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Le voyage dans la poesie de Stéphane Mallarmé.

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(1)

,.-$;'''.: ~'\O,.~ • .

SOMMAIRE

LE VOYAGE DANS 'LA POÉSIE DE'

STÉPHANE MALLARMÉ

Le th~me du voyage dans la poésie de Stéphane Mallarmé a été abordé avec l' analyse lexicologiqu~ ..

?-G

certains mots clefs du vocabu~aire mallarméen.Le. pre-mier chapitre de cette dissertation met en lum1~re le

répe~t6ire des milieux explorés, t~t spirituels que matériels, tant intérieurs qU'extérieurs.

Dans le deuxième chapitre se trouve un' regrou-pement des agents du voyage, entendues par là créa-tions du poète chargées de "départ ". Exception faite "'. de quelques pe:!'sonnages vrais, ces mandataires du

voyage spirituel Mallarmé les recrute d~s les domai-nes les plus variés, depuis la matérialité banale

jusqu'à l'insaisissable cosmos.

Ces deux chapitres situe~t la mise aU point de nombreux éléments relatifs au thème du voyag~ et visent à clarifier certaines formes obscures que prê-tait aU déplacement l'interprétation mallarméenne. Sans ce travail de base l'explication des sens mul-tiples du "départit aurait été particulièrement laborieuse.

(2)

L'exégàse ~es principaux tableaux du voyage fait l'objet du troisiàme chapitre. Les poêmes choi-sis marquent une progression de la pensée mall~é­

enne tourmentée par le voyage, par sa possibilité ou sa'nécessité, sa signification artistique et

méta-.. - . -.

physique ainsi que par la menace de nombreux dangers. La conclusion éclairera, croyons-nous, l'a-cheminement de la pensée du ma1tre vers le thàme du voyage. Ainsi présenté, ce voyage appara1tra non seulement comme un procédé d'évasion commun

a

d'au-tres poètes mais aussi comme une marque indélébile de la pensée mallarméenne et de son express1on.

(3)

LE VOYAGE DANS LA PO~SIE DE STÉPHANE MALL.ARMlf

Par Louise~Ange Finn-Mansoor

Dissertation présentée à l'Écode des Études Supérieures de l'Université McGill en vue de

11obtention du diplôme de la

MAîTRISE ~S ARTS

Département de français

Montréal, Canada, 1969

(4)

..

TABLE DES MATIERES

Chapitres

INTRODUCTION

l MILIEUX A FRANCHIR OU A PARCOURIR

.Azur

Horizon, crépuscule

Glacier

Fen~tre

Rideau, tapisserie

Regard, Oeil bleu

Femme

Chevelure

Mer

Verdure

Miroir

Tombeau

Nuit, page blanche

II AGENTS DU VOYAGE

Bibelot

Fleur

~toile,.

constellation, diamant

Source d'eau, pluie

Jet d'eau, de feu

Soleil

Vent, rire

Aile, pied

Oiseau

~ventail

Personnages :

Hérodiade~

saint Jean,

Hrumlet, le Faune, nymphes, sylphes,

sirènes, la campagne idéale de Prose

Pages

(5)

, '

III ANALYSE THÉMATIQUE DE QUELQUES

POUS

53

Les Fenêtres

LfAz~

~v~ntail

(de Mademoiselle Mallar.mé) et

~ventail

(de

Mad~e

Mallar.mé)

Pro~e

(pour des Esseintes)

liOrmnage

Puvis de Chavannes)

M'introduire

d~s

ton histoire •••

Le

vierge, le vivace et le bel aujourd'hui •••

Brise marine

Salut

Au seuJ. souci de voyager •••

A· la nue accablante tu •••

Un

coup de dés

IV CONCLUSION

96

(6)

...

i..,r .'

INTRODUCTION

La· li

ttézaature de toutes les époques est marquée de·

11idéa~isme

exalté de certains auteurs.

Au~eurs

pour qui

le.·contact:d1ff:Lclle avec le quotidien et 11 appel de la

tl'anscendan,ce . font na!tre le Grand RIve en sa forme la plUs

élémentaire· et la plus universelle.' Clest

n •• :.'

la

r3ve-rie (qui) met ·le rSveur en dehors du monde prochain.

de~ant

un monde qui porte le signe d'un

inf~ •

..elle fuit

l"

ob-jet proche.,· et tout de suite elle est

lo1n~.

ailleurs, dans

llespace de l'ailleurs ••• fil, selon Gaston Bachelard.- Gr

cette- revSr.ie de

11'1'

ailleurs uldversel

li,.

leur inspire t8t

ou tard le gol1t du voyage. Ainsi voyons;-nous la mer ·ensei-'

gner l'existence

à

Ulysse, l'enfer ouvrir ses· portes:

à

VirgUe età Dante, l'attrait de l'inconnu et la qu3.te. de·

lf/absolu nourrir les ambitions grandioses des Croisés.

Les grands r3ves d'aventure se prolongent et s'épanouissent

en une série

de·pé~égrinations destL~ées à

renouveler

l!ima-gination des romantiques.

1névitablament les symbolistes, eux aussi, iront

étancher leur soif d'idéalisme au rituel du voyage, et leur

chef, Stéphane Mallar.mé, ne fait pas

exca~~~on

à

cette

poussée uni verse'lle vers l

~

au delà,. Avanli de considérer

lGaston Bachelard, La Poétique de l'espace, P.U.F.,

Paris, 1964, p.16S.

(7)

,le point de vue unique du poète sur le voyage,

rappelons-nous l'avertissement de

Max

Jacob; il dit:

" n •••

qU'en matière d'esthétique, on n'est jamais nouveau

. profondément. Les-lois du beau sont éternelles, les p:J.\1S

violents novateu:rs s' Y'

soumett~nt:

sans s "en rendre

co~te;

ils s'Y' soumettent à leur maniere, c'est là l'intér3t".1

Chez Stéphane Mallar.méla.soumission à l'esthétique du "voyage

littéraire" ne diminue en rien l'envotl.tement qu'il exerce sur

nous. L'idéalisme chez cet auteUl',plus exigeant que celui

d'un Poe ou d'un Baudelaire, donne

à

son élan d

'

évasion une

tournure toute spéciale et plus fascinante que celle de ses

contemporains. Son oeuvre poétique, rigourèusement compacte

et toute mince qu'elle soit, déploie une progression serrée

de sa mystique du voyage, toujours en relation étroite avec

une esthétique personnelle.

La présente étude suivra l'itinéraire de cette

ob-session majeure du voyage, telle qu'elle se présente

dans

l'oeuvre poétique du

ma1~re,

qui en porte la marque profonde.

Sans prétendre épuiser le réseau complexe 'de la ter.minologie

mallar.méenne, les deux premiers chapitres porteront sur la

réduction des arcanes qui cloisonnent la symbolique du voyage,

par une tentative d'élucidation des symboles et des termes qui

.'

s'y rapportent. L'analyse lexicologique traitera, au premier

chapitre, du répertoire des milieux à franchir ou

à

parcourir;

~~

Jacob, Art poétique, éd. Emile-Paul, Paris, 1922,

(8)

au deuxième chapitre, des agents du voyage, qu'Us soient

mes-sages d'un ailleurs ou messagers proprement dits. Nous

tente-~ons, au troisième, une brève exég~se des prfncipaux poèmes qui s'inspirent du déplacement.

Comme bien d'autres avant 1ui Ma-J.larmé est parti d'une nosta1gie de 1'Eden perdu qui incar~ait un idéal à pré-sent inaccessib1e. I1 faut donc une évasion pour rejoindre cet idéal. l/Ia11armé partira du monde extérieur pour

engen-dre~ 1'atmosphère du pé1ë:rinage initial, c'est-à-dire qu'il y a pour 1u1 situation d'un point géographique donné par rap-port à un autre. Déborah Aish a raison, dans un certain sena$ de soutenir que les critiques se trompent à considé-rer Ma11armé comme un poète de l ' intériee: "En effet,

c'est dans 1a nature 1e plus souvent qu'i1 puise ses images".l Ce site géographique, ce paysage, mène 1e rêveur à la poéti-que de l'ailleurs édénipoéti-que qui évei11e le désir d'une vie à la. fois immédiate et lOintain'e, " ••• candide divinité avec tout ce qu'elle a dl/intime à la fois et dtétranger".2

L' oeUVl'e enfantine témoigne d'une âme qui s'ouvrait à la visitation des anges, des étoiles, des fleurs et des voix chus du ciel; de même, les messages de l'enfant

lD.A.K. Aish, La Métamorphose dans l'oeuwe de Stéphane Mallarmé, Dros; Paris, 1938, p:~' 57.

2aobert Guiette, "Elskamp et Mallarmé", Mercure de France, juin 1960, p. 258.

(9)

. s'envolent vers le ciel " ••

~

sur les ailes de

lIEspér~ce".l

Mais l'adolescent voit cette

espér~~e

ébranlée; il commence

à

"chercher l'Infini qui fait que l'homme

p~che".2

Plus

ja-maio 11 ne sera passivement r.éceptif; il rejoint les rangs

des "pailletés d'astres, fous d'azur, les

gl'ands

bohèmes".3

Avec le terrassement du "vieux et méchant' plumage, Dieu",

4

il

connait la chute vertigineuse

de

lléloignement, phase décisive

qui, dit Wallace Fowlie, rapproche Mallarmé de ses confrères

en poésie:

A

poet1s lUe is a repetition of the myth

of·...:rcarus,cdm.-posed first of vision or the f1ight of the imagination, and

secondl7 of the 10ss of the vision or the fall

fram~he

ad-venture of the spirit into the realitY,of the world.

A

l'instar de ses ma1tres, en effet, il cannait très t8t le

naufrage enflammé d'un Icare. qui chercherait

à filer vers les

nues de l'extase poétique; la hantise du voyage est

dé~er.minée

à

llorigine par cet échec. Le poète n'a plus que la force

de

" ••

'~

(mordre) la terre chaude"6 en attendant de r6ver son

a-venture du rapproche.ment.

Le

jeune Stéphane laisse tomber les

liens qui le rattachaient aux parents défunts, ces chères

lstéphane Mallar.mé, Oeuvres

com~lètes,

. Bibliothèque

de la Pléiade, Gallimard, Paris,

1954,

~antate

pour la

pre-mière Oomm'lllnon,

3'.

2Ibid.,

L1Enf~t

prodigue, p. 14.

3Ibid.; Contre

un

Polte parisien, p. 21.

4Id~,

Oorrespondance, 1862-?1, Gallimard, Paris, 1959,

p.

241.

5w.

Fowlie, Mallarmé, The university of Chicago Press,

Obicago, Ill.; 1953, p .• 23.

~llarmé~

op.

cit., O.c., Renouveau, p. 34.

(10)

.. ,. -'

-figures fémintnes de la

mère~

de la soeur

Marie~

et de la

soeur spirituelle Harriet. Il se retrouve dénudé et

seUl~

condamné

à

cette solitude de la chute "distantiatrice" que

propose Benrieh Steftens:

Le

vertige est une soudaine solitude. une fois qu

l

i1

s'empare d

l

un'3tre,aueun appu:1 ne peut le sauver. Il.

est chute vivante.

(Ein 'Solcher Mensh W1rd Inden

DunklenlAbgrund seines eigene.n Daseins

'~ ~ ~

h±mwegge-zogen.')

.

Georges PoUlet résume ce stade 1m.tial. quand il. decl.are

qul"il n'y a chez Mallam qu'immobilité et attente".2 On

se rappelle

d'ail1e~s

l'exclamation l'1l'ique du jeme ma1tre

1

ce sujet: "J'attends en m1ab!mant que mon ennui slél.àve.

nJ

Quand le r3ve le

hante~a

encore, Mallarmé tentera de

reconquérir seUl l'espace inaccessible pour retrouver les

âmes soeurs disparues. Il s'efforcera de repérer le site de

llinnocence~

de la virginité reconquise, où celle-ci

s'épa-nouit intact.e et naturelle; l.e chaste et l'ardent se

conju-guent pour former une toison sacrée qui représente le terme de

la quête; tout en demeurant une et inatteignabl.e, cette toison

de l'Idéal prendra différents aspects avec la modification

progressive de la vision dépa'1sante. Mallarmé devra, lui aussi.

~

souscrire au mensonge

~hique,

c'est-à-dire

à

l'hyperbole.

1,~

Steffens, Was ich erlebte, Breslau, 1840, 10 vol.,

t.

l,

p.

3.34.

2G. Poulet, Etudes sur le temps humain, II, La distance

intérieure, Plon, paris,

1952,

p.

299.

~ll~é,

op. cit., O.c., Renouveau, p.

34.

(11)

Dès le début son art sera complice de son voyage spi-rituel et le reflétera, le stimul.era m&ne en soif pour le périple. La qu3te se fera à la lumière d'Une poésie dont "le mouvement naturel est élévation" et dont ftliime assidûment défendue est 'Verticalité". l Cette recherche le mènera de son exil sur terre aux premières tentatives d'évasion qui seront aussi élans verticaux, projetés absolus. Pitoyablement ces essors se heurtent à un azur implacable et, furieux,

Mallar-mé refusera l.'appel du départ. Il se cloisonnera volontai-rement "parmi ('lm) ciel de porcelaine nue1l2 pour tenter de . détour.ner vers une autre dimension l'itinéraire de l'au delà.

La. clôture substitue à présent un monde plastique au monde réel. Ynhui Park tnterprète ainsi le choix que le poète exerce:

Mall~é obsédé par le désir de la création poétique vraiment digne de ce nom; abandonne non sans regret le paradis d'enfance alors ~ue Baudelaire le regrette avec nostalgie. Il a choisi 'le terrain avare et froid de ma cervelle" • .3

O'est là que le poète mènera son aventure, minutieusement calculée, vers un centre toujours imprécis mais 1,m1neux.

Ce monde réduit se double dl un si te pour 11 amo'llr qui

s'offre également comme territoire à parcourir; mais quand

'-

~ .. ' . .

-il ne se révèle quwà distance Mallar.mé régresse vers les chastes for.mes féminines de l'antérieur qui ont jadis

lRobert Vivier, Mallar.mé, Empreintes, Paris, 1948, nO spécial, p.

93.

6

2Mallar.mé, op. cit., ~, Las de l'amer repos. p. 35.

3y.

Park, L'Idée chez Mallarmé, centre de documentation univarsitaire$ Sorbonna~ Paris, p. 52.

(12)

déclenché toute cette croisadeo Il les découvre enfouies au bout d'une allée orphique, allée qui passe p~ son propre monde intérieur. Eenri Corbin nous représente ce lieu comme

"région qui n'est pas dans un où, le où étant désormais

tn-vo1ué dans l'iman•l

Mall~é plongera alors dans le tréfonds de lui~@me, il partira à la recherche de son ortho-centre

pour

aboutir à la terrifiante saisie du Néant. Il taut donc se réorienter et s'identifier avec le Cosmos et, en tant qu'élément du Cosmos, partir à l'exploration du grand extérieur macrocos-mique. Ainsi sera affirmée la possibilité du périple

micro-cosmique qui, seuJ.~ peut déboucher sur le Monde Antérieur. Mais la soif d'idéal chez Mallarmé a finalement en-gendré son incarnation artistique. La poésie qui avait

jusque-là si largement orienté et exprimé les modulations . du voyage devient enfin la toison ultime, le but m3me de

l'aventure: ft • •.• les plus purs glaciers de l'esthétique

•••

. ft

aux. fi • • • altitudes lucides ••• 02 Il av~1t voulu liquider

l'azur en traversant un abhle, un tombeau, une chevelure, et ultimement un grimoire, un poème, mais tout aboutit à 'lm

au delà infini toujours plus vaste que l'azur initial. Il lE. Corbin, Terre céleste et corps de résurrection, Bader Dufour, Paris,

1948,

p~ 72.

2Mallarmé, op. cit., Corr., p. 220-221.

(13)

n'y a de fin au voyage, m&ne le plus littérairement abstrait,

que dans l'anéantissement, et le dernier naufrage aura lieu

sur Une

pag~ blanche

e

Fow11e nous avertit de "son peu de

liberté",

~feste d~s

le début dgns'"la densité de sa

langue".l Toute fervente que soit la tentative du voyage

absolu dans la poésie mallar.méenne, elle n'en sera pas moins

un échec, mais un échec sublime.

lpowlie, La Pureté dans l'art, éd. de l'Arbre, Paris,

1953, p. 28.

(14)

CHAPITRE l

MILIEUX A FRANCHIR OU A PARCOURIR

L'étude du vocabulaire privilégié, au premier cha-pitre, est basée sur les divers terrains que Mallarmé a re-censés pour en ordonner le contenu poétique et ésotérique relatif au voyage. Il a non seulement parcouru les régions traditionnelles des inconnus marin, terrestre et céleste, mais il s'est initié aux sites intermédiaires; à savoir:

le miroir, la fenêtre, la chevelure, bref, les diverses ma-nifestations de la clôture qui s'élève entre la réalité ~­

médiate et l'au delà. Il lui restait

à

se f~iliariser avec les lieux vierges d'un autrui, ceux d'un tombeau ou d'une nuit blanche littéraire, tous aux frontières de l'infini idéal. Sa probité intellectuelle exigeait la connaissance de ces milieux intermédiaires, en guise d'apprentissage, avant le grand voyage absolu -- idée de toujours.

Azur : Selon Poulet qui a voulu déterminer la place de l'azur dans la thématique de la distance, l'azur n'est uni un point ni un mouvement, c'est un espace initial".l Ce premier terme de la hantise de l'ailleurs se manifeste

(15)

t".e~s t6t dans 11 oeuvre poétique. Emilie NouJ.et et Guy M1-chaud ont cherché tous deux à llinventorier et à en suivre

la courbe dans l'oeuvre du poète; ils f~ent vers 1866

li abandon de ce vocabl.e; il faudra donc attendre vingt-cinq

ans pour voir sa réapparition dans L'Hommage à Puvis de Chavannes. Hérodiaâe serait définitivement le mament du

partage dans 11 affolement de l'azur:

• • 'lI ltazur

Séraphique sourit dans les vitrei profondes, Et je déteste, moi, le bel azurS

Pourquoi abgndonner cette éChappée vers l'infini' Le voyage que se proposait Mallarmé n'était-il pas d'une essence spi-rituelle dont le paradigme serait l'azur? Il a t8t fàit dt Y découvrir un faux refuge. Si, comme le soutient Jean-Pierre Richard, "l'azur ne signifie rien d'autre que notre impuissance à nous élever vers l'azur",2 le poète trouvera mieux pour atteindre son idéal que la stérile ~passe de

ftregarder l'azur en mourant de faim".3 Et Richard de conti-nuer:

A l'inverse du ciel baudelair:Len, qui crée en nous le vertige d'une profondetœ sans terJ:r.S ••• l'azur mallar-méen nous tour.mente par son voisinage, sa nature de frontière étalée. 4

L'azur est donc la première manifestation de la c18ture à l.Mall~é, OP. cit., ~, Hérodiade, Scène, p. 48. 2J.-p. Richard, L'Univers imaginaire de Mallar.mé, éd. du Seuil, Paris, 1961, p. 56.

3malla~é, op. cit., Corr., p. 118. 4Richard, op. cit., p. 55.

(16)

frgncbir ou

à

percer; il n'est plus le milieu poreux qui.

s'offre à l'entrecroisement des esprits célestes et des voeux terrestres. En perdant l'unité antérieure Mallar.mé a da faire face à

un

azur devenu hostile au déplacement spirituel; il n'y a plus que prolifération éclat~te mais inutile dont le poète doit apprendre à se méfier~

Horizon; crépuscul.e: Si l'azur était distancé il se présenterait comme plus perméable aux tentatives d'évasion; du moins existerait-il la dimension de l'espoir entre l'ici et l'horizon. Il faut reculer l'azur, le colorer plus vive-ment -- c'est le movive-ment privi1.égié de l'aurore, et surtout,

ee1.ui. du crépuscuJ.e. Maliarmé lui-~me signale à René Ghil l'entière dépend~ce de sa sommation poétique et de son dyna-misme sur cet attendrissement de l'azur hautain: 11 • • • tout

se résume dans un beau soir comme celui-cil1, 1. s9ir qu:1 permet

de lise retremper vers les lointains et vers soi-mêmel1

•2

·L'ini-tiation essentielle du voyageur est bien de se faire "lecteur

d1horizons" 3 et le voyageur accompli sera nul autre qu'un

Usculpteur d'horizons",4 capable de les mouler à s~s voeux.

p. 22. lR. Ghi1, ~s Dates et les oeuvres, Orès, Pari.s, 1923, 2H. Mondor, Vie de Mallar.mé, Gallimard, Paris, 1941., II, p. 604.

3Mallar.mé, op. cit., ~, Villiers, p. 509.

4 .

Ibid., Toast funèbre, p. 55.

(17)

Qu~d il aura fr~chi la dernière étape de son existence terrestre, il lui restera le "souvenirs d1horizonsl1,1 de ces

horizons qui ouvraient la seule porte vers l'au 'delà co~que.

Glacier: Le glacier représente dans le vocabulaire mallarméen le durcissement extrême de l'azur; il s'apparente

au thème de la vitre que nous verrons bientôt. On y retrouve une suggestion de hauteur invincible et inviolée, de blancheur intacte et d'effilement statique. Les "m.onts neigeuxl12 sont autant le couronnement de ltaz·~ qu'une impossibilité maté-rielle de le percer par leur blanc envol; Mallar.mé évoquera leur aspiration d~amiquede nglaciers attentatoires") en

a-joutant des ailes à ses nblancs coursiers"4. Il parle alors de "monts n qui dédoubleront de leur "pic lustral, de leur pur sommet1t5 et c'est l'envol impossible d'une Hérodiade ou d'un Sa~t Jean. Parfois le poète devient synthétiquement

hybri~e à partir de l'azur et du glacier pour nous donner le ciel blanc, clôture flottante devant le Néant. Lorsqu'en 1884 Mallarmé aura renoncé au déplacement absolu, le glacier

p. 182.

lIbid., Bucolique, p. 402.

2Ibid., Sa Fosse est creuséel ••• , p. 5.

3Ibid., M'introduire dans ton histoire, p. ?5.

4

Ibid., Contes indiens, Nala et Damayant1, p. 628.

5 ~,

Les Noces d'Hérodiade, Gallimard, Paris, 1959,

(18)

..

sera dit "perfide", 1 tandis que la première version du même

po~me ne trahissait aucune hostilité à l'égard de cette senti-nelle de l'azure (Voir OoCO$ po 1416.)

Fen3tre: Dans la vitre, k l l armé retrouve la froidure de la glace, mais surtout sa dureté transparente. Elle est c18ture par excellence qui

-se méfie de toutes les inégaiités~ .. ta.ches, ondulations, nuages -- qui pisqueraient dt.offpil'~ notre. besoin dlau delà le prétexte d'une irisert~p:nniatérielle.et·peut-être·

le moyen d'une traversée. 2 ·.. . . . .

. '. . ~. . ' . " La fen3tre occasionne :~la mutatio:ri:de·l~.c-·$oif' pO'llJ:'llau deJ.à

..

azuré en un refus de cette atteint~ .'. iinp'~ss"ible,<c~qui.

recré~-. . ~ . .

pa plutSt des "carreaux bombéspal'le~R8ves intérieurs".3 Les tentatives de rupture présagentle'désastre et

~ond8mnent

"au risque de tomber pendarit ltéte

rtl

ité"4 dans Les Fen8tres,

à la froide et stérile nudité duPitrè.·ch!tié, ou à l'l'aile. saignante et plle,

dép1mné·e,,5deDbnd~~po~m.e~

Il faut alors

. . " ' , ' . , . . ': . :'

fortifier la cloison protectrice, lamÙJ.~ip1.ie~ eriautant de clôtures qu' 01'1 puisse en invente2';lefard.,:l.e voile, 1.e rideau,

la tapisserie et le plafond s'ajoutent à la fen8tre pour struc-turer statiquement tous les poèmes, de l'intérieur, par leur

~llarmé, op. cit., ~, Le Pitre ch3.tié, p. 31.

2

J.-P. Richard, op. cit., p .• 55. 3Mallarmé, op'. cit.,

~.,

p.

233-4Idem, op~ cit., O.c., Les Fen3tres, p. 33. 5Ibid., Don du po~me, p~ 40.

(19)

1

retrait intime, et ces poèmes "pJ.oye(ront) (J.eur) aiJ.e indu-bitab1e1 avec si1encieuse résignation.

Rideau; tapisserie: I1s proJ.ongent le refus de J.a fen3tre et lancent un appeJ. vers un aiJ.J.eurs plus intime,

pJ.us personne1. Avec eux J.I extérieur s'éteint et la chambre devient tombeau en attente, calfeutré de tapisseries "avec un vent d'au delA dans J.es trous ... ~2 Oette clat~e recè1e J.lul.ti;' me acte négatif du refus de la matière, refUs d'une Hérodiate

qui veut faire "cJ.o(re) J.es voJ.ets",3 et qui se retrouve dans Alternative où le r~ve se cache derrière les "rideaux vaguesu4 pour na pas avoir à envisager seul. l'effarement du Néant. La cJ.ôture disperse J.a volonté d'un voJ. extérieur, S1ll'tout à paP-tir de, 1866; les "stores chinois" de J.a maison de Tournon et les ~tent1ll'es japonaisesn5

au

s~tUâiré

a.

Va1vins réalisent matériellement cette réclusion qui s'empare de l'auteur en 1e

comblant de J.a précieuse illusion, celle d'un lointain venu

à lui'~

Regard, oeil bleu: Doublet thématique du ciel, du paradis et

de

llart$ le regard forme en plus la vitre entre deux bas qui se rejoignent. Mallarmé entreprend donc de résoudre le voyage par le regard; c'est la suprême indiscré-tion du chercheur dans Le Nénuphar blanc. S'il Y a

lMallar.mé, op. cit., ~, Quand l'ombre menaça de J.a

.-,f ... a .... t .... a...,1 ... e_1..,.o .... i .... , p. 67.

Henri

2n.

Mondor, op.

cit~. ~

p.

754~

3~.~1.arIll;~.:, op~ c:i.t~,. ~~,Hérodiade, Scène, p .. 46.

4~, N.R.F., 1er janvier 1954, p. 188.

5 Idem , Correspondance inédite de Stéphane Mallar.mé et. Rougon, P. Oa111er,lGeneve, 19~~, p. 63.

(20)

e-

_appropriation distante, la fennne en est l' obj et, ou

e~core

un'

ci-el féminisé, reD.a.u à la vie par les déesses nues qui s'y prélassent.'.. ~e. voyage ocuJ.aire promet l'immédiat d'un Faune "trouant"l la verdure; il est aux antipodes du froid regard ~pressiohiste qui g~che le rêve et s'installe lourdement dans l'immédiat. Le regard réalise l'ultime effort pour peupler "de vue et non de visibns"2 les extatiques odyssées de l'es-prit; mais il est surtout tentative de rapprochement entre deux êtres, parfois séparés par l'éternité même -- ainsi in-terprétons-nous le transfert ontologique entre le po~te et son fils, ce voyage d'un monde à l'autre où "ses yeux (le) règar-dent

•••

et suffisent, pris déjà par l'absence et le gouffre. Tout y raccorder'l"3

Le regard offre avgnt tout la visitation idéale pour le déplacement érotique. La femme s'est élOignée, elle siest identifiée à l'azur; elle ~ azur du regard, de "ces lacs où se fond l'éternel azur dlun jour de bonheur".4 Il '1 a en outre l'oeil bleu de Marie Gerhard, sa jeun.e épouse, qui rap-pelle le ciel et "les glaciers vierges U5 de la SUisse,précur-seur de cet oeil d1antan où Hérodiade aspire à se noyer pour enfin se rejoindre. La rêverie de l'oeil s'associe à tous

lMallarmé, op. cit., O.c., L'Après-midi d'un faune (églogue), p. 51. _

2Ibid., Prose (pour des Esseintes), p. 56.

15

3I dem" documents inédits présentés par J.-P. Richard

dans Pourïj'il'Tombeau d'Anatole", éd. du Seuil, Paris, 1961, p. 91. , 4Idem, ,op. ci t.,

.2:..2.!.,

Contes indiens~ Le Portrait

enchanté~ p. 592.

(21)

les paradigmes du voyage - le soleil, le lac, le miroir, le digmgnt et la fleur - qui en sont le foisonnement dans la. nature. Et Bachelard voit dans le cosmos une "somme de beau-tés, .un Argus, sonnne d'yeux toujours ouverts : .... tout ce qu:L brille voit 11 ,let tous ces paradigmes du voyage ~e:. pa~tagent

l'essence m@me de ce qui brille.

Fel1D.1le: Avec son "pur scintillement stellaire", 2 elle prend la relève de l' obsessiOn~~\::l'az'U:t' et fait suite à la mystique du regard, car a.pr~s Ia.défaite de l'azur elle en

est l'objet premier. Elle, s'

iritè~~l.par

1à.m,&ne à la r@verie 16

de l'éloignement où!1éile:se trouv'e@tre·natureJ.lement déesse".3

. ," . .

Puiaqu'elle est l'élément essentiel dé. l' appel vers l'antério-rité, ~11e en conjure l'unité tempéœelle'et spatiale grâce à sa dimension propre de 1 'amO'Ul'~La.t1soetirsensée et tendrell4 devient indispensable auvôyage h,euréuxparce qU'elle nous permet le bond vers sa ~ensionnative dans l'absolu. Mais. pour remplir les exigences de ce bond, il faut précisément une soe'l.lr, c'est-à-dire une compELgne qui soit close "dans sa gaine debout nulle de firmament" ~ 5 inspiratrice de chasteté; le but

IBachelard, La poétique de la r@verie, P.U.F., Paris, 1961, p. 159.

p. 56.

~allarmé, op. cit., Corr., p~ 59.

3Richard, op. cit.; L'Univers, p. 108.

~al1~é, op. cit., ~~ Prose (pour des Esseintes), Srdem, op. cit., Noces, Gallimard, Paris, 1959, p. 83.

(22)

17

du voy~e amoureux vise le retour à la virginité première; selon la moralité amoureuse mallarmé enne , "la virginité se situe au tel'me et non pas à l'origine"l du·périple amoureux-nouvelle .image de la toison à conquérir. La réalisation de cette pureté édénique exige la venue de la femme au poète,

"éclatante en sa jubilation nue" ;21ci s'impose la m3me passi- . vité dont jadis faisait preuve Stéphane enfant quand 11

attendait du ciel des témoignages. d'amour sans se soucier de partir lui-m~me à leur conquâte. Ainsi venue de ses prcpres ressources, la femme offre une alternative à la descente au tombeau. Aussi la retrempe amoureuse du· "blanc couple nageur"3 suffit-elle pour provoquer un retour lavé à l'origine, de

m~me que les "étincelles d'Etre" de la chevelure féminine suf-fisent à éloigner "des ténèbres les vaguesn •4 Mais foncière-ment, la femme elle-même, comme l'azur d'ailleurs, demeure

in"/iolable.

Chevelure: "L'onde de fiers cheveux",5 sans lourdeur, presque ~atérielle, complète la suggestion de la vocation d'arrachement qui est incitée par "l'heureuse fluidité du

lRichard, op~ cit., L'Univers, p. 114.

2Mallar.mé, op. cit., ~, Petit air .I, p. 65.

3Ibid., Le Guignon, p. 29.

4Idem, "De l'orient passé des temps", Fontaine, Paris, nov. 1946, p. 34.

5 Idem. op. cit.; ~, Contes ind~, Le Portrait Enchanté, p. 593.

(23)

" ". "

, " ,cheveu-fétiche".l' "Ri

'\T1ère.:tièd~

",2, la chevelure tient de, lamobiiité ,dë l'eau; el:teconf'ondses:"flotsnoirsn3 ou son "blond'torrentn4 darisl' égarement précipitédl.Wl' cours dl eau. , ,

Le'poètepeutalor~~~an~mue~

".:Le ' splendide '

b~in

'de

eheve~,,5

". " " '. . .' : ~ . .

en rivière ide ale qui le .meners'·aux t.erres somptueusement' ,. féminines'

de,s'o~r~~e.'·,

. : . .. :

C' est'

aus~i'~ri

ft j,oyeuse ett'lltélaire torche", 6 que

la chevelure rappelle l'é~ân(3scencealtière de la flamme; image souvent prédominante et significative à cause non seulement du feu qui s' élan<?è et se perd dans l t au delà, mais aussi à cause de Itassociation avec le soleil, ce prome-neur azuréen tant envié qui éclaire les cheveux de la "lut-teuse endormie"7 de Tristesse d'été, la crinière dl.!!"!?!

petite laveuse blonde, et le spectre familier d'Apparition.

~is le rôle idéal de la chevelure est bien celui de l t

e'ss~r'

de "de'llX aiJ:es de lumière"8 qui, par sa suggestion d'évanescence de la présence féminine, exalte le poète en une

IBerthe Morisot, Correspondance de Berthe Morisot'; avec sa frumille et ses arnds,

éd.

des Quatre ohemIns$ paris,

1956,

p.

178.

18

~alla~é, op. cit., ~~, Tristesse d'été, p. 37.

3Mondor, Mallar.mé lycéen, Gallimard, Paris, 1954, p. 138.

~allarmé,op •. cit., ~; Hérodiade, Scène, p. 44.

5

Ibid., L!Api-ès-midi, d!'un;,faune (églogue), p. 52. 6Ibid., La Chevelure, p. 53.

7 Ibid., Tristesse d'été, p. 36.

~ondor, "Mallarmé plus intime", N.R.F., Gallimard, Paris, 1944, p. 35.

(24)

approx±mation imaginaire de cette fuite; la vision d'envol ne

1

tarde pas à "se (v3tir) de l'azur qui sort de sa chevelure", et la projette dans l'éloignement absolu du ciel, éloignement que "les cheveux, vol noir"2 d' 'lm Saint Jean auront pour mis-sion de hasarder.

La chevelure peut cependant se durcir en voile d'acier, comme en témoigne Hérodiade; elle devient alors obstacle au dé-placement. M3me à ses heures ~es plus favorables elle n'est pas à l'épreuve de l'échec, comme le rappelle Poulet à propos

de la chevelure, cette chevelure qui, dgns Le Château de l'Espérance

-ft • • ~ a fait nattre en ~s·on cerveau l'idée d''lm drapeau;

(son) coeur ~ris d''lme ardeur militaire, s'élance à travers d'affreux paysages et va assiéger le cbâteau

3

fort de

l'espé-rance pour y planter cet étendard d'or fin. n

Rien à faire -- la traversée était pré-condamnée et il ne s'ensuit pas nécessairement que le pélérinage, à son terme, apportera le bonheur parce que Mallar.mé aura su naviguer à travers une chevelure ou s'en servir à titre d'étendard' Elle n'est en somme que milieu à explorer et n'assure· pas le succès du voyage.

lMallar.mé, op. cit., ~, Symphonie littéraire, p. 265. 2 Idem, OP. cit., Noces, p. 119.

3poulet, op. cit., p. 307.

(25)

~: La chevel'U.!'e prépare au vaste songe de la mer avec nle doux hennissement (de ses) aurores marines'~I.l Son

immensité~ aussi réelle que rêvée, authentifie le grandiose de) l'aventure en offrant à l'oeil "une grandeur sans com~

paraison, mais concrète, ~édiaten.2 Robert Greer-Cobn ajoute à son acception macrocosmique évidente le refoulement du retour impliqué dans l' homon'Yllle "mère", également milieu

'. .

orphique salin où l'on aspire à retrouver l'inconscience première: " . . . everJlDB.ll returning to' ever-ywoman". 3

Mallarmé doit se constituer nune grotte ma~ine"4 d'où il va tenter la posse.s,sion de ce milieu menaçant pour s' ini-tier à ses rites et s'aguerrir contre des naufrages qui ja-lonnent les principales tentatives de traversée: Brise

Marine, Salut, A la nue accablante tu et Un Coup de dés. Mais le poète n'est pas entièrement satisfait des paysages marins , qU'il rencontre, et si "(sa) nudité intellectuelle (est)

s~olisée

par la merl1,5 paroles de Jacques Gengoux, elle est lMallar.mé, Le Réveil du faune, éd. Rombaldi, Paris, 1944, p. 8.

2Bachelard, La Terre et les r~veries de la volonté, Librairie José Corti, Paris, 1948, p. 379.

3R. Greer-Co~, Mallar.mé's Un Coup de dés, Yale French StUdies Publication, New Haven, Conn.,

1949,

p. 25.

4Malla~é, Propos sur la poésie, éd. du Rocher, Monaco, 2e éd., 1953, p. 92.

5J. Gengoux, Le Symbolisme de Mallarmé, Nizet, Paris, 1950, p. '75.

(26)

.symbolisée aussi par une mer recrée, synthétisée; le penseur

ne peut discerner dans la vraie mer l'agressivité ténébreuse

des eaux wagnériennes - tant

r~cherchée

- ce qui a inspiré ces

paroles

à .

Banville:

n.. ••

la nature comme nous la voulons et

comme nous la voyons d'ici n'est

nul.lepartn~l

Où, .en effet,

pourrait-elle exister, cetté mer absente de iaterre., au bord

... . " , . " '

de laquelle on saurait deviner "au delà de notre

séjourorcii-naire, c' est-à-dire l'infini et rien", 2 ..

,

·un

telini11eu·'t>er~e~

' . . ' . . . . .

rait du

Néant~

site de mort à

traverseretoù.,peut~3t~e,

la

conscience survivrait en quelque scintilla

tion~1m~ginable.·

De

là un petit Anatole en costume de marin sur son lit de

mort, selon le voeu de son père, ainsi que l'atteste le

pré-cie'UX recueil de Documents iC01'lographiques· de Mondor: 3

"Petit marin, costum.e marin, quoi, pour la grande tra-versée".4

lCharles Chassé, Banville cité dans Lueurs sur

Mall ar.mé , éd. de la Nouvelle Revue critique, Paris, 1941, p.

83.

~llarmé,

op. cit., O.c •• , La dernière mode, p. 132.

3Mondor, Mallar.mé, Documents iconographiques, P.

Cailler, Genève, 1941, doc. XXVII, XXVIII.

~allar.mé,

op. cit., Anatole, p. 185.

(27)

Verdure: Extension terrestre de la mer, la verdUre, "en maint rameau subtil", l propose une traversée moins fatale que la tombe mais, come l'affirme Bachelard.: !

••• il n'est pas besoin dl~tre longtemps dans les bo+s pour conna!~re l'impression toujours un peu anxieuse qu'on "s!entonee 11 dans un monde sans limite. 2

n

faut au r~ve de déplacement le prélude végétal "énervé de parfUlll3 d'arbre"3 ostensiblement absent des sites aquatiques d'Avignon et de Tournon. (Voir Corr. p.15.)

La verdure devient la chevelure de la nature, et les deux thèmes sont souvent ·interchangeables comme en témoigne le "gazon de territoiren4 de la visitation érotique ou dans le désir "d'herbes enivré"5 du Pitre châtié qui traverse de son regard l'écran de cils-roseaux. Richard avance ici que

••• la qu3te spirituelle ou sensuelle ne pourra pas se

dispenser de s'enfoncer en cette ••• profusion (végétale) si elle veut vra~ent atteindre l'3tre 10intain. 6

Si le poète cherchait sa fin sur la nappe du Néant, la pro-menade à travers la touffe végétale serait la'recherche de

lui-m3me:

"

•••

être soi, un tel, poursuivi aux forêts, lIdem~ .2J2.Q cit., ~, L'Apl"ès-midi dl un faune

(é-glogue), p:-bO.

2Bachelaz'd, op. cit., La poétique de l'espace, p. 170. 3Ma11armé, op. cit., ~, Renouveau, p. 34.

22

4Ibid.,

lM'

introduire dans ton histoire ••• , p. 75. 5Ibid., Poésies, 1ère version, Le Pitre châtié, p. 1416. 6Richarà., op. cit., L'Univers, p. 104.

(28)

· épars, jusqu'à Une source

la..

,,'1 Il lui est impossible, au dire de sa fille GeneViève, de tolérer les paysages bornés:

Je crois, disait-il" que si jfavais un ps.rc merveilleux, j'iraiS toujours m'asseoir sur le banc de pierre exté-rieur, celui qui est de l'autre côté du mur, à la po:rt

e.

2

La verdure sauvage et.l1bre le séduit par son appel irrésis-tible qui l'invite, d'apr~s Richard:

••• (l)rejoindre ces au delà terrestres :. autrui, l'objet, moi-même •••. ~ Du rêve azuréen au songe végétal, ••• le projet reste de traversée, et le désir vise toujours une origine. 3

Miroir: La fenêtre s'ouvre, le jour, sur le paysage extérieur, mais la nuit venue elle renvoie au chercheur sa réflexion sur un fond de ténèbres; elle se mue en miroir nocturne, "révélateur", pour Guy Michaud, "d'une autre réa-lité, inaccessible à nos yeuimçI'tels".4 Le miroir écarte les dangers du jaillissement hors de soi puisqu'il occasion- .. ne le repliement vers llorig'ineoù le rêveur s'appara1t dans le brouillard de la glace "comme une ombre lointaine";5 la pureté première ainsi retrouvée, le rêveur se "mire et (se) voi(t) ange".6 Marcel Raymond va plus loin encore -- il ne

IMallar.mé, OP. cit., ~, Bucoligue, p. 403. 2G• Mallarmé-Bonniot, "Mallarmé par sa fille", déc. 1926, p. 521.

3Richard, op. cit., L'Univers, p. 106.

N.R.F.,

4G• Michaud~ "Le Thème du miroir dans le S-ymbolisme

f'rançaislt

, C.A.I.E.F., mai 1959, p. 199.

~llar.mé, op. cit., ~, Hérodiade, Scène, p. 45. 6Ibid., Les Fen~tres, p. 33.

(29)

e

s'agit plus d'une simple révélation: n ••• c'est par le miroir que s'ouvrait autrefois l'aut~e monde".l Il est donc milieu à

parcourir tangiblement pour rejoindre le moi d'antan, "jusqu'à ce qU'il se détach(e) permanent de la glace".2

Mais le miroir est un milieu à double trajet; au recul du contemplateur vers lui-m~me s'ajoute sa vocation de "seuil redoutable",3 écrit Léon Cellier. Il introduit la présence tombale dans sa nostalgie de l'apparition et ainsi le miroir se métamorphose en styx.' à rebours en "passage qutempruntent les morts pour revenir jusqu' à nous". 4 Par un mouvement in-verse la froide liquidité du miroir propose au r~veur "mille sépulcres pour y vierge disparattre",5 véritable terrain or-phique de l'aller-retour.

Tombeau: Ce nouveau terrain avec lequel Mallarmé doit se familiariser s'apparente à la fenêtre q~i attend "un croque-mort grimpant au logis de la morte par la lucarne", 6" m~me vitre que troue Saint Jean pour sortir de son tombeau

~. Ra~ond, st~hane Mallarmé, Essais et témoignages, éd. La Baconniere, Neuc tel, 1942, p. 47~

~llarmé, op. cit., O.~, Igitur, p. 441~

3L• Cellier, Mallarmé et la morte gui parle, P.U.F., Paris, 1959, p. 84.

4

~., p. 85.

5Mallanné, op. cit., ~, Le Pitre ch~tié, p. 31. 6Ibid., Galanterie macabre, p. 16.

(30)

avec "un vol ébloui de vitrage";l devenue ~roir, cette vitre s'identifie à la pierre tombale des anc&tres d'Igitur. Le tombeau sert de lieu à la rencontre parfaite, c'est-à-dire avec 11être dont la mort a écorché le faux moi et lia rendu

perméable, pleinement sensible à la visite: "Tel qU'en lui-même enfin 1 1éternité le change".2

L'inspiration hégélienne domdnera cette recherche abyssale qui aspire à la "résurrection ste11a:ir e de la mor-te"3 repérée par Mauron. Comme la province française aux "heures enfouies4 qui préparait la résurrection parisienne du poète, le tombeau doit 3tre franchi et 11est dans Igitur

ot.

••• l'obstacle ••• a été sournoisement attaqué et comme désintégré par le mouvement successivement négateur de la pensée dialectique ••• la nappe nocturne se divise

••• en une inf'inité de petits intervalles séparés.5

Cèttechute tombale organisée promet une pureté de descente et d'union dans la mort que réalisent "la défunte nue"6

1 Idem, op. cit., Noces, p. 59.

2Idem, op. cit., ~, Le Tombeau d'Edgar Poe, .p. ?O. 3Charles Mauron, Introduction à la psychanalyse de Mallarmé, éd. de la Baconnière, Neuchâtel, Paris, 1950, p. l5S.

~ranc1s Jgmmes, S. Mallar.mé, Dialolgues, Stols, La Haye, 1940, p.

13.

5Ricbard, op. cit., L'Univers, p. 19J.

9Mallarmé, op. cit., Ses purs o~gles très haut dédi-ant leur onyx, p. 69.

(31)

accouplée aux licornes du Sonnet en X et l'introversion

~dro­

gyne de

H~et

dans Un Ooup de dés; ces visiteurs dont la

marche aboutit au tombeau

y

sont conduits par divers

équiva-lentsaquat1quesdu . "Sty.x:" •

. . . .

. Nuit" page blanche: La nuit s'unit au milieu tombal

et

.

àI11apëurd~Inolirir·lorSqU'Oncouche

seul""l mais elle ne

, . . .

signif1e,pasnoirce~--elle .

est nuit ,blanche" héritière de

' . ' . . " .

l'

a.ZUl',lIi~urdésert·

négatif' ••• identique à la

di~tarice

qui

,J.esépare du.contemplateuru•

2

Elle tire son existence d'une

. ' . ' . " . . .'

attente qui se prépare pour "sonner la descente au Sty.x.".3

. Richard nous apprend que nl'enfoncement nocturne ••• sera

choisi" assumé, positivement traversé

u4

avec les poèmes de

la nuit: Igitur"Un Coup de dés" Las de l'amer repos"

Victorieusement fui et Brise marine.

Le glissement de la nuit polaire à la page

"implaca-blement blancheu5 est naturel. Mallarmé juxtapose ces deux

éléments ouvertement dans Brise marine où "le vide 'papier

que la blancheur défendu6 le trB;risperce dès qU'il s'adresse

à

la nuit tentatrice qui l'exhorte au large. Il aspire, nous

l

cih" O.c." Angoisse,

35.

Idem" op.

p.

2poulet, op. cit.;

p.

321.

3Mauron" op.

cit.~ PSlch~al:lse,

p. 16'7.

4Richard, op. cit., L'Univers, p.

161.

~allarmé, op. cit., Corr., p. 150.

6

_____

Id

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.. , op., c ;,;.

" i t O· " ,i.-C."1.:..".Q;L-

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mi;U-.a..w.e~,,'p.

_--c._ , . ..,

38

(32)

,e

_dit Chassé, à "projeter tous ses r3ves nl sur le milieu nocturne et sur son correspondant artistique, la page blanche, 'et enfin à les fouiller dans. leurs profondeurs dernières; mais cette blancheur lui revient "pour conclure •••. rien au-delà et aut1:l.entiquer le silence,,~2

lChassé, op. cit., Lueurs, p. 89.

p. 387.

2Mal 1 armé , op. oit., ~., Le Mystère dans. les lettres,

(33)

CHAPITRE II

AGENTS DU VOYAGE

Tels que mentionnés dans l'introduction, les agents

"

-du voyage comprennent les messages et les messagers. Les messages,objetsstatiques,sugg"èrent quand même ""le Ir.ouve-ment par leur rappel de la toison à atteindre. Ils sont un

point de départ vers 1atranscendaIlce,. une réduction de

l'i-. ' . : '

'.

déa1. Les meSsagers, par contre; sont des agents indépendants - personnages et corps en mouvement- qui agissent par eux-mêmes et se meuvent vers

un

but.

Bibelot :"" Quelques témoignages des contemporains de Mal1ar.mé suffisent à mettre en évidence son inclination pour

le bibelot. Il paraissaitè. Hérédia "trop exquis pour savoir jouir de la vie ou de la naturelt;l rien de plus simple alors que ceci: "la fatalité disputait l'espace et prenait à

tâ-che de resserrer le champ de mouvement et de visionlt • 2 Donc nul refuge plus sftr que "la verrerie éphémère"3 qui occupe une place privilégiée dans le champ des préférences mallar-méennes. Messager par èxcel1ence du voyage g;t'.âce

è.

un lIsta-tisme" suggestif, l'objet nous distrait de l'extérieur

1Chassé, op. cit., J.-M. de Hérédia cité dans Lueurs, p. 83.

2François Calmette, Leconte de Lisle et ses amis, Per Lamm, Paris, 1902, p. 232.

3Mallarmé, oJ2.! ci

t.,

.9.!..2.o,

Surgi de la croupe et du bond, p. '74.

(34)

"

obsessionnel en nous imposant sa réalité tactile. Crédences,

vases, coquillages, sont autant d'objets qui écartent

l'ab-surde par leur simple manifestation d'Etre et qui per.mettent

à

Mallarmé de tolérer l'existant : "Fuir ce monde-Z

On en

t 11 l

es ••••

Le

bibelot nous fait envisager une matérialité

alourdissante

à

l'échelle réduite et sous sa fonne la plus

alléchante; ses repliements annoncent un "vol recueilli •••

pr3t

à s

t

élargir

1t

2 Selon Richard, l'objet s'évade ainsi

vers un centre spirituel, ;et il s'enfuit

à

travers celui-ci

vers

la

totalité des autres objets du monda

ll

3

29

Le bibelot fait plus encore: il réveille tout un

monde intérieur nouveau, comme par exemple le pty.x,

coqÙilla-ge beau qui contient en lui tout le tumulte de la mer. C'est

bien ce que Gardner Davies se figurait lorsqu'il disait :

••• de la perception directe d'un phénomène quelconque,

il passe

à l'absence de celui-ci, pour aboutir

à

une

reconstitution intellectuelle qui représente

à

la fois

le phénomène et son absence. 4

Autrement dit, le bibelot est message qui certifie ailleurs

l'existence de ce qu'il évoque; la réalité matérielle de ce

nchu trophée

u5

élevé au-dessus du quotidien sert Ode point de

départ vers les terres nouvelles du Beau.

lIbid., La dernière mode, p. 719.

2Ibid.,

Le

Livre, instrument spirituel, p. 379.

3Richard, op. cit., p. 420.

4G. Davies, Mallarmé et le drame solaire, Librairie

José Corti, Paris, 1959, p. 280.

5Mallarmé, op.

ci~., 9.:.2,.,

Tout orgueil fume-t-il

du soir-Z, p. 73.

(35)

Fleur: La fleur est, dès ses origines d

'envol chu du ciel, message d

'espoir quant au voyage. Elle nous console par son "oubli des humaines. douleurs"l que la contingence in-flinge à l'espèce humaine. Le trophée floral reflète le ciel dont il est issu(en un jaillissement de pétales, "car si l'a-zur a une indolence florale, la fle~.a inversement une ori-gine azuréenne et une parenté virginale".2 Il y a union hypostatique entre la fleur terrestre "au filigrane bleu de

l'âme se greffant"3 et sa contrepartie idéale, laquelle assume

. ' , .

une nouvelle présence florale

à

conquérir : la femme azuréenne. Le trophée floral joue aussi un rôle médiateur

en-tre le féminin terresen-tre et le féminin céleste, manifeste

dans les premières oeuvres encore intouchées par l'hermétisme; ainsi, dans Ce que disaient les Trois CigOgnes, la présence féminine, arrachée pour un moment à la mort, unit la "royale

rose rouge"4

à

sa couronne de morte. Richard nous révèle, que

-,

.

••• cette union du blanc et du rouge ••• para1t ••• le

signe d'une réconciliation du ciel et de la terre, de la femme angélique et de la femme charnelle. 5

ser~e

Irbid., op. cit., ~., Hérodiade, Scène, p. 45. 2A•M• Shmidt,. La Littérature s-ymboliste, P"U.F., "Que sais-je?", Paris, 1942, p. 12.

3Mallarmé, op. cit.,. ~., Las de l'amer repos, p. 35. 4 Idem, "Ce que disaient les Trois Cigognes Il, Le Point,

Paris, 1944, fév.-avril, p. 26. 5Richard, op. cit., p. 81.

(36)

Enfin, Mallarmé dit bien la valeur évocatrice de la fleur pour "le poète las que la vie étiole ul dans une let-tre à Huysmans :

••• et ces fleurs.J ~vision absolue de tout ce qui peut,

à un individu placé devant la jouissance barbare ou mo-derne, ouvrir du paradis la sensation seule. 2

Il écrivait ceci à l'époque de Prose pour des Esseintes, quand la r~verie de la visitation florale se transformait en fleur prise dans 1limmédiat, mais élancée en· "gloire du long désir".3 Voilà la promesse du déplacement absolu vers les al ti tudes du Beau.'

31

Etoile, constellation, di~t : L1étoile s'avère la continuation céleste de la mission florale. Adile Ayda cons-tate cette parenté entre la fleur et l'étoile :

Les fleurs ornent la terre comme les étoiles ornent le ciel. Celles-ci comme celles-là qnt pour mission de consoler les hommes, d l attirer sur elles leur attention. 4 .

Par ce rappel vers les réalités transcendantales à retrouver, les étoiles balisent la route qu'emprunte cet en-chantement du trésor artistique, leur feu guide le v.oyage; ainsi faut-il "ravir Itétincqlle aux. astres".5 Rien ne ma-gnétise autant vers l'ailleurs que l'étoile aU ciel et la

lMallar.mé, op. cit., C.c., Les Fleurs, p. 33.

2Roland de Renéville, Mallarmé cité dans Univers de la parole, Gallimard, Paris, 1938, p. 46.

p. 56.

3Mallar.mé~ op. cit., ~., Prose (pour des Esseintes), 4A• Ayda, Le Drrume intérieur de Mallarmé, éd. La

Turquie moderne, Istambovi, 1955, p. 171.

5Mondor, op. cit., Mallarmé cité dans Mallarmé lycéen, p. 208 •.

(37)

---franchise des premdères oeuvres le démontre bien Prends ton vol et t'élgnce

Traverse les éclairs et redeicends vainqueur Portant l'astre à ton front.

Oe dernier vers' rend bien la valeur directrice du message stellaire qui marque au front le chercheur sur terre

revenu pour y poursuivre son aventure. L'étoile se présente ici COllmle le paradigme du "petit" et du "froid" : rien ne de-meure du flamboiement astral -- elle est glacée à la manière

du matin "grelottant de fleurs".2 Elle répand I1IIles scintilla-tions (du) septuor",) pour se multiplier dans le coup de dés du septentrion, cette Itconstellation froide d,'oubli et de désuétude".4

Quand il s'impose ainsi par la force du nombre au poè-te, le message stellaire prend une valeur ésotérique en tant que constellation; les arcanes de l'astrologie débouchent vers une esthétique lumineuse. En la .. constellation, . nous dit Richard, "le hasard infini se réduit".5 Ainsi la poussée vers le terme du voyage est actionnée par "la danse idéale des constellations,,6 qui apportent une précieuse délimitation

lIbid., p. 19).

2Mallarmé, OP. cit., ~., HérOdiade, Ouverture ancienne, p. 43.

3~., Ses purs ongles très haut, p. 69. 4Ibid., Un Ooup de dés, p. 477.

~ichard, op. cit., p. 309.

6Mallarmé, op. cit., ~., Ballets, p. 30).

(38)

de ce ter.me grâce

à

un amoindrissement de l'incidence du

hasard. ...

.

..

La for.me accessib~e du message stellaire se situe au sein du diamant, présence concrète ou abstraite comme deux "reflets d'un vol circulaire supérieur de pierrerie ou d'bett

•l Le diamant offre la centralisation

r~vée

et la

concentration intense de la lumière céleste en un bibelot parfait; i.l réjouit Mallar.mé par sa "complication stellairell

parce .qu'il est "résumé de l'univers"2 et demeure ainsi

le

rappel constant de ses frontières qui toutes s'étalent en circonférences concentriques.

Source d'eau, pluie : Comme agent du voyage, la source d'eau se propage en une expansion horizontale entra1-née par le dynamisme de son mouvement. Elle s'affranchit de

nla présence des eaux lourdes et mortes"3 d'un Poe qui la re-tiendraient dans sa course vers la mer. La source est pour Mallar.mé lIun des trois ou quatre thèmes absolus ••• qui coule

selon un livre vivant".4 Elle peut accompagner le déplace-ment hum.ain qui aime

à

s'enfuir "avec de longs fleuves,,5

lIbid., Le Mort vivant, p. 615.

2Idem, brouillon d'Igitur dans Les Lettre,s" nO spécial, Paris, 1948, p. 24.

3Richard, Poésie et profondeur, éd. du Seuil, Paris, 1955, p. 96.

4Chassé, op. cit., Mallar.mé cité dgns Lueurs, p. 49. 5Mallarmé, "Dialogue des ny.mphes", Les Lettres, nO spécial, 1948, p. 21.

(39)

':)JI II!!!

.:r:s:.

ou y faire suite tout simplement car, dans la pensée mallar-méenne, Il toute. fui te pl.us avant, revient en tant que fleuve Il .1

Les eaux libres trouvent leur réalisation par excellen-ce dans le fractionnement pluvial dont les cascades rappellent le torrent capillaire ou l'ondée de pleurs angéliques. Artihur Koestler reconnalt dans cette manifestation lacrymale un élan

vers autrui :

••• un désir de transcender les frontières insulaires de llindividu, d'entrer en rapport in~ime par symbiose avec un ~tre humain ou une autre entité plus prestigieuse, réelle ou ~ginaire, dont le moi est conscient d'être une partie n•2

Bientôt la pluie de larmes se béatifie en "odorantes avalan-ches n3 de fleurs dont "chacune retomb(e)

e~

pluie d'étoiles n•4 Tout ce mouvement vertical descendant des navalanches d'or du vieil azur"5 appartient à une période antérie'UJ:'e à la

chute de l'espérance; plus tard, il ne sera que témoignage d'une tombée érotique avec "l 'avalanche de roses mauvaises ayant le péché pour parfum" ~ 6 La déplacement aquatique se-condaire des sources d'eau et de la pluie ne suffisent plus;

ult~ement le poète abandonne leur mobilité trop facile et trop lyrique, ~onç~t un au delà factice.

lIdem, OP. cit., ~., Bucolique, p. 404.

2A• Koestler, The Art of Creation, Macmillan Co.,

New York, 1964, p. 299.

3Mondor, OP. cit., M. plus int., p. 28.

4~., Ib - p. 41

~allarmé, OP. cit., ~., Les Fleurs, p. 33.

(40)

35

Jet d'eau, de feu: Comment vivre dans un au delà et en même temps subister dans le concret quotidien, la réa-lité connue? Où trouver l'agent subtil qui puisse concilier les deux mondes sans les heurter? Le jet d'eau réalise mira-culeusement cette conciliation; issu d'une margelle terrestre, il s'élgnce vers les hauteurs inviolées~ Si au début il

"soupire vers llazur",l son élan découragé rebondit aussitôt pour orienter sa chuta en un mouvement perpétuel entre les deux mondes. A~ec ~on intarissable jaillissement d'eau et de lumière il semble se dynrumiser pour le voyage sur la

secrète trajectoire qU'il ne parcourra jamais. Ainsi se boucle le rêve du ma1tre d'une "grande allée que terminerait un jet d'eau",2 allée d'épreuves

à

sub.ir avant le délice de ce mouvement minuscule se renvoyant sans fin son message de joie; c'est le message poétique par excellence grâce à son évocation de la poésie "éprise d'elle-même" et qui ~re­

tombe délicieusement ll3 en l'âme du poète. Au dire de Poulet, le jet d'eau voudrait parvenir à l'inaccessible dans le plus simple mouvement, comme lIun désir qui s'élève, se trouve," se reflète et retomben •4

lIbid., Soupir, p. 39.

2Idem, op. cit., Cor~., p. 240. 3Ibid., p. 243.

(41)

La rÉiverie du "circuit fermé" est un échec d'envol parce que l'ardente promesse de rompre les liens terrestres ne se réalise jamais. Le jet d'eau n'offre qu1un songe

éphé-mère et se transforme par sa propre hésitation en symbole d'enracinement, alors qU'au début il se 'présentait comme candidat à l'arrachement terrestre. Oe n'est donc pas par hasard que Hérodiade, héro!ne du futile, apparatt "comme près d'un bassin dont le jet d'eau (1) 'accueille".l

Le poète en vient mê~e à rÉiver au jet qui serait idéal, libéré des liens de la gravité, le jet igné du feu dtartifice dont il retrouvait chez Baudelaire "les gerbes roses".2 Mallarmé contemple aussi les envolées de feu qu~, par quelque magique 11 jeu de clavier électrique ••• ,

dessi-nerai(en)t dans la nuit des motifs: paon, galère, etc.",3 motifs en.fuis dans un éclat de lumière.

Soleil : Pendant toute sa carrière Mallarmé a ac-cordé au soleil une place de première importance dans sa symbolique. "Au coucher comme au lever du soleil~l, nous dit

Ohassé~ "il est fait allusion dans presque chaque poème de jeunesse de Mallarmé".4

Out of

lMallar.mé, op. cit., ~., Hérodiade, Scène, p. 44. 20harles Baudelaire, Oeuvres com~lètes, Anywhere the World, éd. de la Pléiade, Par1s, 1951, p.

348.

3Geneviève Bonniot, Mallarmé cité dans"Mardi soir, rue de Rome", Les Marges·, jan. 1936, p. 17.

36

40hassé, Les Olefs de Mallarmé, Aubier, éd. Montaigne, Paris, 1954, p. 44.

(42)

Dénudé et libre de par son essence astrale, ce "tison de gloireul se constitue par sa vélocité stellaire agent privilégié dans le drame du voyage mallarméen. Sa marche solennelle qui inspirait l'adolescent à s 1exclamer, tel un Argonaute, "Volez vers le soleill Ravissez l'étin-celle •• ~ 1t2devient pour l'adulte une heureuse image inflé-trissable du déplacement cosmîque perpétuel ainsi qutun mo-dèle de voyage bravement entrepris et constant malgré les risques du précipice crépusculaire.

Le so~eil et le génie se confondent à leur aurore en 37

un m~me essor pot:t:r> "apaise(r) de l'éden 11inquiête merveille".3 Cependant, dès 1870 le thème vespéral 11emporte sur "l'illU-sion dt or lt4 matinale plus propice. Affolé par la disparition des siens, des poètes, des nymphes, du Cosmos, 1lesprit-soleil

stél~ce sur leur trajectoire, acheminé vers sa propre dispa-rition cyclique qui, idéalement, limiterait au soleil cet

"aspect inacceptable de. l'univers impur, inc ohérent 11 , que le

poète stefforce, selon Park, "de nier par tous les moyens". 5 Par son voyage au bord du gouffre céleste, le soleil sert

l~allarmé;

op. cit.,

~.,

Victorieusement fui le suicide beau ••• , p. 68.

200.

2Mondor, op. cit., MaIl. lyc., p. 183.

3Mallarmé, op. cit., .Q..:.g,., Toast funèbre, p. 54.

4 Idem, Entre quatre murs, Gallimard, Paris, 1954, p. 5park, op. cit., p. 24.

(43)

ainsi de prétexte à la h~tise ma11arméenne de la négation ontologique. Cette catastrophe du voyage vespéral préoccu-pait déjà le maître d~s Les Dieux antigues où il devinait les disparitions taciturnes d'Héraclès, de Bellérophon et d'Achillel , dans la tragédie solaire.

Chaque jour voit "ce vaisseau qui enfoncen2 terminer sa course à l'horizon qu~d le naufrage met un terme à l'a~

venture; cette entreprise tragique suffit pourtant à lui as-surer un périple céleste sans fin dans un cadre limité, sur lequel le voyageur de l'~sprit peut calquer ses premiers itinéraires. L'échec du soleil ne déterminera pas son ache-minement vers les Tombeaux mallarméens, car le poète se

réser-ve la. consolation des sépulcres vides. Cependant, comme le

38

jet d'eau, il ne réussira pas à changer d'itinéraire pour par-courir une route vierge en dehors d~s·~e'Ycles. co.smiq'.lles(.prédéter-minés :

Le soleil que sa halte Surnaturelle exalte Aussitôt redescend

Incandescent. 3

IMallarmé, op. cit., ~., Les Dieux antiques,

p. 1213, 1215, 1267.

2Ibid.,

.2!:.,

p. 398.

p. 49. 3~.,

(44)

Vent, rir~ : Le vent est une présence vivante et in-time qui annonce au moyen du "malaise provoqué en nous par l'appel de (son) esprit voyageurttl llailleurs indiscutable dont il est issu. Il s'identifie facilement, par analogie sonore, au rire, si l'on suit Mallarmé dans Les Dieux anti-ques, où il est question du "rire moqueurn2 dtHermès, dieu du vent qui nargue notre pitoyable enracinement.

Le

vent s'associe aux notions d'allégresse et d'en-vol, grâce

à

sa mélodie ailée qui éclate en un ":rire vaste envolé haut".3

Le

poète croit entendre dans "le rire de la nature" né tiparmi les vagues", 4 quand le dynamisme

ascen-sionnel du vent se confond avec le langage instinctif de la nature, lé son de quelque cor victorieux, annonciateur de

llessor idéal : tout cela parce que le maître a conçu

un

"rire qui sait r~ver",5 condition première d!élévation, dont l'éclat fond la nappe infinie des gels intérieurs dans

~'introduire dans ton histoire où l'aventurier apprend

à

"rire très haut sa victoirell6 imaginaire.

lJacques Scherer, Mallar.m.é cité dans le "Livrell de

Mallarmé, Gallimard, Paris,

195'7

, p . 22(A).

2Mallar.mé, op. cit., ~., Les Dieux antiaue~,

p.

1256.

3 Ibid., Notes sur le

théât~e,

p.

33'7.

4Ibid., 5Ibiq., 6' Ibid. ,

Notes sur le théâtre, p.

338.

Eventails,

XIII,

p.

109.

M'introduire dans ton histoire

...

,

p.

75.

Figure

TABLE  DES  MATIERES  ..

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