Penser le Parti et subir le Reich. De
l’intérêt politologique d’un récit de
résistance.
Hubert était devenu communiste au sortir
de l’adolescence, parce qu’il désirait
marquer
d’une
façon
radicale
son
opposition au milieu dans lequel il avait
grandi, et parce que la critique marxiste de
la
société
bourgeoise
satisfaisait
entièrement son intelligence.
P.NOTHOMB, Le délire logique, Phébus,
Paris, 1999, p.75
Quel intérêt pour la science politique
d’étudier des récits ?
Quel
intérêt
pour
l’auteur
de
« contourner » la forme du témoignage
direct et romancer son histoire ?
Quels enseignements politiques tirer de
ce récit ?
Science(s) politique(s)
Qu’est-ce en effet que la lecture d’un texte,
sinon
l’enregistrement
de
certaines
récurrences
thématiques,
de
certaines
insistances
dans
les
formes
et
les
significations ? La lecture électronique me
fournit une liste de fréquences qu’il me suffit
de parcourir pour me faire une idée des
problèmes que le livre pose à une étude
critique.
Auteur
Je savais […] que l’Histoire « positive » est une
farce et que les prétendus témoignages sur
lesquelles elle se fonde n’échappent pas aux
falsifications commandées par le désir d’avoir
raison.
Il ajoute ne pas croire en la vertu des
« témoignages », qui sont trop souvent des
auto-justifications déguisées, et ne font jamais
comprendre de l’intérieur ce qu’il s’est passé.
(p.173)
5Le délire logique
L’instinct de liberté est si vivace chez certains esprits fiers qu’ils ne peuvent en aucun cas assimiler leur contrainte. Ecrasés par la nécessité, ils proclament encore: « Je décide ». (p.72)
Les structures mentales sont bien plus permanentes que les idées et l’on remplace plus facilement son dieu que la façon de l’adorer. La démence avait fait d’Hubert un nazi. Mais c’est toujours en communiste qu’il raisonnait. Ce qui d’ailleurs revenait au même. Les deux religions totalitaires, aux antipodes dans leurs buts, ressemblent étrangement dans leurs cultes. Quant à leurs morales, elles sont presque identiques. Leur principe essentiel est le même: l’efficacité.
7
Que je le veuille ou non, je suis bien obligé de
reconnaître que les Allemands sont les plus forts.
On ne ruse pas avec la vérité historique. […]
Certes, je préfère en théorie le programme
communiste au programme nazi. Mais la
politique est l’art du possible. Le communisme
est impossible en Europe actuelle. Le
national-socialisme, lui, est réalisable. Il est peut-être une
étape nécessaire sur la voie du communisme.
Parti
Pour le nazi sincère, comme pour le vrai communiste, tout ce qui sert la cause, tout ce qui la dessert est mauvais.
(p.73)
[S]’il avait perdu sa foi illuminée dans la Cause qu’il
servait, Hubert n’en perdit pas le moins du monde le fanatisme qu’il avait à la servir. (p.77)
[C]e que la torture, en l’écrasant, avait brisé chez Hubert,
c’était moins sa foi en lui-même que la conscience qu’il en avait – et, avec celle-ci, tout ce qui, sans qu’il le sût, reposait sur elle : ses croyances, son édifice moral entier.