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Les héritiers des Sunday Schools

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Academic year: 2021

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par Anne Ruolt, Rassegna di pedagogia, 2016, 1 / 2, p. 171-193.

Résumé : Cet article s’inscrit dans l'histoire des idées pédagogiques et des mouvements éducatifs. Il cherche à reconstituer un pan français de l’arbre généalogique descendant du mouvement anglais des Écoles du Dimanche. Selon une approche apostérioriste et une méthode hermneutique, à partir des sources archivistiques, des publications institutionnelles et des monographies historiques de langue anglaise et française, cette recherche historique présente les caractéristiques des différentes branches du mouvement anglais qui naît en 1780, son rapport avec l’enseignement religieux et universel ses choix pédagogiques et montre comment ces idées se sont implantées en France dans la sphère de l’enseignement religieux et de l’enseignement général. L’émergence éphémère d’un dispositif sécularisé invite à prolonger cet article sur la filiation avec la formation continue et ses pratiques contemporaines. Abstract : This article is a contribution to the educational history of ideas and educational movements.His goal of this article is to reconstruct a section of the

family tree of the Sunday School movement. According to a apostérioriste approach and a hermeneutic method, taken from archival sources, institutional publications of English and French language historical monographs and French-language doctoral theses, it seeks to reconstruct the characteristics of the different branches of the English Sunday School movement born in 1780, its relation to the religious and universal teaching her educational choices and how these ideas are located in France in the sphere of religious education and general education. The ephemeral emergence of a secular system calls to extend this article on sonship with continuing education and its contemporary practices.

Mots clefs : Éducation populaire, Éducation industrielle, Éducation religieuse, Éducation citoyenne, Formation continue, Méthodes éducatives

Cet article s’inscrit dans l'histoire des idées pédagogiques et des mouvements éducatifs au XIXe siècle. Avec

Gustave Monod (1885-1968), une des figures de proue du mouvement de l’Éducation Nouvelle français, nous avons précédemment montré la filiation de l’éducation intégrale et active avec l’idée d’éducation naturelle et pananthropique développée au XIXe siècle par Louis-Frédéric François Gauthey (1795-1864)1. Gauthey est le

pédagogue théoricien du mouvement des Écoles du Dimanche français 2 et de la formation des instituteurs

protestants de la Société pour l’Encouragement de l’Instruction Primaire parmi les Protestant de France (SEIPPF), Société co-fondée puis présidée par François Guizot (1787-1874), qui fut aussi ministre de l'Instruction publique en France. Cet article cherche à reconstituer le pan français de l’arbre généalogique descendant du mouvement anglais des Sunday Schools (Écoles du Dimanche). Après avoir brossé à grands traits comment sont nées et se sont développées les principales branches du modèle anglais au début du XIXe siècle, nous considérerons le

développement des branches françaises, et plus particulièrement de la plus méconnue, évoquée à Paris par Nicolas de Condorcet (1743-1794) dans son Rapport sur l’Instruction défendu les 20 et 21 avril 1792, lors de la dernière séance de l’Assemblée législative.

Selon une approche apostérioriste et une méthode herméneutique (Ricœur), l’objet est construit à partir de sources documentaires et archivistiques de langue anglaise abondantes, et de langue françaises plus rares tirées essentiellement des écrits institutionnels ou d’acteurs de ces Écoles.

1 Anne Ruolt, Louis-Frédéric François Gauthey (1795-1864) pasteur et pédagogue, pour une pédagogie

pananthropique et naturelle, Paris, L’Harmattan, 2013.

2 Anne Ruolt, « L’héritage pédagogique de Gustave Monod (1885-1968), ou quelle(s) filiation(s) pour

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Parmi elles : des lettres du fondateur du mouvement Robert Raikes (1736-1811), d’après leur publication effectuée par Power (1863)3, une enquête de Josiah Harris effectuée en 1863 auprès des premiers élèves à

Gloucester, publiée par son fils Henry après sa mort (1899)4, les articles publiés dans The Gentleman's magazine,

ainsi que des monographies sur l’histoire de cette institution dont celles plus récentes de Cliff (1986) et Orchard (2007)5. En langue française, nous avons convoqué les lettres de Cadoret conservées à Londres à Paris et à Rouen,

des périodiques, des imprimés et rapports de la Société des Écoles du Dimanche française (SED), la monographie intitulée : Essai sur les Écoles du Dimanche, écrite par Gauthey en 18586, ainsi que des publications non

confessionnelles comme le récit de voyage de Rémusat, la monographie d’Ehret sur L'Ecole Normale d'Instituteurs de Colmar7, le premier volume De la Bienfaisance publique du baron de Gérando8 et les deux

éditions du Dictionnaire de Pédagogie de Buisson.

1. Les Sunday Schools anglaises, leurs branches et leur développement international

Alors que Charles Borromée (1538-1584) évêque de Milan est connu pour avoir ouvert des Écoles du Dimanche pour enfants pauvres au XVIe siècle, c’est la méthodiste Hannah Ball (1733-1792) qui est citée comme précurseur

de ces écoles protestantes. Mais la paternité du mouvement qui s’institutionnalise et se développe dans le monde entier est attribuée au publiciste anglican Robert Raikes. Seul l’historien George W. Counsell de Gloucester l’a contesté, attribuant la fondation de la première Sunday School au pasteur anglican Thomas Stock (1750-1803)9. Si Stock a bien scolarisé certains enfants miséreux avant 1780, c’était en semaine. Il n’a pas eu

l’audace d’ouvrir une école le dimanche. Stock attribue lui-même la création de ces Écoles à son parent par

3 John Carroll Power, The Rise and Progress of Sunday Schools. A Biography of Robert Raikes and William Fox, New York,

Sheldon, 1863.

4 Henry Harris, Robert Raikes, the man and his work, New York/Bristol, Dutton / Arrowsmith, 1899.

5 Philip B Cliff, The rise and development of the Sunday School Movement in England, 1780-1980, Nutfield,

Redhill, Surrey, Londres, National Christian Education Council, 1986 ; Stephen Orchard, H. Y. Briggs, The Sunday

School Movement : studies in the Growth and décline of the Sunday Schools, Londres, Paternoster, 2007.

6 Louis-Frédéric François Gauthey, De l’éducation ou principes de pédagogie chrétienne, t. 1., Paris,

Meyrueis, 1854, p. 4 ; Louis-Frédéric François Gauthey, Essai sur les Écoles du Dimanche, Paris, Société des Écoles du Dimanche, 1858, p. 149.

7

Henri Ehret, L'Ecole Normale D'Instituteurs Du Haut-Rhin A Colmar, de sa fondation à la loi Falloux (1832-1850), Besançon, Presses Universitaire de Franche-Comté.

8 Jospeph-Marie Baron de Gérando, « Des Écoles du Dimanche », De la Bienfaisance publique, T 1.,

Bruxelles, Hauman, 1839, p. 466.

9 Henry Barnard, The American Journal of Education, Vol III, n°8, Londres, Trübner & Co, 1857, p. 798 ;

Alfred Gregory, Robert Raikes : journalist and philanthropist : a history of the origin of sunday schools. Londres : Houdder & Stoughton, 1881, p. 60.

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alliance Robert Raikes10. Le dispositif créé par Raikes visait d’abord l’instruction générale d’enfants non scolarisés,

car travaillant à l’usine la semaine, d’où l’ouverture d’une école le dimanche, leur seul jour libre. Si l’enseignement des récits de la Bible faisait partie de l’enseignement dispensé par les femmes engagées et rétribuées par Raikes pour tenir ces classes chez elles, cette instruction ne conduisait à aucune cérémonie religieuse et était dissociée du catéchisme qui, lui, était donné à l’église par le pasteur. Gauthey présente les premières écoles anglaises comme « de simples écoles où les enfants apprenaient à lire, peut-être un peu à écrire, et où l’enseignement religieux ne prédominait que parce que ces écoles se tenaient le dimanche »11.

La branche des Écoles du Dimanche à caractère religieux, la plus connue aujourd’hui est née le 25 juillet 1785, à Painswick au sud de Gloucester dans l’élan donné par Raikes. C’est juste avant la création de la première Sunday School Society diminutif The Society for the Support and Encouragement of Sunday Schools in different Contruies of England, fondée à Londres le 7 septembre 1785 par un commerçant baptiste, William Fox (1736-1826). Elle devient The Society for promoting Sunday Schools throughout the British Dominions en s’implantant au Pays de Galles, Irlande et dans les colonies britanniques12. Précurseur de la Sunday School Union (SSU) fondée le 13 juillet 180313, cette Société regroupait des protestants des différentes dénominations en particulier chez les dissidents, dans un pays où l’Église Anglicane était l’Église d’État, imposant aux élèves et universitaires des établissements publics de souscrire à sa confession de foi. Cette branche est décrite par l’académicien français Charles de Rémusat (1797-1875) dans son récit de voyage en Angleterre. Il y présente ces Sunday Schools qu’il découvre, et qu’une brochure présente comme « le fondement de la prospérité et du bonheur de la Grande-Bretagne ». Elles sont gratuites, populaires, mais sans modèles pédagogiques uniformes. Leurs enseignants sont zélés et sont surtout des femmes, formé(e)s par les pasteurs. Les élèves, qui ne lisent pas encore couramment, sont volontaires pour apprendre à lire. Il ajoute qu’à leur insu, les enseignants tirent de cette École un bénéfice moral lui paraissant « presque aussi grand que celui qu’en tirent les enfants »14. Rémusat est surtout frappé par la motivation autant des élèves que celle des maîtres qui, au lieu de se reposer le « jour du repos » après une semaine harassante, se lèvent tôt pour aller à l’École. 10 Lewis Glover Pray, The history of Sunday schools and of religious education from the ealiest times, Boston, Crosby et Nichols, 1847, p. 137, J. Henry Harris, Robert Raikes - The Man who founded the Sunday school, Londres, the national Sunday School Union, 1900, p. 24-25, p. 35. 11 Gauthey, op. cit., 1858, p. 7. 12 William Fox, « Lettre à Raikes du 26 août 1785 », d’après Power, op. cit., 1785/1863 p. 78-80.

13 Edwin Wilbur Rice, The Sunday-School Movement 1780-1917 and the American Sunday-School Union

1817-1917, Philadelpie, American Sunday-School Union, 1917, p. 21-26.

14 Charles de Remusat, « Institution des Écoles du Dimanche ». La vie de village en Angleterre, ou Souvenir

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Une troisième branche rattachée au mouvement des Sunday Schools apparaît en 1818 pour répondre à d’autres besoins. Elle a pris le nom de Ragged Schools ou Écoles du Dimanche Déguenillées et s’est préoccupée des enfants des rues les plus désocialisés. Ce modèle d’Écoles était ouvert le dimanche, puis en semaine le soir, offrant aux plus motivés des enfants une formation professionnelle chez un artisan un jour par semaine. Le curriculum était celui des « 3 R’s + 1 » : Reading, ’Riting (writing), ’Rithmetic (arithmetic), + Religion15. Si la paternité de cette branche est attribuée à John Pounds (1766-1839), un sabotier de Portsmouth, c’est la notoriété du médecin-théologien écossais Thomas Guthrie (1803-1873) qui a permis le développement du mouvement et la fondation en 1844 de la Ragged School Union (RSU).

C’est l’article du Glocester[sic] Journal publié par Raikes le 3 novembre 1783, relayé en 1784 par le colonel Townley (1884) dans le Gentleman’s Magazine, qui a contribué au développement national et international du mouvement. Avant 1790, vingt-six villes anglaises sur trente-six avaient des écoles du dimanche avant 179016. À la

« Conférence de chrétiens évangéliques de toute nation » à Paris, en 1855, Edward Baine, rédacteur du Leeds

Mercurey, parle de 23 498 Écoles du Dimanches pour 2.407.409 écoliers, soit 1 écolier pour 7,5 personnes ou

13,33 % de la population d’Angleterre en 185117. Les statistiques rapportées par Harley au Congrès de Londres de

188918 élevaient à 5.733.325 ne nombre d’élèves de ces écoles en Angleterre et au pays de Galles, soit 20,29 % de

la population. Si l’on ajoute, à ce 1/5e de la population, les moniteurs, on compte alors 6.350.266 personnes

fréquentant les Sunday Schools, soit 22,05 % de la population.

Le mouvement a atteint très tôt les pays en relation avec l’Angleterre.

D’abord, dès 1790 en Amérique du Nord. C’est le nom de Benjamin Rush (1744-1813) qui est associé à la fondation de la First Day Society, le 11 janvier 1791, à Philadelphie en Pennsylvanie. L’acculturation du mouvement en Amérique conduit dès 1815 à la création de groupes d’adultes. En 1817 la Sunday and Adult

School Union (SASU) est constituée. En mai 1824 elle change de nom, pour devenir l’American Sunday School Union, cela jusqu’en 1974 où elle devient l’American Missionary Fellowship19. Le premier canadien a avoir ouvert

15 Anne Ruolt, « „Ragged Schools“ – ein Modell der Prävention von Jugendkriminalität? », trad. Ute Walch.

Bildungsgeschichte : International Journal for the Historiography of Education, 2/2013, p. 199-208.

16 Philipp Cliff, 1986, op. cit., p. 32.

17 Edward Baine, in Guillaume Monod éd., Conférence de chrétiens évangéliques de toute nation à Paris,

1855, Paris, Meyrueis, 1856, p. 88.

18 Hartley Fontain, « L’œuvre des Écoles du Dimanche dans la Grande-Bretagne », Journal des Écoles du

Dimanche, 1889, p. 398.

19 Anne Boylan, Sunday School The formation an American Institution 1790-1880, Yale, Yale University

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une École d Dimanche à Québec, serait le congrégationaliste Francis Dick, en 180120. Mais avant lui, en 1783, le ministre du culte d’origine anglaise John Breynton (1719-1799) avait déjà ouvert une première École du Dimanche à Halifax, dans l’église anglicane dont il était le pasteur21. Cela illustre les pratiques des missionnaires protestants anglais, puis français, qui ouvraient une École du Dimanche là où ils s’implantaient. Charles Cook (1787-1858) qui a structuré le méthodisme en France, en arrivant à Beuville en 1818, avait prêché le réveil et ouvert une École du Dimanche pour les enfants22. Sur le continent européen, en 1813 une première École du Dimanche de langue française est ouverte à Genève par des jeunes protestants revenus d’Angleterre : Émile Guers (1794-1882) et Henri-Louis Empeytaz (1780-1885)23 qui ont été des acteurs du Réveil à Genève. À Lausanne, en 1837, ce sont : Georges Bridel, Georges de Meuron, Georges de Molin qui ouvrent la première École. Jean-Paul Cook (1828-1886) y a fait ses premières armes jusqu’en 1851, année où il s’installe à Paris et devient le fer de lance de la SED française qu’il contribue à fonder24.

Mais la première École du Dimanche française est plus ancienne. Elle s’ouvre le 7 août 1814 en Normandie au sein de l’Église réformée. En Allemagne, c’est à Johann Gerhard Oncken (1800-1884), de retour d’Angleterre où il a appris à les connaître, qu’est attribuée la création d’une première École du Dimanche allemande, le 9 juin 1825, à l’Église Saint-Georges de Hambourg25, etc.

Le Journal des Écoles du Dimanche, fait régulièrement état des nouvelles de la vitalité de ces Écoles dans le monde, en rapportant les informations échangées lors des conférences annuelles se tenant à Londres.

En 1883, après juste cent ans d’existence, les statistiques mondiales comptabilisent 15.719.488 élèves instruits par 1.886 maîtres26. Comparé aux statistiques communiquées six ans plus tôt, sans les chiffres des œuvres

missionnaires ni de l’Australie, le nombre de moniteurs double, le nombre d’élèves augmente de 170%. Bien qu’il

20 « École du dimanche » Encyclopédie Canadienne, éditions Anthony Wilson-Smith,

http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/ecoles-du-dimanche/#h3_jump_0 [site consulté le

27/01/2016].

21 Emsley, Sarah Baxter. St. Paul’s in the Grand Parade, Halifax, Formac, 1999. Harris, Reginald V. The church

of Saint Paul in Halifax Nova Scotia, 1749-1949, Toronto, Ryerson, 1949, https://memoryns.ca/st-pauls-church-halifax-sunday-school [site consulté le 27/01/2016].

22 Jean-Paul Cook, La vie de Charles Cook, première partie, Paris, librairie évangélique, 1862, p. 46, note

n° 1.

23 L'Eglise de la Pélisserie : un regard sur 170 ans d'histoire,

http://eglisepelisserie.ch/Plaquette/Page_8.htm et http ://www.eglisepelisserie.ch/Plaquette/Page_10.htm [site consulté le 27/01/2016].

24 Alfred-Éloi Lombard, De l’école du Dimanche, thèse présentée à la Faculté de Théologie de l’Église Libre

du canton de Vaud, Genève, Robert, 1907, p. 52-57.

25 Gerhard Krause, Gerhard Müller, Theologische Realenzyklopädie, Berlin, Walter de Gruyter, 1989, p. 8. 26 Matthieu Lilièvre, « Quelques mots de statistique », Journal des Écoles du Dimanche, 1888, p. 12.

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faille pondérer ces chiffres - car un élève inscrit sur un registre n’est pas nécessairement un élève régulier - ils demeure significatif de la vitalité du mouvement naissant.

En 1877, nombre : D’écoles De moniteurs D’élèves

Amérique du Nord NC 500 000 5 000 000 Angleterre et Irlande NC 310 000 3 050 000 Ecosse NC 100 000 1 000 000 Canada NC 25 000 250 000 Hollande 461 1 478 47 268 France 1 070 4 000 40000 Allemagne 1 233 4 720 24 370 Suisse française NC 1 000 22 000 Suède NC 596 20 017 Italie 58 110 2 788 Danemark NC 50 2 250 Espagne 29 95 1 800 Mexique et Amérique du Sud NC 150 1 200 Belgique 34 95 1 200 Grèce 8 18 399 totaux 2 893 947 312 9 463 292

Classement des pays, par nombre d’élèves inscrits à l’École du Dimanche en 187727

2. Les méthodes éducatives des Sunday Schools et leur réception en France

L’amitié de Raikes avec Joseph Lancaster (1778-1838) et leur intérêt commun pour l’éducation des enfants pauvres ont présidé au choix du modèle d’enseignement mutuel dans ces premières Écoles28. Entre 1810 et

181529 ce choix pédagogique a facilité le recrutement de moniteurs qui deviennent tous bénévoles dès 1810, une

mesure prise peu de temps avant la mort de Raikes, afin d’éviter la banqueroute du mouvement30. C’est le

système adopté en 1808 par la British and Foreign School Society, puis en 1811 par la National School Society pour l’éducation populaire. Des médailles frappées en Angleterre à l’occasion des jubilés représentent des groupes

27 Victor Juhlin, « Écoles du Dimanche », Frédéric Lichtenberger éd., Encyclopédie des Sciences Religieuses,

T IV., Paris, Sandoz & Fischbacher, 1878, p. 216-217.

28 Lancaster, Joseph, An address to the friends and superintendants of 'Sunday schools' Throughout the

British Empire, on the advantages that with result from introducing into them the Royal British system of education with an introduction contraining an account of the remarkable origine of those valuable institutions,

Londres, édité par l’auteur, 1809

29 Rice, op. cit., 1917, p. 24.

30 Alfred Gregory, Robert Raikes : journalist and philanthropist : a history of the origin of sunday schools,

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apprenant selon cette méthode conçue pour l’éducation massive et économique de jeunes, par des enseignants non experts.

Mais ce modèle est assez vite tombé en désuétude. La méthode de l’écossais James Gall (1808-1895) a rapidement été supplantée par celle de David Stow (1793-1864). Il préconisait une combinaison de méthodes interrogative ou socratique, illustrative et indirecte en utilisant des paraboles posant à l’élève une énigme à résoudre. Ensuite, la Sunday School Union à Londres, ainsi que d’autres ont proposé des leçons bibliques préparées selon un système pédagogique s’inspirant de l’Éducation Naturelle de Pestalozzi, de la Méthode

Universelle autoformatrice de Joseph Jacotot (1770-1840) et de la méthode Libre et Spontanée de Froebel (1782-1852)31. Le mouvement s’est montré particulièrement ouvert aux innovations pédagogiques européennes du

moment, et s’est développé en publiant des revues pour la formation les moniteurs.

Mais en Amérique du nord le modèle d’éducation mutuel est privilégié et des locaux construits à cette fin, comme ceux de l’École du Dimanche de l’Église méthodiste Saint John à New-York édifiée en 186832. Les plans de cette

École pouvaient accueillir 1595 personnes, enfants comme adultes, où 70 moniteurs étaient en activité,

montrent qu'outre des salles de classe et des bancs arrondis pour chaque groupe, caractérisant « le cercle » du modèle lancastérien, les lieux étaient organisés et meublés selon le critère de la fonctionnalité et de la sobriété. Ils disposaient, selon l’ordre de la légende : de pièces pour se retirer au calme, de lavabos et toilettes, d'un piano, de tables pour les secrétaires, d'une bibliothèque et d'étagères, d'un orgue et d'un pupitre pour le chef de chant « song roll ». Sont aussi mentionnés les escaliers menant à la galerie et la porte donnant sur la salle de culte. On note l’existence de portes coulissantes pour moduler et adapter les salles aux besoins, et une fontaine au centre de la salle, soulignant le caractère fonctionnel présidant à l’aménagement de ce lieu de culte protestant.

Pour le philanthrope américain Albert Woodruff (1807-1891), promoteur du mouvement et de ce modèle d’éducation en France, en Allemagne et en Italie dans la deuxième moitié du XIXe siècle : « ce sont les auditeurs

actifs qui comprennent le mieux »33. Mais en France, le premier guide des Écoles du Dimanche, publié en 1817 à

Toulouse par David César Chabrand (1780-1863), limite l’emploi de tableaux imprimés des écoles mutuelles à l’apprentissage de la lecture34. En 1826, Mme Estelle Falle (1806-1826), la fille de Chabrand, rapporte que dans

son École du Dimanche à Calmont il y a deux types d’enseignements suivant chacun sa méthode. L’apprentissage de la lecture se faisait selon l’enseignement mutuel, l’instruction religieuse selon la méthode socratique35. Dans

31 Rice, op. cit., 1917, p. 25.

32 Plans de l’École du dimanche de l’Église méthodiste Saint John à New-York (1868)

http://www.spoonercentral.com/RS/StJohns.html [site consulté le 27/01/2016].

33 Albert Woodruff, De la meilleure organisation des Ecoles du dimanche comme auxiliaire du ministère

évangélique, Paris, Société des Écoles du Dimanche, 1864, p. 8.

34 David César Chabrand, Des Écoles du Dimanche de leur importance et de la manière de les diriger,

Toulouse, imprimerie Navarre, 1817, p. 8.

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son Essai, Gauthey appelle cette méthode la méthode interrogative. Elle ne consiste pas en un catéchisme récité sous forme de question/réponse, mais en un échange de type socratique. François Guizot illustre fort bien cette méthode dans « Les voyages d’Adolphe »36, un récit qui relate comment un père enseigne l’histoire à son fils, au

cours de promenade dans Paris. Mais Gauthey ne prône pas de méthode exclusive. Il compare cette méthode à la méthode d’exposition magistrale des leçons, et encourage à les combiner. Le militantisme pro-éducation mutuelle du philanthrope américain Woodruff n’est pas parvenu à infléchir les pratiques en France qui, au début du XXe siècle, avec Wilfred Monod, se calqueront sur le modèle d’enseignement simultané, par classe d’âge.

Gauthey insiste plus sur le « climat familial » qui doit prévaloir à l’École du Dimanche. Aussi, pour Gauthey, « l’esprit, la mémoire, le cœur », toutes ces facultés doivent-elles être captivées et mobilisées par l’enseignant37,

avec en point d’orgue le rituel des trois fêtes joyeuses qui jalonnent l’année : la fête de l’arbre à Noël, la fête champêtre en été, et fête régionale des Écoles du Dimanche au printemps, offrant des espaces récréatifs pour resserrer la relation éducative entre les maîtres, les élèves et les parents38.

3. Les Écoles du Dimanche françaises et leurs différentes branches

C’est le 7 août 1814, à Luneray, que le pasteur Laurent Cadoret (1770-1861) ouvre la première École du Dimanche française connue à ce jour39, sous l’impulsion du pasteur dissident anglais David Bogue (1750-1825) et grâce au

concours d’Henry-Edouard Le Vavasseur dit Durell (1790-1861), un étudiant anglo-normand au séminaire théologique de Gosport dirigé par Bogue, et où Cadoret avait lui-même été formé. Une soixantaine d’élèves des deux sexes étaient inscrits à cette première École. Mais elle n’a sans doute pas été ouverte plus deux mois. Pour des causes d’opposition intra-ecclésiale, certains paroissiens ne partageant pas les idées revivalistes de leur pasteur insistant sur l’expression d’une piété personnelle engagée et militante, nourrie par l’étude des Écritures, celui-ci a finalement été contraint à la démission en 181940. Le but de Cadoret était d’insuffler le Réveil religieux

par le moyen de ce dispositif41. La question de l’apprentissage de la lecture ne se posait pas à Luneray, où il

36 François Guizot, « Les voyages d’Adolphe », Annales de l’éducation, T.1, 1811, p. 366-383 ; 5.2, 1881,

p. 176-188, 308-319, 368-380, T. 3, 1812, p. 302-315, T. 4, 1812, p. 53-62, Paulette de Meulan Guizot, « Les voyages d’Adolphe », Annales de l’éducation, p. 245-256.

37 Gauthey, op. cit., 1858, p. 107-125, 169, p. 12.

38 Anne Ruolt, « Du rôle des fêtes et de la joie comme moyens d'exciter la jeunesse à l’étude et de lui

inspirer l'amour de l’école : le cas des Écoles du Dimanche françaises du XIXe siècle », Revue d’Histoire et de

Philosophie Religieuses, t. 91, 4/2011, p. 525-548.

39 Laurent Cadoret, Lettre à Tracy, mardi 8 août 1814, CWM/LMS/Europe/France/Incoming

Correspondence/ Box 3/ Folder 1/Jacket C.

40 Laurent Cadoret, Lettre à Tracy, lundi 5 septembre 1814, CWM/LMS/Europe/France/Incoming

Correspondence/ Box 3/ Folder 1/Jacket C.

41 Laurent Cadoret, Lettre aux membres du consistoire de l’église Réformée à Rouen, 23 août 1814, Ms,

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existait une école primaire protestante depuis 179042. En 1810, cent garçons fréquentaient cette école primaire protestante, tenue par M. Jacques Lardands43. Il n’en était pas ainsi au sud de la « ligne Maggiolo » (de Saint-Malo à Genève), d’où s’est étendu le mouvement français soutenu lui aussi par les Anglais. À Bordeaux en 1815, le pasteur François Martin père reçoit 250 francs d’Angleterre pour ouvrir l’École44. Cela correspond grosso modo à 125 jours de travail d’un ouvrier employé dans les filatures de Bordeaux, l’employé gagnant à cette époque 2fr, 1 fr. ou 0,75 fr. selon qu’il était un homme, une femme ou un enfant45. Mais à Toulouse, Chabrand voit comme un premier obstacle au succès de ces Écoles le grand nombre d’enfants ne sachant pas lire, autant à la ville que dans les campagnes. D’où son appel à utiliser les tableaux de la méthode d’enseignement mutuel pour remédier à ce « mal »46. C’est dans ce contexte qu’en 1827

le premier Comité des Écoles du Dimanche (1826-1828) publie un alphabet47. Ce Comité est précurseur de la Société d’encouragement pour l’instruction primaire parmi les protestants de France (SEIPPF : 1829-1994) qui ouvre et soutien des écoles primaire en semaine, et de la Société des Écoles du Dimanche (SED : 1852-2002) qui se consacre à l’enseignement biblique des enfants le dimanche, et à la formation des moniteurs. La SED, qui n’est fondée qu’en 1852, réédite l’alphabet des Écoles du Dimanche en 1854. En 1881, la SEIPPF et la SED créèrent conjointement les Écoles du Jeudi, pour remplacer l’instruction religieuse que l’École de Ferry n’apportait plus48.

Les premières Écoles du Dimanche françaises, comme les écoles primaires protestantes de la SEIPPF qui se sont développées dans leur filiation, incarnent l’alliance de l’instruction universelle avec l’instruction religieuse. Guizot, cofondateur en 1829, puis président de la SEIPPF, déclarait en 1852 : « l’instruction n’est rien sans l’éducation » et « l’éducation n’est pas sans la religion »49. Mais sous le régime concordataire français, avant les lois Ferry

(1881/1882), l’enseignement religieux était la première discipline inscrite au curriculum des écoles publiques en France. Ce qui distingue Guizot et Gauthey des congrégations catholiques d’alors en France, c’est le processus de compréhension et d’appropriation individuel du sens des textes bibliques, ce qui a été rapprochés par certains de

42 Préfet de la Seine-Inférieure (1836). Lettre adressée au conseil municipal de Luneray, pour accorder le

statut d’école publique affectée aux enfants protestants à l’école protestante, 27 janvier 1836. Ms, AN,

F/17/12516/2. 43 Laurent Cadoret (1810). Lettre au recteur de l’Académie, Luneray le 25 avril 1810. Ms, ADSM 14J75. 44 Jean-Paul Cook, Magasin des Écoles du Dimanche, 1851, p. 258. 45 Paul Paillat, « Les salaires et la condition ouvrière en France à l’aube du machinisme (1815-1830) ». Revue écomonique, V. 2, n° 6, 1951, p. 769. 46 Chabrand, op. cit., 1817, p. 8.

47 Anne Ruolt, « Du rôle éducatif précurseur au XIXe siècle, du comité d’encouragement des écoles du

dimanche (1826-1828), en faveur de l’instruction religieuse et primaire des protestants de France ». Rassenga di

Pedagogia, 3 /4 2011, p. 305-329.

48 Anne Ruolt, L’École du Dimanche en France au XIXe siècle, Paris, L’Harmattan, 2012, p. 146.

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l’idée de sécularisation de l’enseignement pour la formation de « l’homme complet », libre du magistère qui lui ? a été l’origine de nombreuses résistances anticléricales.

Mais quatre mois avant l’Édit de tolérance (29 novembre 1787), et deux ans avant la Révolution française, une lettre adressée le 12 juillet 1787 à William Fox par Robert Raikes mentionne la visite de gentlemen français, membres de l’Académie royale. Raikes écrit : « Ils ont été si fortement impressionnés par les conséquences sociales prometteuses du dispositif qu’ils m’ont pris toutes les brochures imprimées à ce sujet, afin de proposer la fondation de telles écoles dans certaines de leurs paroisses de province »50.

Les Français, inconnus des responsables de la SED sont les deux académiciens français, missionnés pour visiter les hôpitaux anglais : le chirurgien français Jacques Tenon (1724-1816) et le physicien Charles-Augustin Coulomb (1736-1806), accompagnés d’un noble, le marquis d’Herbouville (1756-182951. L’article du Gentleman's Magazine

daté du 20 juillet 1787, rapporte que ce trio avait sillonné l’Angleterre du 1er juin au 3 août 1787, pour tirer des

enseignements utiles à la réforme du système hospitalier français. Le 5 juillet 1878, Tenon était à Gloucester pour visiter l’hôpital, la maison de correction et la prison. C’est à cette occasion qu’il est entré en contact avec Raikes et qu’il s’est intéressé au Sunday School System52.

Les documents sur les débuts du mouvement anglais rapportés en France par Tenon sont aujourd’hui perdus, mais à l’époque, Condorcet (1743-1794) qui était le secrétaire de l’Académie des sciences a dû les connaître. Ceci pourrait expliquer la mention des Écoles du Dimanche dans son rapport sur l’Instruction du 20 avril 1792. Mais il avait aussi pour conseiller l’économiste Adam Smith (1723-1790) que Raikes cite et qui affirmait en parlant des Écoles du Dimanche [qui n’existaient pas encore en France] : « aucun pla,n n’a fait espérer un heureux changement dans les mœurs avec autant de simplicité et de facilité depuis les jours des apôtres »53. La

connaissance de l’expérience de Raikes en France est donc antérieure à l’ouverture des premières Écoles du Dimanche protestantes françaises.

Le dispositif que propose Condorcet dans son rapport, conserve l’idée raikesienne de remédier au manque d’instruction universelle chez les jeunes, mais il n’adopte pas le modèle de pédagogie « active ». Il propose des conférences dominicales, pour une finalité citoyenne en ces termes : Chaque dimanche, l’instituteur ouvrira une conférence publique à laquelle assisteront les citoyens de tous les âges : nous avons vu dans cette institution un moyen de donner aux jeunes gens celles des connaissances nécessaires qui n’ont pu cependant faire partie de leur première éducation. On y développera les principes et les règles de la morale avec plus 50 Robert Raikes, Lettre à William Fox, Glocester [sic] le 12 juillet 1787, d’après Power, op. cit., 1785/1863, p. 164. 51 Sylvanusn Urban, « Farther Account of the visit og the French Commissioners », The .eman's magazine, 20 juillet 1787, p. 592.

52 Louis Greenbaum, « The Commercial Treaty of Humanity. La tournée des hôpitaux anglais par Jacques

Tenon en 1787 », Revue d'histoire des sciences. T. 24 n°4, 1971, p. 317-350.

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d’étendue, ainsi que cette partie des lois nationales dont l’ignorance empêcherait un citoyen de connaître ses droits et de les exercer54. Les événements politiques n’ont pas permis de donner suite à cet élargissement de la fonction de l’instituteur. Le rapport de Condorcet semble avoir pourtant été repris par d’autres en France, peut-être aussi influencés par l’Allemagne. Ehret mentionne une initiative d’École du Dimanche originale en Alsace. Initiée en 1833 par le préfet le baron Charles Wangel de Bret (1791-1860), cette École était destinée aux adultes. Adossée à l’École Modèle de Colmar et financée par des fonds publics, l’instruction de niveau primaire était confiée aux élèves instituteurs de 2e et 3e année et l’ensemble était supervisé par le directeur ou un professeur de l’École Normale. Les élèves

étaient surtout des ouvriers, âgé de 14 ans à 50 ans. L’année 1835-1836, ils étaient 200 inscrits. Le modèle pédagogique n’est pas précisé. Il n’est guère possible de trancher, car les élèves instituteurs étaient formés à l’École Normale aux modèles mutuel et simultané. La publicité pour ces cours était faite en frappant le tambour à Colmar et dans les faubourgs, et d’après Ehret ils étaient aussi annoncés par les curés et pasteurs pendant les offices religieux55. Bret quitte son poste en février 1848, mais cette École lui a survécu, car un article, publié en 1857 dans la revue de la SED, évoque ces Écoles, mais pour s’en distancier nettement et éviter toute confusion. En mentionnant une circulaire du préfet du Haut-Rhin adressée aux maires et aux instituteurs, le méthodiste Jean-Paul Cook, cheville ouvrière de la SED affirme : « […] ces écoles d’enseignement primaire et non religieux n’ont aucun rapport avec les Écoles du Dimanche que le Magasin [nom de la revue] cherche à propager au sein du protestantisme dans les pays de langue française »56. Le baron de Gérando, qui évoque les Écoles du Dimanche en 1839, regrette le peu d’empressement des Français à les adopter, excepté les protestants, et laisse à penser que la branche sécularisée a été peu développée. Il écrit : La France, jusqu’à ce jour, s’est montrée moins disposée à adopter les écoles dominicales, peu empressée même à les connaître. Cependant les départements du Haut-Rhin et Bas-Rhin et quelques-unes de nos villes, comme Lyon par exemple, les ont imitées, et ont eu lieu de s’en applaudir. D’heureux essais ont été tentés, dans la capitale, pour les adolescents des communions protestantes57. Cette branche d’Écoles du Dimanche sécularisée serait-elle une « exception française » ? Certainement pas.

54 Nicolas de Condorcet, Rapport et projet de décret, relatifs à l'organisation générale de l'Instruction

publique, présenté à l’Assemblée législative, les 20 et 21 avril 1792,

http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/7ed.asp [consulté le 27/01/2016].

55

Henri Ehret, L'Ecole Normale D'Instituteurs Du Haut-Rhin A Colmar, de sa fondation à la loi Falloux (1832-1850), Besançon, Presses Universitaire de Franche-Comté, 1969, p. 98, 28.

56 Jean-Paul Cook, Magasin des Écoles du Dimanche, 1857, p. 64. 57 Gérando, op. cit., 1839, p. 466.

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En 1826, l’allemand Gerhard Oncken déposait une demande de création d’École du Dimanche au Sénat de Brehm. Après avoir essuyé un premier refus, son recours était accepté, montrant l’engagement de l’État dans ce projet58.

En amont, Buisson cite l’existence, dès 1739, dans le Wurtemberg, d’une forme « d’École du Dimanche obligatoire pour toutes les personnes non mariées, écoles destinées à leur faire acquérir ou conserver les connaissances élémentaires indispensables »59. En Bavière, une telle obligation daterait de 1803, pour les élèves jusqu’à seize

ans. La deuxième édition du Dictionnaire (1911) fait toujours mention d’une telle obligation scolaire dominicale : « Aujourd'hui encore, l'école complémentaire y porte le nom de Sonntagsschule, et la fréquentation en est obligatoire, jusqu'à l'âge de dix-huit ans, pour les élèves sortis de l'école primaire qui ne fréquentent pas un autre établissement d'instruction »60.

En Amérique du Nord, ces Écoles ont été une pièce maîtresse de la construction de l’identité américaine.

Conclusion

L’arbre généalogique établi à partir du dispositif lancé par Raikes à Gloucester en 1780 présente donc trois principales branches au XIXe siècle. L’une est religieuse, les deux autres privilégient l’enseignement universel et

industriel, sans forcément les disjoindre de l’enseignement biblique. Une branche sécularisée, précurseur de l’enseignement public de masse avant l’obligation scolaire en France, s’est développée en parallèle aux mêmes

écoles protestantes, et aux autres écoles tenues par les congrégations enseignantes catholiques.

Si la branche sécularisée a aujourd’hui disparu, les autres modèles subsistent, surtout dans la forme d’enseignement biblique, toujours distinct du catéchisme. Mais les dispositifs visant l’alphabétisation, ou le soutien scolaire en semaine perpétuent encore le dispositif originel de Raikes autant dans la forme sociale offerte par des bénévoles d’associations confessionnelles que celle offerte par des associations laïques.

Pour compléter l’arbre généalogique, il serait nécessaire de s’intéresser encore aux dispositifs soutenus par la Loi Falloux, qui inscrit les Écoles du Dimanche dans la section des écoles d’adultes et d’apprentis (Section 2 : article 56). Quelle a été leur importance en France ? Quel type de modèle d’enseignement a-t-on privilégié dans ces Écoles du Dimanche publiques ? Cela reste à déterminer. Mais il serait aussi nécessaire de s’intéresser au développement de la branche des Écoles du Dimanche Socialistes fondées en Angleterre à la fin du XIXe siècle, signalées par Wilfred Monod61. 58 Kurt Jägemann, Hinsehen und Handeln. Die Gründung der Sonntagsschule in der Hamburger Vorstadt St. Georg 1825, Kassel, Oncken Verlag, 2000. 59 Ferdinand Buisson, « Dimanche », Dictionnaire pédagogique, Paris, Hachette, 1887, p. 708.

60 Ferdinand Buisson, « Dimanche », Nouveau Dictionnaire pédagogique, Paris, Hachette, 1911,

http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=2555[site consulté le 27/01/2016].

61 Monod, Wilfred, L’instruction religieuse à l’école du dimanche. Rapport du Synode du Havre en mai 1902,

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Ce prolongement permettrait de vérifier si au nombre des héritiers de l’initiative de Raikes qui s’ignorent ne figure pas à côté de l’éducation populaire, l’éducation permanente ou continue, qui s’est développée dans les années 1970 en France, après la redécouverte du concept comenusien « d’éducation tout au long de la vie » ? Celle-ci, en adoptant des pédagogies dites « actives », selon une approche centrée sur l’apprenant, a promu le développement de différents types de dispositifs de formation générale et professionnelle d’adultes, sans oublier celles pour lutter contre l’illettrisme, situation dans laquelle se trouvaient 2,5 millions de personnes âgées de 18 à 65 ans en France en 201262, témoin des limites de l’éducation initiale seule, même rendue gratuite et obligatoire. Bibliographie sélective 1. Buisson Ferdinand (1887/1911). « Dimanche », Nouveau Dictionnaire pédagogique, Paris, Hachette. 2. Cliff, Philip B. (1986). The rise and development of the Sunday School Movement in England, 1780-1980, Nutfield, Redhill, Surrey, Londres, National Christian Education Council. 3. Ehret, Henri (1969). L'Ecole Normale D'Instituteurs Du Haut-Rhin A Colmar, de sa fondation à la loi Falloux (1832-1850), Besançon, Presses Universitaire de Franche-Comté.

4. Gauthey, Louis-Frédéric François (1858). Essai sur les Écoles du Dimanche, Paris, Société des Écoles du Dimanche.

5. Gérando, Jospeph-Marie Baron de (1839). « Des Écoles du Dimanche », De la Bienfaisance publique, T 1., Bruxelles, Hauman.

6. Juhlin, Victor (1878). « Écoles du Dimanche », Frédéric Lichtenberger éd., Encyclopédie des Sciences

Religieuses, T IV., Paris, Sandoz & Fischbacher, 1878, p. 216-217.

7. Monod, Wilfred (1902). L’instruction religieuse à l’école du dimanche. Rapport du Synode du Havre en

mai 1902, Vals-les-Bains, E. Aberlen. 8. Orchard, Stephen, Briggs, H. Y. (2007). The Sunday School Movement : studies in the Growth and décline of the Sunday Schools, Londres, Paternoster. 9. Power, John Carroll (1863). The Rise and Progress of Sunday Schools. A Biography of Robert Raikes and William Fox, New York, Sheldon. 10. Remusat, Charles de (1963). « Institution des Écoles du Dimanche ». La vie de village en Angleterre, ou Souvenir d’un exilé, Paris, Didier.

62 Nicolas Jonas, enquête 2012, Division Emploi, Insee,

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