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Le rôle médiateur des transitions familiales dans la relation entre le statut socioéconomique des familles et le développement de symptômes de trouble de l'adaptation du comportement chez l'enfant

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Academic year: 2021

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LE RÔLE MÉDIATEUR DES TRANSITIONS FAMILIALES DANS LA RELATION ENTRE LE STATUT SOCIOÉCONOMIQUE DES FAMILLES

ET LE DÉVELOPPEMENT DE SYMPTÔMES DE TROUBLE DE L’ADAPTATION DU COMPORTEMENT CHEZ L’ENFANT.

Mémoire Doctoral

Émilie Leborne

Doctorat en psychologie (D.Psy.)

Docteur en psychologie (D.Psy.)

Québec, Canada

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LE RÔLE MÉDIATEUR DES TRANSITIONS FAMILIALES DANS LA RELATION ENTRE LE STATUT SOCIOÉCONOMIQUE DES FAMILLES

ET LE DÉVELOPPEMENT DE SYMPTÔMES DE TROUBLE DE L’ADAPTATION DU COMPORTEMENT CHEZ L’ENFANT.

Mémoire Doctoral

Émilie Leborne

Sous la direction de :

George Tarabulsy, directeur ou directrice de recherche Simon Larose, codirecteur de recherche

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RÉSUMÉ

Dans les dernières décennies, la recherche sur les troubles de l’adaptation du comportement chez les enfants s’est appliquée à essayer de décrypter la complexité des facteurs de risques de même que les modèles développementaux s’y rattachant. Il en ressort que ces troubles ont une étiologie multifactorielle, et que des facteurs de risques familiaux et environnementaux ont une place de choix dans leur émergence, en particulier différentes caractéristiques de l’écologie familiale comme le statut socioéconomique et les transitions familiales. L’objectif de cette étude est de proposer un examen empirique du lien entre ces facteurs et les symptômes des troubles de l’adaptation du comportement (qu’ils soient internalisés ou externalisés) des enfants. Fondée sur un échantillon représentatif des naissances québécoises entre 1997 et 1998, et utilisant un devis longitudinal dans lequel les informations sont recueillies chez les familles et les enseignants des enfants entre leur naissance et leur huit ans, notre étude démontre que le statut socioéconomique prédit la présence de tels symptômes. De plus, apparaît, par le biais des transitions familiales que sont les séparations et les recompositions, un lien indirect entre le statut socioéconomique et les symptômes externalisés. Il ressort également que le sexe de l’enfant a un effet modérateur sur ce lien. En effet, les filles développeraient moins de symptômes de trouble de l’adaptation du comportement internalisés que les garçons quand elles vivent des transitions familiales impliquant un retour à leur famille d’origine et, les transitions familiales impliquant une recomposition feraient en sorte que les garçons présenteraient davantage de symptômes externalisés que les filles. Ces résultats, jusque-là peu étayés dans la littérature, indiquent qu’un des liens entre le statut socioéconomique et les difficultés comportementales chez les enfants serait l’association à davantage de transitions familiales, et que ces transitions auraient un impact différent selon le sexe.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ ... iii 

TABLE DES MATIÈRES ... iv 

LISTE DES TABLEAUX ... vi 

LISTE DES FIGURES ... vii 

REMERCIEMENTS ... ix 

INTRODUCTION ... 1 

CHAPITRE I : CONTEXTE THÉORIQUE ET EMPIRIQUE ... 2 

Les symptômes de trouble de l’adaptation du comportement (STAC) ... 2 

Avant-propos. ... 2 

Définition. ... 3 

Intérêt pour la recherche, quelques chiffres. ... 5 

Modèles explicatifs proposés pour expliquer l’apparition des STAC. ... 7 

Influences respectives des facteurs de risques sociaux économiques et des TF sur développement de STAC ... 9 

Résultats en matière d’influence du SSE. ... 9 

Résultats en matière d’influence des TF. ... 11 

SSE et TF, une incidence conjointe ? ... 16 

Études s’intéressant au lien entre SSE, STAC et TF. ... 16 

Études impliquant des hypothèses de médiation pour examiner le lien entre SSE, TF et développement de STAC. ... 18 

Limite des études. ... 19 

Objectifs du travail ... 21 

CHAPITRE II : MÉTHODOLOGIE ... 24 

Participants ... 24 

Procédures ... 25 

Variables et Instruments de mesure... 26 

Variables dépendantes : les STAC. ... 26 

Variable indépendante : le SSE. ... 27 

Variables médiatrices : les TF. ... 28 

Plan d’analyses ... 29 

Résultats ... 29 

Données descriptives. ... 29 

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DISCUSSION ... 34  Limites de l’étude. ... 45  CONCLUSION ... 49  RÉFÉRENCES ... 52  ANNEXES ... 65  FIGURES ... 72 

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LISTE DES TABLEAUX

Tableau 1. Caractéristique de l’échantillon au T9

Tableau 2. Différence entre les sujets présents au T9 et l’attrition, sur la base du SSE Tableau 3. Type de famille au T9

Tableau 4. Alphas de Cronbach (standardisés) pour les échelles de comportement Tableau 5. Corrélations de Pearson entre les sous-échelles des STAC

Tableau 6. Nombre de transitions vécues dépendamment de la modalité de la variable médiatrice

Tableau 7. Statistiques descriptives pour le statut socioéconomique, les échelles de symptômes de trouble de l’adaptation du comportement et les transitions familiales.

Tableau 8. Corrélations entre les variables d’intérêt.

Tableau 8bis. Corrélations entre les variables d’intérêt et la variable TF dichotomique. Tableau 9. Caractéristiques de l’échantillon selon le sexe de l’enfant.

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LISTE DES FIGURES

Figure 1. Modèle des effets indirects testés pour les liens entre le SSE et les STAC via les TF.

Figure 2. Modèle des effets indirects testés pour les liens entre le SSE et les STAC via les TF modérés par le sexe de l’enfant.

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En fait, le développement peut être vu comme un ensemble de trajectoires de développement, et notre tâche, en tant que spécialistes de la question, est de découvrir de quelle façon les interactions entre les différentes trajectoires des enfants et des adultes permettent d’en expliquer les résultats. [traduction libre]

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REMERCIEMENTS

Trois années de doute, de longs soupirs, de pleurs parfois, de rires nerveux, trois années à apprendre, à se dépasser, à ne pas se sentir à la hauteur, et pourtant.

Si ces remerciements n’en finissent plus, c’est parce que je présente aujourd’hui un genre de travail d’équipe. En effet, l’aboutissement de ce mémoire n’aurait pas été possible sans la contribution de très nombreuses personnes qui me sont chères.

Je souhaite remercier tout d’abord ma famille.

Mes deux sœurs sans qui, je le revendique, je ne serai pas grand-chose. Merci pour vous doux mots, vos colis remplis d’amour, envoyés pour contrer les idées noires, vos faces empathiques ou désappointées selon mon humeur du jour, vos cris de guerre, vos blagues nulles, vos « il n’y a pas de bonne ou de mauvaise situation »… Merci d’être si entières, si belles et si présentes malgré la distance, merci de m’avoir soutenue au travers de ce long périple et d’être là, encore, pour tout ce qui s’en vient de meilleur ou de pire.

Mes parents, pour votre amour, votre confiance et votre soutien inconditionnel. Merci de m’avoir continuellement rappelé qu’il ne faut pas avoir peur d’être ambitieuse, et qu’il faut dissocier ambition de perfectionnisme. Merci Mam’ pour les skypes tard dans ta nuit, sans dessus dessous, tes courriels de nouvelles de l’autre bord de l’océan, tes partis pris avec juste mon son de cloche. Merci Pap’ d’y avoir cru quand moi je n’étais plus capable et d’avoir voulu me faire croire que je ne devais tout ça qu’à moi. Je vous le dois à tous les deux. Ce mémoire n’est pas parfait, mais j’ai fait de mon mieux là où j’en étais, je crois que vous pouvez être fiers de l’adulte que je deviens.

Ma grand-mère, qui, du haut de ses 92 ans, a appris à manier suffisamment une tablette pour pouvoir, elle aussi, suivre mes pérégrinations ; mon grand-oncle, sans le soutien de qui le quotidien aurait été bien plus douloureux ; mes cousins, cousines, oncles et tantes qui continuent de ne pas être bien sûrs de pourquoi je me suis engagée dans ce doctorat et qui m’ont encouragé tout le long malgré tout ; mes absents, partis trop tôt mais qui ne m’ont pas quitté tout le long de ce travail de recherche, d’analyses et de rédaction. Merci.

Je veux remercier également mes gens d’ici et mes amis d’ailleurs.

François, évidemment, pour ta patience, ton soutien moral, tes pâtes carbo, tes soupirs et haussements d’épaules, et pour avoir survécu au quotidien dans lequel je t’ai embarqué avec ce doctorat et ce mémoire. Merci.

Mes lutins, Élise tout particulièrement, pour avoir compris quand j’ai dû choisir entre vie sociale et études, pour m’avoir préparé des lunchs quand les barres de céréales me sortaient par le nez, pour m’avoir entendue quand je n’en pouvais plus, et surtout, pour m’avoir dit mille fois que j’en viendrai à bout. Du fond du cœur, merci.

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Josée Pinard, ma superviseure de stage de ces deux dernières années, pour m’avoir autant appris sur la clinique, sur moi, sur l’importance de la relation, et m’avoir fait réaliser l’intérêt de la recherche quand appliquée.

Alex, Emma et An’So, pour votre présence malgré la distance et votre gestion du décalage horaire.

Mes camarades de doctorat, Marie-Christine, Karolane, Marie-Ève, Éva, Alexe, Jenn et les autres, pour vous conseils, vos directions, votre écoute et vos blagues sur mon accent. Ces trois années ont été épiques, merci de les avoir traversées à mes côtés.

Enfin, le dernier, mais non le moindre, je souhaite vous remercier, George, pour m’avoir donné ma chance il y a trois ans, pour avoir omis de me dire combien ce serait difficile, pour avoir été là quand je dérivais et pour avoir pris conscience de combien je travaillais fort à surmonter mon incompétence en statistiques. Merci de vos blagues dans mon enregistreur, merci de votre soutien et de votre patience.

À toutes ces personnes que j’ai croisées ces trois dernières années, avec qui j’ai échangé quelques mots, une histoire de cas, un questionnement, une émotion, avec qui j’ai partagé quelque chose de beau, merci d’avoir pris le temps.

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INTRODUCTION

Ces dernières décennies ont été marquées par la multiplication des recherches empiriques et l’essor des connaissances en matière de développement de l’enfant, en parallèle d’évolutions sociétales importantes. De nouvelles définitions du concept de famille, mais aussi de ce qu’étaient les trajectoires individuelles et familiales, ont émergé en même temps que s’affinait la compréhension du développement des enfants et de leurs difficultés. En vue de proposer des interventions plus adéquates au bon développement des enfants, les troubles de l’adaptation du comportement ont fait l’objet de nombreuses recherches dans le domaine de la psychologie infantile. Dans ces travaux, différents modèles explicatifs, impliquant des variables liées à l’écologie développementale des enfants, ont été testés en lien avec l’adaptation des enfants. Parmi les facteurs qui émergent de manière constante, le risque socioéconomique et les transitions familiales ont été identifiés comme faisant partie des éléments des contextes des jeunes pouvant avoir un lien sur leur développement.

Dans le cadre de ce mémoire, nous nous intéressons au lien entre les facteurs de risques socioéconomiques et les difficultés d’adaptation du comportement de l’enfant par le biais des transitions familiales. Nous souhaitons examiner empiriquement s’il existe un lien entre l’apparition de symptômes de trouble de l’adaptation du comportement chez les enfants, les transitions familiales qu’ils ont vécues en début de vie et le contexte socioéconomique dans lequel ils ont évolué. Au centre de ce projet est posée la question suivante : est-ce que le risque social associé aux caractéristiques socioéconomiques de l’enfant pourrait, en partie, être expliqué par son lien avec les transitions familiales auxquelles l’enfant est exposé en début de vie ?

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CHAPITRE I : CONTEXTE THÉORIQUE ET EMPIRIQUE

Dans le présent chapitre, nous reviendrons dans un premier temps sur les symptômes des troubles de l’adaptation du comportement (STAC). Nous présenterons tout d’abord les symptômes communément identifiés comme des STAC afin de définir le référentiel qui sera retenu dans le cadre de ce travail. Nous expliquerons ensuite en quoi se pencher sur les STAC est pertinent dans le contexte actuel. Enfin, les modèles explicatifs le plus souvent associés au développement de STAC seront présentés.

Dans un deuxième temps, comme nous aurons mis en lumière que les facteurs de risques environnementaux et familiaux font partie intégrante des hypothèses explicatives de l’apparition de STAC, nous reviendrons plus précisément sur deux d’entre eux. Nous nous intéresserons d’abord aux facteurs de risques socioéconomiques, et plus spécifiquement au statut socioéconomique (SSE) et à ses possibles liens avec le développement de STAC. Nous nous pencherons ensuite sur les transitions familiales (TF), en revenant sur les évolutions sociétales qui ont frappé la structure familiale ces dernières décennies, l’ont fait se transformer et dont découlent les TF que vivent les jeunes d’aujourd’hui. Nous reviendrons également sur les conséquences de ces transformations sur le quotidien des enfants en nous intéressant aux différents types d’instabilité qu’elles peuvent engendrer.

Dans un dernier temps, nous présenterons les études qui se sont intéressées, de près ou de loin, à questionner une possible association entre SSE, TF et développement de STAC. Nous reprendrons enfin les résultats qui en ressortent, les conclusions qui en sont tirées et la pertinence de notre étude en vue de les prolonger.

Les symptômes de trouble de l’adaptation du comportement (STAC)

Avant-propos. En Europe, jusqu’à la dixième version de la Classification

Internationale des Maladies (CIM; CIM-10, 1993), n’étaient répertoriés que les troubles aux manifestations physiques dans la section « Troubles du comportement de l’enfance ». Il a fallu attendre les années 1990 pour assister à la création d’une section « Autres troubles du comportement et autres troubles émotionnels » dans laquelle les troubles de l’adaptation

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du comportement trouvaient une légitimité (Bursztejn, 2006). En Amérique du Nord, la catégorie « Troubles habituellement diagnostiqués durant la petite enfance, la deuxième enfance ou l’adolescence » a fait son apparition dans la troisième publication du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM ; American Psychiatric Association (APA), 1980) mais c’est seulement dans la dernière version, parue en 2013, que prennent, à part entière, les troubles de l’adaptation. Ce bref historique met donc en évidence que le concept de STAC a énormément évolué (Bursztejn, 2006), que les symptômes auxquels s’intéresse cette recherche sont très hétérogènes et qu’il est évidemment primordial d’en établir un référentiel clair.

Définition. Pour définir les STAC, seront utilisés les symptômes identifiés dans le

DSM-5 (APA, 2013) comme ceux se rapportant au trouble de l’adaptation du comportement. Néanmoins, dans le cadre de ce travail, il sera question de symptômes perçus, c’est-à-dire possiblement isolés, et se manifestant sans pour autant être cliniquement significatifs.

En premier lieu, relevons que les STAC peuvent se manifester sous un registre émotionnel, c’est-à-dire être reliés à une humeur dépressive (pleurs, sentiments de désespoir, etc.), anxieuse (nervosité, inquiétude, agitation), ou sous un registre plus comportemental, tel la violation des droits d'autrui ou des normes et des règles essentielles de la vie sociale (par exemple, l'école buissonnière, le vandalisme, une conduite automobile imprudente, des bagarres, un manquement à ses responsabilités légales).

Notons également que dans la littérature scientifique provenant du domaine de la psychologie, les STAC sont souvent répertoriés en fonction de leur nature. En effet, si Kauffman (1989) les décline à partir d’une typologie de troubles1, la plupart des autres

auteurs les catégorisent selon qu’ils soient de nature extériorisée ou intériorisée (Achenbach & Rescorla, 2000; Albano, Chorpita & Barlow, 2003; Bursztejn & Mazet, 1991; Dumas, 2002). De plus, certaines études plus récentes (Goodman, Lamping & Ploubidis, 2010; Riberdy, Tétreault & Desrosiers, 2013; Weaver & Schofield, 2014) démontrent qu’il est préférable de travailler à partir de trois des catégories habituellement retenues pour       

1 La typologie des troubles selon Kauffman (1989) : hyperactivité et problèmes associés ; trouble ouvert ou 

couvert de la conduite ; délinquance juvénile et usage de drogues ; trouble du comportement lié à l'anxiété,  à l'isolement, et autres troubles ; dépression et comportement suicidaire ; comportement psychotique. 

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s’intéresser aux problèmes d’adaptation, soit les symptômes intériorisés, les symptômes extériorisés et les difficultés de relations sociales (bien que ces dernières soient souvent plus difficiles à distinguer des deux premières). C’est donc les STAC externalisés et internalisés que ciblera ce travail.

Les symptômes de troubles externalisés ou extériorisés. Décrit par Achenbach et

Rescorla (2000), le concept de « troubles externalisés » a permis de regrouper, en un ensemble plus cohérent et préhensible, des symptômes qui se retrouvent aujourd’hui, entre autres, dans les manifestations du trouble de l’adaptation du comportement. Indépendante de toute classification ou nosographie, cette formulation ouvre à une compréhension commune de symptômes de même nature (Roskam et al., 2011). Elle réfère donc à des manifestations d’agitation, d’impulsivité (Roskam et al., 2007), d’opposition aux adultes, d’agression physique et verbale, d’intimidation, de provocation et à toute attitude perçue socialement comme une difficulté de comportement (Conseil supérieur de l’éducation, 2001; Nelson, Babyak, Gonzalez & Benner, 2003; Riberdy, Tétreault & Desrosiers, 2013). L’insuffisance de maîtrise de soi est également perçue par Achenbach (1985) comme un symptôme de trouble externalisé, de même que les comportements agressifs irréfléchis sans intention de nuire pour Déry, Toupin, Pauzé et Verlaan (2008).

Les symptômes de troubles internalisés ou intériorisés. Les symptômes se

rapportant aux troubles anxieux et aux troubles dépressifs font partie intégrante des troubles intériorisés (Dumas, 2002; Fortin, 2003; Turgeon & Parent, 2012). C’est une catégorie qui regroupe des symptômes qui passent plus facilement inaperçus puisque n’étant pas parasitant pour l’extérieur, notamment l’anxiété, le mal-être, le retrait et une difficulté à entrer en relation (Déry et al., 2008). Les STAC intériorisés de nature anxieuse se traduisent par des comportements d’évitement, des attaques de panique, des inquiétudes excessives, mais aussi des phobies simples et de l’anxiété de séparation (Albano et al., 2003). Ceux qui sont plus de nature dépressive s’illustrent au travers d’une humeur triste, une perte d’intérêt pour des activités appréciées, des difficultés de sommeil et d’appétit et une dépréciation de soi (Marcotte, Cournoyer, Gagné & Bélanger, 2005).

Ainsi, c’est aux enfants présentant des STAC de nature extériorisée et intériorisée (des symptômes perçus, c’est-à-dire non évalués formellement par rapport à un seuil clinique) que s’intéresse ce travail doctoral.

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Intérêt pour la recherche, quelques chiffres. S’intéresser aux STAC chez les

enfants et les adolescents, c’est prendre conscience de l’omniprésence d’une telle problématique dans cette tranche de la population, mais aussi de l’augmentation de sa fréquence d’apparition.

En effet, aux États-Unis, 22% des 10 000 adolescents suivis dans le cadre d’une étude épidémiologique (Merikangas et al., 2010) répondaient aux critères diagnostiques d’au moins un des troubles de santé mentale du DSM (APA, 2000). Les auteurs rapportent également qu’une grande proportion de l’échantillon présentait un ou plusieurs symptômes sans pour autant atteindre le seuil clinique utilisé à des fins diagnostiques. Selon Waddell et Shepherd (2002) et Fortin (2003), ce chiffre est comparable aux résultats avancés dans d’autres études d’envergures réalisées en Amérique du Nord ces deux dernières décennies. Rasmussen, Nielsen, Petersen, Christiansen, et Bilenberg (2014) de rajouter que ces données sont d’autant plus préoccupantes que les symptômes identifiés sont connus, dans la littérature, comme nuisant à l’adaptation et au fonctionnement de l’enfant et de l’adolescent.

Au Québec, la prévalence des troubles de l’adaptation du comportement serait de 3% chez les élèves du secondaire (Lesage, Bernèche & Bordeleau, 2010) mais d’après Fortin, Royer, Potvin et Marcotte (2001), cette prévalence serait sous-évaluée et atteindrait plutôt le 10%, d’autant que ne sont pas représentés, dans ces chiffres, les enfants qui présentent des symptômes, mais pas suffisamment pour être cliniquement inclus dans la prévalence. Selon les données de l’Institut de la statistique du Québec (ISQ; Riberdy, Tétreault & Desrosiers, 2013), à la fin de la dernière décennie, quelque 25000 enfants présentaient un ou des troubles de l’adaptation du comportement dans les écoles publiques du Québec, ce qui équivalait à 4,1% des garçons et 0,8% des filles du primaire. Le Conseil supérieur de l’éducation (2001) rapporte que ces proportions, ayant triplé depuis 1985, continueront d’augmenter au fil des années et qu’elles ne prennent pas en considération les enfants qui ont développé certains symptômes mais pas suffisamment pour recevoir un diagnostic.

De manière plus spécifique, quand il s’agit de symptômes de troubles extériorisés, la prévalence des enfants présentant, par exemple, un trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité serait de 3 à 10% (Breton et al., 1999; Turgeon & Parent, 2012). Il

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apparaît aussi que 90% de la population adolescente montréalaise présenterait au moins un des symptômes qui se retrouvent dans le syndrome des comportements antisociaux (Le Blanc, 2011). Dans la même veine, Déry et al. (2008), Marcotte et al. (2005) ainsi que Turgeon et Parent (2012) rapportent que 25 à 40% des enfants d’âge d’école maternelle présenteraient des symptômes de troubles intériorisés. Albano et al., (2003) de même que Marcotte (2009) rapportent quant à eux que 12 à 20% des enfants et adolescents seraient touchés par au moins un trouble de nature anxieuse. Ces chiffres sont également corroborés par Essau (2003) qui conclut que les symptômes de troubles anxieux précèderaient l’apparition de troubles de nature dépressive pour 72% des enfants et que le trouble dépressif toucherait 16% des adolescents. Atkinson et Hornby (2002) avancent, de leur côté, que si mille enfants d’une école secondaire étaient évalués aujourd’hui, cinquante présenteraient un trouble dépressif majeur et nombreux seraient ceux à présenter plusieurs des symptômes qui y sont associés sans pour autant en atteindre le seuil clinique. Par conséquent, il serait avisé de considérer les symptômes et pas seulement le problème clinique en tant que tel.

Cette situation inquiète beaucoup, autant à cause de l’augmentation de la prévalence estimée que du pessimisme du pronostic qui est avancé quand il s’agit de tels symptômes (Breton, Bergeron & Valla, 1993; Fortin, 2003; Tremblay, 2012). En effet, non seulement de nombreuses études, dont celle de Cloutier, Gosselin et Tapp (2004) ou Fomby et Osborne (2010), ont démontré leur persistance à l’adolescence lorsque présents dès la petite enfance, mais surtout elles ont mis en avant leurs retombées sur l’insertion scolaire, sociale et plus tard professionnelle (Albano et al., 2003; Breton et al., 1999; Fortin, 2003; Merikangas et al., 2010; Riberdy et al., 2013). L’altération du fonctionnement des jeunes de même que la détresse marquée qu’ils peuvent ressentir sont des nuisances quotidiennes provoquées par les STAC qui ont, en plus, des impacts au long court. Ces constats ont poussé le gouvernement du Québec à placer l’amélioration des connaissances relatives à ces troubles parmi les priorités de son plan d’action et de recherche (Gouvernement du Québec, 1999), en vue de mieux les comprendre et d’avoir des moyens d’intervenir plus adaptés. Il semble donc pertinent de se pencher sur cette problématique, afin d’approfondir la compréhension de ce qui peut être à la source des STAC.

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Modèles explicatifs proposés pour expliquer l’apparition des STAC. Depuis une

vingtaine d’années, les modèles explicatifs qui font consensus dans la littérature relient les STAC chez l’enfant et l’adolescent aux interactions entre des caractéristiques individuelles et des facteurs de risques environnementaux, sociaux et familiaux.

Selon Amato (2000) et Fortin (2003), il semble indispensable de se pencher sur les caractéristiques socioéconomiques du foyer et sur le climat familial en vue de comprendre l’apparition des STAC. Ces éléments agiraient comme des facteurs de confusion et favoriseraient l’apparition de difficultés de fonctionnement chez les enfants qui, par ailleurs, peuvent être vulnérables sur le plan génétique. Des caractéristiques socioéconomiques néfastes feraient en effet obstacle au processus de maturation de l’enfant, et provoqueraient des tensions internes qui seraient exprimées par ce dernier au travers de ses symptômes (Desrosiers, Cardin & Belleau, 2012). C’est un point de vue également partagé par Archambault (2000) qui rappelle qu’il est primordial de prendre en compte l’interaction des caractéristiques individuelles de l’enfant en plus du statut socioéconomique de la famille lorsqu’il s’agit de documenter l’impact des divers évènements marquants de la vie familiale sur ses difficultés comportementales.

Cyr et Carobène (2004) et Ryan, Claessens et Markowitz (2015) se sont eux aussi intéressés aux difficultés des enfants à s’adapter ainsi qu’aux symptômes qui peuvent en découler. Pour ces auteurs, la qualité de la relation conjugale et sa trajectoire sont des caractéristiques qui jouent autant un rôle que les caractéristiques socioéconomiques de la famille. Kelly (2000) et Hill (2002) ont eux aussi fait le lien entre l’apparition de STAC et cadre familial instable (multiples séparations et recompositions), comme Cavanagh et Huston (2008), Cooper, Osborne, Beck et McLanahan (2011), Osborne et McLanahan (2007) ainsi que Waldfogel, Craigie et Brooks-Gunn (2010), ils ont démontré un lien entre développement de STAC et instabilité familiale (dont l’indice s’établissait selon le nombre de séparations et l’âge de l’enfant). Et Bursztejn (2006) de rajouter que les facteurs qui ont un impact sur les habitudes de vie des enfants et leurs structures familiales sont étroitement reliés à l’augmentation de la fréquence d’apparition de STAC.

Comme beaucoup d’études portant sur les troubles externalisés (Fomby & Osborne, 2010; Snyder, Cramer, Afranck & Patterson, 2005), Déry et al. (2008) ont également fait la démonstration que les enfants faisant face à des conditions socioéconomiques et familiales

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difficiles sont plus susceptibles de développer des STAC. De même, en vue de proposer un modèle général des inadaptations des enfants, l’étude menée par Toupin, Pauzé et Déry (2000) a permis de voir que les facteurs de risques sociaux et familiaux seraient ceux le plus souvent reliés au développement de symptômes de difficultés de l’adaptation. Et c’est à partir de ce même modèle que Pauzé, Joly et Poitras (2004) ont identifié les variables familiales qui seraient les plus souvent reliées à la présence de STAC : les données sociodémographiques, les relations entre l’enfant et les membres de la famille, les pratiques éducatives et les transitions et recompositions familiales.

S’il a été démontré (Achenbach, 1985; Cyr & Carobène, 2004; Dodge, Lochman, Harnich, Bates & Pettit, 1997; Fortin, 2003; Haapasalo & Tremblay, 1994; Koffman, 1989; Ryan, Claessens & Markowitz, 2015) que des facteurs de risques tels le statut socioéconomique et l’instabilité de la structure familiale ont une influence sur le développement de STAC chez les jeunes, il est par contre difficile pour les chercheurs de mesurer quelle est leur portée concrète et comment s’opère, dans les faits, cette influence (Bursztejn, 2006; Déry et al., 2008; Goupil, 2007; Le Blanc, 2011; Roskam et al., 2011). Constatant cette difficulté, Hill, Morris, Gennetian, Wolf et Tubbs (2013) ont effectué une revue des théories et résultats de recherche qui concernent le SSE, les TF et les caractéristiques des enfants, en vue de mieux comprendre les implications de chacun sur le développement des enfants. Selon eux, deux paradigmes théoriques font loi (« the economic

investment model and the psychological stress model » p.86) et tous deux postulent que le

contexte économique influence indirectement les enfants en ayant une incidence sur les transitions familiales, les pratiques parentales et les relations familiales. En effet, le premier paradigme, la perspective économique sous-tend qu’un faible revenu rendrait les parents moins capables d’investir dans des ressources permettant un développement harmonieux et sain de leurs enfants et influencerait leurs interrelations. La perspective développementale perçoit, pour sa part, le faible revenu comme un stresseur influençant les compétences parentales ce qui aurait des retombées sur le fonctionnement familial et le développement des enfants. Si énormément de facteurs sous-jacents (décrits plus haut et relayés par de nombreux auteurs, entre autres Cavanagh et Hudson (2008), Fomby et Cherlin (2007), Hill

et al. (2013), Ryan, Claessens et Markowitz (2015) entrent en ligne de compte dans leur

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c’est à cette dernière que nous portons un intérêt. Cependant, la démonstration du lien entre le SSE, les TF et les STAC dans une même analyse n’a, à notre connaissance, pas encore fait l’objet d’une étude empirique. Il nous incombe donc de revenir brièvement sur les résultats de recherche qui concernent respectivement le SSE et les TF et leurs liens avec le développement de l’enfant.

Influences respectives des facteurs de risques sociaux économiques et des TF sur développement de STAC

Résultats en matière d’influence du SSE. Dans la plupart des études s’intéressant

au SSE, ce dernier est défini à partir du revenu familial, du statut d’emploi et de la scolarité des parents (Duncan, Ziol-Guest, & Kalil, 2010; Gouvernement du Québec, 1992; Nuru-Jeter, Sarsour, Jutte & Boyce, 2010; Riberdy, Tétreault & Desrosiers, 2013; Van Oort, Van der Ende, Wadsworth, Verhulst & Achenbach, 2011), et, dans cette littérature, faire partie d’une famille dont le SSE est faible est considéré comme un facteur de risque important pour ce qui est du développement affectif et social de l’enfant. En effet, se traduisant par de moindres ressources sociales, scolaires, professionnelles et psychologiques chez les parents (Cyr & Carobène, 2004; Fomby & Osborne, 2010; McLoyd, 1998), les familles à faible SSE semblent voir leurs caractéristiques souvent sollicitées pour expliquer l’apparition de STAC. Si ces caractéristiques ne sont pas toujours démontrées comme directement causales, elles sont tout du moins fréquemment interpellées pour faire des liens entre les conséquences de difficultés de l’adaptation et de plus hauts risques de difficultés académiques ou comportementales, de décrochage scolaire ou de vulnérabilité quant à la santé mentale (Cardin & Desrosiers, 2012; Gennetian, Castells & Morris, 2010; Guo & Harris, 2000; Hill et al., 2013; Riberdy, Tétreault & Desrosiers, 2013).

Quelles sont ces caractéristiques ? Souvent, les familles à faible SSE expérimentent des transitions familiales impliquant la monoparentalité (Brook-Gunn & Duncan, 1997; Déry et al., 2008), et le ou les parents sont sans emploi, de jeune âge, et possèdent un niveau de scolarité peu élevé, ce qui limite leur aisance financière (Ambert, 2005; Bursztejn, 2006; Goupil, 2007) donc leur capacité à offrir à leurs enfants les ressources nécessaires à leur bon développement (Hill et al., 2013). Il apparaît aussi que quand un seul

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parent dirige la famille, il reçoit peu de soutien de la part de l’autre parent (Haapasalo & Tremblay, 1994) et est plus enclin à entrer en conflit avec lui (Bruniaux & Galtier, 2005), ce qui placerait plus fréquemment l’enfant en position de spectateur, ou pire, de médiateur de la relation parentale (Amato, 2010). Et si les ressources financières sont moins importantes chez les familles à faible SSE, l’accessibilité aux soins, aux ressources privées, à un milieu de vie supportant, de même qu’à un soutien social de qualité l’est aussi (Dodge

et al., 1997), caractéristiques liées au bon développement des enfants (Ensor, Marks, Jacobs

& Hughes, 2010). De plus, il n’est pas rare qu’avec un faible SSE, entrent en jeu des éléments non facilitants tels que des facteurs de stress, de violence ou de consommation, facteurs reconnus pour nuire aux relations familiales et au développement affectif des enfants (Fortin & Bigras, 1996; Fortin & Strayer, 2000).

Le risque socioéconomique semble donc influencer les pratiques, les dynamiques, le fonctionnement familial et le développement affectif de l’enfant (Conger, Conger & Martin, 2010). Ce résultat peut provenir du lien entre le SSE et les pratiques parentales, un des aspects proximaux à l’enfant en lien avec son développement. En effet, dans la littérature, un faible SSE est fréquemment perçu comme teintant les pratiques éducatives parentales. Selon Brooks-Gunn et Duncan (1997) et Doss, Rhoades, Stanley et Markman (2009), le peu de moyens des parents viendrait influencer leurs compétences, augmentant leur permissivité ou, à contrario, l’utilisation de pratiques coercitives. C’est également ce qu’avancent Kelly (2000), Hill (2002) et Hill et al. (2013), pour qui l’instabilité de la structure familiale, sur le plan économique et interrelationnel, est à la source des difficultés d’adaptation des enfants. Bruniaux et Galtier (2005) de même que Jindal-Snape et Miller (2008) relèvent, quant à eux, que le contexte de vie des enfants de famille à faible SSE réduit la capacité de leurs parents à répondre adéquatement à leurs besoins, et qu’il peut être à la source d’incohérences dans les pratiques parentales. Dans le même sens, Tarabulsy

et al. (2008) remarquent que les conditions aversives engendrées par un faible SSE ont un

impact sur le mode et la fréquence d’entrée en relation des parents avec leurs enfants : les mères à faible SSE seraient moins chaleureuses et moins sensibles à l’égard de leurs enfants. Or Lemelin, Tarabulsy et Provost (2006) mentionnent que le développement affectif des enfants repose en grande majorité sur la qualité de leurs interrelations, ce que

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Bursztejn (2006) constate aussi, ajoutant que l’apparition de STAC est en partie liée à la qualité du développement affectif.

De plus, le risque socioéconomique semble être associé au développement social de l’enfant (Séguin et al., 2007; Paquet & Hamel, 2005). En effet, Brooks-Gunn et Duncan (1997) relient un faible SSE avec une faible estime de soi, des difficultés dans les relations avec les pairs et le développement de STAC. C’est aussi le cas de Hanson, MacLanahan et Thomson (1997) qui y associent également un plus faible niveau de sociabilité et de prise d’initiatives. Fortin, Marcotte, Royer et Potvin (2000) font quant à eux ressortir le lien entre faible SSE et conduites agressives, et Marcotte (2009) celui de la favorisation du développement de problématiques de type dépressif. Enfin, Cardin et Desrosiers (2012) relèvent de leur côté que les enfants provenant de familles socioéconomiquement défavorisées présentaient plus de comportements externalisés, ce que corroborent les recherches de Riberdy, Tétreault et Desrosiers (2013) qui observent une forte association entre position sociale de la famille et santé mentale des enfants.

Ainsi donc, majoritairement défini dans la littérature au travers du revenu global du ménage, du type d’emploi des parents et de leur niveau de scolarité, le SSE est empiriquement reconnu pour avoir une influence sur le développement de STAC. Il nous incombe maintenant d’investiguer ce qu’il en est des TF.

Résultats en matière d’influence des TF.

Mutation de la structure familiale. Si au Québec, jusqu’en 1970, seulement 4% des

naissances survenaient en dehors du mariage, en 1985, c’est de 25% des naissances qu’il s’agissait, et de 63% en 2009 (Le Bourdais, Lapierre-Adamcyk & Roy, 2014). Et si, aujourd’hui, 37,8% des couples choisissent l’union libre, presque la moitié de ceux qui se marient divorceront avant leur trentième anniversaire de mariage (ISQ, 2012). Ces constats révèlent que la trajectoire familiale classique de former un couple, se marier, avoir des enfants et les voir partir a nettement évolué (Le Bourdais & Lapierre-Adamcyk, 2004), et que les trajectoires familiales nouvelles qui se dégagent sont entrecoupées de transitions (Ventura, 2009). Non seulement les individus se mettent en couple et sont parents sans forcément se marier, mais il arrive que des parents en rencontrent d’autres, que des individus deviennent parents au sein d’une famille recomposée ou qu’ils y fassent

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seulement un passage (Martin, Hamilton, Ventura, Osterman, & Mathews, 2013; Saint-Jacques et al., 2009). La famille biparentale laisse alors place aux familles monoparentales, séparées, recomposées ou issues d’une union libre ou d’un mariage, de parents de même sexe ou pas (Lardoux & Pelletier, 2012; Marcil-Gratton, 1998; Saint-Jacques & Drapeau, 2008), ce qui fait prendre conscience de combien les familles d’aujourd’hui sont sujettes aux transitions.

Quand évolution des trajectoires rime avec multiplication des TF et instabilité.

Selon l’ISQ (2012), au Québec, en 1981, 10,9% des enfants de cinq à neuf ans auraient vécu un épisode de monoparentalité, ils auraient été 14,9% dans ce cas en 1991 et un peu plus de 20,6% en 2006. Aujourd’hui, environ 30% des enfants de zéro à douze ans ne vivraient pas avec leurs deux parents biologiques. Selon l’étude menée par Desrosiers, Neill, Gingras et Vachon (2002), 10% des enfants nés entourés de leurs deux parents auraient connu la monoparentalité, et la moitié de ceux qui sont nés en famille monoparentale le resteront jusqu’à leurs deux ans et demi. De plus, seulement 45% auraient vu un de leur parent former une nouvelle union moins de trois ans après la séparation. Ce pourcentage monte à 85% dix ans après la séparation (Gratton, 2000 ; Juby, Marcil-Gratton & Le Bourdais, 2005b). De cette étude, il ressort aussi que la séparation surviendrait de plus en plus précocement dans la vie de l’enfant, augmentant la probabilité de vivre un épisode de monoparentalité. Juby, Marcil-Gratton et Le Bourdais (2005a) ajoutent que les enfants naissant de parents ayant eu des enfants d’unions antérieures sont quatre fois plus à risque qu’ils se séparent, et que dans quatre situations sur dix, l'enfant connaîtra une double recomposition, ses deux parents ayant formé une nouvelle union (Marcil-Gratton, 1998).

Ces chiffres illustrent combien les jeunes québécois faisant précocement l’expérience de TF sont loin de former un groupe homogène (Desrosiers et al., 2002) et qu’il y a d’importantes variations dans la nature et l’enchaînement des évènements qui composent leurs trajectoires individuelles (Saint-Jacques et al., 2009). Mais plus loin, ils laissent entrevoir l’instabilité familiale à laquelle sont confrontés ces jeunes, et nous font nous questionner sur ses conséquences sur leur développement. Ces changements demandent aux enfants, assurément, de faire preuve d’un certain degré d’adaptation.

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Modifications de l’environnement familial et social des enfants. Comme le

relèvent Marcil-Gratton (1998) et Le Bourdais, Lapierre-Adamcyk et Roy (2014), les bénéfices retirés par les adultes via cette nouvelle flexibilité de vie de couple se traduisent malheureusement pour leurs enfants par une instabilité de la structure familiale. C’est donc logiquement que les chercheurs se sont penchés sur les conséquences des transitions vécues par les enfants (Osborne, Berger & Magnuson, 2012), qu’elles soient synonymes de séparation des parents ou de reformation d’un couple (pour une revue de la littérature, voir Waldfogel, Craigie & Brooks Gunn, 2010).

La plupart des études présentées dans la littérature s’intéressent plus spécifiquement aux séparations et divorces. Ce qui en ressort, c’est que l’un des changements principaux causés par une TF est la perte de ressources financières. D’après Amato (2000), la TF qu’est la séparation engendrerait une diminution des revenus des deux parents. En effet, 43% des femmes et 15% des hommes qui ont vécu ce type de TF auraient subi une baisse de revenu significative dans leur ménage dans les trois années post-transition (Gadalla, 2008; Rotermann, 2007), et la cellule mère-enfant serait celle qui s’appauvrirait le plus en cas de transition (Ambert, 2005). Comme conséquences, le parent gardien vit plus d’anxiété par rapport à ses finances et est appelé à travailler plus, ce qui entraîne de la fatigue, plus de tensions au quotidien et des préoccupations quant au fait d’être performant professionnellement tout en étant un bon parent (Ambert, 2005). Et parce qu’il travaille plus, le parent séparé semble pouvoir moins donner de temps, d’attention, d’encadrement et moins de témoignages d’encouragement et d’affection, donc moins de ressources pour que son enfant soit en mesure de faire face aux transitions, ce qui créerait chez ce dernier l’apparition de STAC visant l’attention, souvent négative, et la reconnaissance, même invalidante (Jindal-Snape & Miller, 2008).

S’il est question de pertes financières, ressort également de la littérature un effet de modifications des interactions parent-enfant, qui existerait autant dans le cas des séparations que des recompositions. En effet, selon Ambert (2005), Brooks-Gunn et Duncan (1997), Duncan et Magnuson (2007), Rotermann (2007) et Doss et al. (2009), les facteurs de stress et préoccupations sous-jacents à une TF viendraient influencer les compétences des parents, augmentant soit leur permissivité, les faisant abdiquer leurs responsabilités parentales, soit l’exercice de pratiques coercitives, et ouvrant, dans els deux

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cas, une brèche réactionnelle à leurs enfants. Kelly (2000) va plus loin et mentionne que le type de garde post-TF aurait des conséquences sur l’enfant et son adaptation. Cet avis est partagé par Emery, Matthews et Wyer (1991), Jonsson et Gähler (1997), Doss et al. (2009) et Gadalla (2008) qui parlent d’une perte de capital social liée à l’éloignement d’un parent du quotidien de l’enfant, arguant que le parent qui est séparé de l’enfant jouera moins son rôle dans son développement intellectuel, émotionnel et psychologique. Osborne, Berger et Magnuson (2012) rejoignent par ailleurs ce point de vue. Ces auteurs ont, en effet, examiné quel impact l’instabilité familiale engendrée par les TF pouvait avoir sur la relation parent-enfant. Ils ont utilisé des mesures du manque de support social perçu par la mère et de l’aisance matérielle de la famille de même que de la dépression maternelle ou du stress parental, aux un, trois et cinq ans de l’enfant en parallèle d’une mesure annuelle des TF permettant d’en distinguer quatre types (1. Famille nucléaire à monoparentale, 2. Famille nucléaire à recomposée, 3. Famille monoparentale à recomposée, 4. Autre type, comme monoparentale à nucléaire ou recomposée à nucléaire). Leurs résultats font ressortir que les TF rimeraient avec une augmentation des symptômes de stress parental et de dépression maternelle qui influenceraient négativement la qualité de la relation parent-enfant. Également, ces résultats mettent en avant que les TF sont synonymes de perte de temps de qualité passé avec chacun des deux parents, et d’augmentation des manifestations symptomatiques de trouble d’adaptation du comportement. Relevons ici que cette étude est l’une des seules à s’être intéressée à autant de types de TF, du moins pour ce qui est de notre recension.

En plus des difficultés financières et des modifications des interactions parents-enfants, de manière prévisible, les TF de type séparation ou recomposition ont également des retombées au niveau de la santé mentale des enfants (Osborne et al. 2012; Ryan & Claessens, 2013). Amato et Sobolewski (2001) soulignent, par exemple, que le niveau de bien-être émotionnel des enfants au sortir d’une TF, mais aussi jusqu’à dix ans après, est nettement moins élevé que celui des enfants de familles intactes. Pour sa part, Ambert (2005) relève que les enfants qui ont moins de dix ans lors de la TF se considèreront plus souvent responsables de la situation parentale et seront plus sujets à vivre de la détresse psychologique, que la transition se fasse dans la violence ou non. De leur côté, Kelly et Emery (2003) font remarquer que la TF est, avant tout, une transition émotionnelle

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douloureuse qui peut engendrer un sentiment de tristesse, de nostalgie, d’anxiété et de regret, au long court. De même, dans leur étude sur les effets de la TF, Cyr, Di Stefano et Desjardins (2013) se sont aperçus que les enfants de familles non intactes présentent des niveaux d’anxiété et d’inattention plus élevés que ceux qui n’ont pas vécu de TF. C’est aussi le cas de Saint-Jacques et al. (2003) qui relèvent que si ces enfants fonctionnent normalement, il n’en reste pas moins que leurs indices d’adaptation sont moins élevés que ceux n’ayant pas vécu de TF. Saint-Jacques et Cloutier (2004) ajoutent d’ailleurs que les enfants de familles intactes sont deux fois moins à risque de présenter des STAC que ceux ayant vécu des transitions. Et Lee et Mc Lanahan (2015) complètent en démontrant clairement un effet plus important des TF sur l’évolution du comportement des enfants. En effet, il ressort de leur étude que l’instabilité familiale a un plus large effet sur les STAC externalisés que le niveau d’éducation des parents ou leur SSE.

Enfin, rare est la littérature qui s’est tournée vers le phénomène de TF qu’est le retour à la famille nucléaire. De la recension effectuée, émerge le constat que les familles dont les parents se sont séparés puis remis en couple ensemble est un phénomène très peu voire pas étudié en tant que tel. Il semble pourtant pertinent de penser que les enfants qui expérimentent une TF de type séparation puis un retour à la famille nucléaire doivent également être sollicités sur le plan de l’ajustement. C’est d’ailleurs ce que supposent Osborne, Berger et Magnuson (2012) qui concluent en émettant l’hypothèse que ce type de TF puisse avoir des retombées plus importantes que la simple séparation de deux parents, étant donné le sentiment d’insécurité pouvant en découler.

En définitive, les conséquences des TF sont multiples, demandent beaucoup d’adaptation de la part des enfants afin qu’ils puissent gérer l’ensemble des demandes qui leur sont faites durant ces périodes. Souvent synonymes de diminution des ressources financières et de changements contextuels (Amato, 2014), elles riment aussi avec variation de la qualité des interactions familiales et sociales, exposition aux conflits parentaux, baisse d’encouragement et de soutien parental. Si elles semblent également engendrer des difficultés émotionnelles et STAC (pour une revue, voir Amato, 2010 et 2014; Ambert, 2005; Saint Jacques et al., 2003), Ryan, Claessens et Markowitz (2015) suggèrent que les répercussions comportementales de la dissolution ou recomposition d’une union ne peuvent être considérées sans prendre en compte le contexte socioéconomique des familles.

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Le rôle conjoint du SSE et des TF n’a pas souvent été examiné dans une même analyse. Or, il apparaît pertinent de considérer qu’un des éléments prépondérants chez les familles vivant des difficultés en lien avec le SSE est qu’elles soient à risque d’expérimenter davantage de TF. Dans cette optique, il est concevable que le lien entre le SSE et les STAC puisse, en partie, être médiatisé par les TF. Certains chercheurs ont d’ailleurs proposé qu’ils fassent partie, finalement, de la même séquence d’évènements (Fomby & Osborne, 2010; Ryan, Claessens, & Markowitz, 2015). C’est vers cette hypothèse que s’oriente ce mémoire doctoral.

SSE et TF, une incidence conjointe ?

Si SSE et TF font tous deux partie des prédicteurs de STAC chez l’enfant, se tourner vers les recherches ayant eu un intérêt à la fois pour le SSE et les TF semble alors la chose à faire pour les mettre en perspective et mieux comprendre leur possible interaction ou association avec le développement de STAC.

Études s’intéressant au lien entre SSE, STAC et TF. À notre connaissance, les

études s’intéressant à la fois au SSE, aux STAC et aux TF sont peu nombreuses bien que de plus en plus présentes dans la littérature récente. De celles qui sont ressorties de notre recension, citons tout d’abord celle d’Asbury, Dunn, Pike et Plomin (2003), qui examinent le lien entre les caractéristiques familiales (pauvreté, désorganisation familiale et dépression maternelle) et l’adaptation des enfants. De leurs résultats ressort une association entre l’apparition de STAC et les caractéristiques familiales que sont la désorganisation et la dépression maternelle, par contre, le rôle modérateur du risque socioéconomique sur cette association, bien qu’examiné, n’est pas démontré. Citons ensuite celle de Lee et Mc Lanahan (2015) qui se sont intéressées à l’effet de plusieurs variables (les TF, le SSE, les pratiques maternelles et l’origine ethnique) sur le développement de STAC. Leurs travaux mettent, entre autres, en lumière que l’instabilité de la structure familiale (mesurée via le nombre et le type de transitions vécues dans la famille) a un plus grand effet sur le développement de STAC que le SSE ou l’éducation donnée par la mère. Mentionnons également celles de Duncan, Ziol-Guest, & Kalil (2010) et de Weaver et Schofield (2014),

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dont l’un des constats est que l’association entre TF et STAC semble être modérée par le SSE, en ce sens que les enfants de familles aisées développeraient moins de STAC suite à une TF que ceux de familles à faible SSE, suggérant que pour que les TF puissent avoir un impact sur l’enfant, il doit d’abord se retrouver dans un contexte de vulnérabilité socioéconomique. Enfin, revenons sur les conclusions des études de Cavanagh et Huston (2008) ainsi que Fomby et Cherlin (2007) qui postulent qu’il existerait un effet modérateur du SSE sur l’association entre TF et STAC qui varierait dépendamment du type de TF (famille nucléaire à famille monoparentale ou recomposée, famille monoparentale à famille recomposée ou l’inverse).

Deux autres des études recensées examinent l’association entre SSE et instabilité de la structure familiale en leur lien avec les STAC des enfants. Elles avaient pour objectif de voir si le risque de présenter des STAC augmente quand sont présents, en simultané, le risque socioéconomique et différents aspects des caractéristiques familiales. La première étude, celle d’Herrenkohl, Herrenkohl, Rupert, Egolf et Lutz (1995) visait à identifier quels facteurs pourraient être globalement prédicteurs des STAC chez l'enfant. Les résultats sont en faveur d’un cumul des facteurs : selon les auteurs, le SSE et certaines caractéristiques familiales telles les pratiques parentales, le type de milieu familial et l’instabilité de sa structure contribueraient de manière indépendante aux STAC, mais le risque de présenter un ou plusieurs de ces symptômes serait spécifiquement augmenté quand ces facteurs sont concomitants. La seconde, menée par Hilton et Desrochers (2002) visait à proposer un modèle permettant de comprendre comment la relation entre ressources et facteurs de stress familiaux prédisait les STAC chez les enfants. Les auteurs se sont intéressés à vérifier l'effet du cumul du SSE et de certaines caractéristiques familiales (présence ou non d’une TF et de conflits parentaux, pratiques parentales telles le style de parentalité, l’importance du contrôle parental et l’habileté à assumer son rôle) sur le développement de STAC externalisés. Leurs résultats révèlent que le cumul de ces deux types de facteurs n'augmenterait pas le risque que l'enfant présente des STAC externalisés.

En définitive, les études répertoriées comme s’intéressant au cumul des facteurs (SSE et caractéristiques familiales telles, entre autres, les TF) ou à l’effet modérateur de l’un d’eux ne s’entendent pas sur leurs conclusions. Si cela peut être dû au fait que les devis et populations utilisés ne sont pas les mêmes d’une étude à l’autre, il n’empêche que cette

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divergence d’opinions vient renforcer notre volonté d’exploration de l’influence du SSE et des TF sur le développement des STAC en utilisant un plus vaste échantillon, dans un cadre longitudinal.

Études impliquant des hypothèses de médiation pour examiner le lien entre SSE, TF et développement de STAC. Plusieurs études se penchant sur l’interaction entre

SSE et caractéristiques familiales ont été répertoriées, plus particulièrement celles qui s’intéressent à l'influence du SSE sur les caractéristiques familiales qui, elles, prédiraient les STAC. Bien qu’aucune de ces études ne cible précisément la problématique de la TF, certaines de leurs caractéristiques se retrouvent dans les facteurs ou variables à l’étude, aussi, il est pertinent d’en faire succinctement la présentation.

La première est celle d’Eamon (2000). L’auteur avait pour hypothèse que le SSE affecterait certaines caractéristiques familiales (présence d’expériences stimulantes, qualité de l’environnement familial, discipline physique et réponse émotionnelle du parent) et que celles-ci seraient associées au développement de STAC. Les résultats obtenus associent le SSE aussi bien aux symptômes de troubles externalisés qu’internalisés et, s’ils ne permettent pas de constater un rôle médiateur des caractéristiques familiales entre le SSE et les STAC, ils démontrent cependant que la qualité de l’environnement joue bien un rôle médiateur dans la relation SSE – STAC.

La seconde, celle de Harnish, Dodge et Valente (1995) a porté sur la qualité des interactions mère-enfant (mesurée lors d’une période d’interaction, via les comportements maternels que sont la sensibilité, l’investissement, la directivité, la clarté des consignes, l’encouragement, l’adéquation et la réponse à l’enfant) comme médiatrice de la relation entre SSE et STAC. Leurs résultats suggèrent un rôle de médiation de la qualité des interactions mère-enfant d’une part sur l’association entre SSE et développement de comportements externalisés mais également sur le lien entre le niveau de symptômes dépressifs chez la mère et le développement de STAC chez l’enfant. Néanmoins, les auteurs précisent que d’autres facteurs comme le type de famille ou le vécu du ménage (qu’on peut rapprocher des TF) ne peuvent pas être exclus de la compréhension de leurs résultats, même s’ils n’ont pas fait partie des variables prises en compte. Cette question est particulièrement importante dans la mesure où le SSE est étroitement associé à la structure familiale.

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La dernière est celle de Felli, Parent, Séguin, Zelazo et Tremblay (2007), qui ont, pour leur part, examiné si l’adversité familiale pouvait avoir un rôle à jouer sur le lien entre le SSE et l’attachement ainsi que sur les troubles externalisés et internalisés. Le rôle médiateur du fonctionnement familial a été mis en exergue : il ressort que le fonctionnement des familles à faible SSE a tendance à être plus dysfonctionnel, ce qui viendrait favoriser le développement de plus de STAC intériorisés chez les enfants.

L’utilisation d’approches modélisantes, impliquant la recherche de variables médiatrices entre le SSE et les STAC, démontre l’intérêt des chercheurs à dépister des mécanismes familiaux liant le SSE aux STAC. À ce jour, à notre connaissance, aucune de ces études n’a postulé que les TF puissent être une de ces variables.

Limite des études. Ces études représentent un réel intérêt pour comprendre ce qu’il

en est de la recherche et nous faire une idée des constats énoncés jusque-là et des tendances supportées par l'avancée des connaissances sur le sujet. Elles donnent également aussi l’occasion de se représenter ce qu’il reste à faire dans le domaine.

Les études menées n’examinent pas toujours de concert les symptômes de troubles externalisés de l’adaptation du comportement et ceux de type internalisés (Lardoux & Pelletier, 2012; Turgeon & Parent, 2012; Vitaro & Gagnon, 2000). Or, ces difficultés sont hautement corrélées et décrivent des catégories de problèmes plutôt larges, de sorte qu’il est habituel de les considérer ensemble. De plus, dépendamment des études, les STAC sont soit examinés de façon catégorielle, soit mesurés de façon dimensionnelle via des niveaux de symptômes (Marcotte, 2009). Cette distinction témoigne des buts précis des différentes études, et surtout des populations à l’étude, à savoir si sont ciblées des problèmes davantage « cliniques » ou simplement des covariations entre variables dans des populations plus normatives. Or, les études sur des populations cliniques ont le désavantage de ne pas toujours bien représenter les processus développementaux qui ont lieu dans la majorité des familles en lien avec le développement de difficultés chez l’enfant. Pour ce faire, des études auprès de populations plus représentatives sont nécessaires.

Il apparaît également que les variables utilisées dans les études ne sont pas forcément construites sur la même définition ou par rapport aux mêmes indicateurs. Le Bourdais et Lapierre-Adamcyk (2007) rapportent, par exemple, que le SSE peut être

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mesuré selon le revenu économique familial, l'occupation principale des parents et leur niveau d'éducation. Currie, Samdal, Boyce et Smith (2001) le mesurent avec le revenu des parents, leur niveau de scolarité, leur genre de travail, leurs capitaux acquis et la possession ou non d’un patrimoine immobilier. Dans certaines autres études, la seule scolarité des parents est utilisée. Bien qu’on puisse s’attendre à une corrélation entre ces différentes conceptions, il existe néanmoins des variations d’une étude à l’autre. Par conséquent, étant donné la diversité des sources d’informations et des mesures utilisées pour construire les variables, il semble difficile d’extraire un sens commun à l’ensemble des résultats rapportés (Hill et al., 2013), ce qui serait pourtant pertinent.

Ensuite, les échantillons utilisés sont plus souvent formés de jeunes d’âge scolaire, principalement au secondaire (Ambert, 2005; Archambault, 2000; Fomby & Osborne, 2010 Turgeon & Parent, 2012) et le SSE est habituellement mesuré de manière transversale, au moment de l’étude. Or les recherches démontrent que les expériences de vie ayant lieu tôt dans la vie de l’enfant peuvent avoir un impact sur le développement. Dans cette perspective, les processus impliquant les évaluations du SSE et des TF tôt dans la vie de l’enfant peuvent être davantage pertinents à utiliser afin de comprendre ceux impliqués dans l’élaboration des STAC (Cavanagh & Huston, 2008; Ryan & Claessens, 2013). De même, selon Ambert (2009), Desrosiers et al. (2012) et Emery (2011), dans la plupart des études portant sur les enfants, les mesures ne sont faites qu’à un seul temps et non de manière longitudinale, ce qui tendrait à réduire leur portée, leur faisant saisir des enjeux différents dépendamment de l’âge auquel elles évaluent l’enfant. Or, ces auteurs, de même que Ryan et al. (2015) rapportent qu’il est primordial de se questionner sur l’adaptation des enfants face à leurs évènements de vie sur du moyen/long terme et non uniquement de manière concomitante à l’évaluation des STAC.

Relevons aussi que les études qui s’intéressent aux enfants tendent à se servir de mesures uniquement administrées aux parents (questionnaires autorapportés, entrevues structurées, échelles d’observation de l’enfant). Cette méthodologie, connue pour avoir une influence sur les résultats rapportés, ne permet pas de limiter l’influence possible de la désirabilité sociale des parents (tendance à omettre de mentionner certaines difficultés de comportement chez l’enfant) lors de la complétion des mesures (Desrosiers et al., 2012). Dans cette perspective, il est primordial de se fier à des observateurs externes, comme par

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exemple, les observations d’enseignants à l’école. De fait, les enseignants ont souvent un regard sur davantage d’interactions entre l’enfant et une partie importante de son environnement social par le biais des échanges qui peuvent avoir lieu dans la salle de classe et dans un contexte scolaire plus large.

Également, si la démonstration que le sexe de l’enfant est en lien avec les STAC (Bursztejn, 2006; Merikangas et al., 2010; Riberdy, Tétreault & Desrosiers, 2013) ou les TF (Amato, 2010; Martin et al., 2013) n’est plus à faire, peu d’auteurs semblent avoir cherché à établir si ce lien pourrait également être présent dans la relation entre TF et STAC. Citons Wu et Thomson (2001), Cooper et al. (2011) ou Lee & McLanahan (2015), qui se sont plus particulièrement penchés sur la question de l’impact des TF, et qui ont mis en avant que les effets de l’instabilité familiale diffèrent dépendamment du sexe de l’enfant. À l’instar de ces auteurs, il semble pertinent de chercher à savoir si le sexe de l’enfant peut être un potentiel modérateur sur la relation entre TF et STAC.

Enfin, comme mentionné précédemment, beaucoup de chercheurs se sont intéressés aux TF et à l’instabilité familiale dans les dernières décennies. Toutefois, malgré les évolutions flagrantes de la structure familiale, les variables qui sont examinées dans les études font majoritairement référence aux ruptures dans la continuité familiale (divorces et séparations). En effet, rares sont les études où les recompositions et les réunifications de la famille nucléaire sont prises en considération. Comme le mentionnent Felli et al. (2007) ou Lee et McLanahan (2015), il est pourtant nécessaire de considérer une distinction entre différents types de TF pour avoir une idée plus juste de ce que sont, et de ce qu’entraînent, les TF. Il nous semble donc pertinent de proposer une réflexion plus fine sur les différentes formes qu’elles peuvent prendre dans le quotidien des familles et leur impact possible sur le fonctionnement des enfants.

Objectifs du travail

Dans un premier temps, il a été démontré que le risque socioéconomique semble avoir une incidence sur le développement social des enfants et que les enfants provenant de milieux défavorisés sont plus à risque de développer des symptômes de problèmes de l’adaptation de comportement, qu’ils soient internalisés ou externalisés. Dans un second

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temps, a été mis en exergue le fait que les transitions familiales sont liées à un contexte qui favoriserait l’apparition de STAC chez les jeunes. Or, il est aussi apparu que le risque socioéconomique est associé à davantage de transitions familiales, pouvant donner lieu à une nécessité d’adaptation chez l’enfant.

Plusieurs composantes semblent éventuellement contribuer à l’association entre facteurs de risques socioéconomiques, TF et développement de STAC. Or la plupart des études qui explorent la relation entre risque socioéconomique et développement de STAC chez l'enfant tiennent compte des répercussions directes du SSE, mais pas du rôle des TF comme truchement de ces répercussions. Il semble alors intéressant d’aller explorer l’idée que l’instabilité pourrait servir de médiation à l’actualisation des facteurs de risque liés au SSE. L’objectif de ce travail est donc de se pencher sur lien entre facteurs de risques, instabilité familiale et symptômes de difficultés d’adaptation de l’enfant.

Nous annonçons les hypothèses suivantes :

1. Il existe un lien entre SSE et manifestations de STAC internalisés ou externalisés (Lansford et al. (2006).

2. Il existe un lien entre expériences de TF et développement de STAC internalisés ou externalisés (Weaver et Schofield, 2014).

3. Les TF médiatisent le lien SSE-STAC.

4. Nous examinerons également, à titre exploratoire, la possibilité que le sexe de l’enfant modère cette médiation, en ce sens que nous nous attendons à ce que le lien de médiation annoncé puisse accuser une différence selon le sexe.

Afin de pouvoir pallier à certaines des limites des études précédemment citées, ces hypothèses seront examinées dans le cadre d’une étude longitudinale portant sur un échantillon d’enfants représentatifs de la population générale des enfants nés au Québec. Les mesures de SSE proviendront du début de la vie de l’enfant et les rapports portant sur les STAC proviendront des enseignantes des enfants à l’âge de huit ans. Enfin, les informations concernant les TF proviendront de mesures prises chaque année entre la naissance de l’enfant et l’âge de huit ans.

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Notre hypothèse globale est que le risque socioéconomique est une condition qui facilite l’apparition de STAC, donc qu’il existe bien un lien entre SSE et apparition de symptômes de troubles de l’adaptation du comportement chez les enfants. Néanmoins, nous pensons que ce lien serait médiatisé par la présence de TF. Nous anticipons donc démontrer, d’une part, que ce sont, entre autres, les TF qui permettent l’actualisation des facteurs de risques socioéconomiques et leur influence sur le développement des STAC. Nous pensons, d’autre part, voir apparaître que le sexe de l’enfant a un effet de modération sur le lien de médiation entre les TF et les STAC, soit que le genre modère ce lien.

Figure

Tableau 4.     Alphas de Cronbach (standardisés) pour les échelles de comportement  basées sur les observations de l’enseignant/e
Tableau 5.     Corrélations de Pearson entre les sous-échelles des STAC
Tableau 8bis.

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