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Des indicateurs pour analyser l'interdisciplinarité des recherches des institutions

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(1)

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Des indicateurs pour analyser l’interdisciplinarité des

recherches des institutions

Elisabeth de Turckheim

To cite this version:

Elisabeth de Turckheim. Des indicateurs pour analyser l’interdisciplinarité des recherches des

institu-tions. [Rapport Technique] auto-saisine. 2017. �hal-01606329�

(2)

Des indicateurs pour analyser l'interdisciplinarité des recherches

des institutions

Élisabeth de Turckheim

Les recherches interdisciplinaires sont reconnues comme une voie d'enrichissement de la science en ouvrant de nouvelles dynamiques cognitives mais aussi comme un facteur favorisant son utilité sociale. Ces pratiques intéressent les institutions de recherche en France dont le processus de réorganisation actuel conduit à regrouper dans les mêmes institutions des départements et des équipes de disciplines plus diverses et favorise leur investissement sur des enjeux scientifiques et sociétaux partagés.

L'OST du HCERES a sélectionné un indicateur bibliométrique pour mesurer le degré d'intégration interdisciplinaire des recherches dans un domaine choisi et comparer plusieurs institutions. Un travail réalisé avec Lorenzo Cassi, Wilfriedo

Mescheba et Raphaël Champeimont publié en janvier 2017 dans PLOS ONE http://journals.plos.org/plosone/article? id=10.1371/journal.pone.01702961, montre comment la mesure de la diversité de Rao-Stirling appliquée aux disciplines des références des articles peut être utilisée pour une première analyse de l'interdisciplinarité des institutions dans un domaine de recherche.

Ce travail a commencé par un premier développement méthodologique sur l'indice de Rao-Stirling et les propriétés statistiques de cet indicateur2. Il a été poursuivi par une collaboration avec des représentants d'universités3 qui a permis de valider l’intérêt de ces indicateurs pour les institutions de recherche, d’en approfondir l'interprétation et d'en améliorer les représentations.

1

Un indicateur global qui prend en compte la variété, l’équilibre et les distances entre les

disciplines citées par les articles

Les processus interdisciplinaires de production de connaissances sont complexes et associent des aspects de dynamique cognitive aussi bien que des constructions sociales (Huutoniemi et al. 2010)4. Une démarche

interdisciplinaire peut intégrer dans un projet de recherche des données, des méthodes d'analyse ou des théories issues de disciplines différentes, ou plusieurs de ces éléments, avec des modes d'association ou d'intégration allant d'une juxtaposition des approches à une intégration forte qui conduit à sortir des cadres disciplinaires établis.

Une approche bibliométrique réduit l'observation de ces processus à l'information contenue dans les produits de la recherche et plus particulièrement ici dans les articles publiés. L'indicateur choisi mesure la diversité des disciplines des références des articles. Cependant la notion de diversité recouvre au moins trois points de vue :

le nombre de disciplines citées c'est-à-dire la variété de la liste,

la répartition des disciplines dans ces disciplines (balance en anglais) : plus cette répartition est équilibrée, plus la diversité sera considérée comme grande,

et enfin la disparité des disciplines citées : on souhaite enregistrer si les disciplines citées sont proches comme deux spécialités de chimie par exemple, ou plus éloignées comme la sociologie et la biologie fondamentale. L'indice de Rao-Stirling5 que nous proposons d'utiliser intègre ces trois composantes en multipliant les termes de l'indice de Simpson, calculé avec les proportions

q

i et

q

j des références dans les disciplines i et j , par une distance (ou dissimilarité)

d

ij entre les disciplines

ST =

i , j

q

i

q

j

d

ij .

La distance

d

ij est calculée avec une mesure de la proximité des profils de citations des disciplines6.

1 Cassi L, Champeimont R, Mescheba W, de Turckheim É (2017) Analysing Institutions Interdisciplinarity by Extensive Use of Rao-Stirling Diversity Index. PLoS ONE 12(1): e0170296. doi:10.1371/journal.pone.0170296

2 Cassi L, Mescheba W, de Turckheim E. (2014) How to evaluate the degree of interdisciplinarity of an institution? Scientometrics. 101(3):1871–1895. doi:10.1007/s11192-014-1280-0.

3 Ce groupe de travail a été conduit dans le cadre du projet ndicateurs de Production des Établissements Recherche Universitaire (IPERU) de l'OST-HCERES

4 Huutoniemi K, Klein JT, Bruun H, Hukkinen J. Analyzing interdisciplinarity (2010): Typology and indicators. Research Policy. 39(1):79 – 88. doi:http://dx.doi.org/10.1016/j.respol.2009.09.011.

5 Stirling A. (2007). A general framework for analysing diversity in science, technology ans society. Journal of The Royal Society Interface ; 4(15) : 707-719 DOI : 10.1098/rsif.2007.0213

6 Dans notre étude nous avons retenu l'opposé du cosinus des vecteurs des proportions des disciplines citées par les deux disciplines i et j : dij=1−cos(Vi, Vj) . La classification retenue est la plus fine disponible dans le WoS, c'est-à-dire celles des

(3)

2

Classement des institutions selon l'indice global d'interdisciplinarité

Cet indicateur permet de comparer des institutions pour leur degré d’interdisciplinarité dans un domaine de recherche commun. La figure 1 montre les valeurs de cet indice pour les recherches en neurosciences 7 de huit universités. La précision de l'indicateur dépend de la taille de l'échantillon par université et de sa dispersion. La table 1 montre qu'au seuil 1 %, six universités (Grenoble 1 et Bourgogne exclues) ont des indices différents de la France, que les valeurs des universités de Paris 5 et Paris 7 ne sont pas significativement différentes et celles d'Aix-Marseille et de Strasbourg sont significativement différentes à un seuil de presque 1 %. Il convient donc de regarder ce classement avec les précautions d'usage.

Fig 1. Indice d’interdisciplinarité global pour le domaine Neuroscience de huit universités françaises (2008-2012). L'indice est centré par rapport à la valeur pour le monde et multiplié par 100. Les nombres de publications des universités sont indiqués entre parenthèses.

Tableau 1. Statistiques des indicateurs d'interdisciplinarité de huit universités françaises en Neuroscience.

Un z-score est une variable de distribution normale. Une valeur absolue |z−score|>2.576 est significative au niveau 1 % (en gras dans le tableau).

3

Profils disciplinaires des sources

Pour comprendre la nature des sources bibliographiques qui font que l'indice d'une institution est grand ou petit, il est intéressant de chercher quelles sont les disciplines plus ou moins citées que la moyenne dans le domaine. Une décomposition de l'indice global en une somme de contributions des disciplines permet de comparer ces contributions à leur valeur mondiale et d'identifier les profils spécifiques de collaborations des chercheurs du domaine, ou plus

précisément les profils des sources qu'ils utilisent.

La contribution de la discipline i est le produit de la proportion de références dans cette discipline par la distance moyenne pondérée de la distance de cette discipline aux autres

C

i

=

q

i

j

q

j

d

ij et

ST =

i

C

i .

Conformément à la valeur de son indice global, l'université d'Aix-Marseille a plus de contributions négatives que de contributions positives alors que c'est le contraire pour l'université Paris 7, Strasbourg étant en position intermédiaire (Tableau 2).

7 Le domaine Neuroscience a ici été défini simplement comme la catégorie WoS (spécialité scientifique) NEUROSCIENCES (code RU), mais il aurait pu être défini par une liste de journaux définie expressément pour l'étude.

Institutions comparées Diff ST Z-score

PARIS7-STRASBOURG 0.066 8.137 PARIS7-PARIS5 0.018 1.544 PARIS5-STRASBOURG 0.048 5.782 STRASBOURG-AIXM 0.022 2.568 PARIS6-FRANCE -0.020 -4.405 PARIS5-FRANCE 0.023 4.551 AIXM-FRANCE -0.046 -8.084 PARIS7-FRANCE 0.042 6.180 STRASBOURG-FRANCE -0.024 -3.491 GRENOBLE1-FRANCE 0.007 0.754 BOURGOGNE-FRANCE 0.019 1.492 NANTES-FRANCE 0.074 5.918

-8

-6

-4

-2

0

2

4

6

8

F R A N C E ( 8 8 4 6 ) P A R IS 6 ( 1 3 9 1 ) P A R IS 5 ( 1 0 3 0 ) A IX -M A R S E IL L E ( 9 9 3 ) P A R IS 7 ( 5 2 6 ) S T R A S B O U R G ( 4 1 6 ) G R E N O B L E 1 ( 2 8 0) B O U R G O G N E ( 1 5 8 ) N A N T E S ( 1 3 4 )

(4)

La lecture des catégories sur-représentées ou sous-représentées est plus facile lorsque ces valeurs sont reportées sur un carte globale de la science (Fig. 2) dans laquelle la surface de la bulle est proportionnelle à la valeur absolue de la contribution (recentrée à la valeur mondiale), rouge si la contribution est positive, bleue si elle est négative.

Tableau 2. Les contributions des disciplines à l'indicateur global d'interdisciplinarité.

Les valeurs sont recentrées par rapport à leur référence mondiale Ci (institution) – Ci(monde) et multipliées par 100. Elles sont reportées dans ce tableau si leur valeur absolue est supérieure à 0.02. Les valeurs non significatives au niveau 1 % sont en italique.

La lecture de ces cartes ou du tableau 2 montre que les chercheurs d'Aix-Marseille qui publient en neuroscience citent beaucoup moins de sources en sciences médicales et en biologie que le reste du monde et ont plus de références en psychologie, sciences du sport et physiologie. Cette observation concorde avec les adresses des articles qui viennent en majorité d'unités mixtes avec le CNRS comme celles des unités de la Fédération 3C (Comportement, Cerveau,

Cognition) ou des unités ISM (Institut des Sciences du Mouvement) et P3M (Plasticité et Physiopathologie de la Motricité). Dans les adresses que nous avons pu identifier, 61 % viennent d'unités mixtes avec le CNRS et 24 % d'unités mixtes avec l'Inserm dont celles composant le nouveau Département hospitalo-universitaire (DHU) EPINEXT sur les pathologies du cerveau (Tableau A1). La carte des contributions reflète donc correctement les thèmes de recherche en neuroscience de cette université.

Les références des chercheurs de Strasbourg ont un profil très différent, centré sur la biochimie, la biologie cellulaire, la génétique et la pharmacologie. Comme à Aix-Marseille, les références en sciences médicales sont peu importantes comparées à la moyenne mondiale. Ceci traduit l’orientation des neurosciences à Strasbourg vers des collaborations avec la biologie fondamentale, confirmée par le poids important des adresses des publications venant de l'Institut de Génétique et Biologie Moléculaire et Cellulaire (IGBMC), de l'Institut de Neurosciences cellulaires et Intégratives (INCI) et du laboratoire de Neurosciences Cognitives et Adaptatives (LNCA, ex LINC).

Les références de Paris 7, contrairement à celles de Strasbourg et d'Aix-Marseille couvrent une large gamme de disciplines allant de la biologie fondamentale aux sciences médicales. Le poids de la neurologie clinique, de la pédiatrie, de l'oto-rhino-laryngologie, de l’oncologie est plus important que dans la référence mondiale. Les unités visibles dans les adresses que nous avons pu identifier sont l'unité mixte Inserm PROTECT (Promoting Research Oriented Towards Early CNS Therapies), l'unité CESEM (Centre d'Études de la SensoriMotricité), le Centre de Psychiatrie et

Neurosciences de l’Hôpital Sainte Anne (Unité mixte avec Paris 5) etc. Dans cette université les adresses des unités mixtes avec le CNRS ont un poids proche de celui des unités mixtes avec l'Inserm. La diversité des collaborations internes semble un facteur favorable à une interdisciplinarité forte des recherches en neurosciences de cette université. Cependant, l'indicateur étant calculé sur l'ensemble des références des articles en neurosciences, rien n'assure que la diversité des références n'est pas seulement due à la diversité des thématiques traitées et non à la présence au sein des mêmes articles de références de disciplines différentes : en d'autres termes s'agit-il de multidisciplinarité plutôt que d’interdisciplinarité ? Ce point est abordé dans le paragraphe suivant.

Auparavant, nous proposons une représentation plus synthétique des profils disciplinaires des références avec une

carte thermique (Fig. 3)

AIX-MARSEILLE STRASBOURG PARIS 7

Catégorie WoS Ci -Ci(monde) Z-score Catégorie WoS Ci -Ci(monde) Z-score Catégorie WoS Ci -Ci(monde) Z-score

VX PSYCHOLOGY, EXPERIMENTAL 1.053 8.915 CQ BIOCHEMISTRY & MOLECULAR BIOL 1.062 5.067 RT CLINICAL NEUROLOGY 1.370 4.799

UM PHYSIOLOGY 0.826 8.358 KM GENETICS & HEREDITY 1.004 4.945 KM GENETICS & HEREDITY 0.878 4.620

XW SPORT SCIENCES 0.479 4.434 TU PHARMACOLOGY & PHARMACY 0.935 5.275 KI GASTROENTEROLOGY & HEP 0.674 2.540

VI PSYCHOLOGY 0.300 4.980 DR CELL BIOLOGY 0.553 3.544 TD OTORHINOLARYNGOLOGY 0.626 2.715

OT LINGUISTICS 0.236 4.325 IA ENDOCRINOLOGY & METABOLISM 0.365 2.086 TQ PEDIATRICS 0.604 5.089

VE PSYCHIATRY 0.323 1.505 DM ONCOLOGY 0.545 2.954

VE PSYCHIATRY -0.239 -1.318 HY DEVELOPMENTAL BIOLOGY 0.260 2.238 TM PATHOLOGY 0.388 3.820

DQ CARDIAC & CARDIOVASCULAR S -0.281 -16.960 RU NEUROSCIENCES 0.233 1.381 VE PSYCHIATRY 0.331 1.332

MA HEMATOLOGY -0.285 -11.895 CQ BIOCHEMISTRY & MOLECULAR 0.280 1.319

BA ANESTHESIOLOGY -0.290 -7.073 KI GASTROENTEROLOGY & HEPATOLOG -0.280 -20.395 HY DEVELOPMENTAL BIOLOGY 0.275 2.655

DR CELL BIOLOGY -0.324 -3.669 TC ORTHOPEDICS -0.285 -16.436 ZD PERIPHERAL VASCULAR DISE 0.264 1.918

PY MEDICINE, GENERAL & INTERNAL -0.378 -8.894 EP COMPUTER SCIENCE, ARTIFICIAL IN -0.286 -7.824 AA ACOUSTICS 0.202 1.418

NI IMMUNOLOGY -0.462 -10.426 WC REHABILITATION -0.304 -22.906

YA SURGERY -0.484 -6.897 TD OTORHINOLARYNGOLOGY -0.316 -42.029 VJ PSYCHOLOGY, MULTIDISCIPL -0.209 -5.619

ZD PERIPHERAL VASCULAR DISEASE -0.553 -15.999 NI IMMUNOLOGY -0.320 -3.454 XW SPORT SCIENCES -0.224 -2.854

IA ENDOCRINOLOGY & METABOLISM -0.587 -6.715 XW SPORT SCIENCES -0.365 -2.930 IA ENDOCRINOLOGY & METABOL -0.232 -2.203

TU PHARMACOLOGY & PHARMACY -0.906 -11.372 PY MEDICINE, GENERAL & INTERNAL -0.375 -5.553 RX NEUROIMAGING -0.285 -4.996

CQ BIOCHEMISTRY & MOLECULAR BI -1.040 -8.692 RX NEUROIMAGING -0.376 -7.101 VI PSYCHOLOGY -0.326 -6.782

RT CLINICAL NEUROLOGY -1.137 -7.840 ZD PERIPHERAL VASCULAR DISEASE -0.402 -4.750 TU PHARMACOLOGY & PHARMAC -0.346 -2.499

VX PSYCHOLOGY, EXPERIMENTAL -0.506 -5.000 CN BEHAVIORAL SCIENCES -0.570 -11.948

YA SURGERY -0.560 -4.520 VX PSYCHOLOGY, EXPERIMENTA -0.769 -10.308

VY RADIOLOGY, NUCLEAR MEDICINE & M -0.571 -3.667

(5)

Fig 2. Cartes des contributions des catégories à l'indice global d'interdisciplinarité pour les universités Aix-Marseille (A), B), Strasbourg (B), Paris 7 (C). Les surfaces des bulles sont proportionnelles à la valeur absolue des contributions, rouges si la contribution est positive (ie supérieure à celle du monde), bleues si elle est négative. Les noms des

catégories sont reportées si leur valeur est significative au niveau 1 %. Carte réalisée avec VOSviewer (www.vosviewer.com). Le « fond de carte » est présenté en annexe A2.

(6)

Fig 3. Carte thermique des contributions centrées des disciplines à l'indicateur global d'interdisciplinarité en neurosciences des huit universités de l'étude. Les cellules rouges correspondent à des contributions positives, les bleues à des contributions négatives. Les cellules blanches ont des contributions non significatives au niveau 1 %. Les catégories représentées ont une valeur absolue supérieure à 0.5 pour au moins une université de l'étude.

Une lecture rapide de cette carte fait apparaître un profil de Paris 5 bien différent de celui de Paris 7 avec des références importantes en psychiatrie et en psychologie, et ceci malgré le nombre significatif de leurs publications (et unités) communes. Les universités de Grenoble 1, Bourgogne et Nantes ont des références nombreuses en sciences du sport, physiologie et psychologie expérimentale. On retrouve des spécialités qui contribuent aux recherches en neurosciences ou qui mobilisent des neurosciences comme l'imagerie à Grenoble, les sciences de l'alimentation à Dijon. Le cas de Nantes qui, pour un petit nombre de publications (134) présente une très grande diversité des références s'explique par des adresses venant d'unités très variées : une unité mixte Inserm de Neurogastroentérologie (U 913), une unité orientée vers la physiologie, la mécanique, la psychologie et l'ergonomie cognitive (Laboratoire Motricités, Interactions, Performances) et plusieurs unités de recherches médicales, non spécialisées en neurologie, ce qui peut expliquer le poids des autres références dans les quelques articles publiés dans des journaux de neurosciences.

Les contributions calculées semblent donc traduire correctement une part de la réalité. Leur somme, qui est l'indicateur global d'interdisciplinarité que nous proposons, peut donc être considérée comme un résumé pertinent de la diversité des sources des publications dans un domaine.

(7)

4

Interdisciplinarité ou multidisciplinarité ?

Pour calculer l'indice global, les références de toutes les publications ont été traitées ensemble, sans distinguer les publications individuelles où elles ont été citées8. Pourtant, selon le sens donné généralement à l'interdisciplinarité, il doit y avoir une intégration d'éléments (méthodes, théories, données…) provenant de disciplines différentes au sein d'une même travail de recherche 9, la juxtaposition d'approches disciplinaires mobilisées sur un problème étant plutôt qualifiée de multidisciplinaire. Des disciplines citées dans des publications différentes n'attestent donc pas de cette intégration. Calculée à l'échelle de l'article, la diversité de Rao-Stirling donne un indice d’interdisciplinarité par article, noté

ST

a dont la moyenne sur l’ensemble des publications de l'institution définit un nouvel indice

ST

W , mesurant la diversité intra-article de l'ensemble des n publications (within article interdisciplinarity)

ST

W

=

1

n

a

ST

a .

Cet indice est inférieur à l'indice global défini plus haut. La différence

ST

B mesure la variation des disciplines des références entre les articles et définit une diversité inter-article (between article interdisciplinarity)

ST =ST

W

+

ST

B .

Le groupe de travail IPERU a proposé de nommer interdisciplinarité effective l'indice intra-article et interdisciplinarité

potentielle l'indice inter-article, considérant qu'une diversité des références entre les articles dans un domaine précis et

dans une même université traduit des cultures disciplinaires complémentaires qui peuvent permettre, si l'environnement le favorise, de conduire des travaux intégrant ces différentes cultures.

Cette décomposition est analogue à celle de l'inertie d'un ensemble de points (ici les références) organisés en sous-groupes disjoints (ici les références de chaque article) car la formule de l'indice global est similaire à celle d'une inertie dès lors que les distances

d

ij sont des carrés d'une distance euclidienne (afin de pouvoir appliquer le théorème de Pythagore), ce qui est le cas avec notre choix de la distance du cosinus (Cassi et al. 2014)10.

Pour chaque institution on peut ainsi calculer deux indicateurs et les comparer chacun à la moyenne mondiale, ce qui conduit à quatre cas type d'interdisciplinarité, combinant intégration versus spécialisation des articles - selon la valeur de l'indice intra-article - et diversité thématique versus recherche de niche - selon la valeur de l'indice inter-article.

Tableau 3. Quatre archétypes de positionnement interdisciplinaire.

Indice intra-article

Inférieur à la moyenne mondiale Supérieur à la moyenne mondiale

Indice inter-article

Supérieur à la

moyenne mondiale 4. Diversité thématique avec articles spécialisés 1. Diversité thématique avec articlesintégratifs

Inférieur à la moyenne mondiale

3. Recherche de niche avec articles spécialisés

2. Recherche de niche avec articles intégratifs

Cette décomposition permet de comparer les institutions pour chacune des composantes de l'indice global en positionnant les institutions sur un graphique bidimensionnel (Fig. 4). Les calculs statistiques permettent de préciser la significativité des différences observées.

Cette décomposition apporte des informations supplémentaires à celle du classement issu de l'indice global (Tableau 4 et Fig. 4). Par exemple, les universités Paris 5 et Paris 7 qui ont un indice global comparable, sont différentes pour l'indice intra-article : celui de Paris 7 étant supérieur à celui de Paris 5, traduisant une meilleure intégration des disciplines à l'intérieur des articles alors que la diversité résiduelle inter-article est similaire pour ces deux universités. Il en est de même pour la différence entre Strasbourg et Aix-Marseille, significative pour l'indice intra-article et non pour l'indice inter-article.

8 Avec cependant une pondération de chaque référence par l'inverse du nombre de références de l'article citant. Cette pondération permet de ne pas donner un poids démesuré aux articles de revue par exemple, puisque le poids de chaque article sera le même dans le calcul de l'indicateur. Par ailleurs, les articles ayant moins de trois références présentes dans le WoS ne sont pas pris en compte dans le calcul.

9 National Academy of Sciences. Facilitating interdisciplinary research. Washington, D.C.: The National Academies Press; 2004. 10 Cassi L, Mescheba W, de Turckheim E. How to evaluate the degree of interdisciplinarity of an institution? Scientometrics.

(8)

De façon plus générale, deux points qui dans ce graphique seraient sur la même parallèle à la 2ème bissectrice (celle des quadrants 2 et 4) auraient le même indice global. Cette situation n'existe pas sur notre petit échantillon, mais elle est observée pour d'autres corpus. L'information supplémentaire apportée par cette décomposition peut donc être intéressante.

Fig 4. Indices d'interdisciplinarité intra-article et inter-article des neurosciences de huit universités françaises.

Période 2008-2012. Les indices sont centrées par rapport aux valeurs mondiales. La surface des bulles est proportionnelle au nombre de publications. (Voir en annexe A4, une représentation de l'interdisciplinarité des neurosciences de toutes les universités françaises).

Tableau 4. Statistiques pour la comparaison des indicateurs d'interdisciplinarité, global, intra-article et inter-article de huit

universités françaises en Neuroscience.

Un z-score est une variable de distribution normale. Une valeur absolue |z−score|>2.576 est significative au niveau 1 % (en gras dans le tableau).

On dispose donc de deux manières d'analyser plus précisément l’information résumée par l'indice d'interdisciplinarité global, en distinguant les disciplines qui contribuent, de façon positive ou négative à la valeur de cet indice d'une part, en distinguant l’intégration au niveau des publications, d'une intégration moins contrôlée qui peut être observée soit dans des projets de recherche publiés dans des articles séparés soit dans des projets qui restent bien distincts. Ces derniers peuvent suggérer des potentialités de nouvelles interactions qui, selon la stratégie choisie par l'institution, pourraient être encouragées.

Institutions comparées Diff ST Z-score Diff STW Z-score Diff STB Z-score

PARIS7-STRASBOURG 0.066 8.137 0.032 4.695 0.034 4.787 PARIS7-PARIS5 0.018 1.544 0.017 2.820 0.001 0.215 PARIS5-STRASBOURG 0.048 5.782 0.015 2.507 0.032 5.488 STRASBOURG-AIXM 0.022 2.568 0.020 3.330 0.002 0.321 PARIS6-FRANCE -0.020 -4.405 -0.003 -0.853 -0.017 -5.772 PARIS5-FRANCE 0.023 4.551 0.012 3.214 0.011 3.008 AIXM-FRANCE -0.046 -8.084 -0.023 -6.020 -0.023 -6.310 PARIS7-FRANCE 0.042 6.180 0.029 5.776 0.013 2.412 STRASBOURG-FRANCE -0.024 -3.491 -0.003 -0.637 -0.021 -4.199 GRENOBLE1-FRANCE 0.007 0.754 0.022 3.248 -0.015 -2.305 BOURGOGNE-FRANCE 0.019 1.492 0.018 1.987 0.000 0.049 NANTES-FRANCE 0.074 5.918 0.042 4.903 0.032 2.879

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

FRANCE PARIS 6 PARIS 5 AIX-MARSEILLE PARIS7 STRASBOURG GRENOBLE 1 BOURGOGNE NANTES

Interdisciplinarité effective (indice intra-article)

In

te

rd

is

ci

pl

in

ar

ité

p

ot

en

tie

lle

(

in

di

ce

in

te

r-ar

tic

le

)

(9)

5

Discussion

Plusieurs choix méthodologiques ont été faits dans cette approche. Sans revenir sur les limites d'une mesure bibliométrique pour aborder le processus complexe de l’interdisciplinarité en recherche, il faut reconnaître les limites suivantes à cette méthode :

- le choix de ne considérer que les références des articles comme information extraite des articles, - le choix de la base de publications,

- le choix de ne pas retenir d'information concernant les auteurs ou leur environnement institutionnel (leur département par exemple) comme le font Prud'homme et al . 201211 ou Jensen & Lutkouskaya 201412,

- le choix de la classification entre les disciplines : ici les catégories WoS plutôt que des disciplines plus larges, - le choix de l'indice de Rao-Stirling plutôt que des indices distincts pour mesurer la variété, l'équilibre et la disparité de la distribution des références dans les disciplines.

Parmi les arguments expliquant ce dernier choix figurent la propriété de cet indice d'intégrer les trois composantes de la diversité, sa robustesse à une sur-spécification des classes, ses propriétés mathématiques qui permettent la

décomposition selon la structuration en groupes (ici les publications). Pour un premier niveau d'analyse, cet indicateur est donc recommandé pour l'analyse d'un domaine à l'échelle des institutions (universités, départements de recherche, programmes d'une agence de financement).

Des études plus fines peuvent ensuite être conduites en mesurant séparément les trois composantes de la diversité comme le font par exemple Yegros-Yegros et al. 201513 pour analyser le lien entre interdisciplinarité et impact. Un autre raffinement consisterait à regarder quelles publications (quels labos, quels chercheurs, quels projets…) contribuent le plus à l'indicateur intra-article. On peut ainsi regarder le rang de l'indice de chaque article dans la distribution des indices

ST

a de tous les articles du domaine.

Le choix du corpus délimitant le domaine est une question à traiter avec soin qui n'est pas traité dans l'article. Toutes les catégories WoS ne sont pas pertinentes et de plus ne répondent pas nécessairement à une question posée. Il convient dans chaque cas de définir le corpus (comme un ensemble de journaux par exemple) qui sera pertinent pour comparer différentes institutions dans le domaine étudié.

Enfin, ces indicateurs (global, intra- ou inter-article) ne sont pas très adaptés pour des unités ou des programmes très interdisciplinaires car les publications associées sont réparties dans des journaux de disciplines différentes et l'intervalle de variation des indices peut être très différent d'une discipline à l'autre. Dans ce cas, il est pertinent de comparer l'indice de chaque article à la distribution dans sa catégorie et compter par exemple le nombre d'articles dans des classes définies par des centiles. Dans l'annexe (A3) nous montrons la répartition - dans les quatre classes définies par les quartiles - des articles d'une unité de recherche sur l'eau. Cette méthode de normalisation – habituelle pour d'autres indicateurs bibliométriques- permet de calculer des indicateurs indépendants des disciplines de l'unité. Mais ces indicateurs ne sont pas pertinents pour classer des unités interdisciplinaires dont les assemblages disciplinaires sont souvent bien spécifiques.

Information sur la disponibilité des programmes

Les programmes (scripts R) et leur documentation, les données utilisées dans cet article et une annexe sur les propriétés statistiques des indicateurs sont disponibles sur le site GitHub https://github.com/turckheim/interdisciplinarity

Avertissement

Cet article présente l'analyse et l'opinion des auteurs qui sont seuls responsables d’éventuelles erreurs techniques ou d'interprétation. Les avis exprimés ne reflètent en aucun cas ceux du HCERES et n'engagent pas l'institution.

11 Prud’homme J, Gingras Y, Couillard A, Terrasson D. Les mesures de l’interdisciplinarité. Pratiques et attitudes dans un centre de recherche français : l’IRSTEA. Montr eal: CIRST, UQAM; 2012.

12 Jensen P, Lutkouskaya K. The many dimensions of laboratories’ interdisciplinarity. Scientometrics. 2014;98(1):619–631. doi:10.1007/s11192-013-1129-y.

13 Yegros-Yegros A, Rafols I, D’Este P. Does Interdisciplinary Research Lead to Higher Citation Impact? The Different Effect o Proximal and Distal Interdisciplinarity. PLoS ONE. 2015;10(8):e0135095. doi:10.1371/journal.pone.0135095.

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Annexes

A1. Les unités de recherche en neurosciences des universités d'Aix-Marseille

Strasbourg et Paris 7.

Tableau A1. Intitulés des unités de recherche identifiées dans les adresses des articles en Neurosciences (2008-2012).

Les noms des unités ne sont pas toujours disponibles dans la base WoS ou ne sont pas exploitables. Les données suivantes ne représentent donc qu'une partie des unités ayant publié en Neurosciences pendant la période. Ces données devraient donc être validées et complétées par les universités ou les unités. Une identification de chaque publication pourrait aussi permettre d'identifier les unités ou les projets de recherche dont les publications ont les plus grands indices d'interdisciplinarité.

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A2. Une carte de la science

Fig A2. Carte des spécialités scientifiques réalisée avec VOSviewer. La distance entre spécialités fournie à l'algorithme

de VOSviewer est celle utilisée pour calculer l'indice d'interdisciplinarité. On a choisi ici de classer les spécialités en six domaines.

A3. Distribution des indices d'interdisciplinarité des articles d'une unité

Fig A3 Les proportions de publications des principales spécialités scientifiques d'une unité dans les quatre classes

définies par les quartiles de la distribution des indices d'interdisciplinarité de la spécialité et les totaux cumulés sur toutes les spécialités (compte fractionnaire). La classe 1 correspond aux articles ayant les plus grands indices.

AGRICULTURE, MULTIDISCIPLINAIRE AGRICULTURE GENIE CIVIL SCIENCES DE L'ENVIRONNEMENT GEOSCIENCES RESSOURCES EN EAU TOUTES PUBLICATIONS

0

0.25

0.5

0.75

Classe 4

Classe 3

Classe 2

Classe 1

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A4. Indices intra- et inter-article des universités françaises dans le domaine des

neurosciences

Fig A4. Indicateurs d'interdisciplinarité inter- et inter-article des universités françaises ayant au moins 100 publications

en Neurosciences dans la période 2008-2012

-5

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

-4

-3

-2

-1

0

1

2

3

4

FRANCE PARIS 6 PARIS 5 AIX-MARSEILLE PARIS7 STRASBOURG GRENOBLE 1 BOURGOGNE NANTES LYON 1 BORDEAUX ENS_PARIS CAEN NICE MONTPELLIER 2 PARIS 11 MONTP 1 TOULOUSE 3 LILLE 2 ROUEN PARIS 12 TOURS RENNES 1 VERSAILLES POITIERS LORRAINE ANGERS CLERMONT 1

Interdisciplinarité effective (indice intra-article)

In

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Fig 1. Indice d’interdisciplinarité global pour le domaine Neuroscience de huit universités françaises (2008- (2008-2012)
Tableau 2. Les contributions des disciplines à l'indicateur global d'interdisciplinarité.
Fig 2. Cartes des contributions des catégories à l'indice global d'interdisciplinarité pour les universités Aix- Aix-Marseille (A), B), Strasbourg (B), Paris 7 (C)
Fig 3. Carte thermique des contributions centrées des disciplines à l'indicateur global d'interdisciplinarité en  neurosciences des huit universités de l'étude
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