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Proposition de l'ajustement protologique et langagier à deux enfants : effets sur la symptomatologie autistique ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: dumas-01081412

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01081412

Submitted on 17 Sep 2019

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Proposition de l’ajustement protologique et langagier à

deux enfants : effets sur la symptomatologie autistique ?

Catherine Leturque, Estelle Monnet

To cite this version:

Catherine Leturque, Estelle Monnet. Proposition de l’ajustement protologique et langagier à deux enfants : effets sur la symptomatologie autistique ?. Sciences cognitives. 2014. �dumas-01081412�

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ACADÉMIE DE PARIS

UNIVERSITÉ PARIS VI PIERRE ET MARIE CURIE

MÉMOIRE POUR LE CERTIFICAT

DE CAPACITÉ D'ORTHOPHONISTE

PROPOSITION DE L'AJUSTEMENT PROTOLOGIQUE ET

LANGAGIER À DEUX ENFANTS :

EFFETS SUR LA SYMPTOMATOLOGIE AUTISTIQUE ?

Directrices de mémoire :

Jeanne ASSUIED-BEDDOK et Lydie MOREL

Année universitaire 2013-2014

LETURQUE Catherine

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REMERCIEMENTS

Nous exprimons notre gratitude à nos directrices de mémoire Madame Assuied-Beddok et Madame Morel qui nous ont guidées dans notre démarche, encouragées et ont toujours répondu à nos interrogations.

Nous avons beaucoup appris à leurs côtés.

Merci aux enfants, A. et W., avec qui la rencontre a été enrichissante, ainsi qu'à leurs parents qui nous ont fait confiance.

Merci à Francis Vibert pour ses relectures attentives.

Merci à nos parents, à Patrick et Vincent qui nous ont soutenues durant l'écriture de ce mémoire.

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ENGAGEMENT DE NON PLAGIAT

Nous soussignées Catherine Leturque et Estelle Monnet, déclarons être pleinement conscientes que le plagiat de documents ou d'une partie d'un document publiés sur toutes formes de support, y compris l'Internet, constitue une violation des droits d'auteur ainsi qu'une fraude caractérisée. En conséquence, nous nous engageons à citer toutes les sources que nous avons utilisées pour écrire ce mémoire.

(5)

SOMMAIRE

INTRODUCTION

...1

APPORTS THÉORIQUES

...

...

2 I. L'AUTISME AUJOURD'HUI...2 1. Définition...2 2. Nosologie...2 3. Tableau clinique...2

II. LES ENFANTS AUTISTES : LEUR RAPPORT PARTICULIER AU MONDE...3

1. L'autisme sous l'angle du déficit de cohésion interne...3

2. Du déficit des capacités d'interaction sociale...4

3. Une pensée entravée, conséquences et expression symptomatologique...5

III. LES PRINCIPALES PRISES EN CHARGE ORTHOPHONIQUES...5

1. Prises en charge orthophonique au sein de programmes globaux...5

a. Méthode ABA : approche éducative à référence comportementale...5

b. Méthode TEACCH : approche éducative à référence développementale...6

c. Efficacité des prises en charge...6

2. Les interventions focalisées sur le langage et la communication...6

a. Rééducation « classique »...6

b. Communication Améliorée et Alternative (CAA)...6

IV. AJUSTEMENT ORTHOPHONIQUE PROTOLOGIQUE ET LANGAGIER...7

1. Présentation de la démarche protologique...7

2. La constitution d'invariants : une étape fondamentale dans le développement de la pensée...8

3. Analyse des conduites cognitives et linguistiques de l'enfant sous l'angle de son activité de sémiotisation...8

4. Aménagement d'un espace d'attention partagée et ajustements...9

5. Proposition de la démarche protologique à des enfants autistes...9

PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES

...10

EXPÉRIMENTATION

...12

I. MÉTHODOLOGIE EXPÉRIMENTALE...12

1. Présentation de la population...12

a. A. ou l’enfant autiste non verbal (Rédaction C. Leturque)...12

b. W. ou l'enfant autiste verbal (Rédaction E. Monnet)...12

2. Présentation des outils...13

a. Utilisation de la vidéo...13

(6)

• Repères développementaux...13

• Grille d'analyse de l'activité cognitive des enfants...13

• Grille d'analyse de l'activité linguistique des enfants...14

• Définition des ajustements protologiques et langagiers proposés...14

3. Procédures...15

a. Description...15

b. Déroulement et analyse des bilans...16

c. Déroulement et analyse des séances...17

II. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS A) A. OU L'ENFANT AUTISTE NON VERBAL (Rédaction C. Leturque)...17

1. Analyse comparée des conduites entre le bilan initial et le bilan final...17

2. Analyse microgénétique de l'évolution de l'enfant...23

a. Les mains et les objets : d’un rapport aux objets centré sur soi d’un point de vue sensoriel, à un rapport centré sur les effets produits...23

a.1. La recherche d'éprouvés sensoriels...23

a.2. De l'évolution des conduites protologiques : une pensée qui s'organise...24

• Des premières mises en relation d'objets différents aux premières coordinations d'actions...24

• Une attention qui se centre sur les relations qu'entretiennent les objets entre eux...25

• Un intérêt grandissant pour le résultat de ses actions...26

• L'objectivation progressive du principe de causalité : un rapport à l'espace et au temps qui se précise et des conduites qui s'organisent...27

• L'enfant créateur...28

• De la certitude de la retrouvabilité de ses actions et de leurs effets...29

b. Le corps à corps : le regard, les émotions, les conduites communicatives...30

• Des regards adressés furtivement vers l'émergence d'une attention conjointe...30

(7)

émotionnelle...32

• Des premières manifestations émotionnelles au développement du pointage proto-déclaratif: mise en place des précurseurs de la communication...32

• De l'ajustement langagier...33

• De l'exercice de la dimension du langage...33

• De la volonté d'interagir avec autrui : une intersubjectivité grandissante...34

3. Données concernant l'évolution de l'enfant en milieu extérieur...35

B) W. OU L'ENFANT AUTISTE VERBAL (Rédaction E. Monnet)...36

1. Analyse comparée des conduites entre le bilan initial et le bilan final...36

2. Analyse microgénétique de l'évolution de l'enfant...40

a. Le corps dans l'espace...40

b. Les mains et les objets...44

c. Le corps à corps...49

c.1. Le regard...49

c.2. Les verbalisations...50

• Les manifestations de refus et d’opposition diminuent voire disparaissent quasiment totalement lors des dernières séances..50

• Les énoncés plaqués : leur nombre diminue également...51

• Les questions et les demandes augmentent au fil des séances concernant les objets, les événements et les personnes qui l’entourent...51

• Les verbalisations : une importante augmentation de leur présence au fil des séances...52

• Les jeux de rythme ou les sourires et la communication non verbale...52

3. Données concernant l'évolution de l'enfant en milieu extérieur...53

DISCUSSION

...54

I. VALIDATION DES HYPOTHÈSES ?...54

1. Concernant A., enfant autiste non verbal (Rédaction C. Leturque)...54

2. Concernant W., enfant autiste verbal (Rédaction E. Monnet)...55 II. APPORTS DE L'APPROCHE THÉRAPEUTIQUE PROTOLOGIQUE ET

(8)

CONFRONTATION DE LA DÉMARCHE AUX DONNÉES DE LA LITTÉRATURE...58 1. L'ajustement protologique et langagier : une approche thérapeutique individualisée...58 2. L'ajustement protologique et langagier : une approche thérapeutique développementale...58 3. L'ajustement protologique et langagier : une approche thérapeutique favorisant le partage d'attention et d'intérêts cognitifs...59 III. CRITIQUE DE L'ÉTUDE...59

CONCLUSION

...60

BIBLIOGRAPHIE

(9)

INTRODUCTION

L'autisme est un trouble grave qui, s'installant précocement, se manifeste par des perturbations dans la dynamique développementale de l'enfant porteur de ce handicap. L'altération des processus de maturation du système nerveux en général et de la pensée en particulier entraîne l'installation de dysharmonies qui modifient profondément le rapport au monde de l'autiste. En dépit de différences interindividuelles, les difficultés que rencontrent ces enfants s'expriment par un certain nombre de traits spécifiques communs que sont le retrait autistique, le besoin d'immuabilité et la sensibilité au changement de l'environnement, les stéréotypies, les troubles du langage et autres déficits de la communication, les troubles des interactions sociales.

Depuis plusieurs années, des mémoires en orthophonie ont étudié conjointement les conduites d’enfants autistes en présence d’objets et leurs conduites de pré-communication en prenant appui sur une méthodologie d’observation. D’autres ont étudié l’évolution de ces mêmes conduites après une rééducation de type protologique et langagier. Les différents travaux s'appuient sur les recherches de L. Morel, fondatrice de cette démarche orthophonique originale, de M.F Livoir-Petersen ainsi que sur les théories des psychologies constructiviste et interactionniste.

En proposant durant quinze séances l'ajustement protologique et langagier à deux enfants autistes de même âge, l'un verbal, l'autre non, nous inscrivons notre travail dans cette même perspective. Partant du principe que les enfants autistes ne peuvent suffisamment trouver dans leurs relations à l'environnement les régularités (invariants fondamentaux) nécessaires au développement de leur connaissance, nous nous intéressons aux liens entre émergence des premiers raisonnements et développement du langage dans sa dimension noétique et interrogeons les effets d'une telle démarche thérapeutique sur la symptomatologie autistique des sujets.

Cette recherche de type monographique s'inscrit dans un travail à finalité microgénétique de par l'analyse fine des conduites de chacun des enfants.

Dans un premier temps, nous évoquerons les données théoriques qui ont guidé notre démarche. Puis, après la présentation de notre protocole expérimental, nous exposerons les analyses microgénétiques de l'évolution de chaque enfant. Enfin, au vu des résultats et des données de la littérature, nous envisagerons les apports de l'ajustement orthophonique protologique et langagier dans le traitement des enfants autistes.

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APPORTS THÉORIQUES

I. L'AUTISME AUJOURD'HUI 1. Définition

L'autisme infantile précoce fut décrit pour la première fois en 1943 par Leo Kanner, à la suite de son travail auprès de onze enfants âgés de deux ans et demi à huit ans. Le psychiatre américain d'origine autrichienne décrivit le désordre fondamental que constituaient « une incapacité à établir des relations habituelles avec les personnes […], une solitude excessive et un désir anxieusement obsédant de préserver l'immuabilité » (Kanner, 1946, p.245). Aujourd'hui encore, ainsi que le rappellent Mesquita et Bidaud en référence à Golse et Delion, le trouble essentiel de l'autisme reste considéré « comme une incapacité de se mettre en relation, constituant une maladie de l'interaction » (Mesquita et coll., 2013, p. 399).

2. Nosologie

D'abord envisagé comme une forme précoce de la schizophrénie, l'autisme infantile fut rapidement reconnu par L. Kanner comme une affection autonome et spécifique liée à la toute petite enfance. Aujourd'hui, selon la Classification internationale des maladies - 10ème édition (CIM-10) (OMS, 2000), l'autisme s'inscrit dans la catégorie des Troubles Envahissants du Développement (TED). En France, la Haute Autorité de Santé (HAS) recommande l'utilisation des critères diagnostiques de cette classification. Dans la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-V), la notion de TED est remplacée par celle de Trouble du Spectre Autistique (TSA). Cette dimension spectrale insiste sur deux points, comme le souligne l'association Autisme-Europe : la référence à des troubles spécifiques du développement social et l'inscription de la symptomatologie sur un continuum avec une grande variabilité de symptômes individuels (Barthélémy et coll., 2009).

3. Tableau clinique

Quelles que soient les différences interindividuelles, on relève chez les personnes atteintes d'autisme un certain nombre de traits spécifiques communs qui constituent la triade

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autistique, à savoir : des troubles de l'interaction sociale, des anomalies du développement de la communication verbale et non verbale, un répertoire restreint d'intérêts et de comportements consistant principalement en des activités stéréotypées et répétitives (Wing et coll., 1979).

Au-delà de ces manifestations cliniques qui s'expriment selon les individus à des degrés divers, d'autres particularités cognitives - en dehors d'un retard intellectuel souvent associé - et du traitement sensoriel sont rapportées. De nombreuses recherches ont permis de mettre en évidence un certain nombre de déficits concernant les capacités de symbolisation et de représentation, les conduites d'imitation et d'attention conjointe, ou encore un défaut de la « théorie de l'Esprit » (pour une revue détaillée, voir Mazet et coll., 2000). D'autres travaux de recherche en neurobiologie ont montré chez les personnes atteintes d'autisme des difficultés d'intégration des informations sensorielles, tactiles, sonores et visuelles liées à une hypersensibilité et une hyposensibilité aux stimuli.

II. LES ENFANTS AUTISTES : LEUR RAPPORT PARTICULIER AU MONDE 1. L'autisme sous l'angle du déficit de cohésion interne

Il existe au sein de la communauté scientifique un débat sur l'étiologie des troubles de type autistique. Considéré en tant que syndrome déficitaire par les adeptes des courants neuropsychologique et organiciste, il serait un syndrome défensif pour les partisans d'une école psychanalytique. Cela dit, différentes théories s'accordent à souligner chez les personnes autistes leur difficulté à maintenir une cohésion interne en relation avec leur incapacité à extraire des régularités (invariants amodaux) à partir d’événements sollicitant l'organisme de manière multimodale. Il en est ainsi du concept psychanalytique de « démantèlement » introduit par D. Meltzer en 1975. Ce mécanisme de défense consisterait pour l'enfant autiste à cliver ses perceptions selon différentes modalités sensorielles de sorte d'échapper au vécu submergeant des sensations en provenance de l'environnement (Meltzer, 1980). U. Frith émet quelques années plus tard l'hypothèse d'un « déficit de cohérence centrale » qui serait à l'origine de difficultés d'intégration des informations multisensorielles chez les personnes autistes (Frith, 1989). Enfin, B. Gepner, dans son approche neuropsychologique développementale, propose le concept de dys-synchronie et dys-connectivité fonctionnelle multisystème pour rendre compte de ces difficultés. Une hypo ou hypersynchronisation neuronale et une hypo ou hyper connectivité neuronale

(12)

seraient à l'origine d'une malvoyance du mouvement (Gepner, 2006).

Les conséquences d'un tel déficit peuvent être envisagées sous l'angle des hypothèses défendues par Jouen et Molina. Pour ces auteurs, le traitement multimodal des flux, présent dès la naissance, permettrait avant tout au bébé de générer un ordre dans son univers, mais également de se percevoir comme différent de son environnement, pré-requis indispensable pour pouvoir agir sur son environnement (Jouen et coll., 2000).

2. Du déficit des capacités d'interaction sociale

De nombreuses études de la psychologie développementale chez le sujet au développement typique ont permis de constater que les très jeunes nourrissons présentent une sociabilité innée, avec notamment à leur disposition un répertoire d'expressions émotionnelles de base, une sensibilité à l'expression émotionnelle d'autrui et un potentiel d'imitation. Ces compétences innées présentent toutes des fonctions interpersonnelles. L'enfant est donc pré-disposé à l'interaction sociale dès la naissance. Ces capacités constituent le creuset de son développement mental.

L. Mottron décrit chez les personnes avec TED des déficits concernant un certain nombre d'opérations élémentaires qui constituent des conditions nécessaires de l'interaction sociale. Ainsi, la perception des visages en situation écologique est rendue difficile, notamment parce qu'elle nécessite une intégration multisensorielle (voix et regard au minimum). L'attention portée aux visages présente également des particularités avec une exploration visuelle plus brève et ne portant pas sur la région des yeux contrairement aux sujets à développement typique, d'où la difficulté à détecter de façon automatique les intentions d'autrui véhiculées par le regard. Enfin, la perception et l'éprouvé des émotions présentent également des particularités, avec une difficulté à hiérarchiser les marqueurs émotionnels, et un manque d'intérêt pour les facteurs prosodiques de la parole (Mottron, 2004).

C. Trevarthen passant en revue diverses études du développement du cerveau et du comportement met quant à elle en évidence « une baisse progressive des fonctions permettant l'intersubjectivité », et relie les anomalies langagières à l'apparition tardive d'un déficit de la Théorie de l'esprit (« mentalisation ») chez les sujets autistes (Trevarthen, 2003, p.385).

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3. Une pensée entravée, conséquences et expression symptomatologique

L'enfant autiste ne peut suffisamment extraire de son activité isolée ou des interactions dans lesquelles il est régulièrement engagé, les invariants fondamentaux constituant des éléments stables sur lesquels il puisse appuyer sa comparaison entre l'attendu (le déjà connu) et le perçu. Or, comme le souligne M-F. Livoir Petersen, pouvoir établir un rapport au connu est la condition sine qua non à la mentalisation, c'est-à-dire à l'émergence de représentations primitives qui, fondées sur l'expérience de l'enfant à travers ses relations à l'environnement, constituent par la suite le socle de représentations plus élaborées. Dès lors, on comprend qu'en portant préférentiellement intérêt aux objets inanimés du réel, aux éléments hautement anticipables et contrôlables, comme les phénomènes périodiques, et en ayant recours à des comportements répétitifs, l'enfant autiste travaille en réalité à maintenir un ancrage à ce point précaire qu' « il ne peut se hasarder à explorer sous peine de déstabiliser l'essentiel de ce qu'il connaît » (Livoir-Petersen, 1995). Ce qui fait dire à Maleval que « l'autiste n'est pas un handicapé mental, mais un sujet au travail pour tempérer son angoisse » (Maleval, 2009, p.9).

III. LES PRINCIPALES PRISES EN CHARGE ORTHOPHONIQUES DE L'ENFANT AUTISTE

Concernant la prise en charge des enfants autistes, la précocité de l'intervention et la nécessité d'une pluralité d'approches semblent faire consensus au sein des professionnels et des associations de parents. Selon les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), l’orthophoniste se trouve au rang des professionnels concernés à la fois par l'évaluation et le traitement de ces enfants (HAS, 2012). Pour N. Denni-Krichel, la rééducation orthophonique se veut individualisée : il s'agit de « développer [les] capacités de communication [de l'enfant] quelles qu'elles soient, et de lui permettre de devenir ainsi un être de langage, capable de langage. » (Denni-Krichel, 2001, p.4). L'accompagnement parental demeure indispensable.

1. Prises en charge orthophonique au sein de programmes globaux a. Méthode ABA : approche éducative à référence comportementale

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comportementale appliquée) s'inspire des travaux sur le conditionnement opérant de Skinner. Ce programme vise la réduction de certains comportements inappropriés et le développement de conduites adaptées. Il utilise largement la technique du renforcement avec système de récompense chaque fois qu'un comportement adapté se produit.

b. M éthode TEACCH : approche éducative à référence développementale

La méthode TEACCH (Treatment and Education of Autistic and related Communication Handicapped Children, Traitement et éducation des enfants autistes ou souffrant de handicaps de communication apparentés) est un programme global qui vise à favoriser les apprentissages et le développement de l'autonomie de l'enfant autiste. Cette méthode repose principalement sur la structuration de l'environnement dans lequel évolue la personne.

c. Efficacité des prises en charge

Selon le rapport Baghdadli (2007), ce type de programmes intensifs précoces serait efficace en terme d'amélioration du QI et des compétences langagières. Ces résultats se basent sur ceux du programme Lovaas.

2. Les interventions focalisées sur le langage et la communication a. Rééducation « classique »

Une rééducation classique du langage et de la communication peut être envisagée avec certains aménagements tenant compte des particularités autistiques. Cependant, compte tenu du peu de description, il semble difficile selon le rapport Baghdadli (2007) d’en évaluer l’efficacité. D’autres modes d’interventions existent faisant l’objet de descriptions plus précises.

b. Communication Améliorée et Alternative (CAA)

La communication améliorée et alternative (CAA) favorise le langage oral par la superposition de plusieurs canaux de communication (gestuel, symbolique, écrit).

Plusieurs systèmes de communication sont utilisés dans la prise en charge de l'enfant autiste : le PECS (Picture Exchange Communication System), système de communication basé sur l’échange d’images ; le Makaton, système multimodal constitué d’un vocabulaire de base fonctionnel auquel s'ajoutent signes et symboles ; la LSF (langue française des

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signes). Les études montrent de manière générale que les interventions utilisant des aides visuelles, picturales ou écrites améliorent les relations sociales mais aucune preuve sur le long terme et la généralisation des acquis n’est établie. Le rapport Baghdadli citant Ganz et Simpson (2004) pointe que la maîtrise du PECS semble rapide et favoriser la spontanéité et la complexité verbale (Baghdadli, 2007). Tincani (2004) ajoute qu’elle semble plus vite accessible aux enfants à faible niveau de langage que la LSF (Ibid). Aucune étude n’apporte d’information sur l’efficacité du Makaton. Les études remettant en question l’efficacité de la communication facilitée du fait du rôle déterminant du facilitateur sont rigoureuses et plus nombreuses que celles apportant des résultats opposés.

IV. AJUSTEMENT ORTHOPHONIQUE PROTOLOGIQUE ET LANGAGIER 1. Présentation de la démarche protologique

L'ajustement orthophonique protologique et langagier, approche thérapeutique développée par Lydie Morel, membre de Cogi'Act, s'adresse à des enfants porteurs de handicaps ou présentant des troubles d'acquisition du langage conjoints à une difficulté d'accès à la symbolisation. Appuyant sa réflexion clinique sur l'observation de l'activité ludique de ces enfants, et se référant à des travaux ayant pour ancrages théoriques les psychologies constructiviste et interactionniste, L. Morel s'est intéressée au développement des premiers raisonnements et à l'émergence du langage dans sa dimension noétique : « cette dimension du langage qui nous permet de signifier ce que nous avons élaboré mentalement à partir du perçu (les expérimentés). Ce recours aux mots d'objectivation est le fruit d'une construction interne cognitive (et émotionnelle) et d'une confrontation à un environnement langagier porteur de cette dimension d'objectivation » (Morel, 2007a, p.51). L'originalité de la démarche protologique tient au fait qu'elle s'intéresse aux difficultés de l'enfant dans la construction de liens dans la pensée, difficultés que révèlent les troubles du langage. Dans cette approche, l'orthophoniste accorde « une fonction essentielle à la capacité de construire des activités signifiantes au sens de coordinations entre actions en tenant compte des propriétés des objets ou de situations sur lesquelles portent ces actions » (Morel, 2007b, p.257). Il s'agit de reconnaître les préoccupations cognitives de l'enfant en quête de sens et « en s'y rapportant […] de tisser un espace coloré de régularités, de liens de causalité et de plaisir à anticiper. Cet espace devient moment d'expériences partagées où pensée et langage sont intimement articulés » (Morel, 2005, p.167).

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2. La constitution d'invariants : une étape fondamentale dans le développement de la pensée

On relève des généralités dans le développement mental humain, c'est-à-dire dans l'évolution du sujet vers la connaissance. Schmid-Kitsikis considère ainsi certaines « constructions « nécessaires » au processus d'individuation, au développement de la créativité, à l'élaboration de systèmes d'échanges avec le monde extérieur, à la différenciation de son monde interne » (Schmid-Kitsikis,1985, p.122). Avant même la construction d'élaborations symboliques puis figuratives qui précèdent les constructions notionnelles (logico-mathématiques, spatiales, temporelles...), l'auteure considère comme fondamentale la constitution d'invariants. Celle-ci repose sur les principes de permanence et de continuité (principe piagétien de la conservation). Morel rejoint cette idée et souligne que « la construction des premiers raisonnements et des invariants fondamentaux est essentielle à l'émergence du processus de sémiotisation, processus permettant que l'enfant devienne créateur de ses propres « devant être signifiés » (Morel, 2007, p.53). Selon elle, les enfants en difficulté de langage le sont « en partie parce qu’ils n’ont pas construit les invariants fondamentaux constitués des propriétés des objets, des propriétés des actions et des relations que les objets entretiennent entre eux. […] Leurs préoccupations cognitives sont caractérisées par une causalité et une temporalité non objectivées » (Ibid).

3. A nalyse des conduites cognitives et linguistiques de l'enfant sous l'angle de son activité de sémiotisation

Piaget a mis en évidence le rôle des activités exploratoires spontanées dans le développement cognitif. Dès la petite enfance, ces actions auto-initiées sont essentielles car elles ont des conséquences ; l'observation de celles-ci entraîne chez le tout petit l'accumulation de connaissances sur le monde et lui-même, ce qui constitue pour Gibson un mode d'apprentissage important (Gibson, 1988). Chez le jeune enfant, ces activités sont conduites sous forme de jeu. L'activité ludique, en plus de fournir un cadre d'interactions physiques avec le monde environnant, constitue un format d'interactions sociales tout aussi indispensable au développement intellectuel, car c'est en s'appuyant sur la pensée d'autrui que le bébé apprend (Vygotsky, 1997).

Pour Morel, l'observation des actions que l'enfant mobilise au cours de conduites ludiques permet de découvrir « sa capacité d’extraire des invariants et celle de construire des

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représentations » (Morel, 2007a, p.54). Ceci conduit le thérapeute à émettre des hypothèses sur le fonctionnement cognitif et la capacité de sémiotiser du sujet. L'analyse de l'activité linguistique renseigne également sur « sa compréhension des choses » (Ibid) .

4. Aménagement d'un espace d'attention partagée et ajustements

L'orthophoniste aménage des situations de travail constituant une « invitation à agir ». Reconnaissant les préoccupations cognitives de l'enfant, le thérapeute amène « des amorces ou des variations que l’enfant peut accrocher à son connu » (Morel, 2005, p. 183), de sorte qu'il puisse « transformer son connu et élaborer du différent, faire l'expérience de sa capacité à installer des liens de causalité et à s'inscrire dans une temporalité » (Ibid). Les ajustements s'inscrivent donc dans une situation d'intérêt partagé et visent à accompagner l'enfant dans la construction d'invariants.

5. Proposition de la démarche protologique à des enfants autistes

Depuis quelques années, plusieurs travaux de recherche en orthophonie ont permis de mettre en évidence les apports de l'approche thérapeutique protologique et langagière auprès d'enfants autistes de profils et d'âges différents. En 2008, M. Roth et C. Zimmermann, s’intéressent à la démarche exploratoire de six enfants autistes à travers l’observation de leurs conduites ludiques et cognitives. Elles leur proposent une approche orthophonique basée sur l’ajustement protologique et langagier. Les résultats obtenus montrent un accueil réceptif des enfants qui ne manifestent aucun refus ni aucune incompréhension de la démarche. En 2009, P. Jeannin poursuit ce travail en évaluant les effets de ce type d’approche sur la symptomatologie de deux autres enfants autistes. De nombreux progrès sont relevés en matière d’autonomie et de prises d’initiatives, de curiosité à l’égard des objets, de communication, d'attention conjointe, d’ancrage dans l’interaction et de quantité de verbalisations. Enfin, deux études d'un cas unique sont réalisées dans le cadre d'un suivi longitudinal : la première menée par E. Blanchemain en 2012 met en évidence une évolution dans les comportements répétitifs et les centres d’intérêts de l'enfant ; la seconde menée par L. Daessle en 2013 montre d'une part l'évolution de l'enfant dans ses actions sur les objets et dans son rapport au monde, d'autre part une réduction de ses comportement stéréotypés.

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PROBLÉMATIQUE ET HYPOTHÈSES

L'autisme est un trouble grave qui, s'installant précocement, restreint durablement le développement de l'enfant avec des conséquences sur tous les aspects (moteur, cognitif, langagier, affectif et social). Comme le rappellent C. Aussilloux et M-F Livoir-Petersen, « l'atteinte [des] capacités [de l'enfant autiste] à nouer des relations, à s'appuyer spontanément sur le support affectif et éducatif de ses proches, à trouver une cohérence dans son propre fonctionnement et à s'intégrer dans le groupe social, comporte des facteurs limitants spécifiques » (Aussilloux et coll., 1998, p.20).

Les travaux précédemment réalisés dans le cadre d'un suivi longitudinal ont ouvert la voie à l'étude d'une application de la méthodologie dite « ajustement protologique et langagier » sur la symptomatologie autistique. En proposant durant quinze séances cette démarche thérapeutique à deux enfants de même âge, l'un verbal, l'autre non verbal, nous inscrivons notre travail dans cette même perspective et nous interrogeons en particulier sur les liens entre développement de la pensée et développement communicationnel. Ce travail s'insère dans le cadre d'une prise en charge orthophonique déjà établie et vient donc s'y ajouter. L'analyse microgénétique des quinze séances réalisées dans le cadre de ce mémoire doit nous conduire à étudier les conditions dans lesquelles les processus de construction des représentations cognitives prennent place chez chaque enfant (Saada-Robert, 2006).

Partant du principe que les enfants autistes, quelle que soit l'hétérogénéité des profils, se trouvent en panne dans leur cheminement cognitif, et considérant que « la construction des premiers raisonnements et des invariants fondamentaux est essentielle à l'émergence du processus de sémiotisation » (Morel, 2005, p.169) nous émettons les hypothèses suivantes :

Concernant A., enfant autiste non verbal (Rédaction C. Leturque)

1) L'ajustement protologique et langagier est une condition thérapeutique qui favorisera l'inscription de l'enfant dans une causalité et une temporalité.

2) L'ajustement protologique et langagier est une condition thérapeutique qui favorisera la mise en place d'une intersubjectivité.

3) L'ajustement protologique et langagier est une condition thérapeutique qui permettra à l'enfant de construire des certitudes quant à : sa possibilité « d'être

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cause de », la permanence des propriétés de ses actions (invariant de retrouvabilité), sa capacité à extraire des propriétés des objets et des relations, sa capacité à anticiper les résultats de ses actions, sa capacité à créer au delà des objets soit favoriser l'émergence d'un espace à penser, à propos duquel l'enfant peut signifier. 4) L'ajustement protologique et langagier donnera à l'enfant les conditions d'exercer

cette dimension du langage : signifier et porter à l'autre (sa connaissance, son intérêt, etc).

Concernant W., enfant autiste verbal (Rédaction E. Monnet) :

1) L’ajustement protologique et langagier est une condition thérapeutique qui permettra à W. de prendre plaisir à entrer en écho et dans l’échange avec autrui. 2) L’ajustement protologique et langagier est une condition thérapeutique qui

permettra à W. le développement d’une attitude corporelle davantage tournée vers le monde et l’autre.

3) La démarche protologique est une condition thérapeutique qui permettra à W de s’assurer de régularités quant aux propriétés des objets, aux résultats de ses actions, de sorte de se savoir « cause de » et « créateur de » pour s’inscrire dans une causalité et une temporalité nécessaires à la mise en place d’un espace à penser et à signifier.

4) L’ajustement protologique et langagier est une condition thérapeutique qui permettra à W. d’envisager les mots comme pouvant être porteurs de ses expérimentés, de s’inscrire comme sujet énonciateur de ses expériences et de s’approprier le langage comme support pour signifier, véhiculer et porter à l’autre.

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EXPÉRIMENTATION

I. MÉTHODOLOGIE EXPÉRIMENTALE 1. Présentation de la population d'étude

Notre population d'étude se compose de deux petits garçons autistes âgés de 5 ans, l'un verbal, l'autre non.

a. A. ou l'enfant autiste non verbal (Rédaction C. Leturque)

A. a débuté une prise en charge orthophonique en décembre 2012 au cabinet libéral de Madame Assuied-Beddok, d'abord à raison de deux puis très vite de trois séances par semaine. En juin 2013, à l'issue d'un bilan complet effectué au Centre de Diagnostic Autisme de l'Hôpital Necker à Paris (Service du professeur Golse), le diagnostic d'autisme a été posé. À ce jour, Madame Assuied-Beddok a effectué environ cent-soixante-six séances de rééducation à raison de trente minutes chacune. A. bénéficie également d'un suivi en centre médico-psychologique (CMP) à raison de deux séances hebdomadaires, dont l'une de groupe (atelier conte). Une prise en charge sur le plan psychomoteur a débuté depuis quelques mois d'abord une fois par semaine puis deux à l'heure actuelle. Sur le plan scolaire, A. sera maintenu en moyenne section de maternelle à la rentrée prochaine. Il bénéficie d'une Aide de Vie scolaire (AVS).

b. W. ou l'enfant autiste verbal (Rédaction E. Monnet)

W. est né en juin 2009 et a été diagnostiqué comme présentant un trouble du spectre autistique en février 2013 au CRA de Saint-Anne. W. bénéficie aujourd’hui d’un suivi pédopsychiatrique en CMP à raison d’une séance par semaine, d’un rendez-vous avec une psychologue également une fois par semaine, de séances chez l’orthoptiste, d’une prise en charge en psychomotricité et de deux séances d’orthophonie au sein du cabinet libéral de Jeanne Assuied-Beddock. Il est scolarisé en moyenne section de maternelle à temps plein avec l’aide d’une AVS. Il va également pour le plaisir au conservatoire le samedi matin. Madame Assuied-Beddok le suit deux fois par semaine depuis le 8 février 2012. Le temps de rééducation se partage depuis peu entre une séance consacrée au PREL tandis que l’autre est désormais centrée sur les interactions dans des situations de jeux plus classiques, à la recherche d’une cohérence au niveau de sa communication .

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2. Présentation des outils a. Utilisation de la vidéo

Chaque séquence de bilan et chaque séance de rééducation ont été filmées. L'exploitation des supports vidéo a permis d'analyser dans le détail à la fois les conduites des enfants et celles du thérapeute.

b. Utilisation de matériel signifiant et non signifiant

Lors des bilans initial et final, le matériel utilisé se compose d'objets tantôt non signifiants, tantôt signifiants (présenté en annexe 1).

Lors des séances de rééducation, le matériel utilisé est fonction des préoccupations cognitives de chaque enfant et se compose d'objets simples, non signifiants, « porteurs d’une élaboration possible de conduites ludiques. Il ne s’agit pas d’attendre une utilisation particulière de l’objet. » (Morel, 2007a, p.55) (matériel présenté en annexe 2).

c. Grilles d'analyses

Repères développementaux

L'analyse des conduites des enfants est basée sur une bonne connaissance du développement de l'enfant. Nous nous sommes référées entre autres à l'ouvrage « Les bébés et les choses » (Sinclair et coll., 1982).

Grille d'analyse de l'activité cognitive des enfants

Prenant appui sur les travaux de Lydie Morel, les conduites spontanées des enfants ont été analysées sous l'angle d'un fonctionnement sensori-moteur en terme de : actions simples, actions réitérées, juxtapositions d’actions, différenciations d’actions selon les objets, différenciations d’objets en fonction d’anticipation de résultats, itérations de mêmes actions sans ou avec recherche d’un effet ou du même effet, expérimentations d’actions sur plusieurs objets, coordinations d’actions différenciées, inventions de relations entre objets, utilisation d’actions intermédiaires ou d’objets en outil, explorations de relations endroit/envers avec faire/défaire et avec alternance de fonction actif/passif de certains objets, apparitions d’organisations d’actions sur des objets produisant des mises en relation simultanées ou successives, imitations différées, jeux de faire semblant.

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Grille d'analyse de l'activité linguistique des enfants

Les énoncés des enfants ont été analysés selon les moments de leur énonciation : devant l’objet, pendant l’action, juste avant, juste après, avec regard vers l’adulte, en appel, en répétition de l’adulte, en appui de réitérations de séquences comme si le mot était lié à la séquence ou pour signifier l’effet attendu, une émotion, une modification. Nous avons aussi observé la façon dont les enfants s’emparaient des termes : pour marquer une décentration, expliciter un changement objectif, indiquer qu’il fait des comparaisons entre deux moments, deux objets, etc. Nous avons cherché à qualifier ensuite la relation entre le contenu des verbalisations et la naturedesactionsetdesobjets impliqués dans le jeu : les verbalisations descriptives référent aux aspects littéraux des actions et des objets impliqués dans l’activité, ou redoublent les significations du jeu portées simultanément par les actions, les gestes et/ou les objets ; les verbalisations informatives spécifient ou enrichissent les significations du jeu (Veneziano, 2002).

Définition des ajustements protologiques et langagiers

Nous reprendrons les propos de Morel:

" Le professionnel met ses certitudes à disposition du patient. Il lui assure au travers de son propre travail avec les objets que sa préoccupation (celle du patient) est pertinente dans la mesure où le professionnel s'en empare (attention partagée). L'orthophoniste propose ses expériences/expérimentations autrement dit ses mains en travail avec les objets, en fonction des hypothèses concernant les préoccupations cognitives du patient. Les expérimentations/ajustements sont accordées à celles-ci. Elles sont fondées sur les invariants fondamentaux qui constituent les creusets cognitifs prélogiques et prélinguistiques. Le professionnel met donc à disposition ses connaissances concernant entre autres:

- sa certitude d'être cause d'une triade: action/objet/résultat;

- la permanence de l'action et des propriétés des objets (invariants de retrouvabilité et de renversabilité);

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physiques

- les propriétés des relations entre les objets essentielles pour comprendre que tout objet ou situation en en relation avec d'autres (creuset des relations causales, spatiales et temporelles)

- la certitude que tout résultat est "travaillable" c'est-à-dire répétable, imitable, modifiable, peut être anticipé, modifié, peut s'insérer comme moyen pour atteindre un but, ou dans une succession d'actions,

- la certitude que tout résultat et toute situation produits par le patient, et/ou le professionnel est un appui pour penser (notion d'expérimenté), pour être signifié (mise en onomatopées, partage mélodique, plaisir verbal…et mises en mots immédiates, différées)

Toute situation est prétexte à un étayage langagier à dimension descriptive ou informative, un soin particulier sera appliqué dans le choix des termes sollicitant soit l'axe paradigmatique soit l'axe syntagmatique."

(Extrait de documents d'enseignement)

3. Procédures a. Description

Notre démarche clinique s'est étendue sur une durée de six mois, au sein du cabinet libéral de Madame Assuied-Beddok. Au préalable, nous avions rencontré les parents des enfants pour exposer notre projet de recherche et obtenir leur l'autorisation de filmer les enfants. Le premier temps de l'étude a été consacré début octobre au bilan du développement cognitif pour chacun des enfants. Ce bilan initial servant de ligne de base a permis de poser nos hypothèses de travail. Dans un deuxième temps, nous avons mené quinze séances de rééducation s'intercalant dans celles assurées par Madame Assuied-Beddok, s'appuyant sur l'ajustement orthophonique protologique et langagier, à raison de trente minutes par séance et par enfant, sur une période s'étendant de fin novembre à fin mars. Les conduites des enfants ont été filmées puis analysées de manière fine, sous l'angle d'une démarche microgénétique. L'ajustement que nous avons conduit a fait l'objet d'une observation

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critique. Dans un troisième temps, début avril, nous avons procédé à la passation du bilan final dans les mêmes modalités que le bilan initial. L'analyse comparée des bilans initial et final a permis de mettre en évidence l'évolution des conduites des enfants face à des objets non signifiants et signifiants, ainsi que celle concernant leurs conduites communicationnelles. Dans un quatrième temps, nous avons réalisé une synthèse finale avec les parents des enfants.

b. Déroulement et analyse des bilans

Le bilan du développement cognitif sous l’angle des premiers raisonnements et de l’émergence du langage développé par L. Morel comporte six séquences filmées de dix minutes chacune organisées en deux groupes d'étude : trois séquences visent l'observation des conduites protologiques de l'enfant face à des objets non signifiants, les trois autres visent l'observation des conduites symboliques face à des objets signifiants. Pour chacun de ces groupes, les conduites sont analysées sous l'angle de trois modalités différentes qui correspondent chacune à une séquence distincte : 1) conduites spontanées sans intervention de l’adulte 2) conduites d’imitation, de participation et de communication dans une situation co-partagée avec l’adulte 3) conduites face à une activité ludique suggérée par l’adulte et face aux conduites d’étayage de celui-ci. Le matériel utilisé diffère pour chaque séquence (annexe A).

À partir des enregistrements vidéos, une analyse minutieuse des activités cognitive et langagière de chacun des enfants a été menée. D'une part, la traduction des conduites spontanées de chacun des enfants sous l'angle d'un fonctionnement sensori-moteur nous a permis de formuler des hypothèses sur leur fonctionnement cognitif. D'autre part, nous avons recensé les productions pré-langagières ou langagières de chacun, repéré les moments d’énonciation et pointé la relation entre le contenu des verbalisations et la nature des actions et des objets impliqués. Dans les situations co-partagées avec l'adulte, nous avons observé la réaction des enfants face aux activités suggérées et à l'étayage verbal apporté. Nous avons pour chaque séquence synthétisé les résultats pour en obtenir une lecture et une comparaison simplifiée. À l'issue du bilan initial, nous avons pu dégager plusieurs hypothèses de travail. En comparant les résultats des deux bilans, initial et final, nous avons pu mettre en évidence l'évolution des enfants au terme des quinze séances de rééducation.

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c. Déroulement et analyse des séances

La démarche orthophonique protologique et langagière nécessite de "prendre en soi " les préoccupations cognitives de l’enfant pour lui proposer l’ajustement nécessaire au développement de sa pensée. En tenant compte des contraintes temporelles qui nous incombaient, nous avons chacune pris en charge un enfant pendant 15 séances de trente minutes. La confiance a pu s'installer, favorisant l’accordage thérapeutique. L'appropriation de cette démarche nous a permis d'en évaluer les effets.

Entre chaque séance, nous avons procédé à partir des enregistrements vidéos aux analyses détaillées des conduites ludiques des enfants sous les angles protologique et langagier ainsi que de notre étayage, afin d'une part de dégager les préoccupations cognitives de chacun des petits garçons, et d'autre part de rendre compte des conditions favorisant ou entravant leur quête de sens. D’une séance à l’autre, nous avons cherché à adapter au mieux le matériel ainsi que notre ajustement. Cette analyse fine des conduites des enfants et des nôtres, en suivant un cadre méthodologique constitué de références théoriques, nous a permis de cheminer dans notre réflexion et de tisser des espaces de rencontre avec chaque enfant. Une synthèse finale à visée microgénétique a été réalisée à l'issue des quinze séances de rééducation, illustrant pour chacun des petits garçons les conditions dans lesquelles les processus de construction de certaines représentations cognitives ont pu prendre place.

II. PRÉSENTATION DES RÉSULTATS

A) A. OU L’ENFANT AUTISTE NON VERBAL (Rédaction C. Leturque) 1. Analyse comparée des conduites entre le bilan initial et le bilan final

1. Conduites protologiques face à des objets non signifiants

Bilan initial

A. explore essentiellement les propriétés prélogiques des objets. Il réalise des premières collections par rapprochement d'objets semblables (balles ou planchettes) avec le souci d'épuiser la collection, de sorte de créer à chaque fois un continuum spatial. A. opère là des premières organisations spatio-temporelle des objets. Ces itérations d'une même action sur des objets semblables l'installent dans une temporalité subjective : par la répétition, il devient acteur de cette durée. Parallèlement, on observe des activités de

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séparation (détache les anneaux de pâte un à un), des conduites de remplissage puis de vidage au cours desquelles l'enfant appréhende d'autres propriétés prélogiques des objets comme le passage d'un état continu à un état discontinu, la relation contenant-contenu ou encore la notion de renversabilité. Nous ne relevons aucune mise en relation d'objets différents. D'autres conduites de recours au bourdonnement et de mises en relation des objets avec le corps correspondent à une recherche d'éprouvés sensoriels.

Bilan final

On note l'évolution de ces conduites vers une exploration approfondie des propriétés physiques des objets. Les premières organisations spatio-temporelles ont cédé la place à des activités de déformations des objets qui permettent à A. d'explorer par exemple la souplesse des balles, l'élasticité de la pâte, son passage d'un état continu à un état discontinu, la résistance des planchettes, ou encore de vérifier que les parties d'un tout conserve les mêmes propriétés que le tout. Les conduites protologiques se sont nettement enrichies et l'on relève désormais des variations de moyens pour une même activité de transformation de l'objet pâte avec observation de résultats différents selon le moyen utilisé (étire, morcelle, roule, presse, y enfonce son doigt ou une planchette), la variation d'objets autour d'une même action permettant la comparaison des propriétés physiques de ces objets (presse les balles à la manière de la pâte), l'application d'une même action à une partie d'un tout (travaille un petit morceau de pâte de la même manière que le tout), la réalisation de relations « stables » entre objets. Contrairement au bilan initial, l'enfant explore désormais la combinaison d'objets différents et observe les relations qu'ils entretiennent entre eux (plante des planchettes dans la pâte, les observe tomber, les ramasse puis tente de les maintenir stables). Les mises en relation des objets avec le corps propre ne correspondent plus à des recherches d'éprouvés sensoriels mais s'apparentent davantage à une vérification des propriétés physiques de ces objets. On ne note aucun recours au bourdonnement.

2. Conduites d'imitation, de participation et de communication dans une situation co-partagée avec l'adulte

Bilan initial

Notre conduite inexpérimentée, exempte de toute verbalisation, n'a guère été propice à susciter l'intérêt de l'enfant, encore moins des conduites de communication. Les quelques moments d'intérêt que l'enfant porte à nos actions donnent lieu à de rares conduites d'imitation et de participation sous forme d'actions simples consistant en des mises en relations de deux objets (déposer une balle au sommet d'un tube en imitation, enfiler un

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tube dans un autre, participer à une construction en y déposant une balle au sommet). De la même façon qu'en situation spontanée, A. ne peut imiter deux actions enchaînées pour obtenir un but différé. Lorsque la situation proposée est trop compliquée, l’enfant est obligé de recontextualiser et se détourne pour déambuler dans le bureau ou bien se diriger vers la porte. A. recourt au bourdonnement de manière brève mais récurrente. On relève quelques éléments de babillage canonique encore peu varié (bababa, babajo, babebe, ejo) et qui demeurent pour l'heure auto-adressés.

Bilan final

Les conduites d'imitation, de participation et de communication sont très nombreuses. D'une part, A., par sa capacité à se saisir rapidement de nos propositions, nous démontre que son attention est bel et bien orientée vers nos actions. D'autre part, en étant l'initiateur d'échanges, il nous démontre sa capacité à considérer autrui comme un partenaire de jeu qu'il vient solliciter spontanément. Fait nouveau, le rire et autres vocalisations joyeuses sont omniprésents. A. communique un réel plaisir à interagir avec autrui. L'instauration d'un tour de rôle dans les échanges, qu'ils soient vocaux ou gestuels, est parfois rendue possible et nous relevons l'adaptation du comportement de l'enfant au nôtre. Par exemple, lorsque nous marquons des temps d'arrêts dans le jeu de bagarre, A. suspend à son tour ses gestes et vocalisations, en attente de notre réaction, inscrivant de fait ses conduites dans la relation interpersonnelle. Nous partageons ainsi un espace commun de travail et de jeu durant la quasi totalité de la séquence. Si A. recourt à plusieurs reprises au bourdonnement, ce retour au même (recherche d'immuabilité) est à chaque fois de courte durée et peu intense, semblant être utilisé de manière transitoire entre deux actions.

3. Conduites face à une activité ludique suggérée par l’adulte et face aux conduites d’étayage de celui-ci

Bilan initial

A. semble davantage préoccupé par l'exploration des objets que par l'interaction avec l'adulte. Les moments d'attention partagée sont peu nombreux et de courte durée, et interviennent uniquement dans des situations de reconnaissance de la fonction de l’objet (téléphone). Les situations proposées semblent trop compliquées cognitivement ce qui explique que l’enfant se détourne pour déambuler dans la pièce.

Bilan final

Les activités exploratoires de A. conduites sous forme de jeu partagé révèlent la mise en place de certains précurseurs fondamentaux nécessaires au développement de la communication. A. porte d'emblée son intérêt sur la caisse enregistreuse. Il est attentif

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aux résultats qu'il produit par la manipulation des boutons pressoirs et rapidement s'instaure un jeu sur le mode du « caché-coucou» qui consiste successivement pour l'enfant à faire disparaître le jeton que nous introduisons dans la fente, puis à le faire réapparaître le long de la rampe. A. nous démontre ici son accès à la permanence de l'objet, étape essentielle dans le développement ultérieur du langage, si l'on considère ce dernier comme outil de représentation de l'expérience humaine permettant de signifier à propos d'une réalité, que celle-ci soit présente ou non. Ce jeu s'opère également sur le mode « à toi-à moi », ce qui témoigne de la capacité du jeune garçon de participer à un échange régulé par le tour de rôle. Ainsi très vite et naturellement se mettent en place des règles participatives avec un rôle défini pour chacun dans une dimension dialogique. Un peu plus tard, se met en place une autre activité sur le même mode, cette fois autour de la disparition-réapparition d'un jeton dans un tube. Ces séquences de jeux partagés sont d'une durée assez conséquente puisqu'elles s'étalent toutes deux sur deux minutes et trente secondes, soit la moitié de la séance. Nous sommes alors véritablement en attention conjointe. A. nous donne un bel exemple de sa capacité à se décentrer pour orienter son attention selon le sens de nos gestes et propos, lorsqu'il vérifie à notre suite et par imitation, en réponse à notre énonciation et inspection du tiroir, que celui-ci est vide. Nous observons de nombreuses conduites communicatives. Certaines sont non verbales et l'enfant manifeste par le geste son désir de faire avec nous ou faire à notre place, comme lorsqu'il essaie de s'emparer de notre jeton, puis pose sa main sur la nôtre au moment où nous le déposons dans la fente, ou encore lorsqu'il repousse notre main du bouton pressoir pour faire lui-même descendre le jeton. Ces conduites sont aussi permises par le fait que nous prenons soin de modérer l'allure de nos mouvements, voire de suspendre nos gestes, de sorte à inviter l'enfant à nous rejoindre dans nos actions. La communication verbale est elle aussi présente et nous pouvons observer à la quatrième minute la mise en place d'un petit dialogue de huit énoncés accompagnant l'activité de jeu partagé, où A. semble nous manifester par le babil son intérêt pour la situation dont il est co-acteur. Fait très nouveau, A. exprime des émotions comme la frustration à travers le cri, ou bien cherche à susciter des émotions chez autrui comme lorsqu’il sourit malicieusement à Madame Assuied en s'emparant du tube de colle défendu. À la fin de la séance se met en place un nouveau « format » d'interaction sociale sur le mode du jeu corporel « la p'tite bête qui monte ». A. manifeste par le rire un plaisir évident et nous adresse alors par les gestes et le babillage des demandes de réitération de l'action. Il est à noter que c'est A. qui est à l’initiative du

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corps à corps qui engendre par la suite ce jeu.

Les conduites exploratoires du jeune garçon ont évolué. A. est désormais capable de mettre en relation des objets différents et se montre non seulement attentif aux résultats des activités qu'il mène mais aussi capable d'anticiper ces résultats. La preuve lorsqu'il se penche pour anticiper la chute des jetons qui s’apprêtent à glisser à l'extrémité opposée du tube. De même lorsqu'il observe la rampe tout en actionnant les boutons de la caisse enregistreuse pour faire apparaître les jetons à cet endroit précisément. Il agit ici selon l'objectif qu'il se fixe, ceci traduit l'émergence d'une pensée prospective.

A. travaille durant toute la séance sous notre regard, se rapprochant de plus en plus de nous, pour finalement se tenir dans un espace que délimite notre buste et nos deux jambes. Il ne quitte que très peu l'espace d'attention partagée et lorsqu'il le fait, c'est pour aller taquiner son orthophoniste. Il démontre ainsi son inscription dans une intersubjectivité qui tient compte non seulement du partenaire de jeu mais aussi des personnes extérieures au format d'interaction.

4. Conduites symboliques spontanées sans intervention de l’adulte face à des objets signifiants

Bilan initial

A. mobilise des conduites d'exploration sensori-motrices. On relève de nombreuses conduites d'exploration par rapport au corps propre, où l'enfant travaille les objets en les reconnaissant par des propriétés sensorielles grâce à la bouche ou au visage. On note l'émergence d'une différenciation des activités selon les objets et leur usage conventionnel.

Bilan final

Les explorations par rapport au corps propre ne sont plus prédominantes. Nous relevons encore de nombreuses conduites d'exploration sensori-motrices se traduisant sous l'angle d'une juxtaposition d'actions simples appliquées à un même ou à plusieurs objets. Certaines conduites sont différenciées : A. devient capable de rassembler des objets (chaise et table) appartenant à un même scénario habituel. De plus, il utilise certains objets comme le marteau ou le peigne selon leur usage conventionnel. On relève ainsi des actes signifiants importants dans le sens où ils préfigurent les conduites symboliques. Fait nouveau par rapport au bilan initial, A. cherche à nous impliquer en tant que partenaire de jeu en venant nous peigner par exemple. Cette séance est aussi le lieu de plusieurs conduites de pointage proto-déclaratif qui s'accompagnent d'éléments de babillage et de regards adressés à autrui, le jeune garçon paraissant soit dénommer l'objet pointé (l'âne)

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soit signifier sa reconnaissance de la fonction de l'objet (le pot de chambre). Là encore, A. nous implique en nous donnant le statut d'interlocutrice.

5. Conduites symboliques face à des objets signifiants conduites d’imitation, de participation et de communication

dans une situation co-partagée avec l’adulte

Bilan initial

A. agit les objets usuels de façon conventionnelle (par exemple porte le sèche cheveux à la tête du bébé, porte le bébé sur le pot) et les propositions de l’adulte qui suggèrent de les intégrer dans une activité de faire semblant ne peuvent être comprises par l’enfant. En revanche, on note de nombreux moments d'attention conjointe durant lesquels A. sollicite l'adulte par des conduites de communication verbales (babillage sous forme de monosyllabes : [ga] ou [be]) ou non verbales (gestes). Ces actes sont soit de type proto-impératif, soit de type confirmation et ponctuent alors les propos de l'adulte. Ces « énoncés » s'inscrivent dans un genre dialogique, avec respect des tours de parole et adaptation de la prosodie à l'intention communicationnelle. A. ne peut pour l’heure développer des conduites symboliques.

Bilan final

Nous n'observons que quelques rares conduites de participation de l'enfant. Celles-ci se produisent toujours dans des circonstances de reconnaissance de la fonction de l'objet : le pot de chambre pour faire ses besoins, la cuillère pour manger, la brosse pour se coiffer. Dans ces situations, A. est capable de produire des énoncés adaptés, comme lorsqu’il pose le bébé sur le pot et babille avec insistance : [kakaka, fɛkaka...]. Notons au passage l'évolution du babillage. Les situations proposées n'impliquant pas ce type de support n'engendrent aucune conduite participative, voire contribuent à une manifestation de refus de participer, comme lorsque nous approchons le bébé en pleurs et que A. le repousse de la main pour aller s'emparer du téléphone. Pour l'heure, les situations symboliques ne sont toujours pas accessibles à la compréhension du jeune garçon. Ainsi, lorsque nous faisons mine de câliner le bébé avec une peluche, A. exprime à chacune de nos tentatives son désaccord en criant et en jetant le doudou. En revanche, si nous portons la peluche à notre joue, ainsi que peut le faire tout enfant avec son doudou, A. accepte cette proposition, et même nous incite à réitérer l'action en nous remettant la peluche dans la main et en babillant d'un ton doux cette fois .

6. Conduites symboliques face à des objets signifiants face à une activité ludique suggérée par l’adulte

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Bilan initial

Comme lors des autres situations, A. mobilise une exploration des objets et des réitérations d’actions qui produisent un même résultat. On ne relève aucune conduite symbolique et aucune conduite de communication verbale.

Bilan final

Nous n'observons aucune conduite symbolique. Nos nombreuses propositions (par exemple nous faisons parler les animaux, nous les montons dans le camion pour les promener, nous déplaçons les véhicules en klaxonnant ou en feignant de rentrer dans celui que A. a en main), sont au mieux ignorées de l'enfant, au pire refusées.

2. Analyse microgénétique de l'évolution de l'enfant

a. Les mains et les objets : d’un rapport aux objets centré sur soi d’un point de vue sensoriel, à un rapport centré sur les effets produits

a.1. La recherche d'éprouvés sensoriels

Lors de la première séance, A. opère de nombreuses mises en relation des objets avec le corps propre, à la recherche d'éprouvés sensoriels qui lui permettent d'appréhender les qualités physiques primaires des objets. Au départ, ces conduites auto-centrées constituent pour l'enfant un mode privilégié d'appréhension de l'environnement. À mesure que l'enfant assure sa connaissance des objets, ces conduites semblent s'estomper. Dès la deuxième séance, l'attention du jeune garçon est davantage centrée sur le travail proposé : la recherche d'éprouvés sensoriels cognitifs laisse place à des comportements d'imitation et on ne relève alors qu'une seule et très brève mise en relation de cubes avec le visage. Plus tard, l'introduction de la pâte comme matériel se rajoutant aux objets déjà bien connus de A. engendre de nouveau la recherche d'éprouvés sensoriels : lors de la septième séance par exemple, en même temps que la pâte devient pour le jeune garçon un support privilégié lui permettant de travailler les effets de ses actions, la bouche constitue fréquemment un lieu d'expérimentation intermédiaire entre deux actions réalisées sur cet objet nouveau. Cette conduite traduit une alternance entre séquence de connu et d'ouverture vers du moins connu. Lors de la séance suivante, on relève toujours de fréquentes mises en relation avec le corps propre où l'objet « pâte » est croqué, malaxé, porté au nez, au cou, sur la tête, ou encore glissé sous les vêtements.

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sensoriels traduisent alors davantage un état anxieux de l'enfant. C'est surtout le cas au retour des vacances de Noël où la séance est peu propice à des conduites exploratoires. Quelques exemples de conduites d'éprouvés sensoriels :

Repères

vidéo Conduites d'éprouvés sensoriels Activité cognitive correspondante Séance

1 0'40

Renverse la boîte de scoubidous sur sa tête, les rassemble tous entre ses mains, les malaxe, les porte à la joue, tend un fil sur son visage.

Éprouve les qualités physiques des fils : légèreté, souplesse, hétérogénéité de l'ensemble.

1'36 2'30 4'13 6'00

Tend un élastique et le porte au visage, à la bouche ou au ventre.

Répète plusieurs fois ce geste au cours de la séance.

Éprouve la tension de l'objet.

4'43 Roule un élastique sur sa joue. Éprouve la matière. 7'55 Porte une pièce de bois sur sa tête, la frotte

contre le visage puis la nuque Éprouve les qualités physiques de l'objet : son aspect lisse, froid et rigide

Séance 5 1'00

Déambule dans la pièce en frappant des baguettes l'une contre l'autre et en bourdonnant.

État anxieux

Séance 6 2'25

Porte la pâte à modeler au nez Éprouve l'odeur.

Séance 7 4'00

Goûte la pâte sur laquelle il opère depuis plusieurs minutes un travail de déformations.

Éprouve la matière.

a.2. De l'évolution des conduites protologiques : une pensée qui s'organise

À l'issue du bilan initial, nos objectifs sont les suivants : créer les conditions pour que l'enfant puisse explorer son rapport aux objets et travailler à assurer des invariants qui le conduiront à porter intérêt aux relations que les objets entretiennent entre eux. Le matériel proposé favorisera des mises en relations d'objets appartenant à des collections différentes.

Des premières mises en relation d'objets différents aux premières coordinations d'actions

Dès la première séance, alors que les conduites spontanées de A. consistent uniquement en des actions simples indifférenciées ou bien juxtaposées (plusieurs actions sur un même objet), on constate que l'ajustement proposé permet à l'enfant de réaliser en imitation des premières conduites d'enfilage d'une durée encore brève, que ce soit par mises en relation

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