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Vers une sociologie historique de la sociologie : de l'alienation originelle de la sociologie comme "science positive" à son opérationnalisation contemporaine comme "science tout terrain"

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(1)

VERS UNE SOCIOLOGIE HISTORIQUE DE LA

SOCIOLOGIE:

DE L'ALIENATION ORIGINELLE DE LA SOCIOLOGIE

COMME

«

SCIENCE POSITIVE» A SON

OPERATIONNALISATION CONTEMPORAINE COMME

«

SCIENCE TOUT TERRAIN

».

PRESENTEE COMME EXIGENCE PARTIELLE

DU DOCTORAT EN SOCIOLOGIE

PAR

REMI DE VILLENEUVE

(2)

Avertissement

La diffusion de cette thèse se fait dans le respect des droits de son auteur, quia signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 - Rév .01-2006). Cette autorisation stipule que «conformément

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[ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

(3)

de vivre; mes parents, mes frères et sœurs, mes grands-parents et mes amis qui ont tous contribué d'une manière ou d'une autre à ce qui va suivre.

Je remercie ensuite Jacques Lemière et Gérald Gaillard, professeurs à l'Université des sciences et techniques de Lille, qui ont su faire de moi un véritable étudiant, c'est-à-dire un étudiant pour la vie.

Je voudrais également remercier deux professeurs de l'Université du Québec à Montréal, Marcel Rafie et Jacques-Alexandre Mascotto : le premier de m'avoir permis d'intégrer le programme de doctorat de cette même Université, et le second pour son amitié et ses encouragements en vue de poursuivre l'idéal de liberté et d'intégrité intellectuelle devenu si fragile aujourd'hui.

Enfin, mes remerciements s'adressent tout particulièrement à celui sans qui ils n'auraient sûrement jamais vu le jour: Michel Freitag, le directeur de cette thèse, avec laquelle j'ose espérer être à la hauteur, dans la mesure du possible et avec toute l'humilité qu'il m'inspire, de l'enseignement aussi bien théorique que pratique qu'il m'a transmis.

(4)

Introduction

1

Chapitre 1

L'aliénation originelle de la sociologie

comme

«

science positive

»

9

1.1) Les fondements de la sociologie: de l'ontologie de la pratique à

l'épistémologie scientifique

11

1.1.1) La portée ontologique et l'origine philosophique de la sociologie 15

LU.a) La signification du logos 16

Ll.l.b) Entre le mythe et la philosophie 22

I.1.l.c) Le rapport à la praxis 28

I.l.l.d) L'émergence de la science moderne 35 1.1.2) La visée épistémologique et le caractère scientifique de la sociologie 42 I.1.2.a) Théologie et science moderne .43 I.1.2.b) Science moderne ct expérimentation 53 I.l.2.c) Épistémologie et science moderne 66

1.2) La naissance de la sociologie: la rencontre de l'épistémologie

scientifique et de l'ontologie de la pratique

82

1.2.1) La sociologie comme synthèse dialectique de la science et de la philosophie, ou la réconciliation «possible» de la connaissance scientifique et de l'existence

humaine 82

I.2.1.a) La critique de la Critique ou le retour de l'ontologie 84 I.2.l.b) L'École historique et l'importance de l'herméneutique 97 I.2.1.c) La science au service des Humanités 108

1.2.2) La sociologie comme « science positive », ou le détachement croissant de la

connaissance et de l'existence 122

I.2.2.a) Le « socialisme scientifique» ou l'économie de la politique 122 I.2.2.b) La « neutralité axiologique» ou le désenchantement de l'objectivité 131 I.2.2.c) La prophétie sociologique d'une humanité au service de la science 143

(5)

Transition 1

La

science positive de la société

ou

1

e symp ome

tA

d'

une mo erm e en cr/se

d ' t , .

.

154

Chapitre II

La mutation post-moderne

160

Introduction .,160

11.1) La crise de la modernité et de ses grandes finalités

169

II.1.1) La « dialectique historique » de la raison philosophique et du pouvoir politique ou la co-appartenance en devenir de la recherche de vérité et de la quête de liberté, dirigée vers la réalisation conjointe de la « sagesse» et de la «justice »... 171

II.1.2) Le consensus «positiviste»

à

l'encontre de J'enracinement

« herméneutique» de la théorie ou la hantise de toutes déterminations idéologiques de la connaissance: l'annihilation de la raison philosophique ., .. 181

II.1.3) Le ralliement «pragmatiste»

à

l'encontre de la finalité «critique» de la théorie ou le refoulement de toutes déterminations axiologiques de l'existence: la

négation du pouvoir politique 198

II.2) Vers le monde post-moderne de 1'« instrumentalité définalisée

» 211 II.2.1) L'avènement de l'efficience expérimentale toute puissante 214

II.2.2) L'avènement du contrôle gestionnaire autonomisé 230

II.2.3) Le «monisme opérationnaliste» comme coïncidence de l'efficience

expérimentale et du contrôle gestionnaire 245

Conclusion 254

Transition 2

La production post-moderne du social

(6)

Troisième chapitre

L' opérationnalisation contemporaine de la sociologie

corrune

«

science tout terrain »

267

IILl) L'ethnographie ou l'origine du

«

travail de terrain»

267

III.1.l)

La naissance de l'anthropologie et de l'ethnologie 268

III.l.2)

La visée épistémologique du travail de terrain comme méthode

scientifique 274

III.l.3)

La portée ontologique du travail de terrain comme engagement normatif et

expressif. 284

111.1.4) L'ambiguïté du travail de terrain en tant qu'ethnographie et l'avenir de

l'ethnologie 294

III.2) De l'adoption du travail de terrain en sociologie au développement

de la science tout terrain: une recette américaine

311

III.2.])

Le rapport de la sociologie américaine au travail de terrain 311 1I1.2.I.a) L'École de Chicago et la naissance de la sociologie aux États-unis 311 m.2.1.b) De la professionnaJisation de la sociologie comme prise en charge des problèmes sociaux au contrôle gestionnaire du social. 320 III.2.I.c) De l'essor de la sociologie « positive-pragmatique» à la réduction méthodologique de la science à l'efficience expérimentale 334

III.2.2)

Vers une science tout terrain 345 III.2.2.a) La nouvelle sociologie des interactions ou la disparition de la science de la

société 345

III.2.2.b) La disparition de la société face à l'opérativité de la globalisalion

« méthodologislique » 361

Conclusion

377

(7)

que nous appelons plus exactement une aliénation originelle, que la sociologie se voit aujourd'hui menacée de se dissoudre dans la mesure où elle se réclamerait encore de ce qu'elle fut déjà, victime de ce que nous appelons en retour son opérationnalisation contemporaine. Une opérationnalisation qui relève donc essentiellement de l'abandon de sa légitimité première que constitue sa participation à l'histoire de la pensée, au profit de la nouvelle légitimité bien plus efficace du « travail de terrain» qui, pour sa part, bien loin de continuer à se rapporter à la méthode scientifique ou à la « méthodologie» de l'ethnologie, relève désormais de ce que nous considérons être une pure « méthodologistique ».

Et si une «pensée» subsiste alors, ce n'est effectivement plus celle qui correspond à la liberté humaine de faire l'histoire, mais celle qui se rapporte au contraire à la nécessité naturelle de la pure réactivité à l'environnement. C'est-à-dire non plus tant celle qui correspond à la recherche de vérité portée par la raison philosophique aux prises avec le pouvoir politique, que celle qu'exige le seul constat de validité garanti par !'efficience expérimentale immédiatement intégrée au contrôle gestionnaire autonomisé.

L'origine du problème, l'aliénation originelle, pourrait alors être résumée de la manière suivante : au lieu de soumettre la science à la société, la science de la société a subordonné la société à la science. Au lieu d'avoir été à elle-même son propre commencement en travaillant à établir une légitimité qui lui serait propre, la sociologie s'est asservie à celle qui était déjà disponible et qu'on lui imposait à moins de lui refuser toute raison d'être. Ce mauvais départ, plus largement, est donc celui d'une discipline appelée par la lutte qui, en retour, n'aurait pas su l'assumer et encore moins la renforcer.

Notre travail vise ainsi à expliciter le passage de l'aliénation originelle de la sociologie comme science positive à son opérationnalisation contemporaine comme science tout-terrain, qui, autrement dit, est celui du règne explicatif de la scientificité des «faits sociaux» et de leur récolte, au nouveau règne productif de l'efficacité des « interactions sociales» et de leur mise sous contrôle. Mais dans cette perspective, dans la mesure de l'unité ontologique de la théorie et de la pratique issue du rapport dialectique qui les fonde réciproquement, il va de soi que la mise en relief d'une transformation de la sociologie entendue comme activité théorique suppose en retour certaines considérations relatives à la transfonnation de la société en tant qu'elle est elle-même à la racine de la pratique humaine dans ce qu'elle a de plus essentiel.

Sans parler pour l'instant de la dissolution progressive de cette « unité dialectique» de la théorie et de la pratique au profit de leur pure «coïncidence immédiate» - selon laquelle la sociologie tend de plus en plus à ne connaître qu'une réalité qu'elle produit immédiatement et vis-à-vis de laquelle elle n'entretient donc plus aucune distance ni objectivité -, ce qu'il faut surtout souligner ici, c'est que de la même manière qu'une rupture dans l'ordre de la réalité sociale et historique est toujours également celle de la discipline qui la prend pour objet, une rupture dans l'histoire de la sociologie constitue d'abord et avant tout une rupture sociologique et historique. Et si c'est donc effectivement une certaine rupture dans l'histoire de la sociologie qui nous intéresse ici le plus directement, nous sommes pour autant forcés de nous tourner vers la rupture sociologique et historique à laquelle elle correspond, à savoir celle qui se voit le plus souvent rapportée à la «post-modernité ». Une rupture «post­ moderne» qui, en ce sens, devrait logiquement nous permettre d'éclairer le passage de l'aliénation originelle de la sociologie à son opérationnalisation contemporaine - pour autant qu'en retour, sur la base de sa propre historicité, la sociologie serait en fin de compte le phénomène qui révèle peut-être de la manière la plus explicite cette rupture « post-moderne ».

(8)

« Un phénomène social, disait fort justement Karel Kosik, est un fait historique dans la mesure où il est examiné comme élément d'un tout déterminé, de sorte qu'il remplit une double tâche grâce à quoi seulement il devient vraiment un fait historique: d'une part, se définir soi-même; d'autre part, définir l'ensemble, en étant à la fois producteur et produit, à la fois déterminant et déterminé, à la fois révélateur et déchiffrement de lui-même, en apportant sa signification propre en même temps que celle d'autre chose. » (Kosik 1970 [1962) : 33).

Le phénomène social qui nous concerne ici n'est donc rien d'autre que la sociologie, en tant qu'elle constitue bel et bien une porte d'accès à la compréhension de la réalité socio­ historique, humaine, à laquelle elle appartient en même temps qu'elle la détermine.

(9)

Nous n'apprenons pas

à

connaître les hommes quand ils viennent

à

nous: nous devons aller

à

eux pour apprendre ce qu'il en est d'eux.

Goethe, Les affinités électives.

Often enough the men

whose rejection of such

criticism is most vehement are

those who live « off»

sociology, while the most vehement cntics are those who 1ive « for» il.

A. Gouldner, The coming crisis of Western soci%gy.

Peu m'importent les

méthodes que peut utiliser un philosophe (ou qui que ce soit d'autre) pourvu qu'il ait un problème intéressant et qu'il essaye sincèrement de le résoudre.

K. Popper, La logique de la découvene scientifique.

(10)

Le travail qui va suivre doit avant tout être appréhendé comme une introduction à

l'histoire de la pensée sociologique.

Si c'est donc une introduction que nous allons tenter d'introduire ici, il s'agit en plus d'une introduction élaborée par une pensée qui, elle-même, s'introduit à cette pensée sociologique et à son histoire - avec, comme premier bagage, une certaine expérience du monde (social) qui l'a vu naître et, comme première motivation, la compréhension de ce monde et de J'expérience qu'il rend possible, en s'introduisant donc à cette pensée sociologique en tant qu'elle est elle-même responsable de l'entretient de cette compréhension. En ce sens, c'est d'abord l'exigence de la compréhension du monde contemporain qui, au départ, justifie ce projet d'une sociologie historique de la sociologie qui, pour sa part, du point de vue de la « méthode », prétend ainsi surtout parvenir à établir la plus grande cohérence possible entre les deux dynamiques primordiales de toute connaissance que sont l'ontologie et

l'épistémologie. Nous croyons en effet, au même titre que tout ce qui se réclame d'une

certaine logique, que le propre de la sociologie est de « connaître », pour autant que la réalité à

connaître précède sa propre « co-naissance », et donc que toute théorie de la connaissance repose préalablement sur une certaine théorie de la réalité à laquelle elle doit s'ajuster dans la mesure où lui appartiennent « réellement» non seulement ce qui est connu, mais également ce qui permet de connaître. Et si c'est 1a société qu'il s'agit en l'occurrence de connaître, c'est-à­ dire «ce qui est» en tant que nous l'envisageons à partir de «ce que nous sommes », s'il s'agit autrement dit d'une connaissance de la «pratique humaine» dans ce qu'elle a de plus essentiel ou, plus simplement, d'une connaissance de « l'existence en tant que telle », autant dire en fin de compte que nous envisageons la sociologie comme étant le point de départ

théorique de toute théorisation de la pratique. La sociologie est à nos yeux la connaissance de l'existence par excellence: en même temps l'enracinement ontologique de toute

épistémologie et J'ouverture épistémologique de toute ontologie.

Comme nous venons de le laisser entendre, le point de départ de cette histoire de la sociologie n'est donc autre que sa conclusion, à savoir l'état de la sociologie contemporaine ou, puisque c'est d'abord de cela dont il s'agit concrètement, l'expérience que constitue aujourd'hui la réalisation d'un doctorat en sociologie. Cette expérience nous a forcés à

reconnaître l'actualité d'une rupture au sein de l'histoire de la pensée sociologique, dans la mesure où la sociologie semble dorénavant ne plus vouloir se réclamer ni de l'histoire, ni de

(11)

la pensée. Comme si, à la limite, l'histoire et la pensée en générale n'étaient au fond devenues qu'une seule et même tare dont la sociologie, après s'être libérée de l'autorité philosophique dont la philosophie se libère elle-même de plus en plus également, serait enfin parvenue à s'émanciper après de longs et laborieux efforts. Quitte à continuer à parler de sociologie, mieux vaut en effet aujourd'hui la mettre en tête, aveugle sujet d'une spécialité quelconque, plutôt que de vouloir la prendre rationnellement elle-même pour objet; mieux vaut faire la sociologie de quelque chose sans y penser plutôt que de penser à faire quelque chose de la sociologie.

Si nous partons donc perdant, nous avons au moins Je mérite d'essayer, à l'inverse des gagnants, de ne pas partir perdus; car c'est bien d'une histoire de la sociologie dont il s'agit ou, en d'autres termes grâce auxquels nous espéi0ns mettre certaines chances de notre côté, d'une « sociologie de la sociologie» qui, comme l'affirmait Bourdieu, « n'est pas une

« spécialité» parmi d'autres mais une des conditions premières d'une sociologie scientifique. » (Bourdieu 1984 : 20).

Dans la première partie de ce travail concernant l'aliénation originelle de la sociologie comme science positive, nous nous pencherons d'abord sur les fondements de la sociologie, en nous concentrant sur sa portée ontologique et son origine primordialement philosophique dont dérive sa visée épistémologique et son caractère spécifiquement scientifique. Nous nous tournerons ensuite vers sa naissance proprement dite, marquée avant tout par cette confrontation de l'ontologie et de l'épistémologie en fonction de laquelle le développement à venir de la sociologie s'imposera alors comme le cœur de la contradiction­ inhérente à la pensée moderne - inscrite entre le projet de réconciliation de la science moderne et de la philosophie et celui de leur ultime détachement.

Dans cette perspective générale, nous expliciterons successivement la portée ontologique de la philosophie, le lien qui la soude au politique, puis la visée épistémologique sur laquelle elle débouche inévitablement; avant de nous focaliser d'une part sur Je rapport unissant à l'origine la science moderne à la théologie et, d'autre part, sur la manière dont il a déterminé la systématisation du principe de l'expérience ou de la vérification empirique en tant qu'il deviendra le critère de démarcation épistémologique essentiel de la science moderne à J'égard de la philosophie. Et tout ceci, pour aborder la question du statut de la sociologie en tant que telle, en commençant pour ce faire par considérer le retour de l'ontologie véhiculé par la critique hégélienne de la Critique kantienne qui, jusque-là, en définissant l'épistémologie de manière exclusive à l'égard de l'ontologie, avait justifié par la même occasion

(12)

l'autonomisation radicale de la théorie à l'égard de la pratique, de la connaissance à l'égard de l'existence. Un retour de l'ontologie, donc, à partir duquel Marx a justement réclamé l'unification de ces dernières au nom d'une science de la société principalement envisagée comme théorie de la pratique, au même titre que Weber, qui insistera à cet égard à la suite de Dilthey sur l'importance fondamentale de l'herméneutique et de son renouvellement, et Durkheim qui renforcera pour sa part la prétention comtienne de mettre la science au service de l'humanité. Pour terminer, en vue de bien mettre en évidence la source même de cette aliénation originelle de la sociologie comme science positive, nous nous concentrerons alors sur la contrepartie scientiste ou positive de ces trois positionnements, selon laquelle il s'agira au contraire d'encourager le détachement de la théorie et de la pratique par l'intermédiaire du refoulement systématique de la philosophie et de sa portée ontologique - selon laquelle la connaissance est principalement envisagée par et pour l'existence. Nous nous pencherons successivement en ce sens sur le parti pris du socialisme scientifique envers une économie du politique, sur la neutralité axiologique wébérienne responsable du désenchantement de l'objectivité, et enfin sur la prophétie positiviste d'une humanité scientifique.

C'est alors dans notre deuxième partie que nous nous intéresserons plus spécifiquement à la mutation post-moderne que nous évoquions ci-dessus. Pour ce faire, nous commencerons par analyser la crise du monde moderne dont l'originalité résidait au cœur même de la «dialectique historique» inscrite entre ses deux grandes finalités que constituaient la sagesse de la raison philosophique et la justice du pouvoir politique, en nous tournant donc d'une part vers le consensus «positiviste» et sa hantise de l'idéologie (à la fois portée par le «néo-positivisme », le « rationalisme critique» et la «critique des sciences ») responsable de l'annihilation théorique croissante de la raison phiiosophique et, d'autre part, vers le ralliement «pragmatiste» et son rejet systématique de tout principe d'ordre axiologique, plus directement responsable pour sa part de l'effritement pratique de l'idéal de justice saisi comme l'ultime instance de légitimation du pouvoir politique et de son

institutionnalisation.

C'est seulement à la suite de ce constat de crise que nous pourrons mettre en évidence l'émergence d'un monde post-moderne ainsi tout particulièrement caractérisé par l'avènement d'une puissance instrumentale «définalisée» non plus relative au caractère dialectique de l' histoire, mais à la mise en coïncidence immédiate et systémique de l'efficience expérimentale et du contrôle gestionrwire, rendue possible par leur autonomisation respective - à l'égard de la raison philosophique et du pouvoir politique - tout autant au service de la

(13)

reproduction élargie du capital qu'encouragée par des auteurs américains tels que T.S. Kuhn ou J. Dewey.

Enfin, dans notre troisième partie, nous reviendrons plus spécifiquement sur la sociologie du point de vue de son active participation à cette mutation post-moderne

déterminant en retour sa propre opérationnalisation contemporaine en tant que science tout terrain. En tant que le « travail de terrain» constituera alors effectivement son outil le plus efficace dans l'ordre de cette participation réifiante, nous commencerons par en explorer l'origine qui, nous le verrons, a essentiellement été celle qui a donné naissance à l' « ethnographie ». Dans cette optique, nous serons donc amenés à devoir revenir sur l' histoire de l'ethnologie et de !' anthropologie, ainsi que sur la fonction à la fois épistémologique et ontologique qu'y remplissait alors le travail de terrain en tant que méthode scientifique d'un côté et en tant qu'engagement normatif et expressif de l'autre.

À la suite d'une rapide digression sur l'ambiguïté du travail de terrain en tant qu'ethnographie et sur l'avenir de l'ethnologie, nous nous pencherons plus précisément sur la manière dont le travail de terrain a été adopté en sociologie. Et c'est alors vers l'École de Chicago que nous tournerons notre regard, là où est d'ailleurs née la sociologie américaine, principalement sous la forme tout autant pragmatique que positive d'une professionnalisation scientifique de la prise en charge des problèmes sociaux, et donc comme support de

l'avènement conjoint du contrôle gestionnaire du social et de la réduction de l'activité

sociologique à sa seule efficience expérimentale. Après avoir ainsi mis en évidence que le

développement de la sociologie de terrain a surtout été celui de la sociologie américaine, nous pourrons finalement nous concentrer sur l'hégémonisme croissant de la science tout terrain en

tant qu'il fut théoriquement amorcé par la nouvelle sociologie des interactions qui, depuis déjà

une cinquantaine d'années, tout en symbolisant de manière tout à fait explicite l'acte de dissolution de la trop vieille science de la société, correspond effectivement ou pratiquement, face à l'opérativité de la globalisation méthodologistique, à la disparition de la société en tant

que telle.

De manière encore plus générale, nous commencerons autrement dit dans un premier temps par essayer de comprendre pourquoi et comment la connaissance rationnelle, issue à l'origine d'un procès de réflexivité discursive de l'existence à l'égard d'elle-même, tendra à se détacher de cette dernière au nom d'une plus grande objectivité non plus tant inclusive qu'exclusive à l'égard de la subjectivité. Avec le développement de la science moderne, en effet, nous verrons que la rationalité va progressivement rentrer en coïncidence avec une

(14)

«certitude» qui, en se définissant par rapport aux seuls critères de l'expérience empirique, va refouler le princi pe classique d'une raison ancrée dans l'intersubjectivité, c'est-à-dire dans une mise en commun des différentes subjectivités individuelles et donc finalement dans le renforcement de la subjectivité en générale, au profit d'une mise à l'écart radicale de cette dernière et donc de l'existence en tant que telle. Suite à cela, nous serons alors mieux placés pour saisir pourquoi et comment la sociologie, avant tout porteuse de la possible réconciliation de cette connaissance rationnelle et de toute la dimension subjective de l'existence, s'abandonnera paradoxalement au renforcement de leur détachement. Un détachement qui, ainsi envisagé au profit du possible accroissement de la connaissance scientifique, encouragera logiquement en retour J'existence à se subordonner aux conditions de possibilité de cette dernière.

Dans un deuxième temps, nous serons ainsi en mesure de montrer que c'est justement ce détachement ou cette désolidarisation qui constituera en fin de compte le premier moteur de l'effondrement progressif du monde« moderne », en tant qu'il reposait bien au contraire sur la possibilité d'une réalisation conjointe de la connaissance et de l'existence en fonction de la «dialectique historique» unissant sous la forme d'une «lutte» commune, comme nous l'avons déjà souligné, la raison philosophique à la recherche de sagesse et le pouvoir politique en quête de justice. Un eff()ndrement face auquel s'imposera de ce fait l'exigence d'une nouvelle forme, dès lors «post-moderne », de correspondance ou de cohérence entre l'existence et la connaissance qui, bien loin de continuer à s'actualiser sous la forme d'une «appartenance mutuelle en devenir» (la dialectique historique), s'imposera derrière celle d'une mise en «coïncidence immédiate» dont l'expression la plus aboutie n'est autre que l' «opérationnalisme systémique» contemporain érigé en nouvel absolu, c'est-à-dire naturalisé, par la cyhernétique.

Et c'est dans cette perspective qu'interviendra alors à nouveau la sociologie puisque, comme nous l'analyserons dans un troisième temps, c'est finalement une nouvelle forme de connaissance - celle qui s'est donc vue préalablement autonomisée à l'égard de J'existence­ qui va se v()ir en mesure de reformuler l'existence de manière purement abstraite, voire virtuelle, afin de garantir la «coïncidence» en question, dont l'ultime critère, bien loin d'être encore de l'ordre de la « lutte » dirigée vers la réalisation des grandes « finalités» historiques que constituent la sagesse et de la justice, ne sera plus en fin de compte que celui de 1'« opérativité» de l'efficience expérimentale et du contrôle gestionnaire saisis comme l'ultime et double manifestation de ce que nous appelons alors 1'« instrumentalité définalisée ». Ainsi, si la confrontation dialectique en devenir des finalités philosophiques et politiques du monde moderne semblait rendre tout simplement impossible ['achèvement de

(15)

j'histoire, c'est leur refoulement généralisé au profit de la mise en coïncidence post-moderne des instrumentalités correspondantes qui seul peut apparaître comme la condition de la fin effective de l'histoire. Mais cette fin n'a alors plus rien à voir avec un aboutissement ou avec un dépassement, elle n'est plus qu'un abandon, abandon de ce qui nous précède garantissant le vide à venir en tant qu'il reste le terrain le plus approprié afin de maximiser l'autoréférentialité de l'opérationnalité. Et en effet, c'est exactement cela qu'exprime la sociologie contemporaine, cette «sociologie sans société» comme «ils» l'appellent, qui n'est en fin de compte rien d'autre que le règne de l'expertise généralisée. Une sociologie non plus seulement prisonnière du principe positif de l'extériorité du sujet à l'égard de son objet, mais également de la neutralité axiologique récupéré par le nouveau pragmatisme américain; une sociologie que nous qualifions ainsi pour notre part de «positive-pragmatique », et à laquelle nous opposons une sociologie «herméneutique-critique », pour ne pas dire « dialectique », une sociologie par et pour la praxis (historique), travaillant au renforcement

du logos de la société, ou de la « conscience-de-soi-de-Ia-société » comme dirait Freitag (1986 tome 1).

C'est avec cette

mise

en opposition sociologique entre ces deux conceptions de la sociologie que nous conclurons notre travail afin de bien souligner le choix qui, d'après nous, se présente à ceux qui voudraient encore parler de sociologie, ceux dont nous faisons encore partie d'ailleurs, en prenant explicitement parti pour la seconde sociologie que nous venons d'évoquer, c'est-à-dire pour la possibilité d'à nouveau prendre soin de l'expérience sociale, humaine, que nous faisons du monde, bref de l'expérience du monde en tant que telle.

Dans l'ensemble, nous espérons que ce travail participera ainsi un tant soit peu à démontrer que, contrairement à ce que croit le sens commun sociologique pour lequel l'activité sociologique contemporaine (et l'expertise en générale) - bonne par principe - ne bénéficie pas de l'attention qu'elle mérite et que c'est là la cause de tous «nos problèmes », cette activité est fondamentalement responsable de la croissance exponentielle de tous «les Problèmes ». Et donc que bien loin d'être inutile, la sociologie ou plus précisément le projet de réconciliation de la connaissance et de l'existence qu'elle manifestait à sa naissance, a d'autant plus de chance d'être entendu aujourd'hui à condition que ceux qui se réclament du titre de sociologue daignent «penser à ce qu'ils font» comme disait Arendt, en commençant par reconnaître la valeur de cette discipline, nommée philosophie, qui prétendait au départ être l'ultime garante de cette pensée de ce que nous faisons. Et c'est d'ailleurs à cette valorisation

de la philosophie que nous espérons aussi participer, en commençant par préciser que ceux qui seront surpris de voire une histoire de la sociologie se tourner vers la naissance de la

(16)

philosophie, sont également ceux qui n'ont pas su, ou n'ont pas voulu, saisir le point de départ de toute réflexion rationnelle justement mis en évidence par la philosophie depuis Platon jusqu'à Merleau-Ponty en passant par Hegel: à savoir que la connaissance en tant que telle, à moins de se nier elle-même, ne peut rester prisonnière du seul entendement et de sa pensée de l'identité. Et en effet, le meilleur moyen de ne rien comprendre à la sociologie, c'est de la limiter à elle-même - et ceci dans la mesure où elle a d'abord été tout ce qu'elle n'était pas: en l'occurrence la rencontre de la philosophie et de la science moderne, qui au fond n'est autre que celle de la portée primordialement ontologique de la théorie et de sa visée d'autonomisation épistémologique. La sociologie n'aurait jamais vu le jour sans l'inexorable confrontation de la logique de ce qui est du point de vue de la société, c'est-à-dire la logique de ce qui existe, avec celle qui permet de la révéler, et c'est donc cela qui la constitue à sa racine: la possible réconciliation de la connaissance et de l'existence. Et en prenant ainsi le

risque de nous répéter, notre prétention est moins alors de critiquer le progrès méthodologique de la sociologie, encore moins le progrès épistémologique de la science en générale, que d'insister sur l'oubli qu'ils constituent respectivement: le premier à J'égard de la

connaissance de la connaissance que symbolise l'épistémologie, et le second à l'égard de la connaissance de l'existence que symbolise pour sa part l'ontologie - sans lesquelles la

prétention sociologique en question n'a en effet plus aucune raison réelle ni d'être débattue, ni même d'être considérée.

Si la question du travail de terrain peut alors apparaître secondaire face à l'ampleur de cette problématique, nous devons également souligner, parallèlement à tout ce que nous avons déjà pu dire à cet égard, que c'est elle qui, en réalité, nous a donné la confiance de parler de quelque chose qui nous était encore largement élranger au départ, en nous rattachant à quelque chose qui ne i'était pas, ou en tout cas moindrement, dans la mesure où nous avions déjà eu la chance de nous y confronter dans le cadre préalable d'une licence et d'une maîtrise en ethnologie. Et c'est d'ailleurs dans cette perspective qu'il nous faut tout de même reconnaître que si la spécialisation ne peut être définie comme ]' achèvement d'une formation sociologique, elle constitue malgré tout sa base, ou en tout cas son encouragement - qu'il s'agisse de poésie russe, de syndicalisme ou de cueillette de champignons.

Enfin, terminons en accordant une attention toute particulière à ceux qui pourraient également se voire dérangés par la focalisation opérée sur la nouvelle sociologie du Nouveau Monde afin de mettre en évidence l'effectivité de l'opérationnalisation contemporaine de la sociologie. Nous ne savons que dire, en effet... si ce n'est de citer C. W. Mills, un sociologue américain: «Ma conception de la sociologie n'est pas «dans le vent ». Elle condamne la science sociale des techniques bureaucratiques, qui inhibent la recherche par des prétentions

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« méthodologiques », l'alourdissent de conceptions confuses, la galvaudent sous les problèmes mineurs coupés des enjeux collectifs. Ces inhibitions, ces obscurités, ces banalités ont plongé les études dans la crise, sans en suggérer l'issue le moins du monde. » (Mills 1967 [1959]: 22) ... et en ajoutant finalement malgré tout que la «fin de l'histoire », que le Nouveau Monde a d'ailleurs été le premier à cautionner en pratique, est soit une mésinterprétation soit une incompréhension et, dans les deux cas, un mensonge; que la lutte continue et qu'il est à ce titre tout a fait possible que la grande tradition intellectuelle française, armés de ses idéaux universalistes d'égalité et de liberté, soit actuellement bien plus docile qu'elle ne veut bien le croire et le faire croire. Aujourd'hui la sociologie française, c'est en tout cas ce que ce travail tentera effectivement de mettre en évidence en explicitant les fondements de la sociologie tout terrain contemporaine au service de l'expertise généralisée (de soi, des autres et de la nature), n'est pas autre chose que de la sociologie américaine en France, l'un des instruments les plus efficaces au service de la globalisation capitaliste désormais identifiable à ce que nous pourrions appeler un processus de néantisation.

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L'aliénation originelle de la sociologie

comme science positive.

Bien qu'elle soit née au XlXe siècle, la sociologie est issue d'une longue tradition de pensée. Une tradition que ne peut éviter de questionner celui qui prétend aujourd'hui devenir sociologue, ne serait-ce que dans le but de se donner la possibilité de comprendre à la fois la raison de son activité et l'activité de la raison dont il se réclame. C'est à cette exigence que nous voudrions répondre au travers de ce premier chapitre, dont l'objectif général est donc de mener une investigation historique en vue de saisir non seulement le « comment» mais également, dans la mesure du possible, le « pourquoi» de la sociologie.

Nous pensons pouvoir distinguer deux grandes étapes historiques responsables de la naissance de la sociologie. La première se situe aux alentours du Ve siècle avant J-C avec l'apparition de la philosophie, et la seconde, aux environs du XVIIe siècle avec le développement de la science moderne. Derrière la première étape, il s'agit plus précisément de l'apparition du questionnement raisonnable dirigé vers une connaissance plus approfondie de la réalité. Avec la seconde, nous sommes plus exactement confrontés au développement de la certitude rationnelle d'abord fixée sur la connaissance de la connaissance, c'est-à-dire sur ses propres conditions de possibilités.

Ces deux positionnements théoriques se distinguent par ailleurs de manière très significative du point de vue de lem correspondance pratique: alors que le premier renvoi essentiellement à la praxis, c'est-à-dire à la médiation historique que constituent les finalités

« éthico-politiques» issues de l'expérience subjective de la liberté, le second est principalement orienté vers l' opérativité, à savoir cette fois-ci vers l'immédiateté empirique à

laquelle se rapporte l'instrumentalité « technico-économique » relevant plus directement pour sa part de l'expérience objective de la nécessité. L'accroissement cumulatif de la certitude rationnelle, en effet, semble avoir été de paire avec le progrès de la vérification empirique qui s'identifiera tendanciellement à la domination expérimentale de la nature au service de la production humaine d'instruments destinés alors, au départ, à la réalisation des finalités expressives et normatives de l'existence humaine que nous venons d'évoquer au travers du rapport de co-appartenance qui les relie au questionnement raisonnable qu'elles ont motivées en même temps qu' iIles a mis à jour.

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Voilà, succinctement évoqué, ce que nous essayerons d'expliciter dans la première partie de ce chapitre, en rapportant alors de manière à la fois plus générale et plus synthétique la problématique du questionnement raisonnable à celle de l'ontologie, et celle de la certitude rationnelle à celle de l'épistémologie.

Dans la seconde partie, nous nous concentrerons plus particulièrement sur la naissance de la sociologie du point de vue de la manière dont elle assumera et articulera ce double héritage théorique fondamental. Et cela, dans la mesure où nous pensons que le destin de ce double héritage et de sa propre articulation, tout en étant à la racine du développement du monde occidental, est justement celui de la sociologie en tant que telle.

L'épistémologie pouvait effectivement, et peut encore d'ailleurs, soit s'opposer à l'ontologie, la décrédibiliser en vue de mieux garantir sa propre autorité, soit l'accompagner en vue de la renforcer, quitte à assumer alors en retour son rôle d'intermédiaire et, au bout du compte, J'autorité primordiale de l'ontologie. La sociologie s'est donc vue confrontée à une double possibilité: soit réaliser la synthèse dialectique de la science moderne et de la philosophie, de l'avancée épistémologique et de son soubassement ontologique, du progrès de l'expérience empirique et de sa finalité morale, bref, réconcilier la connaissance et l'existence; soit, au contraire, afin de répondre aux critères de la positivité scientifique, renforcer le détachement de la connaissance et de l'existence en sacrifiant la subjectivité de cette dernière et de ses finalités au profit de J'expansion purement objective et dès lors réifiante de ce qui deviendra la méthode expérimentale. Dans l'ensemble, nous postulons que la sociologie, à sa naissance, a plus largement opté pour la seconde possibilité. Qu'il s'agisse du «socialisme scientifique» et de son économie du politique, de la «neutralité axiologique » et du désenchantement de l'objectivité, ou encore du prophétisme «positiviste» d'une humanité au service de la science, chacun à leur manière, et c'est ce que nous allons tenter de mettre en évidence, ont collaboré à l'aliénation originelle de la sociologie comme science positive.

La mise en évidence de cette aliénation originelle est importante. C'est eIJe

qui nous permettra par la suite de comprendre et d'expliquer comment et pourquoi, à l'origine science nwderne vouée à la connaissance de la société, la sociologie

adoptera et adaptera le « travail de terrain» afin de garantir - sur la base d'exigences non plus tant méthodologiques que «méthodologistiques » - sa mutation en techno­ science post-moderne chargée de la production du social. Une mutation que nous

rapportons alors plus exactement

à

l'

opérationnalisation contemporaine de la sociologie comme science tout terrain.

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1.1) Les fondements de la sociologie: de l'ontologie de la

pratique

à

l'épistémologie scientifique.

A la lecture de ce qui va suivre, certains seront sûrement surpris de constater qu'un travail essentiellement consacré à l'histoire de la sociologie prenne pour point de départ la « naissance de la philosophie », en se permettant au passage de faire référence à la problématique du « mythe» en tant qu'il serait lui-même au fondement de la philosophie. Je commencerai donc par justifier un tel détour avant de m'engager dans le vif du sujet.

Si l'on admet que la sociologie, au même titre que la science, participe d'abord et avant tout du domaine de la connaissance en général, il faut alors reconnaître que son histoire s'inscrit inévitablement dans l'histoire de la connaissance en général. Sur la base du postulat dialectique fondamental selon lequel toute possibilité de connaissance implique l'unité originelle du sujet et de l'objet, trois étapes historiques essentielles doivent alors être mises en lumières. Si la troisième de ces étapes est celle à laquelle se rapporte spécifiquement notre travail lorsqu'il veut appréhender la sociologie à travers le passage de son aliénation originelle comme science positive à son opérationnalisation contemporaine comme science tout terrain, et sachant qu'il s'agit là, plus largement, du passage du modèle épistémologique de la science moderne au nouveau paradigme post-moderne des technosciences opérationnelles, la seconde de ces étapes est, rétrospecti vement, celle à travers laquelle cette science moderne restait encore attachée à la philosophie; et la première, celle qui reliait encore justement la philosophie au mythe. C'est de toutes ces étapes que la sociologie contemporaine est véritablement issue, et c'est ainsi par référence à elles que doit continuer à être jugée sérieusement sa prétention à la connaissance objective.

Cette unité originelle du sujet et de l'objet, qui se justifie ne serait-ce que parce qu'elle fonde la condition de possibilité de leur différenciation d'où provient en l'occurrence le phénomène de la connaissance (et cela de la même manière que nous différencions par exemple le jour et la nuit dans 1a mesure où nous les rapportons à la référence commune de la lumière), c'est en effet le « mythe» qui la révèle le plus expressément. Le mythe, comme unité du sens et de l'être, du symbole et de ce qu'il symbolise, ou encore le mythe comme

« parole du monde» suivant lequel c'est parce que l'être humain appartient au monde qu'il est capable d'en recevoir la parole et de la comprendre. Mais cette parole, au travers de laquelle le

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monde nous dicte un certain ethos, c'est-à-dire la manière dont nous devons agir en son sein,

c'est alors plus précisément un « ordre» : un ordre qui, en tant qu'il est issu des puissances sacrées qui ont crée l'univers et tout ce qui l'habite, se trouve être in-interrogeable. Or, c'est justement par là que le mythe reste à l'origine de la philosophie, dans la mesure où son acte de naissance n'est précisément rien d'autre que d'avoir osé interroger cet « ordre », d'avoir osé Je remettre en cause ou, plus exactement, en question.

L'exigence d'une telle « remise en question» va découler de l'émergence de ce qu'il faut ici appeler le « politique ». Car c'est effectivement au moment même où les êtres humains vont rapporter la manière d'ordonner leur propre existence, non plus à une simple obéissance innée aux ordres des puissances sacrées, mais à leur responsabilité et à l'arbitraire qu'elle renferme, qu'ils vont du même coup devoir prétendre être en mesure d'atteindre par eux-mêmes à une connaissance du monde dans ce qu'il est, et de la place qu'ils y occupent. Une connaissance à l'aide de laquelle il deviendrait possible de réduire l'arbitraire en question au profit d'une nouvelle justice, de la « Justice» en tant qu'elle ne coïncide plus tant avec la

nécessité cosmique qu'avec la libené politique: la liberté d'être juste, c'est-à-dire sage, la

liberté d'aimer la sagesse, bref la source même de la philosophie. Au travers de cette dynamique, c'est alors tout particulièrement cette unité originelle du sujet et de l'objet - en

tant qu'elle peut donc également être rapportée à celle du sens (subjectif) et de l'être

(objectif), du symbole et de ce qu'il symbolise - qui va se voir interrogée selon deux

perspectives opposées: l'une qui accompagne le postulat mythique suivant lequel le symbole provient d'abord de l'objet qu'il symbolise, et qui donnera à ce titre naissance à ce que l'on appellera plus tard le « réalisme », et l'autre qui s'oppose à ce postulat en affirmant au contraire que le symbole est bien plutôt issu du sujet qui l'a défini en tant que symbole, comme le prétendra par la suite le « nominalisme ». Mais c'est en réalité à leur synthèse que restera attachée la philosophie: le symbolique provient bien de ce qui l'a produit en tant que symbole, c'est-à-dire de l'esprit hunwin, mais dans la mesure seulement où celui-ci a su se

mettre à l'écoute de ce qu'il symbolise, à l'écoute de l'être du monde.

Dans la mesure où elle encouragera la subordination radicale de l'objet qu'il s'agi t de

connaître au sujet érigé comme la source absolue de toute connaissance, nous assistons alors

avec l'avènement de la « science moderne» à la fragilisation progressive de cette synthèse. Au terme de sa maturation, en allant même jusqu'à se réclamer de la séparation radicale du sujet et de l'objet de la connaissance (Descartes), c'est au travers du postulat implicite de la commune origine divine du sujet et de l'objet que cette subordination scientifique de l'objet au sujet pourra maintenir vivante la possibilité d'une connaissance qui puisse être autre chose

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que celle, purement auto-référentielle, du sujet vis-à-vis de lui-même. C'est désormais en Dieu et par Dieu que l'appartenance au monde de la conscience humaine restera garantie, ainsi que son accès à la vérité du monde objectif. En d'autres termes, c'est uniquement par l'intermédiaire de son origine «transcendantale» que le sujet aura dorénavant accès aux phénomènes qui manifestent la réalité objective - non plus dans ce qu'elle est en elle-même, c'est-à-dire réellement, mais dans ce qu'elle est pour le sujet en question, dans ce que le monde est pour Dieu et non pas dans ce qu'est Dieu lui-même en tant qu'il a donné naissance au monde (Kant). C'est dans cette perspective qu'il faut envisager cette obsession de la science moderne à vouloir réduire le monde au silence, le priver de sa propre parole et, par ce biais, de toute réalité sémantique ou symbolique qu'elle n'aurait pas produite elle-même. De ce point de vue, c'est donc bel et bien le nominalisme qui imposera son hégémonisme avec le développement de la science moderne et son idéal de positivité: Je sens et la signification ne peuvent plus être autre chose que le produit paradoxalement arbitraire de la nécessité scientifique, en tant qu'elle se réclame du monopole de toute symbolisation en dehors de tout lien préalable avec ce qu'elle symbolise - autre que celui de Dieu qu'il vaut mieux oublier au profit de la« nouvelle certitude absolue» qu'il a lui-même rendue possible.

C'est dans ce cadre qu'il faut envisager la problématique de la sociologie puisque c'est alors, en l'occurrence, cela même qui se considère être à l'origine de toute symbolisation qui se prend pour objet, et qu'il s'agit donc de connaître. Et cela, paradoxalement une fois de plus, en suivant le postulat posi tiviste pour lequel n'est pourtant scientifiquement connaissable que ce qui bénéficie d'une autonomie radicale vis-à-vis du sujet de la connaissance et, à ce titre, de ce qui serait justement à l'origine de la symbolisation. De ce fait, c'est à la seule condition d'identifier la réalité humaine - et donc Je monde dans son ensemble - à une réalité insignifiante et insensée, qu'il devient possible de la connaître scientifiquement; comme si la science elle-même, en s'attribuant de cette manière la place qui était jusque-là accordée à Dieu, précédait le domaine du sens et de la signification.

Et c'est effectivement cela qui semble être le point de départ de la «technoscience post-moderne»: il faut produire à nouveau le monde et l'existence humaine pour être en mesure de les connaître. C'est en réduisant le sens des diverses significations de l'expérience humaine du monde à des variables et des procédures de contrôle expérimental, que la connaissance purement objective parviendra à s'imposer. Pire, c'est ce qui est en premier lieu responsable de la destruction du sens de la vie qui se voit attribué le rôle de le produire à nouveau, et cela n'est possible qu'à condition d'accorder à la technoscience le droit de produire directement la vie elle-même: une vie nouvelle, « artificielle », dont l'aboutissement

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serait en réalité de pouvoir s'épanouir (mais en détruisant, soit dit en passant, tout sur son passage) sans avoir besoin de s'interroger sur son propre sens. Mais revenons à la sociologie: c'est à la condition qu'elle accompagne cette dynamique qu'elle sera effectivement capable de devenir la «reine des sciences », puisque c'est justement elle qui se rapporte le plus étroitement à ce qui se considère être à l'origine de ce sens de la vie et de la symbolisation en général. Prenant pour objet l'existence humaine dans ce qu'elle a de plus essentielle, c'est d'abord par son intermédiaire que pourra être pris d'assaut le dernier bastion s'opposant à la toute puissance du progrès technique et scientifique et à l'ultime salut qu'il nous promet.

Dans l'ensemble, c'est donc d'abord parce qu'il s'agit de comprendre la réalité de l' opérationnalisation contemporaine de la sociologie comme science tout terrain que nous

sommes ici dans l'obligation de nous pencher non seulement sur son aliénation origineLLe en tant que science positive, mais également sur ce qui est à l'origine de cette aliénation.

Autrement dit, c'est avant tout en vue de saisir pourquoi et comment - au profit de l'expérimentation technoscientifique ou «méthodologistique» de l'existence humaine - la sociologie s'emploie aujourd'hui avec tant d'ardeur à vider Je monde de ce qui le rattache à ce qui le précède, que nous devons revenir sur les contradictions inhérentes à la science moderne. Et la clé de cette compréhension ne peut se situer que dans ce qui la précède historiquement, et donc dans la philosophie pour autant qu'elle ne peut elle-même être considérée en dehors de son propre rapport au mythe. Un mythe qui, si nous allions réellement au fond des choses en assumant alors l'évidente probabilité de nous perdre, devrait être considéré au travers de son propre rapport à ce qu'il a lui-même dépassé, la réalité naturelle « sensori-motrice » en l'occurrence, en tant qu'elle pose pour sa part la question de sa propre origine ou de sa propre différenciation et, finalement, celle du «Commencement des choses» - que nous préférons laisser tranquille, avec comme ultime consolation le sentiment qu'un tel commencement n'existe pas de toute façon. Bref, si nous ne remontons pas au delà du mythe dans le cadre de ce travail, c'est déjà le signe d'une certaine limitation; et si elle relève sûrement de celles qu'i mpose une thèse de doctorat, il est pour autant certain qu'elle n'a rien à voir avec un quelconque souci de scientificité, à moins que la science ne soit devenue le synonyme de ce contre quoi elle s'était dressée à l'origine et, de ce fait, sa propre négation.

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1.1.1) La portée ontologique et l'origine philosophique de la sociologie.

C'est au travers de l'émergence de la philosophie en Grèce antique qu'est pour la première fois apparu le terme de logos dont provient celui de logique et, par ce biais, le terme

même de sociologie signifiant ainsi la « logique de ce qui se rapporte à la société» qui,

jusqu'ici, a le plus souvent été entendue comme « science de la société ». De ce fait, celle-ci entretient forcément un lien, pour na pas dire une deite, envers la philosophie, l'amour de la sagesse, en tant qu'elle relevait surtout au départ de la possibilité de comprendre la réalité à

partir d'elle-même ou, en d'autres termes, d'expliquer l'unité tout autant objective que subjective du monde et de la conscience. La sociologie serait donc redevable de ce que l'on peut plus simplement rapporter au domaine de la connaissance en tant que telle, qui est donc à

la fois celle de ce qui peut être connu, de ce qui lui eSL accessible, el celle de la connaissance elle-même. La connaissance en tant que telle est à la fois connaissance de ce qui est pour elle, connaissance de l'existence, et connaissance de ce qu'elle est en elle-même, connaissance de la connaissance. La première, la logique de l'être, est aujourd'hui celle que nous qualifions

d'« ontologie », et la seconde, la logique de la connaissance, celle que nous qualifions plus

couramment d'« épistémologie ». Et dans la mesure où il ne saurait y avoir de connaissance si elle n'était pas au préalable justifiée par la possibilité de connaître autre chose qu'elle-même, c'est-à-dire différenciée de ce qu'elle n'est pas pour être ce qu'elle est, nous postulons que c'est de la possibilité de l'ontologie qu'est issue celle de l'épistémologie, la possibilité que la connaissance se prenne elle-même pour objet.

Si nous devons donc nous pencher sur la problématique de la philosophie afin d'explorer les fondements de la sociologie, et ceci sur la base d'un postulat fondamentalement « réaliste» puisque nous reconnaissons ici un lien direct ou une appartenance mutuelle entre le terme de « sociologie» et la réalité à laquelle il renvoie, il nous faut alors commencer par interroger la signification du logos en tant qu'elle nous apparaît effectivement comme étant

l'accès essentiel à la compréhension de la genèse ou de la spécificité de la philosophie du point de vue de sa prétention logique ou rationnelle dont la sociologie sera justement l'héritière.

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LI.I.a) La signification du

logos

Le logos, en référant à la fois à la capacité humaine de « dire» (ou d'« exprimer ») l'être et à celle de J'être lui-même de se «dévoiler» (ou de «parler ») au travers de ses

diverses manifestations, signifie avam tout la «parole» et la «raison », et, en tam que ces dernières peuvent être subsumées derrière ce qui les relie, la « dialectique ». Celle-ci, en effet, peut être saisie comme l'essence même de «ce qui relie », alors même que ce qu'elle relie, la « raison» et la «parole» en l'occurrence, constituent pour leur part l'existence première de «ce qui relie ». Et que ce soit sur le mode de l'essence ou sur celui de l'existence, le constat doit rester le même: en tant qu'elles sont «ce qui relie» l'être et l'humain, ce qui les porte à la « co-naissance », ia « raison» el ia « parole» sont elles-mêmes reliées dans leur existence respective à partir de leur essence commune que constitue la «dialectique ». Le logos est

conjointement la dialectique de la raison et de la parole, du « discours» ou de la « méthode », et ce Ile de l'être et de l' humai n, de 1'« être humain» ou du « réel »1.

1 Si le principe de la «dialectique» n'a jamais été complètement explicité, et ne pourra sûrement jamais l'être, il faut préciser que les deux autres principes qui se rattachent au logos, celui de la «parole» et

celui de la «raison », en tant qu'ils s'appartiennent réciproquement, ont surtout constitué le centre de réflexion des présocratiques. Ils seront en effet largement refoulés dans leur signification première, non seulement chez Platon, mais surtout chez Aristote, par l'intermédiaire d'une systématisation de la connaissance en tant qu'épislémè, par rapport à laquelle seul le concept traditionnel de vérité entendue

comme olélhéio (<< dévoiler », « faire sortir de l'oubli ») restera porteur de ces significations premières et de leur «entr'appartenance » qui, inévitablement alors, suppose une objectivation du logos encore

essentiellement enracinée dans la forme de la pensée mythique pour laquelle c'est le monde (animé) qui parle et l'homme qui écoute afin d'en recevoir la «parole ». A cet égard, il est d'ailleurs intéressant de remarquer que c'est justement au moment où le logos sera plus strictement rapporté au domaine de la

« parole» et des opérations du langage (le tiers exclu, le syllogisme et le principe de non-contradiction) en vue de spécifier son caractère proprement humain, que sa signification va principalement devenir celle de la «raison» (ratiocinante). Mais ce «langage logique », dont Aristote fût le principal promoteur, restera alors longtemps le «langage commun », c'est-à-dire la langue parlée - et donc grecque à l'origine - qui permettra à la logique de rester enracinée dans une ontologie (métaphysique) qui, en l'occurrence, restera longtemps celle du « réalisme des genres» qui veut que l'acte de naissance occasionne une appartenance à une essence particulière et à ses attributs spécifiques. Ce n'est donc que beaucoup plus tard que sera rejeté cet enracinement ontologique de la logique dans une langue concrète historique. U faudra attendre plus de vingt siècles, avec l'avènement du positivisme logique du Cercle de Vienne et de l'École de Cambridge, afin de voir s'établir le projet d'une re-création purement scientifique du langage.

Jusque-là, à la suite d'Aristote, la logique ne fera finalement que se fixer sur le domaine de la cohérence propositionnelle du langage (scientifique) qui, même s'il ne pouvait découvrir à lui seul la vérité puisqu'elle ne pouvait être découverte en dehors d'un recours à l'expérience, pouvait l'exprimer de manière univoque et donc transporter un contenu de vérité d'une expression propositionnelle à une autre sans en altérer la signification logique. Son domaine, celui qui finira par lui être attribué systématiquement pendant la plus longue période de son histoire, ce n'est donc pas celui du «sens» (ontologique, ou du moins sémantique), mais celui de la «signification» et de sa spécification ou, plus précisément, de son auto-référentialité. Mais ainsi, bien loin d'avoir atteint l' « opérationnalité post moderne » du langage cybernétique, la logique est longtemps restée d'ordre instrumental vis-à-vis de la connaissance, et cela sur la base de la «séparation» de la dimension rationnelle (de la

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En tant qu'elle deviendra le symbole immanent de la « vérité », la « raison» résulte de la possibilité de s'accorder à la « parole» de l'autre, ou même à la sienne propre, au travers de ce qu'on appelle alors un « dialogue ». Un «dialogue» qui, tout en renforçant d'un point de vue étymologique le rapprochement que nous venons d'effectuer entre la «dialectique» et le logos, nous permet de définir plus précisément ce dernier comme la réflexivité de l'intersubjectivité, c'est-à-dire comme le retour sur elle-même de cette dernière en tant qu'elle est d'une part à la source de toute subjectivité individuelle et, d'autre part, toujours déjà ancrée dans un rapport d'objectivation primordiale qui est alors plus exactement à son tour un rapport d'« inter-objectivation» ou encore un rapport social d'objectivation, dont est donc finalement issue toute subjectivité qui, afin de dévoiler l'objectivité dont elle participe en même temps qu'elle participe d'elle, se voit dès lors amenée à s'objectiver sur la base de sa propre origine sociale ou collective. Le logos est la communauté subjective de l'expérience de l'objectivité du monde ou, en d'autres termes, la conscience commune de l'unité dialectique de l'objectivité de toute subjectivité et de la subjectivité de toute objectivité. Avec lui s'instaurent la « raison» comme formalisation ou comme idéalisation de la «parole », comme intelligence ou comme pensée, et la «parole» comme matérialisation ou actualisation de la «raison », comme mise en œuvre ou comme« action »2. C'est avec lui, avec 1'« intelligibilité du langage », que se déploie l'appartenance mutuelle «reconnue» comme telle de la «théorie» et de la «pratique» - une appartenance à laquelle renvoie jusqu'à aujourd'hui la notion de « fable» en tant qu'elle constitue le principal véhicule par l'intermédiaire duquel le « mythe» a pu se transformer en « histoire ». L'encouragement de l'autonomisation radicale de la «théorie» et de la «pratique» ne pouvant en effet ressortir que de l'oubli du logos, c'est-à-dire de celui de la philosophie qui, bien loin de ressortir de la mise en rapport d'une raison théorique el d'une raison pratique envisagées comme deux essences distinctes, constitue au contraire le refus de leur séparation. La philosophie est en effet d'abord et avant tout la garante du maintient de l'unité originelle de la théorie et de la pratique face à leur possible dualisation qui, pour sa part, caractérise la condition de possibilité de ces dernières du

construction du signifiant) et de la dimension empirique et intuitive de l'expérience (relative à ce qui doit être signifié) - largement responsable de la stérile « opposition» entre le ralionalisme et

l'empirisme qui a rythmé tout le développement de la science moderne et qui finira par se résoudre dans

le consensus épislémologique «positiviste» au dépend d'une compréhension On/alogique

« dialectique» dont la revaloIisation aujourd'hui en sociologie constitue l'une des motivations principales de l'ensemble du présent travail.

2 Précisons ici en effet que ce n'est qu'avec le développement de la civilisation moderne occidentale que la parole va se voire opposée à l'acte. Jusque--Ià, comme l'exprime parfaitement Maurice Lennhardt dans son magnifique ouvrage inlitulé Do kamo : « La parole, en sa richesse de pensée, de discours, et jusqu'en sa réalisation technique, apparaît dès lors puissance d'actualisation d'un temps et d'une

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