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La reconstruction et le développement des milieux ruraux en période post-conflit : étude de cas de Boyacá, Colombie, 2002-2013

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La reconstruction et le développement des milieux

ruraux en période post-conflit : étude de cas de

Boyacá, Colombie, 2002-2013

Mémoire

Kelie Lamarre-Bolduc

Maîtrise en sciences géographiques

Maître en sciences géographiques (M. Sc. géogr.)

Québec, Canada

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iii

Résumé

La région au nord du département de Boyacá a été grandement affectée par la présence de groupes armés illégaux. Ces derniers ont nui au développement local, à la mobilité interne et à la qualité de vie de la population. Cette recherche a comme objectif d’identifier et d’évaluer les initiatives et les acteurs engagés dans le développement local depuis le retrait en 2003 des groupes armés. L’enquête réalisée dans les communautés rurales d’El Cocuy et de Chiscas, par l’intermédiaire d’entrevues, a permis de rencontrer des citoyens et des intervenants. Il a été possible de constater que les forces armées militaires colombiennes font partie intégrante des communautés. Il appert également que les activités liées à l’écotourisme constituent la principale nouvelle stratégie économique depuis 2003. Néanmoins, le manque de ressources humaines et financières, la méfiance envers les autorités et la désorganisation constituent d’importantes contraintes au développement viable des communautés rurales étudiées.

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v

Abstract

The northern region of the Boyacá department has been broadly affected by the presence of illegal armed groups, thus harming local development, internal mobility and quality of life in general. The goal of this research is to identify and evaluate the initiatives as well as the actors involved in the development of the region after the withdrawal of armed groups in 2003. The inquiry carried out in Chiscas and El Cocuy, through interviews, allowed the issues of peace building, post-conflict coping and rural development strategies to be addressed. It has become evident that the Colombian military forces are an integral part in rural communities. It also seems that, since 2003, the main economic strategy is based on ecotourism and related activities. However, the lack of human and financial resources, coupled with mistrust of government institutions and disorganization, constitute important constraints on sustainable development in the studied rural communities.

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Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... v

Table des matières ... vii

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xiii

Liste des sigles ... xv

Remerciements ... xvii

Introduction ... 1

1. Problématique ... 3

1.1. Questions générale et spécifiques de recherche ... 6

1.2. Intérêt de la recherche ... 7

2. Cadre contextuel de la recherche ... 9

2.1. Les processus de pacification en Colombie ... 9

2.1.1. Les accords de paix et les défis de réussite ... 9

2.1.2. La politique de « sécurité démocratique » ... 12

2.2. Politiques nationales concernant le développement rural ... 14

2.3. Les parcs nationaux et la consolidation territoriale ... 16

2.4. Le rôle de la société civile colombienne dans la recherche et la promotion de la paix ... 18

2.5. Hypothèse de recherche ... 21

2.6. Objectifs de recherche ... 21

3. Présentation du territoire à l’étude ... 23

3.1. Caractéristiques géographiques ... 23

3.2. Le parc national naturel El Cocuy ... 27

3.3. Activités économiques de la région à l’étude ... 28

3.4. Profil démographique des communautés étudiées ... 29

4. Cadre conceptuel de la recherche ... 31

4.1. La paix ... 31

4.2. La sécurité ... 32

4.3. La reconstruction du tissu social ... 33

4.4. La société civile organisée ... 34

4.5. Le développement local ... 34

5. Méthodologie ... 37

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viii

5.1.1. Période du séjour d’études ... 37

5.1.2. Choix des communautés ... 38

5.1.3. Techniques de collectes de données ... 38

5.1.3.1. Observation directe ... 39

5.1.3.2. Entrevues semi-dirigées ... 40

5.1.3.3. Groupe de discussion ... 41

5.1.4. Techniques de recrutement ... 42

5.2. Traitement et analyse des données ... 42

5.3. Cadre opératoire ... 43

5.4. Éthique de la recherche ... 45

5.5. Limites et difficultés de la recherche ... 45

6. Analyse territoriale du conflit armé dans la région du nord de Boyacá et de ses coûts ... 47

6.1. La présence antérieure de groupes armés internes ... 47

6.2. Les coûts économiques du conflit ... 50

6.3. Les coûts du conflit à l’échelle locale ... 51

6.4. Les coûts sociaux du conflit ... 53

6.5. L’éloignement des guérillas ... 56

7. Description et analyse des initiatives de développement local et de reconstruction 59 7.1. L’encadrement institutionnel ... 59

7.1.1. L’insuffisance de ressources financières ... 60

7.1.2. La perception de la corruption ... 62

7.1.3. La perception des forces armées colombiennes ... 63

7.2. La structure organisationnelle ... 66

7.2.1. Éléments d’aménagement du territoire et développement des infrastructures 66 7.2.1.1. Projets résidentiels ... 66

7.2.1.2. Amélioration des routes et du réseau urbain ... 67

7.2.1.3. Technification rurale ... 69

7.2.1.4. Approvisionnement en eau et en énergie ... 70

7.2.2. Programme social ... 71

7.2.3. Aspect éducatif ... 72

7.2.4. Les activités touristiques ... 74

7.3. Les interactions sociales ... 78

7.3.1. Les conflits autour de la gestion de l’écotourisme ... 78

7.3.2. Réappropriation de l’espace public ... 79

7.4. La relation homme-milieu ... 80

7.4.1. L’affection pour la vie rurale ... 80

7.4.2. L’attachement au territoire ... 81

7.5. Retour sur les initiatives et leur efficacité ... 83

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ix

7.5.2. L'écotourisme, une stratégie économique nationale à retombées inégales ... 84

7.5.3. Programmes éducatifs ... 86

7.5.4. Plan général d’assistance technique directe rurale ... 88

7.5.5. Aménagement du territoire ... 89

7.6. Éléments de réappropriation territoriale... 92

8. Interprétation des résultats ... 95

8.1. Retour sur les stratégies pour le développement et la reconstruction des municipalités à l’étude ... 95

8.2. Une méfiance envers les décideurs difficile à renverser ... 99

8.3. Une reconstruction en phase de transformation ... 101

Conclusion ... 105

Bibliographie ... 109

Annexe 1 : Régions naturelles de la Colombie ... 119

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Liste des tableaux

Tableau 1. Projections de population pour El Cocuy et Chiscas ... 30

Tableau 2. Groupes d’acteurs rencontrés ... 42

Tableau 3. Montant mensuel accordé aux familles selon l’âge de l’enfant ... 72

Tableau 4. Nombre de visiteurs annuels au parc national entre 1997 et 2013 ... 74

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Liste des figures

Figure 1. Carte de la Colombie et de la région spécifique à l'étude, en rouge ... 25

Figure 2. Le village El Cocuy, à Boyacá ... 26

Figure 3. Le village Chiscas, à Boyacá ... 26

Figure 4. Emplacement du parc national naturel el Cocuy et des deux municipalités à l’étude, en rouge. ... 27

Figure 5. La laguna de la Sierra; paysage et páramo du PNN El Cocuy ... 28

Figure 6. Transport des habitants ruraux le jour du marché ... 39

Figure 7. Variables influençant la concrétisation d’initiatives de développement local ... 44

Figure 8. Intensité et évolution du conflit des groupes armés dans les municipalités près des parcs nationaux naturels Pisba-Cocuy, 1988-2001 ... 48

Figure 9. Localisation géographique du bataillon haute montagne dans la région d’étude .. 57

Figure 10. Répartition de l’occupation des principaux groupes armés illégaux en 2012 ... 58

Figure 11. Résidence endommagée en milieu rural………..68

Figure 12. Exemple d’un quartier urbain à El Cocuy entretenu et desservi ... 68

Figure 13. Cabanes touristiques Guaicani, près de l'entrée du parc national... 76

Figure 14. Paysage et environnement du parc national qui se dégrade ... 76

Figure 15. Frailejones, une espèce endémique des Andes (famille des Astéracées) qui régularise le cycle de l’eau ... 78

Figure 16. Paysage rural de la région d’étude ... 82

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Liste des sigles

AMOR Association des femmes de l’Est d’Antioquia

ASONORMANDO Association colombienne des éleveurs de bétail de race normande CEPSI Centre d'études sur la paix et la sécurité internationale

DANE Département administratif national des statistiques DNP Département national d’aménagement

ECHO Service d'aide humanitaire et de protection civile de la Commission européenne

ELN Armée de libération nationale EPL Armée populaire de libération

FARC Forces armées révolutionnaires de Colombie FINAGRO Fonds de financement du secteur agropastoral FLMN Front Farabundo Martí de la libération nationale INDEPAZ Institut des études pour le développement et la paix IPI Institut international pour la paix

M-19 Mouvement du 19 avril

MAQL Mouvement armé Quintin Lame

MCIT Ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques ODDHH Observatoire du programme présidentiel des droits humains et du

droit international humanitaire OFP Organisation féminine populaire ONG Organisation non gouvernementale ONU Organisation des Nations unies PNN Colombia Parc national naturel de Colombie PNN El Cocuy Parc national naturel El Cocuy PRIO Institut des études pour la paix d’Oslo

PRT Parti révolutionnaire des travailleurs SENA Service national d’apprentissage

SIPRI Institut international de recherche sur la paix de Stockholm

SISBÉN Système d’identification de bénéficiaires potentiels de programmes sociaux

UMATA Unité municipale d’assistance technique agricole UNODC Bureau des Nations unies contre la drogue et le délit

UP Union Patriotique

USAID Agence des États-Unis pour le développement international USIP Institut des États-Unis pour la paix

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Remerciements

Ce travail a été possible grâce à l’appui et aux judicieux conseils de plusieurs personnes. Je tiens avant tout à remercier grandement ma directrice de recherche, Nathalie Gravel, qui a toujours été présente pour m’orienter lors de mes questionnements au cours de la maîtrise. Elle a su susciter mon intérêt par ses nombreuses idées et suggestions pertinentes de lecture et m’a permis de réaliser ma recherche en Colombie, mon grand coup de cœur de l’Amérique latine. Mes sincères remerciements à mes évaluateurs Frédéric Lasserre et Guy Mercier pour leurs précieux conseils lors de nos rencontres qui m’ont aidée à enrichir mon travail. Merci également à Steve Déry pour sa présence et ses suggestions lors du séminaire de maîtrise qui ont été fort utiles pendant la rédaction du mémoire.

Ma plus grande gratitude va à mon meilleur ami et mari, Carlos, pour m’avoir accompagnée et assistée lors de mon séjour à El Cocuy et Chiscas, pour son appui moral, pour nos nombreuses discussions m’ayant permis d’approfondir mes réflexions et pour avoir contribué à ma persévérance durant les dernières années. Merci aussi à mes beaux-parents, Nidia et Carlos, qui m’ont grandement aidée grâce à leurs connaissances de leur pays natal, la Colombie, à trouver un endroit sécuritaire et pertinent afin de réaliser mon projet de recherche. Mon expérience n’aurait probablement pas été autant bénéfique sans leurs recommandations.

Merci aux deux femmes qui nous ont accueillis lors du séjour à El Cocuy et Chiscas ainsi qu’à tous ceux qui ont très gentiment accepté de participer à mon projet. Ma recherche n’aurait pas pu se concrétiser sans leur temps et leurs nombreux témoignages.

Un grand merci à ma petite sœur Émilie et à mon amie Marie-Pier pour m’avoir encouragée tout au long de ma maîtrise ainsi que pour leur intérêt très apprécié envers mon projet. Finalement, merci à mes parents qui m’ont appuyée dans mon désir d’entreprendre de longs voyages à un jeune âge et de retourner aux études. Vous avez ainsi contribué à mon envie de comprendre notre monde et au développement de ma curiosité intellectuelle.

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Introduction

Depuis plusieurs décennies, force est de constater que de nombreux conflits armés internes ont éclaté dans une multitude de pays. Ces conflits armés se distinguent selon leur intensité, leur durée, mais aussi d’après l’espace qu’ils occupent sur le territoire (Hugon, 2006). De plus, l’origine des conflits armés varie eu égard au contexte du pays et inclut souvent plusieurs acteurs et variables (militaires, politiques, sociaux, économiques, culturels, etc.), ce qui complexifie d’ailleurs la résolution du conflit. Il est toutefois possible de constater que les injustices, l’absence de démocratie ainsi que les rivalités territoriales ou de pouvoir constituent dans bien des cas la base du conflit (Addison et Brück, 2009a; Burnell, 2009; Hugon, 2006). À cet effet, Addison et Brück (2009a) ajoutent que le degré d’inégalité entre les personnes riches et celles moins nanties est un important facteur menant à un conflit dans un pays.

Ces conflits internes amènent une déstructuration des relations sociales, voire une destruction de l’ordre social, en plus de causer préjudice au développement humain et économique (Addison et Brück, 2009a; Hugon, 2006). Parallèlement à l’apparition des nombreux conflits, il est possible de noter l’émergence, depuis plusieurs décennies, d’études, d’instituts ou de groupes de recherche portant sur la paix, la prévention de même que la résolution de conflits et plus récemment, la reconstruction post-conflit. À titre d’exemple, notons la création de l’Institut des études pour la paix d’Oslo (PRIO) en 1959, l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI) en 1966, l’Institut international pour la paix (IPI) en 1970 et l’Institut des États-Unis pour la paix (USIP) en 1984. À ceci s’ajoute une multitude de centres de recherche ou de programme d’études portant sur la paix tels que le Centre d’études sur la paix et la sécurité internationale (CEPSI) de l’Université de Montréal et l’Université McGill, le Centre de recherche sur le conflit de l’Université Saint-Paul à Ottawa ou le Centre d’études pour la paix à l’Université McMaster à Hamilton, pour n’en nommer que quelques-uns. La multitude de recherches et de publications effectuées démontre ainsi l’importance accordée à la paix dans les relations et la coopération internationales. Toutefois, le développement local et la reconstruction sociale en contexte de pacification sont des sujets encore peu approfondis dans les études portant sur la paix.

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2

Cette recherche s’intéresse aux conséquences du retour de la paix en ce qui concerne le développement local d’une région rurale au nord de la Colombie, et plus précisément, au volet social de la reconstruction post-conflit. La recherche vise à comprendre, dans un premier temps, les stratégies qui ont permis d’éloigner les groupes armés illégaux du territoire, puis celles qui ont par la suite été possibles de mettre en place afin de favoriser le développement économique et social des communautés rurales. Cette recherche s’inscrit ainsi dans le champ d’étude de la géographie humaine, plus particulièrement de la géographie rurale et de la géographie politique, étant donné le territoire retenu pour cette étude tout comme la présence de rivalités récentes entre les différents groupes armés illégaux, les forces armées militaires colombiennes et les communautés rurales.

Le présent mémoire de maîtrise est divisé en neuf parties. Tout d’abord, la situation problématique et le contexte historique derrière cette recherche sont présentés au premier chapitre, suivi du cadre contextuel et de la présentation du territoire à l’étude, soit une région montagneuse de la province de Boyacá, au nord de la Colombie. Par la suite, le quatrième chapitre expose les principaux concepts théoriques utilisés dans le cadre de cette recherche. La méthodologie utilisée pour la réalisation de l’étude est décrite au cinquième chapitre, tandis que le suivant est consacré à une analyse territoriale du conflit armé et des coûts sociaux et économiques infligés aux populations rurales afin que le lecteur puisse mieux visualiser la réalité qu’elles vivent ou ont vécu. Finalement, la description et l’analyse des initiatives de développement local et de reconstruction sont présentées au septième chapitre, suivi de l’interprétation des résultats en lien avec les objectifs, l’hypothèse de recherche et la littérature portant sur le sujet.

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1. Problématique

La violence figure parmi les principales contraintes au développement en Colombie (Solimano, 2000), le pays étant marqué par d’importants conflits depuis près d’un siècle (Pécaut, 2008). Ces conflits trouvent leur origine dans les luttes agraires qui ont eu lieu dans le monde rural colombien depuis les années 1920 en raison de la concentration des terres aux mains de grands propriétaires terriens. Ce problème explique la formation du parti communiste en 1930 et celle de diverses organisations paysannes, lesquelles ont constitué en partie les bases sociales rurales des forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) lors de leur formation officielle en 1966 (Idem).

La période de violence politique contemporaine, nommée la Violencia, représente une cause majeure de la formation de groupes armés. Le début de cette période remonte à 1948, année de l’assassinat d’un candidat populaire libéral, ce qui a engendré une guerre civile entre les partisans des deux partis (conservateur et libéral) et causant, principalement dans les milieux ruraux, entre 80 000 et 400 000 morts (Safford et Palacios, 2002). L’émergence de guérillas révolutionnaires et communistes1 dans les campagnes durant les années 1960 constitue une

manifestation de la contestation face au système bipartisan et de la lutte contre le régime impérialiste et contre les inégalités vécues par les paysans. À cet effet, selon Daniel Pécaut, spécialiste français reconnu de la Colombie, directeur de recherche à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris et auteur de l’ouvrage Les FARC, une guérilla sans fins?,

les FARC se situent dans la continuité des conflits agraires […]. Elles renvoient à l’expérience récente de la Violencia, et donc à la mémoire immédiate. Elles s’inscrivent enfin dans le contemporain de la radicalité révolutionnaire anti-impérialiste. Elles sont donc à la fois « traditionnelles » et « modernes ». Elles sont imprégnées de la société rurale et de revendications paysannes (Pécaut, 2008 : 19).

D’autres guérillas ont vu le jour parallèlement à la formation des FARC, telles que l’Armée de libération nationale (ELN) et l’Armée populaire de libération (EPL). Aussi, la situation politique en Colombie s’est complexifiée davantage avec l’émergence de groupes

1 L’idéologie des FARC, prosoviétique, se trouve dans le marxiste-léniniste, au début de leur formation du moins, et celle de l’EPL résidait dans le maoïsme (Banque mondiale, 2000). La révolution cubaine a également été un important facteur d’influence pour la formation des FARC et particulièrement pour l’ELN qui est pro-castriste (Chernick, 2009; Banque mondiale, 2000).

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additionnels de guérillas dans les années 1970, notamment le Mouvement armé Quintin Lame (MAQL) ou le Mouvement du 19 avril (M-19). Ces derniers groupes, tout comme l’EPL, ont toutefois rendu les armes dans les années 1990 (Nasi, 2009).

De plus, les années 1970 correspondent à l’arrivée de la culture et du trafic du cannabis. Après la campagne du gouvernement de Julio César Turbay (1978-1982) d’éradication du cannabis par fumigation aérienne, les narcotrafiquants se sont tournés dans les années 1980 vers l’importation, le traitement et le trafic de la feuille de coca, en provenance du Pérou et de la Bolivie. Les cartels de drogue de Cali et de Medellín ont ainsi émergé. Les FARC se sont associées avec les narcotrafiquants à la fin des années 1980, augmentant ainsi leur pouvoir et leurs revenus, en leur offrant la protection pour la culture de la coca sur leur territoire.

À cette même époque, les paramilitaires (ou groupes d’auto-défense) ont surgi dans les milieux ruraux. La formation de ces groupes armés d’extrême droite, initiative en général des grands propriétaires terriens, est une réponse à l’expansion territoriale des FARC, à la création de leur parti politique gauchiste en 1985, l’Union Patriotique (UP), ainsi qu’à l’inefficacité de l’État dans la protection de leurs intérêts. Le contrôle du gouvernement se trouvait donc affaibli devant l’expansion géographique dans les années 1990 des guérillas (FARC, ELN) et des paramilitaires; l’explosion du narcotrafic, de la violence et des conflits armés internes; et l’intensification de la production de la feuille de coca.

La crise économique qui a frappé la Colombie dans les années 1990 a également contribué à la croissance de l’économie informelle de la production illégale de la feuille de coca. Le démantèlement au courant des années 1990 des cartels de drogue a contribué à la prise de contrôle, par des guérillas et des paramilitaires, de la culture de la coca, source de revenus incommensurable. De plus, les guérillas, pour assurer davantage leur autonomie financière, procédaient également à des enlèvements et à des extorsions (les victimes étant des employés de compagnies pétrolières dans le cas de l’ELN), rendant par le fait même les déplacements à travers le pays, et même d’une ville à l’autre, de plus en plus risqués (Álvarez et Rettberg, 2008). D’ailleurs, l’insécurité causée par la présence accrue des groupes armés a engendré d’importants coûts économiques, difficilement quantifiables dans leur totalité, pour le pays : une baisse du PIB, le bouleversement de diverses activités économiques sur le territoire, la

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5 perte d’opportunités, une hausse des dépenses en sécurité nationale, etc. (Álvarez et Rettberg, 2008).

En ce qui concerne les coûts sociaux du conflit, à la fois physiques et psychologiques, leur ampleur varie selon la région et l’intensité du conflit. Parmi les coûts souvent dénoncés dans les études portant sur la violence en Colombie, notons les nombreux abus, les massacres, les viols ou les tortures envers les populations locales soupçonnées de sympathiser avec un groupe opposé, surtout ceux de la gauche. En raison notamment du contexte anticommuniste de cette époque, les paramilitaires seraient responsables d’environ 70 pourcent des crimes de violation des droits humains commis depuis cette période (Hudson, 2010). De plus, les déplacements forcés, en croissance depuis les années 1990, sont une autre forme de violence de la part, surtout, des groupes armés2, en particulier envers les femmes, les enfants, les

Afro-Colombiens et les communautés indigènes. Avec environ trois millions de victimes, la Colombie serait, après le Soudan, le pays avec le plus de personnes déplacées de force (Rojas, 2009b).

Ainsi, la violence résultant du conflit armé a affecté principalement le milieu rural, et surtout les zones frontalières, puisque les bases et les appuis aux différents groupes provenaient des campagnes (Safford et Palacios, 2002). Bien qu’il y ait eu quelques actions dites terroristes dans les centres urbains, elles ne représentaient cependant pas une part significative des activités des groupes armés illégaux. La criminalité et la violence en milieu urbain sont certes aussi présentes, mais elles résultent plutôt de facteurs tels que la pauvreté, la délinquance, l’insécurité financière, la marginalité et les vols ou les disputes sous les effets de la drogue ou de l’alcool (Idem).

La réponse du gouvernement face au conflit armé interne a pris plusieurs directions : des tentatives de négociation et la mise en place de processus de paix avec les guérillas (chapitre 2.1.), l’éradication des champs de cannabis et de champs de coca par l’entremise du plan Colombie ainsi que des programmes de démobilisation et l’utilisation de la force militaire

2 Les déplacements forcés ont été causés principalement par les paramilitaires (45,67 pourcent) puis, par les guérillas (12,32 pourcent). La présence de deux acteurs armés ou plus sur un même territoire est également la source de 19 pourcent des déplacements forcés. Finalement, les militaires, les narcotrafiquants, les grands éleveurs, les commerçants et les entreprises nationales ou transnationales engendrent également des déplacements forcés (Bello, 2004).

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avec la politique de « sécurité démocratique ». Malgré l’existence de controverses quant à la politique de « sécurité démocratique » employée par le gouvernement d’Álvaro Uribe Vélez en 2002 (chapitre 2.1.), il appert que le territoire colombien jouit tout de même, aujourd’hui, d’une plus grande sécurité, d’une diminution de la violence et d’une meilleure accessibilité (Rojas, 2009b; Elhawary, 2010; Cárdenas Acosta, 2011; Atehortúa Cruz et Rojas Rivera, 2012). Ceci a permis, entre autres, la reprise du développement et le déploiement de stratégies de croissance économique, qui s’avèrent en général efficaces notamment avec la création en 2002 du Ministère du Commerce, de l’Industrie et du Tourisme (MCIT). On note à cet effet que les campagnes de promotion et de publicité de la Colombie, durant les mandats du président Álvaro Uribe Vélez (2002-2010), pour améliorer sa compétitivité et son image sur la scène internationale ont favorisé l’arrivée d’investisseurs étrangers et du tourisme international (chapitre 7.5.) dans plusieurs régions du pays autrefois dangereuses et peu accessibles.

Dans ce contexte, ce présent travail s’intéresse particulièrement à la reconstruction sociale des communautés, aux acteurs impliqués ainsi qu’aux nouvelles possibilités de développement local qui s’offrent aux municipalités après la fin d’une période de rivalités entre différents groupes armés illégaux sur le territoire rural. Néanmoins, il convient de mentionner que, malgré la sécurité accrue et la démobilisation de milliers de paramilitaires ou de guérilleros, la Colombie demeure encore aujourd’hui un pays en proie aux conflits internes qui persistent dans plusieurs régions rurales. La promotion de la paix pour contribuer au développement des régions rurales demeure ainsi encore un des enjeux pour le pays.

1.1. Questions générale et spécifiques de recherche

En tenant compte de la problématique exposée ci-haut, nous considérons la question générale suivante pour la recherche : Quels sont les moyens privilégiés par l’État colombien et, dans une autre mesure, par les organismes nationaux, pour favoriser le développement rural en période post-conflit en Colombie? Plus spécifiquement, cette recherche tente de répondre aux questions suivantes :

Quelles sont, dans les régions libérées, les initiatives mises en place par les acteurs nationaux ou locaux pour stimuler le développement local et la reconstruction de la cohésion sociale

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7 des communautés rurales en période post-conflit? Comment se structurent l’action sociale ainsi que les interactions entre les membres des communautés au sein des municipalités libérées?

1.2. Intérêt de la recherche

Les coûts sociaux et économiques du conflit armé interne en Colombie sont bien documentés grâce aux nombreuses études portant sur la violence, les conflits et la violation des droits humains. Toutefois, le développement local en période post-conflit et en contexte de pacification est un sujet très peu abordé dans les régions rurales colombiennes. De ce fait, il n’y aurait aucune étude connue traitant de la reconstruction post-conflit en milieu rural dans la région du nord-est de la Colombie. Pourtant, la Colombie est un pays où ce type d’étude devient de plus en plus approprié, même si le conflit perdure encore à certains endroits. Ainsi, un des principaux intérêts de la recherche réside dans son originalité tout comme dans la pertinence de la thématique et de la région choisie, cette dernière étant libre depuis 2003 de la présence de groupes armés illégaux.

Cette recherche permettra également de comprendre ce qui fait la particularité du territoire à l’étude, par exemple les acteurs impliqués, les initiatives locales, s’il y a lieu, et les politiques ou les programmes locaux. Comme les initiatives développées par les Colombiens et les Colombiennes du nord de Boyacá feront l’objet de cette étude, il serait intéressant de voir comment ces dernières pourraient devenir une source d’inspiration pour d’autres localités, considérant les facteurs de réussite et les obstacles surmontés ou rencontrés. Cependant, puisque la recherche s’est déroulée dans deux municipalités précises et que chaque endroit a sa propre réalité particulière, les résultats de la recherche ne peuvent être généralisés aux autres milieux ruraux du pays.

Finalement, cette recherche pourrait contribuer à l’avancement des connaissances et à la compréhension d’une problématique d’intérêt majeur en Colombie : celle de la violence, des inégalités, de la pauvreté en milieu rural et de la complexité de mettre en place des initiatives efficaces en vue de la reconstruction en période post-conflit.

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2. Cadre contextuel de la recherche

Afin de bien comprendre le contexte de la Colombie, il convient d’effectuer une revue de la littérature spécifique aux processus de pacification en son territoire. Ces derniers se réfèrent aux tentatives de résolution du conflit armé de la part de l’État et les stratégies politico-militaires ayant eu des impacts réels positifs sur la population colombienne. Les principales orientations gouvernementales et politiques nationales en matière de développement rural sont ensuite présentées afin de comprendre les priorités du gouvernement en la matière. Puis, la reprise des parcs nationaux comme stratégie de contrôle territorial de l’État est expliquée, ces espaces naturels étant notamment utilisés comme lieux de refuge par des groupes armés illégaux. Finalement, la contribution de la société civile colombienne et internationale dans la recherche et la promotion de la paix est aussi abordée puisque même si plus informelle et de moindre envergure que les stratégies nationales, il n’en demeure pas moins que les initiatives locales existent et portent souvent fruit.

2.1. Les processus de pacification en Colombie

La pacification, soit l’action de restituer la paix, fait appel à une multitude de stratégies selon les divers contextes. Dans le cadre de ce mémoire, il convient d’expliquer deux stratégies particulières et opposées pour rétablir la paix et la sécurité à travers la Colombie, soit les accords de paix et la politique de « sécurité démocratique ».

2.1.1. Les accords de paix et les défis de réussite

Premièrement, il importe de mentionner qu’en Colombie les processus de paix se réfèrent principalement aux dialogues entre le gouvernement colombien et les groupes armés dans le but de terminer un conflit qui dure depuis un demi-siècle. Les négociations étaient au centre des solutions envisagées par les présidents3 jusqu’à l’arrivée d’Álvaro Uribe Vélez en 2002.

3 Les négociations avec les guérilleros remontent à 1984 avec le gouvernement de Belisario Betancur Cuartas (1982-1986), puis en 1990-1991 avec le président Virgilio Barco Vargas (1986-1990) et son successeur César Gaviria Trujillo (1990-1994). Les dernières négociations avec les FARC avant l’arrivée d’Álvaro Uribe Vélez remontent à 1998 avec le gouvernement d’Andrés Pastrana Arango (1998-2002), qui furent un échec. Une nouvelle tentative de dialogue de paix a été amorcée par le président actuel Juan Manuel Santos à la Havane en 2012. Le dialogue avait toujours lieu en décembre 2014, quoique la signature d’un accord final semble incertaine.

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Les négociations impliquaient avant tout les points et les thèmes de discorde à traiter pour parvenir à un accord de paix entre le gouvernement en place et les guérillas. Il est à noter qu’aucun des précédents dialogues n’est arrivé à un accord durable ni avec l’ELN, ni avec les FARC. Toutefois, les négociations de 1990-1991 ont mené à des accords de paix avec quatre groupes de guérilla, soit le Mouvement du 19 avril (M-19), l’Armée de libération populaire (EPL), le Parti Révolutionnaire des Travailleurs (PRT) et le Mouvement Armé Quintin Lame (MAQL). Ainsi, ce sont 3726 guérilleros qui ont rendu les armes et qui se sont réintégrés dans la société (Nasi, 2009).

Les négociations avec les FARC et l’ELN demeurent néanmoins plus complexes puisque leur formation repose sur une idéologie communiste et s’inscrit dans un combat contre les problèmes structurels, tels que l’exclusion ou l’injustice. D’ailleurs, les FARC réaffirmaient leur position initiale lors des différentes négociations (Chernick, 2009). Selon Nat Colletta et al. (2000), il est primordial, durant les négociations, de prendre en compte l’origine de la violence et des conflits internes, puis de penser à réformer les structures économique, politique et sociale, ce qui s’avère très difficile. Les auteurs Addison et Brück (2009a) abondent dans le même sens. Pour atteindre une paix durable, ils affirment qu’il importe de comprendre et de s’attaquer aux motifs du conflit, mais aussi de prendre des actions concrètes dans la foulée de la signature des accords de paix. À cet effet, certains auteurs et organisations affirment que le Guatemala a échoué dans la résolution de l’impunité et la réparation des injustices commises contre le peuple indigène durant la guerre civile et ce, malgré les promesses émises dans l’Accord pour une paix stable et durable, signé en 1996 (Addison et Brück, 2009b; Amnesty International, 1997).

En revanche, Carlos Nasi (2009) a démontré que toutes les négociations entre le gouvernement et les guérillas (les FARC principalement) ayant tenté de résoudre les problèmes structurels de la Colombie ont échoué. L’auteur propose plutôt de donner du pouvoir aux groupes rebelles dans la sphère politique et de définir une façon pour y inclure les différences d’idéologie et d’opinions politiques. En effet, la participation et l’intégration politique des guérillas comme acteurs légitimes contribuent au succès des accords de paix. Ce fut le cas pour le Front Farabundo Martí de la libération nationale (FMLN) au Salvador, le Congrès National Africain en Afrique du Sud ou le M-19 en Colombie qui a rendu

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11 définitivement les armes en 1990 et a intégré légalement la sphère politique (López Montaño et García Durán, 2000).

De surcroît, les processus de paix en Colombie sont parfois accueillis froidement par la population comme le mentionnent Adam Isacson et Jorge Rojas Rodríguez (2009). En effet, les négociations ne laissent pas de place à la société civile. « Le processus de paix n’a aucun citoyen. C’est sa plus grande faiblesse. Le processus est dans les mains des maîtres de la guerre » (Isacson et Rojas Rodríguez, 2009 : 25. Traduction libre de l’anglais). Selon Nat Colletta et al. (2000), une paix durable peut être atteinte seulement si tous les acteurs sociaux sont inclus dans les processus et si elle assure des opportunités pour tous. La consultation et la participation de la société civile sont donc essentielles et peuvent jouer un rôle significatif car elle peut émettre des recommandations et faire valoir ses principales revendications lors des discussions. Durant les négociations du gouvernement Santos avec les FARC, un Conseil a ainsi été mis en place pour une première fois en novembre 2012, appuyé par l’Organisation des Nations Unies (ONU), pour que les citoyens puissent participer en inscrivant en ligne leurs propositions quant aux négociations de paix (El Tiempo, 2012a).

En plus des derniers éléments mentionnés, certains auteurs croient qu’il faut intégrer plusieurs caractéristiques particulières pour parvenir à la paix et la maintenir. Par exemple, il importe de reconstruire le capital humain4 et social5, en particulier à l’échelle locale, où les

effets de la violence politique, économique et sociale ont été plus sévères. À cet égard, Catherine Moser (2000) propose d’établir des politiques à caractère social pour contrôler et prévenir la violence. À titre d’exemple, les formations et l’accès à une éducation de qualité offrent des alternatives à la délinquance. De plus, l’éducation est un moyen pour promouvoir la participation dans les prises de décision et la démocratie locale, aspects importants pour le développement local. Elle suggère également de mettre l’accent sur la reconstruction de la cohésion sociale, la réconciliation avec le passé et de redonner confiance aux communautés pauvres, éléments qui sont pertinents dans un contexte tel que celui du nord de Boyacá.

4Selon la définition de l’Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE), le capital

humain englobe « les connaissances, les qualifications, les compétences et les autres qualités d’un individu qui favorisent le bien-être personnel, social et économique » (Keeley, 2007 : 30).

5 Le capital social, contrairement au capital humain, est une notion qui réside avant tout dans les relations, les capacités sociales. Selon l’OCDE, « le capital social correspond, par définition, à des réseaux ainsi qu’à des normes, valeurs et convictions communes » (OCDE, 2001 : 47).

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2.1.2. La politique de « sécurité démocratique »

L’un des plus grands critiques des négociations de paix du gouvernement d’Andrés Pastrana Arango (1998-2002) et de Juan Manuel Santos (2010-2014) avec les FARC est l’ancien président Álvaro Uribe Vélez (2002-2010). En effet, ce dernier considère que les échecs répétitifs des négociations révèlent que les guérillas ne sont plus dirigées par des motivations politiques, mais plutôt par des profits du narcotrafic (Elhawary, 2010). Selon lui, c’est une erreur de penser que la seule voie pour atteindre la paix est à travers le dialogue (Uribe Vélez, 2012). Álvaro Uribe Vélez s’est présenté comme candidat à la présidence en 2002, après la mise en place du Plan Colombie6 et l’échec des négociations du gouvernement d’Andrés

Pastrana Arango avec les FARC. En effet, ceux-ci ont profité de la zone démilitarisée, autorisée par le président durant les négociations de paix, pour leur renforcement ainsi que leur réorganisation militaire. En revanche, Álvaro Uribe Vélez proposait la construction de l’État communautaire, comprenant l’encouragement aux investisseurs, la cohésion sociale et la politique de « sécurité démocratique », une stratégie militaire intransigeante et controversée envers les guérillas qui consistait à les combattre en décrétant la guerre contre le terrorisme. Selon lui, assurer la sécurité est une « valeur fondamentale devenant un instrument indispensable pour la paix et pour le développement du pays » (Cárdenas Acosta, 2011 : 3).

La politique d’Álvaro Uribe Vélez a été l’objet de maintes critiques. Par exemple, Atehortúa Cruz et Rojas Rivera (2012) dénoncent l’augmentation des inégalités et de l’indigence que la politique d’Álvaro Uribe Vélez a menée. Selon eux, le milieu rural est devenu plus pauvre et inégal, tandis que la criminalité commune a augmenté dans les villes suite à la négligence de la sécurité urbaine. Ceci serait dû notamment aux efforts déployés pour combattre les groupes armés illégaux dans les régions reculées. Dans le même ordre d’idées, Manuel Cárdenas Acosta affirme que la croissance économique et la pratique développementaliste prônées par Álvaro Uribe Velez n’ont été bénéfiques qu’à la classe dominante, le secteur privé et à la bourgeoisie, creusant ainsi les inégalités déjà existantes entre les classes sociales.

6 Le Plan Colombie a été lancé en 2000 durant le gouvernement d’Andrés Pastrana Arango. Ce plan, hautement soutenu et financé par les États-Unis (1.3 milliard USD promis pour les deux premières années), avait comme objectifs principaux de lutter contre le narcotrafic, de renforcer et de moderniser le secteur militaire (Elhawary, 2010).

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13 Plusieurs autres auteurs abondent dans le même sens. Par exemple, Samir Elhawary (2010) affirme que la politique de « sécurité démocratique » d’Álvaro Uribe Vélez a certes mené à une diminution de la violence et des menaces par les groupes de guérillas, mais qu’elle est limitée aux centres urbains et économiques du pays. Ainsi, une grande partie de la population ne bénéficie pas de la sécurité ni de la protection promises par Álvaro Uribe Vélez, en particulier les Afro-Colombiens et les indigènes qui ont subi de graves violations des droits de l’homme7, surtout de la part des paramilitaires et même des employés de l’État. L’auteur

met également l’accent sur les deux millions de personnes déplacées depuis le lancement de la « sécurité démocratique » et les nombreuses accusations erronées d’affiliation avec les « terroristes » envers la société civile et les défenseurs de droits de l’homme. Ces violations, d’après Atehortúa Cruz et Rojas Rivera, « constituent l’aspect le plus inquiétant de l’application de la politique de sécurité démocratique » (2012 : 99).

Cristina Rojas (2009), pour sa part, affirme que la priorisation des dépenses du secteur militaire a conduit à une dégradation des conditions sociales, comme le soutient Manuel Cárdenas Acosta. Elle ajoute que la politique d’Álvaro Uribe Vélez a favorisé davantage les criminels que les victimes par la mise en place de la loi Justice et Paix. Cette loi a en effet contribué à la démobilisation, souvent avec impunité ou avec peine réduite, de plus de 30 000 paramilitaires. Pourtant, ceux-ci ont commis de nombreuses violations des droits de l’homme. Ainsi, son programme manque de justice et de réparation envers les victimes des conflits. Qui plus est, certains groupes de bandes criminelles avec une structure semblable à celle du paramilitarisme ont surgi après la démobilisation (Atehortúa Cruz et Rojas Rivera, 2012). Pour finir, Cristina Rojas dénonce la dépossession à des fins de sécurité, c’est-à-dire les expropriations pour permettre l’installation d’investisseurs étrangers et d’entreprises internationales agroalimentaires qui favorisent le développement économique du pays. Par contre, malgré les critiques, environ 60 pourcent de la population s’est montrée favorable aux politiques d’Álvaro Uribe Vélez durant les huit années de son mandat (Rojas, 2009b). « La popularité de cette politique s’est exprimée de manière éclatante par les hauts niveaux

7 Les violations des droits de l’homme consistaient principalement aux exécutions extrajudiciaires, aux fausses accusations d’affiliation avec la guérilla, aux disparitions, aux déplacements forcés et aux détentions arbitraires.

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d’optimisme et de confiance qu’elle a inspirée en matière de perspectives du conflit comme de défaite ou de réduction des groupes armés illégaux » (Atehortúa Cruz et Rojas Rivera, 2012 : 83). À cet effet, Cristina Rojas, Manuel Cárdenas Acosta, Atehortúa Cruz et Rojas Rivera ainsi que Samir Elhawary affirment tous que le gouvernement d’Álvaro Uribe Vélez a marqué des gains : l’affaiblissement et la diminution du nombre de guérillas; la démobilisation de plus de 30 000 paramilitaires; une réduction générale de la violence, du nombre de meurtres, de massacres et d’enlèvements; le retour de la sécurité sur les grands axes routiers; une diminution de la piraterie terrestre; et la présence accrue des forces de sécurité dans les municipalités, celles-ci se trouvant dans 300 municipalités en 2002, puis, dans 1098 en 2006 (Elhawary, 2010). Les municipalités du nord de Boyacá en font d’ailleurs partie.

2.2. Politiques nationales concernant le développement rural

À la lecture des plans nationaux de développement de la Colombie du gouvernement d’Álvaro Uribe Vélez puis, de Juan Manuel Santos, il est possible de constater la présence d’orientations stratégiques et d’objectifs nationaux quant au développement rural, principalement axés sur le secteur agraire. Il existe d’ailleurs une continuité dans les politiques agraires mises de l’avant par le gouvernement antérieur et actuel (Fajardo, 2012). Le gouvernement colombien identifie avant tout des facteurs clés en ce qui a trait au secteur agraire afin d’orienter ses politiques. En effet, selon son diagnostic, il existe : une faible compétitivité et productivité, qui résultent notamment d’une sous-utilisation des terres et d’un manque d’entrepreneuriat; des infrastructures inadéquates pour le transport et la commercialisation de la production; une pauvreté qui persiste dans le monde rural; ainsi qu’une difficulté de diversifier la production et d’atteindre davantage les marchés externes (DNP, 2007 ; 2011). En conséquence, la compétitivité est « le facteur fondamental du modèle de croissance et de développement du secteur agraire » (DNP, 2011 : 234. Traduction libre de l’espagnol) et dont l’amélioration nécessite les efforts des secteurs public et privé (DNP, 2007). À cet effet, l’innovation technologique est considérée comme le moyen privilégié pour arriver à des hausses de production et par le fait même, de bénéficier d’avantages comparés afin d’ouvrir de nouveaux marchés.

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15 Le gouvernement colombien propose ainsi, depuis le premier mandat d’Álvaro Uribe Vélez en 2002, un ensemble de stratégies orientées particulièrement vers l’accroissement de la compétitivité et de la productivité. Parmi celles-ci, notons par exemple les programmes de soutien, dont l’accès à l’assistance technique intégrale8 qui constitue l’axe central du

gouvernement quant à la compétitivité tout comme l’accès au crédit à taux réduit pour la reconversion ou l’amélioration des processus de production. Le financement peut également prendre la forme de services de microfinance afin de promouvoir la création d’entreprises auprès des populations rurales pour qu’elles développent des modèles d’affaires rentables. Aussi, dans l’objectif de favoriser l’innovation et l’employabilité de la population rurale, le gouvernement vise à améliorer les compétences de la main d’œuvre rurale par l’accès à des formations spécifiques et à des services d’assistance spécialisés. De cette façon, le gouvernement cherche à encourager la reprise économique des villages en cherchant notamment des alternatives à la délinquance en milieu rural, ce qui peut être bénéfique pour consolider la pacification des régions rurales.

Par ailleurs, le gouvernement fait mention des investissements publics et privés à apporter pour la construction, la rénovation et le maintien des infrastructures nécessaires au secteur agraire, dont les systèmes de drainage et d’irrigation. De plus, afin de contribuer au développement des régions éloignées, le gouvernement mentionne la nécessité d’assurer l’accessibilité territoriale par l’expansion du réseau d’infrastructures routières. Le plan de développement sous le gouvernement d’Álvaro Uribe Vélez portait aussi une attention particulière à l’accès aux services publics, dont l’augmentation de la couverture en énergie électrique, l’approvisionnement en gaz naturel et l’accès aux technologies d’information et de communication. Ainsi, en stimulant le développement rural par l’amélioration des emplois, des revenus de même que par l’accessibilité des milieux ruraux et des services publics, les milieux ruraux peuvent possiblement devenir plus attrayants pour la population locale et celle qui s’est exilée lors d’une période de conflits armés.

8 Cette assistance « inclut, en plus des aspects techniques et productifs de l’approche traditionnelle, la génération de capacités pour la gestion de projets et la commercialisation des produits et, dans le cas des petits producteurs, la promotion de formes collectives et associatives tout au long du processus » (DNP, 2011 : 237. Traduction libre de l’espagnol).

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2.3. Les parcs nationaux et la consolidation territoriale

La consolidation territoriale et la présence étatique dans les régions vastes et éloignées constituent des tactiques utilisées par le gouvernement, particulièrement celui d’Álvaro Uribe Vélez, pour sécuriser et pacifier le territoire. D’ailleurs, la reprise de certains espaces par l’État, dont le parc national naturel El Cocuy de la région d’étude, a favorisé la dispersion des groupes armés illégaux et l’entrée des municipalités locales dans une période post-conflit, d’où l’intérêt de le présenter ci-après.

En effet, ces espaces naturels, plus particulièrement les parcs nationaux, ont occupé une grande importance dans les conflits internes entre l’État et des groupes guérilleros puisqu’ils sont souvent occupés par des groupes armés illégaux. À titre indicatif, le réseau d’aires protégées en Colombie représentait, en 2014, une superficie de 11,47 pourcent (surface terrestre) et de 1,48 pourcent (surface marine) (Parques Naturales Nacionales de Colombia, 2014). Or, ces territoires composés de jungles, de forêts andines, de páramo ou de hautes montagnes offrent des lieux de refuge, de repos et d’arrière-garde par excellence aux groupes rebelles en cas de conflit. Par exemple, les jungles se convertissent en lieu de protection ou de formation militaire, les forêts andines deviennent des endroits idéaux pour la culture et les frontières, où sont établis les paysans et les indigènes, se transforment en zone de dispute et de confrontation armée (Observatorio DDHH, 2002). En conséquence, les objectifs de protection environnementale découlant de la création du réseau d’aires protégées stagnent, ces dernières étant plutôt semées de cultures illicites et assiégées par les acteurs armés dans la foulée du processus de colonisation territoriale (Idem).

Tel que mentionné précédemment, la politique de « sécurité démocratique » avait comme principal objectif la reprise du contrôle territorial à travers le pays. Durant le deuxième mandat du président Álvaro Uribe Vélez, l’État a développé de nouvelles stratégies pour renforcer et garantir la présence institutionnelle sur le territoire. Ainsi, la Plan national de consolidation et de reconstruction territoriale est apparu avec l’objectif d’atteindre la présence intégrale et permanente de l’État (Département pour la prospérité sociale, 2012). Ceci visait notamment la récupération du contrôle institutionnel de l’État et la récupération des parcs nationaux naturels du pays (Idem), ayant souvent une valeur économique en raison de leur potentiel pour l’écotourisme. Ceci s’est d’ailleurs fait de pair avec le programme de

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17 renforcement de l’écotourisme débuté en 2004 par Parques Nacionales Naturales de Colombia (PNN Colombia). En effet, avec l’émergence de l’intérêt pour le développement durable et la protection des écosystèmes, le tourisme vert et l’écotourisme sont devenus de plus en plus en demande par les touristes internationaux. Ceci explique que la Colombie mise beaucoup sur sa richesse naturelle et la diversité des paysages pour promouvoir l’écotourisme. À titre d’exemple, le nombre d’entrées enregistrées dans les parcs nationaux entre 2000 et 2003 était de 1 591 181, soit une moyenne annuelle de 397 795 visiteurs, tandis qu’en 2012, ce nombre était de 825 514 (PNN Colombia, 2004 et 2013).

Plusieurs auteurs se sont intéressés à la relation entre les aires protégées et le renforcement de la légitimité territoriale. À cet effet, les pays de l’Asie du Sud-Est utilisent le prétexte de la protection de l’environnement afin de consolider la présence de l’État partout sur le territoire, notamment par la création d’aires protégées (Déry, 2008). Celle-ci est d’ailleurs devenue un outil afin de justifier les programmes de sédentarisation des populations nomades ou semi-nomades, voire même leur relocalisation, créant par le fait même une marginalisation des minorités ethniques (Déry et Tremblay, 2008; Déry et Van Hooren, 2011). Aussi, les pays d’Asie du Sud-Est font face à des défis similaires à ceux de la Colombie, notamment la stabilisation de régions périphériques où avaient lieu des insurrections communistes ou contre l’État ainsi que le contrôle territorial afin de permettre l’exploitation des ressources naturelles disponibles (Déry, 2008). En Colombie, ces dernières consistent principalement aux ressources minérales, fort abondantes (Álvarez Pinzón, 2011). Le cas de la Colombie diffère puisque les territoires désignés pour les aires protégées ne sont pas densément peuplés comme ceux de l’Asie de Sud-Est et que les populations y habitant ne sont pas nécessairement relocalisées. En effet, les aires protégées en Colombie sont plutôt des zones isolées et parfois peuplées de quelques groupes indigènes, notamment le parc national naturel de la Sierra Nevada de Santa Marta avec le groupe indigène Kogui ou le parc national naturel El Cocuy avec le groupe ethnique UWA (PNN Colombia, 2014). Néanmoins, il est possible de constater des mesures interventionnistes semblables entre la Colombie et les pays d’Asie du Sud-Est, que ce soit dans un contexte de protection environnementale, de sécurisation du territoire ou de la promotion du tourisme écologique à l’international.

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2.4. Le rôle de la société civile colombienne dans la recherche et la promotion de la paix

La violence politique, l’insécurité et les espoirs de paix ont engendré au sein de la société civile colombienne la formation d’une multitude d’organisations nationales et locales. Le regroupement d’organisations non gouvernementales (ONG) promouvant la défense des droits humains en Colombie remonte à la fin des années 1970. Elles ont toutefois proliféré durant les années 1990 de pair avec la fondation de plusieurs ONG faisant la promotion de la paix, du dialogue avec les divers groupes armés illégaux et de la construction d’une culture citoyenne de paix (Reis, 2006). Ces groupes rassemblent divers acteurs hétérogènes de la société civile tels que les femmes, les paysans, les indigènes, les Afro-Colombiens, les personnes déplacées, l’église catholique, etc. Selon l’ONG internationale Peace direct, basée à Londres, la Colombie comportait en 2014 un total de 28 réseaux, de fondations, d’alliances, d’instituts de recherche, de collectifs ou d’organisations nationales agissant sur le territoire. Il est aussi à noter que plusieurs organisations internationales travaillent ou attirent l’attention sur les abus en Colombie, notamment Amnistie internationale, Human Rights Watch, des agences de l’Organisation des Nations Unies9, le Comité international de la Croix-Rouge, le

service d’aide humanitaire et de protection civile de la Commission européenne (ECHO), l’Union européenne et l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) (Lazzeri, 2004).

En Colombie, Catalina Rojas (2009) s’est intéressée particulièrement au rôle et à la contribution des femmes dans les processus de paix puisque ces dernières sont particulièrement affectées par la violence. Divers groupes de femmes ont formé des associations communautaires ou régionales, constituant ainsi parfois des réseaux nationaux de femmes. Certains groupes de femmes, tels que la Route pacifique des femmes, prônent la mobilisation civile ainsi que la résistance symbolique face aux conflits armés sur leur territoire. D’autres groupes, par exemple le groupe de travail Femmes et Conflits armés, misent plutôt sur l’éducation des jeunes et la sensibilisation aux impacts de la violence résultant des conflits armés sur les femmes et les enfants. Certaines organisations telles que

9 Ces agences sont le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Programme alimentaire mondial (PAM) et le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF).

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19 la Route pacifique des femmes et l’Organisation féminine populaire (OFP) vont également faire pression directement sur les groupes armés dans les zones les plus conflictuelles pour les amener à négocier. Ces femmes, qui courent beaucoup de risques en voyageant dans ces régions, vont également aller travailler directement avec les victimes et les personnes déplacées. De plus, les femmes sont parfois au centre des accords locaux humanitaires avec les groupes armés qui imposent des blocus de nourriture ou de produits médicinaux, par exemple l’Association des femmes de l’est d’Antioquia (AMOR).

Tout comme les femmes, les indigènes tentent de résister à la violence par des mouvements pacifiques, par exemple des marches symboliques dans des zones conflictuelles. Le mouvement indigène est particulièrement éminent dans la région de Cauca, au sud-ouest de la Colombie, puisqu’environ la moitié de la population indigène colombienne y habite. De plus, Cauca est l’une des régions hautement affectées par le conflit, les populations indigènes ont ainsi été amenées à se mobiliser afin de résister au conflit armé (González Piñeros, 2006). À cet égard, les auteurs Wirpsa et al. (2009) décrivent les indigènes de Colombie comme des peuples résistants qui combattent depuis des siècles pour leur autonomie, leur territoire, leurs droits et leur vie. Ainsi, les groupes ethniques du département de Cauca luttent pour la non-violence et la paix sur leur territoire. À cet effet, ils ont formé plusieurs organisations, notamment le Conseil régional indigène de Cauca, les Autorités indigènes de Colombie et le Mouvement armé Quintin Lame (qui n’existe plus aujourd’hui). Ces différentes organisations revêtaient une importance politique remarquable dans la région et se caractérisaient par leur intérêt à négocier une fin aux conflits amenant des problèmes politique et sociaux dans cette zone (González Piñeros, 2006). Aussi, ils adoptent également une attitude de non-implication avec tous les acteurs armés sur leur territoire (Wirpsa et al. 2009).

Deux autres exemples importants d’initiatives locales sont les communautés de paix et les laboratoires de paix. Les premières proviennent d’une initiative des populations locales vivant au centre de conflits entre guérillas, paramilitaires et forces armées et se déclarant neutres. Ces communautés vont soit s’exiler, mais avec l’intention de revenir reprendre leurs terres, soit établir une communauté neutre sur leur propre territoire pour se protéger (Mitchell et Ramirez, 2009). Dans les deux cas se manifeste le désir de maintenir la paix par la

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violence et d’atteindre un développement autosuffisant par la participation dans les prises de décisions locales.

Les laboratoires de paix, quant à eux, sont des initiatives locales, réalisées avec l’aide financière de l’Union européenne, pour promouvoir la gouvernance locale et des projets favorisant la paix. Parmi ces projets, on note :

la création d’une culture de paix à travers le dialogue et le respect pour les droits humains, la gouvernance démocratique, le renforcement des institutions et la participation citoyenne et un développement durable socioéconomique pour améliorer la qualité de vie des communautés, en harmonie avec leur environnement (Roldan, 2009 : 278. Traduction libre de l’anglais).

Les régions choisies comme laboratoires de paix sont parmi les plus violentes et conflictuelles en Colombie. Dans le cas de l’est d’Antioquia, ce projet s’est avéré efficace grâce à la volonté des maires des vingt-trois municipalités ainsi que de la participation de la société civile. D’ailleurs, cette région est maintenant sécuritaire et plutôt développée.

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2.5. Hypothèse de recherche

Comme il sera expliqué dans la section portant sur la méthodologie, la présente recherche est exploratoire considérant le peu d’études et d’informations disponibles sur la région à l’étude. Il a ainsi été difficile d’élaborer une hypothèse convenant à la recherche et à la réalité du terrain. L’hypothèse de départ a ainsi été mise de côté lors de l’avancement de la recherche afin de se concentrer sur une approche plus inductive. Néanmoins, en se fiant à la littérature sur le sujet, nous pensions au départ que le retrait des groupes armés illégaux favoriserait le développement local et nous cherchions à connaître les initiatives locales de la société civile existant dans les municipalités à l’étude. L’hypothèse de départ se lit ainsi :

La consolidation de la paix et de la sécurité dans la foulée du retrait des groupes armés illégaux permet la restauration des structures institutionnelles à l’échelle locale de même que la responsabilisation des communautés quant à la mise en place de stratégies de développement économique et social.

Donc, l’étude s’est faite sans hypothèse et de manière plus exploratoire étant donné le manque de connaissances préalables du terrain. L’idée était de partir à la rencontre des gens dans leur quotidien pour comprendre les mécanismes et les processus en action qui permettraient de refaire une vie en milieu rural après les années de tensions.

2.6. Objectifs de recherche

L’objectif général de la recherche consiste à évaluer les effets de la politique de « sécurité démocratique » sur le développement des milieux ruraux en période post-conflit en Colombie. Les objectifs spécifiques cherchent à :

1) Vérifier l’efficacité des initiatives et des stratégies nationales et locales de développement local dans la restructuration et la consolidation de la vie rurale;

2) Définir les éléments favorisant la valorisation et la réappropriation du territoire rural dans la région d’étude par la population locale et la population déplacée ou migrante de retour.

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3. Présentation du territoire à l’étude

3.1. Caractéristiques géographiques

La Colombie possède une géographie particulière, divisée en cinq principales régions naturelles (voir Annexe A) : les régions amazonienne10, des Caraïbes, du Pacifique, de

l’Orénoque11 et des Andes (Hudson, 2010). Les Andes, qui caractérisent la topographie et

constituent les parties les plus peuplées du pays (Safford et Palacios, 2002), se divisent en trois chaînes de montagnes différentes : la cordillère orientale, occidentale et centrale. Ces barrières physiques ont d’ailleurs divisé le pays d’un point de vue économique, culturel et politique (Idem).

Il importe de mentionner que la cordillère orientale contient l’une des zones les plus biologiquement riches sur terre, ce qui classe la Colombie parmi les 10 pays les plus diversifiés sur le plan biologique (Hudson, 2010). Aussi, les Andes contiennent de hauts plateaux et des vallées fertiles situés de part et d’autre entre les montagnes, permettant à la plupart des producteurs de cette région de récolter deux fois par année. De plus, le climat tempéré et agréable des Andes offre en général de belles conditions de vie pour les habitants, ce qui explique qu’ils s’y soient historiquement établis (Safford et Palacios, 2002). Toutefois, ces hautes montagnes, dont le sommet le plus haut atteint 5700 mètres, constituent aussi un lieu de refuge pour les groupes armés illégaux présents en Colombie (Hudson, 2010). La région à l’étude se situe dans la cordillère orientale des Andes, au nord-est du département de Boyacá, plus spécifiquement dans la province de Gutiérrez. Celle-ci est divisée en sept municipalités : El Cocuy, Güicán, Panqueba, Guacamayas, El Espino, Chiscas et Cubará12

(Gobernación de Boyacá, 2013). La région borde la frontière du Venezuela et est entourée de quatre départements : Arauca, à l’est; Casanare, au sud-est; Santander, à l’ouest et le nord

10 La jungle amazonienne représentait peu d’intérêts économiques jusqu’à l’émergence de la culture de la coca et du trafic de la cocaïne (Hudson, 2010).

11 La région de l’Orénoque est constituée en partie de vastes plaines, nommées los llanos, et de savanes. Cette région, traditionnellement utilisée pour l’élevage, est maintenant le principal lieu d’exploitation de pétrole et de gaz naturel en Colombie (Idem).

12 Cubará a toutefois un statut particulier, soit une zone spéciale de développement frontalier (Gobernación de Boyacá, 2013).

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de Santander, au nord-ouest (figure 1). Cette étude porte particulièrement sur deux municipalités : El Cocuy, la capitale de la province, et Chiscas.

La municipalité d’El Cocuy, d’une superficie de 253 km2, se situe à une altitude variant de

2200 à 4200 mètres (Alcadía de El Cocuy, 2013). Le centre urbain se trouve à environ 389 kilomètres de Bogotá et à environ 253 kilomètres de Tunja, la capitale de Boyacá, quoique la durée du trajet en autobus soit autour de dix heures depuis Bogotá (Idem).D’autre part, la municipalité de Chiscas se situe à environ 410 kilomètres de Bogotá et à 274 kilomètres de Tunja (Alcadía de Chiscas, 2013). Elle s’étend sur 659 km2, à une altitude de 1800 à 4600

mètres (Idem). Il importe de mentionner qu’avant l’arrivée d’Álvaro Uribe Vélez au pouvoir (2002-2010), les routes pour accéder à ces municipalités, aux dires des habitants, n’étaient pas toutes pavées ce qui compliquait les voyagements en plus de favoriser un certain isolement géographique.

Aujourd’hui, les voies d’accès sont en partie pavées et légèrement mieux adaptées, quoique les conditions climatiques durant la saison des pluies causent parfois des éboulements ou des inondations et endommagent les voies. Au moment du séjour d’études en 2013, des habitants de la communauté ont mentionné qu’ils attendaient depuis plus d’un an la réparation d’un tronçon de la route Capitanejo, qui relie les villages au département Santander et qui constitue une voie d’accès plus rapide que les autres routes pour les déplacements vers l’intérieur du pays. En mai 2014, le tronçon n’était toujours pas entièrement réparé et les déplacements s’effectuaient, mais de façon limitée. Aussi, le pont reliant Chiscas aux autres municipalités de la province s’est effondré en raison des fortes pluies en mai 2013, laissant Chiscas temporairement sans communication terrestre avec la province.

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Source: IGAC - Instituto Geográfico Agustin Codazzi , 2005

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Figure 2. Le village El Cocuy, à Boyacá

Figure 3. Le village Chiscas, à Boyacá

Figure

Figure 1. Carte de la Colombie et de la région spécifique à l'étude, en rouge
Figure 4. Emplacement du parc national  naturel el Cocuy et des deux municipalités à  l’étude, en rouge
Figure 5. La laguna de la Sierra; paysage et páramo du PNN El Cocuy
Tableau 1. Projections de population pour El Cocuy et Chiscas
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