• Aucun résultat trouvé

Habiter le rythme

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Habiter le rythme"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: hal-03185977

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03185977

Submitted on 30 Mar 2021

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License

To cite this version:

Pierre Faucher. Habiter le rythme. Lieux Communs - Les Cahiers du LAUA, LAUA (Langages, Actions Urbaines, Altérités - Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes), 2006, Art et anthropologie, pp.248-252. �hal-03185977�

(2)

Habiter le rythme

P

IERRE

F

AUCHER

Pierre Faucher, plasticien, Maître-assistant à l'ENSA Nantes

Bonjour Monsieur Rem Koolhaas,

Ce premier bonjour se voudrait l’essence de l’œuvre habitée.

Un bonjour vécu comme une invitation à l’au-tre et à une reconnaissance. Nous aimerions voir en quoi ce bonjour induit un face à face dans une dimension participative et relationnelle au projet. Ne pourrions nous pas ramener toute entre-prise artistique et architecturale à un bonjour ? Ce que nous souhaiterions en définitif, rete-nir de l’architecture n’est-il pas ce bonjour ?

Cinq minutes plus tard

À la hauteur du Welfare Palace Hotel, le radeau des constructivistes entre en collision avec le « radeau de la Méduse ». Optimisme contre pessimisme. L’acier de la piscine s’enfonce dans le plastique de la sculpture comme un couteau dans le beurre1

.

Questionner ces deux radeaux et la nature de cette collision, dans le cadre de l’Unité d’En-sei-gnement Pédagogique « Habiter le Rythme » fait plus spécifiquement partie de l’enseignement « le corps et l’écrit »2

. Cela présuppose plusieurs cho-ses dont une « sympathie » profonde entre l’homme et le monde et en cela un premier face à face. Cela signifie interroger collectivement l’activité

sym-Toutes les photographies de cet article ont été prise à l’ENSA de Nantes, à l’occasion de « Habiter le Rythme », 2005-2006.

(3)

lieux communs n° 9 | 2006 | TRANSPOSITIONS 249

bolique de ces deux radeaux en vue des valeurs suggestives et émotionnelles provoquée par cette confrontation.

Radeau de la Méduse, Auschwitz, T’ai chi, Tango,…

C’est en faisant écho à l’œuvre fictionnelle de « New York délire » et en particulier au récit de « La légende de la piscine » (1977) que nous abor-dons la première image, celle du radeau. Le radeau en plastique chez Rem Koolhaas est ouvertement inspiré de l’œuvre de Géricault. Cette citation n’est pas sans produire un questionnement sur l’aban-don et la destruction de la frégate Méduse, mais également sur l’espace du radeau, sur les corps meurtris des naufragés, et le naufrage d’une so-ciété comme le rappelait Michelet. C’est au regard du dispositif mis en place dans l’atelier du peintre qui reconstruira fidèlement à l’échelle 1 le radeau et y disposera des cadavres que nous interroge-rons le corps et l’architecture. Nous construiinterroge-rons à notre tour une structure inclinée suggérant le plan du radeau. Nous questionnerons l’abaisse-ment du plan du tableau et le passage de la ver-ticalité à l’horizontalité dans le XXesiècle.

Nous partagerons l’horreur et la douleur indi-cible qu’initient les images des corps des dépor-tés morts ou survivants d’Auschwitz-Birkenau, de Sobibor, de Treblinka. Nous rappellerons que Rem Koolhaas à travers sa piscine flottante dénonce les désastres et les menaces des idéologies ainsi que la dangerosité de toutes pensées dogmati-ques. Pratiquer le Taï Chi avec un maître 3

de l’épée explosive et des poignards, et éprouver le pas du tango 4

ne sera pas sans créer également un ques-tionnement sur le comportement, sur le corps et l’espace. Cet ensemble hétérogène contribuera à éprouver la nature du projet architectural.

Bien que l’on puisse dans cet enseignement de projet se référer à un schéma de causalité dans

l’enchaînement et l’assemblage des actions humai-nes, il n’est nullement pensé comme seule forme et expression de l’intelligibilité. Cette puissance de l’enchaînement n’est nullement homogène. Ces divers registres dans le processus de création n’ont ici, ni la propriété d’une simple fonction imageante, ni de s’inscrire davantage dans une subordination au texte, à l’espace plan, à l’espace maquette, à l’objet « projet ». C’est au-delà des seuls signes linguistiques, qu’une manifestation sémiotique de signes visuels est engagée dans le processus de création du projet, telles que les gestes, mimiques, signes corporels, images, mais aussi les signes transmis par l’odeur, le goût, le touché, la per-cussion, la lumière, la chaleur ainsi que les formes composées de la chorégraphie (texte, action), du jeu, du sport, du Taï Chi, du tango etc.

Chacun de ces divers registres à l’exemple de la phrase-image5

de Godard sont convoqués non dans la puissance de traduction ou d’explication mais dans la puissance de contact. Cette puis-sance est celle de l’hétérogène et c’est le choc entre les registres qui donne la mesure commune. L’important dans la pédagogie mise en place ici n’est pas la seule confrontation de l’étudiant avec une nouvelle pratique mais la constitution d’un état subjectif complexe et hétérogène reposant

(4)

sur une danse du chaos :

individu-groupe-machine-échanges multiples6

.

La pratique du « rêve éveillé » suivi d’exerci-ces de cohésion de groupes contribue à l’émer-gence et à l’apprentissage d’une co-gestion de production de subjectivité. Pratiquer le Taï Chi ou se projeter dans l’univers du tango sur un plan incliné interroge le corps et l’espace du plan mais aussi l’espace même de l’école et de ses attendus. Cette démarche offre aux étudiants des possibi-lités diversifiées de recomposer une corporéité existentielle du projet. Il s’agit de développer une dynamique propre au projet durant l’ensemble du semestre afin d’en saisir les mutations. L’échelle du projet est à la mesure et à la démesure du corps ; une manière de chercher à saisir l’archi-tecture dans sa complexité et dans le discours.

Exposer le corps dans le processus de création du projet sans en être exclusivement l’objet de la recherche rappelle l’enseignement mené dans les années 1920 par Gertrude Grunow à l’École du Bauhaus. Il s’agissait alors d’instaurer chez l’individu grâce à l’expérience intérieure du son et de la couleur un équilibre des forces vitales. Ce « cours d’harmonisation » était destiné à développer chez les étudiants des dons spécifi-ques. Parmi les multiples expériences et actions

(5)

lieux communs n° 9 | 2006 | TRANSPOSITIONS 251

corporelles menées durant le XXe siècle, dont en particulier les happenings du groupe japonais Gutaï, les modes opératoires et les objets rela-tionnels de Lygia Clark 7

auront toute notre atten-tion. Échappant à l’image même du corps, l’es-pace phénoménologique par le corps vécu, résiste à un ‘’tout image’’ et demeure le lieu de l’expres-sion d’un espace interne et externe. C’est en maintenant durant le semestre un dialogue entre subjectivité et réalité, entre intériorité et exté-riorité que s’exprimera le corps en expérimentant de multiples postures dont celles de la danse, de la chorégraphie, du Taï Chi et plus globalement des arts vivants.

Abandonnant la seule représentation, c’est dans cet esprit que les comportements du corps des individus- étudiants sont exposés à un dialo-gue avec l’espace. Il ne s’agit pas de penser le corps immergé dans le projet comme une réponse exclusive à l’architecture mais nous ne sommes nullement ici en attente d’une image produite et

passivement représentative. Il s’agit davantage de faire émerger le corps social et non de spécu-ler sur le corps et l’objet architectural seul. C’est aux projections de ce corps social et de la pen-sée, en provoquant les phénomènes et au regard de la sémiotique que se dessine alors le projet. C’est dans les entrelacs des subjectivités, des technologies de l’image, de la représentation, de la communication, et de l’espace fictionnel que se mesure le réel. L’architecture est conviée non plus comme un objet mais comme un lieu.

L’emploi récurrent au cours du semestre de la vidéo dans des usages diversifiés tels que les récits fictionnels d’espaces architecturaux ou encore dans les présentations des étudiants lors de restitutions filmées contribue à créer la dis-tance et la déréalisation nécessaire à la subjec-tivation pour l’accomplissement du projet. De même, les déjeuners collectifs organisés à l’ENSA de Nantes réintroduisent ici des protocoles ou rituels familiaux et rassemblent étudiants, ensei-gnants et invités extérieurs. Ils participent plei-nement de la déréalisation de l’école, évitant l’univocité référentielle d’un seul territoire exis-tentiel et contribuent à la construction de l’éthique du projet. Cela produit un engagement que nous pouvons à terme qualifier d’éthico-esthétique du projet. Cela signifie en outre d’objectiver l’es-pace, d’évaluer les relations et les actions.

C’est dans un désir de socialité avec l’ensemble des acteurs de l’ école d’architecture et de son environnement que se construit tout au long de l’enseignement de projet, par des pratiques rela-tionnelles et participatives, un espace « autre ». Tels les « regardeurs » de Marcel Duchamp, cha-cun devient le co-créateur du projet. À l’égal d’une esthétique relationnelle8

, cette démarche cherche à échapper à l’aliénation d’un seul et même territoire re-questionnant de manière per-manente la nature des enseignements des arts

(6)

plastiques dans une école d’architecture. L’ensemble des enseignements et des approches relationnelles est facteur de socialité et fondateur de dialogue à travers les divers pratiques. Celles-ci produisent de l’empathie, du partage et génèrent du lien au-delà même de la seule Unité d’Ensei-gnement de Projet. Comme l’écrit Félix Guattari, « La seul finalité acceptable des activités humai-nes est la production d’une subjectivité, auto-enrichissant de façon continue son rapport au monde 9

. » Durant l’ensemble du semestre, l’archi-tecture est interrogée à travers le partage d’un enseignement philosophique – « la cendre et la pierre » dispensé par Jean Lévêque, philosophe – d’un enseignement de l’architecture « Black Box, White Cloud » dispensé par Ghislain His, archi-tecte, et d’un enseignement des arts plastiques, le corps et l’écrit, dispensé par Pierre Faucher, artiste. « Quelque part en Afrique, lorsque deux per-sonnes se rencontrent, elles se demandent :

COMMENT VA TA VACHE ? ET COMMENT VA TON CHAMP ? ET COMMENT VA TON FILS AINE ? ET COMMENT VA TA MAISON ?

Et ainsi de suite, passant en revue toutes leurs possessions, jusqu’à ce que l’une d’elles dise : POÏPOÏ.

À quoi l’autre répond : POÏPOÏ. » 10

« POÏPOÏ » aux étudiants et enseignants pour cet autre projet de création permanente 11

, qu’est l’UEP « Habiter le Rythme ».

(1) Rem Koolhaas, (1976), La légende de la piscine, New

York Délire.

(2) Cet enseignement représente approximativement un

tiers de l’ensemble des enseignements de l’UEP 71-91 « Habiter le rythme ».

(3) Maître Georges Saby a formé plus de 50 enseignants

dans les arts martiaux, parmi ses élèves une douzaine de champions de France et six champion d’Europe.

(4) Workshop d’Odile Fillion : journaliste et réalisatrice de

nombreux écrits et films sur l’architecture et passionnée par le tango.

(5) Jacques Rancière, Le Destin des images, Éd. Fabrique, p. 65. (6) Félix Guattari, (1992), Chaosmose, Éd. Galilée, p. 123.

(7) Une exposition lui été consacrée au Musée des Beaux

Arts de Nantes du 8 octobre au 31 Décembre 2005.

(8) Nicolas Bourriaud, (1998), Esthétique relationnelle, Les

Presses du Réel, Dijon.

(9) Félix Guattari, op. cit., p. 38.

(10) Robert Filliou, Enseigner et apprendre, arts vivants,

Archives Lebeer Hossmann, Paris, Bruxelles, 2000, édition originale, Teaching and learning as performing arts, 1970, Kasper König, New York. Langage coutumier des Dogons lors de leurs rencontres pour clore leurs salutations, en fai-sant l’inventaire de leurs bien respectifs avant de recom-mencer leur discussion depuis le début

Références

Documents relatifs

Alors que tous les indicateurs sont déjà au "beau fixe" pour les professionnels (installateurs et fabricants) impliqués sur les marchés des énergies renouvelables, le

Ces deux manifestations, la première "Le mondial de la pis- cine" qui a eu lieu à Lyon en novembre dernier était réservée aux professionnels, la seconde qui s'est

Après l'estimation des besoins d'eau chaude sanitaireétudiée dans un précédent article, il s'agit de déterminerle type de pro- duction le plus approprié aux besoins et

Però ja es veurà: els dirigents renova- dors són fàcilment engolits per la vella política, i hi ha vells dirigents que es refugien en la nova polí- tica. Tinc una idea massa noble

et en partenariat avec la Maison des Sciences de l’Homme de Paris Nord.. marcher , inscrire et habiter les

[r]

À la livraison, je fais attention de bien respecter les consignes sanitaires : sur le pas de la porte, distance d’un mètre entre moi et le livreur, paiement en chèque ou

[r]