t s financiers dont le m a l a d e j u r i d i q u e m e n t c a p a b l e en s u p p o r t e r a seul les c o n s é q u e n c e s financières: M M e . d é l é g u é e à la tutelle 1 f o i s très â g é e institution B a n l i e u e P a r i s a v a n c é m o d e s t e s A i d e institutionnelle Curatelle 512 L ' i n t e r v e n t i o n p r o t e c t r i c e d a n s l ' e x i s t e n c e d e la p e r s o n n e â g é e d i s p e n d i e u s e à l ' é g a r d d ' u n p r o c h e . l ' a i d a n t , qui e n v i s a g e la tutelle c a r a u c u n e a u t r e p e r s o n n e n e peut s ' o c c u p e r du m a l a d e S G M e . 1 : d é l é g u é à la tutelle 2 a i d e à d o m i c i l e 1 f o i s très â g é e d o m i c i l e Paris m é d i a n c o n f o r t a b l e s A i d e e x t é r i e u r e Tutelle association Le c o n f o r t d ' u t i l i s a t i o n d ' u n diagnostic s é v è r e lors d e la m i s e sous protection j u r i d i q u e peut i n c i t e r

à la d é c l a r a t i o n d ' u n " A l z h e i m e r " a u p a r a v a n t non i d e n t i f i é . a s p e c t d i s p e n d i e u x d e s c o m p o r t e m e n t s financiers ; L ' a u t e u r d e la g e s t i o n d ' a f f a i r e s n e peut p a s se p r é v a l o i r d ' u n titre d ' i n t e r v e n t i o n p a r c e q u e la relation p r é e x i s t a n t e a été o u t r e p a s s é e : i> E M e 1 : fils 2 : f a m i l l e d ' a c c u e i l l f o i s â g é e d o m i c i l e f a m i l l e d ' a c c u e i l P r o v i n c e a v a n c é M o d e s t e s . Milieu peu c u l t i v é A i d e p e r m a n e n t e ; f a m i l l e d ' a c c u e i l A P A Curatelle familiale fils L'utile et f o r t e i m p l i c a t i o n d e la famille d ' a c c u e i l a c o n d u i t à un retrait de s e n f a n t s d é j à peu p r é s e n t s C ' e s t le j u g e q u i . s o u v e r a i n e m e n t , s e l o n l ' é t a t du m a l a d e , d é c i d e q u e l l e est la m e s u r e a p p r o p r i é e 10 F M r . M e . fille 1 f o i s M r . : très â g é e M e . : â g é e institution P r o v i n c e a v a n c é s c o n f o r t a b l e s A i d e i n s t i t u t i o n n e l l e + A i d e f a m i l i a l e Procuration fils Un e n t o u r a g e très p r é s e n t n e parvient p o u r t a n t p a s à o b t e n i r d e l'institution un s o i n q u a l i t é et le r e s p e c t d e la d i g n i t é d e la m a l a d e D i f f i c u l t é s a v e c l ' i n s t i t u t i o n :

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Puis deux réunions ont été menées, enregistrées, transcrites, analysées.

Réunion n°l

Micheline Mauduit B. C r o f f Conseil & Formation Isabelle Sayn juriste, C E R C R I D

M m e V. F U D A F

M m e S. M r e s p o n s a b l e de secteur au service retraités de la ville de C.

M. Y.M. responsable du service de tutelles des petits Frères des Pauvres en province

M. M.M fils d'un m o n s i e u r atteint de la m a l a d i e d ' A l z h e i m e r vivant avec sa f e m m e d a n s une institution spécialisée

Les animatrices ont proposé aux participants de réagir sur d i f f é r e n t s points e x p o s é s de façon succincte à partir des situations rencontrées et restituées d a n s les m o n o g r a p h i e s . Les t h è m e s suivants ont été mis au débat:

la liberté d'aller et venir

les limites du p o u v o i r du tuteur sur la direction de la personne le secret médical et la transmission au tiers; la décision de soin les m e s u r e s de tutelle c o m m e protection des aidants

la mise en cause des responsabilités du malade et des aidants en cas de dégâts causés à des tiers.

Réunion n°2

Micheline Mauduit B. C r o f f Conseil & Formation Martine Julien Fondation Médéric A l z h e i m e r

M m e K. bénévole dans des services

g é r o n t o l o g i q u e s

M. et M m e E. Mr est atteint de la maladie d ' A l z h e i m e r , est venu avec son é p o u s e

M. S. son é p o u s e est atteinte de la m a l a d i e d ' A l z h e i m e r et dans une institution spécialisée

M m e L. aide à domicile dans un service

municipal

M m e D. aide à domicile dans un service para-municipal

Lors de la d e u x i è m e réunion animée sur le m ê m e principe par Micheline Mauduit, avec Martine Julien en qualité d ' o b s e r v a t r i c e , les thèmes suivants ont été abordés:

Le respect de la liberté de la personne atteinte de la maladie Le rôle des m é d e c i n s

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Le besoin d'information en m a t i è r e de protection j u r i d i q u e

Deux m é t h o d e s ont ainsi été utilisées - l'enquête m o n o g r a p h i q u e qualitative avec un entretien m e n é dans des conditions de relative intimité ; le d é r o u l e m e n t de g r o u p e s ou tables r o n d e s - afin de m i e u x a p p r é h e n d e r la complication de ces situations dans la mesure où c h a q u e situation d'enquête tend à r e n f o r c e r telle ou telle dimension des m o d e s de présence.

Tout d'abord les groupes doivent être d i s t i n g u é s des entretiens. En effet, les c o n d i t i o n s d'enquête d i f f è r e n t : au cours des groupes, les participants étaient réunis dans un local p r o f e s s i o n n e l , celui de l ' o r g a n i s m e menant l'étude, et chacun s ' e s t e x p r i m é au sein du g r o u p e alors q u e p o u r les entretiens m o n o g r a p h i q u e s , la personne est interrogée c h e z elle, seule. Dans certains cas, d ' a i l l e u r s , les entretiens m o n o g r a p h i q u e s ont été d o u b l é s p e r m e t t a n t de mettre en regard les d e u x m e m b r e s du c o u p l e ou deux personnes de l ' e n t o u r a g e (ex : fille et le g e n d r e ; un délégué à la tutelle et une aide à domicile) et, partant, d'illustrer de façon très c o n c r è t e la place des différents intervenants a u p r è s de la p e r s o n n e atteinte.

Ces deux situations de g r o u p e et d ' e n t r e t i e n c o n d u i s e n t les participants à se présenter de manière d i f f é r e n t e . En groupe, au sein de l ' o r g a n i s m e d ' é t u d e , les participants mettent d a v a n t a g e en avant la d i m e n s i o n organisée, professionnelle, la mission, alors q u e dans l'intimité de la cuisine ou de la pièce d ' a c c u e i l , les personnes enquêtées vont plutôt se d é f i n i r devant l'enquêteur à partir de leur relation à la p e r s o n n e atteinte elle-même. Ces d i f f é r e n c e s et ces interférences dans les d o n n é e s recueillies font voir la complication des situations trop s o u v e n t réduites à une stylisation simplificatrice. La j u s t e s s e d a n s l'abord de ces situations se trouve à la c o n j o n c t i o n des différentes a p p r o c h e s .

Les résultats

Il y a d ' a b o r d un apport à travers une restitution des processus et une c o n n a i s s a n c e des

d y n a m i q u e s à l'œuvre dans les familles dont au m o i n s un des parents est atteint de la maladie d ' A l z h e i m e r , difficilement observables et d o n c rarement mesurés par les voies de l'enquête statistique et du sondage (c'est l'aspect ""empirique'' du rapport). ; la collecte a fourni des points d ' a p p u i consistants pour illustrer les principales caractéristiques de la d i m e n s i o n j u r i d i q u e de la question, telle qu'exposée par les juristes du C E R C R I D : la problématique du " p o u v o i r décisionnel", permet j u s t e m e n t de rappeler ou de fournir les caractéristiques légales eu égard, j u s t e m e n t , au respect des libertés des personnes atteintes de la m a l a d i e d ' A l z h e i m e r (c'est l'aspect " d o g m a t i q u e " du rapport)..

La s e c o n d e visée essentielle de ce rapport résidait en effet clans la production d ' u n e analyse j u r i d i q u e élaborée au regard des d i f f é r e n t e s m o n o g r a p h i e s et des situations et des q u e s t i o n s a m e n é e s par les g r o u p e s , dont il ressort nettement q u e la question cruciale est celle des p o u v o i r s e x e r c é s voire disputés entre les différents intervenants a u t o u r de la personne atteinte de la m a l a d i e d ' A l z h e i m e r . Partant, l ' é q u i p e du C E R C R I D a choisi d ' o r i e n t e r l'analyse, qu'il s'agisse du droit bancaire ou de celui des malades, par exemple, à partir de la p r o b l é m a t i q u e du " p o u v o i r d é c i s i o n n e l " (Partie II).

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Après une introduction qui souligne q u e la d é p e n d a n c e n ' e s t pas une catégorie j u r i d i q u e , ne désigne pas nécessairement un état p h y s i q u e ou mental identifié mais que le terme a n n o n c e , toutefois, un m o d e de relations avec les tiers, l'entrée à partir du " p o u v o i r décisionnel" se traduit par dans deux types de dispositifs :

Des dispositifs g é n é r a u x qui garantissent le respect de l ' a u t o n o m i e , dont la protection de la liberté d'aller et venir et les limites apportées aux r é g i m e de protection.

Des dispositifs s p é c i f i q u e s de redistribution des pouvoirs qui organisent les rapports d e s p e r s o n n e s atteintes avec les p r o f e s s i o n n e l s de santé et qui organisent la gestion des biens : gestion spontanée, d ' a f f a i r e s , organisée, le mandat, la m e s u r e légale de protection.

L ' é t a p e décisive nourrie, à la « façon médiane de l'abeille »n, de la c o n f r o n t a t i o n et de

l'articulation, à un niveau plus a p p r o f o n d i , entre les d e u x aspects des pratiques et des n o r m e s , a permis de converger dans la perspective des d é m a r c h e s à envisager ou à privilégier dans ce d o m a i n e , n o t a m m e n t en matière d ' a c c o m p a g n e m e n t des aidants familiaux et p r o f e s s i o n n e l s1' , sur quatre grands axes présentés dans la partie I :

1. Garder une qualité de vie et une liberté de m o u v e m e n t : c o m m e n t se situer entre liberté et protection, entre liberté et surveillance, quelle place conservée, p r o l o n g é e , pour les a c c o m p l i s s e m e n t s de la p e r s o n n e dont elle peut, quoi qu'il en soit, sortir enrichi

La p e r s o n n e a par sa simple présence dans chacun de ses actes, de ses gestes, « le sentiment de son propre a c c o m p l i s s e m e n t , et elle é p r o u v e à travers lui son existence » écrit T o d o r o v1 4 qui souligne dans toutes les f o r m e s d ' a c c o m p l i s s e m e n t le caractère paradoxal : « le je y s e m b l e oublié, il en sort pourtant enrichi » ' \ La question posée de c o m m e n t se situer entre liberté et protection, entre liberté et surveillance, est aussi celle de la place conservée, prolongée, pour les a c c o m p l i s s e m e n t s de la personne.

2. Quelle place trouve la personne protégée et représentée lorsqu'il y a mise en place d ' u n e mesure j u r i d i q u e ...

3. Prendre soin et se projeter dans l'avenir : Quels projets vis-à-vis de la personne et pour e u x - m ê m e s s ' a g i s s a n t des protagonistes aidants f a m i l i a u x et professionnels ?

12 Cf. Francis Bacon. Novum orgcimmi. 1620. p. 362. n° 95 : "Ceux qui oui traité les sciences furent ou des empiriques ou des

dogmatiques. Les premiers, à la manière des fourmis, se contentent d'amasser et de faire usage de leurs réserves: les seconds, à la manière des araignées, tissent des toiles à partir de leur propre substance. L'abeille, de façon médiane, recueille sa matière des fleurs des jardins et des champs, mais la transforme et l'absorbe de ses propres facultés. (...) Nous avons de bonnes raisons de fonder des espoirs sur une alliance plus étroite et intense entre ces deux facultés (expérimentale et rationnelle) dont il est beaucoup attendu. » Voir http://history.hanover.edu/texts/bacon/novorg.htm

13 Cf. S. Fiore. J-P Aquino. « Aider les aidants familiaux ». les aidants familiaux et professionnels : de la charge à l'aide.

Serdi. Fondation Médéric Alzheime. 2001. p. 51 sq.

14 cf. T. Todorov. La vie commune Essai d'anthropologie générale. Seuil. 1995. p. I 79xq. 15 ibid

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4. Le diagnostic : être informé pour comprendre les changements vécus, les changements à venir et envisager l'avenir...

Après avoir rencontré et entendu plusieurs personnes et après les tables rondes, il apparaît fondamental que chacun (personne atteinte de la maladie et entourage familial) soit informé pour comprendre les changements vécus, les changements à venir et envisager l'avenir... Des questions se posent à partir de là : à qui dire le diagnostic? Comment?

Sur ce dernier point l'exemple de Mr B. illustre à quel point il reprend pied lorsque son épouse lui apprend le diagnostic, après perdu sa capacité à faire face au réel de son atteinte à proportion de la sorte de "confiscation" plus ou moins organisée de son diagnostic par l'entourage : « On ne lui a rien

dit tout de suite, nous confie sa femme en sa présence, je lui ai dit six mois plus tard, les médecins ne disent rien en France, moi, je suis pour qu'on dise ; j'étais dans tous mes états, j'ai pris conseil avant de lui dire. Pendant les 6 mois où je n'ai rien dit, il n'a pas bougé du canapé, il était en pleine dépression, il ne savait pas. J'ai attendu un matin, il s'est réveillé en pleurant, il m'a dit ."pourquoi tu ne me dis pas ce que les médecins ont dit?, je lui ai dit: "tu as une maladie qui touche la mémoire, il y a des médicaments formidables, on va te maintenir" ; et maintenant, il bouge et il va très bien. »

Cet exemple, parmi d'autres, incite à se rapprocher des aidants familiaux et professionnels pour leur faire connaître les bénéfices qu'il y a à communiquer le diagnostic au parent, pour avancer avec lui dans le sens de sa trajectoire16.

Avant de rentrer dans l'épaisseur des restitutions des situations et de leur analyses juridiques, trois remarques conclusives de cette présentation en guise de viatique.

La prise en compte des incertitudes appelle des démarches auprès des aidants

A - La question est celle de « v i v r e e n s e m b l e »1 7 avec une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. Ce qui cherchait et tendait à se cristalliser à travers un mot, un libellé, au détour des considérations soulevées dans l'approche réalisée avec les protagonistes et dans sa reprise effectuée par les juristes, a trouvé à se formuler avec la notion de "projet", dans la nécessité de construire un projet "de vivre ensemble" qui se décline alors en projets spécifiques articulés entre eux : "de vie" pour la personne atteinte, "de vie de famille" pour les proches, "de vie professionnelle" pour les aidants professionnels qui s'y emploient, "de mandat" pour la personne qui œuvre à la protection juridique de la personne atteinte. La présentation d ' u n e monographie qui va suivre (cf. partie 1 - § Préambule) fournira une illustration qui semble caractériser déjà le problème de façon significative : on imagine la personne atteinte au milieu, alors que tout semble se passer comme si les protagonistes allaient imperturbablement chacun de leur projet sans savoir que le projet d'un autre protagoniste, justement, est autre, la situation se rabattant parfois brutalement sur les contours des relations de

pouvoir.

Pour un exposé détaillé de ces questions, se reporter à la partie I rédigée par Micheline Mauduit et dans la

partie II la contribution de Joël Moret-Bailly (cf. infra).

17 Voir aussi Choquet ( L ) . C r o f f (B.). « C o m m e n t vivre e n s e m b l e » in lacub (M.). Maniglier (P.) (dir.).

Familles en scènes, ed. Autrement. Paris. 2003.

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B - Sans doute la façon de penser l'entourage de la p e r s o n n e atteinte tend à se t r a n s f o r m e r . On a dans le passé envisagé g é n é r a l e m e n t la question de m a n i è r e très g é n é r a l e ; plus récemment, on a s o u l i g n é les risques inhérents à ces états de santé ; a u j o u r d ' h u i , la question est plus souvent p o s é e et la présente étude l'illustre, à partir d ' u n e prise en considération des difficultés et des risques inhérents aux situations, d ' u n e prise en considération des c a p a c i t é s relatives des différents a c t e u r s de l'entourage de la p e r s o n n e atteinte de la maladie, q u ' e l l e fasse l'objet ou non d ' u n e m e s u r e d e protection j u r i d i q u e : la situation la plus ordinaire est c o n ç u e c o m m e comportant des risques de manière intrinsèque. Partant, au m o m e n t de la r e c o n n a i s s a n c e de ces incertitudes, la question se pose-t-elle d ' é l a b o r e r des conduites de précaution.

C- Cette inflexion qui incorpore la prise en c o m p t e des incertitudes met en bonne place le rôle des modalités d ' i n t e r v e n t i o n s dans l'évolution de l'état et de la qualité de vie de la p e r s o n n e . La question du respect des libertés est à cet égard, bien e n t e n d u , princeps.

Quelles sont alors les d é m a r c h e s à envisager ou à privilégier d a n s ce d o m a i n e et auprès des aidants, en vue de conserver et de promouvoir, à partir du ( d e s ) p r o j e t ( s ) concernant la personne atteinte de la maladie d ' A l z h e i m e r , sa dimension de sujet ? I18.

C ' e s t l'objectif de ce rapport que de les éclairer.

18 Ce sujet dont le philosophe Ludwig Wittgenstein nous rappelle, justement, qu'il « n'appartient pas au monde mais [qu'] il

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PARTIE I

Le respect des libertés, les besoins des aidants et la protection juridique, approchés à travers

les situations relevées dans les monographies et les réflexions provenant des tables rondes

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PREAMBULE

A l'hôpital Charles Foix d'Ivry sur Seine, lors d'une journée consacrée «[aux] professionnels de santé et [aux] familles face à l'évolution des droits des m a l a d e s » à l'occasion de la 9cme journée mondiale Alzheimer, une femme intervient pour dire la situation de sa mère et sa révolte face au pouvoir médical. Nous lui proposons de la rencontrer

• Mademoiselle Nicole T. a 56 ans, elle est célibataire et habite Paris, elle est éducatrice spécialisée et s'occupe de jeunes délinquants en foyer ;

• Mademoiselle T. a une sœur aînée, qui a 67 ans et vit dans le Sud de la France.

• Sa mère, Madame T., 91 ans. veuve depuis janvier 2000, a travaillé auparavant à la Poste jusqu'à l'âge de la retraite. Son mari, quant à lui, après avoir démarré comme mécanicien chez un garagiste en Bretagne, a acquis son propre garage à Paris en 1958.

• Madame T. est restée à son domicile jusqu'en mars 2002, avec une présence soutenue de sa fille et de diverses personnes extérieures; elle est aujourd'hui en maison de retraite, dans son quartier, le

15ème arrondissement de Paris.

• Ses revenus sont confortables car elle est propriétaire de plusieurs appartements acquis avec son mari ; ils souhaitaient justement assurer leurs vieux jours sans dépendre de quiconque.

• Une mesure de protection juridique est déclenchée au moment même des rencontres avec Mademoiselle Nicole T. qui avait reçu la confiance de ses parents pour les soutenir dans de nombreux aspects de leur vie quotidienne.

Mes parents ne se sont jamais quittés pendant 66 ans de mariage. Ma mère a perdu ses parents très tôt alors qu'ils vivaient à Paris : son père à l'âge de 4 ans durant la guerre de 14-18 et sa mère, à l'âge de 7 ans, de la grippe espagnole. Elle a été élevée par sa grand-mère paternelle. Ses parents étaient cousins germains, ses deux grands-mères étaient sœurs [et] ont décidé ensemble que cette petite fille serait mieux à la campagne en Bretagne.

Mes parents se sont connus en Bretagne, dans un village où ma mère travaillait déjà à la Poste ; beaucoup de la famille de ma mère était instituteur, elle aurait pu le devenir mais elle a passé un concours à la Poste et à fait sa carrière là. Elle voulait des enfants ; mon père, pas vraiment ; il a accepté d'en avoir. [Plus tard] ils sont venus vivre à Paris, en 58, pour suivre ma sœur, qui était venue y vivre; mes parents étaient inquiets de la savoir à Paris, même si elle vivait chez une tante; c'est là que mon père a est devenu chauffeur de taxi. Pour moi, ça a été difficile, j'avais 10 ans, mais on a souvent fait en fonction de ma sœur [l'écart d'âge est de 11 ans]. Ils avaient un peu peur d'elle, c'est le genre à tout diriger.

La maladie de ma mère est devenue flagrante à la mort de mon père en janvier 2000. Auparavant, il y avait quelques problèmes de désorientation, elle ne rangeait pas forcément les choses à leur place, mais elle faisait ses courses, s'occupait de son argent. Mais ses comportements dérangeaient mon père, qui, d'emblée l'a traitée de "folle".

Comme mon père était très désagréable avec ma mère, qu'il ne supportait pas qu'elle oublie, j'ai décidé de faire passer des tests aux deux parce que mon père n'allait pas bien non plus, dans un autre genre. Il était souvent à côté de ses pompes, dans un autre genre que ma mère. Je leur ai dit « il faut qu'on en ait le cœur net. maman va passer des tests et puis toi. papa, aussi. On va voir ce que disent les médecins. »

J'avais décidé ça. et ils ont été d'accord. On a passé les premiers tests en décembre 99 ; le gériatre a prescrit un scanner : il a dit que pour ma mère, on pouvait dire que c'était apparenté Alzheimer et que, pour mon père, c'était un état dépressif;

Les éléments rapportés de l'histoire de la

personne

Les signes de la maladie ou les événements qui

ont amené à une demande de diagnostic

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A m a mère, on n'a pas dit le mot " A l z h e i m e r " , mais des p r o b l è m e s de m é m o i r e , mais c'est vrai qu'elle a t o u j o u r s eu du mal à accepter cette idée ; elle a banalisé la chose en disant "non, non, j e ne suis pas f o l l e " ; elle banalise t o u j o u r s .

Le médecin a dit « il y a d e u x solutions. Elle a 88 ans, ou bien, on la laisse tranquille parce qu'elle est âgée, ou bien on la soigne avec des m é d i c a m e n t s , mais ce n'est peut-être pas la peine à son âge.»

Moi, j'ai dit, il y a des m é d i c a m e n t s , il faut qu'elle prenne des m é d i c a m e n t s . Le traitement, ça ralentit quand m ê m e .

Elle a d'abord eu du Notropnyl, et puis q u a n d le diagnostic a été c o n f i r m é avec des e x a m e n s plus poussés, elle a eu de l ' A r i c e p t .

Q u a n d [le père] a été hospitalisé pour un c a n c e r de la prostate, elle a été très déstabilisée. La maladie de mon père a été un choc et sa mort une a u t r e rupture.

A p r è s sa mort, on a organisé les c h o s e s à domicile. Ma sœur trouvait q u e c'était insensé de la garder à domicile. Elle disait c o m m e mon père, que m a m è r e était folle et qu'il fallait la placer. Je m e suis o p p o s é e tout de suite. En plus, elle habite le Sud de la France et ce n'est pas elle qui gère le quotidien, c'est moi. On a mis une infirmière en place le matin ; c'est m a sœur qui l'a t r o u v é e ; m a m è r e c o m m e n ç a i t sa toilette mais ne la finissait pas, elle n'en faisait q u e des bouts, elle ne s'habillait pas de façon adaptée.

Le midi, elle allait au restaurant E m e r a u d e , pas très loin de chez e l l e ; elle pouvait y aller seule ; elle a i m e bien m a n g e r , mais elle n'aime pas faire à m a n g e r ; avec mon père, ils m a n g e a i e n t d a n s un restaurant de la Poste tous les midis, ou bien c'était lui qui faisait à m a n g e r . J'ai préféré cette solution du restaurant plutôt que les repas à d o m i c i l e ; ainsi, elle continuait à sortir.

Et puis le soir, il a fallu aussi quelqu'un. Au début, c'était une amie, qui c o n t i n u e d'aller la voir à la maison de retraite, d'ailleurs. Et puis il a fallu une professionnelle qui venait à 6 heures le soir pour m a n g e r avec elle, parler un peu. Et puis, après, il a fallu quelqu'un pour le w e e k - e n d . J'y allais, mais j'ai aussi trouvé quelqu'un par l'intermédiaire d'une amie, quelqu'un qui avait un e n f a n t , venait avec son enfant. M a mère adore les enfants.

La vie s'est organisée ; elle était contente d'être c h e z elle. J'ai adapté les aides au f u r et à mesure: une amie la suivait quand elle allait au restaurant, à distance, et elle allait la chercher, la r a c c o m p a g n a i t c h e z elle parce qu'elle s'est p e r d u e 2 fois. Mais j e ne voulais pas qu'elle perde cette capacité à se p r o m e n e r seule. Le matin, elle allait chercher son pain c h e z le boulanger, des fois, elle allait au M o n o p r i x pour acheter une bricole, du beurre. Je lui ai toujours laissé d e l'argent d a n s son porte-monnaie. Selon moi, c'était important pour elle d'avoir des sous. Elle a eu une aide à domicile d'une association qui lui a volé de l'argent ; j'ai arrêté avec cette association. C'était mieux avec les gens que j'ai trouvés seule, et en d e h o r s des associations. On se d e m a n d e c o m m e n t elles font le tri... Elle a eu de l'argent jusqu'à l'été 2001 puisque, après, ne se promenant plus seule, il n'y avait pas tellement de raison pour qu'elle ait de l'argent.

En 2 0 0 1 , donc, elle a baissé et ne se déplaçait plus seule [environ un an et demi après le diagnostic]. J'ai pensé qu'il fallait trouver un centre de j o u r pour qu'elle ait des activités. En octobre, j'ai rencontré la médecin psychiatre d'un centre de j o u r , qui l'a admise d'abord une d e m i - j o u r n é e puis une j o u r n é e en plus par

s e m a i n e .

C'était une nouvelle organisation qui me convenait, que j e trouvais bien pour m a m è r e : 2 fois au centre de j o u r , un j o u r moi. un j o u r , mon amie, le vendredi la c h o r a l e dans la maison de retraite où elle est maintenant. [Tout] ça rythmait sa s e m a i n e .

Ma s œ u r n'a pas été contente que j e m ' o p p o s e à elle pour que ma mère reste à d o m i c i l e ; j e suis la petite sœur, et j'aurais dû dire oui toute ma vie ; ça a fini de

L ' a n n o n c e du d i a g n o s t i c la médication Le r y t h m e de la personne, l'organisation qui é v o l u e et s ' a d a p t e avec l ' a v a n c é e de la m a l a d i e La fratrie; les a g e n c e m e n t s dans la famille

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casser nos relations, elle a décidé de me rayer de sa vie. Elle avait conscience que si m a mère restait chez elle, ça me donnerait une position privilégiée qu'elle n'a pas envie q u e j'aie. Je suis proche de m a m è r e . C'est une sorte de jalousie. Elle a essayé de dire à ma mère que j e faisais n ' i m p o r t e quoi mais m a mère voit bien qui s'occupe d'elle. Ma sœur, elle vient s e u l e m e n t une fois tous les six mois. Elle ne supporte pas que la petite ait plus de p o u v o i r qu'elle. Et elle pense que si ma mère ne veut pas aller c h e z elle, c'est parce qu'elle est sous mon influence. Or, ma mère ne veut pas y aller parce ma s œ u r ne veut pas de moi c h e z elle et, du coup, elle prive m a mère de voir ses petits-enfants et arrière-petits-enfants. Ma sœur ne pensait pas que ma mère aurait résisté. T a n t qu'elle a été chez elle, m a mère a tenu sa position ; à la maison de retraite, c'est une autre histoire, elle est en fragilité.

Ma sœur a aussi rencontré la psychiatre du centre de j o u r . On devait se rencontrer à 3 a v e c la psychiatre. Finalement, elle l'a vue seule ; j e ne sais pas ce qu'elles se sont racontées ; elle a trouvé une alliance p o u r m e casser.

La question du choix du lieu de vie

Ma sœur qui voulait tellement que ma mère soit en m a i s o n de retraite, avait fait un dossier. En m ' i n f o r m a n t , mais c'est elle qui avait fait les d é m a r c h e s , c'est elle qui est allée voir le directeur. J'y suis allée aussi après avec m a mère, en disant que ce n'était pas pour tout de suite. Ca tombait bien parce qu'il n'y avait pas de place. Je savais qu'un j o u r , ce serait obligatoire. Pour m o i , la limite à domicile, c'était "tant qu'elle peut rester seule chez elle la nuit". Et j'ai de la chance, elle dort bien.

J'ai pensé que c'était bien qu'elle fasse q u e l q u e c h o s e dans cette maison de retraite pour s'habituer, c'est c o m m e ça qu'elle est allée à la chorale le vendredi. Mais finalement, ça s'est fait très vite. En m a r s 2 0 0 2 , j u s t e m e n t , avant de partir en vacances avec elle, j'ai reçu un coup de fil du directeur pour me dire qu'il avait une place et c'est vrai que ma mère avait baissé pendant l'hiver. Malgré les activités, la d é p e n d a n c e s'était accrue. De plus, le cabinet d'infirmières libérales ne pouvait plus intervenir à partir de s e p t e m b r e . Je savais qu'il y aurait une nouvelle organisation à mettre en place ; ça m'inquiétait un peu, mais j e voyais ça pour plus tard. Là, il a fallu prendre une décision rapide mais j e voulais prendre le t e m p s d'en parler avec m a mère pour qu'elle accepte l'idée. Ma mère n'était pas chaude. Elle avait peur de perdre notre petite vie, notre organisation. Ma mère a fini par accepter : "si tu es d'accord, j e suis d'accord".

Au début, ça ne s'est pas très bien passé parce q u e mon projet de faire moitié-moitié, ils n'ont pas accepté ; "vous ne l ' e m m e n e z plus c h e z elle, ça va la perturber" ; ils ont trouvé que j'étais trop présente, q u e j e m e mêlais de choses qui ne me regardaient pas ; elle était c o m m e d a n s une prison ; quand on sortait l'après-midi, on avait une permission pour entrer à telle h e u r e . . . Je l'ai refaite sortir un mois plus tard.

Et puis, on a repassé un contrat. Ma sœur est v e n u e ; on a trouvé un terrain d'entente avec le directeur de la maison de retraite qui m'avait déjà parlé de tutelle, en raison du désaccord avec ma sœur ; il a r e n o n c é à cette idée quand on a trouvé un accord avec m a sœur.

Il faut aussi parler du centre de j o u r : au début, ça s'est pas mal passé. Sauf q u e ce médecin, cette f e m m e psychiatre, avait une façon de dire que c'était le seul centre en Ile de France, c o m m e ç a ; qu'elle faisait m i e u x que les a u t r e s ; une façon de se faire m o u s s e r qui ne m'a pas plu ; sa personnalité m'a assez vite dérangée.

J'ai ressenti qu'elle avait ce désir de pouvoir, q u a n d j'ai voulu partir en vacances avec ma mère. J'ai l'habitude de partir avec m a m è r e et avec mon amie ; j'ai simplement a n n o n c é que j e partais avec ma mère. Le m é d e c i n a réagi vivement :

Les relations avec le m o n d e médical le rôle des médecins

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"mais c o m m e n t ! vous ne p o u v e z pas faire ça. c'est très sérieux les activités q u e l'on fait. Vous ne p o u v e z pas d é c i d e r ça sans m'en parler, sans m e d e m a n d e r l'autorisation"

Ca s'est encore gâté quand on nous a offert une place en maison de retraite. Pour moi, le centre de j o u r , c'était l'endroit où elle faisait des activités ; j e n'ai pas tenu au courant de mes tractations avec la maison de retraite. Elle a fait une crise parce que j e n'avais pas pris son avis. Il aurait fallu que j e la consulte, que j e lui d e m a n d e ce qu'elle en pensait.

En fait, les médecins n'ont pas envie que les familles prennent des initiatives. C'est à eux, les médecins, de décider ce qu'il est bon ou pas bon de faire.

Cette f e m m e , j e l'ai rencontrée à peu près tous les 2 mois, pendant les activités de ma mère ; c'était dans le contrat q u e la f a m i l l e rencontre la psychiatre. Elle m'a fait parler, de la famille, de l'histoire de m a mère. Mais elle n'a j a m a i s voulu r é p o n d r e à mes questions : c o m m e n t elle voyait l'évolution de m a mère ? Elle m'a cataloguée c o m m e quelqu'un d'incontrôlable et qui ne prend pas en c o m p t e les soins.

Et finalement, elle a fait un c o m p t e - r e n d u , en se servant de l'entrée de ma m è r e en maison de retraite, pour dire que m a mère allait b e a u c o u p m i e u x , qu'elle était moins perturbée. Ce qui tendait à p r o u v e r qu'auparavant elle était mal entourée et qu'elle avait une relation p a t h o l o g i q u e avec moi. Elle a e n v o y é ce c o m p t e -rendu à l'institution et au médecin traitant.

Pendant mes vacances en s e p t e m b r e , la psychiatre a fait revenir 2 fois par s e m a i n e ma mère au centre de j o u r , avec l'accord de m a sœur. Le médecin de la maison de retraite a dit qu'il n'avait pas le g r a d e suffisant pour s'opposer à la psychiatre. Moi, j'avais signalé au directeur q u e j e ne voulais plus que ma mère y retourne, surtout après l'histoire de la lettre ; il avait été d'accord avec moi.

Les médecins ont du pouvoir : q u a n d j'ai dit q u e j e voulais q u e ma mère g a r d e son médecin généraliste, on a bien vu q u e ça tiquait. On nous a présenté le médecin de la maison de retraite qui devait la suivre en cas de pépin. Il a un p o u v o i r incroyable dans la maison.

Maintenant qu'une mesure a été d e m a n d é e et qu'il y a un m a n d a t a i r e spécial, il s'en sert : alors m ê m e que le directeur était d'accord pour que m a mère n'aille pas en centre de j o u r cette semaine, le médecin a pris la décision contraire et il m ' e n v o i e une lettre pour m e dire q u e seul le mandataire de j u s t i c e peut prendre la décision de ne plus e n v o y e r ma m è r e au centre de j o u r . Et ça, ce n'est pas dans la notification du j u g e . Il est m a n d a t é pour gérer les biens, pas pour décider pour la personne

Moi, j'ai toujours eu la procuration depuis très longtemps. Tout était installé depuis longtemps parce que, m e s parents diminuant, ils m'ont c o n f i é cet a c c o m p a g n e m e n t dans le quotidien. A v a n t la mort de mon père, déjà depuis 2 ou 3 ans, j e les a c c o m p a g n a i s à la Poste pour prendre de l'argent. J'ai continué avec m a mère mais j e l'ai t o u j o u r s associée. Je voulais qu'elle soit au courant pour qu'elle ne soit pas en dehors de ses propres affaires.

A ma sœur, mes parents ont c o n f i é la gestion des appartements. Mes parents sont des gens qui ont mis de l'argent de côté, pour p o u v o i r ne d é p e n d r e de p e r s o n n e ; ils ont fait des achats immobiliers pour avoir un c o m p l é m e n t de retraite ; ils ont une bonne retraite mais ils ont tout fait pour ne pas d é p e n d r e de la société, pour n'avoir rien à d e m a n d e r à personne. C'est donc ma s œ u r qui gère les a p p a r t e m e n t s depuis une q u i n z a i n e d'années. C'est ma mère qui faisait tout avant, les comptes ; elle en avait marre, elle a d e m a n d é à ma s œ u r de s'occuper de ça. Autant ils avaient horreur qu'elle se mêle de leurs affaires, autant là, poul-ies appartements, ce n'était pas un p r o b l è m e . Ils avaient une c o n f i a n c e totale en moi, et une c o n f i a n c e limitée en elle et. surtout, en son mari.

Ma s œ u r pensait qu'elle avait la procuration [mais] elle a appris r é c e m m e n t

La liberté de choix du médecin

La gestion des biens de la person ne;

le f o n c t i o n n e m e n t de la p e r s o n n e

Figure

Illustration de la gestion  hors régime de protection  Procuration :  c o n s e n t e m e n t du  m a l a d e ,  étendue de la procuration  générale, spéciale),  pouvoir du  m a n d a t a i r e  Droits et obligations  d e  l'établissement  b a n c a i r e

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