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L’évolution des métiers et des outils de la surveillance des milieux aquatiques dans le contexte de mise en oeuvre de la DCE : enquête exploratoire auprès des agents de l'ONEMA

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02597526

https://hal.inrae.fr/hal-02597526

Submitted on 15 May 2020

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agents de l’ONEMA

Gabrielle Bouleau, Christelle Gramaglia

To cite this version:

Gabrielle Bouleau, Christelle Gramaglia. L’évolution des métiers et des outils de la surveillance des milieux aquatiques dans le contexte de mise en oeuvre de la DCE : enquête exploratoire auprès des agents de l’ONEMA. [Rapport de recherche] irstea. 2012, pp.36. �hal-02597526�

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1 Partenariat 2011 –Action 32 sous-action 75

L’évolution des métiers

et des outils de la

surveillance des

milieux aquatiques

dans le contexte de

mise en œuvre de la

DCE

Enquête exploratoire auprès

des agents de l’ONEMA

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2 Contexte de programmation et de réalisation

Cette pré-enquête menée en 2011 constitue la première phase d’une étude sur les métiers de la mesure des milieux aquatiques. C’est l’une des premières enquêtes sociologiques effectuée pour l’ONEMA.

Cette phase exploratoire et qualitative a été menée pour identifier des questions, problèmes et pistes d’analyses relatives à l’évolution des métiers et outils de la surveillance et du contrôle des usages dans le contexte d’application de la DCE. Il était prévu initialement d’enquêter auprès d’agents de terrains de plusieurs délégations départementales de l’ONEMA et administrations en charge de la police de l’eau (DREAL, DDT et gendarmerie) à propos des transformations de leur mission en lien avec (1) la DCE et son suivi et (2) les réformes en cours des politiques publiques. La réduction du budget alloué à l’action a conduit à un recentrage sur les agents de l’ONEMA uniquement.

En 2012, l’enquête exploratoire qualitative pourrait être prolongée par une enquête sollicitant les agents des autres administrations exerçant des missions de police de l’eau, par des observations participantes permettant de comprendre la part des interactions sur le terrain, ainsi que par une enquête quantitative à plus large échelle au sein de l’ONEMA visant à couvrir une portion importante du territoire. L’idée serait d’envoyer environ 400 questionnaires à différents agents ONEMA (200) et autres services en charge de la police de l’eau (1 DREAL + 1 DDT + 1 ou 2 ONEMA + 1 fédération de pêche dans 95 départements) pour vérifier les hypothèses identifiées dans la première phase et les corréler à des variables hydro-bio-géographiques mais également sociologiques (âge de l’agent, formation, service, ancienneté, missions…etc.). Il s’agit d’une enquête qui vise à la quasi-exhaustivité, quand bien même le taux de retour des questionnaires se situe généralement aux alentours des 30%. Cependant, la logistique sera confiée à un bureau d’étude spécialisé chargé d’envoyer un premier courrier et une relance, laissant espérer un taux de réponse de 50% environ. Le dépouillement sera réalisé collectivement, avec les responsables du projet et ce même bureau d’étude.

Les résultats attendus sont de plusieurs ordres. D’une part, l’étude nous permettra de rendre compte de manière précise des impressions, attentes, incertitudes et difficultés des agents confrontés à l’application de la DCE qui bouleverse leurs habitudes de travail. D’une autre, elle nous aidera à pointer des disparités selon les lieux, en fonctions de différents facteurs de type biophysique ou/et anthropique dans la production et l’utilisation des données sur le bon état des masses d’eau. Ce qui in fine devrait nous être utile pour penser le devenir des milieux aquatiques en fonction des découpages en masses d’eau, des réseaux de mesure et des indicateurs mobilisés pour les décrire puis les administrer.

Alors que l’enquête de 2011 s’est adressée à quelques agents sélectionnés de manière aléatoire, celle de 2012 devra faire l’objet d’une annonce plus générale indiquant l’aval de la hiérarchie des institutions concernées mais également le caractère externe du projet qui devra être réalisé en toute indépendance dans le respect de la confidentialité des enquêtés, pour en mobiliser un plus grand nombre dans un souci de représentativité.

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3 Les auteurs

Christelle Gramaglia Chercheur en sociologie UMR G-EAU Irstea Montpellier

Christelle.gramaglia@irstea.fr Gabrielle Bouleau

Ingénieur-chercheur en sociologie UR ADBX Irstea Bordeaux

Gabrielle.bouleau@irstea.fr

Les correspondants

ONEMA : Carine, Gendrot, DAST, carine.gendrot@ONEMA.fr

Cemagref : Gabrielle Bouleau, Irstea Bordeaux, Gabrielle.bouleau@irstea.fr

Droits d’usage :

Couverture géographique : Niveau géographique [un seul choix] :

France national Niveau de lecture [plusieurs

choix possibles] : Nature de la ressource :

Professionnels, experts Document

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L’EVOLUTION DES METIERS ET DES OUTILS DE LA SURVEILLANCE DES MILIEUX AQUATIQUES DANS LE CONTEXTE DE MISE EN ŒUVRE DE LA DCE

RAPPORT D’ETAPE

CHRISTELLE GRAMAGLIA ET GABRIELLE BOULEAU

I. Introduction ________________________________________________________________7

II. Positionnement d’une pré-enquête ____________________________________________7

III. Justification et méthode d’enquête ___________________________________________10

IV. Résultats ________________________________________________________________17

A. Une profession et des compétences en forte évolution _________________________________17

B. Un organisme qui acquiert une identité propre_______________________________________20

C. Attentes fortes vis-à-vis d’une directive qui oriente l’action ____________________________22 D. Réticences vis-à-vis d’un outil de pilotage à distance __________________________________25 E. Une place à trouver parmi les services de l’Etat ? ____________________________________28

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L’EVOLUTION DES METIERS ET DES OUTILS DE LA SURVEILLANCE DES MILIEUX AQUATIQUES DANS LE CONTEXTE DE MISE EN ŒUVRE DE LA DCE

RAPPORT D’ETAPE

CHRISTELLE GRAMAGLIA ET GABRIELLE BOULEAU

RESUME

Alors que la DCE impose une planification rationnelle et stratégique des actions de restauration de la qualité de toutes les eaux, à partir de critères nombreux et systématiques, on connaît peu les conditions d’exercice des métiers de la mesure sur lesquels repose toute l’infrastructure informationnelle de l’évaluation, de la programmation et du rapportage.

Une étude a été entreprise pour comblée ce manque. Le présent rapport n’en présente qu’une première étape de pré-enquête.

L’ambition de cette pré-enquête est de cerner comment les acteurs chargés de la mesure des milieux aquatiques vivent et ressentent l’évolution de leurs métiers et d’identifier des questions pertinentes pour une enquête plus large. Les moyens mis à disposition n’ont permis d’interroger qu’une dizaine de personnes, agents techniques, techniciens chefs et délégués de l’ONEMA

Ces premiers entretiens ont été intégralement retranscrits et codés selon les thèmes les plus récurrents pointant les difficultés perçues comme pouvant nuire à un travail de qualité. Les entretiens témoignent d’une complexité croissante du métier de la mesure et du contrôle, d’un travail accru de compte-rendu sur de nombreuses tâches au détriment des tâches elles-mêmes, d’une communication difficile entre la direction générale et les services départementaux de l’ONEMA, d’un manque de moyens, d’attentes mais aussi de déceptions liées à l’outil de pilotage mis en place pour l’application de la DCE.

Nous avons pu identifier cinq thèmes qui mériteraient d’être explorés plus systématiquement avec un panel plus large pour corréler les observations avec des données sociologiques, politiques, géographiques, hydrographiques ou écologiques :

- L’évolution des compétences (sens vécu, complexité, relation au terrain, motivation, satisfaction, nouvelles compétences requises en fonction des situations)

- L’autonomisation vis-à-vis du secteur de la pêche (conséquences de l’éloignement d’un monde militant, effets ressentis de la centralisation et de la bureaucratisation)

- L’appropriation de la DCE (avis sur l’ambition de la DCE et ses exigences, faisabilité de l’atteinte des objectifs, limites perçues)

- L’outil de pilotage (place de l’expertise de terrain, utilité et disponibilité des synthèses, décalages éventuels entre l’outil et le terrain)

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6 plus large (stratégies plus ou moins motivantes, configurations plus ou moins difficiles).

Mots clés (thématique et géographique)

Métier, évolution professionnelle, police de l’eau et de la pêche, compétences, outil de pilotage, contrôle et mesure, évaluation, rapportage, contrôle qualité.

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L’EVOLUTION DES METIERS ET DES OUTILS DE LA SURVEILLANCE DES MILIEUX AQUATIQUES

CHRISTELLE GRAMAGLIAET GABRIELLE BOULEAU

I. INTRODUCTION

La Directive Cadre Européenne sur l’Eau (2000/60/CE) est une réglementation qui s’impose à l’Etat français. Elle confère une importance nouvelle à l’évaluation et au rapportage. Sa mise en œuvre repose sur la mise en place d’un référentiel scientifique permettant de standardiser et d’interpréter des données, mais elle repose aussi sur des agents de terrain. Ceux-ci sont chargés de mesurer l’état du milieu et de contrôler les usages.

S’intéresser aux métiers et aux outils de terrain est indispensable pour comprendre la mise en œuvre de la DCE et l’améliorer, car toute l’infrastructure de l’action publique sur les milieux aquatiques repose sur ces données de terrain. Or les métiers de la mesure de la qualité de l’eau sont très spécifiques. Ils concernent un effectif peu nombreux (environ 1000 agents dont 700 à l’ONEMA) qui n’a pas été étudié. De plus ce métier a fortement évolué avec des modifications institutionnelles, des évolutions de statuts, de compétences, de recrutement et de moyens. Les situations sont donc très hétérogènes d’un service à l’autre selon l’ancienneté des agents, leur nombre, leurs relations avec leurs partenaires.

Les changements institutionnels induits par la directive cadre ont été appréhendés par des évaluations au niveau communautaire (Scheuer et Naus 2010), ainsi que par la comparaison des stratégies nationales de retranscription (Keessen et al. 2010) et de mise en œuvre (Uitenboogaart et al. 2009). Au niveau français, l’évolution des agences de l’eau et des démarches de planification ont été également étudiées (Bouleau 2007, 2011). Ces travaux montrent la dépendance de toute l’action publique dans ce domaine à des données et des contrôles effectués sur le terrain. Pourtant les conditions d’exercice de cette activité très diverse et en pleine évolution qui est à la base de la démarche de la DCE sont très mal connues. L’étude sur l’évolution des métiers et des outils de la surveillance des milieux aquatiques vise à combler ce manque.

Le présent rapport fait état d’une enquête exploratoire visant à recueillir le point de vue des agents concernés pour formuler des hypothèses qui ne pourront être confirmées que par une enquête plus large.

II. POSITIONNEMENT D’UNE PRE-ENQUETE 1. Contraintes

Il était prévu initialement d’interroger un échantillon de trente personnes constitué de personnel de l’ONEMA et des services déconcentrés de l’Etat intervenant dans les actions de police de l’eau. Le financement alloué à cette pré-enquête pour 2011 a été réduit ne permettant plus qu’une enquête de 10 personnes. Il était donc souhaitable de ne pas multiplier les contextes

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8 institutionnels. Nous avons décidé en accord avec le correspondant ONEMA de limiter la pré-enquête aux agents de l’ONEMA. Ce recentrage fait apparaître des problématiques spécifiques à l’ONEMA qu’il est important de remettre dans le contexte de création récente de cet organisme.

2. Sources d’information hors entretiens

Les enquêtes ont été menées par des chercheuses connaissant bien les conflits pour pollution dans les milieux aquatiques (Gramaglia 2006) et la gestion des rivières en France (Bouleau 2007). Leurs travaux portent également sur la DCE (Loupsans et Gramaglia 2011, Sampaio Da Silva et Gramaglia 2009, Barone et Bouleau 2011, Bouleau 2008).

Les changements institutionnels induits par la directive cadre ont été appréhendés par des évaluations au niveau communautaire (Scheuer et Naus 2010), ainsi que par la comparaison des stratégies nationales de retranscription (Keessen et al. 2010) et de mise en œuvre (Uitenboogaart et al. 2009). Au niveau français, l’évolution des agences de l’eau et des démarches de planification en lien avec la DCE ont été également étudiées (Bouleau 2007, 2011). Ces travaux montrent la dépendance de toute l’action publique dans ce domaine à des données et des contrôles effectués sur le terrain.

Cette connaissance a été complétée par la lecture d’information spécifique sur l’ONEMA, tels que les rapports parlementaires sur le CSP et le contentieux européens (Adnot 2003, Adnot et Commission des finances 2004, Keller et Commission des finances 2006, 2008), le bilan social de l’institution en 2009 (ONEMA 2010) et le calendrier des actions programmées et/ou réalisées dans les services enquêtés.

3. Contexte institutionnel

La Directive cadre européenne sur l’eau (DCE) promulguée et 2000 et transcrite en droit français en 2004, juste avant le vote d’une nouvelle loi en la matière en 2006, a entraîné des modifications importantes qui touchent tant les outils de mesure que les méthodes de traitements des données destinés à évaluer la qualité chimique et biologique des cours d’eau français. L’objectif est d’atteindre le bon état écologique d’ici 2015 pour 66% d’entre eux (sauf exception). Cette directive implique la création de nouveaux réseaux de surveillance et une modification des outils de mesure et de traitement de données qui va de pair avec une standardisation et une certification, voire une privatisation de certaines tâches ;

Dans le cadre de la réforme générale des politiques publiques (RGPP), les institutions publiques en charge de la connaissance et du contrôle des milieux aquatiques ont été restructurées. En 2009, les Directions régionales de l’environnement ont fusionné avec les Directions régionales de l’industrie, la recherche et l’environnement, devenant les Directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL). De même, en 2009 les Directions Départementales de l’Agriculture et de la Forêt et celles de l’Equipement ont été regroupées en Directions Départementales du Territoire (DDT).

L’Office National de l’Eau et des Milieux Aquatiques (ONEMA) a été créé en 2006 par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques qui découle de la DCE. Le Conseil Supérieur de la Pêche qui était financé par les pêcheurs et une subvention croissante de l’Etat (Adnot 2003) a été

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9 supprimé. Ses services départementaux et ses directions interrégionales sont devenus les services locaux de l’ONEMA. Leur activité de recherche des infractions qui était relativement autonome se transforme en activité d'avis technique donné à l'Etat au cours de l'instruction des dossiers de police de l'eau et en activité de contrôle du respect des prescriptions, imposées à un usage, une activité ou un ouvrage à intégrer dans une stratégie explicite définie par les DREAL en relation avec le SDAGE et déclinée par départements par les DDT. Etant donné le besoin important de données et l’étendue du territoire à couvrir, un grand nombre d’acteurs doivent être mobilisés pour améliorer les méthodes de suivi et de contrôle de manière à garantir la pertinence locale des observations de même que leur comparabilité.

4. Evolutions spécifiques à l’ONEMA

Les anciens gardes-pêche du CSP qui ont opté pour la fonction publique ont été intégrés dans l’ONEMA. Ils sont désormais des agents techniques de l’environnement, fonctionnaires de catégorie C. Ce statut est commun aux agents de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) et des Parcs Nationaux et permet une mobilité entre services. Des conventions ont été signées entre l’ONEMA et l’ONCFS pour favoriser leur coopération.

La formation de ces agents s’est allongée à un an. Plusieurs observatoires métiers (Publidia, CAPpublic, IFED) notent que si le niveau pré-requis est le brevet, actuellement la majorité des candidats à ces postes sont titulaires d’un BAC.

Le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux a principalement affecté les services départementaux. La direction générale de l’ONEMA a connu une dynamique inverse intégrant les services centraux du CSP, du personnel détaché et mis à disposition et plus d’une centaine de nouveaux contractuels et CDD recrutés entre 2006 et 2011.

80% des employés de l’ONEMA sont des hommes. Parmi les fonctionnaires, il y a parité chez les cadres alors que les agents techniques sont à 90% des hommes. Chez les contractuels et CDD, 30% sont des femmes.

5. Contexte de travail dans un service départemental

Les services départementaux ont connu des évolutions particulières. La lutte contre le braconnage des poissons migrateurs a été confiée à des brigades spécialisées. Une expérimentation de mutualisation interdépartementale a été menée dans quelques sites pilotes puis abandonnée en 2010.

Un service départemental est composé de quelques agents techniques de l’environnement (2 à 6) dirigés par un chef technicien. Il n’y a pas de personnel administratif. C’est un univers essentiellement masculin. Les activités sont programmées chaque année et donnent lieu à un suivi journalier. Celui-ci permet de voir le temps passé à chaque mission. 50% du temps est consacré à la connaissance des milieux et la coordination interne (gestion) et externe (action territoriale). L’autre moitié du temps est dédiée aux activités de police de l’eau et des milieux aquatique. 20% du temps est passé sur la rédaction d’avis technique sur des dossiers d’aménagement ou de suivi post-travaux. La mise en œuvre du plan départemental de contrôle des usages occupe 30% du temps.

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10 Les agents de l’ONEMA sont à la fois police administrative et police judiciaire pour contrôler les usages de l’eau. Une opération de contrôle peut déboucher sur une ou deux procédures. La première est une procédure administrative (rapport de constatation) réglementée par le régime de déclaration ou d’autorisation de l’usage. En cas d’infraction cette procédure peut donner lieu à une mise en demeure, une suspension d’activité, une amende administrative avec ou sans astreinte dont le montant est supérieur aux amendes judiciaires, une consignation de somme voire la réalisation d’office de travaux. La seconde est une procédure judiciaire remise au parquet. Elle prend la forme d’un procès verbal rédigé à charge et à décharge qui doit mentionner l’article du code de l’environnement qui réglemente le délit. Le procureur peut classer sans suite ou demander une enquête préliminaire ou une enquête soumise à juge d’instruction. Il commissionne la police nationale ou la gendarmerie pour auditionner le contrevenant. Cette nouvelle enquête peut porter sur d’autres atteintes à la loi (code du travail, fisc, …) Le passage au judiciaire n’interrompt pas la procédure administrative (si elle existe). Il peut y avoir un PV sans mise en demeure.

La constatation se fait sur le terrain en consignant le maximum d’information (photos, prélèvements, odeurs, mortalité piscicole, présence ou absence de certains invertébrés, …) et donne lieu ensuite à la rédaction du rapport et/ou PV. Aujourd’hui, le contrôle des usages s’effectue principalement hors des berges de cours d’eau. Il concerne peu les pêcheurs et principalement des prélèvements d’eau ou des rejets et des remblaiements de zones humides. Les agents de l’ONEMA ne sont pas les seuls à être assermentés pour la police de l’eau et des milieux aquatiques. Ils ont quelques homologues dans les DDT qui sont en général moins nombreux. 27000 contrôles terrains et 8000 procédures judiciaires sont effectués chaque année au titre de la police de l’eau.

III. JUSTIFICATION ET METHODE D’ENQUETE

1. Pourquoi une enquête sociologique pour l’ONEMA ?

L’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA) a été créé en 2006 à la suite de la nouvelle loi française sur l’eau tenant compte des exigences de la Directive européenne cadre (DCE). Sa vocation est de produire de la connaissance sur les cours d’eau et les zones humides, mais également de les surveiller. Pour appréhender les processus hydriques, c’est assez naturellement que les sciences hydrologiques, hydrauliques, hydrobiologiques, chimiques, toxicologiques ainsi que celles relatives à l’occupation du sol ont été mobilisées. Elles constituent l’essentiel de l’expertise de l’ONEMA. Cependant l’amélioration de la qualité de l’eau est un enjeu qui implique aussi des changements de pratiques (usages de l’eau conduisant à des pollutions, des prélèvements, des assèchements de zones humides). La conflictualité du partage de l’eau entre usages et de la conduite du changement peut gêner l’ONEMA dans l’accomplissement de ses missions de surveillance et de contrôle, lesquelles doivent être pensées en relation avec le contexte social dans lequel elles prennent place. Ceci conduit l’établissement à s’intéresser aux processus sociaux qui engendrent ou entretiennent des pratiques concurrentes de l’eau et des milieux aquatiques.

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11 biais de ses actions de connaissance et de contrôle. Il nous a semblé intéressant de commencer l’exploration de ces processus sociaux à partir d’une enquête permettant de mieux caractériser le contexte d’intervention de l’ONEMA sur le terrain dans un souci de réflexivité qui est le propre de toute démarche sociologique.

2. Spécificité des enquêtes en sociologie

Les enquêtes en sociologie ont des spécificités par rapport aux expérimentations en sciences de la terre et du vivant.

La première spécificité de ces enquêtes est que le chercheur fait partie de son objet d’investigation (Olivier de Sardan 1993, 1995). Toute observation sociale directe se fait par le biais d’une rencontre d’au moins deux personnes, le chercheur et l’enquêté. Cette rencontre n’est pas reproductible à l’identique parce que chacun réagit en situation au cours de l’interaction en fonction de ce qu’il est (un homme, une femme, un jeune, un vieux, selon son statut socio-professionnel, ses valeurs et engagements) et de ce qu’il apprend. Le chercheur doit donc faire un effort de réflexivité pour identifier la manière dont se déroule l’interaction, en évitant d’instaurer une asymétrie entre lui et la personne interrogée, ce qui l’oblige à adopter une attitude empathique et compréhensive et à instaurer un climat de confiance en garantissant l’anonymat à son interlocuteur. Si les deux parties sont détendues et que l’échange prend un caractère moins formel, les propos recueillis gagnent en authenticité. On comprendra aisément que le caractère conflictuel d’une situation ne dépend pas d’une réalité extérieure aux acteurs mais bien de la manière dont la réalité est vécue par chacun. L’idée de l’enquête sociologique n’est donc pas de rassembler des données simplement factuelles, mais plutôt d’enregistrer un témoignage d’une expérience vécue, d’un point de vue singulier. A partir des différents points de vue entendus puis comparés et éventuellement d’informations complémentaires, le chercheur produit une interprétation du monde social. A l’inverse d’un observateur de phénomènes naturels, il n’a pas le monopole de l’interprétation : les personnes observées produisent aussi des interprétations du monde dans lequel elles vivent. Le caractère scientifique de la sociologie repose sur la pluralité des acteurs rencontrés et sur la réflexivité du chercheur sur la manière dont se déroule ces interactions (y compris sur ses propres valeurs qu’il doit mettre à distance pour adopter une position de neutralité axiologique). Cela lui permet de restituer une parole collective à partir des régularités observées ou des différences, avant d’émettre des hypothèses permettant de sinon de les expliquer entièrement, du moins de leur donner du sens (sociologie compréhensive).

On distingue en sociologie les enquêtes qualitatives et quantitatives. L’enquête qualitative permet de comparer des points de vue singuliers et de rendre compte de leur pluralité par triangulation. Le travail sociologique est dans ce cas un rapport sur les rapports des acteurs eux-mêmes à partir desquels il est possible de produire un récit vraisemblable à défaut de pouvoir prétendre décrire une vérité unique. L’enquête qualitative permet aussi de formuler des hypothèses, l’enquête quantitative permet de tester ces hypothèses. Dans une enquête qualitative, la sélection des enquêtés peut se faire selon différentes techniques. La technique de la boule de neige où l’on enquête les personnes citées par d’autres permet d’explorer un réseau social. La constitution d’un échantillon représentatif des acteurs impliqués –selon différents termes- sur un sujet permet d’explorer une pluralité des points de vue. Dans une enquête quantitative, on recherche un grand échantillon pour objectiver les positions à partir de variables sociologiques. Sur un sujet nouveau, on commence par une enquête qualitative que l’on peut ensuite compléter par une enquête

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12 quantitative. Les résultats de l’enquête quantitative peuvent être affinés par un retour qualitatif. Au démarrage d’une enquête qualitative, le chercheur doit s’informer, voire se former, sur le contexte, les habitudes, le vocabulaire, les codes et le fonctionnement du groupe sur lequel il va enquêter. Il ne sait pas si ce qu’on lui dit au sujet de ce contexte est partagé par tous, si c’est un discours convenu ou stratégique. Il doit tenir compte du fait que les questions fermées (« faites-vous ceci ? Pensez-faites-vous que … ? ») sont perçues à travers toute une série d’interprétations (« il me pose la question pour me juger… c’est untel qui lui a dit que nous faisions trop ou pas assez cela… si je lui dis quatre je paraîtrais plus normal que si je lui dis deux… je n’en sais rien mais je dois quand même dire quelque chose, etc… »). Il commence donc son enquête par des observations et des entretiens peu dirigés avec des questions ouvertes (« en quoi consiste votre situation ? Comment la vivez-vous ? Quelles sont vos difficultés ? Quelles sont vos satisfactions ? etc… »). Ces situations sont consignées dans un cahier de terrain et les entretiens sont enregistrés et retranscrits permettant ensuite une prise de recul sur l’interaction. Le chercheur analyse les questions qui font hésiter les personnes interrogées, les thèmes qui reviennent souvent spontanément, ceux qui sont absents, etc. Cette phase est inductive. Elle permet d’accumuler à chaque nouvelle rencontre des informations supplémentaires. Au fur et à mesure des entretiens, l’enquêteur apprend l’existence d’enjeux, d’événements, d’acteurs, de phénomènes, de méthodes, de procédures, de difficultés particulières et la manière dont les enquêtés vivent avec ces éléments.

Cet apprentissage vient enrichir un guide d’entretien dans lequel sont listés les différents éléments découverts. Ils seront évoqués avec les enquêtés suivants une fois que les premières questions générales auront été épuisées, pour poser des questions plus précises dans un deuxième temps, parce qu’elles révèleront à la personne interrogée que l’enquêteur a déjà des éléments de connaissance. Le guide d’entretien est donc vide lors de la première rencontre puis il s’étoffe au fur et à mesure des interviews. L’enquêteur doit veiller à ce que sa connaissance n’influence cependant pas l’enquêté pour qu’il se sente libre d’exprimer la manière dont il a vécu personnellement les situations étudiées. Le chercheur s’imprègne du terrain en évitant de plaquer sur celui-ci des concepts préétablis mais, au contraire, en élaborant à partir des catégories et concepts utilisés par le groupe étudié. Cette méthode a été théorisée par des anthropologues sous le nom de théorie ancrée (Glaser et Strauss 1967). Cette phase s’arrête lorsque les observations nouvelles viennent toutes confirmer les observations déjà faites sans apporter du nouveau. On parle de saturation. A partir du matériau collecté, le sociologue compare, s’interroge sur sa propre posture dans chaque entretien et émet des hypothèses pour interpréter la régularité et les différences de ses observations. Plusieurs théories proposent des hypothèses pour expliquer les faits sociaux à partir de variables (catégories socio-professionnelles, religion, genre, appartenance ethnique, environnement, …) ou de processus (rapports de pouvoir, idéologies, valeurs, …).

Pour tester ces hypothèses, il est nécessaire de procéder à une enquête quantitative d’un échantillon représentatif du groupe étudié à partir d’un questionnaire fermé que l’on aura testé au préalable. En effet, il s’agit toujours de d’éviter qu’une question soit interprétée différemment par le chercheur et par l’enquêté. L’analyse statistique permet de quantifier les régularités observées et de corréler les discours entendus et les pratiques observées à des situations sociales particulières. L’enquête quantitative vise un régime de scientificité qui se rapproche des sciences

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13 expérimentales.

Cependant, la seconde spécificité de la sociologie est que les explications des faits sociaux observés ne sont pas déterministes (conditions immédiatement objectivables, nécessaires et suffisantes). Les forces qui tendent à influencer les actions humaines n’agissent pas sur toutes les personnes de la même façon à tout moment et en tout lieu. Elles peuvent être modifiées de manière intentionnelle ou non par les acteurs, justement parce que la société est réflexive (Giddens 1987).

La troisième spécificité des sciences sociales est qu’elles dépendent du temps d’autrui. Ce temps est accordé par les enquêtés à l’enquêteur dans une relation de confiance qui impose par symétrie un devoir de restitution de la connaissance sociologique (anonyme) produite par l’enquête. Cette dernière étape permet également de soumettre à la critique les interprétations du chercheur.

3. Positionnement de l’enquête exploratoire dans l’étude

Vis-à-vis des trois étapes présentées au paragraphe a), l’enquête préliminaire dont rend compte ce rapport correspond à la phase inductive de collecte de points de vue auprès des agents de l’ONEMA chargés de la surveillance de la qualité des milieux aquatiques et du contrôle des usages.

Les questions qui intéressaient les responsables de l’enquête portaient sur le ressenti des agents vis-à-vis

- des manières de produire des données sur le bon état des milieux aquatiques, - du sens que celles-ci revêtaient pour leurs producteurs directs en relation avec

l’utilisation ultérieure qui en était faite

- des pratiques et des changements institutionnels qui affectaient les missions de surveillance et de contrôle sur le terrain.

Au-delà de cette pré-enquête, l’étude sur les métiers de la surveillance des milieux aquatiques vise à décrire les changements en s’intéressant aux nouvelles compétences nécessaires pour produire des données et mettre en place un suivi de la qualité des milieux aquatiques. Comment les agents de terrain s’approprient-ils les outils et les mettent-ils en œuvre ? Quelles sont les difficultés qu’ils identifient et les solutions éventuelles qu’ils y apportent ? Comment, d’autre part, envisagent-ils le contrôle -et son impact social- considérant les objectifs de résultats de la DCE ? La réflexion engagée, outre son intérêt pour sonder les pratiques, évaluer la mise en place des politiques publiques au plus près du terrain et suivre la fabrication et le devenir des outils de la DCE, revêt une dimension réflexive permettant de penser le devenir des métiers de la surveillance des milieux aquatiques dans des organismes encore jeunes, l’ONEMA, les DDT et les DREAL.

4. Guide d’entretien et conditions de réalisation de la pré-enquête

A partir de la documentation spécifique et des premières rencontres nous avons élaboré un canevas d’entretien commun, qui abordait tant les questions biographiques que les transformations institutionnelles, les pratiques liées à la mise en place de la DCE et le ressenti des agents de terrain de l’ONEMA. Le guide d’entretien présenté ci-après est volontairement non

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14 rédigé pour ne pas exiger une lecture longue lors des entretiens, pour être adapté au rythme de la discussion et pour reprendre les mots utilisés par l’interlocuteur.

Guide d’entretien utilisé pour interroger les agents de terrain de l’ONEMA Trajectoire professionnelle

Passage CSP - ONEMA Transformation du métier

Evolution des techniques et méthodes

quels changements d’instruments et de mise en œuvre quels changements dans l’organisation du travail collectif

DCE : sens donné à ce texte, conséquences attendues, effets constatés ? Rapportage – indicateurs et référence

Classement des masses d’eau : des surprises ? Perception qualité milieu / bon état

Cas de dissonnances affichage / milieu

Les problèmes de qualité de l’eau dans le secteur Les milieux de référence dans le secteur

Collaboration avec services de l’Etat, Préfet, Procureur Relation avec les associations

Formation des agents Autre

Il était prévu initialement d’interroger un échantillon du personnel de l’ONEMA et des services déconcentrés de l’Etat intervenant dans les actions de police de l’eau, cet élargissement n’a pas pu être mené dans le cadre de cette première étape. Dix personnes ont été interrogées dans cinq services départementaux et une délégation interrégionale (que nous ne mentionnons pas pour garder l’anonymat des personnes interrogées). Ces services ont été choisis selon plusieurs critères : principalement leurs spécificités environnementales afin de constituer un panel contrasté comprenant d’un côté des territoires très urbanisés où les cours d’eau subissaient de grandes pressions, et d’un autre, des territoires mieux préservés où les enjeux de conservation étaient forts. Notons toutefois que toutes nos sollicitations n’ont pas abouti. Nous avons dû faire avec le témoignage des agents qui ont accepté de nous recevoir. Ces rencontres individuelles ont duré de deux à quatre heures.

Elles ont été enregistrées et intégralement retranscrites sous forme écrite. Parmi les dix personnes enquêtées, quatre ont participé également à une discussion collective enregistrée et retranscrite également. La retranscription a été confiée à un bureau spécialisé avec vérification au hasard. Des corrections ont été apportées notamment sur les sigles, les noms propres et les expressions spécifiques. En cas d’incertitude sur l’audition, le prestataire indique la référence temporelle dans l’enregistrement. Afin de retranscrire l’ambiance de l’entretien, aucune correction de style n’est apportée (ce qui explique le caractère très « parlé » des citations). Les silences, les onomatopées, les rires sont également retranscrits.

5. Analyse du matériau

Les caractéristiques propres à chaque entretien (personne enquêtée, chercheur, conditions de l’enquête) ont été consignées dans un fichier à part. Des prénoms fictifs ont été attribués à chaque interviewé. Chaque entretien fut ainsi anonymisé. Un système de codage assure la

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15 traçabilité entre le témoignage et les caractéristiques de l’entretien. Les 150 pages d’entretiens et de réunion collective furent ensuite mises en commun.

Le travail d’analyse de l’enquête (à distinguer de l’interprétation) consiste à rendre compte du contenu du matériau d’enquête sous une forme plus condensée et organisée par thème en faisant ressortir les points communs et les divergences. On parle d’analyse parce que les thèmes sont des catégories spécifiquement construites par les chercheurs pour les besoins de l’étude. Chaque chercheur a lu l’intégralité du matériau en élaborant au fur et à mesure une liste des sujets abordés. Les sujets identifiés ont été regroupés en commun selon un nombre réduit de thématiques pour limiter le temps d’analyse. Etant donné le temps imparti pour l’étude (10jours / chercheur) nous avons opté pour cinq thèmes. Le travail de tri du matériau selon les thèmes s’est fait sur un fichier commun permettant de partager les doutes sur le sens à donner à certaines parties, sur la nécessité d’affecter plusieurs thèmes à certains passages, sur les frontières entre thèmes, etc.

Dans un souci de fidélité de l’analyse vis-à-vis du matériau, on cherche à ce que les thèmes soient de taille équivalente et qu’ils ne laissent pas de côté toute une partie du matériau. On pourra par exemple s’étonner de la part accordé à l’histoire des liens avec les fédérations de pêche qui est très spécifique au CSP et s’éloigne un peu de la problématique plus générale des métiers de la mesure. Mais ce sujet est revenu souvent dans les premiers entretiens sans qu’il soit sollicité, il a donc été intégré au guide d’entretien puis traité dans un thème. Par construction un sujet n’est jamais abordé par une seule personne puisque si tel était le cas, ce sujet serait venu abonder le guide de l’entretien que l’on clôt par saturation.

La restitution par thème est une analyse produite par les chercheurs qui fait la part entre ce qui est commun et ce qui diverge d’un témoignage à l’autre en proposant des pistes d’interprétation. Cette analyse est ponctuée par des citations extraites du corpus, choisies pour leur caractère illustratif du propos. Un lecteur attentif remarquera ainsi que seuls 9 enquêtés sont cités sur les 10 rencontrés. Les différences apportées par l’entretien non cité ne sont pas notables à ce stade de l’analyse. Les citations représentent ici 4% du corpus total. Chaque citation est suivie du prénom fictif de son auteur. Les citations extraites de la « réunion collective » sont indiquées en tant que telles. Des parenthèses sont ajoutées pour expliciter ce à quoi le propos fait référence quand la phrase extraite ne se suffit pas à elle-même et pour rendre génériques des indications de personnes ou de lieu.

6. Suites

La suite de ce travail dépendra de son financement qui n’est pas assuré à ce jour. Mais il est indispensable de poursuivre pour conclure sur les conditions d’exercice des métiers de la mesure.

Les témoignages « en salle » ne rendent pas compte de toutes les situations et les pratiques sur le terrain. Il serait intéressant de compléter ces entretiens par de l’observation participante qui permet de saisir des interactions et de poser des questions en situation. Un traitement plus fin des entretiens devra également permettre d’affiner l’analyse avec des thèmes plus précis. La dizaine d’entretiens permet de formuler quelques hypothèses mais ne permet pas de les tester. Elle porte uniquement sur du personnel ONEMA et principalement sur du personnel

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16 en service départemental alors que l’enjeu de l’étude est d’aborder l’ensemble des métiers de la mesure.

Il est donc indispensable de donner une suite à cette pré-enquête pour pouvoir conclure sur les fragilités du dispositif de connaissance sur lequel s’appuie la stratégie de mise en œuvre de la DCE en France.

Au-delà du cas français il serait très utile de pouvoir comparer ces résultats avec ce qui existe dans les autres pays européens.

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17 IV. RESULTATS

Le matériau que nous restituons ici est très riche. Notre analyse porte sur cinq thèmes assez généraux qui ne permettent pas de restituer toute la finesse des propos. Les citations choisies ne représentent que 4% du matériau enregistré et retranscrit. Nous avons structuré cette analyse selon cinq thèmes construits selon la méthode exposée au point 5 de la partie précédente. Il s’agit de :

• La perception de l’évolution de la profession • La perception de l’identité de l’organisme ONEMA • Les attentes vis-à-vis de la DCE

• Les réticences vis-à-vis de des outils d’information et de gestion • Les difficultés à trouver une place parmi les autres acteurs publics

Cette analyse met en regard le point de vue des personnes interrogées avec ce que les chercheurs savent du contexte (partie II). A chaque fois qu’il s’agit du ressenti des personnes interrogées, nous le précisons. Les phrases qui ne le précisent pas sont des éléments de contexte et des propositions d’interprétation.

A. UNE PROFESSION ET DES COMPETENCES EN FORTE EVOLUTION

Mis à part un délégué inter-régional, les personnes interrogées appartiennent à trois catégories : les techniciens chefs en délégation interrégionale, les techniciens chefs des services départementaux et les agents techniques de ces mêmes services. Elles ont toutes, sauf une, plusieurs années voire une ou deux dizaines d’années d’ancienneté au CSP puis à l’ONEMA. Leur niveau d’étude varie, le diplôme le plus fréquemment cité étant le baccalauréat. Des agents n’ont toutefois que le Brevet des collèges tandis que d’autres ont fait des études supérieures. La plupart a exercé comme garde pêche au CSP ou au sein d’une fédération avant d’officier à l’ONEMA.

Il faudrait vérifier que ces trajectoires sont représentatives avant d’en tirer des conclusions. Cependant, l’expérience des personnes, de même que leur distribution géographique sur le territoire national garantie la pertinence des premières analyses bâties sur la base de leurs témoignages.

1. Des recrutés dont le niveau d’étude s’élève sans compensation statutaire Les agents de terrain de l’ONEMA sont des fonctionnaires. Ce n’était pas le cas au CSP avant 2001. L’évolution de la législation sur l’eau depuis 1992 a conduit les agents à exercer de nouvelles missions dépassant ou entrant en conflit avec les objectifs piscicoles. Un changement qui a abouti avec leur intégration aux services de l’Etat (et dans le même temps, avec leur autonomisation vis-à-vis des fédérations de pêche locales). La quasi-totalité des techniciens chefs et agents techniques que nous avons questionnés a connu ce changement et l’a vécu de façon plutôt positive, cette évolution permettant la mise en place de procédures de recrutement claires et transparentes à l’échelle nationale.

« (Dans les années 1980), ça se passait pas comme ça. Il y avait tant de postes dans chaque

département, dès qu'un collègue partait à la retraite…, c'est le président de la fédération qui présentait quelqu’un pour pourvoir le poste, ça se faisait comme ça. Il passait juste un petit

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concours à la DDA à l'époque. C'était même pas un concours, c'était une petite épreuve. » (Réunion

collective)

Une des conséquences indirectes de la mise en place d’un concours national a été l’élévation du niveau de diplôme. Non pas que les exigences aient changé en la matière, mais l’affluence des candidats a rendu le recrutement plus sélectif. Les techniciens chefs appartiennent à la catégorie B de la fonction publique, pour laquelle seul le niveau du baccalauréat est requis, tandis que les agents techniques relèvent de la catégorie C sans condition de diplôme. Pourtant, les agents nous ont dit que les postes, notamment en catégorie C, étaient désormais pourvus par des candidats titulaires de licences ou masters, ce qui est corroboré par les observatoires métiers (Publidia, CAPpublic, IFED, cf partie II.4.). Ces derniers, entrés dans l’établissement au plus haut de l’échelon hiérarchique possible pour les fonctions exercées, pourraient avoir à souffrir de ce plafonnement de leur carrière, lequel est connu pour avoir des effets délétères sur la motivation et la confiance (Marc 2008). Au-delà des questions qui se posent en termes de justice pour les moins diplômés défavorisés au concours, des revendications statutaires s’expriment déjà chez ces catégories du personnel privées de perspectives d’évolution verticale (que la mobilité horizontale vers l’administration des parcs ou la chasse ne compense pas entièrement).

« Maintenant les gens qui rentrent chez nous, c'est des personnes qui ont bac +5, mais c'est

parce qu’évidemment ils se présentent au concours... Ils sont recrutés dans la catégorie C ».

(Réunion collective)

Les raisons de ce durcissement des conditions d’accès tiennent sans doute à l’attrait qu’exerce le statut de fonctionnaire chez des jeunes diplômés qui ont du mal à trouver un emploi stable, tout particulièrement dans le domaine de l’environnement. Dans les entretiens, les agents de terrain mentionnent plutôt leur engagement affectif. Le mot « passion » est revenu plusieurs fois dans les discours, soulignant l’attachement des personnes aux tâches qu’elles remplissent dans un but de protection des milieux aquatiques.

« C'est une passion, quoi. C'est pour ça que je suis à 50h par semaine. Si je veux partir à 5h

et arriver à 8h, ça, je peux le faire. Personne ne pourra me le reprocher. Après, c'est un choix. »

(Patrick)

« Si je n'avais pas la passion du métier, il y a longtemps que je ne serais plus là. Je pense

que comme beaucoup, ceux qui sont là et qui ont 20 ans de boîte, c'est parce qu'ils ont la passion. »

(Gérard)

2. Un métier qui se transforme et se complexifie

La motivation des agents de terrain tient cependant à la possibilité d’exercer un métier de plein air, au plus près du terrain, de manière relativement autonome, ce que les évolutions récentes semblent menacer. Les techniciens chefs et agents techniques nous ont fait part des missions additionnelles qui leur ont été confiées et des pressions en termes de temps qu’ils subissent, lesquelles conduisent à un contrôle plus strict de leur emploi du temps. Les bouleversements sont nombreux qui remettent en cause les conditions d’exercice d’un métier autrefois jugé “pépère”. Plus que le changement lui-même, c’est la succession des transformations, et surtout les effets négatifs de la bureaucratisation que critiquent les personnes interrogées : rigidification de l’organisation et multiplication des procédures (écrites), séparation

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19 entre les fonctions et standardisation des activités.

« Moi, je n'ai jamais bougé du CSP, mais en fait là je suis peut-être à mon quinzième

métier. » (Jacques)

« Parce que nous, on était libre avant, on faisait de la police. (Alors que maintenant) vu qu'il

y a tout le plan de contrôle qui change la façon de travailler et l'arrivée des ingénieurs et de leur vue à eux… Ils ont tous des priorités, mais c'est toujours la leur qui est prioritaire aux autres. Ceux qui sont en bas font le boulot et on n'a pas le temps de tout faire… Moi, j'ai un parcours police, je sais que je fais partie des dinosaures comme ils aiment dire, j'ai un peu de mal avec ça, c'est sûr. »

(Gérard)

Ces changements sont à mettre en relation avec une demande de compétences nouvelles : une technicité sur les milieux et sur les ouvrages, plus de complexité, davantage de travail écrit, plus de traçabilité, être capable d’interpréter des situations et de justifier cette interprétation devant des tiers. Ces exigences additionnelles sont perçues de manière contrastée. Elles alimentent, en plus des revendications statutaires, un certain mécontentement du à un manque de reconnaissance ressenti.

« Maintenant, il y a une vraie implication parce qu'on fait des contrôles, on est obligé d'expliquer les choses aux gens, qu'on ne faisait pas avant. Avant, c'était: « tu as ou tu n'as pas. Tu as un permis de pêche, oui, ça va. Tu n'as pas de permis de pêche, tu n'y vas pas. Ton poisson est trop grand ou il est trop petit ». C'était plus simple. Là, maintenant, quand on va sur [un site agro-industriel] et qu'on demande au gars: « vous produisez combien? Vous faites quoi? Vous faites quel type de production? Est-ce que vous stockez vos effluents? À quel endroit? Les phytosanitaires, comment ça se passe? » On essaye d'expliquer quand ça ne marche pas bien, pourquoi ça ne marche pas bien: « vous savez, c'est votre station, il vous faudrait un bassin, il vous faudrait ceci ». Enfin, on essaye d'instaurer un dialogue. Il y a une plus grosse implication. Ce n'est plus les mêmes procédures, c'est plus complexe maintenant. (…) Il faut qu'on soit nous aussi pointus parce que quand on est appelé à la barre qui faut qu'on arrive à argumenter.» (Gérard)

« C'est vrai que le travail se complexifie. Ça, c'est évident. Pour les gens qui sont d'une

génération comme la mienne, parfois, il y a beaucoup de nouveaux outils... Il y a des gens qui se spécialisent. En même temps, on demande aux agents d'être des généralistes parce qu'il faut qu'ils appuient quand même les textes de façon très large et de façon de plus en plus précise, coordonnée, avec des cadres. Donc c'est vrai qu'ils ont l'impression, et ce n'est pas qu'une impression, qu'on les inonde de circulaires, de méthodes... Enfin, par rapport à ce que moi, ce que j’ai connu, il y a quand même une complexité de nos métiers qui est évidente. » (Pierre)

Cela ne signifie pas que tous les agents ont adhéré à cette évolution. Les nouvelles orientations “environnementales”, le contrôle de la qualité des milieux aquatiques, a aussi entraîné une sélection parmi le personnel. Les plus jeunes des déçus qui le pouvaient sont partis. D’autres qui n’envisagent pas aisément une reconversion, se sentent dépassés, voire piégés (ce qui pourrait expliquer l’absentéisme dans certains services départementaux).

« Il y a (un ancien collègue) qui est parti à (ailleurs). C’est un agent qui n'a jamais admis le

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20 « Moi, avant, j’étais un agent de terrain, et bon… moi, l’administratif, faire des… C’est

pareil…Le réunionnage, c’est pareil, c’est des trucs, c’est… des boulots d’ingénieurs. Voilà, c’est leur truc à eux. Alors, des fois, on les remplace sur des réunions ou ils ne peuvent pas aller, sur des dossiers politiques ou autres, stratégie de l’eau… Mais, c’est pas un truc qui me branche…» (Gilles)

La plupart des techniciens chefs et des agents techniques évoquent le manque de temps, leur incapacité à faire face à toutes les tâches qui leur sont demandées de faire dans le cadre des plans de contrôle dans un temps limité, au détriment des fonctions de police (et missions de surveillance générale impliquant une présence sur le terrain forte et régulière) qu’ils exerçaient avant et qui constituaient leur cœur de métier.

B. UN ORGANISME QUI ACQUIERT UNE IDENTITE PROPRE

L’ONEMA s’est affranchi de la “tutelle” des fédérations de pêche qui siégeaient au conseil d’administration du CSP et exerçaient un contrôle plus ou moins marqué sur les activités de ses gardes dans les départements. Cette évolution est perçue positivement par les agents de terrain actuels. Elle répondait à leurs attentes puisqu’ils jugeaient souvent inefficaces les actions qui leur étaient permis de mener dans ce cadre. Ils espéraient, au sein du nouvel établissement créé, pouvoir œuvrer plus largement et surtout plus efficacement pour la protection des milieux aquatiques. Certaines personnes parmi celles que nous avons interrogées reconnaissent toutefois que les pêcheurs ont pu jouer un rôle de précurseurs en matière de régulation des pollutions (les avis divergent, on peut penser qu’il y a eu des différences selon les lieux et les personnes impliquées). Elles disent aussi ce qu’elles doivent à des approches qui leur ont permis d’acquérir des connaissances sur les espèces piscicoles et les cours d’eau.

« Il n'y avait aucune prise en compte à cette époque du milieu, au moins dans la politique

des fédérations. C'était la politique de l'alevinage à tout va, quel que soit le stade de développement du poisson. Donc c'était un contexte très particulier… La création de l'ONEMA ou la pré-création de l’ONEMA, ça n'a été que du bonheur dans les premières années parce que c'était un champ nouveau qui s'ouvrait, parce que ça montrait aussi une certaine reconnaissance, même si je pense que j'étais un peu naïf. Les agents de l'établissement devenaient une police de terrain, des gens qui connaissent les cours d'eau, pouvant avoir des contacts avec plus de partenaires, ne pas prendre en compte uniquement une rivière ou un plan d'eau sous l'aspect du petit poisson ou du vilain pêcheur avec un hameçon. Là, c'était bien. C'était bien aussi bien au niveau police parce que ça ouvrait de nouveaux champs, c'était plus complexe, ça nous permettait de progresser, d'apprendre. » (Jacques)

« Ce qui est vrai, c'est que pour le métier, à l'époque dit de garde-pêche, de par la mise à

disposition auprès des fédérations de pêche, on avait une obligation en termes de contrôle de l'activité de pêche, mais avec un lien quand même avec la qualité des milieux puisque derrière on avait aussi toute une partie qui concernait les pollutions. Alors, même si ce n'était pas aussi structuré qu'aujourd'hui, on avait des gens qui voulaient être très proches du terrain et qui ressentaient des évolutions plutôt négatives dans les territoires à côté de chez nous, plutôt ruraux, avec des situations et des pratiques qui évoluaient. Il faut bien comprendre les liens entre l'évolution des pratiques et la dégradation des milieux. En tout cas, à mon avis, à travers les contrôles des pêcheurs, à travers la vision des gardes-pêche, il y a eu une évolution. On a aussi senti le besoin d'être plus efficace. » (Pierre)

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21 « Au niveau des pollutions la loi pêche a quand même bien permis d'avancer, parce que ce

qu'il se passait, sur une pollution, s'il y avait des mortalités de poissons ou même pas, on avait une atteinte aux milieux aquatiques et nous on faisait des estimations de dommages. Les fédérations se portaient partie civile. C'était un aiguillon, et petit à petit ça a quand même permis, au niveau du département, que toutes les grosses [industries agro-alimentaires] se sont équipées parce qu'ils ont quand même des fois des gros dommages à payer. » (Réunion collective)

Toutefois, les enquêtés pointent aussi les limites dues aux relations de dépendance qui les liaient aux fédérations de pêche. Le fait que les fédérations avaient pour objectif principal le maintien des espèces piscicoles pour le développement des activités de pêche les amenaient parfois à réagir de manière très virulente en matière de pollution. Ainsi exigeaient-elles des dédommagements permettant de ré-empoissonner les cours d’eau, préférant parfois négocier un arrangement avec les contrevenants plutôt que d’attendre que les procédures légales aillent à leur terme. Ce qui est considéré comme une forme de militantisme de la pêche par les techniciens chefs et les agents techniques interrogés, et sans doute aussi une forme de renoncement ne permettant pas d’empêcher ou de traiter les problèmes à la source. On peut également penser que l’ancrage local des fédérations, leur sensibilité aux rapports de force ou de connivence pouvant s’établir à cette échelle était un autre facteur limitant. La fonctionnarisation des gardes du CSP, aujourd’hui à l’ONEMA, aurait ainsi permis de leur offrir une plus grande latitude pour mener à bien leurs missions.

« (Le changement avec le CSP), c'est qu'on devenait des fonctionnaires à la disposition d'un

établissement et qu'on n'était plus des militants parce que souvent, les gardes-pêche étaient très militants, du fait qu'ils voyaient la dégradation du milieu. Ils étaient très près des milieux associatifs (les associations de pêcheurs). » (Pierre)

La situation des gardes fédéraux et des gardes CSP mis à disposition à la discrétion du président de fédération est évoquée comme une relation de subordination inconfortable par les personnes interrogées (qui ont choisi le statut de fonctionnaire).

« On travaille complètement différemment. Avant, les gens dépendaient directement des

fédérations de pêche. Notre patron, au départ, c'était le président de la Fédération de pêche. Même si on était police de la pêche, c'était quand même lui qui avait une grosse emprise sur les agents... en matière de police, ils pouvaient dicter la conduite à tenir, éventuellement là où il fallait aller, là où il ne fallait pas aller, où mener des actions. » (Jacques)

« C'était le président de fédération départemental qui décidait vraiment en collaboration

avec le chef de service, le garde-chef de l'époque, en fonction de sa personnalité, qui décidait vraiment des missions. » (Réunion collective)

La séparation des tâches et le statut indépendant des gardes CSP puis ONEMA ont été compris par les « nouveaux fonctionnaires » comme l’expression d’une volonté de mise en cohérence avec un objectif réglementaire plus ambitieux.

« Le CSP était fondé sur l'existence du monde de la pêche, donc on était à disposition des

fédérations de pêcheurs qui ont quand même failli à leurs tâches… Le problème des pêcheurs, c'est que c'était vraiment un combat d'arrière-garde. Mon sentiment, c'est qu'on jouait un peu les

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pompiers de service, c'est-à-dire qu'on arrivait à sanctionner les pollueurs, on remettait du poisson dans les rivières, mais on n'allait pas au-delà. C'est-à-dire gérer les milieux.» (Alain)

« Maintenant, dans mon métier, je me sens bien. Sur le terrain, quand je vois les résultats,

même si ça prend du temps des fois, je suis vraiment dans la protection du milieu. » (Patrick)

Même si dans certains départements cette séparation a pu s’accompagner d’une perte de moyens, au moment de la rupture avec les fédérations, le changement est décrit comme un gain en termes de légitimité et d’efficacité. Il signale l’octroi de prérogatives étendues, mais également l’acquisition d’une identité distincte matérialisée dans un uniforme (inégalement apprécié pour sa couleur grise et ses attributs pas toujours pratiques à charrier : le revolver et le bâton).

« On a gagné une tenue, ce qui a quand même été un très gros avantage par rapport à

avant. Avant, on était habillé tout en vert. On ressemblait un peu à des bidasses. Et depuis 2007, donc depuis l'ONEMA, on a cette tenue grise avec cet autocollant notamment, qui a vraiment fait changer beaucoup de choses parce qu'on est vraiment assimilé à un service de police, au-delà de l'arme, parce que l'arme, on l'avait déjà avant. Mais vraiment, le bleu, blanc, rouge, pour beaucoup de gens ¬ il y a toujours les irréductibles ¬, ça a quand même cadré les choses et on est vraiment perçu maintenant comme un service de police de l'environnement et ça a plus de poids. »

(Jean-Paul)

C. ATTENTES FORTES VIS-A-VIS D’UNE DIRECTIVE QUI ORIENTE L’ACTION

Les techniciens chefs et les agents techniques de l’ONEMA ont plutôt une bonne image de la DCE qui est qualifiée par certains de « fer de lance » et de « colonne vertébrale » pour les actions qu’ils mènent. Les enquêtés comptent surtout sur l’autorité de l’Union européenne, et la menace des pénalités qui s’abattraient sur la France si les engagements pris en matière de bon état des cours d’eau n’étaient pas tenus, pour pallier l’absence de soutien politique au niveau national et les pressions locales qui freinent l’application du droit de l’environnement. Les déclarations du Président de la république ou celle d’un sénateur des Hautes Pyrénées en faveur d’agriculteurs susceptibles d’être contrôlés par des agents de l’ONEMA, ont attisé les craintes. Les personnes interrogées ont l’impression que les pouvoirs publics, en France, sont trop sensibles aux lobbies. Elles aimeraient bénéficier d’un appui franc de leur hiérarchie pour faire face aux mises en cause dont elles peuvent faire l’objet. Alors que l’application de la DCE est une priorité pour leur établissement et que cette même directive oriente la majeure partie des actions entreprises, celle-ci pouvant donner un sens aux efforts entrepris (alors que le classement sans suite des PV trop fréquent à leur goût est source de découragement).

« Ca a du sens. La DCE, le but c'est d'améliorer la qualité de l'eau superficielle… pour

préserver les nappes et l'alimentation en eau potable derrière. Ils ne font pas ça par hasard. Ils préservent la biodiversité aussi. » (Réunion collective)

« Il n'y aurait pas la DCE, il n'y aurait pas l'Europe pour pousser derrière, je pense que la

France, on n'en serait pas là au niveau police de l'environnement, c'est clair. » (Patrick)

« L'Europe, ils sont moins conciliants. Les exceptions, ils aiment pas. Il faut voir les millions

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23 «…Heureusement qu'il y a l'Europe, qui est, je dirais, en quelque sorte le bâton. Moi qui suis

un ancien du CSP, le bon état aujourd'hui, c'est vrai qu'on peut l’aborder sur différents compartiments. Dans tous les cas, nous au niveau de l'ONEMA c'est une feuille de route qui est très claire, notamment par rapport à la restauration de la continuité écologique. Il y a des enjeux qui sont fondamentaux, ce qui ne se traduisait pas avec la loi de 84, la loi de 64, les différentes lois sur l'eau. On avait le sentiment de jouer les pompiers de service, on allait sur le terrain pour constater les infractions. On relevait ces infractions. Il y avait les associations qui se portaient partie civile, notamment la fédération des pêcheurs qui demandait à être dédommagée et qui remettait du poisson dans les rivières. Fondamentalement, on a fait ça pendant des années, mais ça ne se traduisait pas par un bon état. Aujourd'hui, la directive structure notre activité sur le terrain… Aujourd’hui, cette feuille de route, c’est grâce au couperet de l’Europe qu’on l’a, notamment parce que c’est le contribuable français qui risque d’être sanctionné. » (Alain)

Les techniciens chefs et agents techniques soulignent notamment leur volonté de faire correctement leur travail, de manière à être irréprochables par la suite.

« (En 2015), il faudra rendre compte. La France devra rendre compte. Et, je ne veux pas

qu'au niveau de l'ONEMA, au niveau de mon service on dise : qu'a fait l'ONEMA ? Nous on a fait notre travail. Même s'il y a des lacunes… » (Pierre)

Les agents semblent avoir aussi bien assimilé les innovations lexicales et/ou conceptuelles associées à la DCE. Ils parlent volontiers de masses d’eau, de bon état, de rapportage, ce qui marque une certaine appropriation. Ils expliquent qu’ils disent aujourd’hui rappeler systématiquement les impératifs de la DCE à leurs différents interlocuteurs, au sein de l’administration ou d’autres structures comme les Schémas d’aménagement et de gestion des eaux ou encore aux élus (SAGE). La DCE oblige d’ailleurs, en principe, les différents services de l’Etat à s’entendre, ce qui est décrit comme un progrès.

« Je pense que la DCE a quand même un intérêt parce que ça guide tout le monde vers le

même sens. Aujourd'hui, il y a des diagnostics qui sont obligatoirement partagés entre l'État, à travers la DDT, avec le pilotage des DREAL, l'Agence de l'Eau et nous. Donc après, il y a un triptyque qui est quand même assez intéressant, pour mettre en musique des actions, que ce soit sur le plan réglementaire et administratif, sur le plan financier et sur le plan technique ». (Pierre)

Cependant, l’attente suscitée par la DCE est en décalage avec les moyens disponibles pour sa mise en œuvre. On sent d’ailleurs un certain pessimisme chez la plupart des enquêtés qui doutent de la possibilité d’atteindre les résultats escomptés. Certains évoquent les délais trop courts pour produire les données nécessaires, les autres, les contraintes extérieures qui limitent leur champ d’action (ou du moins obligent à négocier des compromis). D’autres encore dénoncent le manque de moyens humains eu égard aux objectifs ambitieux revendiqués, spécifiquement en France.

« Quand la DCE a été mise en œuvre moi j'ai dit, c'est une vraie chance. Mais après, dans

les objectifs de la DCE, il y a la Real Politik. Je m'en aperçois tous les jours, de la difficulté à nos objectifs de retour au bon état, sur lesquels les agents, de par leur histoire et leur culture, aimeraient bien atteindre et la difficulté qu'on va avoir sur le plan économique, sur le plan du coût que ça va engendrer parce qu'il y a des situations qui sont tellement dégradées que ça remettrait

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que ces comités devaient faire l’objet d'un agrément, assorti de diverses obligations, des services du ministre de l'Agriculture et que l'Etat était représenté au sein de ces