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La figure du double chez Gérard de Nerval /

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

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- . , .... ~. _~.., ... .,.._""ff~'''!<Ç'"'':l'~ ... ~~~'I1..~1 1 • LA FIGURE DU DOUBLE CHEZ GERARD DE NERVAL

by

~ Jacinthe Rouisse

A thesis' submitted to

~

the Faculty of Graduate Studies and&Research

1 •

McGil1 Univer$ity,

i~ par~iel fu1fi1rnent' of the requireme~ts

for the degree of Master of Arts

'\

j

Depar~ement of French Language

and Li terature 1

..

March 1983

---

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Je tiens à

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expr~;

' grati~ude au Professeur G. Pascal-Smith pour ses conseils et son

encouragement dans l'élaboTjtion de ce travail.

J

(3)

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J

LA FIGURE DU DOUBLE CHEZ

GERARD\ DE

NERVAL

Le mythe du doubie qui témoigne_des pr~occupations

~~ J

qu 1 a touj ours inspiré ~ l' homme ~,~ doub1.e nature charnell e et

spirituelle a fasciné les écrivains du XIXe siècle. En France,

Gérard de,Nerval lui~~ donné ~ne des formes littéraires les

plus riches ~ l'époque romantique.

Dani

~e

travail, nous avons choisi trois textes d}

cet auteur dans lesquels le motif du double est récurrent. Puis nous avons groupé et analysé les formes que prend ce

\ dernier selon qu'il est lié au héros "(il), aux héroïnes (elles)"

ou ~u narrateur-héros (je).

~'tt :. • ... t

, Notre étude nous" a montré <we chez Nerval la figure

du double dépa.sse très vi te les formes vtradi ti~mnelles -gour

- , ?

exprimer des hantises propres à l'imaginaire personnel d~

-l'auteur. Nous avons aussi constaté que cette figur~

litté-raire a pour effet de générer l'animation de plusieurs thèmes

.

.

importan ts de l'oeuvre. I;nfin, il ~emble qu t Ul) coroUai re ..

significatif de ce motif du double Œpparaisse sous la forme

d'une qugte de l'unité . . Aurélia présente en effet des images ,

u

qui, dans la perspective initiatique adoptée par le narrateur, semblent réconcilier les doubles aritagonistes.

~., ....

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(4)

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1

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LA FIGURE

nu

DOUI3LE' CHEZ GERARD DE NERVAL

The myth of the "double" which ~xpresse.s man' s

preoccupation with his dual natur~, body ~nd saul, was a

source of fascination for w'ri ters of the XLXe ce~tury. ,

Among them, Gérard de Ner,val gave the "doubl~", one af the \

most· complex ,Ii terar( forms of the romani:ic period. '

In this thesis, we have selected three texts by this

wri ter in which the theme of the "double" re,curs. We theh

,

proce~d to group and analyse the literary forms taken by the

tneme of the "double". We find tha t i t occurs in three

situations accardi~g ta whether it is linked ta the hero (he),

the heroine (sher or the narrator-hero

cr).

Our research shows that in the writ~r's wor~, this'

, ,

them,e quickly goes

i

beyond tradi tional li terary forms to

1

express the o~sessions

,to

which Nerval gives imaginative.

\ ' v 1

expression. We glso find that the theme has the effect of

gen~rat~g many other important ideas in Nerval's work.

r •

Lastly, it would seem that an important complement of the

\

theme of the "double" appears in the' farm of a quest for

unity. In a perspective of the literature of initiati~n

.

" "'\

chosen by the writer, Aurélia offers certain images which

.

"'.

tend~ ta reconeiie the. antagonists present in "the "douhle".

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TABLE DES MATIERES

("

INTRODUC;IO~

...•... ',' .... 1

CHAPITRE 1

1

Le vOLage en Orient: le double lié au Hil" . . . . 24

- , "Histoi.re du cal ife Hakem" . . . • . . . 2 6 LI "Histoire de la reine ~u Matin et

de Soliman, prince des Génies" . . . 41 CHAPITRE ,1 I

Sylvie: le double lié aux "elles" . . . 53 CHAPITRE III

Aurélia: le double 1i~ au "je". I l • • •••.•••••••• 77

<.,

CONCLUSION . . . , . . . . , . . . , .' •.•• •..•• ; . • . . . . 100

BIBLIOGRAPHIE . . . ,., . . . 112

(6)

.

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f ,1 INTRODUCTION ,

.

.

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L

Depuis toujours, 1es hommes ont·été

.,

préoc~upés par

.

la nature dualiste fondamentale qui domine leur existence. La division du corps st de l'esprit, devenue pour l'Eglise la chair et l'âme, qui leur .rappelle sans cesse cette double

appart~nance, exerce sur eux une sorte de fascination. Celle-ci

a donné naissance très tôt à.la croyance en l'existence d'un

Do~ble accompagnant par ex'emple le.s héros des légendes et dont

les traces se retrouvent dans le folklore de plusieurs

civili-.

-sations. Dans sOon étud'e intitul'ée Don Juan et'le Double

Otto Rank nous donne divers e:x;emples des forme s qu'a revêtues

,

,r

ce • 1 mythe chez différents peuples. N.ns i, les hommes primitifs,

0

désarmés devant la fatalité de la mort, Gmt ressenti tr~s tôt

le besoin qe remplacer cet arrêt\implacable ~? Temps par la

croyànce en l' immortalité de l' homme. Ils n01lllllaient ombre ce

qui constituait en quelque sorte un deuxième être ·tout à fait

, ,

identique au premier qu'ils percevaient comme étant la partie ,

immortelle. de tout être, 'l'âme assurant la continuité de la

,

,

. ,

.

vie ap!es la rn6rt. Double fra~erne~_ bien réel, l'ombre

de.~~n·ait·

d'C "la première 'objectivation'jde l'âme humàine" 1

Les civilisations grecque, romaine, chinoise ,et égyptienne prouvent que les hommes ont persévéré dans cette

"

croyance en une dualité de'l'âme humaine. En effet, dans

(8)

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, toutes ces culturrs, ~p croyai~ à l'exi,~~~~ d'un d~~x~è~e , ., ~

t • -" " l '! ( . .... ... _ _ . \

moi, 'd'un Double, reproduétion . .fidèle du m~j. ;corporéi,' q~1 .

~ ~ ~~

habitait chaque. être v1vaftt'~' Son' domai~e pouvait être celui ,

.

,

.

.

.

.

,

des rêves;

du

m0r;tde ,sPJ-ri tuél· ou'" de ce que l'on nomme ,maintenant

, '

,.

l ' inconsciel!t .• -" Ce Double ~ ~r&'Qu plusi'eurs l')oms: _ c,hez les

,

Grecs, on·l:appelait Psyc~é, chez les 'Romains, Génius, chez les

, • u Î 2

Perses, Frayauli et chez les Egyp~iensJ 11 étàit a~pelé Ka > •

Le deuxième moi nO, était pas 'considéré comme un

'és~rit irnmatéri~l

(

.

~ ou un concept abstrait, mâis bien comme un Double doté d'une

exi8~ence physique.' Le rituel mortuaire de l'embaumement chez

le..s Egyptiens, al'nsi que, c~_~z certains autres peuples i en

,

.

té~oigne~ les.Egyptiens se faisaient un devoir 'd'offrir de la nourri tare et ',différents présents aux défupts p.arce qu' il,s

étaient pe~suadés que :1'âme qui alla~t continuer à vivre

au-de-là' de la mort gar~er~it son enveloppe 'charnelle.

'En Ch~ne ~,ous r:étrouvons: cette' croyance en une

âme double, composée du "kuei"'et du l!shenl

' . Au IVe siècle'

avant J. C., ce dualisme a r~j oint :celui de la cosmogonie ~ \.. ,

. officie,lie chinoise,

A.

savoir l ' oppbsitlon du lIy

ln"

J

princip~

• - î' ,,', ~

tërrestre f.emelle et' du "yang",' priricipe célesté mâle

3.

,. • 1

Le'

n~in"

.et le l;yang"

i~carnent

la présence

s±mult~nêe

q

'un.

~ment double, non .s~ulement dans,l'!Me humaine, mais .d~ri~

toutes chose~: ct est la lumi~re 'et 1 'oDscurité, le ciel' et

, >

la terre J le positif et le négat.:it J le féminin et le masGulin",

"e 'ést en somme l'exp'res$~on dù dualisme ét du complémentar1sme'

" \ ,..,.~~',. 11 t ,. .J" ~

. .

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-. '~'Lçs,Juïfs ims.·ginaient eu;x.' aU$S,i.,qué ~:fâme 6ta}.t s.t-tJ.rêe" . ( "

.

, ;.

-,

simu~tant:Smertt

par deux

t.~ndâ.nces cQnt~air.es

qui pouviient

,l'entra!~er a1terdativement ver~ les c~oses terrestres et ver~

~) tes -chos'es c~l.es tes. De plu~., ,1,1 espri t '(lIru~hU) rie .pouvai t

\. • l ' :

atteindre son plein 6panoui-ssemertt que par ~ l '-union dû , I/nèfesh",

principe mâle

~

vet ,du ""c'hajah",' pr'ïncipe

f~m.e~l~'

5,'

..

'-,

\ ).

Dans la myth.ologie, nous -pouvons observer ~a' 'prê.senc"e '

d'une figu~ du d,ou~le, transposLtion litt6ra-iI.:e du co~èept: de

.

.

'

,,-dual isme. Le mythe de Dionysos, par exemple, illustre l!a .,'

croyance selon laquelle l'univers au:r;ait'

.

ét~ cr6é par la

coll

a;bor~

d'un

di~l,l

et de sen r.éflet.

:En ..

ffe t .' Dionysos,

qui aval t été conçu

~r

sa

m~re

et pa,r le. t:efl'et, de' celle-ci, \

est sédl1i t

à

son, tour 'par le reflet t\'Ue lui renvoie son miroir " . \

.. ~" ! ..

et il déc.ide. de ct-fer le mande

à

1.' image de ce Double .. Moàël~

s,ur 18, cosmogonie ~.~ndo\.le, ce ~ythe est repris par, les' néop.+a ..

tonicien's et par les 'gnosti,Qlles

6.

"

..

Le culte g6mellaire a ~~alement donné naissan~e à-des

mythes qui 'i1iu~t:çent '~a: .q:toyance au .1louble; : Dan'sl ~e~ cci~pl~s..

, - "" " ~ . ,

..

/ "

de jumeaux inythi,ques t 9't)

'de .f.rèl'es

mys.t6rieùsement un~Y

, ... . ' ,

.

les plus c!1:èbr'es'

son:t/J:es

f,rè.res Dioscures, 'Castor et

~o11uXJ

.

\ • ' . \ q

Rom.u.1Us, et' .Ré'ml.ls ..

:·~~b,e'i ~oai~,

et' 'les deti,x

pr~~~go.nj'stes

d.un· .'

~ , -

.

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\ ' : . ' ,

-conte 6~p't1e-n t,t~$ ancien inti ~ul~ Utes Prê:r~~n .~: i ~~s ' ..

jumeaux' ont' pu deve~ir des hé,l'oS "tellement poplJ'la

res ...

e' est

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craindre

~~

d' hOllPrex:

leurs·

m!nes. \

C'est

que les

j

timeaux .

".

, ;-- t;)

apparaissent

"connne

la

réal::1satlon d'un,

hpmme ~u1

tl.

amené

avec lui"

'son

06uble vis1b'i'e" 7

~,

Aussi

do1t-~n vên~rer

"la '

',..

par1;;ie,_il!lDl0rtelle' de 'cet être qui. a

acc~.s"

cro'1t-on: au, mondè

des

,espri.ts,

,et

accorder une foi tota'le .en,

é'~~::··préd1'ct'ibn,~.

QU,

~ , ~ ' \. ',~\. l 1

,.. 9 " ' • • - - • • 't"';i

en

ses e~pl1,Catl~hs

de

phénbm~rie'.s: divers. 'M~~B

:'en,

,m6me

~tefll.~~',

et

à

cau~e Justeme~~

d'OU

c.aI-act~~e' s~nà~urel. ,d~ ':.~'lè:· J!).9~b~~~'

' ",

.. "~ ? ~ • :r ~ ~ "; ~ • _ . . , • ~- ~.' , ~ >

-v1:gj.ble,

on

doj;t..:":è:ra·~nC!re ''';if~.

pouvoir'

.my's~é·r1eux· dJ:l'~ c'ouIr~e"

et';

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5-autrefois Lugdunum, fondée par les Dioscures gaulois Momoros

8

et AtepoI\laros

Si un pouvoir spécifique semble souvent attribué à

ces héros ag~ssant à l'u~isson, on remarque que ~e mythe met

parfois également l'ac

7

ent sur l'aspect oppositîonnel du couple,

sur son càractère ambivalent porté à la fois vers le ~ien et

v~rs le mal, en présentant des jumeaux ennemis, l'un créateur et l'autre destructeur, qui s'affrontent jusqu'à ce que l'un

d'eux périsse. La lutte sacrificielle devient inévita~le:

l'un d~es deux éléments du couple doit se soumettre ou disparaître

afin d'assurer le triomphe et la survie de l'autre 9 Cette

~ situation conflictu~lle symbolise la tension exercé~ dans

chaque être humain par les aspirations contraires de son moi.

Dans le f~lklore iroquois, par exe~ple, une légende qui

réunit le mythe des jumeaux et celui de la cosmogonie, raconte tlu'e l'univers aurait été créé par un couple de frères ennemis.

L'un d'eux, dont l'action salutaire est à la base de toute

création positive, symbolise e~ quelque sorte le bien. L'autre,

le Mauvais Frèr~ qui règne su.r les Ténèbres, est le

réprésen-tant du mal 10.

Dans la mythologie celtique, nombreux sont les héros

1

qui évoluent de pair, sans touterois être des jumeaux. Ils

illustrent le caractère oppositionnel et complémentaire de la

dualité. Le ,couple de personnages le plus célèbre est celui

du druide et du guerrier qui représentent

res~ectivement

la

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J

1

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(12)

1

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-6-sagesse et la force Il

La religion chrétienne a également joué

un~le

cons idérable dansl l' é labo ra tian du mythe du doubl e . En effet

la vision manichéenne du monde qui est véhicul~e par le

christianIsme a alimenté la concept~on dualiste déjà existante.

D'abord c'~st un premier principe d'opposition qui sert de

base à la religIon même: il s'agit de Dieu, incarnation

suprême du Bien, et de Satan, personnification diabolIque du

Mal. Sur cette d,ichotomie fondall'Pentale s'érige une série

paradigmatique presque infinie: le ciel et l'enfer, la vie et

la mort, l'âme et le corps, le pur et l'impur, l~ positif et le

négatif, la lumi~te et les tén~bres, l'invisible et le visible,

le divin et le terrestre. Pour le chrétien, l'univers entier

est régi par ce syst~me dichotomique: tout ce qui es~ du bon

côté mérite respect et vie, tout ce qui est du mauvais côté

mérite la persécution et doit disparaître. Selon l'histoire

chrétienne de la création du monde, c'est Dieu qui établit cet ordre moral des choses, lequel est symbolisé par l'arbre

de la connaissance (c.f. Genèse, 2,9.). En goOiant du fruit

de cet arbre, le premier homme prena cons~ience du système

des valeurs et doit désormais s'y soumettre. Il ne peut le

modifier en aucune façon, et toute révolte devient dès lors

un péché. Cette règle, appliquée quelquefois par le peuple

chrétien avec trop de rigueur, a été cause de l'intolérance

1

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-7-du christianIsme, de son ardeur à convertir des peuples qui a

r

parfois entraîné l'anéantissement entier de civilisations

r

vancées, comme celle des Mayas au Mexique, par exemple.

L'homme, même Chrétien,\est perçu )i(ins cette perspective comme étant lui aussi l'objet de\cette division universelle.

\.

D'une part, par suite du péché originel, le mal est montré comme s'infiltrant insidieusement en lui; d'autre part, le sacrifice du Chrlst, et par la suite l'eau baptismale, lui

ouvre les portes de la Rédemption. Donc, selon la pensée

chrétienne, l'homm~ demeure un être double et jusqu'à sa mort

il est déchiré entre ses

m~vais

instincts et ses aspirations

divines. Tout au plus peut-il, durant son séjour sur la

terre, faire pencher la balance d'un c~té ou de l'autre,

Il

mais jamais de façon irrévocable.

Nous pouvons rappeler à ce propos que les Cathares, secte manichéenne du Moyen-Age qui s'est 'répandue en France entre les XIe et XIIIe siècles, a'préhendaient fortement

le nombre deux. Comme le souligne Roger Mazelier dans son

article, ce nombre "introduit dans le monde la ~ucidité

existentie1le" 12. Ne pouvant le nier, l'homme est forcé de

reconnaîtreOque toute chose n'existe que par la présence de

,

son contraire: le jour n'existerait pas sans la nuit de même

que le bien n'aurait aucune valeur sans le mal.

Une légende, qui prend sa source dans la Bible,

illustre bien les conséquences dramatiques qu'entraîne 'toute

,

1

1

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(14)

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(

-8-

.

révolte contre b'ordre moral établi par Dieu. Selon cette

légende, un combat fut engagé, au début des temps, entre les anges serviteurs de Dieu, Michaël en tête, et lès anges

ré~oltés, sous la tutelle de Satan. A l'issue du combat, les

premiers sortirent vainqueurs et

il fut.précipité, le grand Dragon, l'antique Serpent, celui qu'on appelle Diable et Satan, le séducteur du monde entier; il fut précipité sur la terre,

et ses anges 'furent précipi tés avec lui. 13

Il est à noter qu'à l'origine, Satan n'était pas foncièrement

mau~als. Ce fut son désir d'usurper le pouvoir divin et de

renverser l'ordre des choses qui amena sa chute. Alors par

la suite seulement,Satan et ses anges déchus, qu'ils fussent exilés sur la terre ou confinés en enfer, devinrent les symboles du Mal.

Ainsi ce mythe d'une querelle primitive opposant les puissances' célestes- symbolise bien l'éternel combat que

s~lent se livrer les bons et les mauvais esprits pour la

domination de la terre. L'être humain subit toujours les

conséquences néfastes de cette lutte, puisqu'il demeure le

jouet de ces forces en présence et la victime de leur influence

réciproque. Le mythe d'Abel et de Cain reprend, à un niveau

plus modeste, la même image. C'est l'orgueil et le dépit qui

ont fait de Caln le premier meurtrier et l'ont rangé ainsi

sous la coupe de Satan. Ce récit se rattache d'ailleurs au

mythe gémellaire dont nous avons parlé précédemment.

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1

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-9-Ce bref survol historique nous permet de mesurer, l'importance qu'a toujours conservée la notion de double

malgré le temps et l'espace qui séparent les peuples. Le

double suit fidèlement l'évolution des mentalités, quelles

que soient les formes qu'on lu+_prête. On le retrouve dans

tous les domaines: ~eligieux, historique, mythologique,

psychologique et astrologique. Au XIXe siècle, c'est dans~

la littérature que ce mythe s'exprime sous les formes les

plus variées. En effet, les écrivains romantiques semblent

à la fois préoccupés et fascinés par-la notion de dualisme. Sous leur plume, elle devient un thème savamment élaboré et nous pouvons ,déceler la présence d'une figure du double dans les oeuvres de plusieurs grands auteurs de ce siècle, entre autres Hoffmann, Jean-Paul F. Richter, Byron, Musset, Gautier,

Nerval, Balzac et Maupassant. Les précurseurs du romantisme,

en particulier Goethe et Nodier, présentent déjà, dans leurs oeuvres, une image du mythe du double.

Bien qu'une analogie évidente caractérise ce thème

dans les différentes oeuvres où il apparaît, la culture, la ,

mentalité, les croyances de chaque auteur en montrent une

exploitation très ~ariée. Ainsi chez Goethe, le mythe du

double est surtout intellectualisé. Dans\son oeuvre, cet

auteur pose le problème moral du bien et du mal qui met en

relief la dualité ressentie par l'être humain à l'intérieur

de lui-même. Le héros de son Faust, par exemple, vit d~ façon

,

1

(16)

j

l

1

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''1f'' ... ~~ ... ~ .. tt~~~I""''\''a\r'''''''''._"",,,,,,,,,,,,~,,,,,,,,,,,,"_,,

-10-très intense la lutte interne que se livrent ses aspirations contraires:

Deux âmes, hélas! se partagent mon sein, et chacune d'elles veut se séparer de

l'autre: l'une ardente d'amour~

s'attache au monde par le moyen des

organes du corps; un mouvement surnaturel entraîne l'autre loin des ténèbresQ vers 140 les hautes demeures de nos aieux!

Cette formule, devenue célèbre, qui exprime si bien le problème du dualisme de l'âme, est reprise par Gérard de Nerval en

éplgraphe de la Pandora.

Nous pouvons remarquer que la littérature fantastique •

s'est avérée un véhicule privilégié du thème du double.

Ce genre littéraire, défini par Todorov "comme une perception

particulière d'événements étranges" 15, permet en effet à

l'auteur d'aller beaucoup plus loin dans l'élaboration du

mythe du double. Ainsi Hoffmann, qui est incontestablement

le poète du double, construit Les Elixirs- du Diable en

mettant l'accent sur l'étrangeté du phénomène de la dualité. Ce livre évoque "le lieu intérieur où nous sommes en proie

à nos 'postulations' essentielles, le champ de bataille où

16

s'affrontent nos t~ndances les plus profondes" Ici,

l'auteur ne se contente pas d'une évocation abstraite; son récit se présente plutôt comme une lllustration complexe

du concept du dualisme. Le héros, le frère Méd~d, se voyant

divisé en deux personnes distinctes, en vient à douter de sa

personnalité propre: "Je suis ce que je parais, et je ne

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-11-parais pas ce que je suis. Je suis pour moi-même une éni~me

iJle~pl icable! Je suis en lut te avec mon moi!" 17 Cette

lutte est à la base de toute l'intrigue. Médard est po~rsuivi

par son Double diabolique, un être bien vivant identique à

.

lui-même, e~ il ne retrouve une existence sereine qu'à partir

du moment où eet être étrange est anéanti. En choisissant

de traiter le motif du double dans un cadre fantastique,

Hoffmann a réussi à en donner une image forte, concrète et

très élaborée. C'est ce texte d'ailleurs qui a inspiré à

Nerval l'idée des doubles, des ressemblances miraculeuses et de la fatalité héréditaire.

Dans son Manfred, Byron met en scène une situation

semblable, toujours dans un cadre surnaturel. Tel qu'il est

présenté, le héros apparaît comme le prototype même de l'être miné par des aspirations contraires, car "c'est un chaos

digne d',être, admiré, un mélange de lumière et ~e ténèb~res,"'

de génie et de poussière; de passions et de pensées généreuses" 18 Ces deux tendances spnt personnifiées ici par des esprits,

\

les forces du Bien et du Mal, qui se disputent l'âme de

Manfred. Ce dernier décide de lutter de front contre eu~

et il ies rencontre. Seule la mort vient mettre un terme à

ce terrible combat:

~harles Nodier, dans un d~ ses Contes fantastiques,

offre une figure du double quelque peu différente. Béatrix~

l' hérolne de la "Légende de soeur Béatrix", revient au couvent

,

(18)

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1

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-

{

-12-après plusieurs années d'une vie dissipée, et èlle voit apparaître devant ses yeux l'image vivante d'elle-même,

~

"non telle 'que l'âge, le'r vice et le désespoir l' avoient faite,

mais tell€ qu'elle avoit da être aux j~urs innocents de sa

jeunesse" 19. L'apparition du Double n'est pas perçue,

dans ce cas particulier, comm~ un phénomène funeste, provoqué

par une force diabolique; au ~ontraire elle permet à l'héroïne

de subir une métamorphose qu~ lui redonne les attributs

~o~formes à cette image d'i~nocence et de pureté.

Dans l'oeÛvre d'Alfred de Musset, la figure du doublè

se présente sous différentes formes. D'abord "La nuit de

décembre" met en scène un Double qui se distingue du poète, un "étranger vêtu de noir" qui resselfible "comme un frère" au

poète 20,

~;i

le suit

p~~

à pas et apparaît en définitive

comme un compagnon d'infortune, un frère dans la solitude et la détresse, un speçtateur assidu mais non importun.

Le double est ici une incarnation de la solitude, du malheur,

dU

mal de

vivre/qu~

doit affronter le poète.

Dans Lorenzaccio'par contre, le double n'est plus

extériorisé, mais il demeure le signe de la division intérieure

du héros. C'est par le recours au masque que l'auteur aborde

ici le mythe. Lorenzo, le héros du drame, change en apparence

de personnalité et joue le rôle de ce nouveau Lorenzo devant

les aut res . Mais b~.e'ntôt il s' aperçoi t que ce masque lui

colle tellement à la peau qu'il est incapable de retrouver

,

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, / -13-sa première Identité: J

Par {e ciel! quel homme de cire suis-je

donc! Le vice, comme la robe de Déjanire

s'est-il si profondément incorporé à mes fibres, que je ne puisse plus répondre

de ma l~ngue, et que l'air qui sort de

mes lèvres se fasse ruffian malgré moi? 21

Le Double intérieur de Lorenzo, qui avait pu se manifester

grâce au masque, prend le héros au piè~e de son propre jeu.

L'apparence trompeuse prend la place de la réalité. Dans La confeSSIon d'un enfant du siècle, nous retrouvons cette même idée d'une double personnalité qui

déchire l'être. Mais si dans Lorenzaccio une des personnalités

arrive à subjuguer l'autre, ici le conflit reste sans issue.

Cette oeuvre, largement,~utobiographique, présente en effet

un héros qui adopte successivement deux attitudes

diamétrale-ment opposées. Octave n'a aucun contrôle sur les forces

contraires qui luttent en lui:

Mon propre visage, que j'apercevai~

dans la glace, me regardait avec·

étonnement. Qu'était-ce donc que

cette créature qui m'apparaissait sous

mes traits? qU'était-ce donc que cet

homme sans pitié qui blasphémait avec 22

ma bouche et torturait avec mes mains?

Bi&n qu'il soit parfaitement conscient de la présence de

---ces "fantômes" 23 à l'intérieur de lui-même, Octave doit se

soumettre ~ leur pouvoir et imposer aux autres son moi hostile.

Cette division intérieure rappelle celle que subit le héros

du roman de Benjamin Constant, Adolphe. Adolphe est lui aussi

"il " Il 1

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-14-un héros déchiré entre deux personnalités qui s'opposent, tantôt

aman~ tendre et romantique, tantôt raisonneur froid et cynique.

Nous po~rrions poursuivre encor .. longtemps cette

""

énumération des apparitiops de la figure du double dans les

,oeuvres littéraires du XIXe siècle. Car il y a autant

d'ima-ge~ ~ifférentes du ~ouble qu'il y a d'auteurs qui ~raitent

..

du sujet. Comme le souligne Todorov, chaque oeuvre présente

un aspect et un sens particulier du double selon les

"relations qu'entreti~n.t ce thème-ci aA"E{c ~'autres" 24

C'est ce qu'il nomme "la polysémie de l'image". Le double

vient donc s'insérer dans une série de figures et de thèmes

f

agencés de façon particulière, qui constitue le mythe personnel

de chaque écrivain. Partant d'une préoccupation commune,

à savoir le problème du dualisme intérieur, les auteurs

aboutissent à"la création d'une image du double toute imprégnée

de leurs phantasmes las plu~ntimes.

Appartenant à la thématique romantique entre autres

par l'intérêt manifesté pour le motif du double, l'oeuvre de Gérard de Nerval, que nous avons retenue pour notre sujet,

offre des exemples très variés de ~ette figure. Il est

évident qu'il a puisé dans un corpus c&nsidérable de textes ésotériques et de légendes les éléments qui

nQurrissent son mythe. Ainsi nous retrouvons à plusieuTcs

reprises dans l'oeuvre nervalienne, principalement dans le

- -.. Co - - . . . .lIRez rt. Ii ...

1

1

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(21)

1

-15-Voyage en Orient, l~idée du combat primiti~ entre les

puissances célestes éternellement ennemies. Par ailleurs,

l,~ apparition d'un Double, spectre du héros, conune chez

Hoffmann, caractérise

r'

"His~oire du calife Hakem". La

croyance selon laquelle "il y a dans tout homme, à toute heure,

deux postulations simultanées, l'une vers Dieu, l'autre'~ers

Satan" 25, comme nous la rel'icontrons chez d'autres écrivains

dont ~oethe, Byr~n et Hoffmann est également exprimée chez

,

Nerval, tout particulièrement dans Aurélia. Le phénomène

des ressemblances étranges, si cher à H~ffmann et mêmé à

Nodler, est une des clés principales de Sylvie. L'deuvre

nervalienne témoigne donc des nombreuses influences qu'a

subies l'auteur. Mais ~ans l'agencement et la superposition

de ces images et de ce~ concepts repris d'écrivains antérieurs

nous pouvons déceler la singu1arisation du ,motif du double opérée par Nervat.

Bien que ce dernier fasse allusion au problème du

double à travers toute son oeuvre, un réseau particulièrement

riche d'images construites autour de cette figure se trouve

\

concentré dans trois textes: dans deux légendes du Voyage en

Orient, dans Sylvie et dans Auré~ia. Bien que certains

élé-ments au niveau du style, des images ou des concepts soient

réintroduits d'un texte à l'autre, chaque récit offre l'image

d'un nouveau rapport avec le double. Ainsi dans les deux

extraits du Voyage en Orient, la figure du double app~raît

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-16-liée aux héros. Le narrateur, qui prétend rapporter le récit

fidèle d'hist~s e~~endues

se distingue tout à fait des

lors de.son séjour en Orient, , ~

deux ~rotagonistes. Le rapport

,

ne peut donc s'établir, au premier abord du moins, qu'entre

le double et le

"il:'.

Dans le premier texte, l' "Histoire

,

.

,

du calife Hakem", apparaît une lmage concrete du double,

soit celle d'un être physiquement identique au héros. Cette

première représentation du concept du double est assez

tradi-tionnelle. Mais nous verrons que l'atmosphère dans laquelle

elle s'anime lui confère un caractère original. Ce texte,

qui réunit la notion

de

double et celle des ressemblances

mystérieuses, doit son origine à l'histoire de Raoul Spifame

que Nerval inclut dans ses Illuminés en 1852. Dans~le deuxième

texte, l' "Histoire de la reine du Mat.in et de Soliman,

prince des Génies", le récit est ~ncore écrit

à

la troisième

personne et l~ dO~le est associé uniquement au héros.

son image prend une valeur plus exclusivement symbolique Mais

et elle est axée sur le concept de la lutte éternelle des ei\nemis.

Dans Sylvie, l'originalité de l'auteur est beaucoup

.

,

plus manifeste et la singularisation du motif du double y

gagne. En effet, la principale figure du double est liée

aux trois héroines et elle s'imbrique dans un autre th~me

important de l'oeuvre nervalienne qui est la quête amoureuse. A travers les visages de femmes qu'il rencontre sur son chemin,

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-17-le narrateur ~e recherche dEsespérêment qu'une image unique

. de la fêmme aimée •. Le'troisi~me texte que nous retie~drons,

Aurélia, es~ le plus important en ce qui concerne notre

.

sujet. D'abord le~rêcit est fait à la-iiemière personne,

et le doub1 e apparaît 1 ié au "j e". Le héros\ et le narra téur

se fondent en un seul être pour ~ous fai~e part d'une

expé-

'-'-rience troublante, la scission du moi en deux persQnnes

distinctes. Nous verrons que plusieurs éléments décelés

dans les textes précéd~nts sont concentrés ici, par exemple

l'image concrète du doubla, la lutte du bon et du mauvais

esprit, les doubles fémini~s liés à la quête amoureuse,

la notion des ressemblances troublantes.

.

La figure du double

qui résulte de ces superpositions nbus semble très riche de significations.

Lorsque le double est'le sujet princiPa1 d'un

te~te,

, commè dans Les Elixirs du Diable de Hoffmann par exemple,

il devient plus facile à cerner~et à analyser. Mais chez

<

Nerval aucun des textes n'est construit de cette façon. En effet, la figure du double apparaît, dans l'oeuvre nerva-lienne, au milieu de plusieurs images et thèmes qui

s'enche-Q

vêtrent. Aussi s'avère-t-il nécessaire pour mieux cerner ce motif, d'analyser certains des éléments qui l'entourent.

Nous grouperons, entre autres, les 'personnag~s qui ne sont

qu' indi rectement 1 iés au double, les décors, les couleurs',

les' actions, les sentiments. Tous ces éléments ajoute~t en effet

(24)

'"'~_._. I~r-'I~-~ "" ~ ... -~"<" . . . ~ .. -~ ~ • - _ .. _ ... ~---, ... ~ ~,_ ... ; , ~. 1* ; : • • • • d $ [Mar.ua._I., -18-, ,

dans l "oeuvre des ç:aoract'~ris~tj.Qns spécifiques au

, \

du double~

Ce mythe qui témoigne, çomme nous l'avons dit

pr~cédemment;, d'une pr~occupation particulière à l'~poque

rornantiqu'e i prend ,chez Nerval l'aspect d 'une véritable

obsession. Nous dêv,ons pour, des raisons pratiques, ,nous

restreindre

à

l'analyse de

l~ figUre/~u d~uble

dans trois

"

textes; mais il n'en reste pas moins que celle-ci se retrouve

1

dans 1" oeuvre entière, de la Biographie singulière de Raoul

Spifame, seigneur des Granges, publiée une première fois en 1839 jusqu'au texte posthume d'Aurélia. A propos du thème de la dualité chez Nerval, Kurt Scharer parle_à juste titre de "l e itmoti'v" 26. Cette hantise se reflète en effet jusque Jans

son écriture: oscillation constante du style passant

brusque-ment d'un ton humoristique et badin

à

un ton dramatique et

plaintif; répéti tiQ?-s, reprises de th~mes, d' imàges', dt

expres--

-s ion-s; util i-sa't,ion' de l' ant i thèse; _d.§9.oulneJn~nar+atif.

Certes, çertains de tes traits stylistiques sont da~ à des

, . J

exigences extérieures.

co~e ~e

souligne

R~yrnond J~pn,

certaine~,répétitions~ par exemple, ~'expliquent par

l'ob1i-\

.

27

-gation pour N~rvgl d'écrire ùans différents journaux

.

,

, Toutefois cette'raison pratique n'e~c1ut nullement que les

1pis de l' écri ture nervalienne obéissent

à

d'es préoccupa.tioD'$

,

.

plu$ profondes. D'ailleurs. nous retroUVQns certaines

manifestations de ce style, hors des~euvres littéraires,

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-19-dans la correspondance générale de Nerval: "Ne m'attends

pas ce soir, car la nuit sera noire et blanche" 28 Cette

antithèse énigmatique que nous relevons dans la lettre à sa

tante'datant du 24 janvier 1855 n'est rien d'autre qu'une

ultime forme de la d~alité de l'imaginaire nervailen.

Notre étude nous permettra de juger de l'ampleur que pre~d cette hantise clans l'oeuvre de Nerval. Elle

consistera à analyser ~es divers aspects que revêt la figure

du double dans les textes précItés. Les trois formes

princI-pales S0US lesquelles elle apparaît occuperont chacune un

chapitre. AinSI nous étudierons dans un premier chapitre \

les deux légendes du Voyage en Orient. Dans le premier

extra1 t, l' "Histoire du' calife Hakem", nous observerons tout d'abord une image concrète du double liée au héros

Hakem, autour de laquelle se développe la notion de "ferouer" 29 .."

et une scène de mariage du double. En étudiant le contexte

dans lequel évolue ce double, nous verrons apparaître d'autres

aspects, plus profonds et personnels, de ce motif: attrait

) \

mystérieux entre certains personnages, liens mystiques entre le héros et sa soeur, divinisation du calife, et une ébauche de la lutte des ennemis éternels. Dans le second extrait du Voyage .. nous retrouverons d'une part l'image du double féminin du héros Adoniram, image qui nous est révélée par l'attrait mystérieux et la parenté mystique des deux

p~otagonistes. D'autre part, nous verrbns qu'une seconde

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(26)

~~---• 4 _ ~~---•

-20-forme du motif apparaît grâ~e

à

l'élément de rivalIté

introduit dans ce texte. Les notions de mariage~et de lutte

primitIve viennent ici encore se greffer à la figure du

~ double.

Dans un second chapitre, nous aborderons le texte

de Sylvie. Nous remarquerons que la fIgure du double est

s:U1gularisée surtout par son rapport aux héroïnes, "elles", qui ont de si troublantes ressemblances et répètent comme un écho l'image obsessionnelle de l'unique femme aimée.

Nous verrons que ce motif se développe sous plusieurs formes:

notion des ressemblances étranges qui aboutit à une

identifi-catIon totale de deux héroines, opposition de deux formes

d'amour différentes, scène du mariage. Nous retrouverons

également quelques Images liées aux héros masculins qui

apparaIssent comme les rIvaux ~u narrateur auprès des femmes

aimées. Ils s'interposent entre le narrateur et les héroïnes

risquant de faire échouer sa quête amoureuse.

Notre troisième chapitre sera consacré à Aurélia.

Le double est ici lié au "je", puisque se réalise la fusion

du narrateur et du héros. Nous verrons que tous les aspects

de l~ figure du double rencontrés jusqu'ici sont approfondis

dans ce dernier texte. Ainsi nous retrouverons l'image

concrète du double lié à la notion de "ferouer", l'élément

de rivalité et la jalousie qui en découle, la scène du mariage

du double, l'idée d'une lutte p~imitive entre des ennemis

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II

-21-éternels. Les notions des ressemblances et de migration

des âmes, la quête amoureuse et la quête de l'unité

s'élaborent également ,autour de la figure du double. Nous

pourrons donc comparer les tonalités des images liées à notre

motif .:sous la forme des trois personnes, "il", "elles". "jen : .

A l'intérieur de ces trois chapItres, nous observerons également les divers éléments qui apparaissett dans le texte

autour de l'image du double. Nous tenterons de déterminer

la valeur respective de ces composantes par rapport à la

~igure principale. Nous observerons aussi la fonction de

celle-Cl dans le déroulement du dIscours du narrateur. Pour

ce faIre, nous étudierons le texte comme une intégrité

dynamique et autonome, suivant ainsi principalement la méthode

..

structurale.

Après avoir analysé les différentes formes que prend

la figure du dpuble dans les textes choisis, nous conc~urons

notre étude sur les images, évoquent la notion d'unité.

~----.:--- (fan~ces réci ts, qui

on t r W plus

particulièrement dans Aurélia, des int rrogations, des

excla-mations, des déclarations de foi qui nous incitent à penser

que le narrateur, en même temps qu'il--i'-eprésente la .division

de l'être sous la forme des doubles, ~fie sa quête d'une

unité perdue. Nous vérifierons donc ce qu'il advient du motif du double qui semble conduire, dans ce dernier texte,

à quelques images de réconciliation et d'unité.

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S 6 7 8 9 10 Il 12 13 14 lS 16

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-22-NOTES

Otto Rank, Don Juan et le Double, Paris, Ed. Petite Bibliothèque Payot, 1973, p.62

Ibid., p.63

..

Jean Servier, L'homme et l'invIsible, Paris, Ed. Imago,

1980, p.76

Jean Chevalier et Alain Gheerbrant,

Dictionnaire des symboles, tome "PIE à Z", Paris,

Ed. Seghers, 1974, p .. 4l2

IbId., tome "A à CHE", 1973, p.SO Otto Rank, op. cit., pp.80-Bl

Ibid., p. 96

Chevaller - Gheerbrant, op. cit., tome "H à PIEH

, pp.9l-92

IbId., p. 89

l,bId., p.19Q

Ibid., tome "CHE à Gif, 1973, p.189

Roger Mazelier, "Gérard de Nerval et les Cathares en

Périgord", dans la revue Europe, no 516, avril 1972, p.63

,

La Sainte Bible, Paris, Ed. Edi1ecl 1979,

"Le livre de l'Apocalypse", 12,7. à 12,13., p.882

Goethe, Faust, Paris, Ed. Garnier Flammarion, 1964, p.64 Tzvetan Todorov, Introducti.on à la littérature

fantastique, Paris, E~. du Seuil, 1970, p.97

Albert Béguin, L'âme romantique et le rêve, Paris, Lib. José Corti, 1939, p.299

,

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17-18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 li;.4t.œt:z ... _ . , . . .... -~- - -

-23-E.T.A. Hoffmann, Les Elixirs du Diable, Paris, Lib. Stock, 1926, p.S8

Lord Byron, Oeuvres ~plètes tome XI, Paris,

Ed. Delangle Fréres, 1827, ~.67

Charles Nodler~ Contes fantastiques, ParIs,

Ed. Georges Cres et Cie, p.59

Alfred de Musset, Choix de Poésies, Montréal, Ed. Bernard Va1iquette, p.65

Musset, Loren~accio, Paris, Lib. Larousse, 1936, p.91

Musset, La confes sion d'un enfant du siècle, Par i s, .

Ed. Gallimard, 1973, p.297

"

Ibid., p.206

Tzvetan Todorov, op. cit. t p.1S1

Charles Baudelaire, Oeuvres complètes, Paris,

Ed. du Seuil, 1968, "Mon coeur mis

â

nu", p. 632

Kurt Scharer, Thématique de Nerval, Paris, Ed. Minard, 1968, p.36

Raymond Jean.,. La poétique du désir, Paris, Ed. du Seuil, 1974, p.49

Nerval, Oe~vres l, Paris, Ed. NRF Gallimard, 1974, p.1197

,

Jean Richer, dans ses annotations au texte du Voyage en Orient, ment ionne que Nerval a fait "touj ours â tort de

ce mot un simple synonyme de 'double"'. Il cite à l'appui

un extrai t du 1 ivre du baron de Bock: ~ "Les Ferouers

sont, dans la religion des Parses~ les premiers modèles

des êtres". Et il conclut que Nerval confond "l'archétype"

cl 'un être avec son "double". (Oeuvres II, Notes et

Variantes, p.1374). Pour notre part, nous utiliserons ce

terlj1e, à la manière du narrateur, comme synonyme de "double".

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Le Voyage @n Orient: le double lié au "il"

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Le Voyage en Orient apparaît comme le texte le plus

imposant qu'ait écrit Gérard de Nerval, puisqu'il constitue

à lui seul près des deux cinquièmes de toute son oeuvre.

De prime abord, le texte se présente comme un récit de,voyage.

En falt, Nerval part p'our l'

Orie~t

vraisembiablement le

23 dé~embr~ 1842, et en revient l'année suivante, au début

du mois de novembre. Les notes qu'il prend durant sofi

séjour là-bas, la documentation qu'il accumule en cours de route forment les principales bases du texte qui est publié fragmentairement dans des périodiques, par exemple dans la

Revue des Deux Mondes où des extraits paraissent en 1846,

1847, 1848, 1850. Mais, si l'on se réfère à la chronologie établie par Jean Richer dans La Pléiade, c'est seulement

en 18 SI que Nerval pas s e un trai té "avec Charpent ier pour

l'édition définitive du Voyage en Orient" 1. Il a donc

fallu sept années à l'auteur pour composer la version

intégrale de son récit. Aussi le texte entier, qui compte près de sept cents pages, est-il bien davantage qu'une simple

chronique de voyageur. Longuement méditée et travaillée,

qette geuvre est marquée par les figures qui hantent l'imagi-naire nervalien, et parmi elles, le motif du double.

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Comme le fait remarquer Marie-Jeanne Durry, le texte

.

est construit sur un double plan narratif 2. D'abord, une

grande partie du Voyage est ~crite à la première personne,

le "je". Le narrateur, s'identifiant au héros, est un

person-nage qui raconte ses pérégrinations, ses aventures et

mésaventures lors des traversées et pendan~ son séjour en

Orient. L'auteur y ajoute ici et là des indications d'ordre

géographique, historique, sociologique et religieux ainsi

que des réflexions personnelles. Cette première partie,

présentée sous la forme d'une sorte de journal quotidIen,

..

constitue la relation de voyage en tant que telle.

A quelques reprises cependant, le "je" se transforme

en "il", ce qui modifie complètement le récit. En effet le

narrateur, abandonnant momentanément la perspective réalIste, transporte le lecteur dans le monde merveilleux des Mille

et une nuits. Il rapporte ainsi deux légendes orientales,

l' "Mistoire du calife Hakem" et l' "Histoire de la reine du

Matin et de Soliman, prince des Génies".

..

Pour introduire

ces contes, le narrateur a recours à un subterfuge: il

prétend livrer au lecteur la transposition fidèle de récits

entendus'en Orient. Nous savons toutefois, comme le soulignent

Jean Richer et Albert Béguin, que l'auteur s'est référé à

3

différentes sources livresques pour écrire ces deux légendes

Ainsi po~ l'histoire de Hakem, Nerval aurait surtout puisé

dans l'oeuvre de l'orientaliste français Isaac Silvestre de

u

i

1

(33)

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1

-26-Sacy; pour le deuxrèrne texte il se serait principalement inspiré du chapi tri des Rois de La Bible, de l' Histoire des

juifs de FlaVIUS J~sèphe et de la Bibliothèque orientale.

Cette technique

qU~

consiste à amalgamer dans un même texte

d · l ff'-erentes sourcep etrangeres n est 1 . - " d ' 'aIlleurs pas nouvelle

1

chez Nerval. Cet tuteur a en effet l'habitude de pUlser

chez d'àutres écri ains des sujets qui deviennent, sous

l'effet de son

lns~iration,

des éléments de son mythe personnel.

1

Nous pouvoms déceler, dans ces 'récits dans le récit',

t

1

une exploitation p~rticulièrement approfondie de la figure

1

du double. Celle-cp apparaît 1 iée ~ux héros respectifs des

; \

deux contes, Hakem,et Adoniram. Le narrateur se démarque

1

nettement de ces p~otagonistes qu'Il a créés, et c'est à eux

qu'il lie la fIgUre du double. Le rapport qUI s'établIt

donc entre cette dernière et ces deux personnages indépendants du narrateur est ce:l ui que nous nommerons du doub le au "il".

1

i

1

L' "Histoire du caljife Hakem"

La figure ru double que nous retrouvons dans

!

l ' "Histoire du ca1~fe Hakem", légende extraite du chapitre

"Druses et Maronite$" du Voya.ge en Oriént, se présente sous

..

deux formes assez différentes. Tout d'abord apparaît une

image concrète qui matérialise de façon assez traditionnelle

le concept de dualisme. Hàkem, héros du conte dans lequel

r t,...,.

!

(34)

1

, ,

-27-il est présenté comme le calife du Caire, aperçoIt dans son

palais de l'île de Roddah un être id~ntique à lui-même,

vêtu de ses propres habits et jouant le rôle du maître de

maison. Il interprète ce phénomène étrange en fonction des

croyances orientales:

Il crut que c'était son ferouer ou son double, et, pour les Orientaux, voir son propre spectre est un signe du plus

mauvais augure. L'ombre ~orce le corps 4

à le suivre dans le délai d'un jour .

. que N~val. en utilisant indifféremment les mots

,- ,

"ferouer" et "double", ne se -:-éfère qu.' au sens larg~ du terme

"ferouer". En effet,

dan~es·"

mystIques orientales, le

"ferouertl

n'est pas un sImple synonyme de double, mais il

participe à une croyance beaucoup plus complexe. Sans entrer

dans des détails qUI déborderaIent le cadre de ce travaIl, nous pouvons indIquer seulement que le "ferouer", aussi appelé "fravashi" dans la langue iranienne, est con,sidéré comme l'archétype, le premier être, le premier modèle de

5

l'homme et par la suite, son double Tandis que sous

la plume de Nerval, le "ferouer" n'est plus qu'un double dont la particularité serait, pour les orientaux, d'être un mauvais présage.

Cette première apparition du double, ou comme le

nomme Nerval

la manière des orientaux, du ferouer, concourt

à engendrer une scène typiquement nervalienne: le double

s' apprête à épouser Sétalmulc, soeur du calife, à la place

r f i , 1 1

,

l 1 1

(35)

1

1

___ ... _ ...

_il..._-~~

o

-28-, de Hakem lui-même. Comme nous le verrons dans l'analyse

des autres textes, ce mariage auquel participe le double constitue un véritable leitmotiv dans l'oeuvre et révèle

une hantise du narrateur. Le mariage du héros nervalien

transcende généralement le domaine humain et charnel; il n'est pas présenté comme une union banale entre deux êtres

quelconques mais plutôt comme une réunion à caract~re

mystique. Mais le double qui s'immisce dans le couple vient

toujour& troubler, sinon contrecarrer les plans du héros.

Dans la nouvelle de Sylvie par exemple, nous retrouvons une

scène de mariage idéalisée entre l'héroïne et un double du

narrateur. La vision du double prêt à épouser la femme

âimée remplIt d'angoisse le narrateur d'Aurélia. Dans

l' "HistoIre du cal'fe Hakem", le héros exprime le désIr

de s'unir à sa soeur Sétalmulc, pour former le couple

cosmo-gonique qui sauvera l'univer$ des mauvais esprits.

Devant la répétItion de ce motif dans l'oeuvre, on comprend mIeux l'importance qu'acquiert l'échec de ce projet

privilégié quand apparaît le double usurpateur. La réaction

de Hakem est d'autant plus intéressante qu'elle diffère considérablement de celle des héros que nous rencontrerons

dans les autres textes. Le narrateur ne fait naître en son

personnage ni haine, ni jalousie contre son double. Ce

dernier n'est pas perçu comme un rival, comme un ennemi

contre lequel if faut se battre. Certes le narrateur décrit

1 li ) l 5 i

1

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1

j

(36)

, l.' 1 ~ \ " 1 , J '.

1

" \ 1 1

-29-chez le héros un violent désir de vengeance contre Arg~vanJ

1 ~ l "

le grand-vizir, qui l'a fait enfermer au Moristan pendant

qu'un double de lui-même occupait sa place: "Misérable,

s'écria Hakem, tu as donc cré~ un fantôme qui me ressemble

et qui tient ma place?" 6 Il fomente la révolte parmi les

criminels et les insensés, il mène la bataille et reprend par la force sa place de calife. Mais dans toute cette lutte

que nous dépeint le narrateur, au~une action n'est entreprise

contre le double lui-même. Car ce dernier apparaît non

comme un être réel mais comme un présage annonçant au

personnage du calife qu'on cheréhe à l'empêcher de contracter

1

son mariage avec Sétalmulc. Gouverné par "quelque divinité

c.

jal~use, cherchant

a

usurper le ciel en enlevant S§talmulc

à son frère, en séparant le couple cosmogonique et

providen-tiel" 7, le double n'est --considéré par le narrateur qtte comme une abstraction, un message, un avertissement.

L'apparition du double-ferouer ne reste toutefois

pas longtemps mystérieuse. En effet, après avoir présenté

Hakem apercevant son image vivante auprès de sa soeur, le

narrateur l~ fait se retirer du palais pour méditer sur ~

signification profonde de ce phénomène étrange; et c'est à ce moment-là qu'il en fournit au lecteur l'explication,

en faisant intervenir le personnage ~e Yousouf. Nous

apprenons alors que Yousouf, jeune homme rencontré par Hakem

au caJé

1.

~essemble

beaucoup au héros et

~u'

il se trouvait

'" _ d ,.~_.----_._---_._---'r

1

1

1 1

(37)

1

-30-quelques instants auparavant dans le palais aux côtés .. de

Sétalmulc. En le voyant, Makem avait donc cru voir son

ferouer. Ce qui était dt abord présenté au lecteur comme

'1>

un double abstrait et mystérieux, réduit à n'être qu'un

signe, devient un autr~rsonnage dans le récit. Ainsi

le narrateur se réserve-t-il peut-être une issue vraisem~

blable, la figure du doubl e n '·étant finalement donnée que

~ __ ~mme un mirage né d'une méprise dans l'imagination d~

oniste Hakem.

{

i l'on s'en tient à cette interprétation réaliste,

l'image du ne semble être qu'un élément utilisé par

le narrateur our introdui re une croyance orientale et, par

conséquent, accentuer. l'exotisme du conte. Toutefois,

nous remarquons dans le texte la présence de différentes

autres composantes qui sugg,èrent au contraire un

approfo~dis-sement et une exploitation plus personnelle du motif du

double. En effet, le texte fourmille d'images plus voilées

et d'allusions qui créent une atmosphère singulière et

permettent de déceler une autre forme plus subtile et plus .. conséquente de la figure du double.

Nous avons vu que Hakem et Yousouf étaient présentés, physiquement, comme des sosies presque parfaits, et que cette

ressemblance était à l'origine de la première· apparition

du double. Mais tout au long du réci t le narrateur prend

..

1

Figure

TABLE  DES  MATIERES

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