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Pratiques anciennes et traditionnelles de la forêt méditerranéenne, 2èmes rencontres de forêt méditerranéenne : Valorisation des patrimoines forestiers méditerranéens

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Academic year: 2021

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Pratiques anciennes et traditionnelles de la forêt

méditerranéenne, 2èmes rencontres de forêt

méditerranéenne : Valorisation des patrimoines forestiers

méditerranéens

Christian Bromberger, Annie-Hélène Dufour

To cite this version:

Christian Bromberger, Annie-Hélène Dufour.

Pratiques anciennes et traditionnelles de la

forêt méditerranéenne, 2èmes rencontres de forêt méditerranéenne : Valorisation des patrimoines

forestiers méditerranéens.

Forêt méditerranéenne, 1984, 6, 2 (123-170),

http://www.foret-mediterraneenne.org/upload/biblio/FORET_MED_1984_2_123.pdf. �hal-02009830�

(2)

Sommaire

Pages

Rapport introductif

(

Annie Hélène D ufour

)

... 1 24 D u passé au présent : la forêt méd iterra néenne et

ses déséquili bres

(

Yves R i naudo

)

... 1 25 Perspectives historiques sur les feux et les

in-cendies de forêt

(

Henri Amouric

)

... 1 26

Le brigand et la forêt

(

G i l bert S i mon

)

... 1 27

Les terrasses de culture entre le passé et l'avenir

(

Pierre Fra pa

)

... ... 1 29

L'esprit de la fourche, film vidéo

(

An nie

Chatel-l ier-Thérond

)

... 1 31 Des arts et trad itions populaires ... au plan de

survie. La fabrication des fourches en bois de micocoulier de Sa uve

(

Gard

) (

Annie Chatell

ier-Thérond

)

... ... 1 32

Le g ro u pe de trava i l « Pratiques anciennes et tra­ ditionnelles de la forêt méditerranéenne» a été a n i mé par

Christian B RO M B E R G ER,

M aître assista nt e n eth nolog i e à l ' U n iversité de Prove nce

29 , ave n u e Robert Sch u m a n 13 62 1 Aix-e n - Prove nce

Annie-Hélène D U FOU R,

Eth n o l og ue, Ce ntre d 'eth n o l og i e méd iterra néenne Air B e l l (5) ,

Route de Vauve n a rg ues 13 100 Aix en Prove nce

assistés de

Jocelyne G U I G NARD,

Association « Espa ces foresti e rs méd iterra née n s » B P. 37

83 690 Sa lernes

La chasse au poste dans l'aire marseilla ise

(

Guy Piana

)

... ..

Démonstration de Chilet

(

Daniel Porta lis

)

... ..

La lècq ue et la forêt. A propos de la chasse à la g rive aux lècques dans les Alpes de Ha ute-

Pro-vence

(

Richard Bonnet

)

... ..

Della caccia e dei « sottili ingegni ». Note sull' uccelagione con insidie i n Sardeg na. De la chasse et des « subtils artifices ». Note sur la tenderie aux oiseaux en Sardaigne

(

Gianetta M u rru-Corriga

)

.. La forêt méditerra néenne et l'apicu lture

(

Richard Bonnet

)

... . Pratique, perception et prod uction de l'espace. Le d iscours toponym ique à Chavail les

(

Pierre Jordan, Jacqueline Lou is- Pa l l uel, Alain Archiloque, Louis

Borel

)

... ..

Patrimoine foncier, d roits d'usage et confl its politiques en H aute- Provence

(

R ichard Bonnet

)

.. L'Association syndicale a utorisée par l'a ménage­ ment et la protection d u massif de la Serranne­ Font d u Griffe u n exemple d'aménagement fo­ restier i ntercommunal concerté en Languedoc

(

René Coste ; d'Elisabeth Bonnefont et d'Aug uste Commeyras

)

... ... .. Pratiq ues a nciennes et trad ition nelles de la forêt pour demain ? Quelques réflexions à propos du pâturage en forêt méditerra néenne

(

Thomas

Schippers

)

... ... ..

Compte rendu de la tournée ... ... .. Espace forestier com munal de Saint Victor la Coste. Sept siècles d'aménagement

(

Claude

Lou-d u n

)

... ... ..

Conservateurs ou pillards ? Les attitudes vis à vis de la forêt dans une communauté d'a ncien ré-g ime, en La nré-guedoc

(

Elie Pelaq uier

)

... ..

Une vente de bois de chêne vert en 1 885

(

Denis Coste

)

... .

Piégeage à la pétoul ière

(

Denis Coste

)

... .. Une technique oubliée d'exploitation d u chêne vert. Le « débourdage » ou « saut d u piquet »

(

Denis Coste

)

... ... ... ..

Démonstration de coupe au débourdoir ou « saut d u piquet » et d'écorçage

(

Pa u l et Louis M i lesi et

Constant Mosca

)

... ..

Conclusion

(

Ch ristia n B romberger, Annie-Hélène D ufou r

)

... ... ... ... .. 1 34 1 35 136 1 38 1 50 1 51 1 55 1 56 1 57 1 59 1 60 1 63 1 65 1 66 1 67 1 68 1 70 1 23

(3)

Ra p po rt i ntrod u ctif

pa r An n i e H é l è n e D U F O U R

Les réun ions préparatoires à ces deuxièmes rencon­ tres sur la forêt méditerranéenne ont montré que l 'émer­ gence de ce thème de réflexion parmi u n ensemble d'autres, d'ordre essentiel lement économique et tech n i ­ q ue, semblait traduire d e u x cou ra nts de préoccupations de la part de ceux q u i , à titre professionnel ou non, s'inté­ ressent à la forêt méd iterranéenne.

- D'une part, u n désir d'interroger l'histoire h u ma i ne, sociale de cette forêt a utant que les savoirs, les techniques en usage dans le passé, avec parfois l 'espoir sous-jacent peut-être d 'y trouver des form u les applicables au présent, - D'a utre part, un souci de mieux comprendre, devant la d iversité des usages contemporains des espaces fores­ tiers et des enjeux parfois contradictoires dont ils sont l'objet, dans quels ensembles de pratiq ues sociales et culturelles s'ancrent celles qui touchent à la forêt aujour­ d'hui ou, pour les derniers-nées, sur quel corps de ({ tra­ d itions » elles se greffent.

Dans un cas com me dans l'autre, ce choix semblait motivé par une recherche d'efficacité quant à l'a ppréhen­ sion et à la d ifficile g estion de ces espaces complexes.

C'est donc en tenant compte de l'ensemble des questions soulevées au cours des séances préliminaires que nous avons organisé le programme de travai l de notre g roupe a utour de ces deux principaux centres d'intérêts. Nous nous proposons toutefois, pour éviter le risq ue d'un débat académique trop général, d'aborder les problèmes à travers l 'examen de certains cas précis (voir liste des com m u n ications).

- Ainsi, le premier volet de discussions, centré sur les pratiques et usages anciens de la forêt - qui nous réu n i ra cet a près-midi - se voudrait être a utant une m ise en perspective h istorique de problèmes généraux très con­ tempora ins (tels cel u i d'une hypothétique gestion ({ équili­ brée » des espaces forestiers ou cel u i des feux et incendies de forêt) qu'un écla i rage de déta i l sur des activités, des événements particul iers et localisés (comme la chasse au poste das les col l ines marseillaises, le brigandage dans le Var ou la fabrication séculaire des fou rches de micocoulier en basses Cévennes).

- Le second - qui nous réu n i ra samedi matin - se propose de fai re le point sur les i ntérêts divers suscités par la forêt aujourd'hui à partir des pratiques vivantes dont elle est le cadre. I l y sera, bien sûr, question de chasse, de cueillettes et d'élevage - ces trois champs d'activités éminemment révélateurs des enjeux associés à la forêt et 1 24

des liens q u i ({ traditionnellement » u nissent les sociétés villageoises et les hommes à leurs bois - mais a ussi d'activités à l'im porta nce moins soupçonnée peut-être comme la transhumance d'abeilles en forêt ou de modes d'appropriation moins manifestes de ces espaces comme ceux que peut révéler le discours toponymique de leurs utilisateurs.

B ref, nous nous sommes attachés, dans la sélection nécessa ire q u ' i l nous a fa l l u fai re, à conserver à ce sujet foisonnant sa d iversité thématique mais aussi, a utant que faire se pouvait, sa d iversité spatiale puisque les expérien­ ces et les réflexions qui nous seront rapportées courent du Var à l ' Hérau lt, des Alpes de H a ute- Provence au Gard et des Bouches-d u - R hône en Sardaigne.

Entre ces deux demi -journées, une visite de la forêt de Saint Victor La Coste dans le Gard (dont l'histoire a u ra fait l'objet d'un exposé cet a près-midi) nous permettra une confrontation sur le terrain avec quelques-uns des thèmes et des acteurs qui seront a u centre de nos débats durant ces journées.

Chasseurs, a nciens bouscatiers nous parleront de leurs pratiques; on y verra une démonstration de débourdage et on nous présentera des techniques traditionnelles d 'exploi­ tation du chêne vert, ainsi que des carrières, des fou rs à chaux, des exploitations de phosphate qui jalonneront

notre parcou rs.

--Voilà pour ce qui est d u ({ menu » de ces trois jours. Si, chemin faisant, nous avons pu battre en brèche quel­ q ues idées reçues, inciter à la prudence quant à l'applica­ tion de recettes héritées d u passé, soulever le voile sur l'existence ou la permanence d'activités dont on méconnaît parfois la pa rfa ite vivacité, attirer l'attention sur certaines formes de con n aissances d ifficilement appréhendables par qui ne les a pas reçues en héritage ou n'a pas été a mené à accomplir de patientes démarches a uprès de ceux qui les possèdent, nous aurons atteint q uelques uns des objectifs de ce g roupe q u i attend, par a i lleurs, beaucoup des i nfor­ mations que le public de ces rencontres voudra bien l u i apporter. Car - e t c'est ce que je voudrais rappeler pour conclure - si certains participants, à cause de leurs recherches, de leurs pratiques quotidiennes dans les bois ou leur fréquentation des gens du bois, vont être appelés, a u cours de ces séances, à i ntervenir par un exposé, sur tel ou tel point qu'il connaissent bien, ces journées sont avant tout conçues comme un dialogue, un travai l en commun entre des partenaires potentiels dont les activités ha bituelles ne favorisent pas toujours la rencontre.

(4)

D u passé a u p rése nt :

l a fo rêt m é d ite rra n é e n n e et

ses d éséq u i l i b res

par Yves R I NAU D O

L'effort actuel pour défi n i r les grandes lignes d'une gestion équilibrée des forêts méditerranéennes mérite réflexion. Cette recherche s'appuie, entre a utres, sur une interrogation mu ltiforme et, parfois, passionnée d'un passé censé porteur de form u les récu péra bles. C'est, en même temps, une lecture des relations entre les hommes et leur foret marquée par u n incontesta ble irénisme. Cette quête, qui n'est pas nouvelle mais actuellement en pleine relance, ne s'embarrasse pas beaucoup du statut j u ridique de la propriété forestière. Une tel le ind ifférence est ici compré­ hensible, et elle n 'en est que plus significative : la forêt méridionale est, en effet, perçue comme un lieu naturelle­ ment collectif, un espace socialisé, chargé d'une grande force identitaire.

Mais a lors, comme tout espace de ce type, le bois -comme l'on dit ici - abrite et engendre des relations sociales plus ou moins com plexes, que l'h istoire révèle de nature souvent confl ictuelles. Aussi apparaît-i l largement comme un lieu d'expression de déséquilibres variés, nombreux, spécifiq ues a ussi, enracinés dans le temps villageois, et exaltés à l'occasion par la conjonctu re locale et/ou nationale. Ainsi en est-i l entre la fin du XVIII' siècle et celle du XIX', où se résume et s'achève une histoire ancien ne, et s'annoncent puis se développent des perspec­ tives contempora ines. Cette séquence séculaire, toujours présente dans la mémoire loca le, sou ligne la nature d'une politique forestière marquée par l'excès et vouée à une gestion des déséq u i l ibres.

Au point de départ, la Révol ution, par sa législation en matière de biens com m u naux (encore q u 'elle fût hési­ tante), l i bère largement la gestion des bois, car ici com m u ­ n a u x e t forêts sont largement associés, en particulier d a n s le V a r ( 1 0 % de la su perficie, boisée à 7 7 % ) ( 1 ). L a comm u ­ nauté s'efforce d è s lors d'élargir s o n c h a m p d'action ; elle vise à u n contrôle exclusif, dans le cadre d 'usages « im­ mémoriaux ». Pou r résu mer, l'a uto-gestion com munale des forêts est en passe de l'emporter, avec rudesse parfois, en particulier lorsqu'il s'agit de récupérer les « usu rpations » des grands propriétai res nobles. I l faut dire que la pression démograph ique dans les campagnes, qui, faute d'exutoire, atteindra son maxi m u m . dans la première moitié d u XIX'

siècle, donne à la forêt une i m portance décisive : seule elle peut assurer l'éq u i l ibre de la société vi l lageoise. Les plus nombreux ( petits propriétai res, ouvriers sans terre, arti­ sans) y trouvent les indispensables ressources complémen­ taires, prélevées dans le cadre des usages en vigueur : terres agricoles (essarts, écobuage), engrais (feu i lles, ra­ meaux), l itière et nou rriture d u bétai l (porcs et surtout ovins et caprins), bois' d'œuvre (outils, répa rations d iverses, charpente), combustible (cha uffage, charbon de bois, fours à cha ux, tui leries ... ), produ its de la chasse et de la cueillette enfin, dont une part variable est négociée, procu ra nt u n reven u monéta ire précieux, surtout lorsqu'il faut régler certa ines dépenses i névitables ( i m pôts, amendes, produ its domestiques ... ). B ref, tout un système d'économie do­ mestique, peu ouvert sur l'extérieur, lui doit bea ucoup. Et comme les hommes sont toujours plus nombreux, la ponction de richesses s'alourd it, a u point de menacer la forêt elle-même q u i recule et s'appa uvrit. Mais surtout ces impératifs vi llageois heurtent de plus en plus violemment le principe de la propriété, sa nctifié par la Déclaration de 1 789, qui étend sa protection non seulement sur les biens privés, mais encore sur ceux de la N ation, en l'occurrence sur les forêts domaniales réputées surexploitées. Ainsi, la forêt participe au g rand conflit privé/pu blic qui s'installe alors, sans surprise : le XIX' siècle est, on le sa it, cel u i du triomphe de l'individualisme.

A cet égard, le Code Forestier de 1 827 joue le rôle de détonateu r. Certes l ' Etat affirme sa volonté de protéger les forêts publiq ues et les défend contre les empiètements privés (série de mesures à partir de l 'ordonnance de j u i n 1 81 9 sur la recherche e t la restitution d e s b i e n s com m u ­ n a u x usurpés). Mais l'introduction d u Code permet préci­ sément de les contrôler plus étroitement à partir de normes nationales. De son côté, le cantonnement permet aux bois privés de se l ibérer des contra i ntes collectives. Désormais émancipée, la propriété forestière privée peut se tourner résolument vers un marché nettement demandeur, où s'envolent les prix.

La forêt vit a lors les derniers temps de son âge villageois, avant de s'engager dans un âge i n dustriel, où ses richesses, davantage privatisées, l'i ntègrent à l'écono­ mie de marché conquérante. Plus généralement, les cam­ pagnes abordent alors un moment-clé de leur histoire, cel u i d u franchissement, bon gré, m a l g ré, de la l i g n e de partage entre l 'Ancien et le Moderne, entre la société domestique lentement rythmée et les nouvel les structures capitalistes au dynamisme j uvénile. Le passage n 'est pas simple, n i rapide. La désarticulation d u vieux monde villageois qu'il porte en l u i exaspère les tensions, les déséqu i l ibres, les conflits. Aussi, jamais peut-être, la forêt villageoise ne fut-elle autant agitée que lorsq u'elle dût se défendre sur les deux fronts de « l'étatisation » et de la privatisation.

La « normalisation » forestière cond u ite au nom d'une logique nouvelle, u nificatrice et productiviste, s'oppose à l'a utogestion, villageoise et consommatrice, acqu ise a u prix de b i e n d e s l uttes e t farouchement défendue. S'ou­ vrent a lors des temps tumultueux, où, pendant ce premier

XIX9 siècle, s'amorcent de longs procès et éclatent de

nombreuses explosions, individuelles et collectives. Ainsi pour quelques décennies ( 1 820-1 860), le Var de la Républi­ que au vi llage (M. Ag ulhon) ig nore le calme. Les con­ traintes d u nouveau Code, les a m bitions de la propriété privée, toutes restrictives des d roits communaux, déchaî­ nent les violences. Cette i l lustration régionale d ' u n mou­ vement national très ample (voir par exemple l a célèbre

« G uerre des Demoiselles », Arière 1 829- 1 831 ) p lace le garde forestier, agent et symbole de la nouvelle politique forestière, a u centre d u conflit, comme la cible privi légiée d'une sensibilisation double et opposée : l a propriété privée, q u i s'esti me menacée, l'i nvestit impérativement d u rôle de défenseur u ltime : pou r l e s usagers villageois, i l est le barrage q u i les condamne. Il l u i arrivera d'en mourir. Quant aux deux a utres protagonistes, l'enjeu d u conflit justifie toutes les alliances, y compris les moins attendues : on verra les républ icains défendre la modernité d u Code contre des monarchistes légitimistes rangés au côté des communautés (Hyères, 1 840, M. Ag u l hon).

Cette histoire s'articule a utour de deux fi n a l ités, bien repérables. D'une part, la centralisation, accélérée depuis les initiatives napoléoniennes, prend pour la circonsta nce, sa l ivrée forestière. D'autre p a rt, un productivisme, déjà nettement formulé à la fin du XVIII' siècle dans l'esprit des physiocrates, est alors repris à son compte par l ' Etat q u i l'appuie de sa force croissante : l e s usages com munautai ­ res sont économiquement désastreux pour tou s ; a i n s i l e bétai l détruit la végétation (et c'est le procès perm a nent de la chèvre), l'essartage aboutit à la ruine des sols alors que la médiocrité des moyens et des techniques de culture, l'insuffisance des parcelles comme la m u ltiplicité des déplacements et la qualité d iscutable d u « fou rrage » consommé ne peuvent donner que des prod uits miséra­ bles. Autrement d it, la gestion .forestière doit choisir la rentab i l ité économique, perspective q u i , finalement, s'im­ pose » la spécialisation ag ricole plus l ucrative et l'exode

(5)

rural l'avaient rendue indolore. C'est a lors que s'amorce la m utation u ltime q u i conduit à la forêt contem poraine, forêt nouvelle, autrement pensée et a utrement vécue, mais tout aussi déséquilibrée.

La forêt, avec sa nouvelle vocation « industrielle », doit réa liser une conversion favora ble à la fûtaie, a u détriment des ta i l l is, plus i ntéressants pou r l'ancienne économie domestique. Ce qui sign ifie aussi u n moindre intérêt pour la forêt méd iterra néenne, forêt sèche, peu dense et très dégradée. Malgré quelq ues efforts de reboisement tentés à partir du Second Empire et sous la Troisième République, - et ce n'est pas u n hasard s'ils se produisent a lors - un d iscrédit certa in pèse sur des prod u its dont la plupart se sont sensiblement dépréciés : bois d'œuvre et d'ind ustrie, et a ussi écorce de chêne vert et liège, deux spéculations naguère prospères, sombrent a u tou rnant d u xx' siècle. Les deux g uerres mondia les leur redonneront quelque vigueur, ainsi qu'à la fabrication d u charbon de bois et même à la collecte de la gemme de pin (exemple d u Var, 25 à 30 000 q de l iège en 1 940- 1 950 contre 1 1 0 000 à la fin du XIX' siècle ; 1 2 784 q de charbon de bois en 1 942, 84 en 1 952, 75 000 m3 de bois d'œuvre à la fin des an nées 1 930, plus de 85 000 pour les seuls bois sou mis au début du siècle et 1 60 000 m3 de bois de feu ) (2).

Car cet intérêt que suscitent a ujourd'hui ces bois de misère, a seulement une apparence de nouveauté. Il s'agit plus sûrement d'une résurgence d'un sens d u bois, ici jamais totalement occu lté. Ce qui a changé cependant, c'est l'extension d ' u n comportement aux origines très « indigènes » (disons mérid iona les) aux étrangers devenus nombreux dans les vil lages depuis q uelq ues décennies.

Certes les motivations de ces nouveaux convertis ne sont pas celles du passé. Pou r résumer, comptent davan­ tage la protection et la consommation ludique (et souvent motorisée, au moins en partie) d 'espaces « sa uvages », que l'exploitation économique et la référence cultu relle. A titre d'exem ple, cette réorientation est bien percepti ble en matière d'incendie : cel ui-ci apparaît d'abord com me une ( 1 ) Beaucoup m o i n s a i l l e u rs, 3 5 à 3 0 % d a n s l e s Alpes M a ritimes, Bouches-d u - R h ô n e , B asses-Alpes, . .. à l a fin d u XIX' siècle. (2) 9 000 t d e l i è g e d a n s les a n n ées 1 970; 250 000 m3 d e bois

d'œuvre et 1 90 000 d e bois d ' i n d u strie pour l'ense m b l e Pro­ vence - Alpes- Côte d 'Azu r ; 67 000 stères d e bois d e cha uf­ fa g e ; 1 27 t d e c h a rbon d e bois.

catastrophe pour l e cadre de vie, et moins directement comme une perte économique a u sens classiq ue. Cepen­ dant, à tous les n iveaux, régional et local, des efforts de réactivation des activités forestières visent à récu pérer le maxi m u m d u vieil héritage. On rêve d'une forêt revivifiée dans ses essences, productrice dynamique (bois, agglo­ méré, l iège ... ), réi nvestie par des hom mes actifs et par des troupeaux. Au besoin, la l utte contre le feu vient apporter une caution justificatrice qui, par exemple, garantit l 'effica­ cité et même la rentabilité de l'élevage en forêt. Pa r ce biais, sous un habillage économique, on retrouve ceux q u i pensent surtout en terme d'environ nement, inestimable et ind ispensa ble - et c'est le foisonnant discours néovita liste et écolog ique - mais a ussi avantageusement négociable. La perception de la forêt est sans doute, pour la plupart, moins riche que jadis. Elle s'est en tous cas largement remodelée. Historiq u ement, elle apparaît plus « étran­ gère ». Mais l'acceptation de l'héritage culturel peut ménager des retrouvailles avec l e sens du pays, avec l'appartenance com m u n a utaire. Localement, le bois fonc­ tionne encore à l 'occasion com me u n des pôles intégra­ teu rs d u village. Prégna nce d'une cu lture régionale qui, à son nivea u, répète une histoi re célèbre - et méd iterra­ néenne - où l'on voit le village vaincu conquérir son va inqueur. ..

La forêt heureuse n'a jamais existé sinon dans les contes d'un imag i n a i re mystificateur. Au XIX' siècle, sur­ chargée d'hommes, elle recule deva nt les impératifs de l'économie domestiq u e ; elle s'anime des passions com­ munauta ires dressées contre les exigences de l'individ ua­ lisme triomphant. U n siècle plus tard, calme, elle s'épanouit sous la forme « naturelle » de ta i l l is, plus ou moins touffus. Mais c'est un cimetière et l'incendie la ronge. Son h i stoire séculaire s'inscrit a i nsi dans une succession de déséq u i l i ­ bres n é s de couples rivaux (forêt contrôlée p a r la com­ mune/forêt privatisée et « étatisée » ; bois peuplé, ex­ ploité/bois désert, abandonné; bois conquis/bois conqué­ ra nt; bois ta illis/forêt reboisée ... ) q u i la dotent d'une étonnante propension à l 'excès.

Yves R I NAU D O

U niversité d'Avignon, 64, avenue des Fauvettes, Voie Fleurie, 06400 B iot

Pe rspectives su r l es fe ux

et l es i n ce n d i es d e fo rêt

C o m pte ren d u d e l ' i ntervention d e H en ri AM O U R I C

1. - Les réflexions q u i font l'objet d e cette intervention sont form u lées à partir des trava ux réal isés à la demande d u C. E . M .A.G.R.E.F. (Centre national d u machin isme agri­ cole d u génie rural des eaux et forêts) sur les incend ies de la forêt provençale d'a utrefois, et plus particulièrement dans une prem ière étape, de la forêt va roise.

L'objectif poursuivi était de montrer que, contrai re­ ment aux idées comm u nément répandues, la forêt proven­ çale a connu par le passé des i ncendies importa nts.

L'étude statistique a porté sur des séries d'archives q u i couvrent la période 1 704- 1 943. Les données recuei l lies ont confirmé les idées de dépa rt : on compte en effet des milliers d'incendies à répétition sur les mêmes terra ins, i ncendies loca lisés ou de masse ( 1 ) .

I l . - Les causes exactes d e s i ncendies sont diffici les à apprécier, étant donnée la part de fantasme qui est inhé­ rente à ce thème. Certa ins facteu rs existent cependa nt, tel le recours massif à la forêt. Si le ramassage des bois morts ou le prélèvement des bra nches (2) peut être conçu comme une façon d'entretenir la forêt, i l y avait une série d'activités qui m u ltiplient les causes accidentelles d'in­ cendie : charbonnières, fou rs de tuiliers, fours à chaux, fours à pègue, fours à cades, fou rs de potiers, verreries ... 1 26

La cause principale des incendies reste la pratique des cultures sur brûlis. Les exemples à ce sujet sont m u ltiples : taillade qui a dégénéré, écobuage en fourneaux réal isé trop près de la forêt ... Il est évident qu'une forêt qui a brû lé est une forêt qu'on mettra en culture.

Les statistiques d ' incendies à partir de 1 840 et nota m­ ment les séries de 1 841 , 1 877, 1 933 et 1 943, font une place à l'attitude des populations face à l'incendie.

On constate aussi bien un souci de préservation d u patrimoine forestier que l'indifférence la p l u s tota le a u phénomène de destruction de la forêt.

Il est a ussi intéressant de noter qu'en 1 943, sur 1 20 événements, i l y ava it environ 27 cas dans lesq uels le concours de la population avait été nul, peu actif, très peu actif ou ind ifférent.

L'attitude des a utorités est d ifficile à apprécier. Il faut noter q u 'elles sont sou mises à l'autorité de la Chambre des eaux et forêts, institution qui dépend du Parlement de Provence et qui a pour objectif la préservation des espaces forestiers. On a pu relever q uelques cas au XVIII' siècle où certains maires semblent avoir menè une l utte active contre les incendies.

(6)

En ce q u i concerne le problème des incendiaires, on rentre dans le domaine de la clameur publique, qui rejette la responsabilité sur les bergers, les charbon niers, les hommes des bois (c'est la légende des monstres).

I I I . - L'étude a a bordé également les moyens de lutte

contre les i ncendies. Il existait un arsenal législatif que la roya uté fra nçaise et le Parlement de Provence avaient mis en place a u cours des XVII' et XVIII' siècles : interdictions de semer sur des bois brûlés pendant 5 ou 10 ans, obl igation de semer d u glând a p rès un essart, obligation de débrous­ sailler une bande de 30 pas sur les bords des routes, etc ...

Cette règlementation, qui a été approfondie a u cours d u XIX' siècle, a a bouti à la loi spéciale de 1 870 pour la forêt des M a u res et de l ' Estérel, et à ses développement de 1 882- 1 893, a i nsi qu'au texte sur les associations syndica les des a nnées 1 920. Il est remarquable que toute cette législa­ tion très ancienne et forte ne soit absolument pas res­ pectée.

Les m oyens , de lutte sur le terra in se lim itent au

XVIIIe siècle à des abattoi rs, à q uelques tra nchées. La pratique d u « petit feu » est mentionnée dans des textes

datant du milieu du XIX' siècle. A partir de cette époque, l ' incendie d e forêt devient un enjeu politique considérable.

Discussion

Henri A M O U R I C

24, r u e Consta ntin, 1 3 1 00 Aix-en- Provence

La forêt du XVIII' siècle est une source d'approvision­

nement. Elle devrait être considèrée comme un bien

précieux à préserver. Or, on s 'aperçoit que la forêt est

littéralement pillée par la population. Comment expliquer

cette contradiction ?

On se trouve au XVIII' siècle devant des communautés qui n 'ont pas une perspective de préservation des riches­ ses. Elles poursuivent des finalités de consommation im­ médiate et indispensable pour éviter la misère, quitte à provoquer la destruction de la forêt.

Sur ce point. les chiffres sont éloquents. C'est ainsi

que dans le Var, la forêt qui couvrait 140 000 hectares fin

XVIII' siècle, n 'est plus que de 100 000 hectares en 1839. Il ne faut pas oublier qu 'à cette époque, l'exode rural était très faible et que la forêt constituait une ressource vitale.

Les autorités sont cependant conscientes du problème qui se pose. Il existe une législation préservatrice (inter­ diction de coupe de certaines espèces). En revanche, dans des communautés comme Collobrières dans les années 1750, une dérogation exceptionnelle accorde à la popula­ tion le droit de faire des essarts, les enquêtes ayant montré que cela revêtait une importance vitale.

Le b ri g a n d et l a fo rêt

p a r G i l bert S I M O N

G a s p a rd d e B esse, d e son vra i n o m G a s p a rd B o u i s , n é à Besse s u r I ssole e n 1757, roué vif à Aix e n 1781 , fut u n brigand très popu l a i re e n Provence, qui j a m a i s ne t u a , dont on d it q u ' i l protégea la veuve et l ' o rphel i n et ne s ' e n prit q u ' a ux riches.

A partir d u cas Gaspard de Besse, nous avons essayé de cerner la relation q u i existe entre le brigand provençal et la forêt méditerranéenne, que cette dernière serve de refuge, de domaine et même de lieu de légende au brigand.

Quelles sont les incidences des conflits d'intérêt sur les comportements face aux phénomènes de /'incendie ?

Les fonds d'archives provençaux recensent peu de cas d'incendies causés par une vengeances contre le Seigneur. Il existe une infinité de droits d'usage qui relèvent d'une

étude cas par cas. Il convient de noter que le droit d'usage

est très étendu en Provence.

/! ne faut pas minimiser /'importance des conflits

particulièrement nombreux dans cette première moitié du x/xe siècle.

Pour les villageois, la forêt c 'est de la terre : la finalité poursuivie est l'octroi de lots de terre, le partage de bien communaux. Le feu peut servir alors leurs intérêts. Ceci peut expliquer qu 'i! n 'y ait pas de contestation et qu 'i! y ait refus de communication d'informations sur la forêt qui brûle ou sur le nom des incendiaires.

La législation préservatrice de la forêt qui est bien antérieure au XIX' siècle, n 'est pas respectée par les villageois car elle poursuit une finalité qui n 'est pas la leur : elle est préservatrice et non consommatrice. C'est la finalité de l'armée, des marchands et des industriels du bois et non celle du village, d'où les conflits permanents.

Les conflits cessent à partir du moment où les deux finalités concordent, où les paysans désertent la forêt.

On peut se demander si aujourd'hui l'incendie de forêt n 'est pas considéré comme un stade final alors qu 'autre­ fois, l'incendie était un phénomène naturel, une phase d'un cycle plus long.

A l'époque, l'incendie était un moyen de culture.

Cependant, pour les communautés, comme pour les parti­ culiers, il causait des pertes considérables de bois de coupe.

Est-ce que la législation s 'applique à toutes les forêts ou simplement aux forêts royales ou communautaires ?

La protection s 'étend à toutes les forêts. Les proprié­ taires doivent demander une autorisation à la Chambre des eaux et forêts pour effectuer des coupes d'arbres.

Cette chambre a notamment obligé nombre de com­ munautés à la fin du XVIII' siècle à mettre une partie de leurs forêts en défends.

Il est étonnant que les statistiques du XVIII' siècle

relèvent autant d'incendies. La forêt provençale devrait être actuellement un espace désertifié. C'est ce qui est constaté actuellement dans les propriétés qui ont connu des in­ cendies tous les 30 ans.

Les forêts ne brûlaient pas toujours aux mêmes endroits.

De plus, il ne faut pas oublier l'importance des reboi­ sements réalisés par la Conservation d es eaux et forêts au x/xe siècle. AInsi, dans la seule région de Carpentras, 53 000 hectares ont été reboisés en 10 ans.

( 1 ) Cf. H e n ri Amou ric, Les incendies de forêt autrefois.

C . E . M A G . R , E. F , - C, E, R . E , I . S , E" 2" rapport 1 984, consulta b l e a u C , E . M .A . G , R . E . F. d 'Aix-en - Provence, D ivision P. F.C. 1 .

( 2 ) Toutes l e s c o m m u n a utés p rovençales avaient l e droit d e prélever u n e o u p l u s i e u rs b r a n c h e s d a n s la forêt com m u n a l e o u seigneuriale p o u r fa briquer des i nstrum ents a ratoi res,

1. - A Gaspard de Besse, un personnage marginal est

donc lié un lieu marginal : la forêt. Lieu marginal car pénétrer dans la forêt et y vivre même tempora i rement, c'est franchir un pas vers la m a rginalité et parfois l'ac­ croître. Ainsi parmi les 24 personnes qui sont jugées comme membres de la bande de Gaspard de Besse, nous trouvons u n charbonnier, un m uletier et trois a u bergistes. Si le premier vol de Gaspard de Besse est un vol de subsistance - dans une auberge de Vida uban, dura nt la nuit, i l vole d u blé et u n morceau de tente - c'est quand i l se réfugie dans l a forêt qu'il devient voleur de g rand chem in-son deuxième vol se fait de jour à l'a bri de la forêt

(7)

i l arrête et détrousse deux négocia nts qui traversaient l' Estérel. La forêt peut mettre en contact d ifférentes catégories de marginaux q u i s'y sont réfugiés, alors elle devient le lieu de formation d'une bande. En 1 780, une lettre a nonyme se plaignant des méfa its du brigand est adressée au D i recteu r Général des Finances à Versa i lles. Entre a utre nous pouvons y l i re :

« M onseigneur ... I l s'est formé depuis six mois dans le bois de l 'Estérel en Provence, une bande de voleurs sous un fameux chef con n u et échappé des prisons (Gaspard de Besse). Cette troupe g rossit tous les jours ... ».

N'oubliez pas la position fronta lière de la Provence. Des trou pes y stationnaient en permanence, troupes dont les déserteu rs trouvaient asiles dans l 'Estérel. L'une des hypothèses de l'entrée en marginalité de Gaspard de Besse concerne justement la désertion. De plus Toulon, port de g uerre et bagne a l l a it fournir aux forêts de la région, son 'contingent de conscrits ou marins déserteu rs et plus rarement de bagnards évadés. L'u n des principaux compli­ ces de Gaspard est un bagnard évadé.

Il. - Non seulement dans la forêt, les marginaux peuvent se regrouper en toute impunité, mais encore ils en font leur domaine.

Voici ce qu'on peut également lire dans la lettre a nonyme : « Courrier de Rome arrêté, seigneurs étra ngers, chaises roulantes, voyageurs, marchands, tout est mis à contri bution ... Nous ne sommes plus en Fra nce mais plutôt parmi les brigands de l'Arabie ... ». Pou r l'auteu r de cette lettre, la forêt se présente comme un pays étranger avec des lois différentes et dont le monarque serait le brigand qui éta blirait en quelque sorte des droits de péage.

Le brigand n'a nul besoin de sortir de sa forêt-domaine car les pri ncipa les voies la traversent. Aussitôt son larcin accompli le brigand pouvait se réfugier dans le sous-bois. Une des voies principales, la route d' Italie traversa it l' Esté­ rel, cette route selon les gens q u i l'empru ntaient était un des hauts lieux d u brigandage. Pou r échapper a u pillage comme on peut le lire dans la lettre a nonyme : « les voyageurs sont obligés de s'attrouper et de fournir chacun son contingent pou r payer l es archers ou autres afi n de passer les bois sans danger ... ». Les voyageurs comme le dit M i l l i n en 1 807 peuvent tra iter avec les brigands et leur payer une contribution pour voyager l ibrement. Là encore nous retrouvons l'idée de la forêt, domaine sur lequel le brigand exerce sa loi.

I I I . - Aussi rien d'étonnant à ce qu'à la forêt soient attachées des conotations péjoratives. Par exem ple, au début du xx' siécle, pour sign ifier u n lieu dangereux, on d isait proverbialement : « c'est u n bois de Cuges ». Les M a rseillais avaient même baptisé la rue Latour de bois de Cuges car c'était là un quartier « chaud » de la cité.

Pou r mettre fin a ux méfaits de Gaspard, l ' i ntendant de Provence va util iser des gens qui connaissent la forêt, q u i en vivent : l e s braconniers. C e l a n o u s montre que les rapports entre le brigand et les a utres éléments humains de la forêt ne sont pas toujours des rapports d'entente et de com plicité. C'est ce q u i peut forcer le brigand à sorti r de la forêt. C'est après un dernier vol dans le bois de Cuges que Gaspard q u itte la forêt pour la vi lle où i l est arrêté.

Son arrestation marque pendant quelque temps un arrêt d u brigandage dans la rég ion de l ' Estérel . Cependant, l'autorité prend des mesures de prévention : éta blissement d'un poste de surveillance au caba ret de l'Estérel. Mais surtout, on s'en prend à la forêt elle-même, on la modifie en faisant procéder au dégagement de sa lisière afi n d'empêcher les éventuels brigands de se dissimuler aux a bords de la route. Mais la forêt est l'endroit par excellence où il n 'existe aucun moyen régulier ou efficace pour le maintien de l'ord re en son sein les brigands vont toujours se réfugier. Et tant qu'il y a des brigands dans la forêt, on pense au plus i l lustre d'entre eux Gaspard de Besse. IV. - La forêt devient a lors un lieu de légende.

En 1 784, dans le bois de St Ouinis, près de Besse, se trouve un a utre Bouis également originaire de Besse et brigand l u i a ussi. La confusion possible entre ces deux Bouis de Besse a fait croire à des mentalités toutes prêtes à l 'accepter au retou r du bon brigand.

1 28

De même à partir de l'an VI I I , la région forestière de Pig nans, Besse et Gonfaron devint une zone très impor­ tante de brigandage révolutionnaire. Là encore l'amal­ game de ces évènements avec l ' histoire de Gaspard fut possible sinon proba ble. Aussi rien d'éton nant à ce que les récits de la tradition ora le rapportés par les prem iers touristes romantiques au XIX' siècle nous montre à quel point la légende de Gaspard est attachée à la forêt. En 1 839; Victor Hugo a près avoir traversé le bois de Cuges, se fait conter les aventu res d u brigand provençal qui lui est présenté par l'au bergiste comme un brigand de l'époque révol ution naire. Par la suite, la légende va être mise par écrit et a lors se man ifeste une certa ine urbanisation d u cha mp d'action de Gaspard de Besse. Malgré tout l a légende reste l i é e à la forêt, J e a n Aicard ne le présente-t-i l p a s comme le R o b i n d e s bois provençal ?

Dans l'enquête orale menée pour voir ce qu'il restait de la légende de Gaspard, les bois n 'occupent qu'une place mineure par les lieux q u i nous ont été désignés. A Besse, le bois de Saint Ouinis a fait l'unanimité du groupe des personnes interrogées. Un autre bois fut souvent évoqué : cel u i de Cuges. Au tota l dans notre enq uête, très peu de référence à la forêt, est-ce-à d i re q u'elle perd de sa signification comme lieu de légende ? Certes, la figure d u brigand fa it plutôt sourire. P a r contre, les grottes faisant partie de ces bois sont souvent mention nées. Dans l'une d'entre elle(?) se trouvera it d it-on, le trésor du brigand ; dans telle autre (comme la grotte de Lascou rs) plus sites archéologiques que repères de brigand, les ossements sont attribués aux victimes de Gaspard. La légende semble sonc se réfugier dans le dernier élément mystérieux de la forêt : la grotte. En ce sens la forêt est toujours lieu de légende. On peut l i re dans l'a rrêt de condamnation de Gaspard de Besse et de deux de ses compl ices : « leurs têtes seront séparées de leur corps et portées par ledit exécuteur sur les G rands Chem ins, savoir cel le d e Gaspard Bouis au bois des ta illades, cel le de Joseph Augias a u bois de Cuges et celle de Jacques Bouilly au bois de l' Estérel, où elles seront clouées à des arbres qui nordent lesd its chemins. »

Le Brigand issu de la forêt y retou rne même après sa mort. C'est là une expression sym bolique d ifférente de celle voulue par les autorités. La forêt se présente vrai­ ment comme le domaine du brigand jusque dans sa mort et même au-delà dans sa légende.

Discussion

G i l bert S I M O N

Historien 2, rue Descartes, 831 30 La Garde

Le brigand ne peut être capturé dans la forêt. Pour l'obliger à sortir de sa retraite, on va faire appel à des braconniers ({ vêtus de peaux de chèvre » selon la lettre anonyme citée dans l'exposé.

Le brigand assimilé à un animal qu'on traque, est chassé par d'autres éléments humains à mi-chemin entre l'homme et la bête.

L 'histoire de Gaspard de Besse rappelle celle de Mandrin. Des différences peuvent être constatées au XIx" siècle : le grand maÎtre des bandits de Pégomas est un sacristain qui n 'est pas homme des bois, mais homme de Dieu.

Gaspard de Besse était très populaire de son vivant. /! apparaissait comme un redresseur de torts. Son exécu­ tion a suscité des marques de sympathie. On a notamment retrouvé un poème occitan qui peut faire l'objet de 3 niveaux de lecture :

- hymne à Gaspard de Besse, - attaque contre la justice,

- attaque contre le Parlement de Provence qui Maintient la roue et le gibet.

On fait de Gaspard de Besse l'expression d'une contestation populaire.

Retrouve-t-on aujourd'hui dans /'imaginaire collectif la crainte des espaces boisés ? Débat.

(8)

Les te rrasses d e cu ltu re e ntre l e passé et

l 'ave n i r

par Pierre F RAPA

Terrasses de culture, bancaous, restanques, faïsses, ... autant de mots pour désigner une réa lité particulièrement i mportante de nos paysages méditerranéens. Il n'y a pratiq uement pas de « colline » (au sens méridional d u terme) sans ses m urets, de pierre sèche le p l u s souvent.

Evoquées par les théoriciens de l'agriculture des XVII'

au XIX' siècles ( B l anchema nche, 1 982-p. 3-5) et crées par­ fois sur obligation légale (Arrêt du Parlement de Provence du 20/1 1 /1 767), lors de défrichements de pentes pour protéger celles-ci de l 'érosion, elles restent souvent un facteu r capital de maintien des terrains. Pou rtant leur abandon se généralise et plusieurs dynamiques en dé­ coulent : enforestation, érosion, urbanisation. Des passa­ ges existent bien entendu de l'une à l'a utre à la faveur d 'événements naturels ou anthropiques.

Dans le meilleur des cas, la végétation naturelle reconstitue peu ou prou le climax avec la chênaie pubes­ cente ou d'yeuse. La protection du sol est alors assurée, sauf i ncendie. Plusieurs facteurs font cependant que ce processus n'est malheureusement pas systématique.

Une dynamique . érosive prend souvent le dessus. Avant 1'« apoca lypse » faite de glissements de terrains, d'éboulements, etc. ; on passe par des phases successives de dégradation du couvert végétal. Cette évol ution est encore accentuée et accélérée par les incendies (éventuel­ lement répétés), le surpâturage de certa ins secteu rs, la surfréquentation, etc.

Enfin, certains sites favorisés (?) constituent des lieux d'implantation de ma isons, pour l a plupart individuelles. La proximité fréquente des agglomérations, l'exposition très souvent au Sud ou au Sud- Est en font de très bons emplacements. Encore faut-il ne pas accentuer les problè­ mes par des rem blais-déblais i ntempestifs pour les voies d'accès, les parkings et la « pose » de maisons standard i ­ sées conçues p o u r l e s zones pla nes, c e q u i reste le c a s l e p l u s fréquent.

Deux questions viennent à l'esprit dans le cadre présent :

- Quel rapport entre la forêt et les terrasses, qui, par définition, ont été créées pour l'agriculture ?

- Que fai re aujourd ' h u i des terrasses ? I l est évident que c'est une pratique ancienne, mais quel peut être leur avenir ?

Je vais essayer de répondre à la première de ces q uestions, quant à la seconde, des travaux et des débats sont en cours, j'y reviendrai, car c'est le point capita l !

Forêt et terrasses

Bien sûr les terrasses de culture n'ont pas été fa ites pour la forêt. Cependant on ne peut nier actuellement l'existence de terrasses enforestées, naturellement ou pas, il existe donc bien une forêt sur terrasses ( 1 ). Elle pose certai nement des problèmes spécifiques, notam ment au plan d'une éventuelle exploitation (accès, mécanisation, qualité des essences, etc.). Dans certa ins secteu rs, les terrasses ne sont-elles pas plutôt plus favorables à la croissance des arbres que d'a utres terrains à sols moins profonds ? I l reste à délimiter le territoire agricole et le territoire forestier pou r ne pas a l imenter l 'éternelle que­ relie ! Encore qu'il serait peut-être pl utôt une bonne chose que ces terrains si largement a ba ndonnés suscitent un tel intérêt qu'il y ait concurrence !

La forêt est aussi u n élément considérable de pro­ tection anti-érosive des versants et l'un des problèmes essentiels de l'abandon des terrasses reste l'érosion et la disparition des sols. En dehors de toute volonté d 'exploi­ tation, la forêt de protection, voire de reconstitution des sols, serait souvent la bienvenue. La nécessaire rela nce d'une politique de Resta u ration des Terrains en M ontagne ( R .T. M.) conforme aux propositions de la Commission d ' Enq uête sur la Montagne de 1 982 ( Besson, p. 1 66, 1 67 &

273) (2) et tirant profit des expériences acqu ises dans ce

domaine ( Couvreur, 1 982) devra it particul ièrement s'appli­ q uer à ces zones en danger écologique.

Les terrasses étaient bien souvent à la lisière de la forêt et des zones humanisées (vi llages, voies de com mun­ cation, ... ). Cu ltivées, elles jouaient donc u n rôle de pare-feu très efficace si l'on peut en juger par les q uelq ues exemples qui se produ isent lorsqu ' u n incendie attei nt des terrasses encore travaillées.

Une hypothèse historique

A très grande échelle, l ' utilisation des zones de pente semble en tra in de boucler un cycle complet de la forêt primaire préhistorique à la ( re)forestation actuelle, souvent précédée d'une exploitation extensive par les troupeaux ovins.

A plus petite échelle, des cycles similaires ont p u se produire. C'est ce que semblerait montrer la présence de m urettes sous certa ins boisements (naturels ?) apparem­ ment anciens. Des durées de jachère de 1 à 4 décenn ies sont déjà attestées par certains a uteurs sur les ca uses ( Blanchemain, 1 979-p. 349). L'hypothèse d'une « rotation » longue Silva-Ager-Saltus-Silva - '" (3), fortement i nfluen­ cée par les fluctuations démogra p h i q ues, mais a u ssi par les facteu rs économiques, peut-être fa ite à partir de ces données. Il resterait à la vérifier par des études de docu­ ments sur q uelques secteu rs bien choisis, sachant que cette pratique n'a sans doute pas été réfléch ie ni, a fortiori, codifiée.

Abandon des parcours Passag e du S a ltus à la S i lva Période act u e l l e

(

Abandon de rAger de pente Extension d u S a ltus

à p a rt i r d e l a 2° m o itié d u X I X ' siècle 1 870- 1 880

:

Crise phylloxérique 1 9 1 4- 1 91 8 : 1" g ue rre m o n d i a l e

Pentes non défri chées Forêt p r i m a i re Néolithique

\

Défrichement des pentes Extension d e rAg e r Civil isation g a ll o - ro ma i n e

)

Plein déve l o p p e m e n t d e l'Ager d e pente XVI-XVi i-XV i i i ' siècles

Fig. 1 . - Variations de l'équilibre agro-sylvo-pastoral sur les pentes (d'a près BAR RY, 1 958 - p. 3 ; sur la garrigue nîmoise)

Malgré l ' intérêt que pourrait présenter ce type de gestion à très long terme (parcelles de pente, éventuelle­ ment aménagées, pouvant jouer u n rôle de réserve de terres cultiva bles), l'évolution actuelle va plutii>t dans le sens d'une stéril isation soit par l'érosion, soit par la

« bétonisation ». .

Et pour l'avenir? Un patrimoine ...

Le prem ier souci dans ce domaine est cel u i de la gestion d'un patri moine architectural constitué par les trava ux gigantesques entrepris pour la construction de centa i nes de kilomètres de m u rs de soutènement, sans doute un des plus g rands chantiers de l'histoire. Mais c'est a ussi, et peut-être surtout, celu i de la gestion d ' u n patri­ moine des sols et de leurs potentia l ités de production q u i seront un besoin p o u r l e s générations à venir.

(9)

Les problèmes érosifs sont considérables et ils n'in­ fluent pas seulement sur le versant lui-même par le ruissel­ lement et le ravi nement qui em portent l'un après l'a utre les horizons pédolog iques.

La dégradation d u sol est parfois plus insid ieuse lorsque l'érosion en na ppe d'une part et la percolation d'a utre part le privent de toute matière organique et de tout élément fertilisa nt. Le couvert végétal disparait peu à peu, s'il n 'est pas bruta lement supprimé par le feu . Ainsi des sites de terrasses peuvent appa raître peu érodés alors que le sol y a perd u toute fertilité et donc ses possiblités de régénération d'un couvert végétal protecteur

De plus, les terres en ava l souffrent parfois aussi par les col l uvionnements plus ou moins stériles q u i les recou­ vrent. L'érosion entraine bien évidemment l'ensablement des cours d'eau et en particulier des estuaires et des retenues. Cette dégrCldation des versa nts et de leur végéta­ tion affecte a ussi les systèmes hydrologiques dans leur ensem ble. Qu i chiffrera le coût de la ba isse des nappes phréatiq ues ?

O n peut affirmer que les terrasses, lorsqu 'el les sont encore entreten ues (Va udour, 1 967-p. 252-256), ont un rôle à jouer face à ces problèmes. « Certains faits suggèrent que les aménagements en terrasses ont été efficaces, et en particulier la rareté des ravi nes sur les pentes fortes et aménagées, alors que des pentes voisi nes, réservées au bois ou a u pacage, sont dégradées ». ( Castex, 1 980- p. 1 0) . « Ravinement e t coulèes ont été m o i n s nombreux d a n s les secteu rs aménagés, ta ndis que les pe.ntes qui ne l'éta ient pas ont été particulièrement touchées ( . . . ) là ou u n stock de coll uvions éta it mobilisable ». (Castex, 1 983-p. 7). .,. à valoriser.

I l n 'est pas envisageable, ne sera it-ce que pour des raisons budgétai res, de resta urer tous les versa nts en terrasses et de les entretenir. Les surfaces en q uestion sont hors d 'échelle face aux financements dispon ibles, même si la collectivité prenait conscience d u problème. Dans cette perspective de gestion, sans doute faut- il considérer en priorité les sites en danger écologique (érosion, incen­ die, ... ) puis les sites faisant l'objet d'une revendication en termes d'util isation (agriculture, élevage, sylvicu lture, ur­ banisation, etc.). De nom breux sites non revendiqués, portant par exemple des boisements, devront être laissés en l'état.

Pou r cette rem ise en va leur tout reste à trouver dans u n d'omaine où aucune recherche n'a été menée jus­ q u 'a lors. U n modeste programme inter-régional et i nter­ ministériel se met en place su ite à quelq ues travaux généraux, tant pour évaluer l'importance culturelle et historique des terrasses de culture, leur im portance éco­ nomique et écolog iq ue, que les possibilités de gestion et d'utilisation de ces espaces pour le moyen et le long terme. L'A.P.A.R.E., qui a effectué les premiers trava ux cités ci-dessus, assure le secrétariat de ce programme, répond à toute demande de renseignements à son sujet et reçoit toute information.

Pierre FRAPA

A.PA R . E . - Association pour la participation et l'action rég ionale, 32, rue de la Bancasse 84000 Avignon ( 1 ) I l ne s ' a g i t p a s ici des châta i g n ie rs, fréquemment pla ntés sur te rrasses, q u i constituent des vergers et donc u n e utilisation typ i q u e m ent a g ricole, même s'ils sont aujourd ' h u i a b a n d o n ­ nés. I l n e s'agit pas n o n plus des b a n q u ettes d e re boisement q u i sont u n e tech n i q u e forest i è re contempora i n e .

( 2 ) Proposition N ° 63 ( p . 379) : « Re l a n c e r vigoureusement la politique d e resta u ration des terra i n s en monta g n e en faisant nota mment p a rticiper a u financement et à l'exécution des trava ux les a g e n ces d e bassi n , l 'Office national des forêts, E . D . F . et les collectivités tou ristiques d e monta g n e d a n s le c a d re des progra m mes d ' u rb a n isation li.

(3) Termes d e g é o g ra p h i e a g r a i re, désignant les espaces ruraux :

Silva : Espace forest i e r ; Ager : Espace a g ricole cultivé ; Sal­ tus : « re p résente l'ensemble des terra i n s q u i ne sont pas rég u l i è re m e nt cultivés et qui n'ont pas d e couvert forestier conti n u et fermé » ( Be rtra nd, 1 975-p. 90) . Espace g é n é rale­ ment utilisé c o m m e p a rco u rs, m ê m e s'« i l ne recouvre pas exactement l'espace pastora l » (id.). L'artificial isation est d o n c d écroissante d a n s l'évo l ution Ager => S a ltus => S i lva. 1 30

Ouvrages cités

A.P.A . R . E . - Etude pour la réhabilitation des terrasses de culture en zone méditerranéenne française - M i n istère d e l ' U rba­ nisme et d u Logement ( M issi o n d u Paysage) - Paris - 1 982 1 ) Pro b l é m a t i q u e - 2 1 x 29,7 cm - 3 1 7 p . F i g . , Ph otos, B i b l . 2) C a rtog ra p h i e som m a i re sur les Cévennes et le Lubéron -29,7 x 42 cm - 204 p. - C a rtes, Photos.

A. P.A. R . E . - Des agriculteurs en terrasses Ana lyse, synthèse -M i n istère d e l'Ag riculture - Paris - 86 p. + a n n exes -Ta bleaux - A pa raître.

BARRY J . P. - Les variations de l'équilibre agro-sylvo-pastoral de

la garrigue méditerranéenne - Trava ux d u Laboratoire

d'écologie et protection de la nature du M usé u m national d'histoire naturelle Paris - 1 958 - Polycopié - 5 p .

B E RTRA N D C. - Pour une histoire écologique de la France rurale

- l n : D u b u G . & Wallon A. (sous la d i rection d e ) - H istoire de la France rurale, Tome 1 , p. 34 1 1 3 Paris Le S e u i l -1 975 - 624 p .

B E S S O N L. - R a p po rt fait a u nom d e l a comm ission d ' e n q u ête s u r la situation de l'agriculture et d e l'économie rurale dans les

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N " 757 - Paris 1 982 - 406 p .

B LAN C H E M A I N A. - Présentation des parcours méditerranéens -Quelques aspects historiques - l n : Util isation par les ru m i n a nts des pâturages d ' a ltitude et parcours méd iterra­ néens, p. 343-359 - I . N . R A Publ ications - 78 000 Versa i l les - 1 979 - 574 p . B i b l .

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La b . R. B l a n c h a rd N ice 1 983 Polycopié 1 1 p. -Cartes.

COUVREUR S. - Un statut j u r i d i q u e à revo i r : Les forêts de protection - l n : Revue Forest i è re Française, N ° spécial Resta u ration des Terra ins e n M o ntagne, p. 7278 N° 5 -1 982 - N a n cy - 239 p.

VAU D O U R J . - La commune d'Auriol ( B . d u R h . ) : Etude g é o pédo­ logique - ln : Annales d e l a Facu lté des Lettres et Sciences H u m a i nes d 'Aix en Provence, T. 42, p. 239-259 - 1 967 - B i b l . Discussion

L 'étude de l'A.P.A. R.E. citée dans l'exposé apporte les précisions qui ont été demandées par les participants sur l'histoire des terrasses de cultures, leurs origines et loca­ lisations, les techniques et périodes de construction, leur

état actuel de dégradation.

Quelques remarques peuvent cependant être faites : - Il existe peu d'éléments qui permettent de dater les terrasses. Il semble qu 'elles existaient déjà à l'époque gallo-romaine car on a trouvé sur plusieurs sites des terrasses liaisonnées avec des bâtiments datant de cette époque.

- L 'abandon de la pratique des terrasses s 'est fait par étapes en fonction de divers événements parmi lesquels on peut citer : la crise phylloxérique, la libération des marchés qui a été la cause de la disparition de certaines cultures spécifiques aux terrasses telles que l'olivier et le mûrier destiné à la sériciculture, le gel de 1956, la mécanisation ... - Le point culminant de la construction semble s 'être situé dans le dernier quart du XIX' siècle.

- Le transport de la terre nécessaire aux construc­ tions de terrasses du bas au haut du versant a constitué un facteur important de lutte contre l'érosion.

La question a été posée de savoir comment intéresser aujourd'hui les individus à l'entretien des terrasses.

C'est l'objet que s 'est fixé le programme « terrasses » . Le facteur économique est primordial. Différents axes de réflexion et de recherche sont actuellement développés : • recherche de produits permettant de valoriser les terras­ ses : c 'est ainsi que les serres pourraient utiliser le mur comme régulateur thermique;

• recherche d'une architecture adaptée aux versants qui pourraient être affectés à l'urbanisation' dans un souci de préservation des terres agricoles de la plaine; • recherche des moyens de combattre l'aggravation du

phénomène de l'érosion dûe au passage des troupeaux.

(10)

«

L'es p rit d e l a fou rc h e

»

Fi l m vi d é o

1 980,

réa l isé avec l e concou rs

d e l ' Offi ce d é p a rtementa l d ' a ction cu ltu re l l e d e l ' H é ra u lt

et l e Vi d é o a n i mation La ng uedoc,

à pa rt i r d u mémo i re d 'An n i e C hate l l i e r

«

Les fou rches e n b o i s d e m i coco u l i e r d e S a uve »

(

G a rd

)

.

Présentation d 'An nie C H ATE LLl E R-TH E R O N D .

La prod uction d e fou rches naturelles e n bois de micocoulier est, depuis le Moyen Age, la spécialité de Sa uve. I l s'ag it d'une tradition ancienne qui fa it partie d u patrimoine culturel de cette rég ion. L e fi lm décrit la culture et l'usinage des fourches.

« Du sem is de la micocou le nait une tige ; 1 3 ou 1 4 ans après on a une souche ( mattas) q u i donne une dizaine de tiges ou rejets ( saguattas) . Lorsque les plus beaux rejets ont atteint l ,50 m, 10 réblacaïré à l'aide d'un poudet re­ blacaïre (serpette) taille ce rejet au-dessus d'un bou rgeon à trois têtes a ppelé « fleur de lys ». La sève i ra a lors ali menter ce bourgeon et fera naître ainsi les trois becs de la fou rche. Une grande partie du trava il consistera à veiller à la progression identique des trois fou rchons. Pendant la période allant de m a i à août, il fa udra rendre visite aux fou rchiers deux ou trois fois par mois pour reta rder l 'évo­ lution de certa ins fourchons q u i se développent trop rapidement et accélérer la pousse des a utres (ta i l le de petits ramea ux, feu i l les). Cette culture dure de 5 à 7 ans, jusqu'à ce que la fourche soit prête à être coupée d u mois de novembre à m a rs et transportée à la coopérative de prod ucteurs de fou rches, pou r le pelage, la « cuisson » au

fou r, l'affi nage des becs et l'expéd ition. Autrefois la clien­ tèle éta it essentiellement agricole. Le décl in de la prod uc­ tion s'est amorcé s u rtout après la g uerre d 'Algérie ( l'Afri­ que d u Nord éta it le plus grand client).

Petit à petit la fou rche a trouvé d'autres débouchés, qui sont essentiellement les haras, les écu ries de cou rses ( M a ison Laffite reste le plus gros acheteur), les fou rches en bois aya nt l'ava ntage de ne pas piquer dangereusement les chevaux. Autres marchés, les centres industriels de tra itement de la laine : M azamet, Castres, Lille-Rou baix­ Tou rcoing. La cl ientèle touristique est évaluée à 15 % . environ. En 1 975-76, la production était de 5 006 fou rches, en 1 979 de 3500 environ, alors qu'en 1 960 il en entrait 23 000 à la coopérative.

Les prod ucteu rs sont regroupés au sein d'une coopé­ rative q u i se meurt faute de jeunes agriculteurs pour reprendre les fou rchiers abandonnés.

Pou rquoi avec une demande supérieure à l'offre, l'abandon de cette culture semble-t-elle inél ucta ble ?

Des agricu lteu rs, jeunes ou vieux, des élus, des techn i ­ ciens en parlent ta ndis qu'à la coopérative, on continue l'usinage des fou rches.

D es a rts et tra d iti o ns p o p u l a i res . . . .

a u p l a n d e su rvi e

Les fou rc h es e n bois de m i cocou l i e r d e S a uve

(

G a rd

)

par Annie C H ATE LLI E R -TH E R O N D

E n 1 976, lors d'une formation professionnelle, le CAPAS.E. (diplôme d ' Etat d'animateur socio-culturel, dél ivré par le M i n i stère de la Jeunesse et des Sports) j'ai voulu soutenir un mémoire sur un sujet auquel affective­ ment je me suis toujours sentie liée : les fourches en bois de micocoulier. Née à Sauve et y ayant bien vécu une grande partie de ma vie, j'ai dû, comme la plupart des jeu nes du vil lage, partir pour trouver d u travail que j'ai eu la chance de trouver 50 km plus loin. La lia ison avec ce terroir natal m'a perm is de mener ce travail de recherche qui a cu lturellement mon âge 1 . ..

Ce trava il ne deva it pas à priori, dépasser l'aspect

« ethno-bo�nico-sociolog ique », en fa it, au fur et à mesure des recherches et nota mment lors de l 'établissement de la carte de dispersion (ventes 1 974-75) les nouveaux circu its commerCiaux apparaissent et nait le plan de survie pour sa uver en quelque sorte, cette caractéristique économique et culturelle. ( La fourche en bois de micocoulier est actuellement achetée par les haras, écu ries de courses et l'ind ustrie lainière - l 'achat de celle-ci en tant qu'objet de décoration par les touristes est esti mée à 20 % envi ron).

Le 16 novembre 1 976 deva nt le Conseil d'administra­ tion et le 21 novem bre 1 976 lors de l'assemblée générale des producteu rs de fou rches, je propose donc ce plan de survie :

forêt méditerranéenne, t. VI, n° 2, 1984

A. - Relancer la production

1 . - en recensant les champs de fou rchiers laissés en friche depuis quelques a nnées et demander aux propriétai ­ res d 'étudier avec eux. l e s locations d e terrains (les baux devant être établis entre la coopérative et les propriéta ires de terra ins).

2. - en faisant deux chantiers de jeunes en relation avec les prod ucteu rs (stages d'initiation) :

- u n premier chantier en j u i l let-août pour nettoyer les champs ;

- un deuxième en décembre pour la coupe des fou rches.

3. - en intéressant de nouveaux réblacairés (cultiva­ teu rs de fou rchiers) (c'est là, la d ifficulté ; une fou rche demande de 5 à 7 ans de culture) par le biais de subven ­ tions à obtenir :

- Etat (min istères de l 'agriculture, industrie, a rtisanat, environnement, culture - fonds d ' intervention etc ... ) ;

Conseil Région a l ; Conseil Généra l ; Commune; Associatio n ; Edition d u mémoire ; etc ... 13 1

(11)

Ces subventions sont nécessai res puisqu'une fourche met 5 à 7 ans pour pousser et être prête à récolter. D'une part, si des jeu nes veulent revenir à la terre elles seront u n apport souhaitable, d'autre part, i l semblerait opportun q u e ces subventions puissent ouvri r un ou deux emplois dans l'immédiat (c'est à étudier) en amenant la coopérative à employer des ouvriers salariés q u i a u raient un trava il extérieur à la coopérative (c'est une innovation) et q u i passera ient d a n s l e s champs remis en état p a r le s cha ntiers de jeu nes pour surveiller la récolte. On pourra it même envisager avec la m u n icipalité l'emploi d'un personnel com munal détaché a uprès de la coopérative pour une certaine période de l'année. ( Proposer aussi aux femmes qui souhaitera ient fa i re ce trava il agricole de s'y associer). 4. - avoir un geste sym bolique : en fa isant pla nter des m icocouliers aux enfants des écoles sur des terra ins comm u n a ux ou a utres (une journée de l'arbre pensée en fonction d u milieu). Ces pla ntations sont nécessa ires si l'on pense ce projet à long terme.· E n effet, les mattas (souches) de fou rchiers sont vieilles et indatables par les producteurs actuels.

5. - i nformer et sensibiliser les jeunes des lycées ou collèges ag ricoles environna nts ou organ ismes ruraux d ivers avec l'aide d'un montage de dia positives réa lisé en collaboration avec Xavier Chatellier.

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Photo 1 . C h a m p de fou rches au bord d u Vidourle. Photo Xavier CHATE LLI E R

B. - Penser à notre caractéristique culturelle

- soit en réservant une salle pour présenter cette orig inalité sau­ vaine ( petit musée) dans le cadre de l'exposition artisa nale d'été ;

- soit en aménageant des salles d'exposition dans l'étage supérieur de la coopérative des fourches (ancienne caserne des dragons du Roi).

Ce plan entendu par d'anciens producteu rs de fourches a été rejeté dans le moment présent, parce qu'il bousculait l'ordre des choses et obli­ gerait la structure coopérative à modi­ fier sa raison d'être.

En 1 979, un ingénieur agronome envoyé en mission par l'association « Etudes et cha ntiers » ( Paris) reprend l'idée du plan de survie, recense les terrains pouvant être exploités, essa ie de convaincre les producteurs de fou r­ ches en leur proposant de signer les baux directement avec l'association. Dans les mêmes temps, une équ i pe de jeunes volonta ires à long terme, de la même association loue un terra in de fou rch iers pour le cu ltiver.

Face à la main mise d'une seule association maître d'œuvre de l'idée issue du milieu, les rencontres et con­ tacts reprennent auprès des élus, collectivités locales, scientifiques attachés à la rég ion (voir article SUD n° 1 67 du 9 a u 1 5 juin 1 979).

U n film vidéo est a lors réalisé à partir d u contenu du mémoi re et des facteu rs actuels. Sa d iffusion le 20 mars 1 981 à Sauve permet de débattre publiquement de cette survie, et d ' inscrire un collectif de personnes.

Le 4 juillet 1 981 a lieu, ' en M a i rie de Sa uve, une rencontre réunissant le collectif d e personnes i ntéréssées à divers titres :

- m a i nteni r la culture des fou rches;

- créer une association tripartite permettant la ges-tion et l'animages-tion de cette réhabilitages-tion du pays.

Pa rmi ces personnalités, Pau l Ellenberger, par ailleurs propriétai re d u Domaine de Vernassal souligne 3 points q u i l u i paraissent revêtir un intérêt particulier :

1 . -améliorer la carte relevée sur

le cadastre' q u i met en évidence les terra ins à fou rchiers et mettre en bon ne place à l'exposition artisa nale cette carte.

2. - pour cette même exposition artisanale, préparer des panneaux avec photos et textes permettant de situer :

- l'histoire des fou rches (depuis le M oyen -Age) ;

- l a culture, l 'usinage avec ex­ posé sommaire et y vendre des fou

r-ches. .

Photo 2. Lo « reblacaïre J. Monsieur Ba­ g n o u ls. Photo X.C.

Figure

Fig. 1 .   - Variations  de  l'équilibre  agro-sylvo-pastoral  sur  les  pentes  (d'a près  BAR RY,  1 958  - p

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