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CANAD IENNE -FRANCA ISE
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.-- 1 ' ) UNIVERSITE MCGILL "'\. ...GABRIELLE ROY ET~LES CLASSES DEFAVORISEES DANS LA SOCIETE CANADIENNE-FRANCAISE
Th~se présentée au Département de Langue et
Littérature Prançaises en vue de l'obtention du grade de Màttrise ~s arts.
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pér
Annie Baptiste
Directeur 1 Pro!ësèeur Marie-Thér~.e Reverchon
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RESUME
C'est la peinture de la sociét~ canadienne q~e
Ga-b,rielle ROY nous présénte dans ses .romans. A travers elle,
revivent les défavorisés. Qui sont-ils? La plupart sont des
citadins habitant des faubourgs nouvellement construits.
Quel-que-uns sont des i~migrants venus de la campagne, y rêvant
souvent. On les sent -angoissés. Et c'est un des traits
ca-ractéristiques de l'analyse de l'auteur 1 insister sur les
dif-férences entre la vie des campagnards et celle de certains ci-tadins •
La premi~re est dans le milieu physique. Les centres
urbains ob évoluent les personnages comptent beaucoup d'usines,
.
de manufactures. En somme, ils sont conçus dans un but
Commer-c~ Les habitants, obligés d'y vivre sont confinés dans des
ré~s.
De plus, mal adaptés~
leur nouvelle vie, ouvriersnon spécialisés, ils deviennent ch~meurs. C'est le drame de la
~lupart des résidents de Saint-Henri qu'on retrouve chez Azarius
qui change constamment de métier ou chez Pitou qui n'en a pas.
A la campagne, le probl~me du logement n'existe pas
et le travailleur garde une certaine autonomie qui lui procure
"
une satisfaction. La vie y est facile, tes ressources
abon-"
dantes et" la population moins nombreuse. L'auteur décrit le
l' ~ .
•
•
•
milieu rural oomme un paradis où, m&me les problèmes inhérents
"
a la condition humaine, prennent une tournure inattendue.
Ainsi, dans les villes, la solitude isole les gens, accentue leurs misères, accroit leurs difficultés. C'est qU'ils ont constamment besoin d'une a1de matérielle, d'un
sou-tien moral que leurs amis et m3me leurs parents (aux prises avec les m&mes prOblèmes) ne peuvent leur procurer. Et le
moln-, "
dre changement apporte a leur vie est encore une source
d'an-g01sses. Tel est le cas d'Azarius.
,
Le campagnard, lui, aime beaucoup ces moments de
lence. Ils sont une occasion de dialoguer avec la 'nature
téri eure. Elle pourvoi t à leur b1 en-8tre matériel et ils
tendent d'elle conseils, suggestions, explications
à
certains 1probl~mes. Au •• i alors que les citad1ns sont angOissés, 1n-quiets, les campagnards sont-ils en bonne santé physique et mentale.
Leur vie se déroule sans heurts et la vie11lesse
sem-ble un phénomène naturel t'qui ne cause auoun souoi. En vllle,
les v1eillards se sentent inutiles, rejetés, tel le père de
Chr1stine, ~lade,_ou sa grand'mère tandis que Madame taplante
ou Lu~lna sont •• tlstaltes d'avolr acoompli leur devoir •
.
La première • élevé se. enfants ell fonotion ~u
~i-lieu et 118 peuvent 8ubvenir
à
leurs b •• oins. La •• oonde leurJ
•
"
•
/
'.
selon ses tendanoes.' En v111e, 11s n'aura1ent reçu que les ru-d1ments de 1'1nstrtlf,t1on.
~
La solut1on aux préoocupatlons matér1elles, aux pro-blèmes d'ordre so'01al, c'est un retour
à
la nature, une vle plus proohe des 'atres et des choses. D'où l'1mportance du rale"
joué par les a~t1stes. Ils servent d'1nterméd1a1re entre le monde ~tér1e~r et les Itres huma1ns. Ils leur communlquent
\
le seore, que leur 11 vnnt une rl vl-ère, un arbuste, une mon-'
tagne.
'1~
\
J
Annie BAPTI~TE, D~partement de Langue
\
et Llttéra~ure França1ses
Mattrlse ~B arts
Gabr1elle ROY et lèS olasses dé~avor18ées
\
dans la société Can~d1enne-Françalse{Juln 74)
l ,
n v
•
•
•
ll,
ABSTRACT
Gabrlelle ROY wrltes about the common people ln the
<3
French Canadlan soclety. She presents tlrst these people.
"
Most of them are cl tlzens who Il ve ln recently buil t' 8uburbs.
1
Some of them come from the country and they.thlnk about It
1
very often. ~ey llve ln angulsh. The author wants to\show
\
the dlfference between rustlc llfe and town llre. \
The most Important dlfference ls ln the envlronment. The urban dlstrlcts where the poor people llve are full of fac-torles : because they are bullt tor buslness, the resldents who
l'
have to live here are foroed to Imprlson themselves ln' 11t-tle houses. They are not aooustomed to thls I1fe, they are unskilled workers. So, they oannot get a permanent Job. It's a problem tor Azari us : he hae to change hi s Job very often and Pl tou oannot get any Job.
In the oountry every 1forker le glad to be Indepen-dent. It 1 s very . . ey to Il ve there becauae there are a lot
r
ot thÏnga t'or . • very man. Gabrielle ROY epeaks about the envl-ronment
M'
of • Jaradlse. 80, although they are men, they don' t have the aame problems ai other men.•
•
•
It makes thelr dlfflouities blgger than before because nobody oan help them, even thelr frlends, even the1r relat1ves (who have the same problems) oan do nothlng for them. If sometlng changes 1n thelr llte, lt wll1 be another problem" Azarlus for example who ohanges Jobs many tlmes ls mlserable at every tlme.
However, people who lIve ln the country 1Ike
lonell-1
ness beaause 1t glves them a way to speak to nature. Nature
g1ves them everythlng they need for th.Ir mat~rlal oomfort and '~,
Most of these people want It to g1ve them a solutIon to their dlfflcult problems. They are aat1sfled, they are he~whlie
the olti-dweIIers are very anxlous and slck.
They don't have,problems and old age la normal. In the town old men (or old women) seem outside sooiety, for ex-ample, Chrlst1ne's father or Chrlstlne's grandmother while
Madame Laplante or Luzlna are very glad beaause they do the best for thelr ohlldren.
Madame Laplante dld everyth1ng,for her ohlidren and they oan work for thelr tamlly. Luzlna 1ftduoed them to study and eaCh of them ch •• e wbat he or she l1ked aooordlng to hl.
or her poaalb1llt1es. If the y had been ln town, they would have reoelved only rud1ments ot knowledge.
In order to solve the eoonoml0 problems, the soolal oontllots, G. BOY thinks It ls neoessAr.y to l1ve ln the
ooun-try where you have everythlng. BYerybody l1ves wlth the atreams, the rlowers, the blrds, the aountalns.
•
..., '
TABLE DES MATIERES
Introduot 10n ... ~ •••..•••••••..•••.•
Chapl tre prAI11er •••••••••••••••••••••••••••••
A Le m1lieu phy~lque ••••••.. , •..••.•..••.•
•
B -,
Le Milleu urbain et L'aspeot psychologique rural. . .
. . .
.
.
. .
.
.
. . .
.
.
.
.
.
.
. . .
.
. . .
. .
Chapitre II - LeB personnages ••••••••••••••••••
Conclus1on •••••••• , •••••••••••••••••••••••••••• BiblIographie •••••••••••••••••••••••••••••••••• " \. 1 10 11 I l '34
•
.
....•
INTRODUCTION•
,\
, "•
. . . ;; . . . . ; . ; . . _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ do _ _ ;W~l.~._~,~.~•
•
Le roman de Gabrielle ROY se présente comme une rela-tion de faits quotidiens vecus par l'aùteur. Anssi se veut-tl
avant tout une autobiop:raphie fidèle ou qui paraft telle. On
sent, en et t'et, dans des oeuvres comme HUE DESCHAMBAUL'l', LA
HOUTE l.J'ALTAMON'l' le souci de ne rien omettre des' inciaents de sa vie. Les réactions de ceux qu'elle a connus, parents ou voisins,
..
les des1rs qU'elle a tenu a satisfaire, des ep1sodes qu1 nous
pa-raissent banals, tout est relaté. Dans ce récit, Gabrielle HOY
.
..
esquisse cependant quelque~-uns des problemes humains que re- .
~rendront d'autres ouvra~es. Ainsi, les deux ne~res
..
de RUEVES-. VES-. 0
CHAMBAULT sont l'esquisse du probleme des Esquimaux (intep;ration
raCiale) de RIVIERE SANS RE~OS, l'incident du deména~ement de la
'-ROUTE D'ALTAMONT rappelle celui de BONHEUR D'OCCASION sous une
.
.
forme plus élaborée., Et dans les deux, n'y a-t-il pas avant tout un effort pour comprendre les problèmes des pauvres et en
même temps une allusion aux préju~és favorables qu'ont les
hon-nêtes gens vis-à-vis des "étran~ers" et des inconnus. Le
nou-~
veau lopataire est pour la mère de l'auteur l'oooasion de faire
sa bonne~actibn et Gabrialle ROY, tout comme oeux qui font tout
, ~
pour ignorer la souffranoe des autres, perçoit au début la V~ft
.. ~
de Florence comme une aventure· pleine d'imprévus et de poési e ~~
Les désirs et les tentations d'Elsa. RUE DESCHAMBAULT les pré-"
•
•
•
L'instabilité de l'Esquimaude se résume dans ~ette phrase de RUE
DESCHAMBAULT .:
"Etre soi-même est la chose la plus difficile"
1
cependant, tous ces récits ne sont qu'un prétexte pour
..
presenter le plaidoyer que la ro~anciere entreprend. L'auteur
donne l'impression d'être au centre des débats pUisqu'elle en
fait le compte-rendu en citant ses 'parents comme témoins. Aussi
est-il important qu'on la connaisse. De là cette abondance de
détails qui semblent raconter tous les faits de sa vie. Pu.1 S, a
..
'.
travers ces episodes personnels s~ ~lissent des personnages
ap-partenant tous à la même famille celle des défavorisés.
Ga-brielle ROY nous les décrit pour nous les rèndre familiers
pUis-qu'elle tient avant tout à nous les présenter dans leur univers.
"
Elle réserve une place spéciale aux vieillards. Alors, elle
re-prend l'éternel problème des vieux incompriS et elle nous dévoile
les causes de leur solitude. Ces victimes sont reje~ées par
\t
leurs descendants, tels ces enfants de LA ROUTE Dt ALTAMONT ,trop
pccupés par leur vie mondaine pour accorder 'la moindre importance o •
à leur grand'mère. Gabrielle ROY montre a quel point erYe veut Il ...
~
mériter la sympathie de ces jeun.s. Mais, cela ne fait
qu'élar-gir le fossé pUisqu'elle se retrouve ensuite plus seule et plus
,~ triste. Solitude, tristesse lui viennent de oeux qu'elle a
con-nus, donc ~ui étaient las mieux plaoés pour l'aider. C'est que.
la oonnaissance qu'on a des autres ne peut venir que d'un dlalo~
gue aveo eux et alors i l faut d'abord de leamour basé sur une .
•
.~
•
•
, 4_ 4 _
sa grand'mère ne craindra pas de lui dire qU'elle va s'ennuyer. Cette phrase banale sera le point de départ d'une conversation " ··t:rès" élaborée et révél~trice. Les générations s'affronteront et
la P~ ... jeune appréoiera l'habileté manuelle, les aptitudes de
If"
cette vieille physiqueme~t diminuée. Plus tard, elle pourra
mesurer la distanoe parcourue quand il ne lui restera plUS rien
de cette agilité qU'elle av~it admirée. En somme, ce contact
avec les gens d'un autre âge aura été profitable. D'après
Ga-brielle ROY, les deux générat10ns n'ont été et ns devraient être
que complémenta1res, l'une prâtant une oreille attentive aux sou-venirs de l'autre et cette dernière lui procurant un peu de joie.
Entre les deux, la mère fait le lien pUisqu'elle appartient à la
fois au passé et à l'avenir. Le passé, elle le vit dans ses
en-... rants et l'aven1r, elle a consoience de s'en rapprocher de plus
en plus. De plus en plus, elle ressemble à la vieille et
com-prend mieux oe que la mère lui racontait, il y a quelques années.
Une autre ~atégorie de gens tient une plaoe importante:
•
les malades ( quelquefois des VieillardS), les faibles. L'au-teur uni t dans une destinée commune la tante Thérésina et l'
lta-lienne. Dans les deux oas, le oontraste aveo le mari JOVial, en
bonnè santé, fait ressortir la fragilité d'un être oondamné par
la maladie. Q~t à Alexandre, lui, il a le Physique idéal du
- 1
1
saint Homme. Il 8e trouve des ressem~lano.s avec Gandhi :
lAlexandre Cbenevert, p. 10.
•
•
•
ü
Ici, les problèmes sont d'ordre psychologique et
af-fectif et l'argent aide quand m~me
à
créer des liens intimesavec le reste du monde. Ailleurs, le problème capital est
d'or-dre péouniaire, le manque de ressources matérielles désorganise
la société et est la cause de graves conflits familiaux. Ainsi
les problèmes les plus graves dans BONHEUR D'OCCASION viennent
du manque d'arg~t. Sans parler de la mort de Daniel, il y a
Florentine qui épouse Emmanuel pour avoir une certaine
stabi-lité économique, Azarius et Eu~ène qui sten~agent dans l'armée
pour la même raison. La gêne attaque toutes les catégories
so-ciales et il est presqu'impossible d'en sortir. On retrouve, en effet, parmi les déravorisés aussi bien des chômeurs que des
;
salariés, des gens presqurignorants et d'autres qui ont un
ni-veau d'instruction plus éleyé. Entre Azarlus et Alexandre, 11
y a une différence. L'un est un ouvrier spécialisé qui sait à
peine lire et écrire et le deUXième est un employé de banque \
qui s'exprime dans un langage plus élevé.
Cette différence n'affecte pas leur vie i on les
re-trouve identiques dans l'actian. A l'un ou a l'autre, l'auteur
,
prête une ténacité extraordinaire, une grande force morale et
essaie, avec eux, de trouver une solution
à
ces prOblèmes.D'autres fois, elle leur permet de s'installer dans la facilité
et de s'accommoder d'une situation devenue habituelle.
Cepen-dant, tous passent par une étape commune: ils se nourrissent d'illusions pour embellir le sombre tableau de la
.-•
•
6
-décision. Alors,ils se compromettent et sortent de leur misère
physique moralement diminués ou bien ils ne trouvent pas
d'is-sue à leur drame et restent angoissés devant les nombreuses
questions qU'ils se posent. Ainsi en est-il d'Azarius, de
Florentine ou d'Alexandre.
J
Autant de victjmes d'une atmosPhère sociale dans la-quelle tout a déjà une place et où tout le monde est étiqueté.
La responsabilité n'incombe pas aux acteurs du drame, mais à
ses auteurs qui ont fixé à l'avance le sort réservé à chacun.
C'est du moins ce qui re$sort de l'énonce dgs faits et certai-nes victimes conscientes de la situation s'evertuent à lutter
contre un Destin qui semble immuable. Le plaidoyer prend des
proportions demesurées d'une part parce que les personna~es
sont nombreux mais surtout parce que la scène se joue sur des
plans différents. Àinsi Elsa est le personna~e principal
au-tour duquel gravitent Madame Beaulieu, le ~ère missionnaire,
tous les deux représentant un autre milieu et destinés à éclai-,··
rer la scène. j'fIaiS c'est une personnalité à multiples facettes
qui voit le ~ilieu familial differemment selon son évolution
propre. De même, elle voit ses compatriotes sous un autre
an-gle suivant les influences du moment.
,.
AinSi, elle passeraquelquefois au milieu des Blancs,
tantô~
se mettra du côté desa famille. L'extrême limite, parallèle
à
son désir d'appa~tenir
à
la classe des Blancs est de se réfugier chez l'onole, Ian • C'est elle-m&me qu1 prononce le verdiot 1 .'aop.ep:ter, faire,.
•
•
bonheur. Et la famille perm~t de sÙz;naler la réussi te pui
s-qu'elle sanctionne toujours l'attitude d'Elsa: reVirements de bon aloi, ecarts des normes sont notés avec soin.
Ici, comme dans LA PETITE POULE D'EAU, et dans d'au-tres nouvelles (LA ROUTE D'ALTAMONT, HUE IJESCHAMBAULT), la
fa-mille sert de cadre sinon ~ l'evolution, du moins Q la
présen-tation des personnap-es. Le schéma final, cependant, varie de
l'un
à
l'autre de ces ouvra~es. Et Madame Tousi~nant apparatttriomphante. l~ême au plus fort de sés luttes on n'a pas
re-trouve l'amertume ou la rési~nation de Rose-:.tma qui faisait
que sa cause était perdue d'avance. La seule difficulté réside
dans le fait que sa victoire a pris des proportions inattendues •
L'instruction et l'éducation qu'elle a donnees
à
ses enfants enont fait des êtres ambitieux. LA PETITE J:'OUJ.E D'EAU ne peut
plus les satisfaire et ils doivent se séparer de la famille.
Il est intéressant de noter que le problème de l'lns-'"
truction et de l'éducation trouve ici, contrairement
à
ce quise passe chez Florence ou chez Florentine, des solutions plus "heureuses". La. nature semble plus clémente et la conf1ance porter de meilleurs fruits.
La di fférence réside sinon dans la famille, du moins
dans le groupe social. Dans oertains cas, l'influence m~me de
la nature extérieure semble plus favorable et aide
à
régler'certains conflits; le personnage évolue dans ce oadre qui est
i '- ,
•
•
.
"
'•
8-étant insuffisantes, les hommes attendent des forces
surnatu-relIes une intervention bénéfique. Ainsi s'explique souvent
cette attitude rési~née ou passive. D'abord, renonçant à se
défendre parce qu'ils ne le peuvent pas, il ne leur reste plus
qu'une solution: celle de compter sur Dieu. Il est au centre
de leur vie, ils l'invoquent et ne cessent de penser à lui.
C'est qu'il faut une force très puissante pour déraciner la multitude de malheurs, d'injustices qui menacent tout le monde. Ils ne peuvent expliquer leur situation, ils ne cherchent pas
non plus à comprendre et ils espèrent qu'un Etre supérieur les
déli vrera : • >
.. Alexandre se mi t
à
pri er. Il priai t quand il reconnaissait sa chétive condition". 1La conclusion du récit réside dans le salut des
vic-times. Il vlent presque toujours d'éléments inattendus. A1nsi,
même sl !"lorent1ne connaissa1 t Emmanuel, on voyai t que l '
lnté-! .... '1
rêt qu'elle lui portait était
dn
a ses relations avec Jean.Donc, on ne-s'attendait pas à un mariage. Elsa, elle, après
a-A
voir essayé plusieurs voies, malgré la force de caractère qu'on lui attribuait, finira dans le laisser-aller et une décrépitude extrême.
Le réoit continue et on sent la révolte de l'auteut
,
oontre les préjugés. Il s'agit tantôt d'idées toutes faites
sur certa1ns sujets, du rejetrde certaines olasses de la
socié-té ou de certàines raoes. QuelquefoiS, oes préjugés prennent
.~ ,
1 .
•
•
•
la forme d'injustices faites
à
certaines personnes. On pense a ,l'attitude de Jean méprisant Florentine: il a honte de sortir en sa compagnie, il retrouve en ellé èe qU'il rejette. Alexan-dre est prisonnier de son personnage et de sa fonction. "Il a
toujours l'air d'~tre en route vers sa banque ••• Il se garde
de toute réaction humaine".
,
Les personnages, a quelque groupe qu'on les rattache sont de deux types principaux: des faibles. incapables de
sor-tir de l'e~rise sociale, ~es braves utilisant les ressources
mises à leur portée pour se défendre. Certains ne sont pas
aUs-si nettement catalogués. On ne s'attendait pas à la réaotion
d'Alexandre après la perte des cent dollars. On lui retrouve
la m~me force de volonté qui caractérise d'autres personna~es.
Ils évoluent dans des univers physiques d1fférents. Ce sont les influences ex'térieures que le développeQlent mettra en lumière après avoir présenté un tableau descriptif des
dif-"
•
..
•
•
t6..
t 7 e ' , t CHAPITRE PREMIERL'UNIVERS DES PERSONNAGES
"
•
•
•
A.- Le milieu physique Le milieu urbain et rural
Le cadre dans lequel évoluent les personnages est le milieu urbain défavorisé. La ville, c'est d'abord Montréal,
c'est-~-dire une métropole o~ se concentrent toutes les
acti-vités commerciales et industrielles. Les habitants, du moins ceux que présente le roman de Gabrielle ROY, vivent dans des quartiers malsains et dans des maisons délabrées. Leur uni-vers, c'es:\ M'ant tout, celui de la mis~re et ils identifient les leurs en ce qu'ils respirent le même air de pauvreté qu'eux, portent les mêmes vêtements et vivent dans les mêmes taudis. , Jean a pour Florentine l'attrait d'un prétendant venu de loin parce qu'il a des aspirations humaines légitimes et Emmanuel se place nettement au-dessus d'elle puisqu'il a une maison digne de ce nom. Quelles sont donc les caractéristiques des quar-tiers tels que les connaissent Florentine et les siens?
:
Le quartier s'identifie par des bruits incessants 1
les trams, les rails etc. Il se reconnatt par la fumée des usines,
A
la foule déferlant sur les restaurants ou se préci-pitant vers les transports pUblics. Dans cet univers malsain,"
tout est médioçre. L'auteur nous prom~ne ~ travers les rues de Saint-Henri, en comp~ie de Rose-Anna en qu~te d'~ logis.
•
•
\
•
12
-La démarche commence par un rappel ~~ssimiste : malgré un
es-pOir de mieux-être, le~ multiples déménagements ont toujours
copduit la famille Lacasse dans des appartements de plus en
plus petits. Malgré la multitude des maisons à louer, celle
qU'ils devront ohoisir sera enooré et toujours mal aérée,
in-confortable, insalubre. Et toujours leur choix ne pourra se
faire en dehora de certaines limites géographiques. Ma1~, ces
limites sont extrêmement réduites. Saint-Henri, ce sopt les
quelques rues qui offrent les appartements les moins ohers,
donc les moins confortables. C'est une immense usine au
mi-lieu de laquelle on a laissé quelques lopins de terre pour ceux
qui veulent y hab1ter. L'auteur ne parle que brièvement de
l'architecture des maisons ou du plan des rues. Et il énumère
toujours les usines, les manufactures, les différentes maisons d'affaires, en un m?t c'est le côté laborieux de la ville qui
domine. Ensuite, en une ou deux phrases, les maisons s·élèvent.
Ainsi, nous appara!t la Rue Saint-Ambroise. D'abord, ce qu'el-le était auparavant. Il n'y a pas longtemps, des -champ.
va-gues- se dressaient ici. Maintenant, ils ont oédé la place
à
~es -filatures, (à) des élevateurs (à) blé, (à) des entrepôts-.
A travers ces bltisses, les -maisons sont toujours
là
avecleurs petits baloons de fer forgé-. On les sent perdues dans
un vacarme étourdissant,
à
peine visiblesà
côté des lumières~tinoelantes, de la poussière des oheminées.
-Etroite de taçade, la ma1son se présentait
•
•
•
ent voulu amortir les choos qui l'ébran-laient"l.
Certaines rues ne sont déorites que par des adjeotifs qui résument l'aspeot de l'endroit et semblent dire: elles
sont toutes pareilles dans la laideur et 'dans la misère.
Elles offrent le mImé speotaole et l'auteur les présente en
une phrase. La Rue Workman qui porte bien son nom :
~
~
"Travaille, ouvrier, dit-elle, épuise-toi, peine, vis dans la crasse et la laideur!.
Cette phrase suffirait à elle seule à brosser le
ta-bleau de Saint-Henri. Deux personnages différents, Rose-Anna
et Jean, nous ont promehés à travers le quartier et
l'impres-s10n a été la mime. L'auteur semble, àiors, manquer
d'expres-s10ns Justes, de termes oonorets pour oette desor1pt1on.
Pour-tant, au milieu d'une mult1tude de ruelles malsaines, il y en
a qui sont plus m1sérables que d'autres. Ainsi, nous dit
l'au-teur, Jean a oho1si sa ohambre
à
la Rue Saint-Ambro1se parceqU'elle oontait mo1ns oher : moins oonfortable, plus exposée aux
•
bruits et aux 1noonvénient~ de tout le quart1er. De mIme,
Rose-Anna, après quelques heures de marche siengagera dans des ruel-les plus pauvres, si pauvres qu'elle se trouva1t b1en, elle:
Un peu de oourage lui revenait. Sa v1site
à la RUe Workman l'avait tout de m'me
réoon-fortée. Elle y avait Puisé la,~atlsfaotion
lBonheur d'Oooaslon, page
29 •
•
•
(
•
14
-de sentir qU'ils n'étaient pas encore
ré-duits
à
l'extrAme indigenoew1 •f
Ce qui est frappant dans oe passage et qui donne en-•
oore un aspeot plus pOignant aux objets et aux Atres, o'est la
similitude entre les maisons. Rose-Anna, a la RUe Workman, ,
·s'aventura au long des taudis de briques 'grises qui forment une· longue muraille
a-!eo des fenAtre~ et des ~ortes identiques
a intervalles reguliers· • .
Auoune personnalité
à
oes taudis, auoun architecten'a dessiné oes murailles aux portes et fenêtres identiques.
Aussi, l'auteur oonolut-il en les oonfondant en
Un
tout aupiteux aspeot. Et elles s'offrent toutes aux looataires, tous
les printemps la ronde des visites oommenoe et de multiples
panoartes indiquent qU'elles sont
à
louer:·De quelque c6té qU'elle levât les yeux, Rose-Anna apercevait des éoriteaux : A
louer. Une fois par an, il semblait bien
que le quartier travers~ar le ohemin de'
fer, énervé par les sifflets des looomo-tives, S'adonnait
à
la folie du voyage"J.Leur ville, o'est delle qu'ont oonstruite des hommes pressés par le besoin. Aussi, n'ont-ils pas ohoisi d'emplace-ment :
à
o&té des rails ou tout près d~ la rue, l'essentielo'est d'avoir un abri pour la nuit. Et leur univers oe sont
lBonheur d'oocaslon,
2 Id • page 87 •
J1d • page 85.
•
•
,
•
ces maisons que seuls des numéros identifient
"C'est au numéro, seul, ~u-dessus de la
porte, qu'on reconnatt leur piteux appel a l'indlvidualité"l •
.
cependant, Rose-Anna salt les distinguer les unes des
autres, par leur"degré de saleté. sa malson, celle qui est
à
sa portée, c'est une bicoque sale, où le soleil n'entre pas et
où on est à l'étroit. Dès que font défaut ces caractéristiques,
inutile de la vi sl ter.'c Elle fai t partie des rêves et demeure
inaccessible:
••• "la maison semblai t propre, .bien tenûe, et elle se disait: c'est pas la peine de demander le prix : ça sera trop cher pour nous"2.
Puis, un autre élément s'ajoute aux autres : la
pré-,
senoe des usines et des manufactures se manifeste, ici par les odeurs. Le vent aidant, "la pénétrante senteur, le relent des
peintures chauffées" se font plus te~ces,)mais détournent
Rose-Anna de ces maisons et la conduisent vers la RUe du Couvent. Nom déjà assez suggestif que l'auteur complète par le mot d'oa-sis. De vraies maisons, de t'air, de l'espace, mais aucun
ap-..
partement a louer •••
La qu&te du l~gement de Rose-Anna se term1ne par un
l
Bonheur d'OccaSion, page
87 •
•
•
16
-.
rêve : ~elul d'une maison exposee au sole1l réchauf~a~t toutes
les Plèo~s, faisant briller tous les objets
f
~ .. t,.,...,
/'1:1... y avalit du sole1l dans la rU8.
e~it dans la maison"l.
,,/
-~ ~;
Elle
Le procédé banal employé par l'auteur pour nous faire sentir le contraste s&is1ssant entre la misère et le bien-être,
est la comparaison. Florentine se trouve chez Emmanuel et déjà
à quelques rues de chez elle, c'est un autre mQnde. .Le square , ,
~18te lei, 11 est paisible, et on ne perçoit que des marmures
.
de fête. Ainsi se trouve encQre mieux illustrée la situation
des defavèrises. D'un côte, l'abondanc~ m~me le luxe, de
l'au-tre, l'extrême indi~enc~. Ceci explique aussi la ~ision du~
monde que peuvent avoi rIes personnap;es. Elle sera forcéJen t
partielle. Par exemple, une bonne partie de la journée de
florentine se déroule au restaurant.
Là,
i l Y a peu d'espaceet son univers physique se situe entre les tables des olients,
, ,
la cuisine et, plus loin, l'espace reserve au ma~asin. Aller
aU-delà est presqu'impossible.
,
Les conditions de travail ne favorisent aucune
dé-tente et les employés ont tendanoe
à
se complaire ici.Floren-tine, sa semaine d~ travail terminée ne peut pas toujours
s'of-frir un film au oinéma du quartier. Elle a renonoé aux
prome-nades dans l ' "ouest" qU'elle trQuvait ridioules. D'ailleurs,
f l ' ' '
_ _ ""T"' t
•
)
•
•
17-dès qU'elle laisse son "domaine", elle se sent perdue, le monde
extérieur et elle n'ont aucune familiarité. Son restaurant est
différent de celui où J~~n l'amène, les ma~asins de ~~ ~e
Sain te-Catherin,e n'ont ri en de commun avec ûelui où elle tra-vaille. En réalité, sa vision du monde est incomplète en
de-hors de son milieu de travail. Même dans Saint-Henri, elle se ~
"
rédui t à quelques rués où ses parents peuvent se louer une
mai-son. Le tableau se complète par LES DEUX RECORDS, li eu de
reu-nion pour les hommes, en même temps bar et restaurant.
Les personna~es, on les volt vivre dans leur milieu.
t'eut-être, seraient-ils prêts
à
dépasser le~~ossibili tés qui~;.~.
leur sont offertes. Il leur faudrai t réussir à. gra.vi r les
échelons habituels.' Mais, ici l'â~e adulte commence souvent à
l'enfance. Ainsi, des éaoles, on n'en connait pas. On les
ci te sans aucune préoi~ion. Les enfants de' Rose-Anna ne les
fréquentent que très rarement. ,rFlorentine y a éte pour
a.ppren-dre à lire, Jean ,et Emmanuel son~ des condisciples. Où se
trouve cette bA ti sse"? On n'en sait rien. Par contre, les
"!Il
é~lises sont beaucoup plus familières aux personnages. A tous
~~es points saillants d~ ~oman ~e dresse Un oloch~r. Lorsque
.'
Jean 'veut épier l'arrivée de Florentine devant"le Cinéma, en
" , ( ...
.,., 1. -
~-, .. .chemi-n~-, cf'est l'horlop:e de l'église de Saint-Hénri qui lui
in-• # ; / ~
dique l'heure. Plus,loin, on nous prése~9' ce clocher tians un
""'~ '" : .. l "
cadre familier : au milleu"des tratnées de vapeur et l~ 'statue
f
•
•
18
-de Saint-Henri sera assooiée
à
la page suivante au oampanile de Saint 'lhomas d'Aquin età
la montagne environnante.,
Emmanuel. lui auss1. condu1ra Florent1ne à l'ég11se après la so1rée passée ohez ses parents. Quant a Rose-Anna,
..
elle trouve un grand réoonfort dans cette halte fa1teà
l'é-glise après les démarches vaines de la Journée.Le relevé des éd1f1oes pub11cs se complète aveo la banque dang ALEXANDRE CHENEVERT. Les personnages semblent fa-mi11ers aux opérat1ons banoa1res, du molns fréquentent-lIs la ,banque.
, '
"
La banque, o'est le lleu de trava1l d'Alexandre. Dans oet endrolt où 11 passe la journée, on le oroirait en
pri-"
son, tant est réduit l'espace qui lui est réservé. D'ailleurs, 11 parle de son bureau oomme d'une ·oage". Et l'auteur de pré-o1ser qU'il ne s'agissait pas "d'une de aes cages
à
barreaux de rer oomme il y en avait autrefois dans toutes les "banques"l mals d'une "oabine transparente"...
Il sembla1 t"Y avo1r eu, s1non un progres, du mo1ns un ohangeaent dans les oondltions de travail d'un oalssler.
~
.
Cependant, Alexandre se sent encore prisonnier
à
la fols du pub11b qui l'obserié et de ses oollaborateurs qui notent ses.. 1
mo1ndres 81gnis
de
~a~hlesse •.
~'f
lAlexandre Chenevert, page
37.
•
•
•
souc~~. Pour lU1, la banque garde un v1sage austère et
ren-,., A.,Jo
ferme bien des m1sères. Dfabord, comme il ne peut pas .'api-toyer sur son cas, 11 donne son op1nion sur les autres employés. Ceux de la cafétéria, la ca1ss1ère, en particu11er, retient son attent1on. Elle qui doit, en s1 peu~ temps, remettre à cha-que c11ent la monna1e qui lui rev1ent. Dans le brouhaha des diseusslons, du bru1t des couverts, la tâche est dé11oate.
Pour Alexandre, la oafétér1a ne dlffère en r1en de la banque. Le vide,
à
la banque, éta1t réel. Cet édiff1ce est sans doute le plus important de la ville, donc le plus maJes-tueux. Les colonnes l~ donnent enoore oet aspect austère. loi,à la oaf~téria, un grand nombre de personnes viennent déjeuner. Le vide est plus Psyoholog1que que physique. La so11tude, elle est le lot d'Alexandre: seul dans sa m1nusoule oage pourtant identlque aux autrés, seul enoore 101.
Les menus semblènt avo1r été faits sans tenir compte. des malades oomme lul. Pinalement, il se déoide
à
la hâte: "il att~pe un oarré de beurre"sible... 11 se dépaohe.
• • • Il va aussi vite que
pos-101 aussl, 11 faut ~tre assez habile pour se ~rouver,
"t '.~ ,-_,J~"'"
à
temps, une plaoe. Il faut enodre oalouler •••Le restaurant n'a rien d'ùn lieu reposant où l'on , prend le te.ps 4e manger. La lutte oo_enoe
.
à
la o&1sse où Alexandre falt attendre des oltants. Puis, après les oo.bats•
••
•
20
->
silencieux, c'est la guerre déclarée
à
God1as, le gros, lesa-tisfait.
Tout semble prédestiner Alexandre aux malheurs. Sa
journée commence par les reproohes adressés aux secrétaires •
..
Il n'est pas, non plus,~tégé des coups d'oeil méchants des
ollents ou de ses oollaborateurs. ' Sa vitr1ne,
~e
l'auteuroompare
à
oelle d'un magasin, le plaoe dans la m~me situationqu'un objet exposé pour la vente. Mais, lui, il peut Juger des critiques et deviner l'op1n1on qU'on a de lu1.
La v1e d'Alexandre se déroule ainsi, entre les
pré-tendues calomn1es des voisins et les oritiques de Godlas par
exemple. Ains1 S'explique sa méfianoe envers tout le monde et
les savants oalculs pour éOhapper au contrôle des autres. Le
quartier, on ne le déorit qUle? insistant sur l'intrusion des
autres dans la v1e d'Alexandre
y'
Chez lui, les voisins notentses moindres faits et gestes •. Lui, il vit pour eux et tient
oompte, comme à la banqtie. de leur jugement. Quelquefois la
,
·sollioi tude humain"", 'oomme l'appelle Alexandre. se man1:f"este par les innombrables plaques des médeoins, guérisseurs de tous
les maux. Un quartier idéal pour ~e soigner :
1
-"Il traversait alora au paa, les épaUle.
basses,
uri
quartier vouéà
eoouter,oom-prendre, 80ulager la souffrano."l •
•
•
-•
/ Et Alexandre, devant tant d'offres, oonolut qU'11
/ 1
/sera1 t m1eux malade.
La vér1table guérlson, oependant, lui viendra de la
oampagne. Le ferm1er du Lao Vert lui exp11quera son p01nt de vue d'une man1ère catégor1que : ,)
"Du monde
pAl ••
ma1gre, du mondeà
molt1é v1vant, o'est ça la v11le au fond"l.,Alexandre le sa1t, ~ul qui a su1v1 des yeux la trans-formation opérée dans le paysage. En route vers la oampagne, 11 la1sse derr1~re lu1
"le gong des tramways, les fre1ns, 'les sl-rènes des b1cyolettes-.
Puis, le 01el se desslne entre les ma1sons, des ohamps apparalssent, de l'herbe pousse 101. Ent1n, 11 quitte la vl1le, déllvré. Devant lUl, "que d'espaoes, de lumlère, de llberté-. La prinolpale oause de oette l1berté o'est éV1deœ-ment l'a1r mals auss1 l'espaoe phy'slque. Le Gardeur en reoe-vant Chenevert lul dés1gne la nature d'un geste large. Il 'Veut slgnitler surtout "1'1mmens1té du monde" qU1, au début, etfraya1t le oals.1er. Il s'étonna que le logement t6t .i
8x1-\
gu et mesu~ la d1sporportion entre l'1ntér1eur et
l'exté-r1ttur. Pourtant, 0 'est la nature extérieure qui le sauve et
lu! permet de •• détendre. La t'ealll. Le Gardeur y trouve sa
...
---~~
•
•
•
22
-nourriture et Alexandre y passe toute la Journée. Sa peti te ohaMbre ne lui sert que pour la nuit. C'est oela la di~féren ce avec la v1e dans les v1lles.
La famille Laoasse est ob11gée de vivre dans son pe-tit appartement, ' Les enfants, quand ils ne vont pas
à
l-éoole, 'n'ont pas d'autre poss1bi11té. La mère 7 est oonf1née tous lesJours. ~uLs oeux qui trava11lent peuvent s'offrir le luxe d'une sortie, avec les risques qU'elle comporte la monotonie du
trajet, l'air pollué des us1nes, les bru1ts du m1lieu de tra-vaIl. Bref, r1en qui puisse suppléer au manque d'espaoe de l'intérieur. Au Lao vert, c'est le regne de l'abondance. D'a11-
,
leurs, tout semble apparten1r à une seule famille qu1 profite de tous les dons de la nature.Le travail, ioi, se fait dans la Joie et les béné-f10es reviennent
à
oeux qui y oontribuent. La famille Le Gar-deur semble travailler très tard dans la nuit, au moins Jus-qu'au oouoher du sole1l. Mais o'est pour elle qU'elle tra-va1lle. Il n'y a rien d'astreignantà
cette vie labor1euse. Au contra1re, la d1straction y a sa plaoe et ohaoun y oultive ses dons. Alns1, Albert offriraà
son h&te un ooncert et 11semble qu'ici, à la oampagne, le bonheur existe. C'est 1& pre-m1ère f01s qU'Alexandre entend quelqu'un d1re qU'il est
heu-reux •
01-•
•
•
.
tadins, prisonnier de l'argent qU'il gagne, de ses oocupatl~ns,
é • ~
de ses activit s. Combien suggestlve est la prison entrevue au départ de Montréal' Il la laisse derrière lui quand 11 s'en va. Aussi se sent-il 11bre. Puls, elle reparaft quand il revient en
v111e. Il ne peut s'empAcher de noter qU'elle est
ind1spensa-ble.
La Ville, o'est aussi l'endroit où dans la hâte de
survivre, les gens oonstruisent n'lmp&rte quoi, n'1mporte
com-ment. ces biooques sont construites en simili-pierre ou en
simili-brique alors que le village ~t riche de beaux bois. A
l '
la campagne, on sa1t utiliser les ressources que prooure la
nature. Peut-être aussi le contaot constant avec le grand air
permet-il une vie totalement différente. L'auteur insiste, à
plusieurs reprises, sur le bien-&tre physique des oampagnards.
La famille Laplante éclate de santé, les oitadins, eux, (les
1
Laoasse) affiohent des jambes "déOharnées", des visages pAles. Heureusement que Rose-Anna a eu sa part de oette existenoe.
C'est oe qui lui donne un air sain, un physique
à
toute épreuve et la m&me détermination qu'on retrouve ohez
Madame Touslgnant.
Mais à oette dern1ère appartient tout un villag'.
~. Elle peut en disposer oomme bon lui semble. Ainsi, après
l'adhésion du gouvernement pour 1& oonstruotion de son éoole,
son unique souci est de trouver un emplacement. Rien ne 1.u1
•
•
•
24
-réservée
à
l'1nstitutrice et aussi les moyens de l'entretenir. L'école de la Petite Poule d'Eau n'a rien qui puisse la diffé-renc1er des autres blt1sses, rien s1non les pupitres desélè-\
ves. Mais, au moins les enfants la fréquentent et quand elle ne pourra plus ouvrir ses portes, ils auront acquis oertaines connaissances. Paradoxalement, c'est ici et non dans des cen-tres urbains qu'on s'instruit. Les enfants de Luzina lUi ap-portent une oocasion de progrès tandis que cha~ue nouveau-né de Rose-Anna ne fai sai t que diminuer davantage ses chanoes d'a-vancement. Aussi, les tAches les plus dures, les voyages dans des conditlons' difficiles, par exemple, sont-elles transformées en d'agréables ocoupations. Pour Rose-Anna, m&me les travaux domestiques étaient des corvées. Certainement, le raIe de
mat-tresse de maison n'a pas la m&me résonnance
à
Saint-Henri età
la Petite Poule d'Eau ••
La ~ol du travail est aarement la m&me mals ce sont les conditions de travail qui changent. H1ppolyte a un patron qui n'est pas très différent de celui de Jean, de Florentine ou d'Alexandre. MaiS, il agit comme s'il éta1t le mattre et cela
lU~
procuré une satlsfactlon que ne peuvent avoir c·es cltadins. Et \1 n'a pas oomme centre d'activité un espace restreint: le champ està
lui. Tout 8e passe comme 8i toute cette étendue lnhabi tée lui appartenal t. Il 8e sent le pouvolr d'en di8PO~ser oomme 11 peut aussi déclder de se8 heures de travail. Peut-Itre travaillera-t-ll au-de~ de la normale, . . ls 11 n'aura pa.
...
---~~
•
•
•
25
-la pénible impression d'y avoir été forcé par -la nécessité qu'elle est lourde de sens cette réflexion de Jeant
"Un homme sait plus s'il est encore en vie ou s'lI est devenu machine"l.
Il a choisi de faire des heures supplémentaires non par amour du travail, mais pressé par le beso1n de gagner beau-coup d'argent. Il ne peut avoir l'enthous1asme d'Hippolyte ou d'Edmond. Il a le sentiment d'6tre transformé en objet et il agit comme tel. Les conditions dans lesquelles il vit ne sont pas non plus de nature
à
améliorer sa vision du monde. Pour-tant, il r~ve de sortir de Saint-Henri, et, contrairement aux Lacasse, 11 a sdrement une chance de réussir car 11 a cho1si le meilleur chemin : l'instruction, le m'me que prennent les Touaignant.La différence. c'est que, en ce qui concerne oes der-niera, 11
n'y
a aucun obstacle. Le seul adversaire, Hlppolytey a fa1t tac1tement alluslon une fois lorsque Monsleur Dubreuil chassait illégalement. Bt 1'1nstituteur lui a répondU qU'il est impossible que le représentant du gouvernement pulsae se rendre, faoilement, dans l'1le de 1& Petite Poule d'Eau. D'ail-leurs, Ils sont aussi
à
l'abri des raoontars de voisina, de oOllègues, d'~s. Isolés sur leur tle, Ils se sentent des ma1tres. L'espaoe phya1que est immense pour une tamille.•
•
•
26 -J
Evldemment lcl, on est lo1n des quartiers pauvres tels qU'11s sont décr1ts dans BONHEUR D'OCCASION. Deux élé-ments sont très importants dans la vie des personnages.
Le premier, o'est qu'1ls n'ont pas l'impression d'8-tre des gêneurs pour leurs voisins ou pour leurs proohes. Dans BONHEUR D'OCCASION, les posSibilités de déplacement des person-nages les astreignaient
à
des lim1tes extr&mes. Ils vivaient les uns sur les autres et étaient extrAmement dépendants. Quand Eugène discute avec sa mère de son engagement mil1taire, 11 cherche en vain un coin où se placer. M&me la nuit, toute sa famille dort dans la même chambre et les uns et les autressont entassés, ont de la diffioulté
à
se mouvoir dans leur lit • Le jour, ils entendent les bruits de la ville et la nult, les petites agitations du sommeil des autres. Ils doivent aussi aocepter de vivre d'un maigre salalre. Dans BONHEUR D'OCCASION, o'est Florentine qui entretient la famille. Et Eugène, dans une rép11que violenteà
sa mère, montre que c'est la principale raison qui l'a guidé dans sa déoision.~;; A la oampagne, 11 y a de la plaoe pour. tout le monde:
tout est illimité et personne ne vit de l'argent de l'autre,
..
ni n'~mpl~te sur les biens des autres.
L'aotion se déroule dans des cadres très différents au point de vue géographique. Certains romans se situent dans les v111e8 et d'autres
à
la campagne. souvent, pour mettre en•
•
•
,
parallèle oes deux milieux, les m&mes personnages se transpor-tent de l'un
à
l'autre. Ainsi, Alexandre Chenevert ira sere-,
poser au Lao vert et ROse-Anna va rendre visite a Saint Denis. Ni l'un ni l'autre ne pourraient se décider à y vivre déf1ni-tivement, les deux, peut-~tre, pour des questions de pre8t1~e 800ial, sinon d'orgueil. Et pourtant, les lieux sont nette-ment différents et les personnages plus heureux de vivre
à
laoampagne.
L'auteur, s'il ne déorit pas ces lieux d'une manière 'systématique, gllsse, dans quelques phrases, des idées
généra-l •• assez s1gn1ficatives. Ce qui manquerait à la ville qu'ha-bitent les personnages de G. ROY, oe seraient sinon des paros, du moins la petite galerie, la véranda auxquelles ravent les Laoasse. Et auss1, peut-Atre, leur faudra1t-il un peu de so-leil. M&me les plantes de Rose-Anna semblent en Itre privées
~
et les enfants aussi pUisqu'elle soUha1te en avoir sur les gé-raniums et sur le bébé.
Les enrants, vollà une oatégorie 8001ale
à
laquelle on n'a pas pensé dan. les villes. On le8 rencontre surtout ·sur les trottoirs au milieu des saletés·. Ou alors oontinésà
l'intérieur des taudi., Ils n'ont d'autre recours que d'ob-server le mondeà
travers les ranAtr •• sales. Hien d1étqnnant qu'on ne puls.e parler que de leur regard ab.ent, de leur. pleur. répondant aux oris de. parenta. Les deux oocupations auxquelles 11. auraient pu .e liTrer. l'apprentl ••• geà
l'école,...
---~--~~
•
•
•
28
--des exerc1ces en ple1n alr, leur sont refusées.
Da.ns oette analyse, il t'aut réserver une place
spé-li
oiale à LA. RI VIERE SANS REPOS. Notons, cependant., un pOint commun avec la Vie
à
La oampagne telle qu'elle est déor1te dans ALEXANDRE CBENEVERT ou LA PETI TE POULE D'EAU :l'immens1-té des 11eux. Mais, fal t nouveau dans le Grand Nord: deux oa-tégorles de personnages y vivent. La population esquimaude, habltuée à ocouper très peu d'espaoe se contente aussl de peu. Une phrase des NOUVELLES ESQUIMAUDES résuae la sl t~tion :
"On était 'ouJ~urs, dans oe ~rand pays sans 11m1tes, a oourt d'abri"l.
Auoun problème ne se pose pour le vér1table Esquimau. La s1tuat1on se comp11que dans le cas de ceux qui ont des
oon-a
taots plus étr01ts avec les Blancs. Ainsi, Blsa est peut-Atre our1euse de ressembler à oelu1 qui est le père de son enfant. Alors, pour elle, le seul moyen est de vivre comme lui, d'éle-ver J1mmy
à
la manière des Blancs.Le premler changement opéré dans sa vie l'a été
à
lana1ssanoe de son Cils et surtout parce qU'lI ressemble
à
sonp~re. Elle bouleverse la v1e dans la petlte hutt.~où vIt sa famille. MaIntenant, 11 lui t'aut une place pour les vAte.enta du bébé, et, plus ~rd, une place ~our son
parc.
L'espaoe ré-duit mis,
à sa disposit1on est nettement lnsuff1sant et elle•
•
•
emp1ète oonstamment sur le terr1toire de W1nn1e et d'Arch1bald. Au début, l'auteur 1ns1ste sur son lngén10aité : elle ut1lise oe qui est
à
sa portée pour amé110rer son ex1stenoe... • ... 1
"A1dée par le grand-père, Elsa, de deux oa1sses de bo1s, Jad1s oontenants de sa1ndoux, leur a.Joutant des étagères et
un bout de plastique en gu1se de r1deau, se fabr1qua d'exoellentes arm01res fort oommodes pour y ranger son 11nge et oe-lui de l'enfant"l.
Pu1s, le dés1r de blen-~tre la pousse
à
l'égolsme "AUX tins d'avo1r une surtaoe oùtra-va1ller, Elsa éta1t astre1nte
à
la tâ-ohe de oonstamment déplaoer les objetsw1 •Le seoond ohangement, elle le tait après son
d1alo-..
gue avec le prltre. oette t01s par peur dè perdre son tl1s : elle dé01de de v1vre au V1eux Fort-Ch1mo. 101, la hutte est extr8mement étro1 te.. Elle s'en contente, cependant, et v1 t heureuse paroe que J1mmy l'est. D~s que sa vie sera en dan-ger, elle ohangera d'idée et retournera vivre parmi les Blancs. Cette t01s, elle aura la plus. belle ~utte de toùt le v11lage esqu1mau.
loi, oomme dans le~ autres oeuvres, la ~ture exté-rieure exerce sur les personnages une .grande 1ntluenoe. La
...
.
rivière Koksoak tait partie de la vie de toûs
et
les.évé~e-..
mente importante sont mllé. à son oours. W1nn1e meurt tacel
~
iLa alTière sans râpos, page 14). 21d. page 145'.
,.
..
•
•
.'
,30
-"
.
elle, en la oontemplant une dernière tais. Elsa, elle" se sent mal à l'alle quand elle n'a pas le temps d'y aller. Et l'auteur oompare sa vie
à
oelle d'une rivière qU'on ne peut em-p'oher de se Jeter à la mer. C'est qu'à force de vivre avec elle, elle a tini par lui ressembler.Dans les milieux urbains, les personnages n'ont pas oette possibilité. Alors, ils se modèlent sur les &tres hu-mains et tout le monde est confondu en un vaste troupeap
idèn-t1que, acoomplissant les mimes gestes aux mAmes heures, pressés par les mAmes besoins. De là, oette peur de l'opinion des
au-•
tres qui pousse Rose":Anna à déménager la nul t. C'est elle au.si qui in~pirera à Alexandre l'idée de taire aux voisins la maladie de Sa temme.
Dans LA RI VIERE SANS REPOS, comme dans LA MONTAGNE SECRETE, oe Phénomène est remplacé par une torme de mimétisme. A1nsi t ,elle opère en Pierre un bouleversement étrange qui
dé-,
bouone sur un espOir de perfeotion absolue. , Il éprouve une a-gltation fébrile qU'il n'arrive pas à identifier. Il ne sait
pais' non plus o'e qU'elle lui apportera. En attendant, il eSllale de préoiser certaines tormes extérieures. D'abord,
·11 eut l'impression d'un vaste paYBage~l Lorsqu'il a priS forme. 11 a~para!t dan. :
·oe. étranges laos enoerolés par le. Ro-oheus.e dans l.s hauteurs solitaires de
•
•
•
l'Alberta.. • Tout à coup au .111e~ "~a. leUr eau glac~le, un geyser
bOUillant"l',-Comme oe.geyser, Pierre ne p~ut "rester en place".
Le mimét1sme est enoore plus suggestlf que dans
LA
RI-VIERE SANS REPOS puisque l'auteur fa1t agir le personnage. Ilest oomme en,orcelé et n'a pas le oontr6le de ses aotes.
Ail-1 eurs, Nlna ~conte sa vie aupres de son pere et parle de ~'"
~'en-voiitement'· de la nature. Et le paysage exerce sur 'les person-nages une passiv1té telle qU'ils attendent dèS objets
une
1n-tervention bénéf1que sur leur vie :"D'après oe qU'elle raOonta enoore, P1erre crut oomprendre que~o~ deux Atres, sous une espèoe d'envontement oréé par la mono-ton1e de l'eau, la monotonie du oiel,
at-tendaient de la rivière qU'elle-m6me vtnt
à ae rompre un Jour par une visite
quel-oonque, un événement enf1n dans leurs v1es,,2.
Le paysage est majestueux, quelquefois profondément v1vant, d'autres fols "aooablant" et rabougri. Mais 11 est presque toujours attrayant et de nature
à
faire r'~&r s1nonà
une perfeotion, du moinsà
quelque ohose de npuveau.Bien de semblable dans les quart1ers urbalns. D'a11-leurs, les villes ne sont en ~a11té que de .~.s~es ohant1era. Et .'me alors, le. adultes en Ige de trava1ller sont pour la
plupart oisita. D'autres, aont obl1gé. de t~r. des heures supplémenta1res pour avoir un ulalre ra1sonnable. Il y a de
lLa Montagne seorète, p. 29. 21d • page
37.
...
~---~~.
•
•
, r•
32 -"---mult1ples probl~mes
à
résoudre.Le prin01pal sera1t, sans doute, d'abord oelui de lo-ger tous oes gens qui déferlent sur les centres urbains. Au
~épart, ils sont appelés
à
deven1r des 1nadaptés sooiaux. AlnS1,Rose-Anna, oampagnarde par son origine, ne peut s'empAoher d'a-voir la nostalgie de son village natal.
A travers elle, o'est toute une olasse so01ale qU'il faut rètrouver : oelle des nouveaux venus. Ils se reorutent Bouvent parmi les ohameurs que la teohnolog1e moderne élim1ne des·manufaotures. Azarius en fait partie. Venu en ville pour
,
faire fortune, il ne peut retourner a son v1llage. Il lui fau-dra1t, d'ailleurs, se réadapter.
La olasse des ch&meurs oompteauBsl des ratés. TelPitou
ob11gé d'abandonner l·éoole relativement Jeune. Il 86
retrou-ve malgré lui dans le monde des ad~ltes. Sans qualif1cat1on auoune, 1nadapté sooial, 11 n'a à'autre ohoix que de grossir
les rangs des paras1tes, des parias de la sooiété.
Ce sont des déclassés que le développement urbain a créés. Ils v1vent en marge de la so01été, Ils n'ont pas
tou-Jours oonsolence de leur problèmes. Au-dessus d'eux, on sent
~ la présenoe d'une olasse d1r1'geante : ~elle ,3qu1 possède les
biens et le pouvoir. C'.8~ elle qui déoide de la Tle d'une OOJDllunauté, qui oonnalt 8e8 problèmes ou qui se donne pour
ta-ohe de les résoWlre. Ma1s,«-~ on ne la voi t pas ~glr. l'auteur '7•
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fait vaguement allusion. Il a préféré montrer l'asoenslo~_ou
, ,
les possibilites offertes aux gens du milieu dans l.'personna-ge de Jean. A travers lui, oe sont surtout les diffioultés
qui apparaissent. Son ambltlon'eét quelquefois révoltante par l'amertume qu'on retrouve
à
oer;&ins de ses gestes. Mais, elle est légitime. C'est qU'il ne s'agit pas de passer de Saint-Henri à westmount, mais d'aspirerQ
une vie normale à laquelle tout homme a droit. Il y parviendra par le travail auquel 11sacrifie, d'a1lleurs, ses loisirs, ses sorties, en somme tout ce qui complète un individu.
Au-dessus de lui, l'auteur plaoe une classe a1sée qui permet d'observer un aspect différent de la vie à Salnt-Henri • Le personnage le plus important est Emmanuel. Il apporte une facette différente de la guerre. Lui aussi, veut défendre son pays. La plupart des Jeunes gens ava1ent fa1t de la guerre un
ga~~e-pain. Ce qui l'anime est
un
sent1ment bien plus noble le .patriotisme ou une forme de nat1onalisme.C'est le seul représentant d'une oatégorie différente
Tr~s peu de rense1gnements nous sont rourn1s~par
de la masse.
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~ns doute, a travers tous les passages le
oopoer-.
nant, Je conVient-il que de retenir un fait: l'intér&t qU'il
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porte à Florentine. A travers elle, on suivra, par exe~ple, oertaines oPinidhs des Létourneau. On pou~ra noter quelques éléments de plus pour éolairer le drame. Ainai, Madame Létour-neau s'1nquiète des relations de son fils àveo une petite
ven-...
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...
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-deuse et renaelgne son mari sur les parents de Florentine. Plus intéressant est le groupe dont fait partie le
gérant de banque dans ALEXANDRE CHENEVERT. Il est un exemple
de personnages qui ont réussi par le travail. Et on s~nt dans
son attltude qU'il est oalme, serein. Est-ce une preuve que
la réussite soclale se manireste dans le comportement de l'in-dividu? L'Ame des personnages de Gabrielle ROY nous révéle-rait-elle des faits ou oonfirmerévéle-rait-elle leur déohéanoe sooiale?
B.- L'aspeot psychologique
Les personnages vivent des drames profonds résultant
de déséquilibres soolaux. A des humains menant souvent une
vie presqu'anima~e, il arrive de réagir comme des animaux.
Leurs plus grands besoins sont d'ordre financier et la guerre mettra en lumière leur soif de l'argent et de satisfact10ns matérlelles. A oause de leur pauvreté, Ils ne peuvent que
re-Jeter certaines caté~or.les jugées encombrantes : la vieillesse,
l'enfance sont des stades de la vie qu'on devrait passer le
plus rapidement possible. Pourtant, qua que soit leur âge, un
sorOv commun appartient aux personnages et les m&mes tourments les assaillent: angoisse, ,inquiétUde, solitude. Autant de
sentiments qU'ils éprouvent tous.
En
analysant leur situationsoclale, on verra
à
quel point elle est liéeà
leur état d'âme.La plupart des ouvrages de Gabrielle ROY nous
re-•
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cherchent pour communier avec le ~onde extérieur ou s'en éloi-gner, soit qu'ils la subissent. Au début du roman, on est en présence d'une vie intense puisqu'une aventure humaine commen-ce. Si les acteurs du drame ne sont pas présentés, du moins on les suppose prêts l intervenir. Mais~ beaucoup d'entre eux demeurent'seuls tout au long du roman. Les dialogues sont peu nombreux et quand ils existent ce ne sont que des monologues, chaque personnage tenant
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ses idées et n'arrivant ~ rien com-muniquer • l'autre.En fait, les véritables discussions sont intérieures. Dans BONHEUR D'OCCASION, tous les personnage~ principaux ont dû
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prendre une décision importante. Florentine se réfugiera chez Marguerite. Mais, elle restena fermée ~ toute tentative de sa camarade 1 elle ne veut pas lui parler de ses prOblèmes. Eugène
s'engagera dans l'armée sans demander l'avis de personne. Aza-rius agira de même. D'ailleurs, il n'y a dans tout le roman qu'un personnage qui ait besoin de dialoguer et qui le manifes--te, c'est Rose-Anna. C'est seulement avec elle que les autres engagent une discussion, mais parce qu'elle les y amlne. Elle
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parle • Florenti~e quand elle la sent angoissée où quand elle-' même se trouve dans une situation embarrassante. Elle le fait '~
tr.~ brièvement d'ailleurs,. Chacune d'elle reste souvent avec
son chagrin ou avec ses idées. De même, le dialogue avec Eug~e ne change pas l'attitude du jeune homme ~i ce n'est qu'il le rend-plus irrité qu'auparavant •
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-Dans cette famille, on ne manifeste pas ses sentiments. "Même Rose-Anna abrite sa "tendresse sous des regards discrets et des mots d'un usage familier".
Par contre, les débats intérieurs semblent fructueux pour Florentine. Le rQman s'ach~vera s~ns que personne, pas même son mari, ne soit mis au courant des difficultés qu'elle a traversées. Peut-être a-t-il deviné, sans rien laisser pa-rartre, le drame de la jeune fille: Seule Rose-Anna avait la certitude que sa fille lui cachait quelqu~ chose. Elle a es-.sayé en vain de gagner sa confiance et de l'aider. Mais Flo-rentine préf~re tout régler seule et ne veut pas de ces con-solations •
Au moins, Azarius, 14i, peut s'évader en allant dis-cuter avec leo habitués des Deux Records.
Là,
il a un audi-toire plus conciliant que Rose-Anna ne peut l'être. Aussi yva-t-il souvent: Même s'il discute de longues heures sur dif-férents sujets, il ne dialogue pas véritablement puisque lui et les autres ne rév~lent pas toute leur pensée et con8id~rent ces échanges comme des exercices d'éloquence. ,
Rose-Anna, elle, parle l tout le monde