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Les rapports patrimoniaux des époux découlant du mariage et des régimes matrimoniaux au Canada

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(1)

0

' ; ;

THESE PRESENTEE

'

.

. . .;

A L'INSTITUT DE DROIT COMPARE .

.

""

DE L'UNIVERSITE McGILL POUR L'OBTENTION DU GRADE DE MA!TR!SE EN DROiT

PAR

DENYSE GUAY-ARCHAMBAULT

, f. , ,

LES RAPPORTS PATRIMONIAUX DES EPOUX DECOULANT

;

.

.

DU MARIAGE ET DES REGIMES MATRIMONIAUX AU CANADA

,

(2)

;

"

RESUME

Le droit des provinces canadiennes anglaises est une emanation 1du droit en vigueuren Angleterre au dix-huitieme

siecle. C'est done d'abord

a

travers la "common lawn et. ensui-te. les lois anglaises que nous voyons se developper le droit patrimonial de la famille actuellement en vigueur au Canada ~~glais. Nous voyons comment on y est passe d'une conception individualiste de l'union conjugale en ce qui regarde le patri-moine des epoux

a

la notion de "family asset .. que l'on trouve

dans les legislations recentesc

Le droit au Quebec n'a pas suivi la meme voie que chez ses voisins. Puisant

a

la source frangaise, il n'a pas garde des lien·s aussi etroi ts avec la mere-patrie. Cet element, joint au caractere civiliste de notre droit a pour consequence que c•est au Code civil que l'on trouve la regle de droit pri-ve. C'est done

a

partir du Code civil du Bas-Canada et de ce-lui, tout recent, du Quebec, que nous comparons la reglementa-tion des rapports pecuniaires entre epoux au Quebec avec les recentes legislations ailleurs au Canada.

(3)

The English origin of the law in the Common law juris-dictions in Canada makes it mandatory for the student to study common law and English statute law. It is through those that we see the development of a family property law in English Canada. · From an individualistic view of the spouses}, propertyt we see the emergence of the idea of "family assets" which has

been "enshrined" in recent legislation.

The law of Quebec has evolved differently. Though of French origin, it has,not kept as near its mother-country as its neighbour's has done with English law. Together with its civilian character, this resuits in-its principles of private law being found in the Civil Code. It is then essentially in the Lower Canada Civil Code and in the newly adopted'Code civil du Quebec .. that we see the law on family property. We .

compare it with recent legislation in the Common law juris-dict-ions in Canada.

(4)

i

. '

TABLE DES MATIERES •••••••••••••••••••••• • .••••••••••••••• ., • i

.

, ...

INTRODUCTION GENERALE ••••..• ., . . . • 1

I - Les rapports patrimoniaux des epoux dans les provinces canadiennes de "common law" ...

6

iNTRODUCTiON • ••••.••••••••••• ~· •.•••••••••.••••...•••••• 7

-1. La situation des epoux pendant le mariage •••••••••• 9 1 .1. La •• common law" ... 9 1 2 L• • t " eq • t .,, 10

Ul.. y ••••••••••• o • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • •

1.J. Les "restraints on anticipation"••••••••••••••10 1.4. Les Married Women's Property Acts ... 11 1.5. La protection de la residence familiale ••••••• 12 1o5.1. Le droit d'habitationo•••••••a•••••••••12. 1.5.2. Le homestead ... 15 1o5•J• Les lois nouvelles ••••••••••••••••••••• l? 2. La situation des epoux

a

la dissolution •••••••••• o.20 2.1. Le "dower" et le "curtesy" •••••••••••••••••••• 20 2.2. Les techniques de partage ••••••••••••••••••••• 21 2.2.1. Le droit des biens en "common law•• ••••• 21 2.2.2. Application du droit des biens

a

la

dissolution du mariage •••••••.••••••• o.22 2.2.2.1. La presomption de donation •••• 2J 2.2.2.2. Le "trust"••••••••••••••••••••26 2.2.2.3. Les deux .. ecoles" de pensee ••• JO J• Les lois nouvelleso•••••••••••••••••••••••••••••••o42

).1. Le partage; un droit ou un privilege? ••••••••• 42 J.1.1. Le partage, un droit, ou les systemes

de partage differe ••••••••••••••••••••• 44 ).1.1.1. Les biens sujets

a

partage •••• 45 3.1.1.2. La discretion judiciaire ••••••

so

(5)

0

Le partage; un privilege, ou les

systemes

a

base de discretion

judiciaire •••••••••••••••••••••••••••• 53 ).1.). L'exercice de la discretion judiciaire~•••••••••••••••••••••••••••

55

).1 o J .1. En Angle terre ••••••••••••••••

55

).1.).2. Au Canada ••••••••••.••••••••• 58 CONCLUS-:i ON, •••••••••••••••••••••••••••.•••••••••••••••• 69

II - Les rapports patrimoniaux des epoux au Quebec; une

comparaison •••••••••••••••••••••••••••••••••••••••••• 70

INTRODUCTION •. •, •.•• ~ ~ .• ~ ••••• ~ •••• ~ . . . ~ •• 71

1. Deux points de vue•••••••••••••••••••••••••••••••••74 2. Le droit traditionnel••••••••••••••••••••••••••••••75 J. Le droit nouveau••••••••••••••••••••••••••••••••••e77 4. La li be.rte des conventions matrimoniales •.••••••••• 78

La situation des epoux pendant le mariage ••••••••••

ao

5.1. Le regime primaire •••••••••••••••••••••••••••• 8o 5.2. La protection de la residence familiale ••••• o.82 5.2.1. Les meubles •••••••••••••••••••••••••••• 82 5.2.2. L'immeuble ••••••••••••••••••••••••••••• 8J 5.2.3. La qualification des biens ••••••••••••• 85 6. La situation des epoux

a

la dissolution •••••••••••• 90 6.1. La residence familiale •••••••••••• a•••••••••••90 6.2. Les regles du partage ••••••••••••••••••••••••• 91· 6.J. Le partage; un droit ou un privilege7 ••••••••• 94 CONCLUSION •• . . . I t 100

(6)

i i i

-.

"' "'

CONCLUSION GENERALE ...• ~ •...••...•.••..•. 103

.

.

""

LISTE DES OUVRAGES ET DES ARTICLES CITES ...• ••••••••• ... 106

,

. .

.

.

.

.

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LISTE DES DECISIONS JUDICIAIRES CITEES ....•.•....•...•.• 111

.

.

"" ...

LISTE DES LOIS CITEES .. . . 117

.

.

,.

.

.

(7)
(8)

0

- 2

-Au Canada, la dualite culturelle a permis au droit de s'alimenter

a

deux sources dif'f'erentes. Des 166), le Canada, alors f'rangais, regoit par l'edit creant le Conseil souverain, le droit en vigueur en France. Le Traite de Paris, en 1763, est evasif quant aux lois devant regir la nouvelle colonie britannique. Il s'ensuit, la meme annee, la Proclamation Royale qui introduit le droit anglais au Quebec. Il s'ecou-lera alors une decennie avant que la colonie ne recouvre, par ltActe de Quebec, l'usage de ses lois civiles(!). Ce sont ces lois, fondees sur la Coutume de Paris, que l'on retrouve dans nombre de dispositions du Code civil de 1866( 2 )actuellement en vigueur au Quebec. La codification de ce droit coutumier mais ecrit, constitue la derniere phase de l'etablissement au Quebec d'un systeme de droit civil d'origine frangaise.

Un siecle apres l'edit du Conseil souverain, suite

a

la conquete, et surtout

a

l'arrivee massive des loyalistes fuyant l'Amerique revolutionnaire, le Canada anglais regoit le droit en vigueur en Angleterre le 15 octobre 1792. Le premier par-lement du Haut-Canada edicte en effet que, dans cette province, la propriete et les droits civils seraient regis par les lois

anglaises de l'epoque(J).Depuis lors, le droit, dans les provinces

{ ~ )

\l. An Act for Makin More Effectual Provision for the

Govern-ment of the Province of Quebec 1n North America, 1 Geo.

3, c.8,3; voir a ce sujet P.B. MIGNAULT, Le Droit civil canadien, vol. 1, Montreal, Theoret, 1895. p. 20

a

26.

(2) John E.C. BRIERLEY, Quebec's Civil Law Codification Viewed

and Reviewed (1968) 14 McGill L.J. 521.

{J) The Property and Civil Rights Act,

R.s.o.

1970, c. 367.

"In all matters of controversy relative to property and civil rights, resort shall be had to the laws of England as they stood on the 15th day of October 1792 •• o."o

(9)

c

anglaises, evolue dans le me~e sens qu'en Angleterre quant

a

la propriete et aux droits civils.

Si lea deux systemes de droit prive demeurent fondamen-talement differents, dans les faits, les Quebecois subissent fortement, semble-t-il, !'influence de leurs voisins. C'est ainsi qu'ils ont, en grand nombre et depuis fort longtemps. l'habitude d'adopter, par contrat de mariage, le regime ma-trimonial de la separation de biens. Face

a

cette situation, le legislateur cherche

a

adapter le droit aux faits. A cette fin, il adopte en 1969 le regime legal de la societe d'acquets. Plus recemmen~, soit le 19 decembre 1980, dans le cadre d'une revision globale preparee par l'Office de revision du Code ci-vi1(4), il adopte le Projet de loi no 89, Loi instituant un

nouveau Code civil et portant reforme du droit de la famille(5). Ce nouveau Code, appele Code civil du Quebec, doit co-exister avec celui du Bas-Canada tant que la reforme ne sera pas com-pletee. La premiere phase concerne le droit de la famille* C'est dans ces deux Codes que nous puisons des elements de com-paraison entre les systemes en vigueur au Canada, tentant de verifier !'affirmation voulant que:

Si les regimes communautaires s'impregnent peu

a

peu de separatisme, les ·regimes de separation doivent con-se:ygy ou reconstituer des institutions communautai-res •

..

(4) P.A. CREPEAU, Rapport sur le Code civil du Quebec,O.R.c.c., Quebec, Editeur officiel, 1977•

(5) Assemblee Nationale du Quebec, trente et unieme legislature. sixieme session, 1980. Ce Projet de loi est devenu le cha-pitre 39 des Lois du Quebec de 1980 aures la redaction de ce memoire. Nous y referons done plutot au Projet de loi. (6) Julliot DE LA MORANDIERE, in Preface

a

ROUAST Andre,HERZOG

J.B. et ZAJTAY I., Le Regime matrimonial legal dans les legislations contemporaines, Tx et recherches de l'Inst. de dro1t compare de~'Universite de Paris, T. XIV, sous la direction de A. Rouast, Paris, L'epargne, 1957, p. IX.

(10)

-

4-Contrairement au droit des provinces de "common law .. dont le developpement s'inscrit dans un processus historique, le droit prive du Quebec repose sur des principes quasi-im-muables enonces au 'Code civil. Cette difference nous oblige

a

en traiter differemment. Ainsi,

a

1'1nverse de l'approche historique, essentielle pour comprendre le droit en vigueur dans les provinces anglaises, nous limitons notre etude du

droit quebecois aux dispositions que l'on trouve au Code civil, et plus specialement

a

la reglementation des rapports patrimo-niaux des epotix.

Cette derniere expression recouvre plusieurs domaines dont; les obligations, les regimes matrimoniaux, les succes-sions et les liberalites. Pour les :fins de notre etude, nous ne traitons pas de ces dernieres. Quant aux obligations et

.

aux regimes matrimoniaux, nous en retenons surtout les elements susceptibles de comparaison. Vu les re:formes legislatives recentes au Canada anglais, il nous semble qu'une telle com~

paraison soit de nature

a

eclairer sur la portee de notre droit nouveau{

6

a>.

La premiere partie, la plus importante en terme de de-veloppement, consiste

a

etablir tout d'abord les bases ~u

droit des provinces de "common lawn pour en arriver ensuite aux rece:O.tes ref'onnes. Cette demarche nous apparait essen-tielle pour un juriste civiliste qui doit etre en mesure d'e-valuer les limites d'une comparaison comme celle que nous nous proposons de faire.

Si nous etudions plus longuement le systeme de "common law", il y a cela deux autres raisons. La premiere resulte du systeme lui-meme ou les institutions anciennes jouent un role important dans le droit nouveau. La deuxieme vient de l'interet pour le civiliste de decouvrir les fondements d'un

(6a) Voir

a

ce sujet Claude E. El\'IMANUELLI, Le droit compare selon une perspective canadienne (1980)

4o

R. du B.

75.

(11)

droit qui lui est si proche et si etrangerc c•est dans une deu-xieme partie que nous comparons certaines regles du droit quebe-cois au droit en vigeur chez nos voisins.

Le chevauchement des juridictions federale et provin-ciales en matiere de mariage a des incidences certaines sur le pouvoir des provinces de legiferer dans le domaine· des rap-ports patrimoniaux des epoux. Nous n'abordons pas cependant cet aspect du probleme qui deborde les cadres de cette etude.

(12)

I

T I T R E I

Les rapports . atrimonJ.aux des epoux

(13)

0

INTRODUCTION

Pltts encore qu'en droit fran~ais, la connaissance de l'histoire est indispensable lorsqu'on envisage le droit glais(7). On pourrait meme ajouter qu'etudier le droit an-glais, c'est etudier l'hi.stoire d'Angleterre. C'est done

dans une optiqqe historique que nous abordons l'etude du droit des provinces canadiennes, heritieres du droit anglais.

Nous nous proposons de voir lea rapports patrimoniaux des epou.x, tout d'abord en "common law .. , Si ce droit "coutu-mier" repond bien,

a

l'origine, aux besoins d'une societe feo-dale, il n'en va plus de meme lorsque la societe devient plus complexe et, surtout, s'oriente vers le .commerce. C'est

alors que l'equite vient s'y greffer afin de !'adapter aux realites nouvelles. On connait ensuite,

a

une epoque plus recente, la periode legislative. C'est

a

travers ces

diffe-rentes periodes que nous. nous proposons de voir, dans un premier temps. J.a si.tU.ation des epoux pendant le mariage.

Dans un deuxH~me temps, nous analysons la situation des epoux

a

la rupture. Nous voyons certaines institutions de "common law" comme le "dower" et le "curtesy", mais nous nous interessons surtout aux techniques de partage developpees par les tribunaux afin d'attenuer la rigueur de la separation

de biens. c•est ainsi qu'apres avoir vu la presomption de donation, nous etudions plus longuement le utrustu, cette creation des tribunaux d'equite qui a joue un role primordial en dro anglais. Nous identifions, pour terminer notre

expo droit traditionnel, les deux courants jurispruden.:. tiels qui se sont developpes autour du "trust" et ont inspire les recentes reformes du droit de la famille au Canada anglais.

(7) Rene DAVID, Les grapds systemes de droit contemEorains, 2~.

ed.,

Pa:t"iS, .. Dalloi,

1966,

p::ir.

264,

p. 319.

(14)

8

-Le legislateur, selon qu'il se rattache

a

l'un ou l'autre courant, fait du partage des biens un droit ou un privilege. c•est

a

partir de ce critere que nous regroupons les lois recentes pour les fins de notre etude. Nous voyons d'abord celles fondees sur le droit au partage de certains biens dits "familiaux". Nous analysons le contenu de cette derniere

notion dans les textes memes et, ensuite, dans la jurisprudence. Quant aux lois qui font du partage un privilege, c•est essentiellement dans 1 'e:xercice de la discretion judiciaire qu'on en voit.la po~e. Nous allons done suivre !'evolution de ce droit "discretionnaire"

a

partir des decisions anglaises ou il a droit de cite depuis plus de dix ans et, ensuite,

dans la jurisprudence canadie~~e.

Nous tenons

a

souligner ici que nous n'explorons pas systematiquement tous les aspects de toutes les lois provin-ciales adoptees ces dernieres annees sur le droit de la famille. Nous n'en retenons que ce qui touche la protection de la resi-dence familiale pendant le mariage et le partage des biens d'un menage

a

la dissolution judiciaire. Quant

a

la diversite des lois dans les provinces anglaises, elle est fort limitee. Certains affirment meme que le droit de la majorite des pro-vinces est celui de tout le Canada anglais(8). Nous nous

limitons done

a

etudier le droit en vigueur dans les provinces ou on s'est particulierement interesse

a

la reforme du droit ces dernieres annees.

Il faut noter qu'il n'est pas de tradition, dans les pays de "common law .. , de considerer la loi com.me expression normale du droit. La regle legislative n'y est pleinement incorporee que lorsqu'elle a ete appliquee et interpretee par les tri-bunaux. C'est done dans la jurisprudence que nous allons sur-tout chercher la regle de droit.

(8) Private Law in Canada:

cite par H.R. HAHLO, # • • • - - - . -

(15)

-0

1 • La. situation des epoux pendant le mariage 1.1. La "common law ..

I will be master of what is mine own;

She is my goods, my chattels; she is my house,

My household stuff, my field, my barn My horse, my ox, my ass, my anything

t9).

Voila la situation que la "common law" reserve

a

la femme mariee. Elle y est incapable d'administrer ses biens. C'est son mari qui le fait, il peut meme les aliener. Elle

est sous sa tutelle. Son mari ne peut evidemment contracter avec elle. Ce serait lui reconnaitre une existence propre qu'elle n'a pas.

By marriage, the husband and the wife are one person in law: that is, the very being or legal existence of the woman is suspended during the marriage, or at least is incorporated and consolidated into that of the husband (10).

Dicey decrit dans les termes suivants la situation des epoux en "common law":

( ••. )a husband on marriage became for most purposes the almost absolute master of his wife's property. The whole of her income, from whatever source it came (even if it were the earnings of her own work or professional skill), belonged to her husband. Then, too, a married woman, because her personality was merged in that of her husband, had no contractual capacity, i.e. she could not bind herself by a

contract. Her testamentary capacity was extremely limited; she could not make a devise of her freehold property, and such testamentary powers as she possessed with regard to personal property could be exercised only with the consent of her husband, and this

consent when given, might be at any time revoked.

(9) PETRUCHIO, The Taming of the Shrew, Acte III, Scene 2, de Shakespeare.

(10)

\v.

BLACKSTONE, Commentaries of the Laws of England,

(16)

10

-If she died intestate the whole of her personal estate either re~ained her husband's or became his on her death (11J.

On a pu,

a

une certaine epoque, justifier l'unite de direction par la necessite d'un vote preponderant dans les decisions qui affectent la famille. Devait-on, pour autant,

y ajouter le pouvoir exorbitant du mari sur les biens de sa

femme(12)? Les tribunaux d'equite ont repondu

a

cette question. 1.2. L'"eguity"

C'est

a

la fin du seizieme siecle que ces tribunaux recon-naissent la capacite de la femme mariee quant

a

certains biens. Elle peut disposer, tout comme si elle etait celibataire,

des biens qui lui sont attribues

a

titre personnel. C'est

la reconnaissance de ce droit ("equitable separate estate") qui ouvre une premiere breche dans l'unite du couple sur le plan

juridique.

l.J. Les "restraints on anticipation"

L'accession de la femme mariee

a

la capacite d'admi-nistrer et d'aliener ses biens personnels en fait, croit-on, une victime toute designee pour la captation. La Cour de la Chancellerie ressuscite done, au debut du dix-neuvieme siecle, la notion de sexe faible que connaissait le droit romain(1J). Comme rien n'empeche plus la femme mariee de dilapider ses biens propres, on pourra les lui transmettre avec stipulation d'incessibilite. C'est le "restraint on anticipation .. qui

( 11) A. V. DICEY, Law and Public Opinion in Englan.d,, 2e ed. London, Mac Millan and Co., 1962, p. 373-374.

(12) Ernest CAPARROS, Les lignes de force de !'evolution des regimes matrimoniaux en droits compare et guebecois, Montreal, P.U.M. 1975, p.29.

(17)

"anticipe" de la faiblesse du sexe. Il peut sembler etonnant que cette faiblesse ne soit le fait que des femmes mariees.

Le droit des biens continue, en effet,

a

s'appliquer aux

fe~mes celibataires(14).

1.4. Les Married ~omen's Pro£erty Acts

A partir de 1870, les differents Married Women's Property Acts(15) viennent parachever l'oeuvre d'emancipation de la

femme mariee commencee par la doctrine du "equitable separate estate", par !'introduction,. en Angleterre, de la separation de biens. · Il est interessant de noter ici que c.e "regime"

venait d'Amerique. En effet, le Massachussetts le connaissait depuis 1845, tout comme plusieurs autres colonies americaines, dont le Nouveau-Brunswick. Ses promoteurs citent d'ailleurs volontiers·les colonies d'Amerique en exemple

a

leurs compa-triotes ( 16 ) •

Lorsque l'Ontario adopte

a

son tour The Married Women's Property Act, 1884(17), il ne fait que reprendre

a

son compte une institution

deja

"acclimatee". Il opere la la plus impor-ta~te reforme jamais faite en Ontario en ce qui regarde les droits patrimoniaux de la femme mariee:

It is the only fundamental legislative reform in ~roperty righ~s of married w<?mel'} tbat has occurred l.n the long hl.story of Ontar1.o ~ 18}.

Le legislateur y reprend la doctrine du "equitable sepa-rate estate". Il donne

a

la femme mariee pleins pouvoirs sur

(14) Report on Family Law, Part. IV, Family Property Law, Ontario Law Reform Commission, Ministry of the Attorney General, 1974,

a

la P• 19, dorenavant cite Ontario Repgrt.

{15)

Plus particuliement la loi de 1882, 45 et

46

Vict. eh.

75.

(16) Voir

a

ce sujet W.H. HOLLAND, Reform of Matrimonial Pro-perty Law in Ontario (1978) 1 Rev. Canadienne de droit fa-milial

J,

p. 4, note 4.

(18)

12

-taus ses biens. Elle ne peut cependant contracter que si elle possede des biens propres. Cette anomalie est toutefois

corrig'e en Ontario en 1897(19)~

1.5. ~protection de la residence familiale

On retrouve le souci de proteger la ·femme mariee dans le traitement que reserve la "common law''

a

la residence fami-liale pendant le mariage. Ainsi, le ."dower" limi te le droit du mari de disposer de la residence familiale dont il est

propri'-taire ( 20). C 'est d 'ailleurs, aujourd' hui

~

·la seule portee pratique de cette institution(21)•. Par contre, le droit d'habitation a une portee beaucoup plus grande.

1.5.1. Le droit d'habitation

Ce droit decoule de !'obligation mutuelle de secours

et

d'assistance; en "common law", droit au "consortium"(22). S'y ajcute pour le mari !'obligation alimentaire envers son

epouse, obligation qui comporte celle de lui offrir un toit{2

3) •

••• One of the most obvious necessaries of a wife is a roof over her head, and if we apply the old rule

to modern conditions, it seems only reasonable to hold that when the husband is the tenant of the matri-monial home, the wife should have an irrevocable

(19)

Stat. Ont. 1897, c. 22; voir

a

ce sujet Ontario Report,

p. 20. (20)

(21)

tiers qui veut contracter avec le mari doit d'abord s'assurer de la renonciation de l'epouse au douaire. Elle pourra alors prendre les mesures conservatoires qu'elle

jugera opportunes.

P.W.

HOGG, Distribution on Intestacy (1973) 11 Osgoode Hall L. J. 479,

a

lap.

484.

(22) Voir Ontario Report, op. cit., p.J5, note

75;

voir aussi W.H. HOLLAND, loc. cit., note 16,

a

la note 107.

(19)

authority to continue the tenancy on his credit;· and when he is the owner of it she should have an irrevocable authority to stay there. This authority, like the old one, is based on an irrebuttable pre-sumption of law. The husb1nd cannot revoke it except by order of the court ••.

.

'

Cette opinion, Lord Denning l'exprime dans ·Bendall v. Me Whirter(24), decision qui voit triompher une certaine

ju-risprudence qui cherche a adapter le droit'aux realites

sociales et economiques de l'Angleterre d'apres-guerre. Lord Denning. y rend opposable aux tiers le droit de l'epouse

aba.""ldOI".u.""'lee d 'habi ter la residence familiale en vertu d 'un droit appele "deserted wife's equi tyi'. La Cour de la Chancellerie avait, un an avant cette decision, desavoue ce "rejeton••(25). A la su.ite de l'affaire Bendall il est pourtant adopte avec empressement par les tribunaux(26) jusqu'a son rejet definitif

pa~ la Chambre des Lords.

Le plus haut tribunal du pays, dans l'~ffaire National Provincial Bank v. Ainsworth(27), donne en effet raison au creancier hypothecaire qui saisit l'immeuble abritant la residence familiale. Le tribunal distingue les droits

(24) (1952) 2 Q.B. 466, a lap. 476 (C.A.). (,.,,, .::V;

Thompson v. Earthy (1951) 2 All. E.R. 235 (K.B.).

?erris v. Weaven (1952) 2 All E.R. 2JJ (Q.B.); Lloyd's Bank v •.

Oli ver' s Trustees ( 1953) 2 All E .R. 144) (Ch.); Bare lay's

B~~k v. Bird (1954) 1 All E.R. 449 (Ch.); Street v. Denham

(1954)

1

All

E.R. 532 (Hampshire Assizes); Woodcock v. Hobbs (1955) 1 All E.R. 445 (C.A.); Westminster Bank v. Lee (1955) 2 A. E.R. 88) {Ch.); Churcher v. $;treet (1959) 1 .ill.L E.R·. 23 (Ch.); voir egalement KAHN-FREUND, Matrimonial Property-Some Recent Developments (1959) 22 Mod. L. Rev. 241, a lap.

260, note 96.

(27) (196'5) A.C. 117') (1965) 2 All E.R. 472 (H.L.); voir ace SUJet, E.H. BURN~. Cheshire's Modern Law of Real Pro}2erty, 12e ed., London, Butterworths, 1976, p. 58J.

(20)

14

-reciproques des epoux de leurs rapports avec les· tiers. L'epouse abandonnee peut habiter l'immeuble appartenant

a

son mari

durant "bonne conduite .. et tant qu'un logement convenable ne peut lui etre fourni(28). Ce droit n'est cependant pas oppo-sable aux tiers. Il incombe au legislateur de corriger cette situation. C • est ce qu' il fait lorsqu • il adopt·e le Matrimonial Homes Act, 1967(29)qui accorde

a

la femme mariee .ce que la

juris-prudence lui avait refuse.

Inspiree des recomrnandations de la "Royal Commission on Marriage and Divorce"(30) que le professeur Kahn-Freund trouvait d'ailleurs peu hardies(31), la loi ne permet au conjoint d'in-voquer son droit d'habitation que s'il ne dispose d'aucun autre recours. L'epoux proprietaire ne peut. expulser son

conjoint qu'avec l'autorisation du tribunal. Le droit d'habita-tion grev~ l'immeuble, son enregistrement protege les tiers. On ne saurait pour autant affirmer que la regle de droit est maintenant bien etablie en Angleterre. Parfois le tribunal y fait appel

a

la regle de "common law" voulant que le droit de l'epouse depende de.sa "bonne conduite". Il importe peu de

savoir qui du mari ou de l'epouse.est proprietaire de l'immeuble.

Le tribunal ernettra une injonction contre le mari qui s'oppose

a

l'exercice de ce droit. Meme s'il en est coproprietaire, le tribunal lui refusera le droit d'occuper sa residence<32

(28) Ealden v. Halden (1966) 3 ALL E.R. 412 (C.A.).

{29) C.

75,

modifie par Matrimonial Proceedings and Property Act 1970 et Matrimonial Causes Act 19Z3·

(1956)

Cmd. 96?8, recom. nos ?8 et ?9. par. 319 et 320, par.

667-686

et s.

(Jl) KAHN-FREUND, Recent Le islation on Matrimonial Pro (1970) Mod. L. Rev. 01, a lap. 09.

(:32) Lord Denning dans Gurasz v. Gurasz (1969)

3

ALL E.R. 822 (C.A.); voir au merne effet Jones v. Jones (1971) 1 W.L.R. 396 {C .A.).

(21)

La

prononcer quanta la possession de la residence ne l'autorise pas

a

en exclure un conjoint<JJ).

Au Canada, meme si 1~ plupart des provinces ont lerifere dans le meme sens que l'article

1?

de la loi anglaise<J4 t le

droit n'apparait guere plus certain. Dans l'affaire Minaker v. Minaker<J5) la Cour supreme du Canada accorde la possession du

logis familial au mari proprietaire, contre son epouse. Par ailleurs, elle refuse d'entendre l'appel d'une decision ou le tribunal avait refuse d'expulser une epouse qui invoquait la presomption legale de "licep.ce". Il convient de noter ici la reticence des -tribunaux

a

chasser un conjoint de la residence familiale, tant

a

cause des consequences pecuniaires que psy-chologiques<J6>. L'analyse d'une serie de decisions etablit que les tribunaux canadiens suivent Ainsworth(J7)

a

defaut d'intervention du legislateur.

1.5.2. Le "homestead"

La premiere intervention legislative en vue d'assurer la protection de la residence familiale a lieu en ·.Amerique .. C'est sur ce continent, en effet, que les lois de "homestead" ont vu le jour. On en retrace l'origine dans une loi de la Republique

(JJ) Tarr v. Tarr (1972) 2 All E.R. 295 (H.L.); voir au sujet de la

res~dence familiale au·Canada

W.H.

HOLLAND, loc. cit., note 16,

a

la p. 28; voir aussi, Matrimonial Property, Institute of Law Research and Reform, The University of Alberta,

E~~onton 1974, p. 26, dorenavant cite sous Alta Report;

egaJ.ement III. CULLITY, Matrimonial Property, dans Studies

In Canadian Family Law,-Mendes da Costa, Vol. 1, Toronto, Butterworths, 1972, p. 207 et s.

(J4) 1967, c. 75 U.K.

(J5)

(1949)S.C.R.

397.

(J6) ~ewart v. Stewart (1947) 2 ALL E.R. 813 (C.A.).

(J7) Voir les decisions citees dans H.W. SILVERM&l, The Deser-ted Wife's Dilemma (1970) 18 Chitty's L.J. 218t voir aussi

(22)

16

-du Texas -du 26 janvier 18J9(J8). Ces lois, sans rapport avec la "common law .. ou l' .. equity",.ont·pour but d'assurer la paix sociale.

La

famille, element par excellence de stabilite, se voi t assuree d' un toi t. Le ~~homestead .. est, en effet:

the dwelling home constituting the family residence, together with .the land on whic~ it(is)situated and the appurtenances connected·therewl.th 39 •

Considerant sans doute plus important d'assurer un logement que le paiement des dettes, le legislateur soustrai t le ''home-stead" aux .creanciers posterieurs a sa creation, sauf s'il s'a-git de dettes encourues pour l'ameliorer. D'une fa<;on generale, il faut le consentement des deux epoux pour en disposer<4o). A defaut de ce consentement, la vente po.urra etre annulee. Le "homestead .. ' est maintenu en faveur de 1' epouse abandonnee et ses enfants. Il l'~st egalement, dans la plupart des etats americains, au dece$ du "homesteader"(41).

(J8) Voir pour la premiere loi de ce genre, Republique du Texas,

1 Paschal Dig. L. art. J798: lapremiere loi federale, Homestead Act, 1862; voir Ernest CAPARROS, Les lignes de

force de !'evolution des re~imes matrimoniaux en droits comnare et guebecois, op. Cl.t., note 12, P• 113 et s.; voir egalement Alan rJIIL1'iER, A Homestead Act for England?

(1959) 22 Mod. L. Rev. 458,

a

la p. 462. (J9) 40 C.J.S. Homesteads, par. 1.

(40} Id., par. 130, a.

(41) Voir ace sujet Ernest CAPARROS, Les lignes de force de !'evolution des re imes matrimoniaux en droits com are et guebecois, op. cl.t., note 12, a lap. 117, par. 11 •

(23)

Ce type de legislation se retrouve dans plusieurs provinces canadiennes(42). Ainsi, en Alberta et en Saskatchewan on refusera d'enregistrer une operation immobiliere

a

mains de s'etre conforme

a

la legislation sur le ''homestead .. ou d 'avoir declare n'y etre pas soumis(4J). Mais il ne suffit pas de soustraire la residence

aux creanciers. Nous avons vu que le droit de l'habiter meritait que le legislateur intervienne.

1.5.,3. Les lois nouvelles

En Angleterre et au Canada, plusieurs Commissions de reforme du droit recommandent au legislateur de retenir le principe

de la copropriete de la residence familialeC44). Ces recomman-dations n'ont cependant pas de suite. Le legislateur. dans les provinces de "common law", se limite

a

reglementer le droit

d'habiter ~a residence familiale. En general, celle-ci comprend tout legis sur lequel l'un des epoux a un droit reel et qui a deja ete utilise comme residence familiale(45).

(42) Alberta, The Dower Act, R.S.A. 1970, c. 114; Colombie-Britan-nique,. vVife's Protection Act, R.S.B.C. 1960, c. 407, Homestead Act, R.S.B.C. 1960, c. 175 et The Dower Act, R.S.B.C. 19b0, c:-175; Manitoba, The Dower Act, R.S.M. 1970, c. D 100; Saskatchewan, The Homesteads-ACt, R.S.S. 1965, c. 118; au Quebec, il subs1ste dans le cadre fort limite de la Loi sur la protection des colons, L.R.Q., eh. P-J8.

---(4J) Alberta, The Dower Act, art. 5(6); Saskatchewan, The Homesteads Act, art.

J

et s.

{44)

(45)

En

Angleterre, The Law Co~mission, Family Law, Third Report on Family Property: The Matrimonial Home {Co-ownershi~ and Occu ation Ri hts and Household Goods, Law Corn. No 8 , Lond.on H.WI.S.O., 197 ; Saskatchewan, Law Reform Commission, Proposals for a Saskatchewan Matrimonial Homes Act, Report to the

Attorney-General, Saskatchewan, 1976; Ont. Report~ p. 135; Mar;itcba, yJorkin~ Paper on Eamily Law, p.J9 et s. et

specialement p. J.

The Family Law Reform Act, 1978, S.O. 1978, c. 2, art. 39, dor§navant cite Loi de l'Ontario; The Matrimonial Property Act, S.A. 1978, c. 20, art. 1c, dorenavant cite Loi de PA'lberta de 1978; The Marital Pro:Qerty Act, S.lL 1978, c.

(24)

18

-On peut done avoir pluf>ieurs residences familiales. En -Ontario, seul l'enregistrement d'une declaration de residence

a

l'egard d'un ou plusieurs immeubles specifiques detruit la presomption

a

l'egard d'autres immeubles(46).

Le droit d'occuper la residence est.le meme pour les deux epoux{47). Meme lorsque la loi l'auto.rise

a

accorder

a

l'un des conjoints la possession exclusive de la residence<48), le tribunal pourra refuser dans l'interet d'un enfant ou encore si le relogement n'est pas assure<49). On a critique !'absence,

d~~s la loi de !'Ontario, de criteres pour guider le juge

lors-qu'il doit expulser l'un des conjoints de la residence<5o}. La

loi prevoi t que 1 'occupant dei t, 'en certaines circonstances, payer une soulte<51), ce qui n'est que juste lorsque l'epoux en possession de la residence jouit d'une certaine independance financiere.

(46) Loi de l'Ontario, art. 39{2} et 41; on peut aussi y renon-cer par un accord de separation, art. 42{b).

(47) Loi de !'Ontario, art. 40; Loi du Manitoba, art. 6(2).

(48) Loi de l'Ontario, art. 45{1){a); Loi de !'Alberta, art. 19;

au ~anitoba, le droit est sujet

a

une ,decision du tribunal

sous une au"tre loi que le Marital Property Act, art. 6{2); en. Colombie-Britannique, le Family Relations Act, S.B.C.

1972f c. 20, art. 52(2)(a}.

(49) Loi de !'Alberta, art. 20; le ''3ill 140 etudie par la Legis-lature ontarienne en 1976 eontenait une disposition

a

cet effet

a

!'article 40(J) qui n'a pas ete reproduite

a

la loi; voir

a

ce sujet, Ian G. BAXTER Comments {1977}

55

Rev. du Bar. Can. 187,

a

la p. 193·

(50)

Voir W.H. HOLLAND, loc. cit., note 16,

a

lap. 33. (51) loi de !'Ontario, art. 45(1)(b).

(25)

0

Le droit d'occuper la residence perdrait toute sa significa-tion si le conjoint proprietaire pouvait l'aliener ou la grever a son gre. On a done prevu des limites au droit de disposer. Il faut alors le consentement du conjoint ou sa renonciation a exer-cer ses droits ou encore, l'autorisation du juge(52). A defaut de respecter cette exigence, la vente pourra etre annulee si l'ache-teur etait de mauvaise foi(5J). · Il est a remarquer ici que toute decision relative a la residence familiale peut etre enregistree contre l'immeuble qui l'abrite<54 ).

L'ensemble de ces dispositions repond aux problemes souleves par Ainsworth (55.), decision qui a ete suivie au Canada. Mais il reste quelques points d'interrogation. Par exemple, la loi de l'Ontario autorise le tribunal, lors d'un recours alimentaire,

a

se prononcer sur !'occupation de la residence familiale(5~). Le

juge sera.alors porte, comme la loi l'y autorise d'ailleurs, ate-nir compte de la condui te des parties (57). Un deuxiE~me probleme consiste a savoir lequel du Partition A:ct(58} ou du ;F,amily Law

Reform Act 1978 aura priorite. Les deux lois autorisent en effet (52) Loi de !'Ontario, art. 42(1)(c) et 44(b); a la difference de

la loi ontarienne (art. 70), les lois du Manitoba (art. 24) et de l'Alberta (art. 28) laissent subsister le douaire; pour" ce qui est des Territoires du Nord-Ouest, voir Matrimonial Property Ordinance, R.O.N.W.T. 1974, c. M-7. art.

J.

(53) Loi de l'Ontario, art. 42(2).

{54)

Loi de l'Ontario, art. 48; la loi de l'Alberta ne prevoit q~6 l'enregistrement d'un jugement affectant la possession de la residence familiale. Il faut alors le consentement de l'epoux en pos.:ession pour en disposer Cart. 22 ( 3.).7; la loi de Colom-bie-Britannique s'en remet

a

la discretion du tribunal Lirt.

52(W

qui peut cependant ampecher l'epoux proprietaire de disposer de la residence s'il le croit opportun f_8.rt. 52(3J7. Cette disposition s • applique ,IDl sus des droi ts en "equity"

ou en vertu d'une autre loi Lart. 55(~; la loi du Manitoba na restreint aucunement, sous reserve de la fraude, le droit de l'epoux proprietaire de disposer de sa propriete, art. 6~

(55)

Voir supra, note 27.

(56)

Art. 19(1) et

45.

( 5 7) Art • 18 ( 6 } •

(26)

20

--

-lejuge

a

ordonner le·partage. Qu'un conjoint ~oproprietaire desire realiser son capital et invoque le Partition Act. il n'est pas du tout certain que la discretion du tribunal en

ver-tu de cette loi l'autorise

a

refuser le partage ou la vente. La Cour d'appel de !'Ontario, appelee

a

se prononcer avant

!'adop-tion du Famil~ Law Reform Act, 1978, avait juge qu'il fallait combiner les recours sous le Partition Act et le Married Women's

Pro:eert~ Act(59) dont les articles pertinents ont ete abroges(60). Hormis ces problemes d'interpretation, ce qui retient sur-tout !'attention da~s les recentes reformes du droit de la

famille au Canada, c'est l'unanimite qui s'est faite autour de la notion_de protection de la residence familiale pendant le mariage (61).

2. La situation des epoux

a

la dissolution 2.1. Le "dower" et le "curtesy"

Au deces d'un epoux, certaines institutions de "common law" ont traditionnellement assure une protection, bien aleatoire

il est vrai,

a

la residence familiale. Le "dower" de "common law'', par exemple, accorde

a

une veuve l'usufruit d'un tiers de tout immeuble que son mari a deja possede au cours du maria-ge. Le droit greve l'immeuble. 11 le suit done en quelque main qu'il se trouve,

a

moins que l'epouse n'y ait renonce. C'est d'ailleurs ce qu'elle doit faire pour se porter heritiere

lorsque son mari l'a ainsi stipule. A defaut d'une telle dispo-sition, elle peut exercer son droit au "dower" tout en se por-tant heritiere. Il arrive aussi que l'exercice de certains (59) Voir dans Maskewycz v. Maskewrcz (1973) 2 O.R. (2d) ?13.

44 D.L.R. l3d) 180, 13 R.F.L. 210 {Ont. C.A.). (60) Art. 82 de la Loi de !'Ontario.

(61) La derniere legislation du genre, The Matrimonial Property Act, S.S. 1971, c. M-6.1, prevoit un regime de protection de la residence familiale tout

a

fait semblable

a

celui que nous venons de decrire.

(27)

droits depende de la renonciation au .. dower"(62).

Le droit du mari, le ''curtesy", s 'apparente au ''dower". Il accorde au veuf l'usufruit de tous les biens que possede son epouse

a

son deces. Encore faut-il qu'un enfant leur soit ne vivant et que l'epouse n'ait pas dispose de ses biens entre vifs ou par testament<

6

J).

Ces deux institutions de "common law" le "dower" et le "curtesy" etaient d'ailleurs tombees en desuetude, en Ontario. lorsque le Family Law Reform Act, 1978 les a abrogees. Par con-tre, les tribunaux reconnaissaient de plus en plus le caractere "commun" de certains biens. en les partageant entre les epoux

a

la dissolution judiciaire.

2~2. Les techniques de partage

2.2.1. Le droit des biens en "common law"

Avant de parler du partage, il nous apparait utile de rap-peler quelques donnees fondamentales du droit des biens en "com-mon law". Historiquement, on ne connait pas, en droit anglais, la notion de propriete immobiliere telle que la con~oit le droit romain. Au contraire, c'est la possession qui constitue ici le meilleur titre:

All titles to land are ultimately based upon possession in the sense that the title of the man seised prevat·l~ against all who can show no better right to seisin 64).

(62) En Ontario,- par exemple, pour beneficier du Dependant's Re-lief Act, il fallait avant l'adoption du Family Law Reform Act renoncer au "dower .. , voir Re Neiman (1954) O.W.N. 527

{C.A.); Re Greisman (1954) O.W.N. 793 (H.C.).

{6J)

E.H. BURNS, Cheshire's Modern

Law

of Real Property, op. cit .• note 27,

a

la p. 244.

(28)

I

22

-La '*seisin" et le droit se confondent:

In other words, the sharp distinction between property and possession made in Roman law did not optain in English law; seisin is not the Roman possession and right is not the Roman ownership. Both of these concep-tions are represented in English law only by seisin, and it was the essence of the conception of s~ist·n that some seisins might be better than othersl65 •

2.2.2. Application du droit des biens

a

la dissolution du mariage

C'est cette notion ancienne, "servie

a

la moderne'", qui sous-tend encore aujourd'hui l'attribution des biens d'un menage

a

la dissolution. La residence familiale est-elle au nom du mari? C'est

a

lui et non pas

a

son e}DUSe •. ·or, la division du travail

a

l'interiemr de la famille a traditionnellement empeche la fem-me mariee d'accumuler des biens durables. Si elle se consacre

entierement aux soins du menage, pas question de devenir proprie-taire de quoi que ce soit. Travaille-t-e1le

a

l'exterieur, elle paie alors l'epicerie, les vetements des enfants, elle assume les depenses courantes. Pendant ce temps, son mari, libere de ces obligations, peut payer la maison qui abrite la famille. Il peut aussi etablir une entreprise

a

laquelle il consacre toutes ses energies. Lord Simon, maintes fois cite, decrit en peu de mots biens sentis cet etat de chose:

The cock can feather his nest precisely because he is not required to sit on it(66).

Au contraire du traitement civiliste des regimes

matrimo-niaux, en "common law" le mariage n'affecte aucunement le patrimoine

(65) PLUCKNETT, Concise History of the Com.rnon

Law

(5th Edn) p.

J58,

cite dans Cheshire's p. 29, note 1. · ( 66) Lord SIMON, Holdsworth Lecture: "With All My \'Vorldly Goods ..

(Birmingham, U.K., 1964), cite dans W.H. HOLLM~D. loc. cit.~ note 16, p. 6.

(29)

des epoux ( 6?). On regle la dissolution de la meme

maniE~re

que s'il s'agissait d'une societe civile {as strangers within an abstract economic unit that is being wound up")(

6

B).

Le

deten-teur du bien en est done le proprietaire:

••• the norm of separation correlates ownership of property with the establishment of legal title{69),

avec le resultat que le mari est,

a

toutes fins utiles, proprie-taire des biens du menage:

The custom by which real estate acquired by a married couple was taken in the name of the husband, coupled with the reve~ence paid to registered title, militated

against wivest70J. .

L'inequite·d'un tel systeme amene les tribunaux

a

attenuer la rigJeur de la separation de .biens:

Cases betwe-en husband and wife ought not to be governed by the same strict considerations, both at law and

in equity, as are commonly applied to(th~ ascertainment of the respective rights of strangers ?1J.

2.2.2.1. La presomption de donation

Deja,

au dix-neuvieme siecle, alors que le droit de la

fem-me ~ariee de posseder des biens est tres limite, on presume que

{67) Sous reserve du "dower inchoate•• et de !•obligation alimen-taire. voir Peter

M.

JACOBSON, Recent Proposals for Reform of Famil Pro ert Law in the Common Law Provinces (197S)

21 McGill L.J.

55

a lap.

55 •

{68) Ontario Report, p.6.

(69) JACOBSON, loc. cit., note 65,

a

lap.

558.

{?0) Monsieur le ~uge DICKSON dans Rathwell v. Rathwell (1978)

1 R.F.L. 1, a lap.

4

(C.S.C.).

(71) Romer, L.J. dans Rimmer v. Rimmer {1952) 2 T.L.R. 767,

(1952) 2

All E.R.

863

a

lap.

870, {1953)

1 Q.B.

63

(C.A.)

a

la p. 76~ voir aussi KAHN-FREUND, Inconsistencies and Injustices ig the Law of Husband and Wife {1 Qt;1l 1 f.. f\Jon

(30)

24

-le mari qui achete un bien au nom de son epouse a !'intention de le lui donner. Encore aujourd'hui,

a

de.fa.ut de temoins, il peut etre utile de recourir

a

cette presomption. Le mari ne peut la repousser en invoquant la relation fiduciaireC72). Meme si c'est

a

!'instance de son epouse que le mari a enregistre l'immeuble au nom de celle-ci, elle en est proprietaire<73). Ce-lui qui l'a enregistre

a

leurs deux noms ne peut invoquer un simple changement d'idee au moment de divorcer. Il a "fait son lit" au moment de la transactionC74) et ne saurait en changer<75). Il ne peut repousser la presomption legale qu'avec d'excellents arguments(76). Le motif' "fiscal" ne suffit pas

a

lui seul, il doit s'appuyer sur un ecrit explicite<77).

La

remise par l'epouse d'un billet promissoire couvrant sa part dans l'immeu-ble suffit cependant pour repousser la presomptionC78).

La presomption de donation tend

a

disparaitre dans la plu-part des juridictions de "c.ommon law" {79). Dans Petti tt v.

{72) (73) {74) (75) (76) (77) (78) (79)

Jones v. Ma~ard (1951) 1 ALL E.R. 80~ (Ch); Tinker v. Tinker (1970T P. 1~, (1970) 1 ALL E.R. 540

(C.A.):

Minaker v. Minaker {1949) s:R.C. 397; Carnochan v. Carnochan (1955) 4 D.L.R. 81 (C.S.C.); Jackman v. Jackman (1959) S.C.R. 702; cette presomp-tion a ete abol1e en Ontario par le Family Law Reform Act, 1975 voir

a

ce sujet HAHLO, Matrimonial Pro er Fe imes: Yesterdav Today and Tomorrow (1973 11 Osgoode Hall L. • 55, a la p. 71

Jackman v. Jackman (1959) S.C.R. ?02, 19 D.L.R. (2d) 317

(s.c.c.).

Ga~on v.Gignon (1950) 28 M.P.R. )6 (N.B.S.C.); dans le

meme sens Duncan v. Duncan (1950) 1 W.W.R. 545 {B.C.S.C.). Spatafora v. Spatafora (1952) O.W.N. 757 ,(H.C.).

Greggain v. Greggain (1970) 73 rl.t"l.R. 677 (B.C.S. Crt). Estensen v. Estensen {1976) 21 R.F.L. 373 (B.C.S.C.); voir dansle meme sens Klemkowitch v. Klemkowitch {1954)

63

Man. R. 28, 14 W.W.R~ 418, 419 (Man Q.3.); Giesbrecht v. Giesbrecht

(1976)

6

W.W.R. 272 {Sask.

Q.3.).

Smith v. Smith (1973) 12 R.F.L.216 {B.C.S.C.); voir aussi Wakshinsky v. Wakshinsky (1924) 2 W.W.R. 1174, (1924)

4

D.L.R. 231 (Man. K.B.); Tuomi v. Tuomi (1951)

4

D.L.R. 206

(B.c.s.c.).

Voir

a

ce sujet Olive

rr!.

STONE, Matrimonial Property Law: The Movement Towards ualit - Se aration or Communit ?

197

VI

Alberta L. Rev. 375. a la p. 381; voir aussi

!Vlinaker v. Minaker (1949) S.C.R. 397; Carnochan v. Carnochan

(31)

Pettitt(80), pour trois des juges, elle n'a plus·cours. Un qua-tri'eme, Lord Upjohn, se dit d'avis que.toute. preuve contraire suffit

a

la repousser:

So that, in the: abs~nce of all evidence,if a husband puts property into his wife's name he intends it to be a gift to her, but if he puts it into joint names,. then (in the

absence of all other evidence) the presumption is the same as a .joint beneficial tenancy. If a wife puts property into her husband's name it may be that in the

absence of all other evidence he is a trustee for her, but in practice there will in almost every case be some explanation (however slight) of this (today) rather unusual course.

Au Ca~ada, monsieur le juge Dickson, dans Rathwell v. Rathwe11(81} se dit d'accord avec Lord.Upjohn:

In present social conditions the old presumption of advancement has}ceased to·embody any credible inference of intention{~2 ~

On note cependant que certains juges l'appliquent encore<BJ) tout comme sa·contrepartie la presomption de "resulting trust"

d'ail-leurs. Cette derniere presomption peut etre invoquee par l'epou-se qui a paye un bien achete au nom du mari tout comme par le mari pour contrer la presomption de donation. Pour comprendre l'applicaticn qu'ont fait les tribunaux du "trust .. , il nous faut,

ici encore, ·faire un court· rappel historique de .cette institution.,

(80)

(1969)

2 ALL. E.R.

385

(H.L.)

(81) (1978) 1 R.F.L. (2d) 1 (C.S.C.).

(82) A lap. 12; voir pour une opinion contraire, L. POLLOCK, Matrimonial Pro ert and Trusts: The Situation from Murdoch to Rathwell

1978

XVI Alta L. Rev.

357,

a la p. 370.

(83)

En Alberta, monsieur le juge ~aycraft dans 3obertson v. Robertson

(1977) 4

W.W.R.

77

a lap. 82 (Alta S. Crt); voir aussi Affleck v. Affleck (1977) 27 R.F.L. 119 (B.C. S. Crt).

(32)

26 -2.2.2.2. Le "trust"

Il s 'agi t la d' une creation de 1 "'equity... En effet, le rattachement par la "common law" du droit de propriete a la "seisin" s'avere source d'injustices. Aussi, des le treizieme siecle, le Chancelier s'interesse a la question. Il greffe sur le titre legal du possesseur le titre "in equity" du

bene-ficiaire. On se retrouve done avec un .. trustee" qu'- possede au benefice du "cestui que use":

In other words, while the feoffee was regarded as the owner by the common law, the "cestui que use" was consi-dered to be the true owner by equity: the former hEd the legal ownership, the latter the equitable ownership of the same piece cf land. Thus

we

get the essentially English distinctionbetween the legal and the equitable estate - the legal estate recognized and protected by the co~mon law courts, and the equitable estate reco-gnlzed and protected only by the Chancellor. That is what is meant by duality of ownership(84).

c~est la l'origine du"trust" sur lequel les tribunaux fondent !'attribution, au conjoint de leur proprietaire "apparent", de certains biens d'un menage. Il s'agit, dans la plupart des de-cisions, de partager la propriete de la residence familiale. Les memes soiutions valent cependant pour !'attribution des autres biens:

It is the fact that the great majority of the decided cases concern thema1rimonial home, but the appl~cable

law is not limited to that kind of property: ••• \85).

(84) E.H.

BURNS, Cheshire's Law of Real Property, op. cit., note 27, p.48.

(85) r.1onsieur le juge Laskin dans Murdoch v. Murdoch (1974} 13 R.F.L. 185,

a

lap. 209

(C.S.C.).

(33)

L'article 17 de The Married Women's Property Act, 1882 stipule que:

In any question between husband and wife as to title or possession of property ••• the judge ••• may make such order

with~spect to the property in dispute ••. as he shall think fit.

La portee de cette disposition a ete interpretee de differentes fa~ons. Permet-elle de toucher au droit de propriete? Le tribu-nal peut-il s'en autoriser pour reconnaitre

a

un epoux un droit dans un bien de son conjoint qu'il a contribue

a

acquerir? En l'absence d'intention manifeste de partager au moment de l'acqui-sition, c'est au moyen du "trust" que l'on resoud le probleme. Le droit repose alors,

••• on the law of trust rather than on the law of contract. so the question is under what circumstances does the

husband become a trustee for his wife in the absence of any declaration of trust or agreement on his part. It is not disputed that a man can become a trustee without making a declaration of trust or evincing any intention to become a trustee. The facts may impos~ on him an implied, constructive, or resulting trust~86). On voit que le utrust" est une institution tout

a

fait malleable, ce qui rend diff'icile sa definition:

No one has yet succeeded in giving an entirely satis-factory definition(8?).

{86) Lord REID dans Gissing v. Gissing {1971) A.C. 886, (1970)

2

ALL E.R. 780

{H.L.).

(34)

28

-D" express trust", ou •• declared trust" ( 88). ne pose guere de probleme. Il est generalement formaliste, mais peut resulter d'une simple declaration. Il est plus difficile de definir

les "constructive" et les "resulting trusts" tels qu'utilises

en droit de la famille. Alors que dans les pays de droit civiliste !'attribution d'un droit de propriete provient du mariage

lui-meme, ici !'investiture "in trust" est fondee soit sur !'intention · co~mune (resulting trust) ou sur une appreciation donnant lieu

a

un enrichissement indu (constructive trust). On peut constituer un "trust":

(i) intentionnally by the act of the settlor, in which case they are called express trusts, or

(ii) by implication of a court of equity, where the legal title to property is in one person and the equitable

right to the beneficial enjoyment thereof is in aQOtber, in which case they_are called constructive trusts\89). On remarque ici la confusion des "resulting" ·et des

"cons-. .

tructive trusts". L'auteur de cette definition les reunit sous le meme vocable arguant que le "constructive trust" peut etre soit un "resulting trust" ou un "non-resulting trust". Les tribunaux anglais se soucient peu de differencier entre les "implied, resulting or constructive trusts". Et pourtant, ils sont differents.

Le .. resulting trust .. s'appuie sur !'intention implicite ou presumee des parties ou meme simplement du constituant. Lors-qu'a la dissolution du mariage un seul conjoint est proprietahre d'un bien, le tribunal doit deceler·l'intention des parties au moment de !'acquisition. Il tient alors compte de toutes les

to Trusts and Trustees, 12th ed. dans Rathwell, supra, note 81).

(35)

circonstances entourant !'acquisition ou !'amelioration du bien. La contribution en argent ou en vaieur :fait ~resum~r

qu' il y a eu constitution de ••resul ting trust".· On a parfois soutenu que la contribution indiquait une intention ou encore qu'il s'agissait d'un "constructive agreement". Quoi qu'il en soit, la contribution est un element, parmi d'autres, qui permet aux tribunaux de deceler ou d'attribuer aux parties une intention de constituer un "trust".

A defaut de trouver cette intention ou de pouvoir la

presumer, le tribunal peut decreter un .. constructive trust". Ici, l'intention n'a pas sa place. Ce qui distingue ce type de

"trust" du • ''resulting trust" c 'est justement qu' il est impose au constituant presque malgre lui. C'est, en effet, comme son nom l'indique, une pure construction juridique resultant d'un

jugement en passation de titre en vue d'eviter un enrichissement

indu(90~A

defaut

d~intention

manifeste ou presumee de constituer

A~-~-~--~.--~.~· • -~---••

un "trust", le tribunal le decrete lorsqu'un conjoint a contribue

a

!'acquisition d'un bien. Il s'agit d'une mesure d'equite: The court does not give relief because a constructive

trust has been created; but the court gives relief because otherwise the defendant would be unjustly enriched;

and because the court gives this relief it declares that the defendant is chargeable as a constructive trustee(91).

(90) Monsieur le juge Laskin dans Murdoch v. Murdoch citant SCOTT, Law of Trusts, Je ed n 1967, Vol.

5,

p. )215.

(36)

.30

-Ou encore, selon Lord Denning:

••• it is a trust imposed by law whenever justice and good conscience require it. It is a liberal process, founded upon large principles of equity to be applied in cases where the legal owner cannot consci1sly keep

the property for himself alone, but ought to allow another to have the property or the benefit of it or a share in . it(92).

Le tribunal impose done ce "trust .. dans un souci de justice naturelle. On ne saurait en effet tolerer que quelqu'un

s'enri-chisse aux depens d'autrui, meme

a

l'interieur d'un menage •. L'apparition d':l "constructive trust" dans le droit de la famille marque une ~tape vers la reconnaissance de l'incidence du mariage sur le patrimoine des epoux. Cette reconnaissance ne se fait cependant pas sans heurts.

2.2.2 . .3. Les· deux "ecoles" de pensee

On distingue,

a

cet egard, deux ecoles de pensee. L'une, liberale, se voit reprocher de rendre·une justice "debonnaire"

(palm-tree justice), l'autre, plus "integriste". s'obstinerait

a

deceler une intention inexistante (intent school}.

A la fin des annees quarante, Lord Denning, dans une dissidence qui fit couler beaucoup d'encre, refuse d'appliquer strictement le droit des biens aux epoux<9J). L'opinion de Denning est accueillie favorablement en Angleterre:

The exclusive emphasis on individual property rights is gone and an attitude far more in keep~ng with contemporary family realities has been substituted~9~).

(92) Hussey

y.

Palmer (1972) 1 W.L.R. 1286 (C.A.), aux p. 1289-90, cite dans Rathwell; sur !'utilisation du "trust" en droit de la famille, vo1.r Norman M. FERA, The Role of the Resulting Trust in Jamily Law (1980) 11 R.F.L. (2d)

6.

(9J)

Hoddinott v. Hoddinott

(1949)

2 K.B. 406, p.

414

et s. (C.A.). (94) Alan Miu~ER, Beneficial Ownership of the Matrimonial Home:

Modern Trends in the British Commonwealth (1959) 37 C.B.R.

(37)

Monsieur le juge Romer, dans Rimmer v. Rimmer~95) va encore plus loin que Lord Denning. Il rejette, pour la premiere fois, la theorie de !'intention. Il fonde le droit au partage sur la

notion d'association (joint venture} suivi en cela dans des decision subsequentes<96). Quant aux parts, elles doivent etre egales,

"equity leans towards equality". Monsieur le juge Vaisey, dans Jones v. Maynard(97), se reclame d'une autorite plus ancienne encore:

Plato said that equauty was a sort of justice, that is to · say, i:( in such a matter as this one cannqt find any

other basis, equality is the proper basis\98).

Le jugement de monsieur le juge Romer dans Rimmer, tout comme la dissidence le Lord De~~ing dans Hoddinott, donnent naissance

a

un courant jurisprudentiel(99) qui culmine en Angle-terre avec la decision dans Bendall v. Me Whirter(100). crest 1 I ecole lib.era!e (lOl) .

a

laquelle la Chambre ' des

Lords oppose son veto dans Petti tt v. ·Petti tt (

lo*).

(95)

Voir supra, note 71·

(96) Voir Fribance v. Fribance (1957) 1 All E.R. J57 (C.A.),

a

la P• )60; Lord Evershed dans Silver v. Silver (1958) 1 All. ;E.R.

523

{C.A.),

a

lap.

525

et Parker

a

lap. 528; Cob b v • Cob b ( 19 55} 1 W . L. R . 7 31 , ( 19 55) 2 All. E. R • 696

{C.A.); Richards v. Richards (1958) 3 All· E.R. 513 (C.A.). (97) (1951) 1 All E.R. 802 (Ch.).

(98) Id.,

a

lap. 804. (99) Voir note

96.

(100)·\bir note 24.

(101) "justice and equity".

(102) (1969) 2 All E.R. 385 (H.L.); voir aussi Falconer v. Falconer (1970) 3 All E.R. 449, (1970) 1 W.L.R. 13:3:3 (C.A.).

(38)

32

-La maison familiale des Pettitt, "Tinker's Cottage ... avait ete achetee par madame Pettitt ayec l'argent d'une ·succession. Monsieur Pettitt y investit temps, efforts et materiaux~ Au bout de quatre ans, madame Pettitt,

a

!'occasion de son divorce, cherche

a

vendre la maison. Monsieur Pettitt demande alors

au tribunal de determiner la part qui lui revient en raison de son investissement. Le "County Court" lui accorde trois cents livres du produit de la vente. mais la Chambre des Lords casse ce juge-:-ment. Pour Lord Hodson, ce n'est pas parce que le mari a

occupe ses loisirs en bricolant ou en jardinant qu'il a un droit

de~priete dans la maison qui appartient

a

son epouse. L'article 17 du Married Women's Property Act n'autorise pas la Chambre

des Lords

a

faire fi des droits existants.

Vient ensuite l'affaire Gissing v. Gissing(lOJ). C'est l'histoire·d'un couple sans histoires jusqu'au jour ou, las de son epouse d'un age certain, monsieur Gissing choisit d'aller gambader dans de verts paturages. Madame Gissing demande le divorce. Monsieur veut vendre la maison qu'il a acquise·a son nom. La Cour d 'appel, presidee par Lord Denning, juge que, conformement aux precedents dans Rimmer v. Rimmer<lv4) et Fribance v. Fribance(105), la residence est un bien familial. Elle appartient aux deux epoux en parts egales vu la contribution financiere substantielle de l'epouse. Madame Gissing avait

allegue avoir paye trente livres pour le parterre et cent

quatre vingt-dix livres pour le mobilier en plus d'avoir travaille toute sa vie et avoir assume une benne partie des depenses

(103) (1971) A.C. 886, (1970) 2 ALL E.R.~ 780 (H.L.). (104) Voir supra, note 71•

Figure

TABLE  DES  MATIERES •••••••••••••••••••••• • .••••••••••••••• .,  •  i

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