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«Être» en souffrance : les angoisses chez l’enfant : une souffrance psychique aux multiples expressions psychocorporelles

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01358376

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01358376

Submitted on 31 Aug 2016

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“Être” en souffrance : les angoisses chez l’enfant : une

souffrance psychique aux multiples expressions

psychocorporelles

Déborah Alberge

To cite this version:

Déborah Alberge. “Être” en souffrance : les angoisses chez l’enfant : une souffrance psychique aux

multiples expressions psychocorporelles. Médecine humaine et pathologie. 2016. �dumas-01358376�

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Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie

Site Pitié-Salpêtrière

Institut de Formation en Psychomotricité

91, Boulevard de l’hôpital

75364 Paris Cedex 14

« Etre » en souffrance

Les angoisses chez l’enfant : Une souffrance psychique aux multiples

expressions psychocorporelles

Mémoire présenté par Déborah ALBERGE

En vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de Psychomotricien

Référent de mémoire :

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Remerciements

Merci à l’IFP qui nous forme tout d’abord à un merveilleux métier mais qui nous offre aussi le plus beau des voyages, à la découverte de nous même.

Je remercie Christine BOULEY, ma maitre de stage, qui m’a permis d’affiner mon regard clinique tout au long de cette année. Merci pour la confiance que tu m’as accordée.

Je remercie également Estèle CAZALIS, ma référente de mémoire, qui a su me guider dans la rédaction de mon mémoire malgré le peu de temps que nous avons eu.

Tout simplement merci Mathéo. Sans ta rencontre, ce mémoire n’aurait probablement pas vu le jour sous cette forme. Je tiens également à remercier tous les patients que j’ai pu croiser au cours de mes

différents stages.

Merci aussi à mes amis de l’IFP. J’ai pu grandir et évoluer à vos côtés.

Merci à ma famille et plus particulièrement à mes parents qui m’ont soutenu mais qui ont surtout supporté mes rires, mes pleurs et mes angoisses tout au long de cette année en étant pourtant à

distance. Ne vous inquiétez pas, je retrouverai ma joie de vivre très prochainement !

Je tiens également à remercier Corine, ma tante, sans qui ce fabuleux métier me serait encore inconnu. Tu m’as soutenue quand j’en avais le plus besoin et tu as su faire naître en moi une curiosité

que je n’attendais plus. Alors un grand merci.

A vous, Mme Poupon, je ne saurais jamais comment vous remercier pour ces trois années magnifiques passées dans cette belle ville qu’est Paris.

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Sommaire

Introduction ...5

Première partie : Etude de cas ... 6

I. Présentation de la structure ...8

a. Généralités ...8

b. Les intervenants ...8

c. Le fonctionnement ...9

d. La psychomotricité ...9

II. Cas clinique : Mathéo ... 10

a. Motif de consultation au CMP ... 10

b. Anamnèse ... 10

c. Conclusion de l’entretien d’accueil au CMP ... 11

d. Prises en charge proposées ... 11

e. Bilan psychomoteur ... 12

f. Notre première rencontre ... 14

g. Projet thérapeutique ... 15

h. La prise en charge psychomotrice : déroulement et évolution ... 16

Seconde partie : Apport théorique ... 28

I. Construction d’un état interne solide et fiable ... 30

a. Soins maternels et intégration du Moi ... 30

b. Le sentiment de continuité d’existence ... 31

c. Le Moi peau : concept et fonctions ... 32

d. Le tonus musculaire : développement chez le jeune enfant et fonctions psychiques de la tonicité primaire... 35

e. La fonction de contenance ... 37

II. L’angoisse de séparation ... 41

a. Définitions ... 41

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1) Le DSM-IV ... 42

2) La CIM-10 ... 43

3) Etude sur la phénoménologie du trouble angoisse de séparation par FRANCIS et coll. ... 43

c. Sémiologie ... 43

d. Co-morbidité ... 44

e. Modèles de compréhension de l’angoisse de séparation ... 46

1) Les théories psychodynamiques ... 46

2) La théorie de l’attachement ... 48

3) Approches neurobiologiques ...50

III. L’angoisse d’effondrement ...53

Troisième partie : Discussion ... 55

I. Expressions psychocorporelles des angoisses de séparation et d’effondrement .. 56

a. La tonicité ... 56

b. Les enveloppes psychiques et corporelles ... 58

c. L’axialité ... 59

d. La motricité – gestualité ... 60

II. Comment contenir l’angoisse ? ... 61

a. Le cadre thérapeutique ...61

1) Les composantes physiques du cadre thérapeutique ... 62

2) Fonctions du cadre thérapeutique ... 64

b. Fonctions du psychomotricien ... 66

Conclusion ... 69

(6)

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Introduction

Il y a quatre ans, j’ignorai tout du métier de psychomotricien. Alors pourquoi m’être orientée vers ce métier ? Comme toute formation impliquant la personne, nous ne la suivons pas par hasard. Elle fait appel à notre propre histoire. Alors pourquoi ? Pour soigner ? Peut-être. Aider à surmonter une souffrance ? Certainement. Sensible à la souffrance des personnes qui m’entourent (peut-être trop d’ailleurs), cette formation m’a permis de pouvoir me mettre à distance, de trouver une juste distance relationnelle dans la thérapie psychomotrice.

Mais qu’est ce qu’une souffrance et plus particulièrement une souffrance psychique ? Souffrir, c’est endurer, éprouver, supporter quelque chose de désagréable. Elle altère le rapport à autrui, et renvoie l’individu à lui-même. Le sujet se retrouve seul face à sa souffrance. Il ne peut souvent que peu ou pas l’exprimer et la décrire avec des mots. Dans certains cas, cette difficulté de communication de la souffrance à son environnement, rend ce même environnement hostile et possiblement menaçant. Le sujet peut alors considérer cette souffrance comme l’idée d’un destin de souffrance auquel il se résigne.

Avant le début de mon stage de troisième année, j’avais une vague idée de ce qu’allait être mon mémoire. Tout d’abord orienté sur la douleur physique et ses impacts sur le développement psychomoteur, c’est la rencontre avec un jeune garçon, Mathéo, qui a fait évoluer mon idée de départ. Il m’a interpellée par la souffrance qui émanait de lui. Mathéo m’a permis d’approcher la complexité et la multiplicité des troubles et expressions que pouvait avoir une souffrance. La question du corps reste tout de même très présente. Selon POTEL C., « le corps est le lieu de l’histoire et de la préhistoire de chacun »1. Le corps se trouve donc être le lieu d’expression de nos mouvements psychiques internes. Je me suis alors demandée quelles pouvaient être les expressions psychocorporelles engendrées par une souffrance psychique chez l’enfant. Et, en m’appuyant sur l’étude clinique de Mathéo, je considère, comme souffrance psychique, les angoisses qu’il peut présenter au cours des séances de psychomotricité mais également dans sa vie quotidienne.

Dans ce mémoire, j’aborderai tout d’abord une partie clinique en deux temps, où je présenterai mon lieu de stage ainsi que l’étude de cas concernant Mathéo. Après avoir rappelé les principales notions théoriques relatives à la problématique de ce jeune garçon, je pourrais amorcer ma réflexion sur les expressions psychocorporelles du sujet face à ses angoisses si prégnantes et les moyens dont nous disposons en thérapie psychomotrice pour contenir l’angoisse.

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6

(8)

7

« Où l’on s’émerveille

de rencontrer des enfants

qui triomphent de

leurs malheurs »

2

.

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8

I.

Présentation de la structure

a. Généralités

Mon lieu de stage est un Centre Médico-Psychologique (CMP) accueillant des enfants de 0 à 16 ans. Il fait partie de l’intersecteur de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent du Centre Hospitalier de M.. Cet intersecteur est dirigé par un médecin pédopsychiatre. Il comprend :

- sept centres de consultations médico-psychologiques (CMP) dont deux spécialisés pour les tout petits de 0 à 3 ans et un autre spécialisé pour les adolescents de 12 à 20 ans,

- trois Centres d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel (CATTP), - une maison des adolescents,

- une unité d’évaluation des Troubles envahissant du développement (TED) et de l’Autisme, - trois hôpitaux de jour,

- une « équipe mobile adolescents », - ainsi qu’un accueil familial thérapeutique.

L’appellation Centre Médico-Psychologique remplace le terme Dispensaire d’Hygiène Mentale dans l’arrêté de mars 1986. C’est un établissement de service public de santé ; les consultations et les soins sont gratuits. D’après le circulaire du 14 mars 1990, les missions du CMP sont la prévention, le dépistage, le soin, le suivi et le maintien dans le tissu social.

b. Les intervenants

L’équipe pluridisciplinaire du CMP est composée :

- d’une pédopsychiatre (temps plein), responsable de l’équipe, - de deux psychologues (deux temps plein),

- d’une orthophoniste (mi-temps), - d’une psychomotricienne (mi-temps), - d’une assistante sociale (mi-temps), - et d’une secrétaire (temps plein).

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c. Le fonctionnement

Les entretiens d’accueil :

La demande de premier entretien au sein du centre doit être faite par la famille. Un rendez-vous leur est alors proposé avec l’un des consultants. Les consultants sont la pédopsychiatre et les deux psychologues. De cet entretien d’accueil découle un suivi éventuel au sein de la structure.

Les réunions de synthèse :

Une réunion de synthèse a lieu tous les jeudi matin. Elle réunit l’ensemble des professionnels intervenant au CMP. Cette réunion permet de faire le lien entre les différents professionnels qui prennent en charge un même enfant, et de croiser les regards, pour proposer une prise en charge cohérente. C’est aussi le lieu de réflexion au sujet de situations qui posent question, des difficultés rencontrées par les différents professionnels. Lors de ces réunions se décident le début ou la fin de certaines prises en charge.

d. La psychomotricité

La psychomotricité est présente au sein du CMP depuis de nombreuses années et sa place est donc bien installée. Christine, la psychomotricienne, reçoit des enfants âgés de 4 à 15 ans. Elle réalise des bilans psychomoteurs à la demande des consultants et décide par la suite d’un éventuel suivi.

La salle de psychomotricité est le lieu des prises en charge psychomotrices mais aussi des différents groupes mis en place au CMP. La disposition et la mauvaise insonorisation des locaux, oblige à mettre en permanence de la musique dans la salle d’attente pour respecter la confidentialité.

Les prises en charge sont individuelles ou groupales. J’ai pu participer à ces deux modes de prises en charge. En individuel, les enfants viennent le plus souvent une fois par semaine pour des séances de 45 minutes. Le groupe « argile » mené par la psychomotricienne, un stagiaire psychologue et moi-même, reçoit quatre enfants de 4 à 8 ans pendant une heure.

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II.

Cas clinique : Mathéo

Les informations suivantes sont tirées du dossier de Mathéo et de discussions avec les différents intervenants de sa prise en charge

a. Motif de consultation au CMP

Mathéo et ses parents sont orientés vers le CMP sur les conseils de l’école maternelle en juin 2010, il a alors 3 ans et demi. A l’école, il se montre agressif avec les autres enfants, les tape ; et ces derniers ne veulent pas jouer avec lui du fait de son comportement. Il a eu une petite sœur il y a un peu plus d’un an. Il vient donc en consultation au CMP pour des troubles du comportement et une hétéroagressivité.

b. Anamnèse

Mathéo est un jeune garçon de 9 ans, en classe de CM1. Il a une petite sœur de deux ans sa cadette. Mathéo vit avec ses deux parents, qui, tous deux, travaillent. Madame est infirmière dans un service de psychiatrie adulte et Monsieur est vendeur de marchandises en sous-douane. Le père de Mathéo est originaire du Mali et est l’avant dernier d’une fratrie de 10 enfants. Il est arrivé en France à l’âge de 6 ans et a été élevé par une de ses sœurs, les autres membres de sa famille étant restés au Mali. La mère de Monsieur ne comprend pas le mode de vie occidental de son fils même si elle ne s’est pas opposée à l’union de ce dernier. La mère de Mathéo, elle, est d’origine française. Ses parents se sont séparés lorsqu’elle avait 6 mois et elle a une demi-sœur de deux ans sa cadette.

Mathéo est né 15 jours avant-terme (38 SA) par voie basse, sous péridurale avec un poids de 2,650 kg et une taille de 51cm. La grossesse est décrite comme « idyllique » par Madame. A ses dires, l’accouchement s’est bien passé. Il est allaité pendant quatre mois, il tête en petite quantité mais très fréquemment. Il n’est observé aucun problème alimentaire et digestif par la suite. Cependant, Madame décrit Mathéo comme pleurant beaucoup dès qu’elle s’éloignait pendant les premiers mois. Il intègre une crèche à l’âge de 5 mois. Ses premières nuits se font vers 4/5 mois. Les parents notent de nombreux cauchemars qui débutent vers l’âge de 2 ans, Mathéo finissant ses nuits dans le lit de ses parents. Actuellement les cauchemars sont toujours présents, Mathéo exprime une peur de s’endormir. Madame retrouve la chambre allumée tard dans la nuit malgré la présence d’une veilleuse. La marche est acquise à 12 mois sans passer par l’étape du quatre pattes. Le développement du langage s’est faire normalement semble-t-il. Mathéo a acquis la propreté diurne et nocturne à l’entrée en maternelle.

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c. Conclusion de l’entretien d’accueil au CMP

Le consultant qui reçoit Mathéo et ses parents lors de ce premier entretien est une psychologue du CMP. Elle effectue une anamnèse de Mathéo et sa famille. Les parents présentent alors les troubles de comportement de Mathéo à l’école. Mais ils abordent aussi les difficultés de ce dernier à quitter sa mère lors du début de la classe. Apres observation de Mathéo, la consultante du CMP émet l’idée d’une grande angoisse de séparation présente chez ce petit garçon.

Par la suite, un diagnostic de trouble névrotique sans précision est posé en avril 2011, Mathéo a 4 ans et demi. Je n’ai pas pu obtenir plus d’informations quant à la pose de ce diagnostic qui me pose tout de même question, sachant qu’il n’a pas été posé par un membre de l’équipe du CMP.

d. Prises en charge proposées

Suite à l’entretien d’accueil, commence une prise en charge tout d’abord psychologique puis une psychomotrice, marquées par de nombreuses ruptures. Une prise en charge psychologique est mise en place en septembre 2011 (Mathéo a 4 ans et demi et est en grande section de maternelle) à raison de deux fois par semaine pour des troubles du comportement à l’école (refus de faire le travail demandé, opposition marquée) et à la maison mais également pour une symptomatologie d’encoprésie avec des périodes de 4-5 jours de rétention des selles qui disparaitra à la fin de l’année scolaire. A la demande de la psychologue du CMP, un bilan suivi d’une prise en charge psychomotrice débute en novembre 2011, Mathéo a alors 5 ans. Je n’ai pas de renseignements concernant le motif de cette indication. Le départ de la psychologue et l’arrivée de sa remplaçante en avril 2013 entraine une rupture des soins. Mathéo a 6 ans et demi. La nouvelle psychologue du CMP rencontre alors Mathéo et ses parents pour la reprise du suivi. Mathéo fait état de son souhait de continuer la psychothérapie lors de ce rendez-vous. Elle lui propose alors des entretiens préliminaires tous les 15 jours dans un premier temps. Depuis lors, Mathéo est suivi une fois par semaine en psychothérapie. Les premiers entretiens avec la psychologue sont le lieu de difficultés de séparation d’avec sa mère, Mathéo ne voulant pas entrer dans le bureau. Une deuxième rupture a lieu quelques mois après la première, Mathéo a 7 ans. La psychomotricienne, en remplacement d’un congé maternité quitte le CMP à son tour. Christine reprend la suite de la prise en charge en continuant de voir Mathéo une fois par semaine. Mathéo est donc pris en charge au CMP, le mercredi, tout d’abord en psychothérapie puis par la suite en psychomotricité.

Malgré les différentes prises en charge au CMP, les difficultés relationnelles à l’école persistent et des difficultés d’apprentissage sont mises en évidence. Il ne respecte pas toujours les règles, se montre violent et est fréquemment impliqué dans les bagarres. Les relations avec ses pairs sont généralement conflictuelles. Des difficultés relationnelles avec sa sœur sont aussi présentes, Mathéo exprimant beaucoup de jalousie. La maîtresse observe par ailleurs des problèmes de concentration,

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une attention très labile, un manque d’autonomie et un besoin constant des sollicitations de l’adulte. Il semble y avoir un pauvre investissement scolaire. L’apprentissage de la lecture se fait tout de même au CP sans difficultés particulières. Mais de faibles résultats en mathématiques sont observés. Mathéo montre peu de confiance en lui-même et met en place des stratégies d’évitements. La psychologue scolaire transmet au CMP que Mathéo est un enfant qui montre des angoisses majeures, se grattant la peau parfois jusqu’au sang et grattant également sa chaise et sa table qui se retrouvent alors très abîmées.

Lors de sa scolarité Mathéo tombera aussi sur un maître qui le malmènera durant une année scolaire, allant jusqu’à le filmer en pleine classe pour montrer « la folie » de Mathéo à ses parents.

En avril 2014 (Mathéo a 7 ans et demi), à la demande de la psychologue scolaire, les parents de Mathéo vont consulter un psychomotricien en libéral pour des difficultés graphiques et une éventualité de dyspraxie. Un bilan est alors réalisé et est suivi d’une prise en charge hebdomadaire. Le CMP ne l’apprendra que 8 mois après par l’intermédiaire des propos de Mathéo. Les parents semblent alors gênés par cet évènement. La prise en charge psychomotrice en cabinet libéral prend fin, marquant à nouveau une rupture pour Mathéo. Ces nombreuses ruptures de soins qui ont jalonnées les prises en charge de Mathéo ont peut-être majoré ses angoisses déjà présentes.

Au regard de la psychologue du CMP, depuis environ un an, Mathéo est moins agité et s’est beaucoup autonomisé notamment à la maison où cela se passe désormais mieux sur le plan du comportement. A l’école, Mathéo reste très angoissé et les troubles du comportement persistent alors. Mathéo amène quotidiennement un objet de chez lui à l’école pouvant être un signe apparent d’une angoisse de séparation. Il présente aussi des angoisses désorganisantes entrainant des difficultés de concentration. Le milieu scolaire reste anxiogène pour Mathéo et l’intégration au groupe est encore parfois difficile. Il manque de confiance en lui et se dévalorise.

Un dossier MDPH est réalisé pour une demande d’AVS et l’intégration d’un SESSAD. Il est en attente de ces deux aménagements depuis un an et demi.

e. Bilan psychomoteur

Il est orienté vers la psychomotricienne du CMP pour un bilan en décembre 2011 ayant pour conclusion l’observation d’une agitation, de la présence de difficultés à se repérer dans le temps et dans l’espace. Elle met aussi en évidence d’importants troubles de la coordination ainsi que la présence d’un regard fuyant par moment, comme pour se couper de la relation. Ce bilan découlera sur une prise en charge en psychomotricité une fois par semaine. Christine a donc pris le relai des prises en charge en 2013. Je vous retranscrirai ici un bilan réalisé en avril 2014 (à 7 ans et 4 mois) par le psychomotricien en libéral dont je vous ai évoqué le contexte précédemment. Je n’ai pas effectué

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un nouveau bilan pour Mathéo, le trouvant très en difficulté lors des séances et ne voulant pas l’en priver.

« Durant le bilan, Mathéo s’engage plus facilement dans les activités motrices que dans le travail sur table. Lorsqu’il rencontre certaines difficultés à effectuer la tâche demandée, il ne semble pas écouter les conseils mais les prend en compte peu de temps après.

Motricité :

Mathéo présente une coordination dynamique générale correcte avec dissociation des ceintures scapulaire et pelvienne, un axe corporel assurant de bonnes liaisons entre le haut et le bas du corps. Les jeux d’équilibration sont efficaces. Les coordinations oculo-pédestre et oculo-manuelle sont de bonne qualité. On peut tout de même noter que Mathéo peut présenter une motricité s’organisant dans le registre pulsionnel, de manière agressive.

Lors du test d’imitation de gestes de Bergès, la géométrie corporelle est de bonne qualité avec des compétences de réversibilité mises en place.

Le schéma corporel :

Le test de construction du corps et du visage de face de Meljac-Bergès permettant d’évaluer les représentations mentales du schéma corporel sans liens rapprochés avec la proprioception, les affects, et l’éprouvé corporel est entièrement réussi. Le test du bonhomme de Goodenough est, quant à lui, très immature sur le plan des représentations opératoires mais met en avant les préoccupations pulsionnelles de Mathéo.

Le tonus :

Lors de l’examen du tonus, Mathéo présente une grande capacité de relâchement volontaire des membres supérieurs en mobilisations passives.

La latéralité :

Mathéo présente une latéralité à droite pour les membres supérieurs et inférieurs. Le test d’orientation droite/gauche de Piaget-Head indique que Mathéo est capable d’une reconnaissance sur soi, sur autrui, avec croisement de l’axe et changements de référentiels.

Organisation et structuration spatiale :

Le test graphoperceptif de Bender donne un score situé légèrement au dessus de -1DS des 7 ans. La figure complexe de Rey obtient un meilleur score en mémoire qu’en copie. Le test des trajets simples

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d’Agostini qui consiste en la reproduction dans la salle de parcours présentés sur plans parvient à la réussite de 3 items sur 10. Il obtient un score se situant en dessous de -2DS.

Sur le plan graphique :

Lors de la passation du test de copie de texte BHK, Mathéo présente des crispations importantes réduisant la vitesse de production ainsi qu’une tenue du crayon avec chevauchement du pouce perpendiculaire à l’index et au majeur, un poigné bloqué en hyperextension, peu de mobilité des doigts et une hypersudation. Il obtient un score légèrement en dessus de -1DS. Le bilan clinique de Soubiran montre que certains prérequis et notamment les boucles à l’envers ne sont pas automatisés.

Conclusion :

Mathéo présente un bon niveau d’expression verbale mais a des difficultés de structuration spatiale avec un manque de planification court-circuité par son impulsivité et entravant ainsi la qualité de ses productions. Il a un besoin important d’être stimulé par l’adulte ainsi qu’être réassuré en ses capacités. »

A la lecture du bilan, Mathéo montre toujours des signes d’opposition. Il est noté une activité motrice s’organisant sur le registre pulsionnel et exprimant beaucoup de violence. La passation d’un test évaluant l’impulsivité de Mathéo comme le test d’appariement d’images de MARQUET-DOLEAC J., ALBARET J-M. et BENESTEAU J. aurait été intéressant pour approfondir cette problématique, seulement abordée de manière partielle dans ce bilan. Les troubles de la coordination observés en 2011 ne sont plus présents à ce jour, Mathéo montrant une aisance corporelle. L’abord du domaine attentionnel fait également défaut dans ce bilan. Mathéo montre cependant des difficultés de concentration à l’école, du fait d’une attention qui apparaît comme labile dans la description de la maitresse. La question d’un trouble attentionnel peut alors se poser. Enfin, le passage à l’écrit semble angoisser Mathéo et il peut ainsi manifester une tonicité élevée et une hypersudation. Un bilan plus poussé nous aurait peut être permis de statuer quant à un possible trouble des apprentissages, mais il est important de mettre en avant les angoisses de Mathéo qui semblent être prégnantes chez lui.

f. Notre première rencontre

Quand je rencontre Mathéo pour la première fois, il est suivi en psychomotricité depuis 4 ans. Il a 8 ans 11 mois mais je le trouve très grand (en taille) pour son âge. Il se présente à moi comme un garçon qui n’a peur de rien, « c’est le plus fort ». Il se tient très droit et paraît très sérieux. Christine me dit par la suite que c’est le « caïd » de son école. Il instaure une certaine distance durant les premières minutes. C’est peut être sa manière à lui de marquer ma présence car il ne verbalise pas son questionnement de me voir dans la salle par le langage oral comme l’on fait d’autres enfants par exemple. Mais surtout, c’est probablement un moyen de protection. Créer une nouvelle relation

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représente peut être le risque d’une nouvelle séparation. Ensemble nous regardons alors son dossier comme un retour sur ses années de prises en charge au CMP. Christine ressort l’ensemble de ses réalisations (dessins, peintures, labyrinthes, etc.). Il ne se souvient pas de tout ce qu’il a pu produire et a même l’air étonné et curieux face à certaines de ses productions. Mathéo a ainsi pu rester un moment assis au bureau en début de séance. Il décide ensuite de faire un jeu de balle, testant les propriétés de différentes balles. Mathéo repère alors le ballon physio représentant pour lui « le soleil » (d’après ses termes). Il fait alors des bruits mimant des explosions, nous dit que ce sont des planètes qui explosent. Serait-il l’une de ces planètes qu’il décrit ? Seul et perdu dans l’espace ? L’espace représentant peut être le vide interne que ressent Mathéo. Un certain vide s’installe. Et il choisit, sans transition, de faire une partie de hockey, dégageant beaucoup d’énergie dans nos échanges. Il passe de nombreuses fois au sol comme dans un effondrement corporel et psychique, pour enfin y rester. On observe alors un nouveau moment de vide où il est difficile de capter son attention et d’entrer en contact avec lui. C’est la fin de la séance et Mathéo a du mal à « reprendre vie ». Il y parvient tout de même et sort de la salle d’un pas nonchalant, reprenant son attitude de départ avec une impression que rien ne peut atteindre ce jeune garçon.

Mathéo est un garçon qui peut tout à fait donner le change dans une conversation avec un niveau d’expression orale développé pour son âge. Mais après seulement une séance avec lui, je peux distinguer deux facettes de Mathéo. Une première où il lutte contre lui-même pour apparaître au reste du monde comme fort. Et une seconde où Mathéo vient déposer, dans ses séances de psychomotricité, toute sa fragilité, cherchant la régression, incohérent parfois dans ses propos et envahi par de nombreuses angoisses. Il se laisse aller dans un endroit et un cadre qui, pour lui, paraît rassurant de par peut être notre capacité en tant que thérapeute à accueillir et faire avec la partie de lui-même qu’il n’accepte pas et qu’il cherche à mettre à distance. La salle de psychomotricité et le CMP en général semble être un lieu où il peut déposer ses angoisses.

g. Projet thérapeutique

Généralement le projet thérapeutique se construit à partir du bilan psychomoteur réalisé en amont. Cependant n’ayant pas effectué moi-même de bilan, le projet thérapeutique que je vous présente s’appuie sur mes observations et sur les indications de Christine, la psychomotricienne.

Un axe thérapeutique prédominant émerge face aux difficultés de Mathéo. Les angoisses ainsi que les manifestations de celles-ci qui l’envahissent et parasitent ses interactions avec le monde extérieur me semblent être au centre de sa prise en charge mais en être surtout le point de départ. La mise en place d’un cadre sécure, dans lequel il a confiance, me semble être le premier travail pour qu’il puisse exprimer, verbaliser et mettre en jeu ses angoisses. Il a probablement besoin de sentir que l’on contient ses angoisses et ses émotions mais aussi que l’on en fasse quelque chose, que l’on

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y apporte peut être de l’écoute, des réponses (même de l’ordre corporel). Un travail sur la contenance et les enveloppes à la fois physique et psychique lui permettra alors d’intérioriser un bon objet solide à l’intérieur de lui et également de vivre son corps comme un repère stable sur lequel il peut s’appuyer. Il faudra alors s’attacher plus particulièrement à la revalorisation de Mathéo pour qu’il ait une meilleure estime de lui-même. Ce dernier montre un grand manque de confiance en ses capacités et se dévalorise à de nombreuses reprises.

Enfin, un autre axe se tournera vers la trace, le graphisme, la possibilité du passage à l’écrit qui permettrait de le réinscrire dans sa scolarité et donc dans une sphère sociale. Cependant, ce travail ne sera possible seulement lorsque Mathéo se sera saisi du premier axe thérapeutique.

h. La prise en charge psychomotrice : déroulement et évolution

Mathéo est suivi en psychomotricité une fois par semaine pour des séances de 45 minutes. Cette séance suit celle de sa psychothérapie ce qui me questionne quant à sa capacité à intégrer toutes ces informations.

D’octobre à fin décembre 2015 :

Chaque semaine, nous retrouvons Mathéo après sa séance de psychothérapie. Il attend dans la salle d’attente, seul. Il me paraît : le visage lisse, fermé et triste. Son regard est vide. Au cours de ces trois premiers mois de prise en charge en ma présence, je n’apercevrai son père qu’une seule fois lorsqu’il vient chercher son fils mais ne verrai pas sa mère. Ils arrivent souvent en retard pour venir le récupérer au CMP. Mathéo a tendance à entrer dans la salle de psychomotricité très las, restant figé dans l’état qu’il avait en salle d’attente et n’exprimant pas souvent d’émotions. Il ne commence à dire un mot que lorsqu’il est installé au bureau.

Au cours de cette période, j’ai pu repérer que les séances s’articulent en quatre temps. Tout d’abord Mathéo se présente à nous mou et abattu. Cet aspect de lui est-il le reflet de son état interne ? Est-il dû à l’enchainement de sa psychothérapie et de sa séance en psychomotricité ? Il choisit par la suite un jeu moteur pendant lequel il dégage beaucoup d’énergie et recrute une tonicité très importante comme dans un besoin de décharge tonique et émotionnelle. Une certaine agressivité émane alors de lui. Arrive ensuite un moment que j’appellerai moment de régression où Mathéo s’effondre tant physiquement que psychiquement. C’est le temps de la séance où il laisse transparaître de manière flagrante toute sa fragilité et ses angoisses. Et le dernier temps est celui du départ qui reste très difficile pour lui à chaque fin de séance. Mathéo reste de longues minutes, le visage figé, le corps allongé et plaqué au sol, se faisant tout mou lorsque nous le soutenons. Il aura durant toute cette période beaucoup de mal à « reprendre vie » avant sa sortie de la salle.

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J’illustrerai ces premiers mois de prise en charge, en ma présence, par le récit de deux séances qui me paraissent être les plus représentatives des différents temps exposés précédemment ainsi que de la détresse dans laquelle se trouve Mathéo.

Séance 2 : 14 octobre 2015 :

Mathéo entre dans la salle avec une lassitude qui se peint sur son visage. Il ne parle pas et ne répond pas à nos « bonjour ». Nous regardons alors ce que nous avons fait la semaine précédente. Christine lui propose le jeu du labyrinthe qu’il refuse mais nous lui proposons alors de n’ouvrir que la boîte pour voir les éléments qui la composent. Mathéo décide tout d’abord de monter le plateau pour voir la formation du labyrinthe (ce qu’il affectionne particulièrement). Puis de fil en aiguille, nous commençons une partie. Mathéo s’en sort très bien, comprend vite les règles du jeu. J’ai l’impression, par moment, qu’il ne regarde pas le jeu, qu’il n’est plus concentré mais il me surprend en donnant une solution pour aider Christine. Mathéo exprime vers la fin du jeu qu’il s’ennuie en attendant son tour mais reste tout de même assis sans s’agiter. Nous rangeons ensuite le jeu et vient alors un petit moment de flottement où Mathéo monte à l’espalier. Il veut que nous mettions le matelas en-dessous pour qu’il puisse sauter. Il saute d’une manière peu anodine, se laissant « s’écraser » sur le tapis qu’il décrit comme « blanc » et qui lui fait penser à du « carrelage ». Nous installons ensuite des tapis sur le sol pour recouvrir une partie de la pièce (environ 3x3m). Mathéo fait des roulades avant qu’il réussit et des roulades arrière qui le désorganisent sur le plan corporel. Ses bras et ses jambes partent alors dans tous les sens. Il met un appui très prononcé sur sa nuque. J’observe alors un rapport à son corps très particulier. Mathéo ne fait pas attention à lui et risque de se faire mal à plusieurs reprises. Il est en recherche d’un contact appuyé, dur.

Par la suite, Christine lui passe le ballon physio sur l’ensemble du corps, lorsqu’il arrive enfin à se poser sur le matelas. Je n’observe tout de même pas de détente. Il verbalise que son corps craque. Pense-t-il que des parties de son corps pourraient se décrocher de son buste ? Mathéo effectue beaucoup de bruitages sans discontinuité. Ce sont des bruits très aigus. Il met aussi ses poings sur ses yeux et dit « mes yeux sont arrachés » « ils sont sur mes poings ». Mathéo fermant les yeux très fortement et nous les montrant alors.

La fin de la séance arrive et il a beaucoup de mal à quitter la salle. Il s’écroule sur le sol se laissant presque traîner au sol. Il ne veut pas remettre ses chaussures seul mais accepte que nous l’aidions. J’observe un grand besoin d’étayage, de contenance et même de maternage, ce qui n’apparaissait pas en début de séance.

Au cours de cette séance, nous pouvons déjà observer les différents temps que je vous ai évoqué. Cependant, ce qui me marque le plus, est le rapport qu’a Mathéo avec son corps et face à son environnement. Ses représentations sont de l’ordre d’un corps démantibulé, qui ne tient pas. Il peut

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tout de même l’exprimer, sous forme d’une mise en scène. J’ai l’impression, lors de cette séance, que Mathéo a été envahi par ses angoisses dans un moment de transition marqué par la fin du jeu du labyrinthe. Il est aussi capable de montrer son besoin d’être contenu, porté (comme dans une recherche du holding maternel de WINNICOTT D.W.) dans les moments qui sont, pour lui, difficile tel que celui de la fin de séance, de la séparation.

Séance 6 : 2 décembre 2015 :

Mathéo arrive avec le sourire aujourd’hui. Cependant ce n’est pas un sourire franc, j’ai plutôt l’impression qu’il est de façade. Il ne rentre pas par une voie directe dans la salle, fait un demi-tour, remet une chaise dans la salle d’attente. Quand il entre enfin, il enlève son manteau, et va l’accrocher au porte manteau.

Il se dirige vers la toupie et se met à l’intérieur. Mathéo commence alors à tourner de manière très désarticulée. Il se laisse aller, cherche des positions infaisables. Puis nous lui proposons de se mettre en tailleur, pour le regrouper. Nous l’aidons en rassemblant ses bras et ses jambes vers son centre. Cette action me fait penser à la position que les nourrissons prennent pour se rassurer. Il tourne de manière plus harmonieuse mais cherche tout de même à donner une forte impulsion en arrière, balançant sa tête par à coup. Nous stabilisons la toupie et lui proposons de se faire une cabane en s’installant à l’intérieur. Il essai tout d’abord de se mettre entièrement dedans et de mettre un drap par-dessus mais il est trop grand pour entrer. Je lui propose alors de ne mettre que le haut de son corps et le bas sur un tapis. Il accepte, et me demande les coussins et les couvertures. Il veut enlever ses chaussures mais dit ne pas y arriver. Nous l’aidons donc. Il exprime un besoin d’être materné aujourd’hui. Il nous laisse l’installer comme s’il était un petit bébé et parle également d’une petite voix. Nous lui proposons de la musique. Il demande à ce que nous lui passions le gros ballon physio sur les jambes en appuis fort mais plus doucement sur les pieds « car ils se tordent ». Il verbalise que son cocon est comme s’il était dans « le paradis ». Mathéo parle beaucoup de la luminosité et recherche l’obscurité orange. Il me fait penser à un bébé dans le ventre de sa mère. Il reste un moment comme cela, il s’apaise. Il s’attache beaucoup à la sensorialité aujourd’hui. Puis il veut sortir la tête dans le « froid » comme il dit pour se relever petit à petit à travers un échange de gros ballon physio entre nous, il se re-tonifie petit à petit. Nous effectuons des échanges avec les mains tout d’abord puis avec les pieds et la tête, en position assise puis il se redresse et se relève. Il veut continuer l’échange de ballon mais veut installer des tapis pour pouvoir se laisser tomber sur le sol s’il le souhaite. Je trouve intéressant, ici, qu’il ait conscience de son besoin d’effondrement et qu’il puisse trouver des stratégies adaptatrices.

Dans un autre temps, Mathéo veut essayer de marquer des paniers de basket. Il se dévalorise en disant qu’il n’y arrive pas lors de ses entrainements. « Ici c’est facile » dit-il. « Le panier n’est pas

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haut ». Il essai en position assise et y arrive une fois. C’est alors le moment pour lui de partir. C’est toujours très difficile pour Mathéo de quitter la salle. Son corps part dans tous les sens comme s’il était désarticulé. Il se laisse tomber sur le sol. Et nous devons le soutenir psychiquement mais aussi physiquement dans un portage pour l’aider « à reprendre vie ».

Nous retrouvons ici la tendance de Mathéo à rechercher une figuration d’un corps désarticulé qui revient à de nombreuses reprises au cours de sa prise en charge. Cette séance signe également le début d’une recherche d’un contenant représenté ici par le cocon constitué autour de lui mais aussi par le rassemblement corporel qui semble le rassurer. Ce contenant, figuré physiquement, sera beaucoup utilisé et apprécié par Mathéo au cours de la deuxième partie de prise en charge. Il peut également se montrer assez ambivalent dans ses comportements. De par ses derniers, Mathéo exprime un grand besoin de maternage. Mais l’instant d’après, c’est comme s’il se « reprenait ». On observe alors un recrutement tonique, comme un retour à la réalité où Mathéo doit se montrer fort, grand. Je ressens cette reprise comme une mise à distance. Les séparations sont difficiles et nous devons porter Mathéo jusqu’à le remettre sur pied, lui étant mou et se laissant peser de tout son poids.

Au cours de ces premiers mois, j’observe chez Mathéo une très forte angoisse de séparation en fin de chaque séance qu’il peut exprimer par un retrait émotionnel avec un visage figé, les yeux fixés sur un point ; mais aussi corporellement par son hypotonie volontaire. C’est peut être une forme d’opposition, sa manière à lui de nous expliquer la difficulté de ce qu’il est en train de vivre. Cela me fait penser aux premiers états toniques du nourrisson, où les variations toniques ont valeur de communication de ses états internes à l’environnement extérieur. Il manifeste aussi un besoin de régression et de contenant. Cependant cette difficulté à nous quitter est aussi associée à une grande difficulté à entrer en relation au début des séances. Mathéo se protégerait-il en quelque sorte, de peur d’une nouvelle rupture, d’une nouvelle séparation ? Je me demande alors si ces deux aspects de Mathéo ne sont pas le reflet de son angoisse de séparation. Mes premières questions se tournent vers ces débuts et fins de séances compliqués. Ce qui m’interpelle également durant cette première période est la mise en jeu corporelle de Mathéo. Je la décris à de nombreuses reprises comme désarticulée. J’émets alors l’hypothèse qu’elle signe l’expression d’angoisses liées à une sécurité interne fragile, de l’ordre de quelque chose qui ne tient pas à l’intérieur de lui.

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De janvier à fin mars 2016 :

Cette deuxième partie de prise en charge est marquée par l’arrivée très attendue de l’AVS de Mathéo à l’école et par son besoin d’amener un objet de chez lui à chaque séance. Cet objet signerait-il le lien entre lui et la maison dont il doit se séparer chaque jour ? Ses difficultés à entrer et sortir de la salle sont toujours présentes. Nous mettrons en place à de nombreuses reprises au cours de cette période l’installation d’une cabane assez grande pour que nous puissions tous y entrer. Elle semble avoir une fonction de contenance des angoisses de Mathéo, comme une seconde enveloppe. Il reste cohérant à l’intérieur de celle-ci et peut mettre en jeu ses angoisses sous différentes formes. Par exemple, il utilise des duplos avec lesquels il figure des scénarii à thème de voleurs et de « méchants » qui gagnent à chaque fois, les « gentils » finissant morts et désintégrés. Il reste également en relation pendant la totalité de sa présence à l’intérieur de la cabane.

Dans la suite de mon écrit, je vous retranscrirai quelques séances au cours de cette période ainsi qu’un entretien avec la mère de Mathéo (ma première rencontre avec elle après cinq mois de prise en charge).

Séance 11 : 20 janvier 2016 :

Je mène cette séance, Christine interviendra en début et fin, le départ étant encore plus difficile que les fois précédentes.

Mathéo arrive assez mollement. Je me pose même la question d’un aspect dépressif. Il a apporté une voiture et un camion (pouvant transporter des gravas, de la terre, etc.). Christine ouvre son dossier – comme à chaque séance. Mathéo fait rouler son camion sur le dossier ouvert et fait semblant de déverser de la terre et des cailloux sur les feuilles. Christine mime le fait d’enlever la terre avec ses mains et referme le dossier. Il déverse alors de la terre sur son nom et son prénom. Christine balaye à nouveau la terre mais il verse du ciment en disant « on ne pourra plus l’enlever ». Il dit que l’on ne pourra plus ouvrir le dossier.

Je prends alors le relai et il décide de faire un jeu de football. Nous mettons un but de chaque côté de la pièce et commençons à jouer. Il ne veut pas marquer de points. Tout en jouant, il imite un rire de sorcière lorsqu’il marque un but. Je lui envoie le ballon et il émet le désir de le renvoyer avec différentes parties du corps (tête, torse, épaule, cuisse). Mais au fur et à mesure du temps, Mathéo s’appuie puis se laisse couler le long du matelas (formant sa cage), se retrouvant sur le sol. Je lui dis alors que je le trouve un peu fatigué et que s’il le souhaite, nous pouvons faire une cabane pour qu’il puisse s’y installer. Il accepte la proposition, mais cette construction se trouve être rectangulaire. Mathéo s’y allonge et l’associe très rapidement à un cercueil. Il imagine être à l’intérieur d’un cercueil et dit être un fantôme puis un vampire. Corporellement, il est comme bloqué dans son corps tendu,

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mimant des bruits très aigus. Son visage est crispé, sa mâchoire contractée, ses yeux écarquillés. Il ne bouge plus ou seulement très peu par mouvements saccadés. J’essaie alors de le rassurer en lui disant qu’il est bien là, présent dans la salle avec moi. Qu’il me parle. Je lui touche la main et lui demande s’il me sent et il me répond que oui. Je lui dis alors que j’arrive à le toucher, que je le sens, ce qui signifie qu’il est bien là, présent. Mathéo souhaite qu’il fasse d’avantage noir dans sa cabane, je rajoute alors des couvertures (orange) sur le drap blanc. Il a l’air d’être satisfait de la « lumière orange » comme il l’appelle. Il reste un petit moment seul mais fait rapidement un petit bruit avec sa bouche et dit finalement avoir peur du noir. Il remarque des petits trous sous les matelas, y passe ses doigts et je les touche en lui montrant et lui verbalisant que je suis toujours présente près de lui, même si je suis à l’extérieur de la cabane.

Il dit ensuite vouloir aller se promener et sort alors de sa cabane. Mathéo se saisit du ballon physio, joue un peu avec, s’assoit dessus et se laisse couler au sol. Il s’y rassoit ensuite et envoie un autre ballon dans le panier de basket. Laissant le ballon physio de côté, il s’installe au sol, en position assise et essaie de marquer des paniers. Je me rapproche alors de lui pour m’inscrire dans son jeu mais il s’en détourne et va chercher un autre ballon. Mathéo peut avoir tendance par moment à s’enfermer seul dans un jeu en nous mettant à distance. Lors de ces temps, le jeu est assez vide de sens. Nous avons alors chacun un ballon et essayons de marquer un panier en lançant les deux ballons en même temps, ensemble. Nous comptons jusqu’à trois et lançons. A chaque fois que Mathéo marque un panier, il ne peut pas s’en attribuer le mérite mais dit que c’est mon ballon qui aurait poussé le sien et ainsi le faisant entrer dans le panier.

Lorsque j’annonce la fin de la séance, Mathéo veut retourner dans sa cabane un petit temps. La fin de séance est très difficile, Christine étant obligée d’intervenir. Mathéo est allongé au sol et ne veut ni se relever, ni remettre ses chaussures.

Nous pouvons toujours observer ici l’effondrement corporo-psychique de Mathéo. Je ressens, lors de ces instants, un vide interne chez ce jeune garçon. Cette séance marque également la première véritable construction de cabane. J’ai rapidement pris conscience de la difficulté de Mathéo à être seul. Il est rapidement envahi par un vide interne et ses angoisses refont surface. Je pense que c’est dans la relation à l’autre que l’objet interne de Mathéo reprend vie. Cette séance marque, pour moi, une étape. J’ai pu me sentir démunie et moi-même très seule au cours de cette séance face à la souffrance et à la notion de vide que pouvait exprimer Mathéo. C’est à ce moment que ma réflexion s’est orientée plus particulièrement vers les moyens dont je disposais pour contenir les angoisses de Mathéo qui surgissent lors des temps de transition, mais aussi son angoisse de séparation présente en début et fin de séance.

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Séance 13 : 3 février 2016 : Entretien avec Madame en présence de Mathéo

Mathéo et sa maman entre dans la salle et Madame vient s’assoir au bureau tandis que Mathéo reste debout et sort les voitures qu’il a apportées avec lui. Il les pose sur le bureau pour nous les montrer et nous remarquons, en présence de sa mère, qu’il a souvent tendance à prendre avec lui des objets de la maison. Elle nous confirme cela et rajoute qu’il le fait aussi pour aller à l’école. Sa maman ne note pas de difficultés particulières à la maison et même un mieux à l’école du fait de l’arrivée de l’AVS. Elle est contente de voir des choses écrites dans les cahiers d’école de Mathéo qui étaient jusqu’ici quasiment vide. Ce dernier ne veut pas venir s’assoir avec nous. Il fait rouler les voitures sur le bureau et, leur faisant prendre de l’élan, les jette sur le sol. Il fait beaucoup de bruit, sa mère le lui fait remarquer et lui dit de plutôt les faire rouler sur le sol. Il veut prendre le tapis des voitures. Il le sort alors et l’installe sur le sol. Il joue un peu avec puis met rapidement ses voitures sur le tapis et le roule, comme pour le ranger. En le redressant, les voitures tombent et il fait des bruits d’explosions. Mathéo range le tapis et récupère ses voitures.

Il nous fait remarquer que nous lui avions dit que nous ferions une cabane aujourd’hui s’il le souhaitait. Nous lui avions proposé cela en raison de sa difficulté à accepter qu’il n’aurait pas de séance aujourd’hui, celle-ci étant remplacée par l’entretien. C’est surement sa manière à lui de demander d’en construire une. Je me lève alors pour l’aider en lui faisant remarquer que la semaine précédente il ne nous avait pas beaucoup aidé dans la construction. Il dit alors lui-même qu’il était resté assis et qu’il nous regardait. La construction de la cabane se fait plus rapidement avec l’aide de Mathéo qui reste néanmoins minime. Il est content d’y entrer. Le dialogue avec Mathéo qui semblait difficile se fait de manière plus simple. Sa maman fait allusion au fait qu’il est souvent fatigué et elle précise qu’il a du mal à s’endormir le soir. Elle retrouve souvent la lumière allumée en pleine nuit. Christine demande alors à Mathéo pourquoi il a besoin de la grande lumière sachant qu’il a déjà une veilleuse qui ne lui suffit apparemment pas. Il peut nous dire que c’est parce qu’il a peur de s’endormir, par peur de faire des cauchemars. Sa mère a l’air étonné mais est intéressée par ce que raconte son fils. Elle lui dit alors qu’elle lui avait demandé la semaine précédente s’il faisait encore des cauchemars mais qu’il lui avait répondu par la négative. Il lui dit que cela a repris récemment. Nous lui demandons alors s’il en a fait un cette nuit, il nous répond que oui. Nous le questionnons sur son contenu et s’il peut nous le raconter. Il nous répond tout d’abord qu’il ne s’en souvient pas. Puis il raconte qu’il y avait un monstre et que Mathéo se battait avec lui. Il lui a coupé les membres supérieurs puis inférieurs et a fini par le tuer. Nous lui demandons si son cauchemar s’arrête ici. Il nous répond que non et poursuit son récit. Il était au cinéma avec son père pour voir un film sur les félins. Puis, les félins sont sortis de l’écran. Il raconte qu’ils ont eu peur et qu’ils ont décidé de courir. Ils se sont alors retrouvés à leur tour de l’autre côté de l’écran, dans une jungle. Sa maman lui demande ce qu’il s’est passé après. Il dit qu’ils ont continué à courir parce qu’il y avait des félins de ce

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côté ci aussi. Christine demande s’il était possible pour eux de rentrer à la maison. Il répond que non, qu’elle était beaucoup trop loin. Le cauchemar se termine ainsi. Sa maman lui dit qu’il peut venir leur en parler à son père et à elle. Mais Mathéo demande alors ce qu’ils pourraient bien faire. Sa mère lui répond qu’ils pourraient le rassurer et lui faire un câlin. Christine demande à la maman si Mathéo fait beaucoup de câlins à ses parents, à sa petite sœur. Sa mère nous répond que non, que c’est toujours à eux d’être en demande, que Mathéo fait le grand et met facilement une distance. Elle se tourne vers lui et lui dit que même les grands peuvent continuer à faire des câlins.

L’entretien touche à sa fin. Il faut ranger la cabane. Mathéo s’effondre alors sur le sol et ne bouge plus, ne parle plus. Il montre une opposition passive. Sa mère lui dit qu’il va revenir la semaine d’après. Il a l’air d’être contrarié par le fait de ne pas avoir pu avoir sa séance. Sa mère, en difficulté au vu du comportement de Mathéo, le prend et le soulève par les bras. Il se laisse porter comme un poids mort, comme à son habitude en fin de séance. Je trouve intéressant qu’il se soit permis de montrer cette fragilité à sa mère.

Cet entretien était ma première rencontre avec la mère de Mathéo. Mathéo a pu, au cours de cet entretien, exposer ses craintes et ses peurs face à sa mère qui n’avait pas conscience de l’intensité des angoisses de son fils. Les situations qu’il met en jeu comme l’exemple du cauchemar que je décris précédemment se tournent généralement vers un grand danger qui peut engendrer la mort. J’ai aussi l’impression que Mathéo retient ses angoisses à l’extérieur du CMP. Il a investi ce lieu comme lieu de dépôt, de décharge de ses angoisses et de son vide interne, ce qui expliquerait alors l’intensité des manifestations qu’il peut nous faire part au sein des séances, qui ne transparaît plus du tout à la maison et dans une expression bien moindre à l’école.

Séance 16 : 16 mars 2016 :

Mathéo est assis dans la salle d’attente quand nous allons le chercher. Christine lui dit qu’il peut venir, il reste avec un visage lisse, aucune émotion ne transparaît hormis peut-être de l’abattement, de la tristesse ? Il entre dans la salle mais ne dit pas un mot durant quelques instants. Il vient s’installer au bureau et répond enfin aux questions de Christine. Aujourd’hui, il ne souhaite pas faire de cabane mais jouer au ballon. Il décide de faire un foot à trois. Nous installons alors trois cages dans la salle. Mathéo prend toujours la même place contre le tapis posé au mur. Nous faisons des passes puis décidons de marquer des buts. Mathéo dégage alors une force importante. Le ballon vole dans tous les sens, il frappe fort. Christine lui fait remarquer, il s’apaise un peu mais cela repart de plus belle. Après de nombreux buts, Mathéo se laisse peu à peu glisser dans sa cage jusqu’au sol. Il est assis et souhaite tout de même continuer à jouer. Nous nous asseyons alors aussi pour être au même niveau que lui. Mathéo dit que nous n’avons pas le droit de toucher le ballon avec les mains mais seulement avec les pieds. D’autres buts sont marqués. Il commence à faire de petits bruits, son corps se retrouve

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envahi par une tension telle, que ses yeux se « révulsent ». Ils partent vers le haut, par une action volontaire. Il force pour les révulser. La situation devient incontrôlable pour lui. Il dit qu’il brûle de tout son corps et notamment sa tête, qui va jusqu’à exploser. Je mime le fait de lui faire du vent pour éteindre le feu mais il me dit que ça le rallume. C’est à ce moment-là que sa tête « explose ». Je vais alors chercher des couvertures pour éteindre le feu et les pose sur lui. Christine propose de lui faire un abri au-dessus de son haut du corps. Il se calme peu à peu. Mais Mathéo souhaite que la lumière ne passe plus, cette dernière le brûlant et provoquant une grande tension et des bruitages de sa part. Nous installons alors des couvertures pour ne pas laisser passer la lumière, il souhaite même éteindre la lumière de la salle. Il se calme un peu. Il teste en passant des doigts de l’autre côté de son abri. Mathéo devient un peu plus cohérant dans ses propos, nous le récupérons peu à peu. Et un échange est à nouveau possible.

Mais c’est déjà l’heure de la fin de la séance. Mathéo a du mal à partir à nouveau. Il dit qu’il voudrait rester là tout l’après-midi. Nous l’entendons mais lui disons que ce n’est pas possible. Christine enchaine alors pour savoir ce qu’il va faire ensuite, après la séance. Cela a l’air de le contenir un peu. Même s’il a encore eu du mal à se relever du sol aujourd’hui encore, la fin de séance s’est légèrement mieux passée que les séances précédentes.

Mathéo a un grand besoin d’étayage relationnel. La relation lui permet de rester ancrer dans le présent, le réel. Un instant de transition et ses angoisses refont surface. Je peux remarquer qu’il installe une tension musculaire importante lors de ces temps. Ce comportement me fait associer à la « seconde peau musculaire » qu’a abordé BICK E.. Cette seconde peau musculaire, serait-t-elle un moyen qu’a trouvé Mathéo pour contenir son espace interne ? Cette seconde peau, comme une nouvelle enveloppe ? La fragilité de sa sécurité interne engendre, à mon sens, de nombreuses angoisses et notamment son angoisse de séparation. Cette dernière serait-t-elle responsable de ces manifestations psychocorporelles ?

Séance 18 : 30 mars 2016 :

Mathéo entre dans la salle mais ne répond pas à mon bonjour, il ne nous regarde pas. Il enlève son manteau et son tour de cou et va les accrocher au porte manteau. Il vient s’installer au bureau avec nous. Christine relit son dossier pour se remémorer ce que nous avions fait la semaine précédente. Mathéo se rappelle la cabane mais il lui faut un temps pour se souvenir ce que nous avions fait à l’intérieur. Le souvenir revient et nous le valorisons en lui disant qu’il avait fini toutes les cartes du niveau vert au jeu des embouteillages. Il peut nous dire qu’il avait réussi des cartes très facilement, ce qui est vrai.

Il attrape ensuite le mannequin en bois et lui fait prendre des positions qu’un être humain ne peut prendre. Cette fois c’est les genoux qui sont dans une position imprenable, les pieds partant vers

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l’extérieur. Je lui fais remarquer. Nous essayons alors de l’amener à faire prendre une position possible pour l’être humain. Il le fait et nous demande si celle-ci est faisable. Il nous dit qu’il pense qu’il faut être souple. Nous l’incitons alors à essayer. Il se lève et arrive à la prendre. Le pied en l’air, en déséquilibre, un grand sourire est sur son visage. Puis il se laisse tomber sur le sol en s’écroulant. S’en suit alors des mouvements incoordonnés dans la salle où il enchaine des chutes sur le sol et se relève pour chuter à nouveau en s’écrasant au sol. Christine intervient en lui disant que nous pourrions installer des tapis parce qu’il pourrait se faire mal à tomber comme cela. Il accepte et une nouvelle fois il nous dit comme dans un questionnement « vous pouvez les installer, vous n‘avez pas besoin de moi comme ça je fais autre chose ». Nous les installons, et il finit par nous aider un peu. Mathéo attrape le ballon physio, se jette dessus, y rebondit. Nous lui disons de faire attention, il manque de peu de se cogner à l’angle de l’armoire. Christine essaie de le contenir mais il veut faire seul en le répétant à plusieurs reprises. Il finit par s’en servir comme d’un dossier en ayant sorti à l’avance tous les ballons. Il rebondit de son dos sur le ballon, sa tête suivant le mouvement. Il dit que « ça fait bizarre » comme sensation. Son petit bruit aigu refait son apparition. Christine lui demande à qui est cette voix : à Mathéo ?, à quelqu’un d’autre ? Il ne répond pas. Il marque des paniers avec les ballons qu’il trouve autour de lui.

Mathéo veut ensuite sortir le tunnel qui devient par la suite un vers, un monstre qui veut le manger. Il passe à l’intérieur, dit que c’est « dégueulasse », qu’ « il en a partout ». Il veut alors l’écraser, lance des ballons dessus. Je décide de me mettre avec lui, de son côté pour essayer de combattre ce monstre. Christine prend le tunnel et le fait bouger pour simuler les mouvements du monstre. Elle lui demande comment il pourrait se protéger. Mathéo décide de prendre le rouleau en mousse et des modules de mousse pour faire une barrière entre le monstre et nous. Il dit que le monstre ne peut pas passer car il y a une protection invisible. Nous lançons alors des ballons sur le monstre. Mathéo se sentant en confiance décide de le narguer et dit qu’il le nargue en s’avançant très près de la barrière qu’il a construite. Il ajoute les épées dans le jeu et ose enfin dépasser la barrière pour aller sur le terrain du monstre. Nous transperçons le monstre avec nos épées mais d’après Mathéo, le monstre ne meurt pas, il ne peut pas mourir. Nous l’écrasons, le transperçons encore et encore sans aucun succès. Le monstre finit par aller se cacher sous son rocher et ne plus en sortir. La sacoche du tunnel est représentée par Mathéo comme la mue du monstre. Et nous décidons de mettre le monstre dans sa sacoche. Mathéo saute alors avec son épée dans notre territoire et simule le fait qu’il s’est blessé en tombant, s’étant planté l’épée dans le ventre au cours de sa chute. J’essaie alors de le soigner. Il se met à trembler, simulant une électrocution, une convulsion. Je lui mets un pansement et essaie de le contenir physiquement tout d’abord puis en verbalisant pour le rassurer. Je vois bien que cette action ne fait plus réellement parti du jeu que nous avions mis en place. Il se calme enfin, je lui soutiens la nuque, il est à moitié allongé dans mes bras.

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Christine annonce alors que la séance est finie et qu’il faut ranger les tapis. Mathéo dit « Oh non pas déjà » et s’étale, s’effondre sur les tapis. Nous rangeons lentement. Mathéo nous rappelle que nous devons lui remettre les chaussures comme il l’avait demandé en les enlevant au début de la séance. Commence alors un jeu entre lui et nous. Monsieur est le pacha, le roi qui se laisse habiller et qui nous donne des ordres. Il prend un air supérieur, fier de lui. Nous lui mettons ses chaussures. Il est allongé les bras derrière la tête et sourit. Nous l’aidons à se relever, lui mettons son tour de cou ainsi que son manteau. Christine ferme son manteau et nous finissons par lui dire au revoir. Mathéo nous serre la main restant dans son rôle de « roi ». C’est la première fois qu’il nous dit réellement au revoir depuis le début de mon stage.

Le début de séance a de nouveau été compliqué pour Mathéo. J’émets alors l’hypothèse d’une esquisse de comportement d’évitement au début des séances qui marque les retrouvailles qu’elles représentent. Cette séance a également été à nouveau le lieu de l’expression des angoisses de Mathéo. Cependant j’observe une évolution dans la représentation qu’il peut s’en faire, comme une mise à distance de ses angoisses. Je suppose qu’il transpose ses propres angoisses internes sur ce monstre. La transition, marquée par la fin du jeu, marque cependant également la fin de cette mise à distance. La fin de séance semble être plus facilement acceptable avec l’instauration d’un jeu qui le laisse dans une relation « active ».

Pendant les mois de janvier et février, j’ai pu me sentir démunie, face aux départs difficiles et à la souffrance émanant de Mathéo. Cette situation s’est reproduite avec une recrudescence au cours de cette période. La construction d’une cabane revient à de nombreuses reprises dans cette deuxième partie d’année. Elle a pu jouer un rôle de contenant des angoisses de Mathéo quand nous pouvions y entrer tous les trois. Les possibilités de Mathéo étaient alors plus grandes à l’intérieur de cette cabane. Il était d’autant plus présent, cohérent, pouvant exprimer verbalement et mettre en jeu ses angoisses. J’assimile ces cabanes à une enveloppe solide dans laquelle Mathéo a confiance. Je me pose alors des questions quant à son ressenti de la qualité de sa propre peau, comme enveloppe contenant son monde interne. L’aspect d’un corps désarticulé revient néanmoins à nouveau au cours de cette deuxième période, me questionnant toujours sur la manière de répondre à ce qu’il nous dépose en séance.

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Conclusion :

Si les temps de débuts et fins de séances ont été les premiers à me questionner, je me suis aussi interrogée sur le vide interne que Mathéo semblait exprimer. Ces deux problématiques ne sont en aucun cas à dissocier. A contrario, je suppose que l’instauration d’une sécurité interne fragile chez Mathéo est à l’origine de ses nombreuses angoisses et notamment de ses angoisses de séparation et d’effondrement. Mes principales réflexions se sont alors tournées vers les expressions psychocorporelles que pouvait engendrer des angoisses de séparation et d’effondrement chez l’enfant. Cependant, avec l’observation de ces manifestations, je me suis aussi demandée quels étaient les moyens à notre disposition pour contenir une telle angoisse.

Dans la partie suivante, je vous proposerai de poser les bases théoriques de mon mémoire pour pouvoir par la suite envisager de répondre à mes questionnements. Elle se déclinera alors en trois points. Tout d’abord, je vous présenterai les principaux éléments de la construction d’un état interne solide et fiable. Je vous décrirai ensuite ce qu’est l’angoisse de séparation dans son aspect pathologique. Et pour finir, j’aborderai l’angoisse d’effondrement.

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« Je te trouve,

Tu survis à ce que je te fais quand j’en viens à te reconnaître comme

non-moi,

Je t’utilise,

Je t’oublie,

Mais tu te souviens de moi,

Je continue à t’oublier,

Je te perds,

Je suis triste »

3

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I.

Construction d’un état interne solide et

fiable

Mathéo a pu présenter des manifestations corporelles qui m’ont questionnée sur la construction de son état interne que je suppose fragile. Dans cette partie je reviendrai alors sur des éléments du développement psychocorporel du tout petit. AINSWORTH M., s’est beaucoup intéressée aux relations des nourrissons avec leurs mères en s’appuyant sur les travaux de BOWLBY J. sur l’attachement. De ses observations, elle en a déduit que l’enfant se constituait une sécurité de base à partir des soins maternels. Et c’est lorsque cette sécurité est intériorisée, que l’enfant peut se permettre l’exploration de son environnement à la fois social mais aussi psychique, sans anxiété.

a. Soins maternels et intégration du Moi

Selon WINNICOTT D.W., l’intégration du moi au cours du développement de l’enfant se fait par trois phénomènes. Tout d’abord ce qu’il nomme l’intégration, qui inclut l’intégration dans le temps mais aussi dans l’espace. Celle-ci commence dès le début de la vie. Ensuite, a lieu un phénomène de personnalisation. Il correspond à la liaison entre « la personne du nourrisson », son corps et ses fonctions corporelles. C’est le lieu de l’intégration des sensations corporelles par la peau qui définit une limite entre le dedans et le dehors. L’intégration du moi s’appuie alors aussi sur un Moi corporel. Et enfin, ce que WINNICOTT D.W. nomme la relation d’objet. La mise en place de ce phénomène est complexe. « Elle ne peut s’établir que si l’environnement offre les objets de telle façon que le petit enfant crée l’objet »4. Le nourrisson présente un besoin qu’il ne peut formuler. La mère est dans, ce qu’appelle WINNICOTT D.W., une « préoccupation maternelle primaire ». Et par un phénomène appelé « identification primaire », la mère se met à la place du nourrisson et peut ainsi lui offrir l’objet qui satisfera son besoin.

L’intégration du Moi fait appel a deux séries d’expériences : les soins que procure une mère à son enfant qui est alors « tenu au chaud, est manié, baigné, bercé et appelé par son nom, et aussi les expériences instinctuelles aiguës qui, de l’intérieur, rassemblent les éléments de la personnalité et en font un tout »5.

WINNICOTT D.W. fait alors correspondre ces trois phénomènes de l’évolution du moi à des soins bien particuliers que la mère procure à son enfant. L’intégration, qui correspond à la façon de porter et de maintenir le nourrisson, est mise en parallèle avec le holding. La personnalisation se définissant

4

WINNICOTT, 1970, p. 17 5 WINNICOTT, 1958, p. 63

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