APPLICATIONS des MATHÉMATIQUES
A DES
Calculs d'atelier ou de chantier
Nous sommes très n o m b r e u x à p e n s e r qu'à l'occasion des exercices de contrôle des devoirs et des compositions p r o p o s és en mathématiques, il est souhaitable de d e m a n d e r aux élèves de toutes les écoles techniques la résolution de p r o b l è m e s dont les sujets sont e m p r u n t é s à la p r a t i q u e des métiers.
Les quelques exemples suivants, dont les don-nées sont celles de l'outillage, du traçage, de l'usi-nage, du contrôle, ou e m p r u n t é e s aux f o r m u l a i r e s des b u r e a u x d'études, et les développements aussi bien géométriques que trigonométriques, a l g é b rù ques, voire arithmétiques, ont p o u r but de m o n t r e r que des problèmes de métier p e r m e t t e n t l'utilisa-tion des mêmes méthodes de r a i s o n n e m e nt que les exercices classiques.
I. — P r o b l è m e d e C é o m é l r i e
Le problème a pour but le tracé par terre d'une courbe biaise aux arêtiers bissecteurs.
Le comble représenté ci-contre c o m p r e n d deux longs pans et une croupe.
Les longs p a n s sont xABxi et xACx" ; leur panne faitière c o m m u n e Aa: est parallèle aux pan-nes de rive horizontales Bx' et Cx".
La croupe est ABC. Sa p a n n e de rive est BC dans le plan Ba/ Cx". Cette c r o u p e est biaise, BC n'étant pas p e r p e n d i c u l a i r e à Bx'.
AB et AC sont les arêtiers, c'est-à-dire les in-tersections de la croupe et des longs pans.
AD et AE, p e r p e n d i c u l a i r e s à Ax et tracées
dans le plan des longs pans, sont les arbalétriers de la ferme DAE dont l'entrait DE est dans le plan Bx'Cx".
M et N étant respectivement les milieux de BC et de DE, AMN est la demi-ferme de croupe. AP, perpendiculaire à BC, dans le plan de croupe est le chevron d'emprunt.
1° Montrer que AE et AP sont respectivement les lignes de plus grande pente d'un long pan et de la croupe.
2° Pour construire la charpente en bois, on fait le tracé par terre du comble.
Celui-ci comprend DEBC, NM, NB, NC, NP. Montrer que NB, NC, NP sont respectivement les projections sur le plan Bar' Cx" des arêtiers et du chevron d'emprunt.
3° Montrer que lorsque les pentes des longs pans et de la croupe par rapport au plan Bx' Cx" sont égales, NC est bissectrice de BCE.
4" Indiquer dans l'hypothèse du 3°, comment l'on peut obtenir le tracé par terre si l'on donne : a) le segment BC = l en grandeur et en posi-tion;
b) la direction de Ax.
Construire effectivement la figure à l'échelle 1/100 si :
BC = 8 m et BCE = 120°
Cet énoncé appelle de toute évidence une re-marque : il est plus long que ceux des problèmes classiques. Son développement se justifie par la nécessité de présenter les données avec précision de manière d'une part à n'exiger de l'élève au-cune connaissance technologique, et d'autre part à permettre à ceux qui le désirent d'employer dans la solution la terminologie exacte. Voici celle que je propose :
1° On sait qu'une ligne de plus grande pente d'un plan Ax Cx" p a r rappor t à un plan horizon-tal Bx' Cx" est toute droite du premier plan
per-c'est-à-dire NE = NP, pendiculaire à l'intersection Cx" des deux plans.
Or, AE, perpendiculaire à Ax, est aussi per-pendiculaire à la parallèle Cx" à Ax.
De même AP, qui est perpendiculaire à BC, est la ligne de plus grande pente de la croupe.
2° N est la projection de A sur le plan Bx' Cx". B est à lui-même sa projection sur ce plan; donc NB est la projection de AB.
Pour la même raison, NC et NP sont les pro-jections de AC et AP.
3° On sait que la pente d'un plan est celle d'une ligne de plus grande pente.
On doit donc avoir : AN _ _AN. NE ~ NP
ce qui prouve que N est sur la bissectrice CN de PCE.
4° Supposons le problème du tracé par terre résolu. L'inconnue est la droite DE.
Comme elle est perpendiculaire à la direc-tion donnée Ax, il suffit d'en connaître son mi-lieu N.
Les arêtiers étant bissecteurs, les angles NBC et NCB sont complémentaires comme moitiés d'angles supplémentaires; par suite le triangle BNC est rectangle en N; et le point N est sur la circonférence de diamètre BC.
D'autre part, NM, qui joint les milieux des côtés non parallèles du trapèze BCDE, est paral-lèle aux bases et p a r suite à Ax.
N se trouve donc sur la parallèle à Ax menée par le milieu M de BC; cette droite est un dia-mètre de la circonférence BNC.
D I S C U S S I O N :
Le problème revient à l'intersection d'une circonférence et de l'un de ses diamètres. Il est toujours possible et admet deux solutions : N et N'.
Pour terminer le tracé p a r terre, il suffit de remarquer que DE, perpendiculaire au rayon NM, est tangente à la circonférence BNC.
Les points N et N' donnent alors deux tracés symétriques p a r r a p p o r t à M. Les figures obte-nues soni égales, et il n'y a donc dans la prati-que qu'une seule solution représentée sur le tracé à l'échelle 1/100.
La quatrième question est un problème de construction, dans le sens classique de cette ex-pression. Un tracé p a r terre de charpente peut toujours donner naissance à un tel problème. On variera les données et les propriétés en introdui-sant des noues au lieu d'arêtiers, et toutes les sor-tes de combles. La croupe d'abside par exemple présente des propriétés intéressantes de polygo-nes réguliers.
II. — P r o b l è m e d e Géométrie et d e Trigonométri e
Le problème a pour but l'étude de l'erreur commise dans la vérification du diamètre d'un alésage avec un instrument de mesure à deux points de contact.
Le vérificateur se compose essentiellement de 2 touches sphériques A et B reliées d'une ma-nière rigide par un élément réglable schématisé en A et B.
Sur la figure 1 sont figurés, dans la position de mesure idéale, l'alésage à vérifier de diamè-tre D et d'axe 0, et les touches de diamèdiamè-tre d représentées par des grands cercles des sphères de centres A et B.
Les contacts ont lieu en M et N sur un
diamè-tre de l'alésage; et la mesure donnée par l'ins-trument est MN.
La figure 2 montre comment la mesure s'effec-tue réellement, p a r suite d'un glissement des tou-ches dans l'alésage.
Ce glissement est fonction du coefficient de frottement / du mé'.al des touches sur celui de l'alésage.
Les contacts de l'instrument de vérification avec l'alésage ont lieu en N et P. A vient en A'. A'B recoupe les grands cercles en M' et N'. M'N' est la mesure fournie par l'instrument.
1° Les tangentes en P et N au cercle de cen-tre O se coupent en Q et font encen-tre elles un an-gle i (tel que tg i = /'). Montrer que POM = i, et déterminer la valeur de PNO.
2° Calculer A'B, connaissant D,d et i. 3° L'erreur de mesure est e = MN — M'N'. Calculer cette erreur à 0,001 mm près par excès pour :
f = tg' i = 0,15 : D = GO mm; d = 50 mm Pour ce problème et les autres qui suivent, nous ne présenterons que le schéma des solutions; ici :
1° La considération des angles aigus POM et PQN à cô,lés perpendiculaires, et du triangle iso-cèle PON donne :
PNO = — 2
2° Si l'on envisage les cercles tangents A' et O d'une part, B et O d'autre part, et le triangle isocèle AOB, on obtient :
A'B = (D — d) cos ~
Ft'cfu^ç 1
Vue
suivant F
en coupeZ. 3" e = MN — M'N' donne : e = (D — d) 1 — cos et avec : tg i = 0,15 el i = 8"32 : e = 0,028 à 0,001 mm près par excès. III, — P r o b l è m e d e trigonométrie Un veut exécuter une cannelure d'angle 2 A sur un arbre de transmission, avec un outil d'an-gles a = dépouille, b = pen'e d'alî'utage, d = tran-chant (a + b + d = 90°).On doit pour cela déterminer la section de l'ou-til suivant une droite ZZ perpendiculaire à la droite ot qui fait, avec l'horizontale ox, l'an-gle a. Sur le dessin, cette section est représentée par une vue suivant la flèche f . L'angle 2 E, ap-pelé angle de -correction, est inconnu.
^ tg A.cos b 1° Montrer que tg E = —
sin d 2° Pour a = 6°, d = 60° et sachant que sin 66° = 0,091355
tg E calculer le rapport — tg A
puis tg E pour A = 30° (figure 1).
1 ° Remarquons que, comme la figure 2
clique, la largeur de la rainure M'P' se conserve en MP; par suite :
M'P'
t g E =
MN
Les relations dans les triangles rectangles MNP, ROS, M'N'P' conduisent alors à :
t g E = t g A c o s b
sin d
2° Le résultat de l'application numérique est : t g E = 0,609
L'étude des angles des outils peut conduire à d'autres problèmes très intéressants. Les nor-mes ne nous y convient-elles pas en nous propo-sant les relations :
tg P = tg b sin c
et tg b = Vtg2 a + tgsp ?
(b étant la pente d'affûtage, a la pente vers l'ar-rière, p la pente latérale, c la direction, dans l'ou-til-type de tour).
Cet outil de tour permet aussi de mettre en évidence le rectiligne d'un dièdre et les pentes des plans.
Toujours en trigonométrie, on peut beaucoup demander à la barre sinus; beaucoup, c'est-à-dire bien autre chose que des suites de calculs; de-mander encore aux montages sur les fraiseuses, au micromètre spécial pour dents d'engrenages, à la traversée d'une route par un câble électrique; ces exemples n'étant cités que pour montrer la diversité des sources qui s'offrent au professeur de mathématiques pour intéresser ses élèves à leur métier.
Quittant la géométrie pour l'algèbre, je pro-pose maintenant successivement deux exemples dont les sources sont des formules simples, et dont le second conduit à une petite question d'arithmé-tique sur les carrés parfaits.
IV. P r o b l è m e d ' a l g è b r e
Le couple C, que développe p a r adhérence une force Q exprimée en kg sur une face d'un disque d'embrayage de rayons extrêmes R et r expri-més en mm, est :
R 3 R3
C = 0,4 Q — —
1" Avec quelle unité doit être exprimé C? 2° Ecrire la formule qui donne C lorsque l'on y fait figurer les diamètres D et d au lieu des rayons correspondants R et r.
3° Si d = 150 mm, D = 3 d, Q = 900 kg, cal-culer C en mm/kg.
4° Transformer la formule donnée pour C de manière à n'y faire figurer R et r qu'au deuxième degré au plus; et vérifier avec la formule ainsi obtenue les calculs faits dans la. question précé-dente.
On peut tout ignorer de la mécanique et ce-pendant traiter ce problème qui est exclusive-ment algébrique : „ _ mm3 u ~~ ; donc C = m m / k g 2" C = 0,2 Q m m2 D3 — d3 D2 — d-3° C = 68.750 m m / k g 4° Puisque R3 — r3 = (R — r) (R2 + Rr + r2) C d e v i e n t : 0,4 Q R* + R r + r 2 R + r et l'on retrouve : 68.750 mm/kg. V. — P r o b l è m e d ' a l g è b r e et d'arithmétique Le moment d'inertie d'une section rectangu-laire, de base b et de hauteur h, par rappor t à une droite D parallèle à la base et située à une dis-tance x du centre O du rectangle, est :
I = bh (1*1 + x2
1° Que devient cette relation : a) si D passe par O?
b) si I) est confondue avec une base? 2° Ecrire la relation si D passe par O et si le rectangle est un carré d'aire donnée s.
3° Dans le cas où s2 est un carré parfait,
donner les valeurs entières de I inférieures à 100; puis exprimer toutes les valeurs entières possibles de I en fonction d'un nombre entier k quelconque.
Résultats : 1" a) x - 0 ; I = bh"
l2
b) x = - I = bM
2 ° I = s
-3° I prend les valeurs :
3 — 12 — 27 — 48 — 75
et I = 3 k2; il suffit de remarquer que s2 ne doit
contenir que des facteurs affectés d'un exposant pair.
Les problèmes d'algèbre qui peuvent être bâ-tis a partir de formules techniques simples sont au moins aussi nombreux que ces formules elles-mêmes. Il suffit de choisir. Les nombres Renard et la construction des graphiques sont d'autres facettes de notre documentation.
Conclusion
Ces cinq exemples de problèmes de mathé-matiques, posés et résolus à propos de la pra-tique journalière des métiers, montrent que les élèves peuvent traiter, avec toutes les méthodes des exercices classiques, et sans connaissances technologiques spéciales, des questions nées à l'atelier, au bureau et sur le chantier. La cul-ture s'élargit ainsi; des droites et des courbes du tableau noir, elle s'étend à l'usine, c'est-à-dire à la vie.
G. DUTOUR.