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Le port de Mâcon dans la première moitié du XVe siècle

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Le port de Mâcon

dans la première moitié du XV

e

siècle

Que sait-on des infrastructures portuaires à Mâcon au Moyen Âge ? Le terme de

« port » est polysémique1. Il désigne tout à la fois un refuge, un débarcadère, un port ou un

quartier fait d’ateliers et d’entrepôts. Le Breuil, l’avant-port de Mâcon au nord, est un simple échouage. L’atterrissage des embarcations s’effectue grâce à une berge en pente douce. La potentialité du site, un pré, à proximité des routes, favorise son usage portuaire et commercial. Les embarcations à fond plat et à faible tirant d’eau s’adaptent à ce genre d’échouage. Il en est

de même, au sud de la ville, au pâturage du Bourgneuf2. Toutefois, d’autres grèves sont mieux

aménagées.

Les infrastructures portuaires.

Des aménagements importants ont été effectués à la Gravière, entre le Breuil et la tour

Crève-cœur, en 13833. Il s’agit d’une structure verticale en pierre de taille s’avançant dans

l’eau. Le mur de jetée, face à la tour Crève-cœur, s’avance de 4 m. dans la Saône. Il repose sur un épais manteau qui mesure 1,2 m. d’épaisseur. Hors de l’eau, le mur fait quatre pieds d’épaisseur et se rétrécit pour atteindre deux pieds en avançant sur la terre. Il s’agit donc d’une plate-forme, sur la Saône, de 4 m x 1,2 m. L’amarrage des bateaux se fait au moyen de

deux anneaux métalliques4. La première toise, réalisée en pierre de taille, supporte un engin

de levage lui-même surélevé d’un pied – un équipement adapté au commerce des barriques de vin. C'est le « Roi de la Gravière » qui en orchestre la manœuvre. Le bon fonctionnement de la grève, le respect des poids et des mesures, sont de sa responsabilité. Outre son usage pour recevoir une charrette, cette construction peut avoir pour fonction de prévenir l’envasement ou l’ensablement de la Gravière.

Les infrastructures du port Guyot de Nanton nous sont inconnues. Les comptes de la ville laissent, tout de même, discerner une évolution. En 1364, confrontés au besoin de défendre la ville, les administrateurs mâconnais mettent en œuvre les moyens utiles à la

protection des biens et des personnes. Une palissade de bois est édifiée en arrière du port5 qui

ne pourrait être alors qu'une simple grève. En effet, des travaux de maçonnerie y sont réalisés,

en 14096. Puis, les fortifications en pierre ont remplacé les éléments défensifs en bois7. Des

ouvertures dans les murailles permettent de joindre la grève à de multiples endroits. La situation est la même pour les ports de l’Épée, du Maillon, de l’Écorcherie et de Saint-Jean.

Le port de la Chevroterie, face aux halles, est un espace portuaire avec appontement. Un compte de l’année 1438 mentionne l’achat de planches que des ouvriers rendent « prestes

1

Rossiaud, Jacques, Le Rhône au Moyen Âge, Paris, Aubier, 2007 ; -, « Les ports fluviaux au Moyen Âge (France et Italie) »,

Ports maritimes et ports fluviaux au Moyen Âge, La Rochelle, 2004, Paris, publication de la Sorbonne, 2005, p. 9-19 ;

Contamine, Philippe, « Équipements et installations portuaires en France de la fin du Moyen Âge aux Temps modernes », I

porti come impresa economica. Atti della Diciannovesima Settimane di Studi 2-6 maggio 1987, Florence, 1988, p. 7-19.

2Archives municipales de Mâcon (AMM), Registres des délibérations, BB6, f. 11v°. 3 Ibid., BB6, f. 19r°.

4Ibid., BB6, f. 21v°. 5AMM, Comptes, CC65/4. 6Ibid., CC70/12.

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pour mettre en œuvre sur la rivière de Saone8

». Ces travaux sont suivis de la réparation de

« plusieurs ouvraiges de marinnerie servant de soubstanement9 » aux planches. Ces

indications révèlent l’existence d’un quai vertical, composé de pilotis fichés dans la vase, liés par des claies, surmontées de planches aménagées en ponton. La longueur totale des planches, plus de 190 m, permet d’envisager l’existence d’infrastructures identiques. Ces postes d’amarrage ne sont utilisés que par de petites embarcations (carte 1).

D’autres aménagements se sont établis sur les berges ou à proximité. Un moulin10

est

installé sur la seconde pile du pont de Saône. Un « engin11 » (un palan ?) est établi au pied du

pont, à proximité de la pêcherie. Le caractère saisonnier de cette dernière appelle d’autres activités. La maison des teinturiers est établie à côté des halles, face au port de l’écorcherie. Saint Nicolas, le patron des nautes, a sa chapelle sur la troisième pile du pont et une statue en bois, dans la niche d’un arc. Notre Dame, saint Étienne, saint Jacques et saint Jean assurent la présence du sacré, par les églises et les hôpitaux, à proximité des berges. Le pilori, installé au carrefour des rues affiche, aux yeux de tous, la sévérité de la justice des hommes. Le goût du macabre en fait un lieu de rencontres et d'échanges. Enfin, au pied des murailles, des couloirs

de circulation sont aménagés avec des degrés qui montent vers la ville12 (carte 2). En effet,

l’une des commodités du port réside dans l’étendue de sa façade. Toutefois, Mâcon n’échappe pas aux problèmes de l’ensemble des ports médiévaux.

Comme pour d’autres structures portuaires, les aménagements sont dissymétriques puisque la berge de Saint-Laurent-sur-Saône paraît moins bien équipée. On note aussi que le pont crée un effet de barrage : il concentre les activités et accentue le contraste amont-aval. À l’image des villes-ponts, Mâcon possède donc des ports d’amont et des ports d’aval. Parmi les

problèmes portuaires figurent l’encombrement des berges et la présence de la fange13

. Les bouchers, les écorcheurs, les teinturiers ou les maçons laissent sur la grève leurs résidus d’activité. Les cochons divaguent, remuant les immondices. Les pêcheurs et les artisans y installent leur matériel. On repère, parmi les précautions des magistrats, l’installation d’hôpitaux car la contagion menace. Les odeurs et les miasmes des latrines se répandent et se mêlent aux odeurs et aux restes de débris humains présents sur le lieu des exécutions (figure 1). Lorsque la rivière sort de son lit, la grève, le pont et les pontons sont menacés. Les

portails sont endommagés ou emportés14, les embarcations sont à la dérive15. La Saône est un

fleuve lent mais aux crues répétées et parfois violentes comme en 1413, 1417, 1418, 1423 ou

1426. À chaque fois, il faut réparer et nettoyer16.

La communauté portuaire.

Le port est un quartier particulier dans lequel une population hétéroclite vit sous la direction du Maître des ports et des passages, établi à Mâcon. Le Cartulaire perçoit les taxes sous son contrôle. Le Roi de la Gravière capte, à son profit, une parcelle des pouvoirs qui sont ainsi délégués. Tout un personnel de sergents et de gardes contrôle et régule la vie du port. La population des bas quartiers anime les lieux. Elle se compose de manœuvres qui portent les

8Archives départementales de Côte-d’Or (ADCO), Comptes du receveur du Mâconnais, B5085, f. 19v°. 9 Ibid., B5085, f. 21r°.

10AMM, Registres des délibérations, BB14, f. 4r°.

11 Ibid., BB12, f. 85r° ; Ibid., BB8, f. 14r°, un autre « engin » est repéré entre les murs de la ville et ceux du couvent de Saint-Pierre-Hors-les-Murs à proximité de la chaussée de la Barre.

12 AMM, Comptes, CC71/24.

13AMM, Registres des délibérations, BB14, f. 31r°. 14AMM, Comptes, CC71/1 ; CC71/55, f. 3r°. 15Ibid., CC71/1.

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fûts, les sacs de céréales ou de sel, les balles de laine. Les pelleteurs remplissent des sacs de grains sous le regard des meuniers dont les hôtels à proximité servent d’entrepôts. Les terrassiers réparent les ravines et ornières creusées par les chariots et la pluie. Le transport des marchandises est assuré par les bouviers. Les ateliers de réparation, pour les embarcations,

attirent les artisans du fer et du bois. Ils encombrent le pied du pont de Saône17. Cependant, si

la construction de petites unités de commerce est envisageable sur place, c’est à Chalon-sur-Saône que les magistrats commandent la fabrication des bateaux de guerre (« brigandins »).

Le port est le domaine des nautes et des pêcheurs. Quelques gros patrons assurant le

transport multimodal des marchandises sont connus : Guichard Caillet18 ou André Maréchal.

Quelques patrons de pêche, plus importants que d’autres, ont également laissé leur nom. Pierre Perrier est le plus important de tous. Il est maître des métiers. Cette hiérarchie ne doit pas cacher la solidarité et l’unité de la profession. La confrérie des mariniers, sous le patronage de saint Nicolas, est connue pour ses désordres. Les commerces assurent vivres et confort aux équipages et aux voyageurs. Les boulangers et les pâtissiers fournissent pains, biscuits et gâteaux. Le cuisinier vend pâtés, sauces et plats à emporter. Les viandes et les poissons salés, séchés ou fumés, servent au ravitaillement des équipages. Des boutiques vendent au détail les objets nécessaires aux activités de la pêche et de la navigation :

couteaux, paniers, toiles et vêtements, cordes etc. Un « clivier19 » fabricant de cribles et de

tamis travaille sur le pont. Les hôteliers, aubergistes ou barbiers, prospèrent aux environs du port. Le chirurgien, le notaire ou la prostituée y ont une partie de leur clientèle. Cependant, la misère échappe à notre regard. Combien d’estropiés, d’oisifs ou de veuves ?

La Saône joue le rôle de frontière. Mais c’est une frontière mouvante, indécise, prise entre diverses entités : la France, la Bourgogne, la Savoie. Elle n’entrave pas le commerce et le va-et-vient des hommes est constant. Le trafic sur la rivière de Saône est un élément déterminant du dynamisme de la cité mâconnaise.

Benoît Léthenet EA3400 – UdS

17AMM, Registre des délibérations, BB12, f. 108v°.

18

AMM, Comptes, CC65/153, 172, 174 ; AMM, Registres des délibérations, BB6, f. 45v° ; Ibid., BB7, f. 28r°. 19Ibid., BB6, f. 61r°.

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Carte 1

Carte 2

Figure 1 : Représentation du bourreau Jeannin Maillet (AMM, Comptes, CC2)

Figure

Figure 1 : Représentation du bourreau Jeannin Maillet   (AMM, Comptes, CC2)

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