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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'enseignement ménager des années (1940-1980) : entre sciences appliquées, arts ménagers et science du travail

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L’ENSEIGNEMENT MÉNAGER (1940-1980) : ENTRE SCIENCES

APPLIQUÉES, ARTS MÉNAGERS ET SCIENCES DU TRAVAIL

Joël LEBEAUME et Jean LAMOURE

UMR STEF ENS Cachan/INRP – UniverSud Paris

MOTS-CLÉS : ÉCONOMIE DOMESTIQUE – DIDACTIQUE – HISTOIRE – FILLES –

ÉDUCATION TECHNOLOGIQUE

RÉSUMÉ : Dans un contexte international de rationalisation des pratiques de home economics, les

contenus et les modalités retenus en France pour l’enseignement ménager croisent méthodes actives, taylorisation des tâches ménagères et ergonomie du poste de travail permettant aux jeunes filles d’apprendre l’économie du temps, des gestes et des forces. L’apprentissage actif et pratique de cette optimisation du travail s’accompagne de contenus de sciences appliquées indispensables à l’incorporation par les adolescentes de leur responsabilité de femme avec l’expression personnelle, la scientificité et la rationalité technique des pratiques : la technicité partagée d’une époque.

ABSTRACT : Within an international context of the rationalized practices at home development,

contents and pedagogical methods implemented in France for home economics at school mix active methods, scientific organization and ergonomic approach of tasks and equipment in order to enable young girls to learn economy of time, gestures, forces and money. This active and practical learning is tied with contents about applied sciences necessary to incorporate the women’ responsibility with their personal expression, scientific and technical thinking : the values and the culture of an historical period.

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1. INTRODUCTION

Art culinaire, art de vivre… science ménagère, science domestique, sciences appliquées à la vie ménagère… travail féminin, travaux manuels, méthode de travail, outillages, appareils ménagers… sont des expressions qui traversent les discours de l’enseignement ménager, de l’éducation ménagère et de l’économie domestique depuis la fin du XIXe siècle. Cet enseignement dévolu traditionnellement aux jeunes filles répond à de multiples enjeux sociaux et éducatifs jusqu’au milieu des années 1980 lorsqu’il demeure parmi les activités, alors mixtes, d’éducation manuelle et technique (EMT).

En France, la scolarisation de ces pratiques de la ménagère moderne se développe avec les lois de 1941 et 1942 dans l’enseignement postscolaire agricole et dans l’enseignement technique. L’enseignement ménager qui s’adresse ainsi aux jeunes filles des milieux populaires, urbains et ruraux avec une certification qu’est le CAP « arts ménagers », correspond à leur domestication et à leur moralisation. Cet enseignement participe en effet à l’intériorisation du travail gratuit mais aussi à la diffusion d’une nouvelle technicité partagée par la gent féminine qui a pour finalité de valoriser leur identité, désormais associée au confort ménager. Pour Combarnous (1984), la technicité a trois composantes 1) les artefacts, les engins ou les appareils, 2) la rationalité technique fondée en particulier sur la recherche d’efficacité et 3) les rôles ou les spécialisations. Ces éléments majeurs constituent la grille d’analyse de cette acculturation prônée par les industriels depuis la création du salon des arts ménagers et fortement développée lors de la naissance de la société de consommation. Cette figure de la ménagère, avec ses engins, sa rationalité technique et sa spécialisation qui rassemble les fonctions de manager et de laborantine, sinon d’ingénieur, associe les « sciences appliquées et les arts ménagers » – selon l’étiquetage d’une spécialité de la formation des enseignants – lors de la constitution du système éducatif unifié.

La reconstitution de cet enseignement, de ses contenus et de ses options pédagogiques, menée à partir de l’analyse des textes officiels, des manuels scolaires et des discours généraux, présente d’abord l’enracinement historique de cet enseignement féminin puis son développement majeur dans l’enseignement technique très voisin de celui de l’enseignement primaire, enfin son maintien provisoire et ses aménagements pour le collège unique. Le propos est limité à la France, mais les mouvements observés apparaissent assez proches des évolutions internationales. Si, au cours des années 1950, les enseignantes et inspectrices reviennent de leurs visites en Suède, Norvège, Suisse ou aux États-unis, avec l’impression d’un développement moindre de l’enseignement ménager français, elles en soulignent également la grande similarité des préoccupations. Aussi bien, semble-t-il, en Europe qu’aux États-unis, la naissance, le développement puis l’institutionnalisation de l’enseignement ménager se sont effectués selon un même schéma, avec un développement plus ample et plus précoce d’un demi-siècle aux États-Unis. Il a été porté, à ses origines, par des femmes

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aristocrates puis bourgeoises à des fins d’aide aux jeunes femmes à la – puis en manque de – domesticité, et de moralisation des femmes des classes laborieuses. Dans chaque pays, l’institutionnalisation de ces enseignements dans le système scolaire, privé puis public, passe par une double légitimation : son caractère pratico-utilitaire, ses fondements scientifiques. Les propos d’un congressiste américain, fin XIXe, semblent bien définir les fondements internationaux de l’enseignement ménager :

Progressive women have perceived with a growing sense of freedom, how, that seemed such endless drudgery can, by a clear understanding of underlying principles and the application of scientifics methods, be changed into a beautiful harmony of law and order.1

2. L’ENSEIGNEMENT MÉNAGER POUR LES FUTURES FEMMES

Les analyses historiques s’accordent pour indiquer le rôle croissant, au cours de la période 1880-1914, des nombreux livres ou journaux de conseils à la ménagère dans le renforcement de l’image de la femme à la fois âme du foyer et maîtresse de maison2. À la même époque, les lois scolaires contribuent à identifier une adolescence, bornée par le régiment pour les garçons et l’entretien du foyer pour les filles. L’enseignement ménager constitue ainsi une partie essentielle de l’enseignement féminin avec couture, économie domestique, hygiène, comptabilité, alimentation, pédagogie maternelle… Il s’agit en effet de protéger les futures mères qui acquièrent ainsi un rôle de (re) producteur de la famille indispensable au redressement de la France et de former les futures gardiennes de la moralité ou de la foi du foyer. À la veille de la première guerre mondiale, cet idéal de la ménagère vise les milieux populaires, comme l’antidote de l’alcoolisme, de la dégénérescence de la race et des fléaux de la nation. Les histoires édifiantes des manuels d’enseignement anti-alcoolique indiquent nettement cette valorisation de l’épouse charmante, attentive, économe, dont la cuisine bien faite et le foyer propre, rangé, décoré… retiennent le mari tenté par le comptoir. Ce discours prégnant de « l’importance de bien élever les filles » selon le titre du premier chapitre de l’ouvrage de Fénelon (1687) est tenu par les mouvements de tous bords et même certaines féministes – ainsi Augusta Moll-Weiss3, enseignante, auteur du renommé Livre du foyer qui défend la responsabilité des femmes au niveau domestique. Ces recommandations visent à la fois les adolescentes de la bourgeoisie en raison de la pénurie des domestiques, et celles des milieux populaires. Toutefois, les dispositions réglementaires concernant l’enseignement secondaire y

1 Shapiro, L. (2001). Perfection Salad. Women and cooking at the turn of the century. New York : The Modern Library (p. 5).

2 Voir en particulier : Roll, S. (2008). De la ménagère parfaite à la consommatrice engagée. Histoire culturelle de la ménagère nouvelle en France au tournant des XIXe-XXe siècles. Thèse de doctorat soutenue le 27 octobre 2008 à l’Université March Bloch, Strasbourg II.

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portent moins d’intérêt. Pour l’école primaire, les manuels scolaires conçus comme des mémentos ou des bréviaires passent en revue les devoirs et les occupations de la femme d’intérieur dans la réforme des gestes qu’assure ainsi l’école. Dans cet esprit, au début du XXe siècle, selon le nouveau dictionnaire de pédagogie « l’économie domestique partage avec l’hygiène et la médecine le privilège d’être considérée à la fois comme une science et comme un art »4.

Dans l’entre-deux-guerres, les discours concernant l’enseignement ménager ne changent pas radicalement dans leurs ambitions tout en étendant leurs fondements hygiénistes. La femme devient ainsi « l’auxiliaire du médecin », tout en restant la « garante de la prospérité nationale ». Les manuels deviennent encyclopédiques et légitiment ce travail ménager. La première édition en 1926 du Larousse ménager, le dictionnaire illustré de la vie domestique, indique l’empan de ce mouvement des idées.

Cette période est en effet marquée par de nouvelles fonctions attribuées aux femmes (leur professionnalisation étendue aux métiers des services, de secrétariat) et le développement des « arts ménagers », qui tiennent salon à partir de 1923 sous le patronage de l’instruction publique. La création de ce salon initialement désigné par « salon des appareils ménagers » (1923-1925) est due à Jules-Louis Breton (1872-1940), ingénieur chimiste, député socialiste du Cher et ministre de l’Hygiène, de l’Assistance et de la Prévoyance sociale (1917-1921). La superposition des désignations « salon des appareils ménagers » puis « salon des arts ménagers » indique le double enjeu de cette manifestation ; l’un concerne l’offre des industriels pour le développement du nouvel outillage domestique, l’autre correspond à la recherche d’économie et d’efficacité pour toutes les ménagères. Ce mouvement d’opinion publique réplique le développement de la mécanisation et de la rationalisation des tâches ménagères aux États-Unis initiées par Catherine Beecher dès le milieu des années 1800 puis Christine Frederick, auteur du Taylorisme chez soi (1920) au début du XXe siècle, importées et adaptées en France par Paulette Bernège5. L’organisation scientifique du travail qui inspire cette approche est présentée dans les ouvrages de la fin des années 1930 qui soulignent les deux préoccupations majeures de toute tâche : la recherche du bon outillage par exemple pour couper un œuf en rondelles ou pour dénoyauter les cerises ; l’anticipation du travail par l’aménagement du poste de travail puis le contrôle du temps éventuellement par chronométrage. Examinons, si vous le voulez, l’écossage des petits pois. Le travail préliminaire consistera à disposer les objets de telle façon que la main droite puisse saisir aisément, sans déplacement de tout le bras, les gousses à ouvrir. Le récipient destiné à recevoir les pois sera placé devant la cuisinière, la poubelle dans laquelle tomberont les épluchures à sa gauche6.

4 Buisson, F. (1911). Nouveau dictionnaire de pédagogie et d’instruction primaire. Hachette, Paris, page 516.

5 Bernège, P. (1931). La science et la technique au service de la femme américaine. L'équipement du « home » aux États-Unis. Science & Vie, 171, page 227 [http://www.science-et-vie.net/index-thematique/auteur,bernege-643.html]. 6 Chouquet, E. (1937). Comment vivre au foyer. Paris : Bloud (p. 7).

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Ces « arts ménagers » véhiculent alors un art de vivre à venir, presque fantasmé par les nouveaux équipements possibles. L’adhésion du public à cette image et à ces pratiques facilitées et allégées est manifeste notamment par le succès du « concours de la meilleure ménagère » crée en 1936. Les textes officiels de 1938 confortent cette visée éducative de préparation au « métier de ménagère et celui de maman » qui devient sous Pétain, les « futurs devoirs de ménagères et de mères de familles ». À cette date, « l’enseignement ménager familial » devient obligatoire pour toutes les jeunes filles.

3. LES FEMMES, LEUR PROFESSION ET LEUR FOYER

Ces dispositions législatives sont confirmées à la Libération. L’enseignement ménager est alors institutionnalisé d’une part par son organisation réglementaire dans l’enseignement public (formation des enseignants, diplômes, équipement, organisation administrative et pédagogique) et d’autre part par la réglementation des institutions ou des cours privés. Ainsi, dans les établissements de formation professionnelle alors dotés d’équipement et de financement, l’enseignement des techniques du métier de ménagère prend appui sur les formations antérieures à la couture ou à la cuisine hôtelière. Les modalités pédagogiques, pratiques et actives, répondent aux options psychopédagogiques de l’enseignement technique. Pour les adolescentes des centres d’apprentissage marquées par la guerre et l’occupation et pour celles des Écoles Nationales Professionnelles jugées très scolaires et distantes des réalités sociales, les réalisations concrètes, le travail de groupe, les intérêts des élèves… sont privilégiés, avec le souci que les contenus – et les méthodes – correspondent au « vécu » des élèves, car à « décrire les avantages d’appareils ménagers coûteux à des jeunes filles qui ne trouvent chez elles ni l’eau sur l’évier ni l’électricité comme moyen d’éclairage » c’est le risque de rendre « plus pesante la misère du foyer, d’augmenter encore le désir de s’en évader » (Simonin et Frisch, 1950). Au-delà du caractère éducatif et social de la préparation des jeunes filles à leur double profession, l’intérêt de l’enseignement ménager concerne aussi l’orientation professionnelle : employées de maison, employées de collectivités, aides familiales, aides maternelles, diététiciennes, vendeuses des magasins d’alimentation ou d’ustensiles ménagers… En 1946, est ainsi créé le Certificat d’Aptitude Professionnelle (CAP) « arts ménagers ».

Cette certification s’accompagne de la formation des professeurs. À cette fin, l’ENSET ouvre la section A en 1945 dont la désignation est « sciences appliquées et arts ménagers ». Parallèlement, les ENNA, essentiellement à Paris et à Toulouse, dès leur création à cette date, préparent le professorat d’enseignement ménager des centres d’apprentissage. Cette qualification se substitue au monitorat d’enseignement ménager créé en 1942. Ces établissements de formation deviennent les

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vitrines du modèle des installations des classes : « l’ensemble ménager » (Martraire, 1955) qui distingue différentes salles spécialisées pour la cuisine, la couture, l’entretien du linge, les travaux manuels usuels… La cuisine laboratoire dont l’équipement est bientôt financé par les distributeurs d’électricité et de gaz, est le modèle du confort désormais proposé par les industriels.

L’enseignement ménager est ainsi porté par l’enseignement technique. Il se réfère à l’expérience de la Ville de Paris qui avait organisé à la fois un enseignement ménager et la formation des professeurs spécialisés. Ces classes créées en 1899 en opposition à l’offre du ministère du commerce – qui est celle entre EPS et EPCI - étaient fondées sur l’ambition d’une « éducation intégrale » des jeunes, c’est-à-dire contre l’apprentissage de strictes façons de faire. Cette option est alors réaffirmée dans l’expression « culture humaniste féminisée » qui représente la méthode française internationalement reconnue au milieu des années 1950 et qui suggère des suppléments d’âme compensateurs du travail professionnel. Conformément à ces orientations de l’enseignement technique et à l’ambition de formation complète des ouvrières, il ne s’agit donc pas d’exercices gestuels inspirés des méthodes psychotechniques mais d’un enseignement rationnel du management dans l’acception étymologique de l’économie domestique, mis en œuvre par des méthodes actives. Madame Compain professeur d’enseignement ménager des collèges techniques de Paris, le précise : Il s’agit moins de faire apprendre des recettes que de développer les facultés d’observation et de raisonnement qui permettent de simplifier la besogne par une juste compréhension des choses7. Les sciences contribuent alors à cette éducation par les connaissances appliquées ou impliquées mais aussi par la méthode expérimentale qu’elles convoquent. Le lavage du linge suppose par exemple observation et réflexion afin d’examiner la nature des souillures et leur fixation sur les fibres, d’émettre des hypothèses sur les méthodes idoines, de les expérimenter et enfin de susciter un choix optimisé des températures, des détergents… L’enseignement ménager vise principalement les pratiques raisonnées. L’ouvrage « La science de la maison » présente en ce sens les notions scientifiques liées au chauffage, à l’éclairage, à la lessive, à la cuisine… La comparaison des éditions de 1949 et de 1956 montre d’une façon nette l’évolution des équipements, notamment la machine à laver qui remplace la lessiveuse, ainsi que les nouveaux besoins de connaissance liés aux produits ménagers. Les « phénomènes tensoriels » du détachage sont alors explicités.

4. L’ENSEIGNEMENT MÉNAGER POUR LA CONSOMMATION

7 Compain, E. (1956). La science de la maison. Cours d’enseignement ménager théorique et pratique. Paris : Foucher. (éd. revue et corrigée) p. 5.

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L’essor de l’enseignement ménager au milieu des années 1950 peut se lire dans le contexte international qui le légitime. En 1908 est créé l’Office international de l’enseignement ménager qui devient en 1913 la Fédération internationale pour le développement de l’enseignement ménager. En 1954, sa nouvelle désignation souligne son avènement : Fédération internationale de l’enseignement ménager dont le siège est installé à Paris en 1955. Dans cette dynamique, le congrès international à Michigan, en 1958, privilégie l’adaptation à la modernité. L’enseignement ménager s’adresse alors aux futures mères qui constituent un acteur économique pour la société de consommation. Avec la généralisation du travail féminin, la scolarisation massive des filles et la transformation du milieu de vie par la modernité, l’enseignement ménager est légitime pour le renouvellement des pratiques, l’intégration et la diffusion des nouveaux objets de la société de consommation. L’inspectrice générale Sourgen souligne ce changement :

Pour que les femmes adaptent leurs techniques aux progrès déjà faits, à ceux qui se font, à ceux qui se feront – à l’utilisation des sources d’énergie mises à leur disposition dès aujourd’hui : électricité, gaz de houille ou de pétrole – ou demain, énergie atomique, énergie solaire ou cosmique – à l’utilisation des textiles artificiels, des machines ménagères, des produits ménagers, etc., il est indispensable que, par une instruction solide, leur curiosité soit tenue en alerte et que leur intelligence soit assouplie. (Sourgen, 1960)

L’enseignement ménager, en tant que discipline d’action et de raisonnement, porté par les femmes responsables de l’enseignement technique, participe alors au mouvement de reconnaissance des femmes.

5. LA FIN D’UN ENSEIGNEMENT STRICTEMENT FÉMININ

Malgré des pratiques scolaires reconnues et des compétences professionnelles avérées, les années 1960-1970 correspondent à une période où les contradictions impliquent une recomposition de l’enseignement ménager. Celui-ci ne résiste pas en effet au mouvement social et culturel de la fin des années 1960. Dans cette période de constitution du système éducatif unifié, l’enseignement technique change également et tend à privilégier les connaissances techniques par rapport à l’initiation professionnelle. La dimension moralisatrice de l’enseignement ménager est abandonnée au profit de l’extension de ses perspectives vers le travail social. La création du Diplôme d’État de conseiller en économie sociale et familiale (1973) signe la fin de l’enseignement ménager scolaire féminin. L’enseignement ménager avec ses nouvelles orientations n’est plus alors l’affaire de l’éducation nationale mais celle des caisses d’allocation familiale et du ministère de la santé. Dans ce mouvement, la Fédération internationale de l’enseignement ménager devient en 1970 Fédération internationale pour l’économie familiale. De même, dans la formation des enseignants,

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la section de l’ENSET intitulée depuis 1960 « sciences appliquées à l’économie domestique » devient à partir de 1969 la section « biochimie-nutrition » avant la création ultérieure de la section « biochimie ».

Les contenus de l’école moyenne qui se construit au cours des années 1960-1970 maintiennent quelque temps cependant la différence entre les garçons et les filles. Les élèves de 3e et 4e ont un enseignement partiellement différencié avec le maintien de 2h d’économie domestique. Les programmes de technologie-physique des années 1970 prescrivent également une distinction dans les objets étudiés : le dénoyauteur de cerises est alors l’équivalent de la poinçonneuse d’établi et la tringle à rideau celui des mécanismes à translation.

Paradoxalement, la mise en place du collège unique (réforme Haby, 1975) insère dans les programmes de l’éducation manuelle et technique les contenus d’enseignement ménager de la 6e à la 3e pour les garçons et les filles. Ce sont les domaines de l’alimentation, de l’aménagement du cadre de vie et des travaux de confection qui proposent une approche des problèmes technologiques. Les activités et les contenus proposés dans les manuels rappellent les fondements de l’enseignement ménager avec l’ordonnancement des opérations techniques en organigrammes, l’aménagement du poste de travail, la connaissance des équipements, des produits ménagers ou des denrées alimentaires… Cette éducation ménagère que l’on désigne en tant qu’éducation du consommateur est mise en œuvre dans les cuisines pédagogiques et dans les salles spécialisées qui répliquent les « ensembles ménagers » et cuisines laboratoires de l’enseignement technique. Cette « technologie domestique » suggérée par Capelle en 1962 disparaît avec la suppression de l’éducation manuelle et technique au milieu des années 1980 tout en restant mentionnée parmi les thèmes transversaux du collège. En 1983, le salon des arts ménagers disparaît également.

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6. CONCLUSION

L’histoire de l’enseignement ménager révèle les relations fortes entre culture et éducation scientifique et technologique dans ses missions scolaires, ses contenus et ses ambitions d’appropriation d’une « technicité partagée ». Son essor et son déclin dans l’enseignement scolaire ne s’expliquent que par cette légitimité soutenue par les aspirations d’une époque. Au fil du temps, cette technicité partagée évolue dans ses trois composantes (cf. supra) ce que précise le tableau suivant (tableau 1).

Tableau 1 :De l’art du foyer aux pratiques raisonnées

1880 ? 1914-18 ? 1939-45 ? 1956 ? 1970

La peur des classes laborieuses

Le travail des femmes

Le salon des Arts ménagers

Le contexte Le droit de vote

La concurrence européenne

Artefacts, Hygiène, ordre

engins ou appareils Modernité fantasmée

Produits de consommation

Faire bien

Sciences appliquées

Rationalité Organisation scientifique du travail

Consommation rationnelle

Rôles La femme au foyer

ou spécialisations Au foyer et au travail

Nouveaux métiers nouvelles qualifications

NOTE : Cette contribution s’inscrit dans la recherche collective « Réformer les disciplines

scolaires : acteurs, contenus, enjeux, dynamiques (années 1950-1980) » REDISCOL, soutenue par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR).

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BIBLIOGRAPHIE

Combarnous, A. (1984). Les techniques et la technicité. Paris : Éditions sociales.

Martraire, G. (1955). Les problèmes de l’enseignement technique féminin. Technique, Art, Science, 4-5, 113-121.

Simonin, J. & Fritsch, Mme. (1950). Psychologie et pédagogie de l’enseignement ménager. Rapport présenté au Congrès international de l’enseignement ménager de Stockholm 1949. Technique, art, science, 8, 31-35.

Sourgen, H. (1960). L’enseignement ménager. In R. Laffont (dir.) Encyclopédie pratique de l’éducation nationale, (pp. 801-812), Paris : Société d’Édition de Dictionnaires et d’Encyclopédies, 1960.

Figure

Tableau 1 :De l’art du foyer aux pratiques raisonnées

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