1 ~
.
l ",,' , "r
,j.
..
-r
/
r, /I , MYTHOLOGIE DU r-~EURTRE ~T [JE' LA MORT 1
- -DANS--LES -TRAGÈDTES DE P. COPNEILLE
Ph.D. Thesis submitted by
~An toine Soare
to the
Department of French Language and iterafure
/ J"""- '\
.
~l\BSTRACT
-
,
The' ethical ~ superla ti ve, cO'nteœpla ted a t t.he violence level
required by, tte ~r~i~ drama, generates unsuspected deaà~ocks. The
tragedy of the )Cime of Corneille pas ~o cape with two complementary,
/
just as
p~racyoxes:
,
the innocent crushed because of his , /- -
;/
innocence, 'a d. the
"g6np.~reux"
criTIu'naL because of his generosi ty:-- Irtis the P10ra
~Iragedy
Of: action. ' Cor11eille was• 0 the firs't to cast the
;-! 1
l '
termsi he then~resolves i t by
r
c]"ime in ' he' myt~ical context whe.e i t receivespla~ing a sense the '-roic ~~~ and éf justifi-c' j.
cation. shocksi i t becomes the
In this way the work o'f
The ide:l
te
proposes exalts andcontror~rsy
among âramatists.participates in a vast dialogue:
"
now i t is interpell~tion, 1
.
then i t i8 riposte, more Oft~ both at thec s~me time. Its evolutïon
may e explain'ed mostly by this poleIl"ical clima te. Starting wi Hi"
pom"€e, the myth gives w,y to ~he ironic~l mystification. Tc his ~
crteœporari~f!5'
who cannot -bear the drama tic per'formance of their /'_o'fn i'deal, cdrneille will offlf an illusion: the hero wi th
,innoc~t
' " , ~I
victorie8. The complacency of the lie will lead, in complete fairness 1
and with no divine nor
/
-p~ych~a~i tical [plot, up to the disa'straus
awakening of Oedipus.
~
1
1
1
, /
~i -~ }
,
1
"
, C /..
/
/ '~/-- r
MYTHOLOGIE DU MEURTRE·
.
DANS LES TRAGEDIES DE
ET DE LA MORT P. CORNEILLE pJ'r Antoine Soare Thèse présentée au
!
!.Département de Langue et de LIttérature 'françaises pour l'obtention du Ph.D
/
J ·1 / ' RESUME ~,_-/ générosi té. \Elle est tragédIe morale de l'action.' CorneIlle pose le
le et
preml,\r 1 e probl ème
crIme ~ro!que dans
,
une justlf-icatlon.
dans ces termes, et le résout en SItuant
1 .., \" , , ~
le contex~e mythlque où Il reçoit unlsen~
\ . '
L';~éal
qU'lI propose exalte etsc~ndallse;
Il devi ent l ' obJ'ét d ~ une co"ntrC?verse entre dramaturges. L'oeuvre
.'
fde CorneIlle partIcipe ainSI à un vàste dialogue: elle est'
tan~ôt
ïrterpe llatlon ,"-tantôt' rlpÇJste, 1,e pl usà la f0f,s. Son
é~oî-ut'hm:::§:'~é6q(l
iqueen
g~ande
."
souvent les deux mesure par ce
climat polémique. Au mythe faIt suite, à partir de Pompée, la
1
mystIficatIon IronIque. A s,es contemporains qUI ne ,peuvent souffrIr
,la représentatlon dramat{que de leur' propre idéal, Corneille offrIra!
une 11-1 USIon: le, hérts ,aux, VIC tOIres, lnnoçentes. .La, comPlaIsanc"'e /
d~ps l e menso~ge cond Ira, en t0:ute équité,' sans [TlaChlna tlon di vine
-
,ni psychanalytIque, jusqu'au réveil 9ésastreux d'Oedipe. ' \,
..:ly/ - "
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MYTHOLOGIE DU ' MÈURTRE ET DE LA MORT
( ,
;,
DANS -LES TRAGEDIES DE
P.CORNEILLE
,•
1 1 J .....
ï
par Antolne Soare)
1
T~èse
(]
Faculté des 1 .. présentée à la Etude~ Supérieures et ( 1 1 1 i de la Rect\erche, / 1 I~niverslté MçGlll 1 po,ur l 1 obten tl on du Ph. D ./
o. t·
,
o Département de Langue .et de Littérature, fr~ çalses ~e 15 août, 1977
. l '
•
• 1 / " , ~. , .v, ) ClAntoine Soare
1978 J IF . . . Tt -'-;:1
~ ~-~ ... ~, 7 fÇ~
J
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• 1 ~ > "1
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,
1' •/)
.
•• -4,..l.. \~ ... ,... ...Y\
~ \ a , \ @t. //1 \ > ",''!: " \:)~T,4BLE D E MAT 1ER E,5
INTRODUCTION
i
'1
La tragédie mordle de l'action
\1 f:
___ ,Genèse de l'hénb~sme criminel
-~gédle,
If
mythe' et1~!mystification
Notes • PREMIERE PARTIE
f
!
l ' i'.
#-·1,
LES GRANDES rR~GEDIES DE CORNEILLE - LE MYTHE DU
,
r HEROS CRIMINEL.l
ri 1~
•
l - L'initi ion à la ~olence généreuse - Conventions
tragi-chmiques et structures mythiques dans
/
/'
!1
l " ~ f "Le C 1<:1'1 Lcf. découvert;e du "fer" 1.. L'e choix de Rodrigue, .
~e héros
ma~tre
de l}univers tragiquerêve romanesque à <' mythe
:1
l ' ac teur etl'
f'
Du héros . . , . - . .0 ' . .
f:
leIl
Un • , 'f 1 1nouveau duel ent~e Rodrigue et le Comte
La réconc i l iatfon
a~ec
la Cité''1
1 La guérison de éhimène. ,.
Le
d~el
avec Don Sanche: unehasard des armes.
v'~~toire
. sir le~
Les prolong~ments de la Quer-elle su~la scène Notes l 2 13 20 23 ') r '- ) 26 26 31 34' 3~ ·47 55 '59 64' 68 78 ~ " ,
"
r
\l,
.
' ,.
" )',....
"...
' -I -I -~ ",
, "Horace"\ ou le, héros e·t la"'Ci té devant le mythe
des' orlglnes ear'rlc ides "
L
r, .. ,
1 h h 1.-.'~ trag~le a ,a rec erc e du l'ierose
Lk genèse du mythe ~
Horace sous le regard du lIsort" Le crime d'Horace,
,
,
.
• ' J (JLa réceptlon du mythe, Horace sur les Ilmites
Notes
d~ i~\c~nd~t~ ~uerril~e.
l '
\
\
1
I I I \ Cinna - La fonction de souveraineté du cr me au
l,t ;0 sacerdoce 1
\
IV-\J
Singularité de Cinna,La crise générale des identités La crise du système d'exemplarité. La c~lselde!a connalssance ~éro!que.
Un uni ven-s ~promis ~ l'a mort. . l ' . .
La dynamlq~e de pinna:
de 1 a véri té . . < .
\
.
L'lnstapt t agique de Valeur de solution ,de ,Notes
une réac ticfn e
de ciéme
,II~
\ immortali té c r'ét,ienn',!d\.!
ac ré Po1yeucte.1
----.-.
----
~----
~-.'
".
][1 } II~ 84,-" , . , 84,.,
100 10,6lIe
12"2 127 ,138 142 142 , 144: 1 153 157 165 169 \ 174 177· 1 182 1 i <~ " 1 181
\.1 l, 186 1 ~ 195 1 206 l ' 219 l , 2~n c, 1:\
1 \1'1
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~ :' ' i;er'
~,r~~
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'/ , DEUXIEME' PARTIE
('LE THEATRE, DE LA MYSTIFICATION IRONIQUE
. l '
tT LES MALHEURS DE L'INNOCENCE
, ' . " 1
1 - "Pompée" ou le drame! de l ' a:Übl
"
~
, 1lntr duct,ion à l'étude du théâtre de
l'hé o'i!sme innocent. /' ...
Pano d'un nouvel bnivers
,
,~
\ 'Cé~ ,
1
le
protot~pe
fou nouveau héros, " Note ,' '1 '
1
; ,
I I - i'Rodog ou la roy uté innocente
ie du dràme Sél u us et Àntiochus,
Ech~s
deR~dogune\
l '
" \ : '11 , ..
1.
" ,.III Agpar,i tion d' l,Ine
IV
.
\
".
" l' agissant \ \ \;" " roi caèhé ,\ \ '1\ ,. du tyral:micide \ ' identi té royale.. .
.
\\
III 233 234 234 245 , 258 268 271 271 28'6 298 307 33'2,
33è 347""
352 "\
-1\ 1 ! 1 j' ! 1 , j' \ 356 1 / ' \ '.'~\
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~. :,' 1 " \ } o\
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ï
tv
(\
VI ". ,.'
,
'l
f'Nlcomède ff ou le repos du guerrier -
Un
règlementde comptes entre le héros
• r
Deux iti~éraires dans
Ironle de Ni~Qmède et Notes et son double .' ,
(~,
'0 ( l'eBp~ce...
héroïque i~onle de Corneille- "Pertharite" -, Le point mor, tragl-comigue
Notès
.\
"Oedipe" - La redééo'~verte de Ip. véri té - La
'\
, <
tragédle du héros cri~inel
» , IV 358 ' 358' 373,' 401,
. 'Oedipe
.
d~ns l'.histolre de l'héroïsme. "L'he;ureux éplsode".
Oedlpe .. le' héros crlmloel,'
~or~élT ~ ~~~
.425 432''.
CONCLUSION 435 , r. "\ -',-_._--~-r
•
,,' 1" . \ 11.
.~
').
' ',1\
t ' ~ \" .1; vr, 1\•
(
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l' , \ - - - -... :s .. , •••• WWiil •••IITIIII
••
,
}t
1
..
\ ' " " "\
2INTRODUCTION
\
Il vous faut, et sans haIne, Immoler un beau-frère.
,
(Horace.
I,T.,~
:,';La tragédi e moral e . de l ' ac t lon. - Genèse ,de l 1 héroî sme
C
rlma.nel .- La tragédle, le ~ythe et'la mystlficatlon.
, ,
L'étude qUl SUlt se réclame drlun seul princlpe
t.
méthodologique: toute t~agédIe se caractérIse essentIellement
par la nature 9U problème qu'elle soulève. Le tragIque ne
-
-
(
saural t être en soi; 11 est, toujours de quelque c~se. C'est
pourquoI les tent~lves de défInitIon globale ne peuvent
\
abouti r qu'à des schémas aux mai lles tantôt trop set'Lrées pour
cap~er, tantôt trop larges pour retenIr la matIère dont on
s'efforce de rendre compte. En proc~dant ainsi, on parvIent
,
sans doute à préciser certaines notions hautement
représentatives, celle de p~emple, des
l imi tes, de l'Insoluble. Mais la transcen~"""''''''-':e n'assume des
fonctions tragiques qu'en vertu d'un certain type de rapports
entre l'homme et les for~es qui le tra~scendent; on pourrait
.
l'aI?Peler "racinien", tout en notant dès maintenant
~ \
qu.'il est à l'opposé du type de rapports valable dans un contexte
~
,1
mythique D'autre part, les limites, pour etre toujours
celles de l'homme, n\interviennent pas mOIns sur les plans
les plus variés. Ce ne sont pas les mêmes, confins de la
1 \ \ ' 1
-
---_.~---'< <-,--~ ~-,
,
~ -.,.~ .. r---~-- - --_ ~ _____ _ \~ J1
.'
.
", 3 ;-, 2fonc ti on guerri ère que découvrent l'Al exand,re de Hardy
1
j
~t T'Horace de Cornellle. Enfin, la notlon d'lnsoluble, fort,
~\\i
le d'ai lIeurs aux recherches- sur la pé}'loge qui nous1
lnhéref;se, ne devlt>nt plelnement opérante que
dan~
la mesure'où efle renv~le à la spécIficité des confllts dont on constate
l'absence de,
solutIon.-Pour élémentalr
7
qu'ilparaiS~
lepOlnt\~e
vue que nousproposons ne rlsque pas mOlns de
m~~fier not~e percept~on,
,,).(4
non seulement de la tragédle cornéllenne, malS aussi de
l'époque qu'elle recouvre dans l'h~stolre de la tragédie
~
française et, en fln de compte, de cette hlstoire même. Entre
...
ges :rois domalnps, les rapports déterminants ~us échappent
encore, à notre aVl S, ,fau te préc l sémen t d' une perspec tl ve
adéquate. L'es études portant sur l'ensemble de la tragédie
française ont hérité de G. Lanson une optIque dortt les effets
..
se répercutent inévitablement sur les études consacrées à
, ' d ' 3 l
un auteur ou a une p~rlo e precIse :_el ~s prennent toutes
pour crItère plus ou mOlns absolu la notion de "genre",
On
pense, en conséquence, l'évolution du théâtre tFagique, et l'on classifle les oeuvres suivant une série de dichotomies
qui ne touchent nullement, Slnon par co~ncidence, aux réalltés
idéologiques de la scène: tragédie avec ou sans action,
régulière ou irrégulière. à sUjet antique ou moderne, Cette
méthode a son utllité, incontestabl"e, Ce n'est guère pour
ce qu'elle permet d'affirmer que nous la jugeons déficiente,
malS poû:r: les \OmiSSl.OnS qu' elJ.e 'auto~,~.se, pou'r le cloisonnement
\'
---
---
_
..
.,- r-
, " 1 i • 1.
,
,.
~ , ,. ,..,~-•
r -....
-- 4-arbitra~te~o~! elle renferm: la productlon dramatique. La
1'1
grille' qu'~lle fournit ne concôrde pas avec la constellatlon
réelle des ldées qUl lnforment la scène, et nous empêche de
i>
la percevqlr.
Prenons quelques exemple;;. Le Corlolan "de Chevreau et
~elui
de Chapotin4 ont blen entendu lemê~~
sUJet, malS lesobjets de ruéflexion qU'ils proposent sont radlca
"
différents. Il n'y a aucun rapport~
polémlque, entre le guerrier qu'un désir héroîque de conquête
entraîne dans une
entrep~ise matrrci~e
,et le bannl poussé vers-~
le même crime par un désir monstrueux de vengeance~. Lè Cid
, .
.
est urie pièce plys ou moins régulière, l,e Phal ante de La
Calprenède ~e l'est pas du tout; les deux tragédles ont des
.
sujets forts dlfférents, mais elles traitent exactement du
même objet 5 ' Pour 1 es contemporains ,de Corneille, accoutumés
notamment à la rélnterpréta:Qn.,on du tragique. anClen par des
"
.
intrigues inédlt~s, le sujet en soi d'une,pièce de' théâtre ne
constituait nullement un élément distinctif et ,(ne barrière.
'c\
fJ
.
Les connaisseurs savaient déceler, derrière la diversité des
..
cortingences dramatiques, la'p~renté des problèmes posés et,
le cas,/ échéant,· la, divergence des' solutlons . . , . . . . , 0 ,
,
.
"~
ÀUX
le PlU: souvent les
confu~~ons
du psychologisme, hérité luiinsuffisances de la classification formeLle s'ajputent
.
-,,,----8
/ aus"si de G. Lanson.
J ( " : . / ,
Il n'est pas du tout certain Que le oQ
1." théâtre du temps de CQrnelJle se soit intéressé à la psychologie
"
\:
\---
i U 118 • •li"
"
,
-~T
t
".
' 1 ~,..,..--- -\. .. 5--
'~e la même manière que nous le faisons lorsque nous pensons
l 'homme à travers la poésie racinienne et "le
ré~l~sm~'"
bal zac ien . Le thème même de "tragé'dle psychol o1Sique", à
mOlns qu'il ne soit appliqué avec un~ extrême prudence
à
des domalnes aussi limités que possible, peut prêter aux
1
plluS insidieux malen~endus. Il 'est vr?,
q'
autre part, quele langage exégétique du XVIIe siècle
~'e
nous facili te gl}èrela tâche.~ Dans toutes les ",çlissertl3.tions" et les "dtiscours"
qu'écrlvent les théorlciens du théâtre, il est quest~on,lpar
Q "
.
..-.,
exemple, de "combats de passions"j c'est if-la pratiqt;le
dr~matiqUe
/qu'il faut demander ce que l'on entendait par là.
C'est par. le biais de la psychologie que les personnages
se trouvent associés à l'exls~enèe [éelle, transformés en
•
indlvldus, au lle~ deademeurer ce qu'ils sont de toute évidence,
des signes fonctionnant dans le syst~me sémantique fermé que
IJ ~ ... \
,
propose la scène. Dès lors, toutes les conjectures deVlennent
légi
tim~s, ~:es
interprétations IlesPIU~
éloignées dl texteprennent une apparence de validité. Il est certes peu
,
recommandable de désincarner .les. personnages, mais nous croyons,
, ... f
-d'autre part, que l'Qn ne saurait ~sse~ se défendre contre les
excès de l'incarnation. O. Nadal a écrit des pagés envoûtantes
sur"l,'amour et la
m~rrj
la raison pour laquelle il estimait-nous renseigner par là sur les sentiments de Polyeucte nous éChappe. Complémertair , en honneur du a .... -,. '[ ,---~\-~--:.- _i nlli
t
~-'
, ----!~ , /1
- 6-temps de Corneille, l'imprévisible et le stéréotype défient les approches psychologisantes.', La seule science des âmes
ne sufflt pas à expllquei les coup~ de barre intérieurs
auxquels tous les dramaturges de cette époque recourent avec
_y
"
/ plu.s ,ou' moins de bonheur. Elle déborde souvent, en revanche 1
les ré:lités d'une
sc~ne
Of
lès~uccl.
'd'eind:i,viduâlisationpsychologique .d.emeure se~yndaipe. La dramaturgie de la
,
~remi~re moitié dd XVIIe siècle préfère le typologique au
pa~ticul~er.
Elle opère avec~es clas~es
humaines, descatégories,)"oral"s, dès si tuations
't:~ment~les.
'De tels désaccords entre l'obje~ et~ méthode ont
provoqu~ des réaction~ bénéfiques, malS excessives. Orientées
_
en,prin(,ll~(~
clmtre le ,psychologisme, lesé~tudes
pe J. Boorsclt?lui accordent en fait, indirectement, un~ importance démesurée.
"
Du
l ' a1!rËïen"è'e~dè'
slgnlfication psychologique, 1 1 auteur en,-,'
l'
q~e5tion conclut à l'absence de toute signlfication. Le
, \
t~âtre de .c0rnei Il e ne serai t qu 1 une machine qestinée 'à
,
produire des ~ffets dramatiques. Tout s'y ~xpiiquerait par
/ ' le cul te de l'émoti'on pour l'émotion, de la surprise' pour' la
surprise. Les recherches entreprlses, de ce point de vue,
(
" ,
,
sur la technique dramatique de Corne,ille ont abouti
à
des.
"'"
résul-tats f'o:t
~ntéressants,
mais elle orlt aussi renforcé.par leur'caractère unilatéral, la thèae plus ou moins implicite
Joo,'
d e l a gra t Ul ' t , 8 e L'auteur d'HéraCliUS n'émerveille jamais
If,
ses spectateurs sans leur demanaer en retour un effOTt de
.ar.-·v
1 \
"
\
.. ~. ,,
" .1, .. .,....
" ' - 7 -" 1réflexion. Pour ingénieux et éblouissants qu'ils soient,
ses procédés dramatiques ne demeurent pas moins les éléments
,
d'un code. 'Ils ne liv·reront point leur secret tan't qÙ'on les
"
examine en dehors de la syntaxe qui '~nforme le théâtre
cornélien. Et~une telle' syntaxe existe.
En fait, entre
l'indiv{dual~t~
psychologique, attribuéeaux personnages, et la
rech~
de l'effet dramatique~e~n_s_o_i_,
_ _ _ _ _ _attr~buée
à )i'auteur, s'ét:nd to6t ledoma~ne
de la penséemorale.
La;~~ne
de Corneille, celle de ses confrères aussi,ne procède pas du mystère des âmes, ni du mouvement pur,
\ l .
mais de la dialectique des valeurs. Le tragique,n'y s~rgit
pas du coeur d~s personnages, comme chez Racine, ni ne
f
s'accomplit par le jeu des réactions affectives. Il naît
; t
ie
dépl~ie
entré l'homme et 'les événeménts, par le jeu des\.
·'obllgations et des interdits. La se~le psychologie qu'il
, ,
mobillse n'est autr~ chose que de la morale vécue.
No~s avons interrogé le théâtre de Corneille, et le ,
'
théâtre d~ l'époque cornélienne, en évitant autant que possible
'de nous
lais~er \l~ist..raire
par les aspe'cts ,qui nous avaientparu secondaires ou tout simplement postiches, avec une seule
ques~ionfo l'esprit; quelle est la nature des prob~èmes
P.9sés et examinës'par les moyens dramatiques de la scène?
Une constatation
élémentair~~
mais troublante a' orienté,1
de prime abord, no~ recherches: les quatre grandes tragédîes
de Corneille impliqu~nt tputes un procès. L'idéal héroïque
'/
' / i'~
l
.'
1', - Y" -1 '8 -"ne s'y affirme pas tout simplement, 11 'est mis en-cause,
véhémenteme'nt/ dé'batJu; i l ne Si impose qu 1 en! surmontant de
lourdes accusations. ,Le héros est criminel, sa gloire est
-maculée de sang. Des voiX puissantes . s'élèv~nt
.
pourstLgmatiser, le paradoxe scandaleux qu'il lncarne. Au moins
à l'occasion du Cid et d'Horace,
~e
débat a largement débordéla écène;.les autres
dramaturg~s,
les~irecteu~s
d'idéologie,"
'rres doctes et jusqu'aux s~mples spectateurs y ont part~cipé.
'-',
J .~
CI est l!>ré6isément .1' élément de scandale qui dis..u.a.ra-î~-,
~ ,
!
à
partir de P·ompée. Cette épuration subi te' autant que"radicalenous a paru ~enforcer un soupçon que le s~ul examen d'Horace,
par exemple, suffit
à
éveiller: 11eût-il désiré, Cornellie/ , , /
ne pouvalt elaborer -son oeuvre en grand solitaire, personne~
dans le monde du spectacle n'allait deméurer insensible
a~
idées qu'il avait lancées sur la scèQe. Celles-ci étaient
)
/
/
/
/
de telle nature, qu'elles rendaient la neutralité
impossibl~.
j'!
De gré ou de force, elles
d~v~ient
transfofmer chaquedram~turgJ
l ,
1
tenté par le domaine héroïqué, et, i à la limi te, chaque
j
/
_ spectateur en interloouteur de Corneille. L'auteur
d~
CidQ - 1
devai t comp ter,
à
son tour, avec 'cette présence s'oé iale qu.' il; avait lui-même suscitée.
1
/
Dans le dessein 'de ,.. vé~ifier cette hypoth~se, et de
déterminer, le cas échéant l,' étendue du phénomène,
~xaminé
lestr~gédie~
etI~S
tragi-comédies éc ites confrères de Corneille., Nous croyons y avo.ir trou é unel '
<.
//
/ j 1--;
/
/
.'
"1 L ~_ _ _ ~~_ ... __/
r
1
9' -/ ' 1 ( \ , /.
'extraordinaire c00vergence de réflexion~ pepuis llapparitlOj
. du Cid jU~qU'! à, la fin de la Fronde, 11 n'est question, sl.,lr ~a
/
, , (~fjJ • III / /'
scène des héros, que' dl une seule et même chose, du trilSlglque'. __ _
~---
-l-e-s--moral de 1 'a~tlon. Par cette formul~, nous désignon
eductibles,~qui o6posent, sur le plan
des entreprises généreu&es, les devoirs au~x~~~~~~~-J
hé~os ne se débarrasse de
1
rencontrer la fatalIté de "la race" 1
adhésion aux plus hautes valeurs, et
pass~ons que pour
, \
"ra~g" . \. Par pure
Ire.spe~
t 'des~
plus nobles maximes, Il se voit.ame é à aeeo plir les mêmes
D 1
crimes inexpIables que les monstre accomp issaien.e'
j~diS,
"ar
r~ge
0';
par. ambitior. i'orce/lée.j'
Bannf~
du théâtre, latrag@die psych?logique et de 'carac ère qu avai t
~réva:lu
auf
1 .
du sièc le, et que Racipe
repr~ndra,
s.ef~7' ~l
t remp'lacerRe tragédie morale et de conditio 1 \
---l-"
IL
1 _, Il est essenti.el de comprendre 'un, te
0
1' Changemtnt ; /n' pas seulement l'art des dramatur es. Il
~tal
t : ) / /o'à~ififer
de 'tond,e~ c~ble
lei
atut id' )lOgiQUe ./~/
j"
tragédie. L monstre
eton~
ou efffa" mais il rie / / / /' / 1 ~/ / 1
....
'
//
risque pas dJ~'# déclinChèr une cr/lse mor
j;;e
Ch,~Z_"l~ __ ~~,t'ateur.;/"Il est, comme on
~ll
a fort bien dé Ini, 'l' Eua'nger9; on l€.//-f"
' /
/ -' /perçoJt
~;emblée
t avec unehor~~r/cathartiq~e, c~~~~
1al téri té absolue. 1 Le héros est, bZ' ln au
oont~,air~
.enge,~ré/ 'l"~
l " .-
:.r~
~
par la conscien·ce ~ollectiv~ 1 et elle-ci ,.-se reconnaî en lui.
l '''t / /./ - / / ; ' .
i 1 --- , / ' - ,
Il est le m0dèle auquel le publ;tc s "identifie---; l'·ex mp~e\\ /
1 /
7
'
que Chacun' youctrctï/t suivre.
it
il,e~~minel
f Lemon~tre
,;\\ 1 / " , / ••••
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(_~_=-/-:~~~/ ,_~;,. ,4
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-..
-"'" - 'il' /1-J, .. '
\ ... ---/ - 10 . / 'n'inquiète pas a mor_a~~: ?~.c~ qu' ~l. est coRS.é'qu,en: avec ~
_,lui-même :-p-ü-ssédé- par
fè
Mal,' il agj t pout le Mal. Le héros /--;7
est parado:al: LI défend "le Bien parleS~,mOyen'8
du Mal. /Les con{e porains de Cornéille avaient
décorvert,~n
. \ Il
/
::~:::g:Ù:e
ttion
::::::::~. {~:::::::el:uC::::é
a:
e
c::::
enc
";-même de la gé érosi té, la souillure au ce!lltre de l'image l a i
, .j -
pl us : que~
'homme se fai tdt}
lUl-même. Inspi ;:s / .q ~ 10
sans r:.~ le moment historique qU'ils avaient trSlverse ,
,1
/
"
.'
,ils s'étaie t e ~-mêmes proposé un idéal dont ils ne p6uvaient
toutefois
/ frir l'analyse dramatique. Une remarque que l ' ___
o 1 !- -::.--- •
aisa:i, t ,à propos du Cosroès de Rotrou -91'et- fort
~-idence
à
la fois la nature du problème etl'incom'ré~en~ion de l'ex~gèse à son égard:
-
~.
, f' 1.~~~l---e.
en 'radiction avec l'idéal de la royauté au XvII =<::0..;
, r
1 0
c ntemporains de Rotrou pensai ent qu '/én cas de· confl i t ,
, ~
les eXigences de la forlction royale et celles des lie-rrs
1
! .
-Iles devoirs du roi passa)ent avant ceux de 1\' homme"ll .
part sur la scène,
,sin~n Ch~h(
Corneil,le. un tel idéalformulé autrement que par'ges allûsions théoriques,
[
et c:la pour la bonne raison Fulil ~st, en principe, 1
,.Ie'ffectivement informulable./ Le5/ contradictions qu'il reI)ferme
~ont
telles,~u'on'ne
sau/ait l'affirmer sans, du même coup/.
/ .le discréditer., ' Les r f l i ts qu'
engendre~t
les' liens familiaux /.,ne se posent pas
t0'7t'
simpl ement .... en termes de" force et ~de.-;'
,/
/
, - 1
" ! -- ',,/,/'
, /., ri
- ... - 1 1 -~
faiblesse, mais surtout de crime et d'inn~ence. Ën brisant
1
\ '
ces ~llens, on ne s'attire-pas seulement le'malheur\'mal~;' I~
\'
,.damnation. Face à cette ,~xtrén1i té tragique, tout honnete
\
/homme Se me )tal
t
est préférable '-. à
à
penser commeR~tr6u:
une royauté \mpuissante\
une 0royauté criminelle, ~t, le cas éèhéant,
une royauté repentie est encore préférable à u~C poyauté qui
ferai t gJ Olre
~e
ses crimes.,_.~~~~~~, IlTl~s_~ante
ou repentie n'a pl us rien dl
un
idéal. Et ainSI- de' sui te.---~~
~---_,
pen~tint vin~t-~~s-;--ï"idee a.~~e
,----
a l l a I t , /. . . - - - / . ~~' _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 1
'donner
m~-tièr~e:!'se
générale parmi lesdramaturges~-, -:,--- --- - - - - !
---~_:-- 1
J ' 'Chacun exprima sQn opinion . e-ère'-oll. intér~ssée, par le /
...
.
_.~
__
~,cu.G.hem-er1tdu
théâtre même. On se"mi t--à-chO-1.sir les~~
--- aveQ des intentions
pOlém~~
, e t leur t aitement devInt 1" f J, <
l-e
l
~tl
""lourd de sous-entendus. La avait été
menê~
d'abord
à
coupsde<>~cItations savante~
.et de~~
,
- - ,
, _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ 1
e impatienta le.CardTnâi, on crut qu'elle allait \ . \
cesser.
Elle se transporta seulem
a
SCè~.
où elle
continua, à' coups d'exemples vivants,
/
jusqu'à là fI de ;La
Fronde .1
,1
~ --~---~---.. -~
De ce passage dp. 'eiéï:;'at théorique à la pratiqu - _
l '
de la'scène, le ~oment i~~~re est facilement repér le.
---
v---
'Sc udé ry éc ri v ai
t 'L" amour tyrann
ique 12
<lans-iTctess<n:"
,-de.:
J!9~-:~
__
une l,eçon
à
l'auteur du Cid. Comme ses in~ons risquuf'ent ' 1d'échapper, 1 aux amateurs de théâtre - le nouveau code de la
--()
.
' ~'"
r
1.'
1~
" f1
-...
\~.
li
\
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-\
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1(
0 J' , ,\( ... ,_ ... ~.-\
•
12 \ 1i
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1 \ Ouer para de.S Le:'\
' cr\ t~iquefusti eanà, à ots couve ts,
l~
~
seu"dé r\
mé \ital .
d'
Unee'
rtaines~m
prJfaci r ] ui tendai t, "avecl'avai~
trouvé letout en
li
son rival
Il
m lOi',' e. la "e
uron~e"
que \\ \d"Aristotell
- \
\
\
l ' mage rass rante
, ,
\
rep lQUè\a av désor ai's \bel'
A 1
us pral t uniqu
\
littérature Il r~' 'eXP{iqUe\ \ surve i 11 ane e \ déo
i
i q u" auque~elles-lettre~, t ~Ul lui surviv a longte
s\~~~ait~ontr'';~
parle~lèrement
the tre - 11 s'agissa d'un
---e i~révisible,e
la t~gédie surto~t, ge
sortes\d'excfos. L'idéal sC'Ème f1isa1
\ ' l ,
~lque sorte une insti d'Etat. En
1 soumis le Le Cardlnal du J de , 1
à
le blanc~ir, on méritait a~pro tion officiell~' parmi1 \ 0 \ '
d'autres avantages, celle-ci p~ocurait un prestlge auQ l
~l
grand plbliC n'était guère~~sensible.
On risquait~
l
[
beaucôu~~~,9'a~tve p~rtl en révélant les terribles mystères
qu 1 il
recel~i
t .\~~
-'\~~~
\\.
...
-~--\
\\
\
\'\
\ \ \p\
- r---- - - ' -....
\~--_._.---
- ---~---__________ ~t*tr~,,~~~'\ - T
,
t
" " 1'\
\
\\
\ , \ , ..~~-\-_
- 13 1ontroverse, cessants a l ' arbl trag \ des---~_______
l ,
idéololpques, qu"t de 1 'exemt=5 1 aire
sou~-t~ndue
'---·i-·
moralè: tel est le limat dans
leqU~l c~rneille
!
~
\-dU
Tout le l g .de sa
c.~rr7~\'
auteur 1 / 'dialogue. on
oeu~)est
tantôt"YI
/ ,
//./,
tragédies.
tantôt riposte, ,le'plus ;;~"t-~?
.
& 'saurait l'interpréte comme un discours 1
\
"
"'---~ • 1-
.... , -\ '. ~tJagédie avait-elle engendré l'héro~sme
c"imine~l?
0 uvre, on l ' éclairepe~t-êt:(e "p~r
... ~ \ ~ .... c ' ..J ", ~ \ ' ~
-comme l'affir e
J:
Maurehs·l.4,
mais le 'théâtre on1 a pen'sée" , ne
..
/ \.
l'éclaïre que par le théâ~re. Entre la
théor~
1_morale ,.et
\ que dramatique le~ rapp'o'rts sont sans
doute serrés; les idées ne naissent, pourtant paJ de
l~
L ' ,
,
mêm~
man,ièt'e, rH,s~
tout,~~ réf~r)~t
.i:l.I!X mêm'es réali tés·"'·,dans.,
~n
rai-té de Ph11
SOPhie et s u _ c è n e . . La mora;,-en
,a~t~
st autre que
l~
morale p
e1~é~
.
~
, e s
~
p
~éC ~ sé~ent'
, i
\
"
ce
qh\\
le contemp'orains de Corneill,.~ \enaie!lt ,de découvrir.Tout~ l~U
doctrine ne
sUffisait~p~s
à
~usti(ier
la
cq~duite
parricide d s héros de tragédie. Celle-é i se réclamai t
1
néan~oins q'une logique inéluctable.
/
.
--<---~-
---·· ... r
cc -PI!
\
1
l
.,
l' l ,)
(
J - ". -o ,1 - 14 -,~~A. l'orIgine dramatiqüe 'de l ' héro~sme criminel se. trouve
ce ,qu'il conviendrai t dl apptfî1er le li roque de la monstruosi té.
Vers la fin du XVI~ siècle, la tragédie qui n~avait été que
\
"poème" jusque-là, découYI'ait sa,'yocation - ramatique grâce à
----______ _
î
s'attarde
ra~>-l ' irr.up tion des monstres sur ,ra~>-la scène .~') On
sur 9~e som9re pér~ode du thé~tr~ françaIS.
1
1. i
,
(
Ce
, désintérêtp~ocède eIT grande me$ure d'un jugement de valepr, mais il est
l'
(
Corne}lle, 'aussi: héri té des col1temporains mêmes de
'.
. qui avaienthontetde leur passé littéralre comme de ley
a /""
passé politique.
1 /
l :
:(ridépendemment de sa tenue esthétique, "le drame
élisabéthain" s :!imp'ose à notre ,
atte~t~,o~·'
l?ar sa présencehis'torique. Pendant plus de quarant~ ans, il ,domine··
\, • 1 1
,incontestablement/dans le monde du spectacle. Si ,lion veut
.
~ ~. i
f" . , 1 5 . If1
1 'e~ fe rm€r a tout prix dans unè "pare n these" • ,lI \ut
admettre que celle-ci a été plutôt longue. Du reste, cette
lf '
persistance SI.1 ,expl ique par le succès. Les ~onstres faisaient
. recette_:, Les aînés de Corneille et de Scudéry ne se lassaient
pas de"les V01r à l'oeuvre. Il faut les comprendre: po~r
1
1
la première fois on leur offr~it de vais spectacles, violents,
mouvementés, palpitants. ~Iaction ~~était solidement
i
à
la tragédie.' Elle étaIt déjà plus qu'unoù baignerait la scène. Elle se
~ro~os~it
elle-même e tantqu'objet de réflexion, elle fais~it ~ermer une sourde
interrogation morale:
drame élisabéthain y
qui peut agir dans une tragédie?
/~ '"
répondait en toute simplicité: les
r
Le
'î-;~ ~~~~?
\
,''''''>f'" -,~', J" --... ~, "-----r
- ". ---.' 15-possédés du mal. on'~e ~urait comprendre l'évolution du
/
s//ténir.compte de cette relation.primordiale, 1
!
genre tragique
~ b'
spontanée, que Îa scène étabiissait entre l'action et la monstruosi té ...
,
L'a.vènement de Richelieu 'plonge le théâtre dans une
p'ériode de crlse 'dont i l ne faudrai t pas minimiser la g(avi té.
~u
nom desn~uvelles
moeurs, Le genre le plus prestigieuxse trouve/coupé de ~a substance dramatique. Le bannissement
pr~gre?j1f de l'horreur morale, et bientôt de l'hbrreur
PhYSj!"e •. l'amè;~ au bord de la ra>llite.
/ Nous croyons qu'à p.artlr 'de cet instant l'univers de la
scène peut être analysé, sans risques e simplification, en
termes d'interdiction et de subllmatio Face
à
l'obstacleidéologique, Melpomène se tait, et Th prend la relève.
La tragi-comédie s'invente elle-même, en' lnventant une 1...
échappatoire. Ce n'est pas sans raison qu'elle réclame tout
à
10UP
le haut du pavé, q~'elle s'attribue une ~ocationréformatrice et lance des manifestes tapageurs. ~Le genre
romanesque avalt trouvé ~e moyen de concilier la violence
de l'action avec la plus amène bienséance. Il avai t exclu 'y
ù
de la scène la catégorie eXlstentlelle de l'irrémédiable, et avait introduit du même coup l'imagjnaire dans la fiction
dramatique. Quitte à répéter dans 'la définition le terme
/
'(1'é-f-4-ni, nous dirons que lIa tragi-comédie est essentiellemenc un spec'tacle tragique à l'intérieur' d'un spectacle
tràgi-copüqÙe.
1
/
,
.
, 1r '- -
1
~-o , , , \ " , - r - 16-Le miracle résurrectionnel est la clé de vonte de cet
astucieux système de' théâtre dans le théâtre. Ramené
, '"
parf01S aux dimenslons plus modestes d'un sauvetage de
dernlère minute, il rend les processus tragiques réversibles; i l les dépoull1e par là de toute réalité, mais conserve
leurs apparences dramatiques et morales. De f?usses
victimes croient expler, et renaissent au bonheur. De faux
-bourreaux crolent èummettre des cri~es abomlnables, ils se
~ . /
repentent amèrement, et "le ciel" leur rend l'innocence. La
violence scaridaleuse du drame éllsabéthain ~etourne sur la
sc'ène à la faveur de la' felnte édlfiq.nte' et inoffènsi've.
Tout redevient permis dans la tra~~-comédle, parce que rlen
ne s'y accomplit plus.
f.
La structure une fOlS mise au pOlnt, les fonctions.se
mul tip-l i ent. La fausse mort sU1.vie de résurreG,tion servira
.
{
,
"-d'abord à résoudre des con~ll~s amoJreux. A l'aid~ de
l'épreuve bénigne qu'elle leur prépose, les amant~
l '
franchissent les barrière~ sociales ou psychologiques qui
1 es separen ' t l6 La théâtralité foncière du subterf~ge
n'échappe point: on lui trouvera bi~ntôt d€s usages
!=ippropri és. Aussi étonnant que cela puisse paraître, la
tragi-comédie des ann~es qui précèdent l'apparition du Cid
,
ne cul~ive pas la surprise. Elle ne convie pas le
.
spectateur
à
,la participation dramatique, mais à ladélectation esthétique. Elle le met dès le début dans le
, . -
--.-.-_.
~._----
/
1
/ . / 17", -, secret de là feinte \ Seuls les"
personnages se trompe~t, e ~eurs méprises leur font
t ~
"traverser toute la gamrre sentlmeots·tragiques. Depuis
..
1 1
l ,
la salle, on ne voit~plus en acteuIi's qui
\
•
animent une illùslon; toute l'attention se concentre sur
leur art, et sur les beautés du texte qu'ils réciten~, . De
:~ t( ~ ::;r ...
façon expllcite, la tragi-comédie relégualt la tragédie
, "
dans le domaine de la~iction.- Elle découvrait par là une
nouvelle forme de catharsis. Le public informé ne subissait
pl~s directement la fameuse "purgatlon" des sentiments; 'il
la regardai t agir sur les personnflges q~i, Si imaginaient
participer à une tragédie, et constatait alnsi soA efficacité
1 . f17
sur e Vl .
- '
-Muni de tels instruments, le genre romanesque pourra
s'attaquer sans craintes au problème du, crime héroïque. I l ~
superposera les têrmes du conflit, en Jouant sur ~ deux'
tableaux du réel et d.e l ' imaginaire
qU~
les' i'nterdi ts1
naturels et les devoirs généreux seront tenus de se partager~
La théâtralité des débuts fera place aux e'ffets dramatiques,
. ft , _ ,.;.O<J.
le ludique tournera à la harangue, mais les mécanlsmes
fondamentaux ne changeront pas pour autant. Au débat des
dramaturges, la tragl-comédie parlera sur le ton le plus sufflsant et le plus faux.
La tragédi~ fut plu~ lente à se trouver une nouvelle
voie. Lourdement compromise par son.passé d'hor~eur, elle"
"-"
..
'-: ~ :.
, . Y~ 1" ~~
'llr
r, .te.(.):.. ... ::A .. ~=JS;;, ~Jl .. ): _J-i/
; , r ! -1 / ' ) -~--, ·18-,
consentit, pour sès seconds débuts, à une réforme radicale:
elle renonça complètement â ~'unlvers_~e l'action et se
retrancha dans,l'exemplaire funèbre. La Sophonisbe de
Malret18 célébrait la conversion du genre sanglant au culte
des "nobles trépas". La scène tragique enseignera désormais
l'art de mourlr en be~,uté, on ne saural t pl us louable et
inoffe"nsif. PlutÔ\
q~ ~}l~" ho-mm.a~e supe~ti
tieux rendu à19 '"
,4
,
~quélque "vieille syuctur_e" ,?e-'mouvement a l'air,d'un Co
<-désaveu délibéré d'une structure encore toute récente.
La tragédie choislt en bonne connaissance de cause: elle
fuit dans laograndeur du suicide les 'exigences crimlnelles
{ ' \ ,~"
de l'existence 'ac t i ve. - LiaI terna ti ve eot masquée par le
( ,
.
caractère absolu de l'option. Le~ictimes illustres que
,
l'on présente au public se trouvent d'emblée dans
l'imposslbilaté physique d'agir. Il suffit pourta~t que
la contraJnte se relâche un tant soit peu, pour que ~e
dilemme refoulé remonte en surface.
A
la- moindre llber~équ'on leur accorde, les personnages se trouvent dans
l' obl,igatlon de choiSir eux-mêmes'. L'impuissance morale
il
apparaît derrière l'lmpuissanGe physlque. Préférée de
f aç 0 n exp 1 ici t e
·.f.11~~\r éJ:flt~6'tl
...~ f"-tm..à(~
éJ1»I"€'"r.,,:-;:J;;a,
~{?:k;~_~!ç
c'-':-,'t'o', 'if-~ '.tr.b
•
résente alors nûmen~ comme le seul refuge possible de
"
'. l'innocence. C'est touJours un héros de Mairet qui révélera
le premier l'enJeu escamoté Rar les tragédies du "noble,
!
trépas1-' :
Non, non, 11
M' ;tf're
~'seul
vaut bien mieux qu'une innocente en victime aux choleres du sort.
(Solyman, III, mort, , ~. 9)20 ()
..
..
._._';..o." ... -"" ...
_~ . -_.
---~--/---/
\ , -,' '>t -~ <-,~~~ 1.1ji;
\
j""~
"1 , 1 • ,- Y'
-,
(
- '19
-Corneille donnera bIentôt la défInitIon la plus concise et la plus rude' de l'alternative que le nouveau théâtre
tragique affrontaIt discrètement depu1.s son' a)Jpari tion':
,"
Meurs ou tue. . .. (Le CId, l, 5) 21
.,...
IJ
La formule devait retentir bien au-delà de la scène où on la
prononçaIt, dans l'flspace entier de la création
dramatique~2
\
L'auteùr~ Cid était plelnement conscient de sa valeur de
\,
~
défi. Deux années plus tôt , i l avai\,déjà clairement opté "
>
-.
pour le terme :ue ~es confrères, q'ing~~~!aient , rejeter. ~
"Qui agit?" est la questiQn, q.6e
tou~~sc~
,aernier lieu. A l'he0re où' l'on ac~ablait les victimes de
chaînes rédemptric~s, Médée avai t,' répondu: Moi. La célèbre
-,
réplique posait en guelque sorte le noyau syntactique, encore
dépourvu de slgne m~ral, de la tragédie de l'actlon. Par une
réfutation Id'une
~~dace
typiquement cornélienne, elle accusaitla crise qu~ traversait le théâtre, et_en\préfigurait en
1
même tem~s la vérItable solutio~~
~,
--L't"'"
Corneille reTusait clairement-tie sacrIfier les exigences
.MI '
fondamentales de son art aux scrupules et àux inquiè"tuq~s~du
~ ~~:{1'0
moment. De prime abord, il évitaIt l'impasse que \" - ~cls
collègues',s'attardale!lt à explorer. En
lais~ant '1~1
champ,
libre au monstre, il proclamait une certitude: ce/p'est pas
en renonçant à l'actio~1 en se muti~ant, que la tragédie
• , l , /
pouvait gagner une nouvelle dignité. La ~onclusion s'imposera
----1
4l '! lU .. ! I~ /.,
'1 {of ~ tl t1
dU'" , ../ / '; '. ,
ID
/
/ b ~ V~.:-~--
~ -,.
20à
brève éChéance: i l fallait transfigurer les protagonistes.Catapul té
à
l'autre pôle de la morale, à l'extrême positif~> •
de l'homme, le Moi infernv de Médige deviendra "Moi héroïque.
1
La violence demeurera 'pur la scène, ma~s purifiée,
·sanctif~ée, dans ses mobiles, dépouillée de sa gangue de
passions, soumise ~u contrôle de la raIson e~'a~~dessein de la
providence. Sans doute~ la traditIon morale et philosophIque
mise en oeuvr par cette translation es't prestigieuse; on ne
saurait lui accorder assèz d'attention. Mais le princige
même du mouvement qui~s'acccmplit est immanent à la tradition
,
\ . '
.
,
théâtrale. C'~st
. /
po~r sa~ver la rIche subs~ance dramatique accumulée sur la
, .~\ '
scène du//début du siècle, et pour se sauv:er
/ /
ainsi· -elle-même, qu~,)â tragédIe invente le héros agissant
et, avec lui, une nouvelle forme de tragique.
o
-,-Corneille ~ose le problème de l'action héroïque et ên
fourni t en même et la surmonte.
temps la solution.
III
désigne la tragédieC~t
daps cesens~ue
nous croyonspo~voir
quaI ifier de mythiques les assises ~e." sO,n théâtre. Par sa
fonction, le mythe se laisse définir comme une réponse'
11
• [? ,
éminemment positive à l'interrogation tragique; il la ,révient,
1
ou i l la dépasse. L'exemple de condui t~ qu' 'il propose est
..
'0/
\.
/ J•
~-I--- ~~ ---T~-.,._.,.-. _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ _ ...,-- T
- 'Ir)
1.,r
j t(
,
~1
;~
1
,"y - 21-solution de l ' existe.ncc cla.ns ses aspects les plus tir~illal19ts,
dans ses moments les plus critiques~ La tragédie apparaît , fi '"
précIsément, dans l'ordre du temps comme dans l'ordre de
l'~sprit, alo~s que la r~p~nse mythlque perd son prestige
.
incpnditionnèl. Elle est le résultat d'un divorce f
les plans de l'exIstence, entre le l'''''~
réPe~u~té sur tous
modèle, hérg.ï'que e't la collectivité qui s'y,refere
, l',.
23 Devantleur propre idéal, les contempQLalnS de Corneille se trouvai'ent exactement dans la même situation que la Ci\é
o
grecque devant sés fond~t~urs légendair~s, à la fois vénérés
o
et réprouvé.s.
Tous les efforts de Corneille tendent à établir,
au-delà de cette rupture, l'unité mythiJue
.
,
ui rendra auhéros son prestige et à l'homme SES certi udes. Avec un
instinct lnf~illible de la grandeur, l'auteur d'Horace,
s'appllquera à reconstituer l'univers 00 le crime héro!qtie
.
~
retrouve, son sens e~ sa justIfication. Deux éléments
fondamentaux caractériseront son théâtre: c le\'! contexte
prestIgieux des origines et ]a présence immédiate, révélée
du~acré.
Lapro~id1nce
était absent& des tragédies des"nobles trépas fi , trop absurdes pour qu 1 elles puissent se
réclamer de la volonté céleste; e Il e éta} t gal va'::ldée dans J
la tragi-comédie Jus,qu'à ne plus signifier que_~ psêudonyme
dont les auteurs se servaient pour louer, sur la sç.ène même,
...
leur art fertile en miracles. Corneille lui rend son
essenge r~ligieuse en l'associant
à
l'action des héros.~ , , ... 7' '. / \ 'P'
..
/
1" -- r
".
...
~ ...-_.
• 1 22 ~Il admettra ouvertement que la providence peuot. exiger de
ses élus des sacrifices parricides. Le mythe q~'il édifie,
sera, en dernier ressort, une méditation dramatisée sur
ce terrible et exaltant m~st~re.
"
,
Aux vérités étalées en plein jour de l'héro~sme
' - '
criminel, succéderont,
à
partir de Po~pée, les cbnfortables~:
l
et dangereuses illusions de l'héroïsme innocerit. Le mythe
fera place à la mystification sous-tendue d'ironie. Corneille
adoptrrfi les opln1ol1s d.,eo ses adversaires bien pensants, / avec
la seule intenti~n d'en dénoncer l'incohérence. 11 offrira
à"flOn public c~que celui-ci ne cessait de Ifi demander:
~' ~
r
';;'conquêtes sans ,crime', des victoires immaculées. G' est le
Ides
procès de la tragi'-comédie qu~il fera, en utpisant les
~ 1" 1
""
moyens mêmes du genre.
--J
Mythe et mystlfication se présentent ainsi comme les
..
deux volets de ~~ tragédie cornéllenne, du Cid à Oedipe. La
vérité et le,mensonge illuminent sous deux angles différents
les paradàxes d'un même idéal. , a C'est à la faveur de ce
double éclairage que noui tâcherons d'examiner la tragédie
, -- r
- yr
..
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0' j' ..._---23 Hotes
/
---~-Les définitions du tragique par la s~le transcenda ce
(Voir notamment H. Gouhier, Le' théâtr~ et l ~exist nce,
Aubler, Montagne, 1952) ~nt toutes tendance a éborder
par le haut le phénomène qu'il s'agit de déf' ir. La
trans-cendance est présente dan& le mythe aussi ien que dans
une tragédie ou dans toute manifestati sociale ou
artistique à caractère re+igieux. ne saurait ranger
dans la seule catégorie dm tr que les multiples manières
d'éprouver cette présenc '
2) '''La mort d'Alexa~, dans Le théâtre de A. Hardy,
éd. E. stengel~ Malburg. Elwert, 1884, vol., IV.
03) G. Lanson, Esquisse d'une hlstoire (:l0-,-pl,p",t;ragé~e française,
Paris, Champlon, 1954; H.C. Lancaster, A history of French~
dramatlc Ilterat\;lre in seventeenth èe,~1tury. Baltimore,
---~ohns Hopkins Press, 1929; J. Truchet, La tragédie
classique en France, Paris, P:U.F. 1975.~
4) Chevreau, Coriolan, Paris, 1938; Chapotin, Le véritable
Coriolan, Parls, 1639.
5) On aura COmP~lS que par "sujet",nous.entendons l'ensemble
de circonstance et d'événements particuliers qui permettent
de constituer une intrlgue. Tel est l'aspect que l'histoire,
Il ttéralre désigne par ce terme,' tout en lui accordant 'une 1
importance excessive. ' I l s'agit en q~elque sorte du
prétexte dramatlque des tragédies. Par "objet" nous
entendons le type de conflit dramatique qUl peut gtre vécu
et analysé sur la scène à travers'les intrigues les P{US
, v
varlées.
6) O. Nadal, Le sentiment de l'amour dans l'oeu~re de P; Corneille
Paris, Gallimard, 1948, pp. 208-14.
7) "Remarques sur la" technique dramatique de Corrieille", ~
Romanic 'Studi.es,XVIJI 1941; "L'invention c.fiez Corneille.
Comment Cornellie ajoute
à
ses soùrces", Yale RomanicStudles, XII (1943) .,j','G
8) G. l'1ay, :rragédle
cor~éÎ
ienne, tragédie raClnlenne, Urbana.JlI'Univ. of Illinois Press, 1948.
9) L. Van Delft, "Figures de monstres chez Racine", dans Racine,
Mythes et Réalltés, Actes du Colloque'RaCine tenu à
l'Unlversité de Western Ontario, 1974, Limoges, Publi-Centre,
10)
1976. '
La tragédié~morale de l'action a été réelleme~t vécue par
la grande famille de l'aristocratle française. Que de,
meutres "entre procheS" n' a-t-il pas fallu commettre ,au nom
de la raison d'Etat. "il faut penser, ~crit V. Tapié, qüe
Louis XIII et Richelieu étaient gentilshommes. Ils se
sentaient tout proches par l'origine, par l'éducatlon de ceux qu'ils ne sacrifiaient, on ne peut en douter, qu'en se
faisant violence
à
eux-mêmes." (La France de houis,XIII ~tde Richelieu, Paris, ~lammarion, 1967., p. 158).
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/ ,/ - Ir //
/ ,/ )1 24 -\'Il) Préface à l'édition de Cosroè~, Paris,.M. Didier, 1950,
p. XVI. \
12) Paris, 1939. . \ "
. 13) Discours de la Tra édie ou Remar ues sur l'Am'Qur t panni ue ,
de . de Scudéry, jJar'is, 1939. ~
14) La tragédle sans tragique. Le neo-sto.'i'c i sme dàl(s l'oeuvre
de P-. Corne~l1e, Paris, 1\. Colin, p. 7. ,
15) J. Truchet~'La tragédie classique en France, Part~, P,U.F.,
.1975. .,
16) Voir Mairet, SilVànire, éd. R. Otto, Bamberg, Buchner, 1890.
17) C'est Rotrou qui excelle dans ce domaine.
18) Mairet, Sophonisbe. éd. Ch. Dédé.,.Yan, Paris, Droz, 19A5.
-19) J. Maurens, op. Cl
t.,
p. 219. - '- '20) Mairet, Solyman ou la Mort de Mustapha, Paris 1637. ~
21) Nous utilisons, pour les tragédies de Corneille et pour les
. Examens, l'édition de M. (Rat (Théâtre complet, Paris, Garnier,
1960), et celle de R. Ca+11ois, (Theâtre complet, ~ris,
Pl é i ade, 1950), pour les Discour,s. - / '
22) S. Doubrovsky y vo-yai t ~re une "nor!]J€'"" qU,i senvira
à tout l'édifice postérieur de 1 'hérol'sme ,c)Wl1éllen"
(Corneille et la dlalectigue ~u héros, Paris, Gallimard,
1963) . .
23) VOlr J.P. Vernant et P. Vldal-Naquet, Mythe et tragédie en
~rèce
anclenne" Paris, Maspéro, 1972._ t
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\LES GRANDES TRAGEDIES DE CORNEILLE - LE MYTHE DU HEROS CRIMINEL
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1 - 26-•
Chapitre l - L'initiation
a-
la violencegénéreuse'-Com.!entions t~9.gi-comiques et structures mythiques dans ilLe Cid"
Cher et cruel espoir d'une âme généreuse, (l, 6)
~~u "fer". - Le choix de Rodrigue. - Le héros maître de l'unIvers tragIque. - Du rêve 'rom,anesque au mythe: l'acteur et le héros. - Un nouveaG duel entre Rodrlgu~/et le - - - ~G0m-t-e--.- La réconc i l ia t ion' avec 1 a Ci té. - La gué rlson de.
Chim~ne. - Le duel avec Don Sanch~: une vlctoire sur le hasard
d 5 ail'l)1es. ~ Les p,'o 1 ongements de la Querelle sur la sc~ne. 1
L'auteur de Médée s'était
d'abo~intéressé
aux formes\
.
extrgmes de ~a vIolence en tant que dramaturge déf~ndant les eXIgences de son art
contr~
lestIéd~urs
d'un théâtre trop bief} pensan t. L'intérêt. dramatique àébouche rapidement sur,,
une r:echerche moraLe., llef1iet de scène renVOIe à la réalité
". ,
qU'il signifIe et qU'lI interroge. Si l~ violence est l'âme -du théâtre, c'est parce qu'elle est aussi le ferment de
"
l'existence, la manière d'être de l'homme dans
,J
l'univers, le facteur, en iin de compte, qui mobili'se l'histoire vers son eschatologie
cht\~tlenne.
Inêluse dans~1a
création, flle en est le principe dy amique de perfectionnement, et procède, en tant qüe telle, à la fois' du tragIque et de la grâçe. Tragique de 1 'humanité "sollIcitée au-delà de sa nature, moralement obligéeà
tr seresser sa propre morale, grâce."
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0 - 27-)
1
qui lui permet par là-même de er à l 1 oeuvre en cours
du Créa~eur. La quête du salut passe" travers le crime,
o 1
l'héro~sme agissant suppose une culpabilité sans cesse
1
-surmoT/ltée et, p'our ainsi dlre,. sanctifiée par l'adhésion au
~
,
.
projet provldentlel.
Cette conceptlon religieuse de la violence, qui f,it de
....
l 1 homme un croisé, ét de son histoire une guerre sainte,
apparaît, brusque et entière, dans Le Cid, affirm~e avec la
superbe assurance des certitudes déjà parvenues à la maturité
de la: foi. le renversement tant redouté et attendu s'était
enfin produit, q~l devait mettre au serVlce de La mission
héroïque l'énergie et la liberté demeurées jusque-là les
sombres apanages des réprouvés. Le thJâtre récupéralt le
potentiel' dramatique accumulé sur la scène sanglante du début
1
1
du siècle, maintenant transfiguré et de sitne inverse. Au
l'
baroque de la monstruoslté succédait, après quelques années
.
de fade neutralité, le baroque de la générosité .
Le premier att~ du Cid peut être considéré comme le
'~ • Q
-'-'"
manifeste dramatisé ~e la violence généreuse: Il condui~ avec
une rapidité hallucinante du charmant babillage de Chimène ~
la douloureu::re délibération de Rodrigue. Mais aussi avec
une l'enteur cérémonieuse
sous-~acerite,
qui ramène aurY\~hme
intime de l'esprit le mouve~eni du monde extérieur et laisse
paraître, derrière la réalité brute des événements, l~ reflet