• Aucun résultat trouvé

Corps et virtuel : itinéraires à partir de Merleau-Ponty

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Corps et virtuel : itinéraires à partir de Merleau-Ponty"

Copied!
265
0
0

Texte intégral

(1)
(2)
(3)
(4)
(5)

CORPS ET VIRTUEL

(6)
(7)

pourlesmotsqu'ilsm'ontdits

(8)
(9)

C'est l'urgen ed'uneresémantisation du on eptde ` orps'

àl'époquedela risedusujetquiasus itélaréexionquiestau

entrede etouvrage.Eneet,suite auxtravauxdela

philoso-phieduvingtièmesiè le, euxde Husserl,deHeidegger omme

euxdesphilosophes françaisqui ont ommen é leurs par ours

théoriquesàpartirdelapenséedespèresdelaphénoménologie

 en parti ulier Levinas etMerleau-Ponty , il n'est plus

pos-sible de diérer la question du orps si elui- i ne orrespond

plusà lares extensa d'unsujet,d'un`moi'.

Dans e panorama philosophique, Merleau-Ponty est elui

quiapris en onsidération ette questionde lafaçon laplus

ri-goureuse,ena eptant,dèsledépart, l'impossibilitéde séparer

lanotion de orps de elle, impré iseet désormaisinutilisable,

de l'`esprit'.Pour atteindre e but,ilest indispensable

d'aban-donneraussil'idéed'uneobje tualitédu orps.Toutefois,notre

on ept de orporéité est lié à la notion d'objet au point d'en

devenir unsu édané.

Penser le orps d'une façon nouvelle signie don her her

desstru tureslogi o-théoriquesquirendentpossiblele

dépasse-ment de l'opposition moderneentre sujetet objetainsique de

touteslesautrespolarités on eptuellesquiendérivent,en

par-ti ulier ellesentreréé hietirréé hi,entreidéaletréel.Ainsi,

aupremiertermeprésentdansmontitres'enajouteunautrequi

justie sa omposition. La réexion sur le on ept de `virtuel'

parrapportà eluide` orps's'avèredoublementné essaire.

(10)

niréel,iln'est niréé hiniirréé hi.Il apparaîtplutt omme

unmoyenpouréviterdetomberdanslarépétitiondudualisme

du sujetet de l'objetet pour repenser leur rapport. Le virtuel

est don , avant tout, une modalité de l'être qui n'a jamaisété

bienanalysée etqui semble prometteusede nouvelles solutions

auxproblèmes qu'une réexionradi ale surle orps impose.

Mais en se ond lieu,etde manière plus immédiate, un lien

unit mes deux termes : le virtuel, pensé dans son sens le plus

quotidien, à savoir en rapport ave les nouveaux médiaset les

nouvelles te hnologies, met en rise l'idée artésienne de orps

omme hose pla éedansl'en einte d'unespa e déniave des

abs issesetdesordonnées.Levirtuel implique,enpremier,une

déterritorialisation, et,si le orps semble être ara térisé avant

tout par le territoire qu'il o upe, le virtuel fait sauter le

fon-dement même de lapossibilité depenserle orps.

Mare her he relèvealorsd'untripleenjeusurlequelrepose

l'ensemblede montravail:redénirle on ept de orps,

appro-fondir la notion de virtuel et rendre ompte du rapport entre

lesdeuxtermes.Voilàlegestephilosophiquequiseratentédans

etouvrage.

Mais le ommen ement de la philosophie pose toujours un

problème : la relation ave e qu'il y a `avant'. Selon l'adage

aristotéli ienlaphilosophie naîtrait delamerveille:l'irruption

de quelque hose de nouveau et d'inattendu romprait le ux

normaldelavie;d'oùunnouveau ommen ement. La

possibi-litéde ommen er seraitissue dela ruptureave tout `avant' :

une fois que l'on est libéré de tout e qu'il y avait avant, on

pourrait, enn, ommen er.

Et pourtant on n'a jamais aaire à e type de

ommen e-ment. La rupture opérée par la merveille se révèle plutt agir

ommeun pont ave etavant, unlien tellement fortqu'il

em-pê he de laisser etavant derrièresoi etqui oblige à ne jamais

vraiment ommen er. Le ommen ement est toujours une

ré-féren e à autre hose. La nouveauté ne dérive don pas d'une

reatioex nihilo,maispluttd'unefausseréféren e,d'une

(11)

toutethéoriesurunavant.Unde es`avant'estMerleau-Ponty

quiàsontours'esttrouvédanslemême rapportave unautre

avant quand il a dû ommen er son dis ours philosophique.

Toutepropositionthéoriquesefondesurunavant

d'interpréta-tionhistori o-philosophiquequi onditionneetgarantitla

stru -turespé ulative quien dérive.

C'est don à partir de l'analyse de la pensée

merleau-pon-tienne que ma réexion s'est développée : j'ai lu l'÷uvre de

Merleau-Ponty en y her hant unedénition du orps,une

dé-nitiondu virtueletuné lair issementsurlerapportentre es

deux atégories. Mais si la ontribution du philosophefrançais

àlaredénitiondel'idéede orpsestre onnueuniversellement,

presquepersonnen'a ernédanssaprodu tion l'idéedevirtuel.

À partir de ses premières÷uvres  omme La stru ture du

omportement, mais surtout La phénoménologie de la

per ep-tion  Merleau-Ponty a essayé de résoudre l'aporie d'un orps

entantqu'iln'estpluslapropriétéd'unsujetdépassantainsila

polarité atégorielle dusujetetde l'objet.L'eortprin ipal du

philosophefrançais onsisteenl'utilisationdelanotionde orps

an de dépasser es oppositions qui, selonsa proprele ture de

l'histoire de la philosophie, avaient depuis toujours ara térisé

lapenséeo identale et,enparti ulier, l'avaientétouéeà

par-tirde l'âge moderne.

En e sens, le travail de Merleau-Ponty sur le on ept de

orps orrespondparfaitementàmaquestionthéorique.Maisil

ya,dansle par ours philosophique de Merleau-Ponty, quelque

hosequivaau-delàdelasimpleréexionphénoménologiquesur

le orps. Dans ses dernières ÷uvres  omme L'÷il et l'esprit

ouLevisibleetl'invisible lephilosopheabandonnesaposition

phénoménologique et part à la re her he d'une ontologie de la

hair. C'est à e niveau que s'ouvre l'espa e pour une

stru -turesemblable à elledu virtuel, stru ture que Merleau-Ponty

n'ajamaisexpli itée maisquireste néanmoinslatente dansson

÷uvre.Telle estbienlatensionqui ara térise lerapportentre

(12)

partirdunon-dit deMerleau-Ponty,enessayantd'aller au-delà

desapensée,depénétrerdans etespa equel'ina hèvementde

son÷uvrelaisse ouvert. Je mesuis, d'ailleurs,engagéà ne pas

trahirsapensée,maisà proterde sonombre, ommeill'avait

faitave l'÷uvrede Husserl,delaquelleildé larait lané essité

depenser l'impensé.

Mais qu'est- e que elaveutdire de  penser l'impensé ?

Dequellefaçon ettepenséepassedel'interprétationàla

théo-rie sans verser dans la trahison? La réponse à ette question

a été essentielle pour la stru turation méthodologique de ma

re her he. La théorie est interstitielle; voilà l'assomption

mé-thodologique fondamentale de mon travail. Elle se pla e dans

un non-lieuentre un`avant' etun `après'.Seulement en

regar-dant xement et avant et et après, l'auteur, le philosophe,

peut avoir le ourage de ommen er, ou mieux de

re ommen- er, àfaire delathéorie.

La trahison alieu si l'on adopteune position desurvol par

rapportà l'`avant' quel'on a hoisi de regarder :on nit alors

parlaisser oïn iderlaphilosophie ave sonhistoire.Mais

l'his-toireest, ommeledisaitLevinas,unjugementposthume,eten

esens, 'est equetoutbonphilosophedoitàtoutprixéviter.

J'aidon essayédenepasdonnerdejugement,denepasme

pla erdansunau-delàhypothétique,denepasassumerlepoint

devuedel'÷ilduprédateur quivoittoutpoursel'approprier:

j'ai voulume pla er dansun intersti e qui ne détermine pasle

systèmesans auser pour autant uneerran e innie.

La théorie se pla e don dans un espa e bien déterminé :

elle nepeutnisurvoler,niregarder ave l'÷il duméde in. Son

espa e se situe entre le dit des autres théories, son devoir est

de`dire-entre' e quia déjàétédit. Merleau-Pontyn'apasété,

don , pour moi un objet. Il a été la trame qui était avant, le

dire hypostasié en dit qu'il fallait redire, mais d'unautre lieu,

oumieux, du non-lieuinterstitielde l'é rire.

À partir de es repères théoriques mon travail s'est

déve-loppé en inq parties. La première, intitulée Le hiasme,

(13)

re-truire,brièvement,quelavaitétélebutthéoriqueduphilosophe

françaisdansledéveloppement desonitinérairephilosophique.

J'ai vouluposer ainsi equi mesertd'avant.Onpeutarmer,

ommeMerleau-Ponty lefait lui même,que e qui l'intéressait

le plus a été la re her he d'un entre-deux apable de renouer

idéalisme et réalisme. Le pivot qu'il utilise pour atteindre e

but estle on eptde orps duqueldérivera,danslasuite de sa

réexion, elui de hair : dans la hair, sujet et objet

s'entre-la ent en un hiasme.

Ave l'idéede hair,onarriveàunpointlimitedela

philoso-phiemerleau-pontienne : ette idée estnotamment développée

dansLe visible et l'invisible etelle est le entre de latentative

deMerleau-Pontyde stru turer unenouvelle ontologie.

Cepen-dant,lamort del'auteurlaisseraina hevée etteentreprise.Ce

quetoutbonle teurdoitdon faire, 'est her herlesintuitions

embryonnaires que l'on peutretrouver dansla dernière ÷uvre

du philosophe, et puis tenter de voir e qu'il devrait y avoir

ensuite:voilà l'impensé véritable.

La hair s'identie ave l'être : dans la hair tout

s'entre-la edans une massiveadhésion àl'être .Delà, latentative

merleau-pontienne de onstruire une  ontologie du dedans ,

une  intra-ontologie qui ne présupposepas unpoint de vue

extérieur qui serait le fondement de l'opposition entre sujet et

objet. À e niveau il faut abandonner une appro he

interpré-tative de Merleau-Ponty pour essayerde omprendre omment

esidées doivent être développées.

Dans la deuxième partie  intitulée L'Être  j'essaie don

d'analyser les impli ations de l'intra-ontologie et de sortir des

impassesqu'elle provoque :l'unité de l'être dansla hair 

ja-maismise en doutepar Merleau-Ponty  risque d'empê her la

pensée de la diéren e et de la multipli ité. Pour mieux

om-prendre ette problématique et pour aller au-delà des apories

duVisibleet l'invisible j'ai utilisél'÷uvred'Alain Badiouetsa

penséed'unêtremultiple.Monbutaétédetransformer

(14)

fallaits'interrogersur equ'étaitle orpsenfon tion des

résul-tatsatteints auniveau ontologique. Il fallaits'interroger sur e

qu'étaitun orpsquine peutplusêtrelié àunprin ipe

d'iden-tité stable, puisque l'identité même s'est fragmentée dans la

multipli itéde l'être; un orpsqui devient, don , une fon tion

dynamique,qui meten relation lemonde etlelangage.

Dans la troisième partie de mon travail, Le orps, j'ai

es-sayé d'utiliser la dénition merleau-pontienne de orps dans

un ontextemétaontologique. Mon eort sebasesurl'idée

sui-vante: onpeutarriver à nepas faire oïn ider le orps ave le

pivot de l'opposition sujet-objet si, etseulement si, onse situe

dansune fragmentation de l'être.

Voilàqueleterme `virtuel' sereprésente.D'une part,en

ef-fet, le hiasme dont le orps est le signe le plus évident doit

êtreluàpartird'unenouvellemodalitéd'être: elleduvirtuel.

D'autre part, le orps posela question, ommeje l'ai déjà dit,

derepenserl'espa eaprèsladéterritorialisationdéterminée par

les nouvelles te hnologies. Dans la quatrième partie j'ai don

re onstruit une histoire du terme virtuel pour arriverà établir

unenouvelle dénitionde e on ept apablederendre ompte

desproblèmes quej'ai nommés.

Cet ouvrage se on lut ave une proposition d'éthique qui

dérive des assomptions théoriques pré édentes et surtout de

l'idéede orps ommeelle aétéredénie. Dansladernière

par-tie,en fait,  intitulée Pour une éthique métaontologique  j'ai

essayé de réé hir sur l'a tion du orps. L'a tion semble être,

eneet,déterminée parlastru tureduvirtuel:lelienentreun

orpset sona tion doit êtrepenséen tantque virtualité.

Ma re her he reste, de toute façon, ouverte : la résolution

d'unproblèmeimposelanaissan ed'unproblèmeplus profond

(15)

passion,l'amitiéetla ompéten eave lesquellesilsontdirigélathèsedont

et ouvrage estissu. Jeremer ieparailleursMoiedphquis'est gentiment

(16)

SC La stru ture du omportement

PP Phénoménologie dela per eption

SNS Sens et non-sens

PPE Psy hologie et pédagogie de l'enfant

S Signes

VI Le visible etl'invisible, suivide notes detravail

OE L'÷il et l'esprit

P Par ours

(17)
(18)
(19)

Idéalisme et réalisme

L'histoire de la philosophie peut être interprétée omme

une série de manifestations de pensée réaliste qui s'oppose à

une série de manifestations de pensée idéaliste. C'est à partir

de e s héma bipolaire que démarrera une grande partie de la

réexion du XX

e

siè le dont la question fondamentale sera :

 omment sortir de l'idéalisme sans retomber dansla naïveté

duréalisme? 1

Cette question peut être onsidérée omme le l rouge de

l'÷uvre de Merleau-Ponty, omme de bien d'autres 

philo-sophesde sagénération.Or, àune visionpolairede l'histoire

de la philosophie orrespond, évidemment, un développement

di hotomique de l'entière philosophie de e penseur français.

Les stru tures qui sont à la base de sa spé ulation sont

for e-ment des oppositions 2

et 'està lafusion de es oppositions, à

la résolution des ontradi tions qui en dérivent, que

Merleau-Ponty a dédié la plus grand partie de son travail. On aurait

don aaire a deux `attitudes philosophiques' : d'une part un

idéalisme qui se fonde sur la onvi tion de posséder le monde

intelle tuellement, de l'autreun réalismefondé surl'idéequ'on

puisseatteindrelefaitpur,sansen hangerintelle tuellementla

1

P66.

2

Lesystèmed'interprétationdumondeàtraversdesoppositionsexiste

depuistoujoursetdansdiérentes ivilisations.Pouruneanalysede ette

(20)

argu- ourants philosophiques que Merleau-Ponty analyse et prend

en ompte dans ses ÷uvres. Pour e qui on erne l'attitude

idéaliste, l'adversaire prin ipal pour Merleau-Ponty est

l'intel-le tualisme d'origine kantienne, tel elui de Léon Bruns hvi g,

etpourl'attituderéalistelapositions ientique,oupourmieux

dires ientiste.

Mais essayons d'ébau her une dénition de es deux

ap-pro hes. L'intelle tualisme faitde toutenature uneunité

ob-je tive onstituée devant la ons ien e , le s ientisme  situe

la ons ien edanslanatureetpenseleur rapportsurunmode

ausal  1

.La philosophie intelle tualiste postuledon une

s is-sionfondamentaleentrela ons ien eetlemonde:l'assomption

de base est quel'on ne peut parler du monde que du point de

vuede la ons ien e onstituante, e qui implique une rupture

originaireentresujetetobjetetquifaitparfoisdisparaître

l'ob-jetquidevient simplement uneproje tion dusujet.

Les ientisme, enrevan he,présupposant d'êtreuniverselet

absolu, prétend que son dis ours ne dépend d'au un point de

vuemaisqu'il esttotalement obje tif: e qui signiequesujet

et objet, ons ien e et nature ne peuvent être onsidérés que

surle même plan, vusd'une troisième perspe tive, externequi

tend,par ailleursà senier elle-même,ou dumoinsà s'oublier.

De es onstats dé oule la ritique de Merleau-Ponty; la

plusdures'adresse, biensûr, au réalisme. Enrassemblant sous

le titre de réalisme la position s ientiste, et empiriste en

gé-néral, le philosophe français a use ette attitude de naïveté :

l'erreur ommiseparleréalismeesttellementgrossièreque ette

attitudene peutmême pasêtre onsidérée ommeproprement

philosophique.Le réalisteseméprend surlaquestionqui

ara -tériseplus profondément l'appro hephilosophique :il nes'agit

pas, en eet, de s'interroger sur e qu'est le monde, mais

plu-ttde omment nousle onnaissons.Le réalismene prend pas

en ompte lasituation,lalo alisation, desoninterprétationdu

1

R. Barbaras, De l'être du phénomène. Sur l'ontologie de

(21)

qu'ilregarde :leréalismeseméprenddon sursonobjetetn'a

nalementaairequ'àune réationquiluiestpropre.C'estune

pensée,don quisemeutdanslemondeetleprésuppose

plu-ttqu'ellene leprendpourthème  1

.

Évidemmentla ritiquemerleau-pontiennedel'idéalismeest

bienmoinsdure 2

.Ils'agiteneetd'uneappro hebeau oupplus

ons iente et philosophique puisqu'elle se base sur l'idée que

la ons ien e en tant que sujet de la pensée ne peut pas être

simplement onsidérée ommeunobjetinerte.Ceque

Merleau-Ponty ne peut pas a epter de l'attitude idéaliste est qu'elle

rendimpossiblelefaitdepenserlevé u,à ausedesatendan e

àleréduire àun produitde la ons ien e onstituante.

L'opposition histori o-philosophique entreréalisme et

idéa-lismeestentouréeparuneséried'autresoppositionsthéoriques:

notamment elle entre réexion etirréé hiet elleentresujet

etobjet.Merleau-Ponty auraaairetoutle longde sontravail

à es oppositions; la faute prin ipale de la philosophie serait,

selon le penseur français, de ne pas avoir su aller au-delà de

esoppositions,den'avoirjamaissupenserl'empiétement d'un

opposé surl'autre, empiétement quisera,en revan he, une des

stru turesfondamentales desaspé ulation.

J'essaieraidans e hapitre d'analyserbrièvement ertaines

de esoppositionspouressayerde omprendredequels

présup-posés dérive lapropositionthéorique merleau-pontienne.

Réexion et irréé hi

On peut onsidérer l'opposition entre réexion et irréé hi

ommeétantthéoriquement fondatri eparrapportauxautres.

De la tension entre es deux termes dé oule le jeu entre

mé-diateté et immédiateté sur lequel se base entièrement la

pro-1

VI47.

2

(22)

synthétiser le problème ainsi : s'il est vrai que la philosophie

estpar dénition réexion, médiation,et quepenser un

immé-diat irréé hi impliquerait aller vers lan de laphilosophie, il

esttoutdemême vraiquel'expérien epure, ellequidérive de

l'existen eperçue,nepeutpasseréduireàuneexisten eidéale.

Cetteantinomieengendreunein ertitudedansl'analyseque

Merleau-PontydéveloppedanslaPhénoménologiedela

per ep-tion:lebalan emententreledomainedelaréexionet eluide

l'irréé hi porte De Waehlens à dénir ellede Merleau-Ponty

ommeunephilosophiedel'ambiguïté 1

.L'obje tifthéorique

prin ipal de Merleau-Ponty est, en eet, de saisir l'expérien e

pureavant qu'une réexion quelle qu'elle soit ladistorde ou la

hange;mais,d'unepart,pouratteindrel'immédiatduvé u,on

risque de nier laphilosophie qui se présente for ément omme

médiateté. D'autre part, en faisant philosophie, on risque de

rendre impossible d'atteindre l'immédiat du vé u, justement

par equ'on lere her he à l'aide delaréexion 2

.

Une notion ave laquelleMerleau-Ponty essaie de résoudre

etteantinomie,aumoinsdanslaPhénoménologiedela

per ep-tion,est ellede ogitota ite.Commeill'expliquedansune

note du Visible et l'invisible, la réexion ainsi qu'on l'entend

traditionnellement implique undegrépré édent :elle 

présup-poseun onta tpré-réexifdesoiave soiouun ogitota ite 3

.

Ce ogito ta ite serait don une réexion pré-réexive, ou en

d'autres mots, un revenir à soi sans en avoir ons ien e; il

se-rait, en ore, un onta t originaire ave lemonde qui n'est pas

irréé hi sans pour autant être réellement réé hi, sans avoir,

don ,la ara téristiquedelaréexionquinousfaitperdrel'il

1

A.DeWaelhens,Unephilosophie del'ambigüité. L'existensialismede

Mauri e Merleau-Ponty, Publi ations universitaires de Louvain, Louvain

1967.

2

Lepremierrisqueest eluiqu'onrepro haitàMerleau-Pontyàla

So- iétéFrançaisedePhilosophie,lorsdelaprésentationdelaPP.Cf.Rossella

Prezzo,Introduzione àMerleau-Ponty,Ilprimatodellaper ezione elesue

onseguenzeloso he,Medusa,Milano2004,p.5-14.

3

(23)

question depuis laquelle démarre le par ours d'éloignement de

laPhénoménologie de la per eption qui ara tériseLe visibleet

l'invisible.Merleau-Ponty poursuit:

Ce que j'appelle ogito ta ite est impossible. Pour

avoirl'idéedepenser(danslesensdelapenséede

voiretdesentir),pourfairelarédu tion,pour

reve-niràl'immanen eetàla ons ien ede...ilestné essaire

d'avoirdesmots 1

.

Or,puisquelesmotsn'ontpasdesigni ationpositive,mais

seulement une signi ation diérentielle, le ogito ta ite fait

perdre  lelien de l'immanen e trans endantale ave e jeu de

signi ations  2

.En d'autresmots,le ogito ta itetombe dans

une double impasse : d'une part il donne  une interprétation

positivistedelasigni ationdesmotsetdel'autreilprojette

dansle préréexifdes résultatsdelaréexion  3

.

C'est don Merleau-Ponty lui-même qui arrive à armer

que la Phénoménologie de la per eption é houe dans son but

prin ipal,par e qu'elleest tropidéaliste ou bientropréaliste :

tropdépla éesurleplandel'irréé hijusqu'ànierlapossibilité

même de faire philosophie, ou bien sur le plan de la réexion,

jusqu'àrendreimpossible lasaisiede l'expérien epure 4

.

À la lumière de ette auto ritique, se développe

l'interpré-tationdurapportentreréexionetirréé hidonnéedansLe

vi-sible et l'invisible dont le premier hapitre s'intitulejustement

 Réexion et interrogation . Merleau-Ponty expose

initiale-ment la thèse selon laquelle on ne peut pas rester au niveau

de la naïveté per eptive : si l'on veut faire philosophie, il est

né essairede sedéta herde l'immédiatdu vé u etde réé hir.

Cette exigen e naît du fait quela foiper eptive en elle-même,

auniveau del'irréé hi, nepermetpasdedépasserl'antinomie

1

Ibid.

2

P.Dupont,Du ogitota iteau ogito verti al,dansChiasmi

interna-tionaln.2,2000,p.281-300.

3

Ibid.

(24)

ne peut pas on ilier l'unité de sa propre per eption d'un

ob-jetave lamultipli itédesper eptions dumêmeobjetpropreà

autrui. En d'autres mots, on n'arrive pas à justier lerapport

entreper eptionet hoseperçue.Laréexionrésoutleproblème

enramenanttoutsurunmême plan: elui delapenséede.

Lepassageàl'idéalité,opéréparlaréexion,résoutl'antinomie

par e que le monde est numériquement un ave mon

ogita-tumetave eluidesautres entantqu'idéal(identitéidéale,en

deçàduplusieurs etde l'un)  1

.

C'est à partir de e onstat que les ritiques de

Merleau-Ponty envers le on ept de réexion se déploient. Elles sont

fondamentalement au nombre de trois. En premierlieu :la

ré-exion doittoujours présupposer unirréé hi quilapré ède et

dont elle devient réexion; e i implique une petitio prin ipi :

la réexion présuppose le onta t ave le monde qu'elle veut

expliquer.C'estleproblèmedu ommen ementdelaréexion:

on peut en déduire que la réexion est toujours en retard sur

elle-même.

En deuxième lieu, et toujours en relation au problème du

ommen ement :laréexion omporte une ertaine lture

en-versl'altérité,puisquetoutestramenéàlaréexionelle-même.

Merleau-Ponty dit:

la relation d'une pensée à son objet, du ogito au

ogitatum, ne ontient ni le tout ni mêmel'essentielde

notre ommer eave lemondeet nousdevonsla

repla- er dans une relation plus sourde ave le monde, dans

une initiation au monde sur laquelle ellerepose et qui

esttoujoursdéjàfaitequandleretourréexifintervient.

Cetterelation-là que nous appellerons l'ouverture au

mondenouslamanqueronsdanslemomentoùl'eort

réexifessaiedela apter 2

.

Si l'on interprète don laréexion dans sonsens lassique,

elle est une sortie de soi et un retour les mains vides, puisque

l'a tion même de ramener à soi va impliquer l'impossibilité

1

VI51.

2

(25)

monde il faudra don admettre que le nouveau é happe à la

réexion.

En troisième lieu, et 'est le point fondamental de toute

la ritique merleau-pontienne au on ept de réexion :réduire

toutimmédiatàunemédiateté ou,pourne parlerquedu as

qui intéresse Merleau-Ponty, toute per eption à la pensée de

per evoir impliquerenon er à omprendrelemondeee tif

et passer à un type de ertitude qui ne nous rendra jamais le

 il y a  du monde  1

On est don devant une opposition :

d'unepart une philosophie réexive  rend ompte de l'être et

delavérité,maisquinetientpas omptedumondeenle

per-dant dansleretour à soieten lesubstituant ave l'êtrepensé;

de l'autre  une philosophie qui tient ompte du monde, mais

nousdéra inedel'êtreetdelavérité 2

.Cetteantinomiedérive,

selonMerleau-Ponty,del'impossibilitédepenserséparément

ré-exionetirréé hi.C'estjustement ettes issionarti iellequi

engendre esoppositionsin on iliablesdontlaphilosophieaété

vi timetoutau longde sonhistoire.

La notion que Merleau-Ponty utilise pour expliquer

l'in-trigue de es deuxples apparemment ontradi toires est elle

de orps del'esprit.L'expressionest reprisedePaulValéry

 quoique le sens en soit profondément modié  etindique le

ontinu etdynamique renvoi ré iproque entre réexion et

irré-é hi. S'il est en eet vrai qu'il n'y a pas de réexion sans un

irréé hi quien soit l'objet, il esttout de même aussivraique

l'on ne peutpenser l'irréé hique de façon réé hie. Ces deux

ples perdent don ,danslanotionde orpsde l'esprit,leur

a-ra tère ontradi toire, pour devenir une unité indisso iable. Il

s'agit, armeMerleau-Ponty,de penser la passivitéde notre

a tivité 3 . 1 VI57-58. 2

(26)

L'opposition entre réexion et irréé hi que l'on vient de

iterestliée àune autreopposition àlaquelleMerleau-Pontya

dédiéunegrandepartiedesontravail: elleentresujetetobjet.

L'analyse merleau-pontienne ommen e à partir de la s ission

entre âme et orps tellequ'elleest présentéedansla pensée de

Des artes 1

.La questionqueDes artespose lairement est elle

on ernant lerapport entrele moi etle monde; pour résoudre

eproblèmelephilosophefaitunenettedistin tionentre equi

estobjetet e quiestsujet.DanslaPhénoménologiedela

Per- eption Merleau-Ponty arme, en parlant de ette distin tion

artésienne :

L'objet est objet de part en part et la ons ien e

ons ien edepartenpart.Ilyadeuxsensetdeuxsens

seulementdumotexister:onexiste omme hoseouon

existe omme ons ien e 2

.

Cela implique que, existant en premier lieu en tant que

hose, le orpsnepeutpasexisterentant que ons ien e.C'est

sur etteidéequeMerleau-Pontybasesa ritique ontre egenre

d'opposition. Ce qui s'avère ina eptable dans la proposition

artésienneestlefaitquele orpsdanslequelpourainsidire la

ons ien eréside, le orpspropre ,estun objet ommetous

les autres. Le orps humain ne se laisse pas penser omme un

objet,et 'estl'expérien evé ueelle-mêmequiledémontre. La

lédel'intera tiondu orpsetdelapenséeestlaper eption:le

orpsestmodiéparlapenséeetillamodieenmêmetemps;

voilà pourquoion nepeutpassaisirle orps ave un a tede la

ons ien e.C'est la ons ien e même quiest impliquée dansla

transformation orporelle.

Une fois e premier onstat ee tué, la ritique s'étend,

presquesansavoirbesoind'apporterd'autres argumentations :

1

Pouruneanalysedelale turemerleau-pontiennedeDes artes, f.R.

Barbaras,op. it.,Ladiplopiede l'ontologie artésienne, p.103-108etE.

Lis iani Petrini, op. it., Merleau-Ponty lettore di Cartesio e Husserl, p.

49-94.

2

(27)

du orps desautres etdon ,Merleau-Pontypoursuit e n'est

pas simplement un objet entre tous qui résiste à la réexion

et demeure pour ainsi dire olléau sujet.L'obs urité gagne le

mondeperçutoutentier. 1

L'essaide dépasserl'oppositionsujet-objetpousse

Merleau-Ponty à mettre en dis ussionlaperspe tive phénoménologique

de laquelle ses re her hes étaient parties :dans les années qui

suivent la Phénoménologie de la per eption, il se rend en

ef-fet ompte queson appro he n'est pas assez dé isive. Quoique

ledépassement de l'opposition sujet-objet en fut l'obje tif

pri-maire,armeMerleau-PontylesproblèmesposésdanslaPh.

Psontinsolublespar equejeparsdeladistin tion ons ien e

- objet  2

. Telle distin tion, ontinue lephilosophe, ne

per-met même pas d'expliquer la diéren e entre une lésion

éré-brale et le trouble de la relation ave le monde. À partir de

e onstat Merleau-Ponty abandonne progressivement la

phé-noménologie :la perspe tive phénoménologique est trop liée à

l'opposition ons ien e-monde,etonne pourraladépasserque

dupoint devue ontologique.

La solution de e problème sera trouvée dans une notion

dans laquelle les oppositions fusionnent omplètement : la

no-tion de hair. La hair est la base de la possibilité de penser

l'être en tant que hiasme :elle estnalement l'être lui-même,

un être dont dérive une nouvelle ontologie qui s'é happe soit

des problèmes de l'ontologie traditionnelle soit des impasses

dans lesquelles semblait tomber la phénoménologie.

Merleau-Ponty a usait, en eet,l'ontologie de onsidérer l'être omme

un objet devant nous, un  être horizontal  inerte sur le lit

d'unméde inqui l'observe.Voilà e quiexpliquel'introdu tion

du on ept de hiasme, qui sert justement à éviter l'é ueil qui

est la  pensée de survol  de elui qui roit pouvoir regarder

les hoses de l'extérieur, ave le déta hement de elui qui est

ailleursetqui n'est pasimpliqué dans e qu'il observe.Le

(28)

est le hiasme : on est i i devant une double équivalen e qui

fondel'ontologiede Merleau-Ponty;l'êtreest hiasme, àsavoir

hair.

Pourmieux omprendrela onstitutioninternede etêtreil

est né essaired'approfondir le on ept de hiasme etde

l'ana-lyser danstoute sa omplexité : il ne s'agit pas, en eet d'une

simple intrigue de deux polarités opposées; il est plutt

om-poséparplusieurs niveauxquine sontjamaisréduitsà unseul.

Le hiasmen'est pasunesynthèse,ilestune ompli ation, une

o-impli ation.

La hair est en eet en un premier temps le résultat de

l'intrigue entre sentant etsensible, entre voyant etvisible, elle

estdon lerésultatdu hiasme entre orpsetêtre.End'autres

mots,la hairestlesignedel'impossibilitédeséparerle orpsdu

mondequ'ilhabite.Maisilyaunautreniveaude hiasmedont

la hairdoitrendre ompte: eluientrevisibleetinvisible,entre

réexionetirréé hi. L'intrigue entrevoyant etvisibleempiète

en ore  et l'on pourrait parler d'un méta hiasme  sur

l'in-trigueentrevisibleetinvisible;sil'on onfrontel'intrigueentre

voyant/ orps et visible/être ave elui entre visible/irréé hi

et invisible/réé hi, on peut remarquer que le orps assume

presque le rle de médian d'une proportion : il est visible et

don apparemment irréé hi, mais d'autre part, en tant que

voyant il s'opposeau visibleen entrant ainsidansle hampde

l'invisibleetde laréexion.

La hair est lepoint où tousles termes en jeu se roisent :

levoyant etle visible, le orps etl'être, levisibleet l'invisible,

laréexionetl'irréé hi:enmêmetempsellesembleêtreaussi

bien un des éléments de e hiasme; elle est en eet l'être qui

s'oppose au orps, elle estdon l'intrigue entre orps etêtre et

entrevoyantetvisible.Finalement elle estl'ensemblede toutes

esintrigues.

À ette omplexité du hiasmeestduel'abondan edes

ter-mes employés par Merleau-Ponty pour le dé rire : entrela s,

intrigue, empiétement, diplopie, hiasme. Termes que l'on

(29)

L'être sauvage

L'Être estdéni par Merleau-Ponty ave une série

d'adje -tifs : sauvage, brut, verti al. Ces attributs sont utilisés pour

opposerlanouvelleontologieà elle lassiquequisembleen

revan he traiterd'unÊtre apprivoisé,passifethorizontal 1

.

À la basede ette on eption on peutretrouver la ritique

de la s ien e de la Krisis de Husserl 2

. La s ien e, et ave elle

unegrandepartiedelaphilosophie,veutregarderlemonde,les

hoses et nalement l'Être omme un objet devant elle : d'où

l'attitudede manipulation. Las ien e manipule les hoses et

renon eàleshabiter 3

.Lapremièreerreurde etteattitudeest

quel'onperd e quel'on her heavant mêmede l'avoirtrouvé.

En premier lieu, par e que la manipulation empê he d'entrer

en onta tave l'Êtretelqu'ilest;en deuxièmelieu,par eque

l'Êtreainsithématisémanqued'unobservateurquilethématise

etquireste en dehors delui.

L'ontologie, au ontraire, doit  viser le domaine total de

l'Être 4

.Onpeutarmer quel'onpeutinterpréteràpartir de

ettephrasel'entièretentative merleau-pontienne de onstruire

une nouvelle ontologie : 'est au nom de ette re her he de

1

Sur e sujet, f.C.Lefort,Sur une olonne absente,Gallimard, Paris

1978,pp.8-44.

2

Sur e sujet, f. S.Valdino i,Merleau-Pontydans l'invisible.L'÷ilet

l'esprit au miroir du Visible et l'invisible, L'Harmattan, Paris 2003, p.

23-36.

(30)

loppé. L'Être ne peut pas se réduire à une hose simplement

observable, il ne peut pas obéir de façon passive, omme s'il

étaitapprivoisé,à elui quiprétendresterendehorsdeluipour

l'observer. L'Être se lève en impliquant en lui et en englobant

elui qui her he à leregarder.

Dans ette sauvagea quisition de tout e quiest autourde

lui, l'Être devient universel et en même temps intraitable : il

é happe à elui qui veutledéterminer. Le mondedevient don

empiétement detoutsur tout,être de promis uité 1

.

Àlalumièrede ette on eptiononpeutmieux omprendre

pourquoi Merleau-Ponty passe de l'idéede `per eption' qui

a-ra térisait ses premières ÷uvres à elle de `foi per eptive' qui

apparaîtdansleVisibleetl'invisible.Laper eptionnepeutpas

tenir ompte del'Êtrebrutpar equ'ellen'arrivepasàprendre

en ompte l'impli ation dansl'Être duper evant quiest en

re-van he à la base de la foi per eptive. Mais Merleau-Ponty va

en oreplusloin:dansuninédit itéparBarbaraslephilosophe

arme:

Au lieu de dire : être perçu et per eption, je ferais

mieuxde dire:être brutousauvageet fondation

(Stif-tung) 2

.

L'Être sauvage montre don toute sa valeur hiasmatique,

jusqu'àserévélerper eption.UnÊtrepareilnepeutêtreabordé

qu'àpartirdu hiasmequiestla hair: hiasmeavanttoutentre

dedans et dehors, observant et observé, senti et sentant, mais

hiasme aussientreréexionet irréé hi,invisible etvisible.

La présen e de l'absen e

Les atégories duvisibleetde l'invisible onstituent le

pre-mierniveaudel'intriguedu hiasme. Cesdeuxmotsnepeuvent

pas être onsidérés omme deux ples d'une opposition

puis-qu'ilsempiètent immédiatement l'un surl'autre : le visibleest

1

VI287.

2

(31)

lité même du visible. Un terme ne se donne pas sans l'autre.

Pour expliquer et entrela ement, Merleau-Ponty emploie une

expressionquimesemblebiendé rire ettestru ture:la

pré-sen ede l'absen e .

Merleau-Ponty désigne ave ette expression la omplexité

dela hairentantquevisibilitéetinvisibilitédelavisibilité.Le

hiasme seprésente don plutt ommeunespirale que omme

une inversion:l'intrigue ontinue dese reproduire en ajoutant

toujours un nouveau niveau de ompli ation. Ce qui semble

vraimentétonnantestquelesniveauxdu hiasmesemultiplient

dans l'instant même que l'on veuille les déplier, les expliquer.

La première ara téristique du hiasme est nalement elle de

ne pas se laisser expliquer : et ela pas seulement par e que,

omme un n÷ud gordien, il ne peut pasêtre dénoué par

l'ob-servateur. Celapermettrait en oreunesorte dethématisation :

le hiasmeserait len÷ud qui nepeutpasêtre dénoué. Maisle

hiasme nepeutêtrethématisé,etdon expliqué, pasmême en

en a eptant son ara tère insolvable : devant l'observateur il

senoue en ore plus, dans son mouvement à spirale il ontinue

à s'entrela er et à rendre de plus en plus profonde sa

ompli- ation. Merleau-Ponty l'armedans un hapitre du Visible et

l'invisible :

L'être harnel, omme être des profondeurs, à

plu-sieurs feuillets ou à plusieurs fa es, être de laten e, et

présentation d'une ertaine absen e, est un prototype

d'Être,dontnotre orps,lesentantsensible,est une

va-riantetrèsremarquable,maisdontleparadoxe

onstitu-tifest déjàdanstout visible 1

.

La dénitiondeprésen ede l'absen e unieetsoude

en-sembleplusieurs niveauxde hiasme :l'Êtreest, danssa

déter-minationfondamentale, hair.Mais ette hair,loin d'être

pen-sée ommematérialité, puisque e i pourrait laramener à une

pensée obje tivanteetde survol, doit être omprise avant tout

(32)

di toirepar rapportàlapremière :entant queprésentation de

quelque hose, présentation même de la laten e qu'elle est, la

hair est présentation d'une absen e.La hairen tant que

pré-sen e,présenteelle-même une laten e.La hair estprésen ede

l'absen e, don , eten tant que telle, elle est une visibilité qui

dérive d'uninvisible, lavisibilitéde l'invisible.

Ilmesemblené essairedesoulignerquelades riptionde la

stru turedurapportentrevisibleetinvisibleestloind'être

abs-traite: 'estàpartirdel'expérien esensiblequeMerleau-Ponty

essaiede développer ette notion.C'est l'expérien ede la vue,

du voir qui est analysée dans toute sa omplexité en omplète

oppositionave sa ara térisation lassique.Ilestintéressantde

remarquerque 'estjustementlavuelesens hoisipar

Merleau-Ponty pour sa démonstration. La vue, lesens qui semblait

de-puisAristote déterminernettement l'opposition entreintérieur

etextérieuretsurtoutentresensibilitéetnon-sensibilité:à

par-tird'Aristotelevisiblenesemblaitjamaispouvoirempiéter sur

l'invisible. Comme le remarque Levinas, la philosophie a

tou-joursétéliée àladimensionlumineuse delavision:lalumière,

onditionde lavision,implique uné art netetpré is entre

vi-sibleetinvisible.IlsemblequeMerleau-Pontyaiteul'intention

dedé rireune dimension nonpasd'absen edelumière oubien

d'ombre, mais plutt de pénombre, une dimension diaphane 1

,

auseindelaquelleladiéren eentrevisibleetinvisiblenepeut

plusêtrerepéréedansunespa edis ontinu,maiselleestplutt

entamée à partird'une ontinuité impossible àinterrompre.

Merleau-Pontysemblearmerqu'au undesphilosophesqui

aanalysélanotiondevuen'ajamaisvraimentvuquelque hose.

Eneet ladimension du visiblen'est passeulement indivisible

de elledel'invisible,maismême estrenduepossiblepar

l'invi-sible; sansinvisible levisible ne serait pasvisible: iln'est pas

possible de voir en dehors du hiasme. C'est e qui dé oule de

l'analysemerleau-pontienne du on eptdeprofondeur:au

mo-1

Sur e sujet, f. E. Alloa, La résistan e du sensible. Merleau-Ponty

(33)

à e que nousne pouvonspas regarderpuisqu'elleempiète sur

autre hose; on ne voit une table que grâ e aux pieds a hés

derrière les pieds visibles. La possibilité de la vision dérive du

faitque e qu'on a devant nousest stru turé selonune

profon-deur : ette profondeur est invisible puisqu'elle onsiste en un

empiétement d'objets dont l'un a he l'autre. Une hose a he

l'autreet equiestdevantn'estvisiblequ'enfon tionde equi

estderrière:voilàla ara téristique prin ipale duvisible.Voilà

l'essen e de l'empiétement 1

: il est la promis uité des hoses,

leur inséparabilité, leur adhéren e à la hair, hair qui est elle

même et empiétement et ette promis uité. L'expérien e du

visible est avant tout expérien e de l'invisible, nos yeux font

d'abord l'expérien edu manque,de e quiest a hé,de e que

l'onne peutpasvoiretqui garantit ainsilavisibilité:

Cettela uneoùsetrouventnosyeux,notredos,elle

est omblée, omblée par du visible en ore, mais dont

nousnesommespastitulaires 2

.

Voilàlevrai hiasme:levisibleestavant toutinvisible

tan-dis que e qui devrait être invisible par ex ellen e, e qui est

derrièrenous, notredos, assumela ara térisation duvisible.

Pour en ore mieux expliquer e qu'il veut dire,

Merleau-Ponty a re oursàProust 3

:

Ontou hei iaupointleplusdi ile, 'est-à-direau

lien dela hair et de l'idée, duvisible et de l'armature

intérieurequ'ilmanifesteetqu'il a he.Personnen'aété

plus loin que Proust dans la xation des rapports du

visibleetdel'invisible,danslades riptiond'uneidéequi

n'estpasle ontrairedusensible, quienestladoublure

etlaprofondeur 4

.

1

Surlethèmedel'empiétement, f.E.deSaintAubert,DuliendesÊtres

auxélémentsdel'Être.Merleau-Pontyautournantdesannées1945-1951,

Vrin,Paris 2004.

2

VI188.

3

OnpeuttrouverunebelleanalysedurapportdeMerleau-Ponty ave

(34)

Merleau-Proust,exprimer l'amour de Swann. Elle représente bienla

si-tuation hiasmatique de la hair : elle est sensible, mais elle

exprime une idée, un invisible. D'autre part, dans son

invisi-bilité, la petite phrase tou he en ore quelque hose de visible,

deper eptible,de orporel.L'idée musi ale estenmême temps

visibleet invisible, sensible etnon per eptible. C'est l'invisible

qui se trouve  en transparen e, derrière le sensible ou en son

÷ur 1

.

Sentant et sensible

Onestdon arrivéau ÷urdu hiasme:onenestàanalyser

leniveau d'intrigue de la hair. C'estl'intrigue entresentant et

sensible, elui sur lequel Merleau-Ponty veut baser la solution

del'oppositionentresujetetobjetqui ara tériselaphilosophie

àpartirde Des artes.

Le noyau théorique de ette intrigue est l'entrela ement de

l'a tivité et de la passivité. L'idée développée par

Merleau-Ponty dérive d'unpassage desIdeen II de Husserl,danslequel

l'auteur parle du rapport entre deux mains qui se tou hent.

Dans ette simple expérien e on a aaire à l'impossibilité de

s inder le sujet de l'objet. Chaque main est en eet tou hant

ettou hée,sujet delaper eptionetsonobjet.C'estjustement

grâ eà ette inter hangeabilité quelaper eptionestpossible.

Merleau-Ponty arrive i i à larier parfaitement le on ept

de hair : la per eption, en eet, s'in arne, se fait monde; la

main tou hant devient tou hée. La per eption s'in arne dans

le monde puisque le monde se fait per eption  et à ause de

ette intrigue, le monde s'in arne à son tour. Si le monde est

l'in arnationdelaper eption, ilestvraiaussiquelaper eption

est in arnation du monde; voilà pourquoi la hair est un être

uniquequiimpliqueenluiletou hantetletou hé,lesentantet

lesensible.Merleau-Ponty repèreaussiunemotivationa priori

de ette intrigue:ilesteneet né essairequ'il yaitune

proxi-1

(35)

on nepourraitpas omprendre la possibilitéd'un onta t ave

quelque hose de nouveau au moment de la per eption. Voilà

pourquoil'intrigue entresentant etsensible eten e asentre

tou hant ettou hé nepeutpasselimiteràl'expérien ed'une

mainquitou hel'autre,maisdoitpouvoirs'élargiràtoutle

do-mainedutou hable:laparentéentrel'explorationet e qu'elle

m'enseignera n'est possible que

si, en même temps que sentie dudedans, ma main

est aussi a essible du dehors, tangible elle-même, par

exemple,pourmonautremain,sielleprendpla eparmi

les hoses qu'elle tou he, est en un sens l'une d'elles,

ouvreennsurunêtretangibledontellefaitaussi

par-tie 1

.

Lamainquitou hel'autremain hezHusserldevient

l'exem-ple d'un rapport qui s'instaure dans tout le domaine du

sen-sible:unhorizon quimetensemblel'extérieuretl'intérieur

de-vient né essaire. L'entrela ement du tou hant et du tou hable

danslamainpermetà ette main deper evoir, d'ouvrir un

es-pa e dans lequel bouger, danslequel don pouvoir ommen er

une exploration. Mais la seule façon d'ouvrir et espa e est de

l'habiter, d'y être impliqué, d'y être jeté. Voilà qu'apparaîtun

on ept quisera fondamentalpour la suite de e travail: elui

de situation. Onest situé dansun espa e et ela implique une

ertaine passivité; mais ette situation implique une a tivité :

ellede onstruire,dedonnerunsensàl'espa eoùonestsitué.

Cetêtresituésignieenmêmetempsavoirunepla eetprendre

unepla e,êtrepassifetdéterminéparunlieuetenmêmetemps

réer elieu même.

Il est évident que la stru ture que l'on a jusqu'i i dé rite

en relation ave le tou her, vaut aussi bien pour la vue et les

autres sens,  puisque la vision est palpation par le regard, il

faut qu'elle aussis'ins rive dans l'ordre d'êtrequ'elle nous

dé-voile  2

. Voilà que la promis uité se présente à nouveau; les

(36)

signi ationdu on eptde hair. Merleau-Ponty souligne:

C'est une merveille trop peu remarquée que tout

mouvementde mes yeux bien plus,tout dépla ement

demon orpsasapla e dansle mêmeuniversvisible

quepareuxjedétailleetj'explore, omme,inversement,

toutevisionalieuquelquepartdansl'espa eta tile 1

.

C'est à ettemerveilleque l'on doitporter notreattention,

puisqu'elleest à labase de l'idéede hair :le sentant doit

res-ter dans le même espa e du sensible par e qu'autrement il ne

pourrait pas le sentir : mais ela implique que le sentant doit

êtreavanttoutunsensible,puisqu'ilspartagentlemêmeespa e.

Onnepeutpasvoirlemondeen étant endehors dumondeet,

don ,une pensée de survoldevient impossible.

La né essitéde l'impli ationdu sentantdanslesensible

en-gendre l'entrela ement de l'a tivité et de la passivité. S'il est

vrai que la passivité  le fait d'être situé parmi les hoses 

donnelapossibilitédel'a tivitélefaitdeper evoir es hoses

mêmes ,le ontraire est aussivrai. D'une part, en eet,pour

pouvoirper evoir,ilestné essaired'êtresensible,pouravoirun

onta t ave les hoses il faut d'abord être une hose; d'autre

part pour pouvoir être une hose parmi les hoses il faut

pou-voirper evoir, pouvoirouvrirun espa e oùon puissesesituer.

Il faut en ore larier le rle du orps dans l'intrigue du

sentant etdu sensible.Il esteneet évident quel'impossibilité

deséparer esdeuxplesdérive de l'impossibilitéderéduire le

orps à un objet. C'est le orps qui dé len he le hiasme qui

engendrela hair, 'esten orele orpsquipermetl'in arnation

delaper eptionetle devenirper eption dumonde; en e sens

le orps n'est ni voyant, ni sentant niune hose vue, sensible;

ilest :

laVisibilitétantterrantetanttrassemblée,et,à e

titre,iln'estpasdanslemonde,ilnedétientpas, omme

dans une en einte privée, sa vue du monde : il voit le

monde même, le monde de tous, et sans avoirà sortir

1

(37)

ses yeux ne sont rien d'autre que ette référen e d'un

visible,d'untangible-étalonàtous euxdontilportela

ressemblan eetdontil re ueillele témoignage,parune

magiequiest lavision,letou hermêmes 1

.

Voilà qu'à partirdu orps s'ouvrela dimension de la hair,

à savoir elle d'une visibilité qui est telle par e qu'elle voit;

ette visibilité ré olte en elle une dispersion de parti ularités

quipeuventêtrepensées ommeunies.Le orpsestdon

visibi-litéerrantepuisqu'iln'estpaslepropriétairede equ'ilvoit:ses

visionsdériventd'unepassivité,sefondentsurunêtrevuquiest

leprin ipe de toute vision;le orps est, en e sens, une hose.

D'autre partle orps est visibilité rassemblée puisque sonêtre

vudérivedel'êtredansunmondeouvertparle orpsmême,par

sesmains, ses yeux, ses sensationsparti ulières quideviennent

universelles justement par e qu'elles ouvrent la possibilité de

voirles autres :le orps est,en e sens,a tivité, per eption.

Maisl'intrigue entrea tivitéetpassivité ontinue à

s'entre-la er dansune radi alisation de lapassivité qui meten

dis us-sion lerapportentre a tivité du orps etréexivité :levoyant

n'esttelquepar equ'ilsesentregardéparles hoses; omme

l'ontditbeau oupdepeintres,jemesensregardéparles hoses,

mona tivitéest identiquement passivité  2

.

Apparemmentonestfa eàuneautreinversiondesdeux

a-tégories:lapassivitésembleassumertoujourslapremièrepla e.

Mais en réalité l'équilibre reste instable et es deux atégories

ontinuent leuros illation.

Il nousreste àpré iser un dernieraspe tfondamentalpour

bien omprendre e que Merleau-Ponty entend ave la notion

de hair. Onavu, jusqu'i iquela hair estintrigue de la

pola-ritésentant-sensible, visible-invisible. Maisilne faut pas roire

qu'ellepeutêtre pensée ommeune totalité :la hair n'est pas

lasynthèsededeuxopposés.L'équilibrequisefaitdansla hair

resteouvertdanstoute sadynami ité etsoninstabilité : equi

signiequelesdeuxaspe tsquise roisentenellenefusionnent

(38)

séparés;la hairesttoujourslesigned'uné art.Merleau-Ponty

leremarque dansune notede mai1960 :

Tou heretsetou her(setou her

=

tou hant-tou hé). Ils ne oïn ident pas dans le orps : le tou hant n'est

jamaisexa tementletou hé.Celaneveutpasdirequ'ils

oïn ident  dans l'esprit  ou au niveau de la 

on-s ien e.Ilfautquelque hosed'autrequele orpspour

quelajon tionsefasse:ellesefaitdansl'intou hable.

Onpourraitpenserquela hairestl'intou hable oùl'union

seréalise.Maisàbienregarder,lefaitdeparlerd'unintou hable

implique que ette unionreste à jamais renvoyée, toujours

vir-tuelle 1

. La hair est ette virtualité même. La suspension de

l'union implique que la hair ne peut pas être pensée omme

undérivé de l'idée lassiquede substan e:elle s'é happe de la

substan epoursoninstabilitéetpour l'é artqui ara tériseles

parties dont elle est omposée. La hair doit en revan he être

pensée ommeélément;elleestuneélémentaritépro hede elle

qui ara térise les prin ipes originaires des préso ratiques : la

terre,l'air, l'eau, lefeu.L'élément,tout ommela hair, relève

d'une visibilité, mais ette visibilité ne réduit pas l'élément à

unesimple matière.L'élément est

une hosegénérale,àmi- hemindel'individu

spatio-temporel et del'idée, sorte de prin ipein arné qui

im-porte unstyle d'être partout oùil s'en trouveune

par- elle.La hairesten esensunélémentdel'Être 2

.

On omprenddon lerapportdelapartieetdutoutdansla

notionde hair.Entantqu'élémentelleestpartie totale,

méto-nymiedel'Être. Laparti ularité del'élément esteneet d'être

1

L'idée que l'on puisse parler d'une  virtualité de la hair  a été

rapidementproposéedéjàparBarbarasdanssonarti leMerleau-Pontyaux

limitesde laphénoménologie,Chiasmiinternationaln.1, p.199-212 ( f.

p.208).Maispouruneanalyseapprofondiede ettenotion, f.F.Bourlez

Deleuze

\

Merleau-Ponty: propositionspourune ren ontrea-parallèle dans Con eptshorsserien.1,GillesDeleuze,SilsMaria,2002,p.231-257.

2

(39)

tourde  quelque hose .L'élémentarité de la hair agit de

tellesortequ'elleestleprin ipede toutetqu'elleestla

signi- ationdel'intrigue etde lapromis uitéentrededansetdehors,

entrevisibleetinvisible,sanstoutdemêmedevenirunetotalité

substantielle. La hair, arme Merleau-Ponty, est un élément

de l'Être :mais il estaussi vraique l'Être devient élémentaire

à travers la hair;tout e qui adhère à l'Être s'entrela e dans

sonélémentarité, sanspour autant s'aplatirsurune unité.

Celaimpliquequeles hosessontdesdiéren iationsd'une

seule etmassive adhésion à l'Êtrequi estla hair 1

.

Merleau-Ponty explique que penser la hair omme élément implique

quelemondeest etensembleoù haque partie,quandon la

prendpour elle-même ouvre soudain des dimensionsillimitées,

 devient partie totale . Cette stru ture est justiée du fait

que haquepartieest ara tériséeparl'élémentaritédela hair,

haque partie est hair et don une massive adhésion à l'Être.

L'élémentarité de la hairse révèle déjà danslaper eptionqui

est non per eption de hoses maisper eptiondes éléments

et pour ela en per evant  je glisse sur es éléments et me

voilà danslemonde,jeglissedusubje tif à l'Être 2

.

Cettesituationdonnelieuàlapossibilitéd'employerle

on- eptdemétaphorepourmieuxexpli iterlafon tionde la hair

dansson rapport à l'Être :le on ept de partie totale ouvre à

une valeur métaphorique du mondegrâ e à laquelle il est

pos-siblelaguration detoute hosepartoute hose.Commele

ditBarbarasLemondeestlelieudelamétaphoreoula

méta-phore ommelieu.[...℄.Les hosesse onfondentave ette

gu-ration, etempiétement;ellesnedeviennentelles-mêmes qu'au

arrefourdesrayonsdemonde 3

.End'autresmots

l'entrela e-mentquiseproduitdansla hairnepeutpasêtredénouépar e

qu'iln'ya au une hosequi resteen dehorsde lamétaphore,il

n'ya pasde partie sansletoutreprésentéparl'élément.

1

VI324.

(40)

Pour mieux erner lerapport d'identi ation de la hair et

del'Être,etpour omprendre omment onstruireunenouvelle

ontologie axée sur et Être sauvage dont on vient de parler, il

est né essaire de porter l'attention sur la relation entre hair

et orps.Lathèse deMerleau-Pontyest quela hair dumonde

nitpar oïn iderave la hairdu orps.La hairdumondeest

eneet etempiétement des hoses lesunessurles autres,une

promis uité engendrée par le hiasmeentre visibleet invisible.

C'est lasuperposition des hoses dansla profondeur,le

roise-ment du devant et du derrière.En interrogeant plus

profondé-ment es stru tures, on peut omprendre qu' elles nous

ren-voientàl'Einfühlungper evant-perçu, arellesveulentdireque

noussommesdéjà dansl'êtreainsidé rit,quenousensommes,

que, entre luiet nous,il yaEinfühlung  1

.End'autres mots :

l'intrigue des hoses impliqueaussile orps.

Voilà lasigni ation de la notion de l' en être , une

im-pli ationdu orpsdansl'Être. La on lusionde Merleau-Ponty

estque :

Cela veut dire que mon orps est fait de la même

hairquelemonde( 'estunperçu),etquedeplus ette

hair de mon orps est parti ipée par le monde, il la

reète,ilempiètesurelleet elleempiètesurlui 2

.

Maissile orpssetrouvedans ettesituationd'intriguedans

la hairetdon denon-séparationdel'Être, ommentune

onto-logieest-ellepossible?Comment imaginerunepenséedel'Être

sidans et Êtreon est toujours impliqué et qu'on ne peut pas

en sortir? Onest fa eà l'exigen e de développerune  pensée

du dedans  3

, une pensée qui naisse et se fasse de l'intérieur,

sanstrahir etenêtre qui ara térise lerapport entre orps et

hair, sans postuler, don , une fausse sortie de l'Être, un faux

1

VI302.

2

VI302.

3

Pouruneanalysedelanotion depenséedu dedans f.Françoise

Dastur,Chairetlangage,En remarine,Fougères2001,etenparti ulierle

(41)

volpuisqu'ainsielle n'arriverait pasà saisirsonthème.

L'ontologie doit don devenir intra-ontologie 1

, une pensée

intérieure, non pas dans le sens d'une pensée qui se fait dans

un sujet, mais d'une pensée de la non-extériorité, une pensée

de l'Être qui se fait dans l'Être en tant que oïn iden e à

lui-même.

Dansle hiasmedela hair, eneet,l'é artentresentant et

sensiblerestelà,et 'estenraisonde eté artquel'Êtreest e

quiexigedenous réationpourquenousenayonsl'expérien e.

En d'autresmots, dansle hiasme qui est la hair, l'Être reste

non- oïn iden e ave lui-même, justement par e qu'il a besoin

du hiasmepourêtre :ilabesoin del'entrela ement entre

sen-tant et sensibledont ildérive.

L'Être sauvage qui est au entre del'intra-ontologie est un

Être qui se fait de son intérieur et qui se pense de son

inté-rieur en étant toujours dans l'élémentairité de la hair qui le

stru ture. En faisant référen e à la ritique merleau-pontienne

de Sartre 2

, on pourrait armer que l'intra-ontologie onsiste

à ramener la diale tique de l'Être et du Néant à l'intérieur de

l'Êtremême.C'est e queMerleau-Pontyarmedansune note

de1960 :

(pourrendre omptedu hiasme)...ilfautunrapport

àl'Êtrequisefassedel'intérieurdel'ÊtreC'estaufond

e queSartre her hait. Mais omme,pourlui, il n'y a

d'intérieur que moi, et tout autre est extériorité, l'Être

reste hez lui inentamé par ette dé ompression qui se

1

Intra-ontologieouEndo-ontologie. Lestermes sont utilisés également

parMerleau-Ponty, f.parexempleVI279.

2

ParmilestextesquianalysentlerapportentreSartreetMerleau-Ponty,

f. The debate between Sartre and Merleau-Ponty, dirigé par J. Stewart,

NorthwesternUniversity Press, Evanston(Ill.) 1998;E. Bello, De Sartre

a Merleau-Ponty : dialé ti a de la libertad y el sentido, Universidad de

Mur ia, Mur ia 1979; C. Senofonte , Sartre e Merleau-Ponty, Libreria

S ienti aEditri e, Napoli 1972;M. Whitford,Merleau-Ponty's ritique

(42)

n'yparti ipequeparunesortedefolie 1

Sartre,danssadiale tique entre l'ÊtreetleNéant,n'arrive

pas à stru turer une pensée du dedans par e que l'opposition

entre intériorité etextérioritél'en empê he; 'est ette

opposi-tionqueMerleau-Pontyviseàdépasserdanssonintra-ontologie.

OnpourraitarmerqueMerleau-Pontypartdupointd'arrivée

de Sartre :si e dernier trouvait  un vague mélange  2

entre

Être et Néant, pour le premier il s'agit de partir de la

onsta-tationdel'unité del'Êtreentant que hair, pour nevoirl'Être

et leNéant que omme sesdéterminations abstraites .

Untelpointdedépartimpliquequ'ilnepeutyavoird'autre

ontologie que l'intra-ontologie. Pour utiliser les mots de

Gam-bazzi,l'intra-ontologie se ongure omme uneontologie

fon-déesurl'entreetsurl'absen e intrinsèqueàtouteprésen e, sur

la réversibilité et le pli (non sur les oppositions et les

distin -tions),surl'absen ed'unpoint devueuniant parlesurvol,ou

bien par des entres uniants qui répondent à des hiérar hies

donnéesetnaturelles  3

Chair et diéren e

Cetteidéed'intra-ontologieengendreuneproblématique

fon-damentale par rapportà l'idée de hair : laquestion de la

dif-féren e. Il est évident que l'obje tif visé par Merleau-Ponty à

traverssonidéede hairestderendre omptedefaçonnouvelle

du rapport entre unité et multipli ité. La hair doit être en

mêmetemps etélémentuniverselquidéterminelapromis uité

des hosesdansl'Êtreetlapossibilitémêmedeladiéren iation

des hoses : elle ne doit pas tomber dans le risque de devenir

unetotaliténidans eluid'êtreunefragmentationinsensée.On

peutidentier troisstru turesutilisées par Merleau-Ponty an

1

VI268.

2

VI290.

3

P.Gambazzi,Fissionedell'essere,essenze evisibilitàassoluta,

(43)

sation. À ha une de esstru tures orrespond un ontrepoids

quitireverssonopposé,àsavoirquiramènela hairversl'unité.

Enpremierlieula hairne peutpasêtrepensée omme une

substan e, elle ne peut don pas être un instrument

d'uni a-tion. La hair n'est pas unité des oppositions, elle ne peut pas

être onsidérée ommelasynthèsediale tiquededeuxples

op-posés; en elle l'é art entre visible et invisible, entre sentant et

sensiblereste toujours là.En ontrepartie,la hairestélément,

lastru ture on eptuelle laplussimpleetdon laplusunitaire,

laplusindisso iable:siellen'estpasunesynthèseellen'estpas

nonplus une ompositionmultiple.

En deuxième lieu :la hair est l'espa e de la variation; les

hoses sont desvariations de l'Êtredansla hair etla hair, en

tant qu'élément, ara térise toutes les hoses justement par e

qu'ellessontdiérentes.Ilfaut omprendreainsil'idée

merleau-pontienne del'expérien e omme apa itéinnie de variation :

l'expérien eestlavariationdel'essen e. La hair esten esens

multiple puisqu'elle détermine la variation, mais elle est, en

même temps, dans sonélémentarité, le point de repère

immo-bile, le pivot sur lequel baser l'unité de sens dans l'Être pour

toute hose. La hair est une adhésion massive des hoses à

l'Être.

Finalement,le hiasmesentant-sensiblequi onstituela hair

impliquelefaitquele orpsestpassifetdépendde l'Autre.Le

orps est fait par autre hose, son identité dépend de quelque

hose qui est hors de lui : en e sens l'altérité est originaire

par rapport à l'identité. Dans le er letou hant-tou hé on

dé- ouvrequ'onnepeutêtretou hantqu'entantquetou hé.Mais

enparallèle ejeud'identitéetd'altéritésedérouledansun

ho-rizon unique, identique pour le moi et pour l'Autre : l'altérité

(44)

Jesuisdon arrivéauboutde epremier hapitredont

l'ob-je tifprin ipalétaitd'identierunavant àpartirduquel lan er

un pont vers un après. Mon a te intra-originaire, mon

entre-temps estdésormaisposé, quoiquedanssoninstabilité.

Sila hairdeMerleau-Pontyestunestru turequirend

pos-sible le fait d'é happer aux jeux d'oppositions des ontraires,

deuxproblèmesfondamentaux ontinuentd'ae ter e on ept:

en premier lieu 'est le rapport entre unité et multipli ité qui

pose problème; en se ond lieu elui de l'équilibre entreles

op-posés.À proposde etéquilibrej'ai utilisé lemot `virtuel'.

Maisavant de ommen erune analysede ettenotionetde

sonrapportave l'idée de hair, il estné essairede prendre en

omptedeuxaspe tsquis'entremêlent dans ettemême notion

dont lerle s'est jusqu'à présent entrela édans le hiasme :le

on eptdel'Êtreet eluidu orps.Ilsserontlesthèmes

(45)
(46)
(47)

L'Être dans le hiasme

On peut armer que Merleau-Ponty aussi, dans le travail

philosophique qui l'a onduit à dessiner lastru ture théorique

du hiasme, essaiede répondreàlaquestion philosophique par

ex ellen e: ellerelativeà l'Être.Le hiasme n'estrien d'autre

que la tentative de penser l'Être de façon originale, à savoir,

defaçon que ette notionn'implique plusl'opposition entre

su-jet et objet qui ara térisait une grande partie des ontologies

pré édentes. Dans le hiasme l'Être devient sauvage : il n'est

don plus`devant'unobservateurmais,grâ eà ettemassive

adhésion à l'Être qui est la hair , il devient une unité ave

l'observateurmême 1

.

Pourmieux omprendrelenoyaudelapropositionthéorique

merleau-pontienne,restentàanalyserlesimpli ationsd'unÊtre

ainsiredéni. Sa première ara téristique est une sorte de

mé-diateté, de réexivité : l'Être de Merleau-Ponty est réé hi, il

n'a rien d'immédiat. On en vient à une telle onvi tion par

le biais de deux par ours. En premier lieu il y a le sou i de

Merleau-Ponty de dépasser lerisque de ontradi tion qui

han-taitlaPhénoménologie dela per eption oùon re her hait

l'ori-ginedurapport entrel'homme etlemonde dansl'immédiateté

1

Ilfaut soulignerque etteuniténe omportepasuneimmanen ede

l'êtreparrapportàl'étant.Pouruneanalysedel'interprétation

merleau-pontiennedeladiéren eontologiquedeHeidegger, f.F.Dastur,La

(48)

le dis ours philosophique, ou du moins ne peut pas être pensé

ommeun prin ipe.En se ond lieu,le faitde onsidérer l'Être

omme immédiat et irréé hi, implique l'hypothèse d'un sujet

réexifquileprenneen ompteenleregardantentantqu'objet.

Pour ommen er, don , Merleau-Ponty hoisit de se pla er

sur un plan purement philosophique et d'é happer au risque

de l'anti-philosophie qui ara térisait la Phénoménologie de la

per eption.

La philosophie, pré isément omme  Être parlant

ennous,expressiondel'expérien emuetteparsoi,est

réation. [...℄ L'Être est e qui exige de nous réation

pourquenousenayonsexpérien e 1

.

Ce n'est don pas seulement la philosophie qui voit l'Être

réexivement,maisl'Êtrelui-mêmequiseprésente omme

mé-diat, reété,exigeant una te réatif. L'Être setrouve dansun

empiétement du dedans sur le dehors où l'observateur et

l'ob-servés'entremêlent enunentrela s;iln'yaplusdedistin tions

entre dedansetdehors,justementen raison de ette réexivité

del'Être.Deplus,l'Êtrenepeutêtrequedansle hiasme,voire

dansune uniond'ensoi etde pour soi,de sujetetd'objet:on

nepeutpas,don , lepenser àtraversune ontologie dire tequi

présupposerait un déta hement, une obje tivation. La pensée

du dedans estune ontologie indire te qui pense l'Être à partir

de equ'ilestdansl'étant,àpartirdesaréexivité,desonêtre

pliésur lui-même.

Ilnousresteàanalyserlesensde etteréexivitédel'Être:

uneréexivité etune médiatetéquin'ontpasbesoin d'unsujet

réé hissant.Onverraque etteidéederéexivitédel'Êtresera

aussiunelimitepour notredis ours,puisqu'elleengendrera

in-évitablement ladimensiond'unsujetenrevenant àl'opposition

sujet-objetquoiqu'elleaitété onçuejustementpourladépasser.

1

(49)

Au débutde sonpar ours philosophique,la tentation

prin- ipalede Merleau-Pontyétait dere her herle onta tave une

immédiateté qui soit originaire par rapport à toute médiateté.

 Toute onnaissan e s'enra ine dans la per eption , voilà la

phrase qui sert à De Waelhens à résumer la Phénoménologie

de la per eption. Mais onpourraitinterpréter ette armation

danslesens que nousne sortonsjamais del'immédiat et

ex-pli iter etimmédiatrevientsimplementàlevivre 1

:uneidée

semblable entrerait en ontradi tion ave l'entreprise

philoso-phique même.

Une fois ettetentationabandonnée, aumoinsdansson

ex-pressionla plussimple etdire te, Merleau-Ponty semble

onti-nueràa orderdel'espa eà emondesilen ieuxetirréé hi

quisembleraitêtredevantnous.Onpeutrepérerlapreuved'une

telle attitudedans le hoix desmots qui servent à ara tériser

l'Être : `brut', `sauvage'. Il est remarquable que dans

l'obje -tifdé larédes'é happerd'une on eptionde l'Êtreaplati dans

uneimmédiatetéquirisquededevenirobje tuelle,lephilosophe

françaisutilise desmots quirenvoient justement à ette

immé-diateté.

L'Être est déni omme `sauvage' quoique saprimordialité

ne soitpasune spontanéité,maisau ontraireune di ulté de

ontrle delapartde eluiquiessaiedel'observer.Etpourtant

letermerenvoieàune absen ede réexionetde médiateté.La

véritéest que Merleau-Ponty essaie de ette façon de résoudre

undouble problème:d'une part elui de l'opposition entre

su-jet et objet et de l'autre elui de l'originarité. Merleau-Ponty

voudrait trouver un élément primitif, originel : voilà e qu'il

veut entendre par l'adje tif `sauvage'; pour obtenir e résultat

ilnittoujours par faireréféren eà l'immédiateté qu'ilvoulait

dépasser.

Malgré ette référen e, par ailleurs, la philosophie remet

Références

Documents relatifs

Nous ne retrouvons pas dans notre société l'équivalent des « hereditary chiefs, clan mothers and elders » qui avisent ces guerriers, mais nous jugeons, à la lumière du film,

ing of superlinear drift coefficients for SDEs, we introduce the Tamed Unadjusted Langevin Algorithm (TULA) and obtain non-asymptotic bounds in V -total varia- tion norm and

Plus tard, en traitant du thème d’une histoire de la peinture, dans un texte dédié au problème de l’expression « Le langage indirect et les voix du silence » – repris

L’imposante collection d’essais publiés en 1991 chez Jérôme Millon s’intitule Rythmes et mondes ; l’un des textes, intitulé « Discontinuité poétique

Merleau Ponty dépasse cette méthode phénoménologique en enracinant l‟espace dans le corps : « Comprendre, c‟est éprouver l‟accord entre ce que nous visons et ce qui

Comment distinguer le perçu et le vécu? Toutes ces questions seront abordées en détail dans les quatre premiers chapitres de ce travail, consacrés respectivement à la conscience,

Or comme on n’a aucune faculté correctrice de ce genre, on peut conclure qu’on a les moyens de connaître avec certitude les choses sensibles et ces moyens sont notre inclination ou

Toutefois, à l’objectivité de la science, avancée par Heidegger pour décrire le monde à l’état brut, Merleau-Ponty oppose la naïveté subjective du penseur qui doit « formuler