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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Problèmes scientifiques et investigations expérimentales — construction des problèmes explicatifs

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Academic year: 2021

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P

ROBLÈMES SCIENTIFIQUES ET

I

NVESTIGATIONS EXPÉRIMENTALES

C

ONSTRUCTION DES PROBLÈMES EXPLICATIFS

Christian Orange

Les relations entre problèmes scientifiques et investigations expérimentales constituent un analyseur intéressant du fonctionnement de la science à l'école : l'expérience y est, en effet, généralement considérée comme la caractéristique la plus importante des sciences de la nature ; le problème a pris officiellement la première place dans une prétendue démarche scientifique qui veut rompre avec OHERIC1, alors qu'il n'est le

plus souvent utilisé que de manière rituelle.

La position développée ici sera très différente : c'est à la construction des problèmes, et plus particulièrement des problèmes explicatifs, que nous donnons la place essentielle ; mais de par leur nature même, ces problèmes ne peuvent se construire que dans la prise en compte critique,

1

OHERIC : Observation, Hypothèse, Expérience, Résultat, Interprétation, Conclusion. C'est une caricature de la démarche scientifique à des fins pédagogiques critiquée depuis longtemps par les didacticiens pour ses présupposés empiristes et inductivistes (Voir Astolfi & al., 1978).

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à tout moment, de données empiriques. Nous voulons rapidement présenter cette position et ses principales conséquences didactiques pour ce qui est des relations entre problèmes et pratiques expérimentales.

1. DE QUOI PARLE-T-O N, QUAND ON ÉVOQUE LES RELATIONS ENTRE PROBLÈMES ET INVESTIGATIONS EXPÉRIMENTALES ?

1.1.Les relations entre problèmes et pratiques expérimentales peuvent concerner deux aspects a priori différents.

a) Si on considère, à la suite de Popper, Bachelard, Canguilhem, que le but de la science est de développer des explications ou de rendre raison des phénomènes, les problèmes explicatifs, ceux qui portent directement sur la recherche de ces explications, sont fondamentaux. Pour prendre quelques exemples c'est le problème de l'origine de la chaleur animale (Priestley, Lavoisier, Bernard…), celui des raisons des orbites elliptiques des planètes (Kepler, Newton), ou encore de la transmission des caractères d'une génération à l'autre (Maupertuis, Mendel, Darwin, Weismann,...). L'analyse des relations entre problèmes et activités expérimentales peut concerner ces problèmes explicatifs.

b) Mais, plus particulièrement, lorsqu'il construit et met en place une expérimentation, le scientifique se trouve face à des problèmes, que l'on peut appeler expérimentaux, et qu'il lui faut maîtriser pour mener à bien les prises d'informations sur le « réel » qu'il envisage. C'est par exemple le pétrologue qui doit régler le problème de la métastabilité dans ses expériences en autoclave, ou, plus pratiquement encore, des questions d'étanchéité (Orange C. & al., 1999) ; ou bien le biologiste qui doit trouver les moyens d'interrompre la conjugaison bactérienne pour mieux comprendre son déroulement (Jacob, 1987).

En fait, la distinction entre ces problèmes expérimentaux et les problèmes explicatifs est loin d'être toujours évidente : non seulement il faut déjà avoir atteint une certaine construction du problème de la conjugaison bactérienne pour s'intéresser à son interruption, mais la technique retenue du « mixer » a une grande importance dans la construction du problème. Cette distinction est délicate, chaque fois qu'une expérience n'a pas pour

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qui est beaucoup plus fréquent dans le travail du scientifique qu'une lecture un peu rapide de Popper pourrait le laisser entendre.

Malgré cela, les deux aspects envisagés ici ne peuvent pas être totalement confondus : l'un est plus général, l'autre plus particulier à chaque type d'expérience. Nous nous attacherons surtout ici au premier d'entre eux : celui concernant les relations entre problèmes explicatifs et investigations empiriques.

1.2. Les relations épistémologiques et didactiques entre les problèmes scientifiques et l'expérimentation méritent d'être discutées sur un second point.

Faut-il se limiter aux seules pratiques expérimentales alors que certains domaines des sciences de la nature ne les utilisent pas, ou accessoirement, pour recueillir des données empiriques ? Une partie de la biologie et de la géologie sont des sciences de terrain, c'est-à-dire qu'elles prennent des informations sur leurs matériels d'étude sans pouvoir contrôler et faire jouer les paramètres comme dans un laboratoire. La limitation de notre réflexion à la pratique expérimentale est-elle alors pertinente ou faut-il l'étendre à l'ensemble des formes d'investigation empirique ?

Si nous nous intéressons plus particulièrement aux relations entre problèmes et investigations expérimentales, nous pensons que les points abordés sont de la même façon valables pour l'ensemble des investigations empiriques.

1.3. Comme nous l'avons annoncé plus haut, nous adoptons une position forte sur la place du problème dans l'activité et les apprentissages scientifiques : celui de la problématisation. Nous voulons montrer en quoi ce point de vue peut renouveler la question des relations entre problème et expérimentation.

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2. QUELQUES CONSÉQUENCES DE LA MISE EN AVANT DE LA CONSTRUCTION DES PROBLÈMES

2.1. Nous plaçant dans une perspective bachelardienne, il nous est impossible de penser la méthode indépendamment du contenu. En particulier, le savoir scientifique ne peut pas être vu comme le résultat de l'application d'une prétendue méthode expérimentale à un problème scientifique. Pourtant une telle dissociation organise les enseignements de SVT au collège et au lycée : le problème sert de lancement et de motivation, la démarche se veut générale et le savoir est un produit qui, une fois formulé, a une existence propositionnelle propre ; les apprentissages portent alors tout naturellement sur les connaissances d'une part et les méthodes de l'autre.

Dans le cadre adopté ici, le savoir est constitué certes de la solution au problème retenu, mais surtout du problème construit, c'est-à-dire de l'organisation repérée des possibles et des contraintes, y compris les arguments expérimentaux ou empiriques.

Ainsi, le savoir sur la nutrition des végétaux chlorophylliens ne peut pas se réduire à un savoir propositionnel sur la photosynthèse2 qui se limiterait au constat de l'existence, sous certaines conditions, d'entrées de CO2, de sorties d'O2 et de la production de matière organique en utilisant l'énergie solaire. Un savoir problématisé doit identifier ces éléments comme une solution à un problème prenant en compte la nécessité de flux d'énergie et de matière dans tout système vivant, et donc la nécessité d'un apport extérieur d'énergie pour tout organisme et tout écosystème.

2.2. Les liens entre problèmes et savoirs ne sont donc pas uniquement de nature psychologique.

Dans l'activité scientifique, contrairement à ce que l'on peut considérer en psychologie cognitive, le problème ne s'évanouit pas avec sa solution : celle-ci n’a de sens que comme élément d'un processus vivace de reconstruction du problème, qui se traduit par l’exploration du champ des

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possibles et la délimitation des contraintes toujours recommencées. Si ce processus s’arrête, le fait de raison reste sans l’appareil de raison (Bachelard, 1938, p. 247), et perd alors son statut de savoir scientifique. Une telle position a des conséquences sur la place des investigations empiriques dans l'activité scientifique :

 On ne peut pas caractériser les sciences de la nature par l'expérimentation. Une expérience non engagée dans un problème explicatif n'a pas de valeur scientifique3. Mais cela est vrai également

de la construction d'un problème sans référence à des contraintes empiriques (qu'elles soient d'origine expérimentale ou autres).

 D'un autre côté, le rôle de l'expérimentation ne peut pas se limiter, comme nous l'avons déjà signalé plus haut, à la seule réfutation des hypothèses. L'expérience ne fait pas que sélectionner, elle informe (Duhem, 1914 ; Gohau, 1984) : elle peut donc intervenir à tout moment de la construction d'un problème.

2.3. L'investigation empirique, et plus particulièrement l'expérience, ne se caractérisent pas par une position précise dans une prétendue démarche scientifique.

On sait les critiques faites à la démarche OHERIC. Mais assez souvent, elles conduisent à la remplacer par PHERIC (Develay, 1989) ou THEORIC (Clément, 1999)4 ; cela permet de se démarquer d'un

empirisme trop voyant. En s'en tenant à une démarche générale linéaire, nonobstant les divers retours en arrière prévus par ces différents schémas. On reste alors dans une forme algorithmique qui, si elle est pratique pour présenter un travail qui s'appuie sur des investigations empiriques, ne peut décrire ni le travail du scientifique ni celui de l'élève.

3. LA CONSTRUCTION DES PROBLÈMES SCIENTIFIQUES COMME MISE EN TENSION CRITIQUE DE DEUX REGISTRES

Tout cela demande de renoncer à voir l'activité scientifique comme une succession de phases prédéterminées, ne trouvant leur sens que dans la

3 Ce sont des considérations de ce type qui font dire à J. Testard que le séquençage du génome humain ne correspond pas à un vrai travail scientifique, mais à « une science d'ânes, une activité purement descriptive » (Testard J. & Godin C., 2001, p31).

4 PHERIC : Problème, Hypothèse, Expérience, Résultat, Interprétation, Conclusion. THEORIC : Théorie etc.

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solution à laquelle elles aboutissent. Si l’on met en avant l'exploration des possibles et des contraintes que représente la construction de problèmes explicatifs, il apparaît alors que les expériences peuvent jouer un rôle plus varié et plus continu que dans un schéma stéréotypé. On pourrait développer cela aussi bien pour l'activité scientifique des chercheurs (voir Orange C. (dir.) 1998) que pour celle des élèves, pour autant que l'on prenne en compte leur construction des problèmes, même s'il ne peut y avoir totale équivalence de ces deux situations.

Nous nous en tiendrons ici à la présentation rapide d'un exemple didactique. Il s'agit d'une classe de seconde qui travaille sur la question de la production des végétaux (production primaire) et, plus particulièrement, sur la production du maïs (Orange C., 1997)5. Au cours de ce travail de quelques heures, la classe a utilisé différentes données empiriques ; les unes provenant d'expériences ou d'observations conduites par les élèves, les autres d'informations fournies par divers documents : D1- Calcul de la biomasse d'un champ de maïs par prélèvements et

mesures.

D2- Composition des feuilles de maïs en termes de matière fraîche, matière sèche, sels minéraux.

D3- Bilan sur une année des entrées et des sorties d'un plant de maïs. D4- Composition élémentaire de la matière sèche du maïs et des

différentes entrées et sorties de matière (sels minéraux, eau, CO 2…). Ce qui est important de noter, c'est que ces différentes données empiriques n'ont pas simplement servi d'appuis à des conclusions prévues par le professeur : à chaque fois, elles ont donné lieu à l'élaboration ou au développement, individuellement ou en groupes, de propositions explicatives (modèles), elles-mêmes soumises à débat.

Ainsi, chacune de ces données a contribué à la construction du problème :  D1 a permis de poser le problème en termes de production, ce que ne

permet pas directement le simple constat de la croissance du maïs. Certes, une partie non négligeable des élèves de la classe ne voit dans la quantification de la biomasse qu'un repère de croissance et non pas l'origine d'un problème de production de matière. Mais si ces données

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ne sont pas suffisantes, elles restent nécessaires pour aller vers la problématisation souhaitée.

 D2 a conduit les élèves à se poser des questions et à proposer des idées sur le rôle de l'eau dans la production de matière fraîche et de matière sèche.

 D3 a obligé beaucoup d'élèves à penser l'intervention de l'eau dans la production de la matière sèche et à se mettre dans le cadre de la conservation de la masse.

 D4 a conforté les contraintes déjà repérées et permis à toute la classe d'envisager la nécessité d'une entrée de carbone à partir du CO

2.

Les différentes informations fournies par des investigations empiriques ont donc aidé les élèves à développer leurs idées et à repérer les contraintes essentielles du problème (voir C. Orange, 1997). Mais le travail de cette classe ne rentre pas dans un schéma classique où l'expérience succède invariablement à une hypothèse pour la mettre à l'épreuve et débouche sur une conclusion simple. D'autres détails viennent encore gravement compromettre les idées habituelles :

 Aucune de ces investigations empiriques ne pouvait fonctionner comme expérience cruciale pour départager toutes les idées des élèves. En effet, pour ceux qui pensent que la plante pousse quand elle a tout ce qui lui faut, et ils sont nombreux, les données obtenues ou convoquées ne sont nullement critiques.

 Ces différents résultats empiriques ne permettent donc pas de rejeter toutes les hypothèses qui ne correspondent pas à celles que le professeur veut voir retenues. En revanche, elles apportent des indications qui peuvent pousser les élèves à tenter d'autres explications. On n'est donc pas dans un schéma réfutationniste simple. Notre cadre théorique sur la construction des problèmes nous conduit donc à l'idée qu'une expérience peut être faite ou convoquée pour avancer dans un problème et pas uniquement pour conforter une hypothèse déjà bien élaborée. Il ne faudrait pas prendre cela pour un retour de l'inductivisme. Ce que ces expériences permettent de construire, ce sont les contraintes du problème et non la solution : on sait mieux à la fin ce qui n'est pas possible ou ce qui est nécessaire. Pour atteindre le détail du fonctionnement de la production végétale, d'autres investigations sont

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indispensables, certaines apportant des informations nouvelles6, d'autres

mettant à l'épreuve des hypothèses bien précisées à partir d'un problème maintenant mieux construit. Mais, à chaque fois, les expériences ne peuvent être considérées comme portant en elles-mêmes l'évidence d'une conclusion, car elles sont toujours lues dans le cadre problématique, en partie fixé et en partie mouvant, des élèves à ce moment là.

Si on ne peut pas définir des phases précises et immuables pour une investigation scientifique, on peut cependant décrire celle-ci par la construction et la mise en tension progressive d'un registre empirique, dans lequel des contraintes pertinentes sont identifiées ou élaborées, et d'un registre des modèles7. Celui-ci fonctionne comme un champ – le champ des possibles – qui se structure progressivement, par repérage d'impossibilités et de nécessités. C'est ce que veut représenter le schéma page suivante.

CONCLUSION

La centration habituelle de l'enseignement des sciences sur l'expérimentation conduit à négliger ce qui est pour nous un point essentiel : la construction des problèmes. Ce faisant, et par retour, elle limite considérablement les fonctions des données empiriques dans la construction de savoirs scientifiques.

En effet, une telle position valorise l'expérience réellement menée par les élèves au point d'en faire l'idéal de l'activité, mais fait l'impasse sur les pensées explicatives de ces élèves et le rôle qu'y jouent les contraintes empiriques. On pourrait montrer qu'il s'agit là d'un empirisme déguisé sous une forme hypothético-déductive : le passage du pseudo-problème à l'hypothèse est généralement vite expédié, pour aller au « vrai travail scientifique » qui commence avec les investigations empiriques.

Donner toute sa place à la construction des problèmes demande donc de prévoir, à côté des activités expérimentales, des situations d'élaboration et de discussion critique d'idées explicatives par les élèves. C'est dans

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l'articulation permanente de ces deux types de moments que peuvent se construire les raisons constitutives de tout savoir scientifique.

nécessité sur les modèles et modèles possibles contraintes empiriques signifiantes (pour le problème)

REGISTRE des MODÈLES

REGISTRE EMPIRIQUE

connaissance ordinaire

point initial limite point final limite Évolution de la construction du problème

Construction de problèmes par construction et mise en tension d'un registre empirique et d'un registre des modèles

RÉFÉRENCES

ASTOLFI, J.-P., GIORDAN, A., GOHAU, G., HOST, V., MARTINAND, J.-L., RUMELHARD, G. & ZADOUNAISKI, G. (1978). Quelle éducation scientifique pour quelle société ? Paris, P.U.F.

BACHELARD, G. (1938). La formation de l'esprit scientifique. Paris : Vrin. (1986)

CLÉMENT, P. (1999). La biologie et sa didactique, dix ans de recherche,

Aster, 27, 57-93.

DEVELAY, M. (1989). Sur la méthode expérimentale, Aster, 8, 3-15. DUHEM, P. (1914). La théorie physique, son objet - sa structure. Paris :

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GOHAU, G. (1984). Pour un popérisme relatif. Biologie-géologie,

Bulletin de l'A.P.B.G., 1, 137-143.

JACOB, F. (1987). La statue intérieure. Paris, Odile Jacob.

MARTINAND, J.-L. (1992). Présentation in Enseignement et

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ORANGE, C. (dir.) (1998). « Réel de terrain », « réel de laboratoire » et

construction de problèmes en biologie-géologie. Rapport final de la

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Références

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