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L'architecture de Northumbrie à l'époque anglo-saxonne : une remise en question des liens entre Northumbrie, l'Irlande et la France mérovingienne

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Texte intégral

(1)

France mérovingienne.

Geneviève Gamache

Department of Art History and Communication Studies McGill University, Montréal

July 2003

A thesis submitted to McGill University in partial fulfillment of the requirements of the degree of Master of Arts.

Geneviève Gamache 2003

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Remerciements

Je voudrais premièrement remercier mon superviseur, professeur Boker qui m'a encouragé et aidé tout au long de cette longue et dure épreuve, même lorsque je ne donnais pas de signes de vie pendant des périodes de temps étonnamment longues. Professeur Bôker a toujours cru que je pouvais passer à travers cette épreuve même lorsque j'avais perdu tout espoir. Je voudrais également remercier Karin Bourgeois du département d'histoire de l'art et d'études en communication qui a toujours été là pour m'aider à me retrouver dans toutes les étapes menant à la réalisation de mes études de deuxième cycle. Je voudrais également remercier Aline SansCartier et Gérald Gamache pour le support inconditionnel qu'ils m'ont apporté lors de mes études à McGill. J'ai ressenti la fierté qu'ils avaient envers le fait que je poursuive mes études et cette confiance qu'ils avaient m'a aidé à continuer, même lorsque tout ce que j'avais devant moi était une page blanche. Merci également à Claudine pour ses dessins et sa patience, lors de moments difficiles. Merci également à Ludwig pour ses mots d'encouragement et pour avoir un téléphone au travail.

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Résumé

Les tribulations religieuses qui eurent lieu au royaume anglo-saxon de Northumbrie semblent avoir créé un climat propice au développement monastique et architectural. Toutefois, ce concept d'émulation artistique est basé sur l'idée que deux partis

religieux et politiques, celte et romain, se bravaient pour ainsi laisser place à une architecture immanquablement divisée entre ces deux groupes religieux. Cette étude explore cependant la véracité de cette dualité religieuse, politique ainsi

qu'architecturale et examine de nouvelles sources stylistiques qui auraient pu influencer l'expansion monastique et architecturale du royaume anglo-saxon de Northumbrie.

Abstract

The religious tribulations which occurred in the Anglo-Saxon Kingdom of

Northumbria, are often interpreted as beneficiary for the development of religious architecture and monasticism of this northern kingdom. This phenomena is often understood as an answer to the confrontation of two factions, the Celt and the Roman Churches. The resuit of this confrontation being apparently the existence of two unquestionably différent architectural types and monastery planning. The présent study explores this interprétation's rightfulness and examine possibilities for new models and inspirational sources leading to the création of the particular types of monastic architecture found in Northumbria.

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Table des matières

REMERCIEMENTS n

RÉSUMÉ m TABLE DES MATIERES IV

LISTE DES ILLUSTRATIONS VI

1 INTRODUCTION 1 2 POLITIQUE ET ORGANISATION SOCIALE 2

2.1 LAFIN DE L'ANGLETERRE ROMAINE À NORTHUMBRIE 2 2.2 LE ROYAUME ANGLO-SAXON DE NORTHUMBRIE 6

2.2.1 DeiraBernicia 6

2.3 L'ORGANISATION SOCIALE ET POLITIQUE D'IRLANDE 8 2.4 HISTORIQUE ET POLITIQUE DE LA FRANCE MÉROVINGIENNE. 9

2.4.1 Lafin de l'Empire romain 9 2.4.2 Territoire mérovingien 10

3 INTRODUCTION RELIGIEUSE 13 3.1 L ' IRLANDE CHRÉTIENNE 13 3.2 LA RELIGION CHRÉTIENNE À L'ÉPOQUE MÉROVINGIENNE 15

3.3 NORTHUMBRIE 18

3.3.1 Conversion et politique de Northumbrie 18

3.3.2 Problèmes entre deux Églises 19

3.3.2.1 Wilfrid 21 3.3.2.2 Wilfrid à Lvon 24 3.3.2.3 Wilfrid et Benedict Biscop. 25

4 ARCHITECTURE 27 4.1 ARCHITECTURE IRLANDAISE MONASTIQUE 27

4.1.1 Les églises 29

4.1.1.1 Églises en bois 30 4.1.1.2 Églises en pierre 31

4.1.2 Reliques 34

4.2 L'ARCHITECTURE DE LA FRANCE MÉROVINGIENNE 36

4.2.1 Régions méridionales de la France mérovingienne 36

4.2.2 Région de Paris 39 4.2.3 Églises monastiques 41 4.2.4 Cryptes 47 4.3 ÉGLISES DE NORTHUMBRIE 51 4.3.1 Églises monastiques 51 4.3.1.1 Monastère celtes 56 4.3.1.1.1 Hartlepool 57 4.3.1.1.2 Whitby 58 4.3.1.2 Les monastères de type « romain » 61

4.3.1.2.1 Benedict Biscop 61 4.3.1.2.1.1 Monkwearmouth 61

4.3.1.2.1.2 Jarrow 65 4.3.1.2.2 Les églises de Wilfrid 70

4.3.1.2.2.1 Ripon 70 4.3.1.2.2.2 Hexham 73

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Liste des illustrations Figures

1. Reask, Comté de Kerry.

2. Église Saint-Pierre, Vienne, Isère, France.

3. Groupe épiscopal de Paris, Ile-de-France, France.

4. Église Saint-Barthélémy, Seine-Saint-Denis, île-de-Fance, France. 5. Plan du monastère de Nivelles, Belgique.

6. Église et crypte Saint-Paul de Jouarre, Seine-et-Marne, île de France, France. 7. Crypte de l'église Saint-Pierre de Rome, Italy.

8. Église Saint-Jean, Escomb, Durham, Angleterre. 9. Coins alterné.

10. Plan de l'église Saint-Pierre et du monastère de Monkwearmouth, Durham, Angleterre.

11. Plan de l'église Saint-Paul et du monastère de Jarrow, Duram, Angleterre. 12. a) Plan de la crypte de Ripon, North Yorkshire, Angleterre.

12. b) Plan de la crypte d'Hexham, Durham, Angleterre.

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Alors que l'Espagne Wisigothe tombait aux mains des Arabes, que les Mérovingiens voyaient leurs pouvoirs chanceler et que Constantinople subissait les attaques des Musulmans, à Northumbrie, le royaume anglo-saxon le plus nordique d'Angleterre, se développait un art d'une maturité et d'un raffinement qui influença par la suite les cultures continentales pendant des siècles et qui captive les historiens de l'art depuis toujours. Tout aussi étonnante fut l'architecture religieuse de cette région. Alors que la plupart des régions en Angleterre bâtissaient encore en majorité avec des matériaux périssables, Northumbrie avait déjà un nombre important de bâtiments monastiques de pierres. Cette explosion artistique, architecturale et intellectuelle de grande envergure est quelques fois appelée renaissance de Northumbrie et se déroula sur une période d'un peu moins d'un siècle, entre 690-750. Il y avait donc dans cette région nordique un climat qui fut bénéfique à l'expansion artistique et architecturale1.

D'une façon très élémentaire mais dont l'idée générale est à la base de la plupart des études de cette soi-disant renaissance de Northumbrie, Hollister2 indique que la

vague artistique de l'époque prend son origine dans la symbiose entre la chrétienté

celte et romaine du royaume de Northumbrie. La confrontation de ces deux Églises

serait donc un important catalyseur du mouvement artistique et culturel qui se produisit au VIT et VIIIe. Toutefois, les études architecturales se concentrant sur

cette région semblent accepter le fait que l'architecture de Northumbrie ait été influencée de façon distincte par les deux Églises. Une symbiose architecture n'aurait donc pas existé, les monuments étant distinctement irlandais ou romain . Nous ne

1 Erwin Panofsky, Renaissance and Renascences in Western Art (London : Paladin, 1970). 43-54; Pour les Musulmans en Espagne ainsi que les attaques et sièges de Constantinople entre 610 et 718, voir Warren C. Hollister, Médiéval Europe, A short history, 8* éd. (Boston : McGraw HiQ, 1998), 81, 51-52; Cari Grimberg, Histoire Universelle, vol. 4, trad. George H. Dumont (Verviers : Gérard et compagnie, 1963), 38-42; Pour la monté des Carolingiens et la descente des Mérovingiens, voir Edward James, The Origins of France. Front Clovis to the Capetians (New York : Saint Martin Press, 1982), 25,157-169.

2 Hollister, Médiéval Europe, 73.

3 CL. Neuman de Vegvar, The Northumbrian Renaissance. A Study in the Transmission of Style, (London et Toronto : Associated University Press, 1987), 60-68,106-167.

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remettons toutefois en question l'influence à sens unique pour l'architecture de Northumbrie. Dans notre étude, nous traiterons donc des aspects continentaux et insulaires qui auraient pu influencer l'architecture de ce royaume anglo-saxon. Nous regarderons donc l'architecture de Northumbrie en relation avec la Gaule mérovingienne et l'Irlande du VIIe siècle.

2 Politique et organisation sociale

2.1 La fin de l'Angleterre romaine à Northumbrie

La question de la romanisation de l'Angleterre en est une importante, tout aussi importante que celle de l'invasion anglo-saxonne. L'étude historique de la province romaine de Britannia sort des limites de notre recherche, mais une analyse de la qualité de la romanisation de l'île avant l'arrivée des Anglo-Saxons est importante si nous voulons comprendre l'association qui semble avoir existé entre la Méditerranée et le nord de l'Angleterre à l'époque anglo-saxonne.

Bède nous indique que l'Angleterre aurait été abandonnée par les Romains pour sécuriser la vallée du Rhin, laissant l'île sans défense face aux invasions « barbares ». Laissés à eux-mêmes, les Bretons auraient demandé à deux reprises à l'armée romaine de revenir les aider contre les invasions des Pietés et des Scots . Ceci pourrait démontrer une certaine dépendance de la part des Bretons et également une certaine incapacité à s'administrer. En fait, cette image de l'Angleterre « abandonnée » et dépendante, change lorsque nous prenons en considération que les Romains quittèrent l'île sous révolte civile. Ce ne serait donc pas uniquement une question de sécurité du côté de la vallée du Rhin qui serait à l'origine du départ des Romains, il aurait existé chez les Bretons, un désir de voir les Romains quitter l'île5.

Si la qualité de l'administration romaine est difficile à déterminer en comparaison des autres provinces de l'Empire, il est certain qu'il y avait dans l'île un climat

4 Bède, The Ecclesiastical History ofthe English People, éd. Judith McClure et Roger Collins (Oxford & New York: Oxford University Press, 1999), 1.12.

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qu'il força les empereurs à diviser l'île en plusieurs centres administratifs pour ainsi diminuer le pouvoir des légats romains et également leur accessibilité à un nombre important de soldats6. De plus, cette armée romaine qui était supposée garder \apax

romana était plutôt incompétente en Angleterre. Les frontières septentrionales étaient

mal gardées et la population de ces régions subissait fréquemment les attaques des Pietés et des Scots. De plus, si l'armée romaine pouvait être exceptionnelle sur la terre ferme, du point de vue des défenses côtières et contre-attaques maritimes, l'armée romaine était défaillante7. L'Angleterre étant une île, elle était sujette aux

attaques maritimes et l'armée romaine se trouvait dans l'incapacité de la protéger. D'un point de vue administratif, cette province septentrionale ne semble pas non plus avoir reçu le meilleur de ce que Rome pouvait offrir. Affectation punitive, gouvernement corrompu, révolte et incompétence militaire formaient l'image que la population locale avait de l'Empire romain8. La question de la loyauté bretonne

envers l'Empire est donc à remettre en question.

Bède nous informe qu'après la « fuite » des Romains, un chef breton du nom de Vortigem demanda à des tribus germaines de lui venir en aide contre les Pietés et les Scots9. C'est ainsi que Jutes, Angles et Saxons arrivèrent en Angleterre en tant que

« mercenaires » pour aider Vortigem à défendre ses territoires en échange de quelques territoires en récompense. Toutefois, après quelque temps, les nouveaux arrivants se retournèrent contre les Bretons et s'installèrent en maîtres de l'île au sud des territoires Picts, repoussant ainsi les Bretons dans le nord-ouest de l'île10. Les

Jutes s'installèrent dans la région de Kent ainsi que sur l'île Wight, les Saxons s'installèrent dans la région centrale, ce qui formait à l'époque les territoires des

Saxons occidentaux, Saxons du sud et des Saxons de l'est. Les Angles s'installèrent

5 Michael E. Jones. The End of Roman Britain (Ithaca : Cornell University Press, 1996), 138. 6 Jones, End of Roman Britain, 108-110, 246-247; Voir également N. J. Higham, The Kingdom of

Northumbria, AD 350-110 ( Dover : Alan Sutton, 1993), 50.

7 Jones, End of Roman Britain, 108-110, 246-247. 8 Ibid., 135-167.

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s'être installé au nord de la rivière Humber était celui des Angles, Bède ne nous donne aucune information sur la nature de cette prise de territoire. Bède ne nous informe pas de ce que et qui se trouvait dans cette région avant les Angles. Ces deux régions devaient pourtant être dirigées et peuplées par des Bretons.

Nous serions tentés de voir le geste de Virtigern comme « désespéré » en étant obligé d'engager des « mercenaires ». Cependant, l'Europe de l'époque était ainsi faite et l'appel du chef breton était chose courante. L'Angleterre, était divisée en « clans » ou « tribus », chacun mené par un chef de guerre. Les personnes qui combattaient pour lui et avec lui, le suivaient pour recevoir des rétributions en espèces ou en territoires. Un puissant chef de guerre pouvait avoir à sa solde de nombreux guerriers venant de différentes parties du monde occidental. Si les récompenses étaient substantielles, l'appartenance ethnique n'avait pas d'importance12. Ce qui nous amène à une autre

question soit l'importance numérique de l'invasion. Plusieurs savants remettent maintenant en question l'image de l'invasion massive que nous déduisons des écrits de Bède.

L'Angleterre étant une île, les Germains y sont parvenus par bateaux, c'est d'ailleurs ce que Gildas confirme, en indiquant qu'un contingent de trois keels fit une première traversée, suivit d'un deuxième plus important14. Par la suite, Gildas ne

mentionne pas d'autres renforts que ces deux arrivages, ce qui fait croire à un débarquement militaire, plutôt qu'à une migration massive, un mouvement de population important pouvant inclure des clans entiers, donc plusieurs cellules

10 Bède Ecclesiastical History 1.25.

1 ' La distinction que nous faisons entre les territoires et les peuples en est une délibérée et

d'importance, puisque les limites territoriales pouvaient changer, mais les « races », clans ou tribus comme nous allons le démontrer, était ce qui importait à l'époque.

12 Hollister, Médiéval Europe, 32-34.

13 Edward James, « Interpreting Gildas,» Nottingham Médiéval Studies 30 (1986): 101-105; Ian Wood, « The End of Roman Britain : Continental Evidence and Parallels,» dans Gildas : New Approches, éd. Michael Lapidge et David Dumville (Wcodbridge : Boydel, 1984), 1-25. Gildas est une source

importante pour définir la relation entre Bretons et Romains. Les dates de composition du texte sont encore incertaines, mais il aurait probablement écrit De excidio Britanniae entre c.490 et c. 540.

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restreinte. De plus, Jones remet également en question l'hypothèse d'une migration massive en étudiant la possibilité technologique d'un tel mouvement à l'époque ". Les vaisseaux sans voile instables en haute mer utilisés par ces tribus germaniques faisaient en sorte que la traversée était longue, pénible, risquée et coûteuse. Ce qui

semble incompatible avec l'équipage nécessaire à une expédition massive. Le terme migration ou invasion aurait donc été une « invention » qui avait commencé à l'époque même de Gildas.

En effet, le caractère religieux du thème de la migration n'a pu échapper aux écrivains de l'époque tels que Gildas et Bède. Dans De Excidio, les événements ont une résonance biblique et moraliste indéniable16 et pour Bède, le mythe de la migration

n'est pas seulement relégué aux Anglo-Saxons, mais à tous les peuples qui occupèrent l'île. Tous, qu'ils soient Bretons, Pietés, Romains, Saxons, durent passer par la mer pour arriver à l'île, qui devient dans les écrits de Bède une sorte de terre promise ou un pendant à la traversée de la mer rouge des Juifs . Le mythe de la migration avait donc une connotation religieuse importante, ce qui peut se traduire par une dérogation historique quant au nombre de continentaux qui se seraient installés dans l'île.

Toutefois, si le nombre de Germains dans l'île fut restreint, comment expliquer l'existence de royaumes anglo-saxons? La nature même des liens de comitatus entre les Germains et les Bretons semble pouvoir expliquer en partie cet état de choses. Les Angles, Saxons et Jutes de l'époque avaient la même organisation socioculturelle que les Bretons et puisque nous avons vu que la romanisation de l'île avait été moins importante que dans le reste de l'Europe, lorsque les Romains quittèrent, la population locale retourna à son ancien système social et politique. Lorsque les différents Germains s'établirent sur l'île, ils le firent sur des terres où il y avait déjà

14 Jones, End of Roman Britain, 47. 15 Ibid., 73-99.

16 Nicholas Howe, Migration and Mythmaking in Anglo-Saxon England (New Haven : Yale University Press, 1989), 42.

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position de chef guerrier n'était pas héréditaire, un certain nombre d'Anglo-Saxons se sont probablement installés à la tête de comitatus et ont prospéré pacifiquement. La population locale n'a donc pas été évincée par les nouveaux arrivants que furent ces Germains continentaux. En effet, le caractère breton de Northumbrie est attesté par plusieurs études. Margaret Faull voit dans le matériel culturel retrouvé dans les tombeaux, ainsi que les différents rites funéraires étudiés dans le royaume de Northumbrie, une présence bretonne importante même à l'époque dite anglo-saxonne et cela dans toutes les couches de la société19.

2.2 Le royaume anglo-saxon de Northumbrie

Le « royaume » de Northumbrie, constitué des sous-royaumes de Deira et Bernicia était le royaume anglo-saxon le plus au nord de l'Angleterre .

2.2.1 Deira/Bernicia

Deira fut le premier des deux sous-royaumes anglais à être fondé. Le nom de Deira vient probablement de la rivière Derwent, ce qui ferait que la population de Deira était le peuple de la vallée de Derwent . A l'époque anglo-saxonne, le territoire de Deira était limité à l'est par la mer du nord, au sud par la rivière Humber et au nord, la frontière était probablement la région North York Moors au Vf siècle, alors qu'au milieu du Vif siècle la frontière rejoignait la rivière Tee. Pour ce qui est de la

18 Steven Bassett, « In Search of the origins of Anglo-Saxon Kingdoms,» dans The Origins

ofAnglo-Saxon Kingdoms, éd. Steven Bassett (London and New York : Leicester University Press, 1989), 3-27.

19 Margaret Faull, « British survival in Anglo-Saxon Northumbria,» dans Studies in Celtic Survival,

BAR, no.37, éd. Laing Lloyd (Oxford, 1977), 26-36; Rosemary Cramp, « Northumbria : The

archaeological Evidence,» dans Power and Poli tics in Early Médiéval Britain and Ireland, éd. S.T. Driscoll et MR. Nieke (Edinbrugh : Edinburgh University Press, 1988), 69-78. Sans être une critique négative, Cramp appose tout de même un bémol à l'étude de Faull en remarquant la difficulté

d'identifier les groupes ethniques des défunts par le matériel culturel des tombes et par les différents rites funéraires.

20 P. Hunter Blair, « The Boundary between Bernicia and Deira,» Archaeologia Aeliana, 4th ser., 27

(1949): 46-59.

21 Higham, Kingdom of Northumbria, 80-81. Derwent serait dérivé du mot breton pour « Chêne » soit

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trouvait au Sud de la rivière Humber et resta un fier adversaire de Northumbrie au cours des siècles ". Lindsey, bloqué entre Deira et Mercia se retrouva sous la domination de Northumbrie ou de Mercie selon les défaites et conquêtes des différents rois des deux royaumes24. Le royaume breton d'Elmet, entre la rivière Don

et Wharfedale, c'est-à-dire tout juste à l'est de Lindsey, fut conquis par le roi Edwin.

Si les limites territoriales de Bernicia sont plus difficiles à déterminer au début du VIe

siècle, pour ce qui est du Vif ou VTIf siècle, le territoire se limitait au sud de la vallée du Tee, à l'ouest probablement par les Pennines et à l'est par la mer du Nord . Pour ce qui est de la frontière septentrionale, elle changea constamment au fil des années, résultat des conquêtes et défaites face aux Pietés. Nous pouvons cependant généraliser la situation géographique de Bernicia en donnant une limite septentrionale, lorsque Northumbrie était à son apogée, un peu plus au nord de la frontière écossaise moderne26.

Dans Historia Brittonum , nous sommes informés que l'Anglais Soemil, un ancêtre de la troisième génération précédente Aelle, qui fut roi de Deira entre 568 et 598, aurait séparé Bernicia de Deira, ce que Dumville interprète comme étant la séparation de Deira du joug breton, au cours du V siècle . Mais de ces informations, nous ne

" Ibid., 79-90.

23 Bède Ecclesiastica! History 3.20. Ce furent également les Angles qui s'installèrent à Mercie, qui fut en guerre avec Northumbrie à de nombreuses reprises.

24 Bède Ecclesiastical History 4.12. Bède nous informe que lors du premier exil de Wilfrid. Lindsey se trouvait être sous le joug de Northumbrie, après une victoire d'Ecgrith, c. 673. Mercie reprit cependant le contrôle de Lindsey en 679.

25 Ce que nous savons cependant, c'est qu'à la fin du Vf siècle, aux limites septentrionales, nord-ouest et occidentales de Bernicia se trouvaient les royaumes bretons de Gododdin (au haut de Lindisfarne), Stratheclyde et Rheged respectivement, mais leurs limites territoriales portent à confusion.

26 Higham. Kingdom of Northumbria, 79-90.

27 David Dumville. « "Nennius" and the Historia Brittonum,» Studia Celtica X-XI (1975-6), 78-95. Pour informations générales entourant Historia Brittonum, voir Jones, End of Roman Britain, 62-69. À l'époque médiévale ce texte aurait été attribué à Nennius, mais Dumville propose plutôt que le texte aurait été d'une main anonyme, écrit à la cour de Gwynedd (c.829-30).

28 David Dumville, « The Origins of Northumbria : some aspects of the British background.» The

Origins of Anglo-Saxon Kingdoms, éd. Steven Bassett (London et New York : Leicester University

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2.3 L'organisation sociale et politique d'Irlande

Si l'influence de l'Empire romain n'avait pas été aussi prédominante en Angleterre que sur le continent, elle l'avait encore moins été pour ce qui est de l'Irlande, puisque techniquement, celle-ci n'a jamais fait partie de l'Empire romain. En effet, le rêve d'Agricola, gouverneur romain posté en Angleterre, de soumettre l'Irlande avec seulement une légion ne se réalisa jamais29. Le système socioculturel irlandais resta

donc intact.

Tout étudiant de l'histoire irlandaise peut à la fois se trouver encouragé et contrarié par le type d'information du haut Moyen Age qui lui est accessible. Par exemple, nous n'avons pas beaucoup d'information écrite concernant la venue du christianisme en Irlande et en même temps, nous avons un nombre impressionnant de rois irlandais d'avant le XIIIe siècle. La généalogie irlandaise d'avant 1100 parle d'environ 1200Y

noms de rois répartis à travers l'Irlande30.

L'organisation sociale irlandaise du haut Moyen Age peut expliquer cette liste étonnamment longue. Cette organisation était basée sur le système familial. Tout homme libre appartenait à un fine, un clan familial et chaque clan était dirigé par un chef de clan. Le territoire englobant toutes les terres des membres de ce clan était reconnu comme un tuath, ayant à sa tête le chef ou roi. Plus haut dans la hiérarchie, trois ou quatre tuath se trouvaient sous la responsabilité d'un ardri ou grand-roi (over-king ou High-king) . Toutefois, il y aurait également eut une troisième hiérarchie royale. Le grand-roi de cette troisième catégorie n'était pas roi ultime

29 Pour une analyse de l'impact de l'Empire romain sur l'Irlande, même si celle-ci ne fit jamais partie de l'Empire, voir Nancy Edwards, The archaeology ofearly médiéval Ireland (Philadelphia :

University ofPennsylvania Press, 1990), 1-5.

30 Daibhi O Croinin, Early Médiéval Ireland 400-1200 (London & New York . Longman, 1995), 63; Francis John Byrne, Irish Kings and High-Kings (Dublin: Four Courts Press, 2001),7-8.

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regroupement de tualh de son territoire et n'en dépassait pas ses frontières . La liste généalogique comportant 1200 noms peut s'expliquer par le fait qu'au haut Moyen Age, il y avait non moins de 150 rois en Irlande, tous à la tête d'un tuath.

2.4 Historique et politique de la France mérovingienne.

De l'histoire française, l'époque mérovingienne est probablement la plus méconnue, autant du point de vue architectural que du point de vue historique. C'est une époque apparemment tourmentée par des guerres civiles, par un affrontement entre nouveau pouvoir séculaire et ancien pouvoir religieux et qui est généralement vu comme une transition entre l'Empire romain et l'Empire carolingien. L'époque mérovingienne est pourtant une époque où de nombreux monastères furent fondés; monastères qui deviendront le berceau de la culture religieuse franque des siècles à venir.

2.4.1 La fin de l'Empire romain

Les Francs n'étaient pas les seuls « germains » à s'être installés en Europe occidentale à l'effondrement de l'Empire romain. Wisigothes, Bourgons, Ostrogothes se sont installés dans les différentes régions de l'Europe occidentale. Tous deviendront des minorités dirigeantes d'un peuple souvent déjà cosmopolite. En 534, les Francs, derniers arrivants germains, renversèrent le pouvoir dirigeant et conquirent le royaume de la Bourgogne. Deux années plus tard, occupés par leurs problèmes byzantins, les Ostrogothes durent abandonner leurs possessions en Provence33.

La France gallo-romaine était beaucoup plus évoluée d'un point de vue urbain que ne l'était l'Angleterre. L'administration romaine était centrée dans les villes et lorsque l'armée romaine abandonna ses positions, plusieurs Gallo-romains restèrent en place, comme administrateurs séculiers et religieux. La ville était un centre administratif

32

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impérial, dont la politique, la société et la religion puisaient leurs sources et leurs pouvoirs. Il est normal que lorsque les villes survécurent à la retraite romaine, l'administration des villes continua et en majeure partie, leur indépendance également. Lorsque les mérovingiens, Clovis en tête, conquirent les régions du sud de la France, ils furent prudents de ne pas s'aliéner les évêques gallo-romains de l'époque. Avec son avancée dans les territoires du sud, Clovis apprit à manœuvrer avec les familles catholiques et la hiérarchie qui en découlait.34

Pour la gérance de leurs territoires méridionaux (Provence et Bourgogne), les Francs s'en remirent donc à ce qui restait de l'organisation administrative romaine35.

L'aristocratie sénatoriale gallo-romaine concentrée au niveau du clergé et la cour mérovingienne étaient, selon Wood,36 très rapprochées de cette dernière. Il ne

faudrait donc pas voir un conflit permanent entre deux factions rivales, mais une influence mutuelle. Quant aux territoires septentrionaux (Neustrie et Austrasie), ils les gérèrent eux-mêmes, avec l'aide des familles franques aristocrates.

2.4.2 Territoire mérovingien

Les limites géographiques et politiques des différents royaumes du haut Moyen Âge en France sont difficiles à définir précisément, puisqu'ils changèrent tout au long de l'histoire mérovingienne. À la mort de Clovis en 511, son royaume se vit diviser en quatre régions, parmi ses fils, Theuderic I, Chlodomer, Childebert, Chlothar. Ce n'était donc pas le premier fils qui recevait en héritage les possessions du père, mais bien tous les fils légitimes qui se les partageaient. Entre la mort de Clovis (511) et la mort de Chlotar (561), à toutes les fois qu'un fils de Clovis mourait, les autres frères s'associaient pour empêcher les fils du défunt d'accéder au trône laissé vacant par le père. Ainsi le territoire pouvait être « absorbé » par les frères restants. Par absorption territoriale, Chlotar se vit être seul roi mérovingien entre 558 et 561. Lorsqu'il

33 Ian Wood, The Merovingian Kingdoms (London et New York : Longman, 1994), 23 34 Wood, Merovingian Kingdoms, 48

35 Edward James, The Franks (New York : Basil Blackwell, 1988), 183-191; Edward James, The

Origins of France, From Clovis to the Capetians, (New York : Saint Martin press, 1982), 43-63.

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mourut, le royaume uni pour seulement trois années fut divisé à nouveau parmi ses propres fils; Charibert, Guntram, Sigebert et Chilpéric.

Avec un legs territorial incertain, une telle « conquête » sur leurs propres frères ou leurs oncles était impossible sans l'appui de l'aristocratie régionale37. Sans

l'aristocratie, chefs de guerres et autres, un prétendant mérovingien avait peu de chance de monter sur un trône. Mais lorsqu'ils y parvenaient, les rois donnaient des terres, postes ecclésiastiques ou séculaires importants à leurs compagnons, pour services rendus. Un jeu de pouvoir local, territorial et royal se jouait donc constamment à l'époque. Les rois mérovingiens étaient dépendants des familles aristocrates, comme ces dernières étaient dépendantes des chefs mérovingiens.

C'est cependant sous le règne de Clotaire II en 613 que la division est/ouest de la Gaule mérovingienne prit vraiment forme et perdura en deux factions politiques indépendantes . La partie occidentale du royaume comprenait la Neustrie et la

Bourgogne, alors que la section orientale était formée de l'Austrasie . Même lorsque les territoires de la Neustrie, Austrasie et de la Bourgogne40 étaient sous l'égide d'un

seul roi mérovingien, comme ce fut le cas sous Clothaire II (613-628), Dagobert I (628-638) et Childeric II (670-673), les factions territoriales aristocratiques étaient très fortes et une intrusion adverse dans la politique d'un territoire était non seulement mal vue, mais carrément inacceptable, menant à des guerres, rébellions et même

assassinat de la royauté41. Ce serait cette hostilité politique entre les différents

groupes aristocratiques qui serait à l'origine de la menace de mort que Wilfrid aurait reçue de Ebroin, après avoir aidé Dagobert II à revenir en Austrasie après son exil en

37 Ibid.. 126-136.

38 En fait, les aristocrates et évêques de Bourgogne se rebellèrent souvent contre la politique extérieure venant de la Neustrie.

39 Wood. Merovingian Kingdoms, 146-149.

40 À ces trois régions principales, nous pouvons ajouter les régions de l'Aquitaine, la Frise, la Provence ainsi que la Bavière. Ces quatre régions jouissaient cependant d'une certaine indépendance face aux monarchies mérovingiennes.

41 Patrick J. Geary, Before France and Germany: the Création and Transformation ofthe Merovingian

(18)

Irlande42. Après la mort du roi Dagobert I en 638 (grand-père de Dagobert II), les

dynasties mérovingiennes périclitèrent, conséquences de guerres civiles et des minorités des rois se retrouvant sous la tutelle de leur maior domus (Ebroin de Neustrie est probablement un des magnats les plus importants du VIIe siècle) dont les

familles aristocrates prenaient de plus en plus d'importance et de pouvoir. Dans les territoires mérovingiens du Vïïe siècle, que ce soit en Bourgogne, Neustrie ou en

Austrasie, certains groupes d'aristocrates guerroyaient pour savoir qui auraient le contrôle sur le roi, le fisc et surtout, les réseaux monastiques43, sources importantes de

revenus et de pouvoirs44.

42 Eddius Stephanus, Life ofWilJriddsms The Age ofBede, trad. J.F. Webb (London : Penguin Book, 1998), xxvii. L'identité de l'hagiographe de Wilfrid porte à controverse. L'attribution la plus commune est qu'il serait Eddius Stephanus, maître de chant. Toutefois, puisque cette attribution apporte plusieurs problèmes, par exemple le fait que l'auteur ne se soit jamais associé au maître de chant de Kent lorsqu'il mentionna ce dernier et que certains problèmes existent également quant aux dates d'écriture de l'œuvre, l'hagiographe ne serait probablement pas le maître de chant mais un moine du monastère de Ripon. Voir Walter Goffart, The Narrators ofBarbarian History

(A.D.550-800). Jordanes, Gregory of Tours, Bede, and Paul The Deacon (Princeton : Princeton university Press,

1988), 257, 281 no.210. 43 Voir page 15-16.

44 Geary, Before France and Germany, 181. Le poste de maior domus était le titre le plus important et à la limite, nous pourrions dire que c'était un titre princier. Pour une étude sur les relations entre le séculaire et les réseaux monastiques à l'époque mérovingienne, voir Wood, « The Place of the Monasteries : Politics and the Religious Life, 613-64,» chap. 11 dans Merovingian Kingdoms, 181-202.

(19)

3 Introduction Religieuse

3.1 L ' Irlande chrétienne

Si nous avons beaucoup de matériel relatant les exploits et sagas des différentes dynasties irlandaises, il faut se rendre à l'évidence que le matériel relatant l'histoire des débuts de la chrétienté en Irlande est plutôt épars. En fait, les historiens doivent composer avec le fait que nous ne connaissons pratiquement rien de la chrétienté en Irlande avant 70045. Même l'importance et l'implication de saint Patrick à la

conversion de l'île est sujet à de très grandes controverses46. De plus, les historiens

remettent maintenant en question l'image plutôt primaire et peut-être même naïve de l'église irlandaise basée sur une organisation monastique et non sur des diocèses.

Selon la tradition, ce serait saint Patrick, un Breton d'Angleterre qui convertit l'Irlande au christianisme. À l'âge de 16 ans, il aurait été capturé par des Irlandais pour être vendu comme esclave. Après six années à travailler pour ses nouveaux maîtres, Patrick se sauva en bateau et revint en Angleterre, fut ordonné prêtre puis évêque et repartit en Irlande dans une mission de conversion47.

Il est intéressant de voir que le système ecclésiastique instauré par Saint-Patrick n'était pas monastique, mais bien épiscopal48. Toutefois, puisque la société était

d'organisation pastorale et vivait d'agriculture, les monastères représentaient le point d'encrage des évêchés, qui ne pouvaient se retrouver dans les cités, puisque ces dernières n'existaient pas. Nous croyons que, même si les monastères avaient une importance non négligeable et peut-être même inégalable à travers l'Europe de l'époque, nous croyons que des diocèses existaient en parallèles aux monastères49.

45 Edwards. Archaeology of early médiéval Ireland, 99-100.

46 E.AThompson, Who was Saint Patrick (Woodbridge: Boydell, 1985), 7-30; T.M. Charles-Edwards,

Early Christian Ireland (Cambridge: Cambridge University Press, 2000), 184, 214-233.

47 Charles-Edwards, Early Christian Ireland, 216-218.

48 Charles-Edwards, Early Christian Ireland, 258-264. De Paor et de Paor, Early Christian Ireland, 33. 49 Charles-Edwards, Early Christian Ireland, 119. En fait, l'interprétation qui prévalait, soit que les évêques étaient sous la tutelle des abbés de monastères importants viendrait des textes de Bède quant au monastère d'Iona. Cependant, Thacker nous indique que le système ôefamilia de Iona était peut-être et fort probablement une exception et que l'évêque avait une place importante dans l'Église

(20)

En fait les sièges épiscopaux se retrouvèrent probablement dans les monastères-mères d'un tuath ou d'un grand tuath50.

Nous n'essayons pas de diminuer l'importance des monastères en Irlande et nous croyons que l'Eglise irlandaise avant l'époque normande en était une de moines et de monastères. Cependant, l'idée que les évêques étaient subordonnés aux abbés des monastères est probablement trompeuse. Même si un évêque avait son siège épiscopal dans un monastère important, cela ne veut pas dire qu'il était subordonné à l'abbé. Toutefois, il est vrai qu'en certaines occasions, un abbé d'un monastère-mère pouvait avoir une plus grande autorité qu'un évêque. Par exemple, l'autorité d'un abbé d'un monastère-mère s'appliquait à ses monastères-sœurs qui pouvaient être répandus sur plusieurs tuaths et même pays, alors que l'autorité d'un évêque était limitée au territoire de son diocèse51, surtout si ce dernier était limité à un tuath52. Ce

système de réseaux ou de liens entre monastères est appelé le paruchia53. Un

monastère se formait et certains moines quittaient ce dernier pour aller en mission et fonder un autre monastère plus éloigné qui observait les mêmes règles monastiques du fondateur du monastère-mère. Le nouveau monastère était également sous la tutelle du premier monastère. Un tel lien existait entre Bangor, Iona et Lindisfarne Ce concept missionnaire et monastique est à la base de la dispersion de ces derniers à la fois en Irlande, en Angleterre et sur le continent. Ces monastères et leurs gens étaient dirigés vers l'enseignement, les missions et l'ascétisme.

irlandaise. A T Thacker, « Bede and the Irish,» dans Beda Venerabilis. Historian, Monk &

Northumbrian, ed Houwen & MacDonald (Groningen: Egbert Forsten, 1996), 41-42.

50 Harold Mytum, The Origins of Early Christian Ireland, (London & New York : Routledge, 1992),73.

51 Charles-Edwards, Early Christian Ireland, 245; Kathleen Hughes, The Church in Early Irish Society (Ithaca & New York : Cornell University Press, 1966), 81.

52 Charles-Edwards, Early Christian Ireland, 241-264. Hughes, The Church in Early Irish Society, 81. 53 La différence entre paruchia eifamilia est donnée dans Charies-Edwards, Early Christian Ireland, 23. Le paruchia diffère de lafamilia. Le premier est composé principalement des terres et églises reliées à une église ou monastère principal, alors quefamilia réfère à la communauté vivant dans ces églises et monastères, xmefamilia est donc composée des personnes ou moines dans les différents monastères qui forment un paruchia.

(21)

3.2 La religion chrétienne à l'époque mérovingienne

L'histoire du Christianisme en France avant Charlemagne est très complexe. Nous nous concentrerons donc sur quelques aspects de l'église mérovingienne qui sont importants pour l'étude de l'architecture de Northumbrie. En ce sens, les missions irlandaises sur le continent dont nous venons de parler ont leur importance pour ce qui est de l'étude du monachisme qui est a son tour central à l'étude mérovingienne du VHe siècle. Ce n'est pas que les monastères n'étaient pas importants aux siècles

précédents, donner des biens aux communautés ascétiques avait toujours été dépeint comme un acte de piété ou de superstition54. Au VIIe siècle pourtant, la relation entre

le séculier et le religieux changea. L'importance des monastères et des moines pour la dynastie et les Francs en générale au VT siècle était différente de celle du VIT siècle. Les Mérovingiens de la troisième et quatrième générations semblent avoir été plus généreux que leurs prédécesseurs à fonder, soutenir financièrement et doter de Chartres d'indépendance les organisations monastiques55. Ces Chartres confirmaient

l'indépendance de ces monastères face aux évêques et aux interventions séculières. Les abbés de ces monastères, souvent des membres de la famille royale, n'étaient donc pas responsables devant les évêques mais devant le roi ou membres de la famille royale56.

En fait, le déclin du pouvoir monarchique en France mérovingienne dont nous avons parlé, serait une des raisons qui poussèrent la royauté à fonder de nombreux monastères à travers les différentes régions du continent . La royauté ayant de moins en moins le contrôle sur les territoires fiscaux, donnait ces territoires aux communautés monastiques et mettait à leurs têtes des membres de la famille royale ou des proches dont ils avaient confiance. Si les Mérovingiens n'avaient pas le contrôle sur leurs propres territoires fiscaux, ils pouvaient avoir une certaine forme de contrôle si ces territoires devenaient ecclésiastiques. Un exemple qui est relié à notre étude est la reine Baldechildis (Bathilde) de Neustrie, qui fonda et remania les monastères de

54 J.M. Wallace-Hadrill, The Frankish Church (Oxford : Clarendon Press, 1983), 55-58. 55 Ibid., 70-74

56 Wood, Merovingian Kingdom, 192-194. 57 Geary, Before France and Germany, 187.

(22)

Corbie et de Chelles. Sous sa gouverne, la région de Paris devint un territoire dominé principalement par des territoires ecclésiastiques, étant auparavant des territoires fiscaux58.

L'ampleur du développement monastique au VHe siècle est donc considérable et se

fait différemment du VIe siècle. Les monastères fondés au VIe siècle, étaient surtout

ruraux et étaient majoritairement fondés dans les régions méridionales de France, principalement en Bourgogne où l'administration gallo-romaine perdura longtemps après la retraite de l'armée romaine. Au VHe cependant, ils se retrouvaient

maintenant plus fréquemment à l'extérieur des villes et étaient concentrés dans les régions du Nord, c'est-à-dire principalement en Neustrie mais également en Austrasie et comme nous venons de le voir, sur des terres privées ou d'anciennes terres fiscales. Nous voyons également un renversement dans l'administration de ces monastères. Si au VIe nous parlions de fondations monastiques, au VIIe siècle nous pouvons parler

« d'appartenance » monastique. Les monastères « appartenaient » à des familles franques royales ou aristocratiques, joignant ainsi la politique et le monachisme59. En

plus de la famille royale, une nouvelle classe sociale s'impliqua donc dans l'essor monastique au VIT siècle, la petite aristocratie franque60.

Ce qui est également important de noter, c'est que les monastères du nord et nord-est de la France à cette époque étaient reliés entre eux, formant ainsi un réseau monastique dans le nord de la Gaule. Il ne s'agissait plus de monastères indépendants, mais d'un système monastique hiérarchique, un peu à l'image de la relation qu'avaient les monastères de Northumbrie pour Lindisfarne et Lindisfarne pour Iona, c'est-à-dire en paruchia. Ces monastères ayant pour la plupart, d'une façon ou d'une autre, à des degrés différents, un lien avec des maisons columbannes. Columbanus (ou Columban) moine irlandais rattaché au monastère de Bangor61,

58 Wood, Merovingian Kingdom, 197-202.

59 Friedrich Prinz, « Columbanus, the Frankish nobility and the territories east of Rhine,» dans

Columbanus and Merovingian Monasticism, éd. H.B. Clarke et Mary Brennan (Oxford: Oxford

University Press, 1981), 79.

60 Wood, Merovingian Kingdom, 181-189; Hadrill, Frankish Church, 63-64, 68-74. 61 Hadrill, Frankish Church, 63.

(23)

arriva en Gaule mérovingienne vers 595. Lorsqu'il arriva à la fin du VIe siècle, il y

avait environ 200 monastères en Gaule, à la fin du VIT il y en avait quelques 600.

Mais Columban lui-même est personnellement responsable de la fondation de seulement deux monastères, Luxeuil en France et Bobbio en Italie. Ce sont les moines éduqués dans son monastère de Luxeuil, qui fondèrent les nombreux monastères rattachés au premier62. Les règles de Saint-Benoît furent également

généralement adoptées par ces monastères reliés à Luxeuil, tout en les adaptant toutefois aux anciennes règles en usage dans les différents monastères63.

De plus, Columbanus n'est pas le seul Irlandais a avoir influencé le monachisme en France mérovingienne. L'abbé Fursey64 du monastère de Louth en Irlande65 ainsi que

ses frères Foilan et Ultan (du même monastère), eurent des répercussions importantes pour le monachisme en France du nord, principalement en Austrasie66. En effet, ces

Irlandais, les monastères qu'ils fondèrent ou les monastères où ils furent abbés étaient reliés de très proche à la royauté, à la fois de Neustrie et d'Austrasie. Par exemple, le premier monastère où Foilan fut abbé était le monastère de Lagny en Neustrie, duquel il fiit chassé par Erchinoald, maior de Neustrie sous la reine Bathilde. Puisque la Neustrie l'avait rejeté, il se rendit en Austrasie où il fonda le monastère de Fosses, un monastère très proche des Pépins (les futurs Carolingiens), puisque c'est Gertrude,67

l'abbesse de Nivelles en Austrasie qui lui donna les terres pour son nouveau monastère.

62 II est important de dire qu'il y avait des différences dans les influences de Columbanus lui-même et les influences de ses maisons mères, comme Luxeuil. Si nous ne faisons pas cette distinction, il serait trop facile de voir la France du VIIe siècle influencée et remaniée par un seul homme.

63 Wood, Merovingian Kingdom, 181-183. 64 Bède Ecclesiastical History 3.19.

65 J.-M. Picard, « Church and politics in the seventh century: the Irish exile of King Dagobert II,» dans

Ireland and Northern France 600-850, éd. J.-M. Picard (Dublin : Four Courts Press, 1991), 34.

66 Wood, Merovingian Kingdoms, 189-90.

67 Gertrude est la sœur de Grimoald et tante de Pépin II. Grimoald est le maior d'Autrasie qui, après la mort du roi Sigebert III, força le prince mérovingien Dagobert H à s'exiler en Irlande. Cette famille, partant de Pépin I, père de Grimoald est la famille qui prit le pouvoir sous le nom des Carolingiens, quelques décennies plus tard.

(24)

Dagobert II fut exilé en Irlande et qu'il revint en Austrasie en 67669. Il y avait donc

des relations religieuses et politiques importantes entre l'Austrasie et ces moines irlandais à l'époque tumultueuse de l'exil et du retour de Dagobert II d'Irlande.

3.3 Northumbrie

3.3.1 Conversion et politique de Northumbrie

Edwin, de la famille de Deira fut un des rois les plus importants de Northumbrie (616-633). Fils d'Aelle, roi de Deira, il maria une princesse catholique de Kent, Aethelburch . Après avoir tué Aethelfrith, son beau-frère de la lignée de Bernicia, il s'établit roi de Northumbrie. Lorsque Aethelburch arriva à Deira, se trouvait avec elle l'évêque Paulinus, qui faisait parti d'un groupe de missionnaire mené par Augustin ayant été envoyé par le pape Grégoire le Grand dans une mission de conversion en Angleterre anglo-saxonne. Sous l'influence de cette mission, la famille royale de Kent où Augustin et ses moines se concentrèrent en premier, se convertit au christianisme. Lorsque Aethelbuch quitta Kent pour Northumbrie, Augustin demanda à Paulinus d'accompagner la princesse dans son nouveau royaume et ainsi continuer son rôle de missionnaire pour lequel le pape l'avait envoyé sur l'île. Officiellement donc, Paulinus était le chapelain de la nouvelle reine, mais sa véritable mission en était une de conversion c'est-à-dire la conversion des Angles de Northumbrie. Ce qu'il réussit partiellement71, puisqu'en 677, le roi et toute sa cour se convertirent au

christianisme par des baptêmes de foule . Lorsque Edwin mourut, Deira et Bernicia redevinrent païens avec à leurs têtes, Osric (cousin d'Edwin de Deira) et Eanfrith (fils de Aethelfrith de Bernicia, frère des futurs rois Oswald et Oswui) respectivement. James le Diacre resta à Deira, probablement à York et Paulinus s'enfuit avec la

69 Picard, « Irish Exile of Dagobert II,» 46-49.

70 Bède Ecclesiastical History 2.9. En fait ce fut son deuxième mariage, il avait convolé une première fois avec une princesse de Mercie.

71 Paulinus réussit partiellement sa mission de conversion, car il était seul, accompagné seulement il semble par James, qui acquit le titre de Diacre seulement en 633, lorsque Paulinus quitta Northumbrie. 72 Bède Ecclesiastical History 2.14.

73 Le fait que James le diacre pu rester à Northumbrie nous fait penser que la religion chrétienne avait sa place dans le royaume, elle n'était cependant plus la religion du chef de guerre.

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reine à Kent. C'est donc dire qu'après Edwin, Bernicia et Deira se dissocièrent, retrouvant leurs indépendances. Entre les deux régions une cohésion n'existait donc pas, jusqu'à ce qu'Oswald revienne à Northumbrie et réunisse les deux sous-royaumes.

Après la mort d'Eanfrith, Oswald se trouva être le roi de Northumbrie, formé alors des sous-royaumes de Bernicia, Deira et Lindsey entre 634/5 et 42. Cependant, la base de son pouvoir se trouvait être à Bernicia74. Oswald, exilé entre 616-634/5

(durant le règne d'Edwin), fut baptisé en Irlande, son territoire d'accueil et se trouva être un fervent protecteur de l'Église irlandaise/écossaise75, en y apportant soutiens

politiques et biens territoriaux76. C'est ainsi qu'Aidan arriva dans le royaume de

Northumbrie à la demande d'Oswald et fonda Lindisfarne, monastère insulaire, convenablement proche de Bamburg où se trouvait une des résidences d'Oswald. Après l'arrivée des moines irlandais, en moins de vingt ans une poignée de monastères vit le jour à Bernicia, dont la majorité était reliée à Lindisfarne sous le concept de paruchia. Ce système était particulièrement important à Bernicia où une véritable « toile » monastique s'installa. En effet, au XIe siècle, Lindisfarne, qui était

originellement associé au monastère de Iona, exerçait une « suprématie » sur un groupe important de monastères de Bernicia, comprenant Melrose, Abercorn, Coldingham, Norham, Tynningham et probablement Tilmouth77.

74 Higham, Kingdom of Northumbria, 125-132. En fait, la lignée de Yffi de Deira continua à être à la tête de Deira, mais devait payer un tribut au fils d'Aethelfrith. Toutefois, lorsque Oswuine se rebella contre Oswui qui avait remplacé son frère, il se fit tuer par le nouveau roi et ce dernier plaça au pouvoir de Deira son neveu Oethelwald, fils d'Oswald. Ce dernier lui devait allégeance, c'est donc dire que Bernicia était hiérarchiquement supérieure à Deira.

75 Higham, Kingdom of Northumbria, 127. Nous disons ici, Église écossaise car Oswald envoya une demande à Iona de lui envoyer des moines pour son pays. Iona avait été construit par un moine Irlandais, Columba (mort en 597). Iona se trouve à être une île monastique sur les côtes de l'Ecosse, qui se trouva être le point d'encrage de missions pour les royaumes Pietés et Northumbrie.

Higham, Kingdom of Northumbria, 127. Higham nous indique que sa préférence pour l'église irlandaise/écossaise et sa concentration religieuse à Bernicia lui servit en partie à se distinguer d'Edwin qui avait choisi l'Église romaine et s'était localisé à Deira.

77 Michael Roper, « Wilfrid's Landholdings in Northumbrian,» dans Saint Wilfrid at Hexham, éd. D.P. Kirby (Newcastle upon Tyne: Oriel Press, 1974), 66.

(26)

3.3.2 Problèmes entre deux Églises

La question de la religion en est une de première importance pour le développement de l'art et de l'architecture dans la région de Northumbrie. L'émulation religieuse du royaume divisé en deux factions à l'époque anglo-saxonne est souvent, pour ne pas dire à tous les coups, vue comme étant la source principale de l'évolution culturelle de la région.

Selon Bède, la principale différenciation entre des deux groupes religieux, qui semble avoir causé les plus grands problèmes à Northumbrie est la différence dans la façon

no

de calculer Pâques . Les Irlandais célébraient Pâques le dimanche se trouvant être entre le 14 et le 20 du mois de Nisan, le premier mois du calendrier juif, alors que les « Romains » célébraient Pâques le dimanche entre le 15 et le 21 du mois de Nisan. C'est ce qui, aux dires de Stephanus, amena Oswui à appeler le synode de Whitby pour régler la question et qu'ainsi tout le monde puisse fêter Pâques le même dimanche79. Toujours selon Stephanus, le synode de Whitby est le point marquant le

l'histoire ecclésiastique du royaume. Il nous dépeint le synode comme ayant changé le futur religieux de Northumbrie, passant ainsi d'une époque « celte » à une époque « romaine ». Après le synode, certains Irlandais qui ne voulaient pas se plier aux nouvelles règles quittèrent Northumbrie, la plupart, comme Colman, évêque de Lindisfarne, rejoignirent Iona80.

Le synode se tint en 664 au monastère Whitby de l'abbesse Hilda. Comme nous venons de le mentionner, c'est Oswui, frère d'Oswald, maintenant roi de Northumbrie qui convoqua le synode. Il était marié à Eanfled, fille du défunt Edwin de Deira , qui fêtait Pâques entre le 15 et 21 de la Nisan, alors que lui-même célébrait Pâques entre le 14 et le 20 de la Nisan. Son fils, maintenant chef de Deira et qui fêtait Pâques comme sa mère, de la façon « romaine », fît selon toute vraisemblance pression sur

78 La question de la tonsure a également été abordée. Les moines irlandais avaient la tête rasée en avant, d'une oreille à une autre, alors que les moines de l'Église romaine avaient la tête rasée en couronne, à l'image disaient-ils de la couronne d'épine de Christ.

79 Bède Ecclesiastical History 3.25. 80 Bède Ecclesiastical History 4.4. 81 Bède Ecclesiastical History 3.15.

(27)

son père pour qu'il tienne le synode83. Après avoir discuté des différentes méthodes

de calculer Pâques, Oswui déclara que ses gens devaient suivre la méthode romaine. A première vue, le geste du souverain était pleinement religieux. Cependant, ce geste était probablement tout aussi, sinon plus politique. En effet, Oswui et Alhfrith avaient des problèmes l'un envers l'autre84. Le geste d'Ahlfrith de choisir la méthode

romaine de calculer Pâques et ainsi faire une distinction entre lui et son père pouvait lui apporter un soutien politique important dans une quête d'indépendance et de pouvoir suprême. Nous sommes peut-être également en présence d'une dernière tentative des différents groupes ou clans importants (derrière Alhfrith) de Deira de se séparer de Bernicia.

En fait, nous croyons que le synode de Whitby n'a probablement pas eu l'impact historique et religieux qu'on lui associe85. Oswui et sa femme étaient mariés depuis

plusieurs années et la question de la double Pâques n'avait jamais été un problème majeur par le passé. De plus, nous pouvons voir que F affrontement entre Oswui et son fils ne remontait pas seulement à l'époque du synode de Whitby. En 660, avant le synode, Alhfrith nomma Wilfrid abbé de Ripon et cette nomination peut également être interprétée comme étant un geste politique de la part d'Ahlfrith. Ripon avait déjà un abbé, Eata, qui suivait l'enseignement irlandais ayant déjà été abbé de Melrose. Que ce dernier ait été « détrôné » par ordre de Ahlfrith pour un nouveau venu (Wilfrid), peut être interprété comme un geste divisionnaire entre deux Églises oui, mais également entre Deira et Bernicia et surtout entre le fils et le père86. Ce qui

82 Alhfrith, qui était chef de Deira, était soumis à son père, chef de tout Northumbrie.

83 Bède Ecclesiastical History 3.25. Voir également Mayr-Harting, The Corning ofChristianity, 103-113. Lors du synode, Alhfrith se trouvait du côté « romain », tout comme Wilfrid, Agilbert, évêque des Saxons de l'ouest et venait de Gaule, James le diacre (qui était arrivé avec Paulinus) et Romanus (chapelin de Eanfled). Pour représenter la position irlandaise, se trouvait Colman, évêque de

Lindisfarne, Hilda abbesse du monastère et l'évêque Chad.

84 Le fait qu'après le synode de Whitby Alhfrith disparaît de Ecclesiastical History, veut peut-être dire que Ahlfrith se serait plus tard, rebellé contre son père, essayant probablement de séparer Deira de Bernicia ou même de détrôner son père.

85 Thacker, « Bede and the Irish,» 46. Thacker en arrive aux même conclusions.

86 Lorsque Edwin était roi de Northumbria, son pouvoir se concentrait à Deira. De plus, Oswui avait dû s'exiler en Irlande pendant le règne d'Edwin. Cependant, lorsqu'Oswui revint à Northumbrie à la mort d'Edwin, il maria la fille de ce dernier pour des raisons politiques. Comme nous le savons, le pouvoir d'Oswui se concentrait sur Bernicia. Il est facile de voir la relation entre père et fils comme

(28)

nous amène à nous pencher sur la question du personnage de Wilfrid, qui semble avoir marqué l'histoire religieuse de Northumbrie comme peu de gens peuvent marquer leur époque.

3.3.2.1 Wilfrid

La relation entre Wilfrid et Northumbrie est un thème qui suscita plusieurs discussions ou commentaires historiques et artistiques. Vu comme un homme politique plus qu'homme ecclésiastique, il engendra plusieurs polémiques autour de lui et ses gens.

Le présumé antagonisme entre Wilfrid et les religieux de « l'Église » irlandaise de Northumbrie est à la base de plusieurs études historiques et artistiques87 et pour cause,

puisque Wilfrid est considéré le champion de l'église romaine de Northumbrie. Cette image du champion de la cause « romaine » remonte à l'époque anglo-saxonne elle-même, lorsque Stephanus de Ripon écrivit La Vie de Wilfrid À défaut de meilleure description, nous pourrions dire que le zèle plutôt excessif de Stephanus de Ripon à l'égard de Wilfrid pourrait irriter le plus apathique des lecteurs et il n'est donc pas facile de temporiser l'image que l'on se fait de l'évêque Wilfrid en lisant Stephanus88.

Mais cet antagonisme est aujourd'hui de plus en plus remit en question. Bien que Wilfrid est reconnu comme étant le champion « romain » ayant pris ce parti au synode de Whitby, il garda contact avec l'Irlande et avait probablement un grand respect pour ces religieux celtes. Premièrement, il faut se souvenir qu'avant de s'embarquer pour le continent, Wilfrid étudia au monastère de Lindisfarne. Il entra

étant un jeu de force et de pouvoir entre les cercles aristocratiques de Deira (du temps d'Edwin) et de Bernicia.

87 Neuman de Vegvar, Northumbrian Renaissance, 60-105, 106-167.

88 Stephanus Life of Wilfrid xlvii. Nous retrouvons un bon exemple (parmi tant d'autre) de la verve excessive de Stephanus face à la vie de Wilfrid qui raconte les péripéties de l'évêque au synode d'Austerfield. Dans ce passage, nous pouvons facilement nous imaginer Wilfrid comme un religieux égocentrique et suffisant se voyant seul et unique « sauveur » des Northumbriens devant l'impureté et la folie religieuse des moines irlandais. «... After the death of those elders whom Pope Gregory sent to us, was I not thefirst to root out from the Church the foui weeds planted by the Scots ? Did / not convert the whole Northumbrian nation to celebrating Easter at the proper time as the Holy See demanded, and to having the proper Roman tonsure in the form of a crown instead of your old way of shaving the back of the head from the top down? Did / not teach you to chant according to the practice of the early Church ... Did / not bring the monastic the monastic life into line with the Rule of St Benedict never before introduced into thèse parts?... » (l'emphase est mienne)

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au monastère-mère de Northumbrie en 648 , à l'époque où Aidan en était abbé et évêque de Northumbrie jusqu'en 651, puis sous Finan son successeur90. C'est lorsque

Finan était évêque de Northumbrie que Wilfrid partit en pèlerinage sur le continent91.

Il ne faudrait pas sous-estimer l'importance de ces premières années au monastère de Lindisfarne. Même si plusieurs années plus tard il se trouva en opposition au nouvel évêque Colman du monastère-mère, il ne faudrait pas être aveuglé par la verve excessive de Stephanus et voir automatiquement dans les agissements de Wilfrid une preuve d'irrévérence que ce dernier aurait eue pour les moines et monastères d'origine irlandaise.

En effet, certains faits relatés par Stephanus et Bède nous font croire que Wilfrid était favorable aux séjours en Irlande pour les moines de Northumbrie voulant parfaire leurs études monastiques. Un bon exemple est le Northumbrien du nom de Willibrord qui fut éduqué sous Wilfrid au monastère de Ripon . En 678, la même année que l'expulsion de Wilfrid par Ecgfrith, Willibrod quitta Northumbrie pour aller étudier en Irlande, au monastère de Rath Melsigi . Il fut un important missionnaire anglo-saxon, allant évangéliser la Frise94. Il est intéressant de noter

qu'en 703 en chemin vers Rome, Wilfrid s'arrêta en Frise et resta chez son ancien pupille, maintenant archevêque. Les liens entre Wilfrid et Willibrord étaient donc toujours existants, même une fois que Willibrord se trouvait sur le continent. De plus, l'auteur anonyme de la vie de saint Cuthbert mentionne qu'un moine venant de Frise, d'un des monastères de l'archevêque Willibrord était venu à eux au monastère de Lindisfarne95. Si l'animosité entre les Celtes et Wilfrid avait été aussi importante que

89 Stephanus Life of Wilfrid ii.

90 Bède Ecclesiastical History 3.27; Higham, Kingdom of Northumbria, 125-132. 91 Stephanus Life of Wilfrid iii.

92 Stephanus Life of Wilfrid xxvi.

93 Michael Richter, « The English link in Hiberno-Frankish relations in the seventh century,» dans

Ireland and Northern France, éd. Jean-Michel Picard (Dublin: Four Courts Press, 1991), 114.

94 Bède Ecclesiastical History v. 10-11. La relation entre Willibrord et Ripon (et par conséquent Wilfrid) est mise à l'écart par Bède. Pour une analyse de cette non-information, voir Goffart,

Narrators ofBarbarian History, 317-8.

95Anonymous, Life of Saint Cuthbert dans Two Lives of Saint Cuthbert. A Life by an Anonymous Monk

(30)

le laisse transpirer le texte de Stephanus, le pupille de Wilfrid n'aurait jamais eu un si grand intérêt pour les monastères irlandais ou d'origine irlandaise tout en gardant un contact avec son maître et ami.

De plus, nous avons déjà indiqué que Wilfrid aurait eu un rôle à jouer dans le retour d'exil du roi mérovingien Dagobert II96. En effet, Stephanus de Ripon nous indique

que Wilfrid aurait aidé le roi Dagobert II à retourner en Austasie. Stephanus indique qu'après avoir été informé par des voyageurs que Dagobert était encore en vie, des amis et membres de sa famille demandèrent à Wilfrid d'aider Dagobert à retourner en Gaule mérovingienne . Le fait que Wilfrid ait eu quelques agissements, majeurs ou non, dans le retour de Dagobert, indique qu'il avait des contacts et conduits qu'il entretenait avec l'Irlande. Les historiens ont émis des hypothèses quant au monastère où Dagobert aurait vécu ses années d'exil. Une des possibilités la plus crédible est le monastère de Rath Melsigi, monastère où l'élève de Wilfrid, Willibrord alla étudier avant de devenir missionnaire en Frise98. Il ne faudrait pas oublier non plus

qu'Agilbert, l'évêque de Francia ayant pris le parti « romain » au synode de Whitby, avait également étudié en Irlande et que Wilfrid aurait pu prendre certains de ses contacts irlandais99. Wilfrid avait donc des relations en Irlande et en France

mérovingienne.

3.3.2.2 Wilfrid à Lyon

Un passage qui suscite la controverse chez les historiens mérovingiens est celui où Stephanus raconte le séjour de Wilfrid à Lyon en compagnie de l'évêque Aunemund100. Selon Stephanus, lors de son premier voyage vers Rome, Wilfrid

passa plus de temps à Lyon qu'à Rome et il eut donc tout le temps de se familiariser

Press, 1940), xvi. À noter que Bède reprend l'histoire du miracle de la guérison du moine de Frise. Bède, Life of Cuthbert dans The Age ofBede, xliv.

96 Voir page 11-12.

97 Stephanus Life of Wilfrid xxvii; Picard, « Irish exile of King Dagobert II,» 46. Il est peu probable, voir même carrément impossible que l'histoire des deux voyageurs soit véridique. Il est impossible que l'aristocratie d'Austrasie et même de Neustrie aient oublié que Dagobert était en Irlande et qu'ils aient coupé tout contact avec lui, du moins assez pour ne plus savoir s'il était encore en vie.

98 Une autre possibilité est le monastère de Sale. Picard, « Irish exile of King Dagobert II,» 44. 99 Bède Ecclesiastical History 3.7. Pour les liens possibles entre Wilfrid, Agilbert et l'Irlande, voir Richter, « English link in Hiberno-Frankish relations,» 114.

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avec le rôle d'évêque en Bourgogne. Les historiens font ainsi un lien entre son séjour à Lyon et sa supposée vision des évêchés de Northumbrie à l'image des évêchés de France. Le témoignage de Stephanus comporte cependant plusieurs problèmes qui apportent un bémol à l'importance du lien entre Wilfrid et le Sud de la France et également sur la connaissance intime de Wilfrid au sujet de la politique derrière les évêchés mérovingiens. Premièrement, pour Stephanus, l'évêque de Lyon se nommait Dalfinus, alors qu'en réalité son nom était Aunemund101. Si Wilfrid avait vraiment

été si proche de l'évêque de Lyon, Stephanus aurait certainement su le nom de ce dernier. De plus, la présence de Wilfrid lors de l'assassinat de l'évêque est maintenant remise en question. Paul Fouracre et Richard Gerberding indiquent qu'il est absolument impossible que Wilfrid ait été présent à la mort de l'évêque de Lyon, puisque des Chartres prouvent que Wilfrid était en Angleterre en 658 et qu'Aunemund était encore en vie en 660. De plus, Acta Aunemundi ne fait aucune mention de Wilfrid. S'il avait été vraiment proche de l'évêque, ce texte important en aurait sûrement fait mention.

Comme nous venons de le voir, les relations entre Wilfrid et l'Irlande étaient probablement plus importantes et de meilleure qualité que Stephanus ne le laisse entendre. De plus, bien que Wilfrid ait vraiment passé une période importante à Lyon, nous ne savons pas vraiment les relations entre l'évêque de Lyon et Wilfrid. Alors que, comme nous l'avons vu avec Dagobert II, il y avait un lien important entre le nord de la France mérovingienne, certains abbés irlandais comme Ultan et ses frères et Wilfrid lui-même.

3.3.2.3 Wilfrid et Benedict Biscop.

Un autre lien non moins important et tout aussi non apparent lorsque nous lisons les écrits historiques du haut Moyen Âge de Northumbrie est celui entre le monastère de

100 Stephanus Life of Wilfrid iv, vi.

101 Stephanus Life of Wilfrid iv, vi; Paul Fouracre et Richard A. Gerberding éd. et trans., Late

Merovingian France: history and hagiography, 640-720 (Manchester, New York: Manchester

University Press, 1996), 173-174. Le nom de Dalfinus a souvent été interprété comme étant le frère de l'évêque de Lyon, un homme qui avait un pouvoir séculaire dans cette cité mérovingienne. Cependant,

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Wearmouth-Jarrow et l'évêque Wilfrid. Tout d'abord, il y eut le tout premier voyage vers Rome. Wilfrid et Benedict Biscop, le fondateur de Jarrow-Monkwearmouth, firent le voyage ensemble jusqu'à Lyon où Benedict Biscop laissa Wilfrid pour continuer vers Rome. Le long de la route vers Lyon, Benedict Biscop et Wilfrid eurent donc tout le loisir de faire connaissance, tisser des liens et surtout visiter les

i r\n.

mêmes monastères et églises . De retour à Northumbrie et après avoir fondé son premier monastère, Benedict Biscop demanda au moine Ceolfrith de venir le rejoindre à Monkwearmouth. Ceolfrith avait été tonsuré au monastère de Gilling proche de York (Deira), un monastère royal, puisque fondé par le roi Oswui. Il y était en compagnie de son frère Cynefrith (qui, plus tard alla étudier les écritures en Irlande) et son cousin Tunberht qui était probablement l'abbé de Gilling103 et qui

devint en 681, évêque d'Hexham alors que Wilfrid était en exil104. Ce n'est toutefois

pas de Gilling que Benedict Biscop appela Ceolfrith mais de Ripon. En effet, Gilling fut décimé par la peste et les survivants furent accueillis par Wilfrid au monastère de Ripon. Ceolfrith se trouvait donc sous la tutelle de Wilfrid et c'est à ce dernier que Benedict Biscop demanda la permission pour que Ceolfrith soit muté de Ripon à Wearmouth. Un autre élève de Wilfrid qui était également en relation avec Monkwearmouth-Jarrow est l'évêque Acca. Ce dernier était un bon ami de Bède qui lui dédia plusieurs de ses ouvrages. Il aurait été un grand partisan et ami de Wilfrid105

et aurait été nommé Evêque de Hexham en 709 à la mort de Wilfrid .

C'est donc dire que dès le début de Wearmouth-Jarrow, il existait des liens importants entre les monastères de Wilfrid et Wilfrid lui-même et les monastères et moines de Benedict Biscop.

bien que Acta Aunemundi indique que le frère de l'évêque fut également assassiné, on ne mentionne jamais le nom du frère. Nous n'avons aucune indication que Dalfinus était son nom.

102 Eric Fletcher, « The influence of Merovingian Gaul on Northumbria in the 7* Century,» dans

Médiéval Archaeology 24 (1980): 69-84.

103 Anonymous, History ofAbbot Ceolfrith dans The Age ofBede, ii.

104 Bède Ecclesiastical History iv.12, 28. Stephanus Life of Wilfrid xx\\. C'est le même évêque Tunberht, cousin de Ceolfrith de Wearmouth-Jarrow qui perdit le siège épiscopale d'Hexham au profit de Saint Cuthbert (684).

105 Bède Ecclesiastical History v. 19-20. 106 Bède Ecclesiastical History v.23.

(33)

4 Architecture

4.1 Architecture irlandaise monastique

Si de grands monastères cénobites existaient en Irlande, peu ont été étudiés, non en raison d'un manque d'intérêt, mais d'un manque de matériel sur lequel travailler. Les fouilles archéologiques sont en effet rares et maigres107. Par exemple, du monastère

de Clonard, au nord-est de Durrow, qui comptait des moines par centaines et qui était un important centre d'études où de nombreux moines d'autres régions ou royaumes et même du continent venaient s'instruire, rien ne subsiste, ni oratoire, ni cellule ou

108

rempart Nous en savons assez toutefois pour se faire une idée générale de la composition de ces grands monastères irlandais. Si l'organisation de ces derniers et des petits ermitages ont souvent été comparés aux monastères de Jarrow et Wearmouth comme étant antagonistes d'un point de vue de leurs planifications, il est faut de dire que les monastères irlandais étaient désorganisés. L'étude de Herity nous indique que les monastères irlandais, souvent décrits comme des imbroglios de formes, sans ordre apparent, étaient pourtant planifiés et que ces plans se comparent les uns aux autres. De plus, si les monastères de grandes envergures n'ont pu recevoir l'attention qui leur ait dû109, un plus grand nombre de sites monastiques plus petits,

tels que les ermitages des régions occidentales de l'Irlande ont été plus sérieusement étudiés. Nous avons donc une meilleure idée de leur planification qui, bien que plus simple, avait une organisation rappelant celui des monastères plus importants.

Premièrement, les limites territoriales des monastères étaient marquées d'un mur et d'un fossé, ce qui formaient un vallum (rempart) qui encerclait les monastères, pouvant même contenir les ateliers ou les jardins110. La plupart de ces limites

physiques encerclaient le monastère, c'est-à-dire que la forme du rempart était courbe. Toutefois, certaines pouvaient être rectangulaires, comme au monastère de

107 Mytum, Origins of Early Christian Ireland, 83. 108 De Paor et de Paor, Early Christian Ireland, 52.

109 Mytum, Origins of Early Christian Ireland, 80-84. Si peu de grands monastères n'ont pu être fouillés en raison des reconstructions tardives se trouvant sur les sites, plusieurs études topographiques et de photographies aériennes ont été faites ces dernières années, nous aidant à discerner les plans de ces monastères.

Figure

Fig. 3 Groupe épiscopal de Paris, France.
Fig 8 Église Saint-Jean, Escomb, Durham, Angleterre,  (d'après Ferme, Architecture ofthe Anglo-Saxons

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