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ARTheque - STEF - ENS Cachan | De la visite d'une exposition scientifique à la construction d'un récit : la rencontre de deux cultures

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Academic year: 2021

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DE LA VISITE D’UNE EXPOSITION SCIENTIFIQUE

À LA CONSTRUCTION D’UN RÉCIT :

LA RENCONTRE DE DEUX CULTURES

Christine SAUZEAU, Éric TRIQUET IUFM Grenoble

MOTS-CLÉS : MUSÉE - RÉCIT - FICTION - CULTURE SCIENTIFIQUE

RÉSUMÉ : Le travail présenté s’appuie sur une expérience menée dans le cadre d’un module interdisciplinaire proposé à des professeurs d’école stagiaires (deuxième année d’IUFM). Le module comportait une phase d’écriture au musée et un temps d’atelier d’écriture mené à l’IUFM. Au cours de celui-ci, les stagiaires devaient écrire ensemble un récit inspiré par la visite dans ce lieu de culture et présentant à la fois les traits habituels d’une fiction et la rigueur d’un écrit scientifique sur les connaissances.

ABSTRACT : This exercise is based on an experiment carried out of trainee teachers (second year IUFM students) as part of an interdisciplinary module. The module was composed of the writing exercice whilst at the museum and another whilst at the IUFM. During the latter, the trainees were asked to produce collectively, a piece of work, inspired by the visit to the museum, wich had both fictive and scientific characteristics.

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1. CADRE GÉNÉRAL

1.1 “La montagne vivante” : point de départ au travail d’écriture

L’exposition choisie pour initier notre projet d’écriture est l’exposition “montagne vivante” du muséum d’histoire naturelle de Grenoble. Elle est composée d’une succession de vitrines constituées de dioramas très épurés, jouant sur une évocation du milieu montagnard. En parcourant la galerie par le côté droit le visiteur se “promène” dans l’étage montagnard, traversant différents milieux. S’il revient sur ses pas par le côté opposé, il poursuit son “ascension” et rencontre d’autres animaux dans l’environnement écologique des étages subalpins et alpins. Dans la première phase d’écriture au musée les stagiaires ont été invités à produire deux types d’écrits :

– des écrits d’investigation : liste et fiches d’observation de la vitrine, – un cartel explicatif

1.2 L’atelier d’écriture

Après une séance de réécriture permettant aux stagiaires de mieux maîtriser et d’améliorer leurs textes explicatifs, le projet d’écriture d’une fiction a été lancé, non sans avoir cerné au préalable son destinataire (des élèves de l’école élémentaire).

L’écriture a comporté quatre phases :

- la négociation en grand groupe d’une trame narrative minimale permettant de présenter tous les animaux successivement dans leur milieu en respectant l’étagement et le rythme saisonnier ;

- l’écriture individuelle d’un premier jet, chacun mettant en scène l’animal dont son groupe était chargé ;

- la réécriture par petits groupes d’un seul texte par vitrine ;

- la réécriture en grand groupe de l’ensemble du texte, afin de régler les divers problèmes de cohésion et de cohérence.

2. LE RÉCIT PRODUIT : UNE FICTION SCIENTIFIQUE

2.1 Principales caractéristiques

L’atelier d’écriture a donné naissance à un récit mettant en scène des animaux de la montagne dans leur milieu ; trois éléments permettent de le définir :

– Sa trame narrative est imaginée à partir du contenu des vitrines de l’exposition (l’animal situé au plus bas de l’étagement - l’écureuil - a un message à faire parvenir à celui qui est au plus haut - le bouquetin - et ce message va être relayé d’étage en étage jusqu’à son destinataire) ;

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– Les descriptions du cadre spatio-temporel sont imposées par l’environnement naturel ; – Il propose une série de rencontres au travers de dialogues mettant en jeu les animaux.

Il est à noter que le récit non seulement intègre les contraintes scientifiques de temps et d’espace, mais il les renforce (un animal à chaque étape de l’ascension) obligeant encore à plus de rigueur dans le discours scientifique.

2.2 Exemple du texte portant sur le sanglier

Il s’agit là de la seconde partie du récit (qui en comporte six) inspirée de la vitrine des sangliers : Clindeuil le Chevreuil, tout excité à l’idée de cette mission, part tête baissée, bois en avant, transmettre ce mystérieux message à Robustin, qui vit là-haut au sommet des montagnes…

« Au sommet des montagnes ! » Le chevreuil réalise soudain l’impossible ascension. Il interrompt alors sa course irréfléchie pour se souvenir de ce que lui a précisé son petit voisin :

« Tu chercheras celui qui pourra te venir en aide, voici une devinette qui t’éclairera : C’est une croissance nourricière qui efface les rayures

C’est un balai-brosse qui nettoie les sous-bois

C’est un rocher imposant qui se déplace en chargeant C’est un bulldozer qui dévaste les clairières

C’est un omnivore qui marche sur la pointe de ses souliers de bois. » Le chevreuil se met à réfléchir :

« Voyons, d’après moi, cela signifie que c’est un gros mammifère qui a des petits à rayures, qu’il a le poil dru, qu’il fouille le sol, qu’il mange de tout, et qu’il marche sur des sabots… Ca y est ! Je sais qui c’est ! C’est Gronet !… Bah ! »

Il ne put s’empêcher d’imaginer l’odeur et les postillons de cet animal court sur pattes, gras, bruyant, sale, sauvage… Il était d’ailleurs persuadé que ce lourdaud de Gronet ne comprendrait rien au message. À ce moment-là, il entendit farfouiller dans le sous-bois et vit surgir Marc et Cassin accompagnés de Gronélaie leur maman. Clindeuil, soulagé par cette rencontre, en profita pour transmettre le message. Gronélaie était bien ennuyée : Gronet son mari l’avait lourdement abandonnée. Elle envoya l’aînée qui réussit à le trouver.

3. EXEMPLES D’INTERACTIONS DISCIPLINAIRES DANS LE RÉCIT

Pour illustrer cette rencontre entre les sciences de la Vie et le français nous présentons trois séquences descriptives en interaction dans le texte du sanglier.

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Ce portrait introductif, basé sur la métaphore, a été composé à la manière des Portraits Araucans tirés de Vendredi ou la vie sauvage de Michel Tournier, dont l’apprentissage avait eu lieu lors d’un précédent cours de français.

Il vise une définition de l’animal “sanglier” à travers ses principales caractéristiques, par touches successives, en des termes imagés dans lesquels le lecteur-enfant peut le reconnaître. Nous sommes donc en présence d’une description générique/poétique.

3.2 La paraphrase explicative dans le registre scientifique

Dans le prolongement direct, le texte propose une sorte de traduction terme à terme des images du portrait par laquelle on apprend, si cela n’était pas acquis, que l’animal évoqué est un gros mammifère qui a des petits à rayures, le poil dru, et qu’il fouille le sol, mange de tout, et marche sur des sabots. Elle engage une mise à l’épreuve de l’interprétation réalisée par le lecteur sur le portrait et apporte une caution scientifique au texte. En effet, cette seconde description renvoie également au sanglier dans son ensemble et donc aux caractéristiques du groupe, mais elle emprunte un lexique sémantiquement plus précis et plus juste. Nous qualifierons cette description de générique/scientifique.

3.3 La description familière de Gronet

La dernière évocation du sanglier établit un retour dans le récit. D’une part, elle s’inscrit à nouveau dans le registre de la langue commune et mobilise des stéréotypes sur le sanglier, d’autre part elle fait explicitement référence à Gronet, personnage de l’histoire. La description devient spécifique/narrative. Ce traitement littéraire du contenu scientifique (dévoilement progressif, description réitérée et imagée, reformulation explicative) est de nature nous semble-t-il à favoriser le travail de mémorisation tant des auteurs que de leurs lecteurs. Par ailleurs, le texte proposé met en jeu, dans sa version intégrale d’autres caractéristiques qui participent du même effet : rimes et mesures utilisées dans les comptines, fables et poèmes.

4. EXEMPLES DE TENSIONS VÉCUES LORS DE LA PRODUCTION

En conservant le même exemple, mais en l’étudiant du point de vue de sa production – grâce aux avant-textes -, nous constatons que la mise en place des interactions disciplinaires s’est négociée progressivement.

4.1 Version 1 : une incohérence au plan scientifique

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cette rencontre, en profita pour leur transmettre le message à l’intention de Gronet son mari. Gronénaie quitta le chevreuil Klindeuil et transmit le message à Gronet son mari le sanglier. » À ce moment de l’histoire, le mois de mai est déjà bien avancé. Or, comme chacun sait le mâle sanglier est solitaire en dehors de la période des amours qui s’étale d’octobre à décembre donc Gronénaie, (selon toute vraisemblance scientifique) ne peut transmettre le message à son mari. Si l’on veut tenir cette contrainte scientifique, il faut donc revoir le récit.

4.2 Version 2 : une pirouette littéraire

« … vit surgir Marc et Cassin accompagnés par Gronélaie leur maman. Klindeuil, soulagé par cette rencontre, en profita pour transmettre le message. Gronélaie était bien ennuyée : Gronet son mari l’avait lourdement abandonnée. Elle eut recours à un détective et réussit à le retrouver. Gronet le

sanglier… »

Le choix est fait de ne pas passer sous silence l’absence du mâle : « Gronet son mari l’avait lourdement abandonnée ». Si cette formule peut paraître triviale, elle a le mérite de forcer le trait et de pointer de façon efficace une des caractéristiques fortes de la vie sociale des sangliers. Néanmoins, elle ne résout pas dans le cas présent le problème de la transmission du message sur laquelle se fonde le récit. Un subterfuge d’écriture est alors trouvé : « Gronélaie a recours à un détective ». La cohérence du récit est préservée mais le scientifique demeure insatisfait.

4.3 Version finale : une proposition scientifique à l’absence de Gronet «…Elle envoya l’aînée qui réussit à le retrouver … »

En poussant davantage l’analyse de la structure sociale des sangliers, une solution est trouvée : le détective est remplacée par l’aînée des marcassins. Au plan scientifique, cette proposition apparaît tout à fait recevable : en effet si les jeunes restent dans la harde aux cotés de la femelle qui leur a donné naissance, ils la quittent au cours de la quatrième année, les jeunes femelles avant les mâles de la même portée. L’idée d’envoyer l’aînée apparaît ainsi doublement pertinente ; elle ne nuit par ailleurs aucunement au récit et apporte même un effet de rime tout à fait intéressant pour clore le paragraphe sur le sanglier. De plus, au delà de l’évolution de la description, on pointe tout au long des versions successives le travail sur la dénomination des animaux. C’est ainsi que « Gronénaie » dénomination quelque peu triviale du premier jet est remplacée par « Gronélaie ». Une seule lettre est changée et une double évocation se met en place : celle de la Laie, non scientifique donné aux femelles de cette famille ; et celle du groin, organe caractéristique de cet animal. De même pour les jeunes « Marin » et « Cassin » changés en « Marc » et « Cassin » : le récit perd une rime mais gagne un jeu sur le nom scientifique du jeune sanglier.

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5. CONCLUSION

Il apparaît dans ce récit plusieurs rapports au réel, l’un faisant référence à l’écologie d’un animal, l’autre à l’univers social de la famille. Ils sont fortement imbriqués, parfois confondus et de fait (sur)déterminent un rapport imaginaire au réel, dans lequel les animaux vivent les même tourments que les Hommes. Un travail de ce type invite non seulement les auteurs à mobiliser des références culturelles habituellement cloisonnées et à opérer sur chacune un travail d’explicitation, mais aussi, et surtout, il permet de les recouper et de les confronter. Proposés à de jeunes enseignants en formation il vise avant tout un réinvestissement du culturel comme élément fort de la professionnalité enseignante.

BIBLIOGRAPHIE

DUMINY-SAUZEAU C., GRAPPIN D., De la formation à la conception d’un manuel scolaire, in Actes du colloque IUFM de Caen, 24-26 octobre 1996, pp. 157-169.

TRIQUET É., De la lecture des vitrines du musée à l’écriture de textes scientifiques, in Actes du colloque de l’ARDIST, Carry-le Rouet, 17-19 octobre 2001, pp. 19-38.

Références

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