A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND & É. TRIQUET, Actes JIES XXVIII, 2007 1 LA NAISSANCE D’UN ARTICLE SCIENTIFIQUE DANS UN QUOTIDIEN.
Denis SERGENT
Chef de rubrique science du quotidien La Croix Bayard Presse
(La Croix et Association des Journalistes Scientifiques de la Presse d’Information)
La parution d’un article scientifique dans un quotidien généraliste n’est pas chose évidente. Le journaliste porteur de l’article doit d’abord défendre son sujet devant la rédaction, « batailler » ferme pour lui ménager une place, puis suivre pas à pas son évolution jusqu’à l’impression du journal.
Lors de la table ronde de la soirée « média » Denis Sergent, chef de rubrique sciences du quotidien La Croix (Bayard Presse), a ainsi présenté les principales étapes de cette histoire qui se répète inlassablement (presque) chaque jour de la semaine.
La première est celle du choix du thème plus ou moins guidé par l’actualité. Le journaliste doit ensuite s’immerger dans la connaissance. Il le fait en consultant les dépêches d’agences AFP1, AP2, les communiqués de presse des organismes de recherches nationaux, internationaux ou industriels, dans les « press release »3, les actes de colloques ou de congrès, les rapports d’experts, mais aussi, bien entendu, en surfant sur divers sites Internet ou tout simplement par le bouche à oreille de la profession. De là il doit extraire la « matière informative » pour un article scientifique destiné à un public non spécialiste. Mais avant de divulguer l’information, il se doit de la vérifier de façon à éviter toute erreur grossière. Pour cela, il active son réseau de scientifiques qui dans un temps toujours très court tente d’en apprécier l’exactitude et la pertinence.
1 Agence France Presse
2 Associated Press
A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND & É. TRIQUET, Actes JIES XXVIII, 2007 2
Mais, qu’est-ce qu’une information scientifique ?
L’information scientifique est en fait à double visage selon qu’elle prend place dans un sujet purement scientifique en lien direct avec l’activité des laboratoires ou dans un sujet « scientifico-technico-sociologique » donc plus en prise avec les applications qui touchent directement la société. Dans le premier cas, le sujet est traité avec l’aide et le soutien direct de chercheurs concernés qui constituent – de fait – un appui de choix pour les journalistes. Le second cas exige une prise en compte des questionnements, doutes et attentes des citoyens. Les premiers articles de ce genre sont apparus à l’occasion du choix de l’option électro-nucléaire par EDF au début des années 70 ; il se développent aujourd’hui sur des sujets comme les « OGM », « la vache folle », le réchauffement climatique et impliquent la consultation plus ou moins directe des associations, des espaces sociaux. La question que se pose actuellement les journalistes est d’ailleurs de savoir comment impliquer d’avantage les citoyens au niveau de tels articles. L’autre difficulté rencontrée dans ces domaines qui ne touchent pas seulement aux sciences exactes est de trouver le bon expert au bon moment, de façon à être le plus réactif possible
Lorsque le sujet est arrêté et bien délimité, que l’information scientifique nécessaire à son traitement est vérifiée, le journaliste peut enfin s’atteler au travail d’écriture. Là il va devoir tenir compte de contraintes bien spécifiques, imposées par le journal : elles sont pour la plupart d’ordre technique mais conditionne le développement du sujet. La place accordée par la rédaction à l’article de science à l’intérieur du quotidien est l’un des principaux freins, de même que le temps laissé à l’écriture, laquelle est pour partie déterminée par la proximité des faits mentionnés avec une actualité émergente, et donc les attentes des lecteurs.
Quoiqu’il en soit, l’écriture d’un tel article demeure toujours délicate. Le journaliste doit vulgariser sans perdre en route trop d’informations, sans dénaturer les savoirs en jeu … mais aussi, sans ennuyer son lectorat. Il doit user de métaphores avec parcimonie, travailler ses analogies, effectuer les rappels indispensables (sur les ordres de grandeur par exemple) pour que l’information fasse sens chez le lecteur ; et agrémenter le tout avec des anecdotes et/ou des renvois au vécu pouvant le maintenir en haleine. Il importe enfin qu’il rattache son article à un contexte d’informations plus global en rappelant certains thèmes déjà parus dans le journal et venant enrichir le sujet du jour.
A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND & É. TRIQUET, Actes JIES XXVIII, 2007 3 LA PLACE DE LA SCIENCE DANS LA PRESSE ÉCRITE QUOTIDIENNE
Le quotidien Nombre de pages accordées Nombre de journalistes en charge des sujets
Le Parisien Variable Trois journalistes
Le Figaro Une page par jour Sept journalistes
Le Monde Au moins une page par jour Neuf journalistes
Libération Au moins une page ‘Terre’ par jour Quatre journalistes
La Croix Variable et 4 pages le mardi dans le cahier Sciences et éthique
Un journaliste
(+2 journalistes pour le cahier)
A noter que La Croix propose tous les mardis depuis 2003, un cahier « Sciences et éthique » de quatre pages. Le choix du sujet est discuté en réunion pour que le cahier se recentre sur un sujet principal. Le sujet se dévoile sous la forme d’un article d’ouverture, d’un reportage et d’une question débat avec deux intervenants.