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Métiers masculins et métiers féminins, des inégalités persistantes

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(1)

Au début du 20

e

siècle

l’activité professionnelle des

femmes était beaucoup plus

importante que ce que l’on

imagine couramment

aujourd’hui. Certes elle était

dans la France d’alors,

comme celle des hommes,

caractérisée par la

prédominance du secteur

agricole et par une proportion

élevée de non-salariés.

L

e taux d’activité professionnelle des femmes par rapport à l’ensemble de la population féminine1, mesuré avec

les concepts d’aujourd’hui, était déjà d’environ 30% dans la première moitié du siècle dernier. Par la suite, dans la seconde moitié, il augmente régulièrement pour atteindre plus de 36% au début du vingtième siècle. Le taux d’activité des hommes était alors deux fois plus élevé que celui des femmes. Au cours du vingtième siècle les taux d’activité des hommes et des femmes connaissent dans une première période une évolution parallèle, mais en sens inverse de celle du 19esiècle, puisqu’ils reculent. En

raison de la crise des années trente d’abord, et surtout, après la seconde guerre mondiale, en raison d’un ensemble de phénomènes complexes touchant à la fois aux bouleversements du système productif, aux mutations de la structure de l’emploi et à la transformation du système de formation, mais aussi au maintien de la fécondité à un niveau exceptionnellement élevé entre 1943 et le début des années 1960.

Une hausse forte, mais très récente, de l’activité féminine

C’est pour toutes ces raisons que le taux d’activité féminin le plus faible depuis deux siècles est atteint au début des années 1960

avec un chiffre à peine égal à 28%2. Après

une période de baisse de près de quarante années, le taux d’activité féminin augmente à nouveau à partir du début des années soixante. Le recul de l’activité profession-nelle des plus jeunes et des plus âgées, en raison du développement rapide de la sco-larisation d’une part et de la cessation plus ou moins anticipée de l’activité profession-nelle de l’autre, est en effet plus que com-pensé par la montée de l’activité des femmes adultes, notamment de celles âgées de 25 à 49 ans. On assiste ainsi tout d’abord au cours des années 1960 et 1970 à un lent phénomène de rattrapage, le taux d’activité professionnelle du tournant du siècle étant à nouveau atteint à la fin des années 1980. Malgré la crise de l’emploi, des taux supé-rieurs à ceux de la fin du 19esiècle ne sont

atteints que depuis quelques années seule-ment. En 1994 le taux d’activité féminin s’établit à 38% . Par contre la baisse du taux d’activité masculin engagée depuis le début des années 1930 se poursuivra régulière-ment au-delà des années 1960 jusqu’à nos jours, avec comme résultat que finalement moins de la moitié de la population mascu-line totale est engagée aujourd’hui (en 1996) dans une activité productive.

Le résultat de ces évolutions opposées est un renforcement récent du poids relatif des femmes dans la vie économique. La

ROLAND PFEFFERKORN

Métiers «masculins»

et métiers «féminins»

Des inégalités persistantes

Roland PFEFFERKORN

Faculté des sciences sociales de Strasbourg Laboratoire de Sociologie de la Culture Européenne

Notes

1. Sur le processus historique de constitution du travail domestique en relation avec le dévelop-pement du rapport salarial, cf. Françoise BOURGEOIS et alii, «Travail domestique et famille du capitalisme» in Critique de

l’écono-mie politique, nouvelle série, n°3, Maspéro,

1978.

2. «S’occuper d’un foyer, d’une famille, se nour-rir, entretenir un logement mobilisent chaque année 42,7 milliards d’heures contre 38,8 mil-liards d’heures pour le travail professionnel» in Ghislaine GRIMBLER et Caroline ROY, «Activités domestiques: faire, acheter, faire faire ou ne pas faire?», INSEE Première, n°109, octobre 1990.

3. Il n’existe d’ailleurs pas de données synthé-tiques comparatives en ce qui concerne les inégalités entre hommes et femmes au sein de l’univers domestique dans les différents Etats européens. On trouvera tout juste des données éparses dans Europe en chiffre, 4ème édition, Eurostat, Luxembourg, 1994.

4. Cf. par exemple Paul-Henri CHOMBART de LAUWE, La vie quotidienne des familles

ouvrières, CNRS, 1956.

5. En 1992, 9O,3% des ménages possédaient un lave-linge mais seulement 33,0% un lave-vais-selle, avec de notables inégalités selon les caté-gories sociales cependant. Cf. INSEE, Tableaux

de l’économie française, édition 1994/95, p. 43.

6. Cf. INSEE, Les femmes (édition 1995), collec-tion «Contours et caractères», p. 173. 7. Sur ce thème, cf. Monique HAICAULT, «La

gestion ordinaire de la vie en deux» in

Sociologie du travail, 1984/3, p. 268-275.

8. «La division du travail domestique: poids du passé et tension au sein du couple» in Economie

et statistique, n°228, janvier 1990, p. 29-40.

Bernard ZARCA désigne en fait sous l’expres-sion travail domestique les seules tâches ména-gères.

9. On pourrait s’interroger sur la pertinence de l’intégration des activités de bricolage dans le travail domestique. Si on ne peut en nier l’uti-lité voire la nécessité au sein de l’économie domestique de certaines familles, notamment d’ouvriers et d’agriculteurs, les activités de bri-colage revêtent le plus souvent, précisément au sein de ces familles, un caractère de loisir pour les hommes qui s’y livrent. Cf. à ce sujet Florence WEBER, Le travail à côté, EHESS-INRA, 1988.

10. Cf. La trame conjugale. Analyse du couple par

son linge, Nathan, 1992. Sur le même thème, cf.

Sylvette DENEFLE, Tant qu’il y aura du linge

à laver, Arléa-Corlet, 1995.

11. Jean-Claude KAUFMANN, «Les habitudes domestiques» in François de SINGLY (sld), La

famille, l’état des savoirs, op. cit., p. 131.

12. INSEE, Les femmes (édition 1995), op. cit., p. 177.

13. Cf. Georges MENAHEM, «L’activité profes-sionnelle des mères a augmenté les chances de réussite de leurs enfants» in Economie et

Statistique, n°211, juin 1988.

14. Chiffres livrés par la Direction des Etudes et de la Prévision du Ministère de l’Education Nationale (MEN) cités par INSEE, Les femmes (édition 1991), op. cit., p. 139.

15. Cf. Ministère de l’Education Nationale, Direction des Etudes et de la Prévision, Repères

et références statistiques, édition 1994.

16. COMMAILLE, La stratégie des femmes, La Découverte, 1992, p. 89; les chiffres sont empruntés à Georges HATCHUEL, Accueil de

la petite enfance et activité féminine, CREDOC,

1989. 17. Ibidem.

18. Guy DESPLANQUES, «Garder les petits: orga-nisation collective ou solidarité familiale» in INSEE, Données sociales 1993, op. cit., p. 337-338.

19. Cf. Frédérique LEPRINCE, «La garde des jeunes enfants» in INSEE, Données Sociales

1987, op. cit., p. 510.

20. Cf. Catherine VILLENEUVE-GOKALP, «Incidence des charges familiales sur l’organi-sation du travail des femmes», in Population, 1985/5, p. 281.

21. François de SINGLY, Le congé pour enfant

malade. Premier bilan sociologique, Secrétariat

d’Etat chargé des Droits des Femmes. Mission de l’Egalité professionnelle, novembre 1991. Cité par Jacques COMMAILLE, op. cit., p. 32-33.

22. Cf. INSEE, Les femmes (édition 1995), op. cit., p. 104-105. Cf. aussi François HERAN, «L’aide au travail scolaire: les mères persévèrent»,

INSEE Première, n°350, décembre 1994.

23. Cf. INSEE, Les femmes (édition 1995), op. cit., p. 106.

24. Toutes ces données ont été confirmées par les enquêtes menées ou exploitées par Jean-Pierre TERRAIL notamment dans «Réussite scolaire: la mobilisation des filles», Sociétés

contempo-raines, n°11-12, p. 65-67.

25. Sur ce point, toutes les références se trouvent dans François de SINGLY, Fortune et infortune

de la femme mariée, PUF, 3ème édition, 1994,

chapitre 2.

26. Cette différence fondamentale quant au sens du travail domestique pour les hommes et les femmes a été notamment mis en évidence par Danielle CHABAUD-RYCHTER, Dominique FOUGEYROLLAS-SCHWEBEL et Françoise SONTHONNAX dans Espace et temps du

tra-vail domestique, La Librairie des Méridiens,

1985, chapitres I et II.

27. Sociologie de la famille, Armand Colin, 1988, p. 258-259.

28. Bernard ZARCA, «La division du travail domestique: poids du passé et tension au sein du couple», op. cit., p. 36.

29. Jean-Claude KAUFMANN, «L’inaccessible égalité ménagère» in Science humaine, n°42, août-septembre 1994, p. 36.

30. Olivier SCHWARTZ, Le monde privé des

(2)

nelle des femmes est par conséquent beau-coup plus réduite que celle des hommes. De plus elle n’a pas notablement changé dans les années 19806. Pour l’essentiel les

femmes se retrouvent dans le secteur ter-tiaire. Mais cette concentration des emplois des femmes dans quelques professions est bien sûr un élément de fragilité en cas de menaces sur les emplois et les salaires. Le secteur tertiaire a joué dans les années 1960-1980 un rôle moteur dans l’extension du salariat féminin. Entre 1968 et 1973 par exemple, il assure à lui seul 83% des créa-tions nettes d’emplois salariés, occupés de surcroît à 60% par des femmes. Mais, depuis près d’une dizaine d’années, ce sec-teur connaît à son tour un ralentissement sensible de la croissance des emplois. Certaines branches particulières sont même entrées dans une forte zone de turbulences qui remet en cause les emplois et les salaires, notamment le secteur bancaire. Les femmes risquent à l’évidence d’en être les principales victimes.

Des conditions de travail globalement défavorables

En fait la quasi-totalité des professions répertoriées ci-dessus sont soit des profes-sions centrées autour de la famille, soit des professions qui érigent la «féminité» en qualité professionnelle. La division sociale du travail réserve ainsi aux femmes, en pre-mier lieu, les professions qui socialisent les activités, les capacités et les vertus qui sont traditionnellement les leurs au sein de l’uni-vers domestique, notamment dans leurs fonctions ménagères et éducatives. Ainsi les assistantes sociales (l’appellation offi-cielle étant «assistant de service social») ou les conseillères en économie sociale et familiale sont quasi exclusivement des femmes, respectivement 94% et 98%. De même les éducateurs de jeunes enfants, ou les aides médico-psychologiques qui en comptent bien plus de 80%. Cette

propor-tion tombe à 68% pour les moniteurs-édu-cateurs et à 61% pour les édumoniteurs-édu-cateurs spécia-lisés. Une seule formation parmi les profes-sions sociales, celle d’éducateur technique spécialisé, compte une minorité de femmes (22%). Cela s’explique par la qualification professionnelle technique de base exigée (menuisier par exemple)7. Par ailleurs la

même division sociale du travail réserve aux femmes des professions exigeant des vertus soi-disant féminines. Qu’il s’agisse de l’infirmière, de l’esthéticienne, de la vendeuse, ou de la secrétaire, on les veut en effet de préférence dévouées, discrètes, soi-gnées, disponibles et bien sûr compétentes. Josiane Pinto a montré à quel point le tra-vail de secrétariat, par exemple, ne pouvait être réduit à un certain nombre de caracté-ristiques techniques: d’une part, ce travail exige aussi tout un ensemble de savoir-faire difficilement formalisables; d’autre part et surtout, il suppose une relation personnali-sée au supérieur, relation de dépendance «qui ne peut être attendue que d’une femme» 8.

Ainsi, par les professions qu’elle leur réserve, la division sociale du travail inscrit-elle les femmes dans des relations de dépen-dance et de subordination qui métaphorisent celles qu’elles connaissent traditionnelle-ment dans l’univers domestique. Une conclusion analogue se dégage de l’analyse des conditions et de l’organisation du tra-vail.

Certes, d’une manière générale les femmes sont moins souvent exposées que les hommes à des conditions de travail phy-siquement pénibles. Elles subissent moins souvent le bruit, les vibrations ou des chocs. Les femmes sont aussi moins nombreuses à porter des charges lourdes. Cela résulte pour une grande part du fait qu’elles tra-vaillent plus rarement dans l’industrie, où les conditions de travail sont les plus pénibles9.

A l’inverse, cependant, les horaires de travail atypiques n’ont rien d’exceptionnel

pour les femmes: sans doute commencent-elles en moyenne plus tard dans la journée que les hommes en raison à la fois des contraintes familiales et du type d’emploi occupé, mais inversement elles travaillent plus tard le soir. Le travail le samedi, le dimanche ou la nuit s’est développé rapide-ment ces dernières années. Près du tiers de l’ensemble des salariés du commerce sont amenés à travailler le samedi, près d’un cin-quième le dimanche. Les femmes concer-nées par cette évolution sont nombreuses dans les secteurs tels que le commerce ou la santé. Elles y exercent des professions telles qu’infirmières, caissières, ou employées de commerce, où l’on travaille régulièrement de manière «atypique». C’est pourquoi par exemple, les femmes travaillant le samedi sont à leur poste 31 samedis par an en moyenne contre seulement 23 pour les hommes.

Ce n’est que parce que le travail de nuit des femmes fait encore l’objet de certaines restrictions légales que les hommes sont davantage touchés qu’elles par le travail de nuit, c’est-à-dire, de facto le plus souvent, par le travail posté. Entre 20 et 50 ans, 5 à 10% des salariées femmes sont concernées par les horaires alternants contre 10 à 15% des hommes. Il n’en reste pas moins que près d’un demi million de femmes tra-vaillent désormais la nuit10.

Par ailleurs trois dimensions de l’orga-nisation du travail sont fortement marquées suivant les sexes: - la liberté du travailleur d’organiser son activité et la marge de manœuvre qu’il s’autorise par rapport aux consignes reçues; - l’importance des com-munications dans l’exercice de son travail; - enfin, l’importance des pouvoirs hiérar-chiques11. Tout d’abord il est vrai que les

femmes occupent surtout des emplois majo-ritairement non qualifiés du secteur ter-tiaire. Mais une moindre qualification ne signifie pas toujours une moindre autono-mie. Les enquêtes montrent au contraire que les femmes disposent d’une autonomie rela-part des femmes dans la population active

représentait régulièrement tout au long de ces deux siècles un peu plus d’un tiers du total. Ce n’est que depuis les années 1970 que cette part augmente significativement pour représenter en 1995 près de 45% des actifs3. En trente ans, les femmes ont donc

véritablement investi le monde du travail. Le nombre d’hommes actifs est resté rela-tivement stable, autour de 14 millions, mais le nombre de femmes actives est passé de 7 à plus de 11 millions! Même si on tient compte des seuls actifs ayant un emploi, les chiffres sont tout aussi par-lants: de 1962 à 1994 le nombre des hommes occupant un emploi a reculé de près d’un million tandis que le nombre de femmes occupant un emploi progresse de plus de trois millions.

Toutes ces transformations s’effectuent de surcroît dans un contexte de forte aug-mentation de la part des salariés dans la population active: c’est ainsi qu’en 1994, 83,5% des hommes et 89% des femmes occupant un emploi sont désormais des salariés. Les professions indépendantes et notamment les agriculteurs exploitants ne représentent plus qu’une part très faible des actives et des actifs, contrairement à la situation du début du siècle. Globalement environ les deux tiers des non-salariés sont des hommes. Cependant il est utile de pré-ciser que près de 95% des hommes non-salariés sont réellement des indépendants, avec ou sans salariés, alors que ce n’est le cas que de 60% des femmes; les autres femmes non-salariées sont en fait des aides-familiales qui participent au travail de l’entreprise agricole, artisanale ou commer-ciale de leur conjoint sans pour autant être associées à leur direction. L’indépendance de ces indépendantes est donc pour le moins limitée. Ajoutons enfin que parmi l’ensemble des salariés la part des femmes a très fortement progressé ces dernières années puisqu’elle est passée d’un peu plus de 41% en 1982 à près de 46% en 1994.

Des emplois fortement sexués

L’examen de la répartition hommes-femmes dans les différentes catégories socioprofessionnelles (C.S.P.) permet d’avoir un aperçu plus précis de la situation d’ensemble et d’éviter une approche impressionniste. En 1994 sur les six grands groupes de C.S.P., l’un est très majoritaire-ment féminin: le groupe des employés (76% de femmes)4. Au sein de ce groupe, quatre

des cinq C.S.P. sont composées quasi-exclusivement de femmes, seule la C.S.P. «policiers, militaires» est masculine à plus de 93%.

Sur les 31 C.S.P.5quatre seulement, en

dehors des employés, comportent une majo-rité de femmes: les «professeurs et profes-sions scientifiques» et les «profesprofes-sions intermédiaires administratives de la fonc-tion publique» qui dépassent toutes deux très légèrement les 50%; les «instituteurs et assimilés» qui comptabilisent aussi les pro-fesseurs de collège et qui comportent deux tiers de femmes et les «professions intermé-diaires de la santé et du travail social» qui comprennent par exemple les infirmières, les puéricultrices, les assistantes sociales, ou les conseillères en économie sociale et familiale et qui sont massivement fémini-sées (plus de 75% de femmes). Institutrices, femmes de service, et employées adminis-tratives, tels sont aussi les trois métiers de la fonction publique où le taux de féminisa-tion atteint les 70%, alors qu’elles représen-tent à peine la moitié des agents de l’admi-nistration.

Enfin le recensement de 1990 montre que, sur les 455 professions détaillées, 109, soit près d’une sur quatre, comportent une majorité de femmes, mais 36 seulement ne font pas partie des quelques 8 C.S.P. men-tionnées ci-dessus. Ces 36 professions com-prennent notamment:

- 11 professions «indépendantes»: dont deux «professions» artisanales: les «arti-sans coiffeurs, manucures, esthéticiens» et

les «artisans teinturiers blanchisseurs», 5 «professions» de petits commerçants et 2 de professions libérales (dont les psycho-logues), mais aussi 2 «professions» d’«aides-familiaux» (d’artisans ou de pro-fessions libérales).

- 3 professions classées parmi les cadres: les bibliothécaires, les cadres de la documentation du secteur privé et les pro-fesseurs d’art (hors établissements sco-laires);

- 8 professions intermédiaires dont 7 professions intermédiaires administratives et commerciales d’entreprise;

- 12 professions ouvrières: de la chimie, du textile, de la confection, du cuir, et du nettoyage pour l’essentiel. Dans un certain nombre de professions les femmes sont embauchées en tant qu’ouvrières non qua-lifiées, mais les employeurs utilisent leur dextérité, qualification généralement acquise par le biais d’une formation à la couture, mais pas toujours reconnue par les entreprises.

Tous secteurs confondus, les femmes ouvrières sont bien moins nombreuses que les hommes (environ 6,5 millions), mais elles sont tout de même plus d’un million au total. Les trois quart d’entre elles sont clas-sées parmi les ouvrier(e)s non qualifiées. C’est pourquoi on les retrouve plus souvent à la chaîne que les hommes: elles sont même majoritaires dans tous les secteurs industriels, en dehors de la chimie et de l’automobile. Voila pourquoi, d’après les enquêtes de l’INSEE, près de 40% des ouvrières de 20 à 45 ans subissent des «contraintes de cadence rigides» contre moins de 20% de leur homologues mascu-lins (Voir tableau 1).

Un étude détaillée des chiffres du recen-sement de 1990 montre par ailleurs que près de la moitié des femmes actives font partie du groupe des employées. Vingt profes-sions sur 455 continuent à regrouper à elles seules 45% des femmes qui travaillent (voir tableau 2). La diversification

(3)

profession-Cependant ces écarts moyens de salaires sont nettement plus élevés encore dans le secteur privé qui emploie à lui seul près de 60% des salariés en 1994. Le salaire moyen net des hommes y est supérieur de près de 28% à celui des femmes dans le cas des salariés travaillant à temps complet (voir tableau 3). Cet écart global semble, il est vrai, en voie de diminution, puisqu’il attei-gnait encore 34% en 1987. Cependant cette diminution doit être relativisée dans la mesure où les emplois à temps partiel, réser-vés de facto aux femmes, se sont multiplié ses dernières années. Or cet écart (calculé sur les seuls salariés à temps complet) serait évidemment plus important si on tenait compte des salaires effectivement perçus par l’ensemble des salariés du privé, qu’ils travaillent à temps complet ou à temps par-tiel. La comparaison des salaires des hommes et des femmes au sein des diffé-rentes catégories socioprofessionnelles montre des écarts très variables. Les salaires moyens des cadres masculins du privé tra-vaillant à temps complet sont en effet 35% plus élevés que ceux de leur collègues femmes. L’écart est un peu moins élevé parmi les ouvriers (environ 20%), et nette-ment moindre, respectivenette-ment 13% et 8%, dans les catégories plus féminisées, profes-sions intermédiaires et employés.

Dans la Fonction publique, les diffé-rences de salaires entre hommes et femmes sont un peu moins fortes, cet écart se réduit globalement à moins de 19% en 199416.

Cependant des écarts de salaires persistent, y compris à grade égal. A qualification égale, les hommes ont en effet toujours une rémunération supérieure de près de 20% à celle des femmes. Compte tenu de l’absence de discrimination de sexe de jure, ces écarts proviennent surtout de différences dans l’avancement des carrières, mais aussi de la nature des postes occupés: les femmes sont en effet surreprésentées dans les professions intermédiaires de l’enseignement et du social et dans les catégories subordonnées,

notamment celle des employés. Leur ancienneté est également souvent moindre notamment en raison de la féminisation plus tardive de certaines filières qui peut expli-quer une partie des différences observées17.

C’est le cas par exemple de l’enseignement supérieur où la moyenne des rémunérations des hommes excède de près de 25% celle des femmes, plus jeunes, mais aussi moins gradées, que leurs collègues masculins. Enfin près des deux tiers des femmes ont un «taux de prime» inférieur à dix pour cent de leur salaire net de base contre plus de trente pour cent pour les hommes18. Ce «taux de

prime» recouvre des réalités variables selon les administrations, mais correspond pour l’essentiel à des heures supplémentaires.

Un autre type de comparaison est très instructif: celui qui, au lieu de comparer des moyennes de catégories, compare l’écart des différents déciles de salariés à temps complet, hommes et femmes, classés des plus mal rémunérés aux mieux payés. On observe en premier lieu que les écarts, salaires bruts et salaires nets, sont de l’ordre de 15% en faveur de hommes pour les 6 pre-miers déciles, c’est-à-dire pour les salariés ayant des salaires faibles ou moyens (moins de 102.000 F par an en 1994 pour les femmes et moins de128.000 F pour les hommes). Ces salariés sont pour l’essentiel des employées quand il s’agit des femmes et des ouvriers s’agissant des hommes. Mais quand les salaires nets sont plus élevés, l’écart entre hommes et femmes atteint 18% pour le 7edécile, 25% pour le 8eet même

41% pour le 9e(Voir tableau 4). L’écart des

rémunérations hommes/femmes augmente donc au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie des salaires.

Donc si globalement, depuis une tren-taine d’années, d’après les statistiques four-nies par l’INSEE, les écarts moyens de salaires, entre hommes et femmes à temps complet se sont plutôt réduits19, il

semble-rait bien cependant qu’il y ait eu un renver-sement de tendance depuis une dizaine

d’années dans un contexte opposant notam-ment des femmes réduites de plus en plus souvent à des «temps partiels faute de mieux» à des hommes occupant des emplois «normaux»20. Les politiques

sala-riales d’intéressement ou d’individualisa-tion des primes, d’inspirad’individualisa-tion néo-libérale, se développent depuis les années 1980, y compris dans le secteur public ou semi-public. Or celles-ci concernent aussi davan-tage les hommes, défavorisent par consé-quent les femmes et accentuent les inégalités21.

Des différences de salaires non fondées

En prenant en considération les effets de secteurs et de structures d’une part et les dif-férences de compétences et de formation d’autre part, on peut dégager a priori cinq types d’explications, pour rendre compte théoriquement de ces écarts de salaires entre hommes et femmes. Cependant aucune n’est entièrement satisfaisante:

1) Les femmes occupent plus souvent des professions faiblement rémunérées. C’est ainsi qu’il y a deux fois et demi plus de smicardes que de smicards. Les causes de cette différence sont connues: les femmes occupent plus souvent que les hommes des postes moins qualifiés, on les rencontre plus souvent dans les petites entreprises, à la fois dans des secteurs anciens très féminisés où les salaires sont moindres, comme par exemple le textile, et dans les secteurs plus «jeunes», moins mar-qués par les traditions syndicales et les conventions collectives, comme le com-merce de détail. Mais, on l’a déjà vu plus haut, même à l’intérieur d’une profession donnée, l’écart reste encore compris entre 5 à 19% suivant les cas.

2) Les femmes actives sont en moyenne plus jeunes, elles ont par conséquent en moyenne, moins d’ancienneté. Si on a pu critiquer un système fondé sur l’ancienneté tive dans le travail. Celle-ci est le plus

sou-vent la conséquence d’un travail relative-ment simple et isolé (c’est le cas par exemple des concierges ou des femmes de ménage), pour l’exécution duquel il y a par définition peu de consignes à donner et pas ou peu d’organisation collective. Les emplois d’exécution féminins sont en effet situés plus souvent que ceux des hommes dans des organisations du travail peu for-malisées.

Dans un deuxième cas de figure, celui des postes de travail plus complexes impli-quant davantage de responsabilités et de savoir-faire, le plus souvent l’autonomie des femmes n’est pas reconnue. C’est par exemple le cas des secrétaires, des assis-tantes maternelles, ou encore des employées administratives d’entreprise et des infirmières. Pour les femmes de ces sec-teurs, marqués en partie à l’origine par le bénévolat, voire le sacerdoce, il a fallu rompre avec l’idée que le dévouement, la «gentillesse» seraient des qualités «typique-ment», voire «naturellement» féminines, et par conséquent sans valeur professionnelle. Le slogan des manifestations des infir-mières en grève illustrait parfaitement cette volonté de rupture: «ni bonnes, ni nonnes, ni connes»12. Par ailleurs la «déqualification

féminine» résulte aussi, on le voit avec les ouvrières de l’électronique par exemple, du fait que les compétences effectives des femmes ne sont pas toujours reconnues par les entreprises en tant que qualification. Ces quelques facteurs contribuent à expliquer en partie au moins la sous-rémunération des femmes.

Enfin les femmes salariées occupent moins souvent que les hommes des posi-tions professionnelles élevées. Et quand les femmes sont cadres, d’autres facteurs de discrimination sont à l’œuvre. On observe notamment deux grandes différences par rapport à leurs homologues hommes. D’une part, elles ont moins de contacts avec des interlocuteurs extérieurs à l’entreprise et,

d’autre part, elles ont moins souvent des responsabilités hiérarchiques au sein même de l’entreprise. Enfin elles interviennent plus rarement dans la rémunération et l’avancement de leurs subordonnés13.

Ainsi les femmes ont certes réussi à conquérir de nouvelles professions qui auparavant étaient exclusivement mascu-lines. Certaines de ces professions se sont même massivement féminisées, qu’on pense par exemple aux enseignantes, aux avocates, ou aux médecins. Mais il est remarquable qu’un métier féminisé ne se masculinise plus. Tout se passe comme si les hommes désertaient une profession quand la part des femmes augmente signi-ficativement. Par exemple la profession d’instituteur bénéficiait, dans un passé récent encore, d’une image sociale positive à défaut de salaires élevés. Celle-ci s’est

dégradée dans les années 1960-1970. Et les femmes se sont retrouvées plus massive-ment encore dans les écoles, non par voca-tion, mais tout simplement parce que ce sec-teur, délaissé par les hommes, leur offrait des emplois et que le mode de recrutement y était plus souple14. Cette défection

silen-cieuse, tout en assurant le changement de la structure de l’emploi avec notamment la tertiarisation déjà évoquée, permet de main-tenir l’écart structurel des positions entre hommes et femmes dans la division du tra-vail. Paradoxalement nous pouvons alors faire l’hypothèse qu’au cours des années 1970-1990 nous avons plutôt assisté à une longue et lente légitimation des principes de division sexuelle du monde social. Par la perpétuation ou l’invention des formes sub-tiles de ségrégation dans le monde du tra-vail, mais aussi dans le système de forma-tion. Finalement les positions dominantes sont toujours occupées par les hommes et les positions dévaluées par les femmes: la loi de l’alternance ne s’applique pas. Car un métier féminisé est un métier dévalué. L’ordre social continue ainsi à fonctionner comme une gare de triage qui a tendance à distribuer avec une certaine régularité, quoique imparfaitement, hommes et femmes dans des sphères de formation et de travail séparées.

A travail égal, salaires inégaux

A cette ségrégation relative dans le monde du travail s’ajoutent les inégalités persistantes dans les rémunérations. D’après le chiffre synthétique généralement retenu par les publications des institutions officielles, le salaire des femmes est infé-rieur d’environ 20%, en moyenne, à celui des hommes15. On peut traduire exactement

la même réalité en disant que les hommes gagnent en moyenne 25% de plus que les femmes!

Michel Delmotte

On oublie toujours quelque chose, 1975, terre cuite, 78 x 37 x 24 cm

(4)

Tableau 1: Proportion d’ouvrières et d’ouvriers subissant des contraintes de cadences rigides (en 1991, à différents âges).

AGES 20-24 25-29 30-34 35-39 40-44 45-49 50-54 55-59

Hommes 21 15 19 19 19 19 15 10

Femmes 42 41 40 40 40 25 32 18

Source: D’après INSEE, Enquête Conditions de travail 1991, citée par A.-M. Molinié et S. Volkoff, «Conditions de travail: des difficultés à prévoir pour les plus de 40 ans», Données sociale 1993, op. cit., p. 198.

Tableau 2: Catégories socioprofessionnelles les plus féminisées (Recensement 1990) Catégories socioprofessionnelles en 42 postes Effectifs %

(en milliers) femmes Employées administratives d’entreprises 1985 85 Employées civile, agent de service de la fonction publique 1588 80 Personnels des services directs aux particuliers 994 84 Ouvrières non qualifiées de type industriel 845 40

Employées de commerce 785 81

Professions intermédiaires adm. et com. des entreprises 644 46 Professions intermédiaires de la santé et du travail soc. 600 77

Institutrices et assimilées 493 65

Commerçantes et assimilées 359 45

Ouvrières non qualifiées de type artisanal 285 31 Professeurs, professions scientifiques 284 50 Cadres adm. et com. d’entreprises 229 30 Ouvrières qualifiées de type industriel 223 14

Artisans 200 24

Professions intermédiaires adm. de la fonction publique 199 50 Source: Recensement 1990, Données sociales 1993, op. cit., p. 585. Calculs effectués par nos soins

Tableau 3: Salaires moyens annuels nets de prélèvements - cotisations sociales et CSG - (emplois à temps complet, secteur privé, en mil-liers de francs courants arrondis)

1992 1993 1994 H F H/F H F H/F H F H/F Ensemble 128 99 +29 131 102 +28 133 104 +28 Cadres 260 193 +35 264 196 +35 265 197 +35 Professions intermédiaires 135 119 +13 137 121 +13 138 122 +13 Employés 92 85 +08 93 86 +08 94 87 +08 Ouvriers qualifiés 94 79 +19 95 80 +19 96 81 +19

Ouvriers non qualifiés 79 66 +20 80 67 +19 81 67 +21

SMIC annuel net 56 - 56 - 57

-Indice des prix (var. en %) +2,4 +2,1 +1,7

Source: D’après Alain BAYET, «L’évolution des salaires dans le secteur privé en 1994», INSEE Première, n° 393, juillet 1995. Légende: H/F: H-F x 100

F comme source de discrimination en raison

notamment de la non prise en compte des périodes d’interruption d’activité qui péna-lisent les femmes, il présente cependant, l’avantage incontestable de sa transparence et de son objectivité. On observe certes à profession et âge donnés un écart de salaires entre hommes et femmes qui dépasse encore parfois les 10%, mais depuis quelques années ces écarts tendent à se réduire en raison même de l’ancienneté du développement du travail féminin, à condi-tion toutefois que la part des rémunéracondi-tions sous forme de primes recule.

- 3) Les femmes interrompent plus sou-vent leur carrière professionnelle que les hommes.

Les carrières des femmes étant moins continues, cela a pour conséquence de freiner les promotions et les avantages financiers qui en découlent. Mais, d’une part, les femmes ont une activité professionnelle de plus en plus continue, les écarts devraient donc en principe se réduire à l’avenir; d’autre part, même en début de carrière, à diplôme équi-valent, les hommes accèdent plus facilement aux postes les mieux rémunérés.

- 4) Les femmes auraient, à entendre les dirigeants des entreprises, un absentéisme trop élevé, ce facteur justifierait les rému-nérations et les promotions inférieures à celles des hommes. Pourtant l’INSEE a mis en évidence que les femmes, exception faite des congés pris en raison d’enfants malades, ne sont pas plus absentes que les hommes. Une loi a même été envisagée pour fixer le nombre de jours, non transfé-rables (pour mettre enfin hommes et femmes sur un pied d’égalité), accordé à chacun des deux parents en cas de maladie de l’enfant22. Mais les velléités égalitaires

du secrétariat d’État des droits de la femme ont rencontré des limites. Les femmes sont toujours considérées comme les princi-pales, sinon les seules, responsables des enfants!

- 5) Les femmes seraient moins quali-fiées, moins formées. Si cela est vrai des plus âgées (plus de 50 ans) qui sont moins diplômées que les hommes, toutes les autres générations de femmes sont au contraire plus diplômées que les hommes, le niveau de formation et de diplôme ne peut donc plus justifier l’écart moyen qui subsiste en faveur des hommes.

Par conséquent il est clair qu’un écart de salaire non justifié subsiste en faveur des hommes. Et celui-ci ne peut en aucun cas s’expliquer totalement par ces différences d’expérience ou de compétence.

On constate aussi finalement le peu d’effet des lois sur l’égalité des rémunéra-tions. L’article L123-1 du Code du Travail a beau interdire d’une manière générale toute discrimination de salaires entre les hommes et les femmes, cette loi sur l’éga-lité professionnelle est loin d’être appli-quée. Par exemple, pour la seule année 1986, plus de 1700 observations ont été notifiées à des entreprises qui ne l’avaient pas respectée23. Les notifications sont

res-tées en règle générale de peu d’effet pra-tique car il faut encore pouvoir prouver que les discriminations concernent effective-ment des emplois comparables. Or l’ana-lyse de la division sexuelle des emplois montre précisément qu’ils sont rarement comparables. En effet, dans le même temps où ce type de législation à visée égalitaire est timidement adopté, le travail est orga-nisé de manière structurellement inégale; les emplois sont fragmentés et les salaires différenciés. Les lois ou encore les quelques rares conventions collectives qui préconi-sent une politique d’égalité professionnelle, comme par exemple celle des banques24, ne

suffiront donc pas tant que, par ailleurs, les rapports sociaux entre les sexes ne se seront pas modifiés: par exemple en amont, à l’école, dès l’orientation des filles dans les différentes filières, dans la socialisation des choix professionnels et la formation des «goûts» pour tel ou tel métier; ou encore

(5)

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tant que l’on considérera le salaire des femmes comme un salaire d’appoint, donc tant que l’homme sera considéré comme le principal pourvoyeur des ressources des couples ou de la famille.

Mais des changements seront néces-saires aussi dans le monde professionnel. Les revendications collectives des femmes et les conflits sociaux pour la reconnais-sance salariale des qualifications y contri-buent déjà, par exemple le mouvement de grève qui a opposé les infirmières ou les assistantes sociales aux pouvoirs publics il y a quelques années. Encore faut-il que les revendications et les actions en faveur de l’égalité professionnelle et la reconnais-sance salariale puissent aboutir, ne serait-ce que partiellement, afin que les rapports de force puissent s’inverser et que la perspec-tive de l’égalité professionnelle entre hommes et femmes puisse enfin devenir réalité25.

Finalement quand les femmes sont actives, elles sont plus souvent que les hommes exposées au risque du chômage et de la précarité. Lorsqu’elles occupent un emploi, c’est plus souvent à temps partiel

que ces derniers, ce qui les pénalisent notamment dans leur carrière. Leurs posi-tions au sein de la division du travail por-tent la marque de leur infériorisation sociale. Enfin leurs rémunérations profes-sionnelles sont systématiquement infé-rieures à celles des hommes, sans que ces écarts puissent se justifier par des diffé-rences de qualification ou de compétence. Les femmes sont ainsi victimes d’inégalités multiples au sein du monde du travail. Comment expliquer en définitive ces der-nières? A différentes reprises, des éléments d’explication ont été développés qui, tous, nous ont renvoyé vers les rapports entre les sexes hors de l’univers professionnel, notamment vers la position des femmes au sein des rapports conjugaux et familiaux26.

Tableau 4: Distribution des salaires en 1994 (temps complet, en milliers de francs) déciles Ensemble Hommes Femmes

secteur privé secteur privé secteur privé Rapport H/F salaire salaire tx de salaire salaire tx de salaire salaire tx de salaire salaire brut net prélèv brut net prélèv brut net prélèv brut net

D1 81 65 20,3 87 69 20,3 75 60 20,2 +16 +15 D2 93 74 20,4 99 78 20,4 86 68 20,3 +15 +15 D3 104 83 20,4 110 87 20,5 95 75 20,4 +16 +16 D4 115 91 20,5 121 96 20,5 105 83 20,4 +15 +16 D5 (médiane) 126 100 20,5 136 105 20,5 116 92 20,5 +17 +14 D6 140 110 20,6 147 117 20,6 128 102 20,5 +15 +15 D7 158 126 20,4 169 135 20,1 143 114 20,6 +18 +18 D8 187 150 19,7 203 164 19,4 165 131 20,2 +23 +25 D9 244 198 19,0 273 221 18,9 195 157 19,6 +40 +41 Salaire moyen 152 122 19,7 165 133 19,5 129 104 20,0 +28 +28 D9/D1 2,99 3,04 - 3,15 3,21 - 2,60 2,62

-D’après Alain BAYET, «L’évolution des salaires dans le secteur privé en 1994», INSEE Première, n° 393, juillet 1995. Lecture: en 1994, 10% de l’ensemble des salariés à temps complet ont un salaire brut annuel inférieur à 81000 francs, 20% un salaire brut inférieur à 93000 francs, etc.

(6)

Notes

1. Le taux d’activité mesure le rapport entre les actifs et l’ensemble de la population concernée exprimé en pourcentage.

2. Cf. INSEE. Les femmes (édition 1995), Paris: Coédition INSEE et Service des droits des femmes, 1995, Collection Contours et carac-tères, pages 114 et 115. Sauf indication contraire, tous les chiffres cités dans ce para-graphe en sont tirés.

3; GISSOT Claude et MERON Monique, «Emploi et chômage en mars 1995», INSEE Première, n°389, juin 1995, p. 4. Calculé par rapport à la population âgée de 15 ans et plus le taux d’acti-vité des femmes est de 47,2% en 1995 contre 62,3% pour les hommes. Le premier continue à progresser régulièrement, tandis que le second évolue en sens inverse.

4. INSEE, Enquêtes Emploi, citée par Les femmes (édition 1995), op. cit., p. 121. Les autres grands groupes de C.S.P. étant les agriculteurs exploi-tants; les artisans, commerçants et chefs d’entre-prise; les cadres et professions intellectuelles supérieures; les professions intermédiaires; et les ouvriers.

5. Une 32e C.S.P. regroupe les chômeurs n’ayant jamais travaillé: là aussi nous rencontrons une majorité de femmes (58%).

6. Cf. l’étude déjà ancienne de HUET Maryse. La concentration des emplois féminins. Economie

et statistiques, avril 1983, n°154; et

MAR-CHAND Olivier. Les emplois féminins restent très concentrés. INSEE, Données sociales, Paris: 1993, p. 495-503.

7. GOTTELY Jacqueline. Les professions sociales et la multiplication de leurs tâches. Données

sociales, Paris: INSEE, 1993, p. 541-547. Voir

aussi ION J. et TRICART J.-P. Les travailleurs

sociaux, Paris: La Découverte, 1992, Collection

Repères.

8. PINTO Josiane. Une relation enchantée: la secrétaire et son patron. Actes de la recherche

en sciences sociales, septembre 1990, n° 84.

9. MOLINIE Anne-Marie et VOLKOFF Serge. Conditions,de travail: des difficultés à prévoir pour les plus de 40 ans. In INSEE, Données

sociales, 1993, p. 195-201; CRISTOFARI

M.-F. et CEZARD M. Les conditions de travail des femmes salariées. In L’emploi des femmes,

Actes de la journée d’études du 4 mars 1993,

Paris: La Documentation française, 1993.

10. GOUX Dominique. Les horaires de travail aty-piques sont de moins en moins exceptionnels. In INSEE, Données sociales, Paris: 1993, p.188-194; et BUE Jennifer et ROUX-ROSSI Dominique. Le travail de nuit des femmes dans l’industrie. Travail et emploi, 1993, n° 56, p. 19-33.

11. BUE J. L’organisation du travail des femmes.

Travail et emploi, 1991, n°49.

12. KERGOAT D., IMBERT F., LE DOARE H., SENOTIER D., Les infirmières et leur

coordi-nation, 1988-1989, Paris: Editions Lamarre,

1992. Voir aussi l’article de KERGOAT D.

L’infirmière coordonnée. Futur antérieur, été 1991.

13. On pourra aussi consulter une étude déjà ancienne de LAUFER Jacqueline, La féminité

neutralisée, les femmes cadres dans l’entre-prise, Paris: Flammarion, 1982 ou l’article de

MEYNAUD Hélène Y. L’accès au dernier cercle: la participation des femmes aux ins-tances de pouvoir dans les entreprises. Revue

française ses affaires sociales, 1988/1, p.

89-108.

14. CHARLES Frédéric. «Dispositions pour deve-nir enseignantes et usages sociaux différenciés de la profession par les femmes: le cas de l’IUFM d’Alsace» . Regards sociologiques, Strasbourg, 1995, n°9/10, p. 109-121.

15. Cf. par exemple INSEE, Les femmes (édition 1995), op. cit., en introduction au chapitre consacré aux revenus, p. 145 .

16. Cf. INSEE Première, «Les salaires des agents de l’Etat en 1994», n°409, novembre 1995.

17. QUARRE Dominique, «221300 agents dans les services civils de l’Etat au 31.12.1988», INSEE

Première, n°31, juillet 1989.

18. CERC. Les enseignants-chercheurs de l’ensei-gnement supérieur: revenus professionnels et conditions d’activité. Document du Centre

d’Etude des Revenus et des Coûts, 3ème

tri-mestre 1992, n° 105, La Documentation fran-çaise.

19. BENVENISTE Corinne et LOLLIVIER Stefan. Les écarts de salaires entre les hommes et les femmes continuent de se réduire. Economie et

statistiques, mai 1988, n°210.

20. Nous n’examinerons pas ici le travail à temps partiel qui échoit quasi-exclusivement aux femmes. Nous nous permettons de renvoyer le lecteur pour une rapide synthèse à notre article: PFEFFERKORN Roland. La mystification du «temps choisi» . Les femmes et le temps partiel.

Regards sociologiques, 1995, n°9/10, p.

129-134.

21. SILVERA Rachel. Les inégalités de salaire: rien de nouveau sous le soleil ? Travail, automne-hiver 94/95, n°31/32, p. 199-209.

22. DE SINGLY François. Le congé pour enfant

malade. Premier bilan sociologique. Secrétariat

d’Etat chargé des Droits des femmes. Mission de l’égalité professionnelle. Association Fédor Pisanelli. 1991. La discrimination à l’égard des mères qui se voient réserver les «congés» pour enfant malade, notamment dans les règlements d’entreprises ou dans les conventions collec-tives, pèse aussi paradoxalement en rebours sur les quelques hommes seuls ayant des enfants à charge dont les absences pour ce motif ne sont pas explicitement autorisées !

23. SILVERA Rachel. op. cit.

24. SILVERA Rachel. op. cit.

25. La comparaison entre les salaires masculins et féminins effectuée plus haut laisse de côté les revenus non-salariaux. La prise en compte de ces revenus s’impose d’autant plus que les titu-laires d’honoraires et de bénéfices et ceux qui tirent leurs revenus de leur propriété ont connu, depuis le début des années 1980, la progression la plus rapide de leurs revenus et ils ont, en

moyenne, des ressources bien plus élevées que les salariés (Cf les chapitres 2 et 5 de notre pré-cédent ouvrage: BIHR Alain et PFEFFER-KORN Roland. Déchiffrer les inégalités, Paris: Syros, 1995, notamment pp. 68-77.). Or si les femmes sont surreprésentées parmi les salariées, parmi les non-salariés nous comptons bien peu de femmes: par exemple, 24 % parmi les arti-sans ou 17 % seulement parmi les chefs d’entre-prises de plus de dix salariés. Certes, l’accès massif des femmes aux études supérieures leur a bien davantage ouvert les portes des profes-sions libérales où elles représentent dorénavant un tiers de l’ensemble de leurs membres en moyenne. Aujourd’hui, plus de 30 % des méde-cins et chirurgiens-dentistes et même plus de 40 % des avocats sont des femmes. Cependant une partie d’entre elles, contre bien peu d’hommes, exercent leur profession libérale à temps réduit, donc avec des revenus réduits, afin de pouvoir concilier le travail et les charges familiales.

26. Voir pour des éléments d’une telle analyse l’article d’Alain BIHR, «L’univers domestique: les identités, obstacles à l’égalité» dans ce numéro p. 134; et notre ouvrage (à paraître en septembre 1996): BIHR Alain et PFEFFER-KORN Roland. Hommes-Femmes:

l’introu-vable égalité (titre provisoire), Paris: Editions

de l’Atelier, 1996.

Dans cet article, nous

nous proposons de comparer

deux professions

en Angleterre, celle

d’institutrice et d’infirmière,

et d’élargir ensuite

la comparaison

aux professeurs des écoles

en France. La comparaison

entre ces deux métiers

se justifie entre autres choses

par leur taux très important

de féminisation

2

et par le fait

que ces deux professions

sont dominées dans leur

champ respectif (la santé

et l’éducation)

3

.

L’

étude portera plus précisément sur le mode de reproduction de ces deux professions en France et en Angleterre. L’hypothèse développée ici pose que les personnes qui choisissent ces professions aujourd’hui sont dotées de caractéristiques spécifiques qui, en se conjuguant entre elles, contribuent d’une part à orienter leur choix professionnel et d’autre part leur permettent d’envisager leur accès à la profession sous le mode de la «vocation»4.

Autrement dit, malgré la position dominée de ces professions dans leur champ respectif, la grande majorité des agents perçoivent leur choix professionnel de façon positive. Comme nous essayerons de le montrer, ce paradoxe s’explique par le fait que leur «vocation»exprime non seulement une adhésion anticipée à leur destin objectif imposé par la référence pratique à la trajectoire modale de leur classe sociale d’origine et de leur sexe mais aussi une construction qui s’effectue par le biais de médiations sociales spécifiques.

La première partie soulignera les carac-téristiques des modes de recrutement de ces professions en Angleterre et en France, ainsi que le statut assigné aux personnes dans les institutions de formation. Dans la seconde partie de l’article, nous montrerons les propriétés sociales communes aux ensei-gnants du primaire et aux infirmières en Angleterre qui structurent en quelque sorte

aujourd’hui l’accès à ces professions. Enfin, dans la troisième partie, nous élargirons la comparaison au cas des professeurs des écoles en France.

Modes de recrutement de ces professions en Angleterre et en France,

statut des étudiants et cadre de l’enquête

Les enseignants du primaire et les infirmières en Angleterre

En Angleterre, deux voies existent pour former les enseignants du primaire. La pre-mière mène à l’obtention d’une licence à vocation professionnelle, le Bachelor of Education (B.Ed) qui se prépare en quatre années. Elle reçoit en théorie les candidats sur la base de deux A’ levels minimum5. La

seconde recrute des candidats déjà titulaires d’une licence. Elle les forme pendant une année et les conduit à l’obtention d’un Post Graduate Certificate in Education (PGCE). En théorie, une personne désirant enseigner dans le primaire peut donc y parvenir soit en préparant soit un B.Ed soit un PGCE. Cependant, le B.Ed est la voie principale de formation des enseignants du primaire puisqu’en 1987, les deux tiers (67,2%) de l’ensemble des futures institutrices

prépa-FRÉDÉRIC CHARLES - ANÉMONE KOBER

Travail des femmes

et «vocation» :

Institutrices et Infirmières

en France et en Angleterre

1

Frédéric CHARLES

IUFM/CRI Staps

Université des Sciences Humaines, Strasbourg

Anémone KOBER

Institut du monde anglophone, Sorbonne, Paris

Figure

Tableau 1: Proportion d’ouvrières et d’ouvriers subissant des contraintes de cadences rigides (en 1991, à différents âges).

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