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L'art de marcher sur la neige : scénario de long métrage original. Suivi d'une étude du concept de norditude dans les fictions artistiques : essai

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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L’art de marcher sur la neige

Scénario de long métrage original

Suivi d’une

Étude du concept de norditude dans les fictions artistiques

Essai

Mémoire

Claudia Caron

Maîtrise en littérature et arts de la scène et de l’écran – avec mémoire

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

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L’art de marcher sur la neige

Scénario de long métrage original

Suivi d’une

Étude du concept de norditude dans les fictions artistiques

Essai

Mémoire

Claudia Caron

Sous la direction de :

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Résumé

La première section de ce mémoire consiste en un scénario de long métrage original. L’art de

marcher sur la neige est un film québécois de la route développant les thèmes de la fuite, de la

solitude, du silence et de la quête de soi. Avant tout, nous aborderons la bible du scénario : le sujet,

l’angle de traitement, le milieu et les personnages seront entre autres présentés. La seconde section

du mémoire est consacrée à une étude du concept de norditude dans les fictions artistiques. L’étude

vise à faire un tour d’horizon des trois composantes sous-jacentes à l’expérience de la norditude

par les personnages des fictions de l’écran : les lieux de survivance, la solitude confidente et le

silence.

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Table des matières

L’art de marcher sur la neige ... 7

Sujet ... 8 Titre ... 8 Vision de l’auteure ... 8 Angle de traitement ... 9 Visuel ... 9 Sonore ... 9 Milieu ... 10 Lieux physiques ... 10 Personnages principaux ... 11 Personnages secondaires ... 15 Spécifications techniques ... 17 La chimiothérapie de Manon ... 17 Le reboisement forestier ... 18 Le scénario ... 19

Première partie : le printemps ... 19

Deuxième partie : l’été. ... 31

Troisième partie : l’été indien. ... 53

Quatrième partie : l’automne. ... 57

Cinquième partie : l’hiver. ... 78

Étude du concept de norditude dans les fictions artistiques ... 95

Introduction ... 96

1. Étymologies et différenciations ... 98

1.1. La nordicité ... 98

1.2. La norditude ... 100

1.3. La nordicitude ... 101

1.4. Proposition des expressions « norditude positive » et « norditude négative » ... 102

2. Justification de l’expression norditude négative ... 104

2.1. La norditude négative en tant que concept contre-culturel chez François Paré ... 104

2.2. La profondeur de Gaston Bachelard ... 105

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v

4. Étude des composantes de la définition de la norditude ... 109

4.1. Les lieux de survivance ... 109

4.2. La solitude confidente ... 118

5. Le silence ... 122

Conclusion ... 125

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Liste des tableaux

TABLEAU 1: PERSONNAGE DE LOÏS 12

TABLEAU 2: PERSONNAGE D'EMMA 13

TABLEAU 3: PERSONNAGE DE CLAIRE 14

TABLEAU 4: PERSONNAGE DE MANON 15

TABLEAU 5: PERSONNAGE D'ANOUK 15

TABLEAU 6: PERSONNAGE DE JACOB 16

TABLEAU 7: PERSONNAGE DE TÉO 16

TABLEAU 8: PERSONNAGE D'ALBERT 16

TABLEAU 9: PERSONNAGE DE LA FEMME D'ALBERT 17

TABLEAU 10: VAPOS 98

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L’art de marcher sur la neige

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Sujet

De nos jours, à Montréal, Emma (31 ans) apprend qu’elle est atteinte d’un cancer des poumons. Incapable d’accepter le fait, elle accuse son conjoint Loïs (28 ans) d’en être responsable. En réaction face cette accusation et face à la découverte de la grossesse secrète d’Emma, Loïs s’enfuit et adopte un mode de vie nomade. En Abitibi-Témiscamingue, il rencontre Claire (42 ans), une routarde, avec qui il expérimente le reboisement forestier. Loïs et Claire tombent amoureux et s’enfuient du campement forestier. Ils s’installent dans le camp de chasse d’Albert, un homme rencontré sur la route. Ensemble, Claire et Loïs apprennent à mieux se connaître et acceptent peu à peu leur passé douloureux. Loïs décide finalement de retourner à Montréal, où il apprend la mort d’Emma.

Titre

L’art de marcher sur la neige exprime métaphoriquement toute la précarité de l’équilibre de l’homme qui avance. La neige peut être tapée, recouverte de pluie verglaçante, collante, croûtée… L’homme qui marche sur celle-ci devra impérativement ajuster son mouvement, sa rapidité, sa foulée, et son équilibre. Les aléas de la vie, comme la neige, peuvent se présenter sous plusieurs formes. Réussir à avancer sur la neige, sans s’enfoncer et sans briser la croûte, est un art, autant que réussir à vivre, véritablement, sans sentir que le temps nous engloutit. C’est dans cette optique de sensibilité au moment présent et au milieu qui nous entoure que nous envisageons le long métrage.

Vision de l’auteure

On retrouve dans L’art de marcher sur la neige une fuite des personnages principaux, qui en quelque sorte, trouvent refuge dans le silence et dans le mode de vie nomade. Pour être heureux, les personnages devront toutefois régler leurs problèmes intérieurs et apprendre à vivre en paix avec leur passé. Je souhaite montrer que peu importe où l’on se trouve, il est impossible de fuir nos problèmes, car on les porte en nous, on les porte intérieurement. Si la fuite est impossible, l’introspection et l’évolution intérieure, elles, sont possibles : c’est grâce au nomadisme, au silence et à l’appui de Claire que Loïs parviendra à accepter son passé, et ainsi à faire la paix avec le présent.

Le thème du retour aux racines est une partie intégrante du scénario, autant du point de vue naturel (vivre au contact de la forêt, planter des arbres) que du point de vue symbolique (retour à l’enfance, en particulier dans les visions de Loïs). Je souhaite que le contact avec la nature soit une expérience sensible, amenant les personnages à l’introspection, les obligeant ainsi à faire face à leurs souvenirs. Le dépassement de soi et de

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ses limites, autant physiques que mentales, ne sera possible que grâce au contact avec la nature abitibienne et nordique.

Également, une forme d’onirisme est présente dans le scénario. En accord avec le thème du dépassement des limites, nous souhaitons montrer que les limites des personnages ne sont pas les seules à pouvoir être brisées. La continuité narrative et les référents au réel, eux aussi, présenteront à l’occasion des frontières poreuses.

Angle de traitement

Visuel

Une mise en relation de l’immensité de l’Abitibi et du nord québécois par rapport à la sensibilité des personnages sera effectuée. Pour bien marquer l’intériorité des personnages, des gros plans seront utilisés. Une alternance avec des plans larges de lieux vastes et nordiques sera réalisée, de façon à démontrer le cheminement intérieur des personnages qui s’effectue au contact du « plus grand que soi », au contact du silence des grands espaces.

La mouvance dans le temps sera exprimée à l’aide des quatre saisons. La mouvance dans l’espace, quant à elle, sera livrée par la dichotomie entre la sédentarité et le nomadisme, dichotomie vécue par le personnage au fur et à mesure du texte. Ces mouvances seront le signe d’une étape accomplie.

Également, une attirance ainsi qu’une tension sexuelle entre les deux personnages principaux seront montrées à l’aide de plans plus rapprochés, dans le but d’entrer dans leur intimité.

On verra aussi les souvenirs des personnages qui refont surface, sous forme de « visons ». Mêlés au visuel du moment présent, ces souvenirs oniriques permettront au spectateur d’en découvrir toujours un peu plus sur le passé de Loïs et de Claire, sur leurs craintes, sur la motivation de leur fuite nomade. Le fait de mêler de façon onirique les souvenirs à la réalité sera exécuté dans le but de montrer le passé qui les rattrape : le passé va envahir la vie présente des personnages. On ne peut jamais échapper complètement aux conflits que l’on porte en nous. Il faut régler son passé pour éviter qu’il nous hante toute notre vie.

Sonore

Les bruits ambiants et anodins (par exemple, le bruit d’un verre que l’on pose sur un comptoir, une poignée de porte qui tourne, une chaussure qui écrase une feuille morte) seront privilégiés. Le ton cinématographique sera ainsi très « viscéral », se limitant à l’essentiel, sans surcharge ni lourdeur.

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Milieu

La mise en scène de personnages qui tentent de fuir leur passé implique l’exploitation d’un milieu psychologique très sensible, axé sur la rétroaction émotionnelle, et ce, par le biais d’un milieu social authentique. Dans L’art de marcher sur la neige, la trame narrative de base s’incruste dans un cadre où les aspects personnels et émotifs des personnages sont mis à l’avant-plan, en particulier par leurs souvenirs qui referont peu à peu surface, et par les relations sociales et amoureuses qu’ils tisseront. L’acceptation d’un passé douloureux forme le cœur de l’action : sans cette difficulté et ce besoin d’acceptation, les personnages n’auraient tout simplement pas de motivations. Ce qu’ils sont devenus, au présent, découle directement de leur passé et de la relation qu’ils entretiennent avec celui-ci. Ce que le spectateur verra, c’est une quête de bien-être et de libération basée sur l’acceptation des erreurs et des douleurs toujours vives, sur la sensibilité et sur le silence. La fatalité et l’imprévisibilité du destin sont également mises de l’avant : Manon, la mère de Loïs, meurt dans un accident de voiture alors qu’elle a un cancer, et Emma meurt d’un cancer des poumons alors qu’elle ne fume pas. Un optimisme certain se dégage toutefois du film, par l’exposition du fait que peu importe ce qui arrive, si l’on fait la paix avec les événements du passé, il y a toujours une façon d’avancer et de trouver le bonheur.

Lieux physiques

Appartement de Loïs et d’Emma

L’appartement de Loïs et d’Emma est un petit quatre et demi situé au deuxième étage d’un bloc de huit logements, à Montréal. Les planchers sont en linoléum et en bois flottant, les pièces sont petites. La décoration est marquée par le manque de revenus du couple : mis à part les meubles et électroménagers, il n’y a pas grand apparat sur les murs. L’appartement est malgré tout coquet, avec la nappe de la table de cuisine jaune soleil et les grandes fenêtres.

Bar chez Frid

L’endroit est chaleureux, animé et authentique. Les chaises sont en bois foncé, des poutres carrées en bois foncé également parsèment la place. Les murs autour du bar sont recouverts de lattes de bois plus pâles. Les murs de la place principale sont en fausse brique et sont généreusement ornementés : on y trouve un jeu de fléchettes, des affiches et articles promotionnels de marques d’alcool (Budweiser, Richards, Jack Daniels, Coors…), des horloges, une guitare, une étalage à baguettes de billard et trois têtes de cerfs de virginie. On

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dénote également une grosse machine à maïs soufflé ainsi que deux jeux de « Deer hunting », où l’on doit tirer des animaux sauvages à l’aide d’une carabine en plastique, visant un écran.

Campement forestier

Le campement est grand et simple. Il n’est pas décoré, on y trouve que le strict nécessaire : deux lits et deux lampes de chevet dans les chambres; une douche, un lavabo, une toilette et un miroir dans la salle de bains, et de grandes tables style « cafétéria » dans la cuisine. Le sol est en linoléum et les murs sont blancs. L’extérieur du camp est recouvert de lattes d’aluminium.

Maison des Mapachee

Les Mapachee habitent dans un bungalow en clabord blanc. La maison, quoique petite et modeste, est propre bien entretenue. Le plancher de la cuisine est en vinyle; les armoires, en mélamine. Plusieurs photos de famille sont affichées sur les murs.

Maison d’Albert

Albert et sa femme habitent dans une maison de plain-pied en bois, qui possède une grande galerie et de nombreuses fenêtres. L’intérieur de la maison est de style champêtre : les armoires de cuisine sont recouvertes de lambris, les fenêtres sont drapées de tissus fleuris, le plancher est en bois flottant ou recouvert d’une épaisse moquette. Le tout est coquet, mais encombré : plusieurs bibelots, accessoires et bouquets de fleurs séchées sont disposés ici et là.

Camp d’Albert

Le camp de chasse d’Albert est rustique et chaleureux. Il est relativement petit, et ses murs sont en bois rond, à l’intérieur comme à l’extérieur. Les planchers sont en préfini. Le panache d’un orignal d’environ cinq ans est accroché en haut de la porte, à l’extérieur. D’autres panaches plus petits se trouvent sur les murs intérieurs, certains ayant encore du duvet. Un poêle au gaz et une grande glacière forment les électroménagers. Dans le camp d’Albert, on trouve un lit double recouvert de vieux draps d’hôpital, plusieurs chandelles, une lampe à l’huile, ainsi qu’une petite table et deux chaises en bois. Les toilettes sont dans une cabine à part, à l’extérieur.

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Personnages principaux

Nom Caractéristiques Forces d’action

LOÏS

- 28 ans

- Gros fumeur de cigarette (davantage au début du film). - Cheveux et yeux bruns, barbe de trois jours entretenue. Il laissera pousser ses cheveux tout au long du film. À la fin, il pourra se les attacher. Très charismatique. - Aventurier, émotif, musicien, sensible, intuitif, mais également très secret. Il n’est pas du genre à exprimer facilement ses émotions et est plutôt renfermé. L’impulsivité et l’introspection sont des traits de caractère qui s’affronte chez Loïs. Très indépendant, il ne s’attache pas facilement.

- Technicien en santé animale.

- Sa mère Manon avait un cancer du sein.

- Lorsqu’il avait 8 ans, il fut responsable de la mort de sa mère. Pendant qu’elle conduisait, en revenant d’un de ses traitements de chimiothérapie, Loïs était agité et jouait avec une petite voiture rouge. Il a échappé sa voiture, qui s’est retrouvée coincée sous la pédale de frein. Manon est morte sur le coup, dans l’accident de voiture. Elle est morte sous les yeux de Loïs.

- Il se sent responsable de cette mort et vit difficilement avec son passé. - Il se sent responsable du cancer des poumons d’Emma, car elle est non-fumeuse (il n’y est toutefois pour rien). - Dans la maladie d’Emma, Loïs voit se répéter l’histoire de sa famille (et de la mort de Manon). Il craint ce qui pourrait arriver et prend la fuite : il utilise le

nomadisme pour fuir la réalité.

- Il tombera profondément amoureux de Claire et développera un sentiment de culpabilité face à cet adultère.

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Nom Caractéristiques Forces d’action

EMMA

- 31 ans

- Nouvellement enceinte.

- Elle a obtenu un baccalauréat en musique

- La musique est sa passion, en particulier le swing et le jazz - Elle a un cancer des poumons, stade 4 (qui s’est développé de façon « spontanée », et non à cause de la fumée secondaire). Elle a des métastases au cerveau.

- Timide, silencieuse, Emma réfléchit beaucoup. Elle aime plaire et accorde beaucoup d’importance à son apparence physique.

- Petite, mince, cheveux blonds et yeux bruns. Toujours très à la mode, style bohemian chic. - Elle est en recherche d’emploi dans le domaine de la musique ou de la musicologie

- Elle a grandi dans un 4 et demi dans Hochelaga-Maisonneuve, avec ses parents toujours mariés mais qui ne s’aiment visiblement pas.

- Elle rêve d’une petite vie « classique » et bien rangée : une maison en banlieue, deux enfants et un chien.

- Sachant que Loïs ne veut pas d’enfant, elle hésite à lui annoncer sa grossesse. Elle ne l’a confié qu’à sa sœur Anouk. - Emma ne veut pas mal paraître, ni offenser personne. Elle supporte très mal les sentiments négatifs des gens à son égard.

- Elle a peur de la mort. Emma est terrifiée par l’idée de terminer sa vie sans avoir accompli ce qu’elle souhaitait (fonder une famille, être stable).

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Nom Caractéristiques Forces d’action

CLAIRE

- 42 ans

- Vive d’esprit, sensible, intelligente, pleine de charme, grand sens de la justice. Se soucie peu de son apparence, a parfois l’air négligé.

- Claire vit intensément, elle est spontanée, hédoniste et

déraisonnable. Elle est

constamment à la recherche de nouvelles expériences.

- Peau noire et cheveux crépus. Grande, mince, à la poitrine forte. Style vestimentaire simple : jeans et t-shirts.

- Elle tombe amoureuse de Loïs. - Claire a grandi dans une famille bourgeoise au sein de laquelle elle était malheureuse. Adolescente, elle

expérimenta plusieurs drogues. - Elle vit une crise de la quarantaine : son mode de vie stable l’ennuie et lui rappelle son enfance. Elle décide de faire un périple nomade suite à une prise de conscience soudaine. Claire propose à son ex-mari d’emmener son fils Téo avec elle. Il refuse.

- Elle a eu un fils avec son copain du secondaire, Marc. Ils sont en bons termes.

- Son fils Téo lui manque.

- Claire redoute la routine et l’ennui. Elle a peur de mourir et de n’avoir vécu que des banalités, de n’avoir construit qu’une vie « comme tout le monde ». Elle accepte la souffrance que lui cause l’éloignement de Téo pour avoir

l’impression de vivre plus intensément.

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Personnages secondaires

Par ordre d’apparition à l’écran

Nom

Caractéristiques

Forces d’action

ANOUK

- 40 ans

- Elle est la sœur d’Emma - Ses cheveux sont naturellement blonds, ses sourcils sont très pâles. Elle a des taches de rousseur sur le nez, des lèvres charnues et des pattes d’oie : elle est d’une beauté naturelle. Anouk est petite et mince, porte souvent des tailleurs et des talons hauts.

- Souriante et joviale, Anouk a bon caractère et est vive d’esprit.

- Elle est la confidente de sa sœur Emma.

- Elle a davantage contribué à élever et à éduquer Emma que ses parents, elle a longtemps joué le rôle d’adulte responsable dans la famille.

- Elle ferait tout pour sa sœur Emma. Pour elle, la famille c’est ce qu’il y a de plus précieux.

- Elle est mariée et a deux enfants.

Tableau 5: personnage d'Anouk

Nom

Caractéristiques

Forces d’action

MANON

- Elle est décédée à 29 ans. - Elle est la mère de Loïs. - Vivante, Manon était atteinte d’un cancer du sein.

- Elle était chauve, sans cils ni sourcils. Très féminine tout de même, elle a une poitrine généreuse et se maquille légèrement, pour rehausser son teint. Elle porte parfois un bandana rouge.

- Manon est une mère monoparentale, elle élève son fils Loïs seule depuis que son mari est mort dans un accident de travail, peu avant la naissance de Loïs.

- Manon est morte dans un accident de voiture. Alors qu’elle conduisait, Loïs (8 ans) jouait sur la banquette arrière, avec une petite voiture rouge. Elle lui disait sans cesse de se calmer, mais ne Loïs ne l’écoutait pas. Il a échappé sa petite voiture, qui a roulé jusque sous la pédale de frein. Manon, incapable de freiner, fonça dans un dix-huit roues et mourut sur le coup. Loïs s’en tira bien.

(16)

16

Nom

Caractéristiques

Forces d’action

JACOB

- 26 ans

- Jacob est un jeune homme très mince et grand, il a les cheveux bruns et les yeux pers. Il n’est pas particulièrement attirant, mais a un faciès particulier qui rend son apparence intéressante. - Il est ouvert d’esprit et sociable, mais il n’est pas très intelligent. Il est charmant et invitant, a toujours plein d’anecdotes à raconter.

- Il a abandonné l’école à 16 ans. - À 16 ans, Jacob a ainsi commencé à planter des arbres. Il est reboiseur forestier depuis ce temps et est maintenant « chef de bande ». Il embauche les gens qu’il souhaite avoir avec lui dans le campement forestier.

- Il travaille en reboisement pendant la saison estivale et est au chômage pendant l’hiver.

Tableau 7: personnage de Jacob

Nom

Caractéristiques

Forces d’action

ALBERT

- 52 ans

- Il est marié depuis 30 ans. - Albert est grand et mince, il a une barbe grisonnante et fait un peu de calvitie. Il est souriant et a un rire très particulier.

- Il est facteur et apiculteur dans ses temps libres. La cabane pour ses abeilles se trouve derrière sa maison.

- Il s’ennuie dans sa vie de couple. - Il échappe à cet ennui en fumant un joint de temps en temps ou en prenant un petit verre.

- Regrettant sa liberté de jeunesse, il s’attache à Loïs et à Claire. Il admire leur courage et leur démarche nomade. Aussi est-il ravi de les aider de quelque façon que ce soit.

Tableau 8: personnage d'Albert Tableau 6: personnage de Téo

Nom

Caractéristiques

Forces d’action

TÉO

- 8 ans

- Il est le fils de Claire - Il a le visage rond, de grands yeux expressifs et des cils foncés, ses cheveux et ses yeux sont bruns.

- Il aime les sciences et les mathématiques, il adore faire des « expériences ».

- Il s’ennuie de sa mère, mais ne lui en veut pas d’être partie. Il « l’aime trop » et a hâte de la revoir.

- Téo est un enfant très sensible. Il possède un grand sens de la justice et une imagination débordante.

(17)

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Nom

Caractéristiques

Forces d’action

LA FEMME

D’ALBERT

- 60 ans

- Elle est mariée depuis 30 ans. - La femme d’Albert est petite et enrobée. Ses yeux sont foncés et expressifs; ses cheveux, bouclés. - Elle est une mère à la maison. Pour gagner un peu d’argent supplémentaire, elle fabrique des baumes à lèvres à la cire d’abeille qu’elle vend sur Ebay.

- Directive, elle est fonceuse et stricte.

- Toutefois, elle a un côté très doux. C’est sa douceur que l’on retient, ainsi que l’attention qu’elle porte aux autres.

- Elle est intuitive et spontanée.

Tableau 9: personnage de la femme d'Albert

Spécifications techniques

Dans un souci de clarté, il semble opportun d’expliquer ici les éléments du scénario qui pourraient porter à confusion. Il semble également adéquat d’exposer ces explications dans un document hors-scénario, pour éviter d’alourdir le texte.

La chimiothérapie de Manon

Dans la première scène du long métrage, la mère de Loïs, Manon, est en chimiothérapie. Elle est assise sur

une chaise que l’on appelle, dans le scénario, « chaise de chimiothérapie ». Dans le milieu hospitalier, on peut également appeler ce fauteuil « chaise d’hémodialyse », « chaise de dialyse » ou « chaise de coléoptère ». Il s’agit d’un fauteuil en cuir, inclinable électroniquement, muni d’un appui-tête, de bras et d’un matelas pour les jambes, conçu spécialement pour permettre des traitements plus confortables et pour laisser au personnel le meilleur accès au patient en cas d’urgence.

De plus, dans cette première scène, le soluté de Manon part de son pectoral droit, et non de son bras. Les personnes atteintes de cancer qui reçoivent des traitements de longue durée de chimiothérapie doivent, la plupart du temps, se faire greffer un porte-cathéter (également appelé un cathéter à chambre implantable) sous la clavicule droite. Ce dispositif permet un accès permanent aux voies veineuses pour l’administration des traitements.

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Le reboisement forestier

L’équipement du reboiseur forestier typique est très spécialisé. Il a habituellement le choix entre l’utilisation d’un harnais à poche ou d’un harnais à cloche ; dans le

scénario, les personnages utiliseront un harnais à poche. Il s’agit d’une ceinture solide entourant les hanches, sur laquelle des grandes poches de tissu robustes sont fixées. On dépose les carottes d’arbrisseaux dans ces grandes poches, que l’on appelle « poches ».

Les arbrisseaux plantés en Abitibi sont, la plupart du temps, du pin gris et de l’épinette.

Les terrains de reboisements exposés dans le scénario sont calqués sur des terrains réels. Les situations sont également vraisemblables : il semble peut-être

exagéré, dans la scène 48, de parler de « centaines de taon à cheval » qui bourdonnent autour de Claire. C’est toutefois la réalité qui frappe les reboiseurs forestiers, une fois par année. Chaque reboiseur interrogé était catégorique : ce sont bien des centaines de mouches qui vous tournent autour, et cinq ou six mouches vous piquent le visage à la fois, et ce, en permanence.

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Le scénario

Première partie : le printemps.

1. INTÉRIEUR / SOIR / HÔPITAL (flashback)

Une main d’enfant tient une petite voiture rouge en jouet. La main fait rouler la voiture sur une jambe de femme dénudée. LOÏS ENFANT est agenouillé par terre et imite le son de la voiture, en continuant de la faire rouler sur la jambe de MANON, sa mère. MANON porte des shorts courts et sourit en regardant son fils. Elle est assise dans une grande chaise de chimiothérapie. Un petit tuyau transparent sort de son pectoral droit. Un liquide rouge circule dans le tuyau, qui est relié à une grosse poche du même liquide rouge. La poche est accrochée à une tige à soluté. Sur la poche, on voit une étiquette de « Cytotoxique ».

2. INTÉRIEUR / SOIR / APPARTEMENT DE LOÏS ET D’EMMA

Les mains de LOÏS, 28 ans, décortiquent des crevettes. Il fait face à l’évier de la cuisine. Ses mains agrippent le plat de crevettes décortiquées et le verse dans un grand chaudron de pâtes, posé sur un rond de la cuisinière. Il verse une boîte de sauce rosée à l’intérieur du chaudron. Il mélange le tout à l’aide d’une cuillère de bois. On entend quelqu’un tousser violemment, plus loin.

LOÏS

(criant) C’est prêt!

3. INTÉRIEUR / SOIR / APPARTEMENT DE LOÏS ET D’EMMA

LOÏS et EMMA, 31 ans, sont assis à la table de la cuisine, face à face. Ils mangent en silence. EMMA se racle la gorge et ouvre la bouche pour parler, mais ANOUK entre en trombe dans l’appartement.

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4. INTÉRIEUR / SOIR / APPARTEMENT DE LOÏS ET D’EMMA La sœur d’EMMA, ANOUK, qui a 30 ans, referme la porte derrière elle.

ANOUK

(excitée)

Wahou! Félicitations mes deux beaux grands flancs mous! Hey je suis tellement contente pour vous autres, ça va vous rapprocher hein! Y’en a qui disent que c’est du trouble, mais moi je pense que c’est la meilleure affaire qui pouvait pas vous arriver!

LOÏS

(fronçant les sourcils) Hein?

EMMA tourne le dos à LOÏS et fait des gros yeux à ANOUK.

ANOUK

(confuse)

Ben… Pour votre souper! Maudine que c’est le fun souper en amoureux, vous trouvez pas? Ça rapproche un couple kek’ chose de rare! Vous faites vraiment bien de vous

accorder du temps, juste pour vous deux.

LOÏS fronce toujours les sourcils, EMMA roule les yeux.

LOÏS

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21

ANOUK

Pff! Si on peut même pus faire de visite surprise à son beau-frère préféré (elle lui ébouriffe les cheveux de la main), le monde irait bin mal! Mais là vu que vous êtes en amoureux, je gâcherai pas votre souper! J’vais revenir une autre fois. Bye là! Maudine

de bonne idée ce souper-là!

Elle sort de l’appartement.

5. EXTÉRIEUR / SOIR / PERRON DE LA MAISON DE LOÏS ET EMMA ANOUK referme la porte. Elle hoche de la tête en roulant des yeux.

ANOUK

(tout bas, d’un ton ironique) Maudit beau souper!

Elle s’éloigne. On l’entend se parler à elle-même, toujours sur un ton ironique, comme si elle s’adressait à un enfant :

ANOUK

Ah les beaux amoureux! Qu’y sont-tu beau les amoureux! Vous mangez des nouilles pour souper, les amoureux? Esti qu’votre vie a l’air le fun, les amoureux!

6. INTÉRIEUR / SOIR / CHAMBRE DE LOÏS ET D’EMMA

Les doigts d’EMMA tournent la page d’un livre. Elle est couchée sur le lit, en pyjama. Ses pieds sont nus, elle agite les orteils. Elle lit Madame Bovary. On peut voir qu’elle a presque terminé le livre. LOÏS, vêtu seulement d’un short, arrive et se glisse sous les couvertures.

LOÏS

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22

Les yeux cernés d’EMMA parcourent la page qu’elle lit. Elle ne répond pas, mais tousse pendant quelques secondes.

LOÏS

(plus fort)

C’était quoi le fuck avec Anouk?

EMMA

(continuant à lire) Rien…

LOÏS soupire. Sa main saisit La tournée d’automne de Jacques Poulin, sur la table de chevet. Il débute sa lecture.

7. INTÉRIEUR / MATIN/ APPARTEMENT DE LOÏS ET D’EMMA

EMMA porte à ses lèvres une tasse de café. Elle est enveloppée dans une robe de chambre. LOÏS, habillé pour la journée, prend rapidement une cigarette et l’allume. Il souffle la fumée dans la cuisine.

EMMA

Tu pues.

LOÏS hausse les épaules.

EMMA

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LOÏS

Ouais. J’vais porter des fleurs à m’man avant d’aller à job.

EMMA

(acquiesçant) Hum.

LOÏS sort de l’appartement et claque la porte.

8. INTÉRIEUR / MATIN / APPARTEMENT DE LOÏS ET D’EMMA

EMMA boit une gorgée de café. On entend une voiture klaxonner. EMMA se lève et va voir à la fenêtre. Une petite voiture rouge attend en bas. EMMA enlève rapidement sa robe de chambre, sous laquelle elle est déjà habillée proprement. Elle glisse ses pieds dans des sandales et court jusqu’à la voiture.

9. INTÉRIEUR / MATIN / VOITURE D’ANOUK

EMMA entre dans la voiture rouge, elle s’assied du côté passager. ANOUK est la conductrice. ANOUK sourit, monte le son de la radio et démarre. On entend la chanson « Happy Feet » de 8½ Souvenirs. EMMA se met à la chanter. Elle connaît les paroles par cœur et les récite parfaitement, un sourire aux lèvres. ANOUK rit.

10. EXTÉRIEUR / JOUR / CIMETIÈRE

La main de LOÏS tient un bouquet de jonquilles. Il avance, met un pied devant l’autre. Ses pas laissent des traces dans la petite route de gravier. Ses pieds sortent du gravier et avancent sur le gazon, puis s’arrêtent. LOÏS se trouve devant la pierre tombale de sa mère, Manon Deschamps. Sa main dépose le bouquet de jonquilles sur la pierre tombale. LOÏS demeure immobile et silencieux. Il porte la main droite dans sa poche de pantalons et en sort un étui à cigarettes. Ses doigt ouvrent l’étui et portent une cigarette à ses

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lèvres. Ses lèvres se tendent et se relâchent autour du filtre de la cigarette, sa main droite se retire. Elle revient en tenant un briquet. L’index claque le bouton, la flamme qui sort du briquet vacille. Les lèvres de LOÏS se resserrent. Ses doigts agrippent la cigarette, une fumée blanche s’enfuit de ses lèvres.

11. EXTÉRIEUR / JOUR / STATIONNEMENT DE LA CLINIQUE MÉDICALE EMMA sort de la voiture d’ANOUK.

EMMA

Merci pour la ride!

ANOUK

(au volant)

Fait plaisir! Donnes-moi des nouvelles hein!

EMMA

Yes! Bye!

EMMA referme la portière. La voiture s’en va.

12. INTÉRIEUR / JOUR / CLINIQUE MÉDICALE

On voit le visage d’EMMA, ses yeux sont fermés. On entend une voix masculine :

MÉDECIN

Ça va être un p’tit peu froid…

(25)

25

MÉDECIN

Ça va toujours bien?

EMMA

(ouvrant les yeux) U-hum.

Les yeux d’Emma fixent le plafond. Elle se racle la gorge, puis tousse deux petits coups secs.

MÉDECIN

Tout a l’air ben beau! Si on continue comme ça, dans huit mois on va avoir un beau p’tit bébé tout rose. On prend une bonne inspiration… voilà. C’est fini.

Emma soupire de soulagement, et sourit.

13. INTÉRIEUR / JOUR / CLINIQUE MÉDICALE

EMMA, debout, enfile ses pantalons. Le MÉDECIN jette ses gants à la poubelle. EMMA a une soudaine et violente quinte de toux, elle porte sa main droite à sa bouche. Elle se penche et continue de tousser, ses pantalons glissent de ses jambes jusqu’au sol. En petites culottes, elle retire sa main de sa bouche.

EMMA

(effrayée) Oh mon dieu…

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MÉDECIN

Vous êtes pas pressée?

Emma hoche de la tête pour faire « non ».

MÉDECIN

(grave)

J’ai des examens à vous faire passer.

14. INTÉRIEUR / SOIR / WAGON DE MÉTRO

LOÏS est assis sur un siège de wagon de métro. Il observe un petit chien qu’une vieille dame tente de dissimuler dans son sac à main. Il sourit. Le chien grogne à la vue de jeunes passagères en mini-jupe. LOÏS se met à ricaner.

15. INTÉRIEUR / SOIR / APPARTEMENT DE LOÏS ET D’EMMA

EMMA est assise à la table de la cuisine et fait face à la porte d’entrée. Ses yeux sont rougis. Ses doigts tapotent impatiemment la table, pendant de longues secondes. On entend le bruit des voitures et des klaxons de la rue. Une larme coule sur sa joue.

16. INTÉRIEUR / SOIR / APPARTEMENT DE LOÏS ET D’EMMA

LOÏS entre dans l’appartement. EMMA est toujours assise à la table, les yeux rougis.

LOÏS

(enlevant ses chaussures) Ça va?

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EMMA hoche de la tête pour faire « non ». Elle se met à pleurer. Entre deux sanglots, elle tousse, et se remet à pleurer de plus belle. LOÏS s’assoit à la table, devant elle.

LOÏS (inquiet) Qu’est-ce qu’il y a?

EMMA (sanglotant)

J’suis allée chez le docteur. C’est pas sûr encore, y manque des résultats de tests, mais…

Les lèvres d’EMMA bougent, mais aucun son n’est entendu. LOÏS porte sa main à son front, les yeux ronds.

17. INTÉRIEUR / SOIR / APPARTEMENT DE LOÏS ET D’EMMA

LOÏS se lève de la table. Son regard se dirige vers les pieds d’EMMA. LOÏS ENFANT est accroupi sur le sol. Il y fait rouler une petite voiture rouge, et imite le son de la voiture, de plus en plus fort. Les lèvres d’EMMA bougent toujours, aucun son ne sort de celles-ci. LOÏS regarde tour à tour EMMA et sa vision de LOÏS ENFANT. Il fronce les sourcils. LOÏS ENFANT fait rouler sa voiture jusqu’aux pieds nus d’EMMA. Il feint une collision entre la voiture et les orteils, et imite un bruit d’explosion. LOÏS, l’air en colère, porte le regard sur EMMA.

16 b) INTÉRIEUR / SOIR / APPARTEMENT DE LOÏS ET D’EMMA

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EMMA

Tu as ta part de responsabilité là-dedans, Loïs!

LOÏS Quoi? EMMA (pleurant et criant) C’est de ta faute! LOÏS Quoi? EMMA

Tu fumes comme une cheminée, esti!

LOÏS

Comment ça pourrait être de ma faute?

EMMA

(grave)

Un cancer des poumons ça se pogne pas tu seul de même.

LOÏS prend une grande inspiration. Il porte sa main droite à la poche de son pantalon et en sort un étui à cigarettes. Ses doigts l’ouvrent tranquillement.

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EMMA

(en colère) Kess tu fais?

Les doigts de LOÏS sortent une cigarette du paquet. Son bras s’allonge. LOÏS tend une cigarette à EMMA.

EMMA

(insultée) Tu m’niaises?

LOÏS

(stoïque)

Là, là ça serait ma faute pour vrai.

Les traits d’EMMA se durcissent. Sa main s’élève rapidement et gifle la joue de LOÏS.

17. INTÉRIEUR / NUIT / CHAMBRE DE LOÏS ET D’EMMA

EMMA est couchée sur le lit, sous les couvertures. Ses yeux sont clos, elle ronfle. LOÏS est couché sur le dos. Ses yeux sont ouverts; ses mains, jointes sur son ventre. Il fixe le plafond pendant plusieurs secondes. Il s’assied sur le bord du lit, pose ses coudes sur ses genoux et prend sa tête entre ses mains. Il se lève et avance de quelques pas.

18. INTÉRIEUR / NUIT / SALLE DE BAINS DE LOÏS ET D’EMMA

La poignée de la porte de la salle de bains tourne. La porte s’entrouvre dans un long grincement. Les pieds de LOÏS avancent sur le carrelage blanc et s’arrêtent devant la cuvette. Les pantalons de pyjama de LOÏS glissent le long de ses jambes et tombent à ses pieds. Un jet d’urine tombe dans la cuvette. Les mains de LOÏS agrippent les pantalons et les remontent à ses hanches. LOÏS se déplace pour faire face au miroir de

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la pharmacie. Il s’observe quelques secondes, puis détourne le regard. LOÏS observe fixement la poubelle. Il se penche et plonge sa main dans la poubelle. Il en sort un test de grossesse enveloppé dans des

mouchoirs. Lentement, il enlève un à un les mouchoirs et les jette. Sur le test de grossesse, on voit le signe «+». LOÏS ré-enveloppe rapidement le test dans les mouchoirs, l’air troublé, et le jette aux poubelles. Il sort de la salle de bains d’un pas rapide.

19. INTÉRIEUR / NUIT / CHAMBRE DE LOÏS ET D’EMMA

LOÏS, accroupi par terre, empile de façon frénétique des vêtements dans un sac à dos.

20. INTÉRIEUR / NUIT / CUISINE DE LOÏS ET D’EMMA

LOÏS ouvre la porte d’entrée et sort de l’appartement. Il porte son sac à dos. Il referme la porte doucement, sans bruit.

21. EXTÉRIEUR / NUIT / RUE DE MONTRÉAL

Les chaussures de LOÏS se posent dans une flaque d’eau. Elles continuent d’avancer et laissent des traces humides sur l’asphalte. LOÏS marche rapidement, son sac au dos, les mains dans les poches. Sa respiration est saccadée et bruyante.

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Deuxième partie : l’été.

22. INTÉRIEUR / JOUR / AUTOBUS VOYAGEUR DANS LA RÉSERVE FAUNIQUE LA VÉRENDRYE

LOÏS est assis dans l’autobus, le siège à côté de lui est libre. Son front est posé sur la vitre, il regarde le paysage défiler. Les grands conifères succèdent aux lacs et aux parois rocheuses. On entend un bébé sangloter et une voix de femme qui chante une berceuse.

FEMME 1

(voix off) Doucement, doucement Doucement s’en va le jour

Doucement, doucement À pas de velours. Dans le creux des nids

Les oiseaux blottis Se sont endormis

Bonne nuit.

23. EXTÉRIEUR / JOUR / LE « DOMAINE » DANS LA RÉSERVE FAUNIQUE LA VÉRENDRYE

LOÏS sort de l’autobus en même temps que d’autres passagers. Une fois dehors, il sort une cigarette de son étui et la fume. Il observe une femme, CLAIRE, qui discute avec le chauffeur de l’autobus. Elle porte des vêtements sales et un vieux sac à dos.

24. INTÉRIEUR / JOUR / AUTOBUS VOYAGEUR AU « DOMAINE »

LOÏS remonte dans l’autobus. Le chauffeur contrôle son billet. LOÏS avance dans l’allée. CLAIRE est déjà assise à sa place. Elle lit Volkswagen Blues. LOÏS sourit, et s’assied sur le siège voisin.

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32 25. EXTÉRIEUR / SOIR / AUTOBUS VOYAGEUR

CLAIRE lit toujours Volkswagen Blues. LOÏS dort, la tête penchée vers CLAIRE. On entend la voix du chauffeur dans l’interphone.

VOIX DU CHAUFFEUR

Terminus d’Amos, merci d’avoir voyagé avec Maheux.

LOÏS ouvre les yeux et s’étire. Il baille. CLAIRE l’observe pendant plusieurs secondes. LOÏS lui jette un coup d’œil.

LOÏS

(la voix fatiguée) Ça va?

CLAIRE hoche de la tête pour faire « oui ». Les passagers de l’autobus se lèvent et traversent l’allée pour descendre.

CLAIRE

Viens-tu d’ici?

LOÏS

Non. Tu connaîtrais pas une place où je pourrais dormir, par hasard?

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33

CLAIRE

Je viens pas d’ici non plus. (Elle marque une pause et sourit.) Mais je connais une place pour prendre une bière.

LOÏS lui sourit.

26. INTÉRIEUR / SOIR / BAR CHEZ FRID, AMOS

Des têtes de cerfs de Virginie sont accrochées sur un mur de brique. Une baguette de billard cogne une boule blanche. Deux jolies jeunes femmes jouent à « Deer hunter », une carabine de plastique posée sur l’épaule, en visant un écran. Une petite pelle argentée plonge dans un grand réservoir de maïs soufflé. LOÏS remplit un petit bol de ce maïs soufflé. Il contourne plusieurs jeunes adultes qui discutent et qui rient, une bière à la main. Sa main pose le bol de maïs soufflé sur une table. CLAIRE est assise à cette table. LOÏS s’assied.

LOÏS Tu viens d’où, déjà? CLAIRE Ste-Foy. Toi? LOÏS Montréal.

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34 LOÏS À ce soir! CLAIRE (ricanant) Yes! À ce soir!

27. INTÉRIEUR / SOIR / BAR CHEZ FRID, AMOS

LOÏS, CLAIRE, deux hommes et une jeune femme sont assis autour de la table et rient. Pendant que JACOB, 26 ans, raconte son histoire, une vision de TÉO (8 ans), le fils de CLAIRE, est assise sur ses genoux; et une vision d’EMMA est assise sur une cuisse de LOÏS et lui embrasse le cou.

JACOB

En tout cas, ce gars-là yé allé planter dans l’ouest. Pis là-bas j’pense qu’ils ont pas le choix de traîner du poivre de cayenne avec eux-autres, hein? (Il jette un coup d’œil à l’HOMME 2, qui hausse les épaules). Anyway. Lui y’en avait. Pis à moment donné yé tombé sur un grizzly toé. Y’a sorti son poivre de cayenne, pis y’a attendu que le grizzly

approche. L’ours a marché un mètre. Pis deux mètres. Pis trois mètres! Le gars y’a attendu, ben immobile, que le grizzly soit, heu, de même! (Il montre la distance entre les visions de TÉO et d’EMMA. LOÏS et CLAIRE se jettent un coup d’œil.) Pis là, juste rendu à c’te distance-là, il lui a pouiché le poivre de cayenne dans les yeux, pis yé parti

à course. Esti hein!

JACOB porte sa bière à ses lèvres. Sa pomme d’adam s’abaisse, il avale une gorgée. Les visions de TÉO et d’EMMA ont disparu.

LOÏS

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35 28. INTÉRIEUR / SOIR / CHAMBRE D’HÔPITAL

EMMA regarde fixement le plafond blanc. Elle cligne des yeux. Un soluté est inséré dans son bras gauche. Sur le sac, on peut lire « NACL.9% ». EMMA est couchée dans un lit d’hôpital et ne bouge pas.

29. INTÉRIEUR / SOIR / BAR CHEZ FRID, AMOS

CLAIRE, LOÏS, JACOB, HOMME 2 et la JEUNE FEMME sont debout, face au comptoir du bar.

Derrière eux, de jeunes adultes dansent, parlent et rien. Devant eux, sur le comptoir, cinq verres à shooters sont alignés. Le BARMAN remplit les verres un par un, un liquide rose coule dans chacun d’eux. À tour de rôle, les cinq personnages calent leur shooter.

30. INTÉRIEUR / SOIR / BAR CHEZ FRID, AMOS

L’HOMME 2 et la JEUNE FEMME dansent le Charleston au milieu de la place. Le pied de l’HOMME 2 tape le sol, la main de la JEUNE FEMME se pose sur sa hanche, la main de l’HOMME 2 lève dans les airs. Ils bougent de façon synchronisée et sourient.

JEUNE FEMME

(riant) Ay ay ayyy!

Autour d’eux, tous les jeunes adultes du bar sont regroupés en cercle et les observent en riant et en

s’exclamant. CLAIRE tape du pied et sourit. LOÏS observe Claire et sourit également. La main de JACOB se dépose sur l’épaule de LOÏS.

JACOB

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LOÏS

(souriant et observant les danseurs) Aucune idée!

JACOB

Venez chez nous, j’habite à côté!

LOÏS se retourne vers JACOB, sourit en haussant les sourcils, et se penche vers l’oreille de CLAIRE.

LOÏS

Y nous invite à coucher, on y va-tu?

CLAIRE hoche de la tête pour faire « oui ». JACOB fait un « pouce en l’air » à Claire et à Loïs.

31. INTÉRIEUR / MATIN / CHEZ JACOB (vision)

Les yeux de LOÏS sont fermés. Il est couché sur un divan, encore tout habillé. Il sourit. Ses doigts caressent les cheveux d’EMMA, qui a la tête posée sur sa poitrine. EMMA est en sous-vêtements blancs, ses yeux sont également fermés. On entend la respiration bruyante de LOÏS.

32. INTÉRIEUR / MATIN / CHEZ JACOB

Les yeux de LOÏS s’ouvrent. La vision d’EMMA a disparu. Il est seul sur le divan. Il demeure couché quelques secondes, et s’assied. Ses doigts se déplacent vers sa nuque, il la frotte.

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37 33. INTÉRIEUR / MATIN / CHEZ JACOB

LOÏS arrive dans la cuisine. CLAIRE et JACOB sont déjà assis à la table. Ils boivent du café. LOÏS se gratte la tête.

LOÏS

(d’une voix enrouée) Bon matin.

CLAIRE et JACOB

‘matin.

LOÏS s’assied à la table et soupire.

JACOB

Kess vous faites aujourd’hui, vous autres?

LOÏS et CLAIRE se regardent et haussent les épaules.

CLAIRE

Aucune idée! Moi j’ai pas une cenne.

LOÏS

Ouin. Moi non plus. JACOB boit lentement une gorgée de café.

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38

JACOB

Voulez-vous planter des arbres?

CLAIRE

Hein?

JACOB hoche de la tête pour faire « oui ».

JACOB

C’est tough en criss, mais ça paye ben. C’est moi le boss de la crew pis y nous manque 2, 3 planteurs.

CLAIRE regarde LOÏS.

CLAIRE

Ça paye?

JACOB

Mets-en! Ben, un peu moins au début, mais j’ai des gars qui font 200, pis 300 piasses par jour. Quand tu commences, c’est plus genre, 150 par jour.

CLAIRE

(enthousiaste) Hein?

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JACOB

(affirmatif) Hum!

CLAIRE

Ouais, ok! J’embarque!

LOÏS

(la voix enrouée) Moé too.

JACOB

(faisant « oui » de la tête) Ça va vous prendre des bottes.

34. INTÉRIEUR / JOUR / MAGASIN DE CHASSE ET PÊCHE

Deux bottes orange à cap d’acier se lèvent et se déposent sur le plancher. CLAIRE lève ses jambes une à une.

CLAIRE

C’est don ben lourd!

LOÏS, derrière elle, a une paire de bottes à la main et observe CLAIRE.

LOÏS

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CLAIRE

Ouais!

Des roues de chariot roulent rapidement sur le sol du magasin, on les entend couiner. JACOB arrive avec un chariot rempli de produits : des bas de laine, du chasse-moustiques, des pantalons Big Bill, deux harnais à poches et deux pics.

JACOB

(souriant) Prêts?

35. EXTÉRIEUR / AUBE / STATIONNEMENT

Un mini-van est stationné. Plusieurs jeunes hippies font la file pour entrer dans le van, la plupart portent un sac à dos. LOÏS et CLAIRE sont au bout de la file et avancent lentement. Un soulier sale se pose sur le plancher du van : LOÏS entre. Il est suivi de CLAIRE, souriante. Les deux avancent dans l’allée. Sur les bancs, de jeunes adultes souriants sont assis. Les femmes ne portent pas de maquillage, certaines arborent des dreadlocks. Les hommes ont des barbes, plusieurs ont les cheveux longs. LOÏS et CLAIRE s’assoient sur le même banc, côte à côte.

36. INTÉRIEUR / JOUR / MINIVAN

La tête chauve du conducteur dépasse de son siège. LOÏS l’observe fixement, les sourcils froncés, pendant de longues secondes. Ses yeux se remplissent de larmes. Le bourdonnement du moteur est de plus en plus assourdissant.

CLAIRE

(voix off) Loïs! Loïs?

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41 37. INTÉRIEUR / JOUR / MINIVAN (vision)

LOÏS ferme les yeux, puis les ouvre. À la place du conducteur se trouve désormais sa mère MANON, chauve, sans sourcils ni cils, qui se retourne vers lui, souriante.

MANON

(tendrement) Reviens-en don…

LOÏS, les sourcils toujours froncés, soupire bruyamment. LOÏS ENFANT est accroupi dans l’allée et joue avec sa petite voiture rouge. Il chantonne.

LOÏS ENFANT

Doucement, doucement Doucement s'en va le jour.

Doucement, doucement À pas de velours.

CLAIRE

(voix off, criant) Loïs!

38. INTÉRIEUR / JOUR / MINIVAN LOÏS se retourne vers CLAIRE, l’air surpris.

LOÏS

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42

CLAIRE

On est arrivés.

LOÏS, les sourcils froncés, regarde autour de lui. Les jeunes passagers ne sont plus dans le mini-van. Le CHAUFFEUR se tient dans l’allée, les bras croisés.

39. EXTÉRIEUR / JOUR / CAMPEMENT FORESTIER

Des chaussures descendent les escaliers du mini-van. LOÏS et CLAIRE arrivent à l’extérieur, dans la forêt.

40. INTÉRIEUR / JOUR / CAMPEMENT FORESTIER

Une poignée de porte tourne. LOÏS et CLAIRE entrent dans une chambre. Une fermeture éclair glisse : LOÏS ouvre son sac à dos. Il en sort des vêtements. Le chandail de LOÏS remonte sur son ventre, il se déshabille. En sous-vêtements, il revêt son pyjama. Il se glisse dans les couvertures d’un des deux lits simples. Derrière lui, CLAIRE l’observe et sourit.

41. INTÉRIEUR / AUBE / CAMPEMENT FORESTIER

Les chiffres d’un cadran passent de 5h29 à 5h30. On entend une sonnerie tonitruante. La main de LOÏS appuie sur le bouton « snooze ». On entend CLAIRE gémir péniblement.

42. INTÉRIEUR / AUBE / CAMPEMENT FORESTIER

Les mains de LOÏS et de CLAIRE agrippent divers aliments, posés sur une grande table. Les mains déposent ces aliments dans un sac à lunch.

(43)

43 43. INTÉRIEUR / AUBE / MINI-VAN

LOÏS, CLAIRE et plusieurs autres planteurs sont assis dans le mini-van, les yeux cernés. Personne ne parle. Un joint circule entre les doigts des planteurs, qui fument chacun une bouffée, à tour de rôle. Une jeune femme s’étouffe. Lorsque le joint se retrouve entre les doigts de CLAIRE, elle le passe à LOÏS sans fumer. LOÏS prend une longue bouffée et expire lentement la fumée par ses narines. Peu à peu, l’air du mini-van s’enfume.

44. EXTÉRIEUR / JOUR / TERRAIN DE REBOISEMENT

Une pelle s’enfonce dans le sol et creuse un trou. La main de LOÏS agrippe une carotte d’arbrisseau dans son harnais, appuyé sur ses hanches. Il dépose cette carotte d’arbrisseau dans le trou, à l’aide de l’index et du majeur. Ces deux doigts sont recouverts de ruban adhésif gris de style duct tape. La bottine droite de LOÏS tasse la terre pour remplir le trou. LOÏS avance deux pas, agrippe une carotte d’arbrisseau dans la poche de son harnais, sa pelle creuse un trou, sa main dépose la carotte dans le trou. LOÏS effectue ces mouvements de plantation plusieurs fois, de façon répétitive. Après quelques secondes, il se met à chantonner la berceuse :

LOÏS

(tout bas) Doucement, doucement Doucement s'en va le jour.

Doucement, doucement À pas de velours. La rainette dit Sa chanson de pluie Et le lièvre fuit Sans un bruit.

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45. EXTÉRIEUR / JOUR / TERRAIN DE REBOISEMENT (vision)

LOÏS, chantant toujours la berceuse, continue de planter des arbrisseaux de façon répétitive. LOÏS

ENFANT se trouve derrière lui. Il tente de poser ses petits pieds dans les traces de pas de LOÏS ADULTE, incrustées dans la boue. Les petits doigts de LOÏS ENFANT agrippent le dos de la chemise de LOÏS ADULTE, et tirent vers l’arrière comme pour l’empêcher d’avancer. On entend, de plus en plus fort, le bruit des mouches qui bourdonnent. Sur le grand terrain de reboisement, au milieu des broussailles et des arbres morts et tombés, LOÏS avance lentement, avec grande difficulté, comme si le PETIT LOÏS qui le tire vers l’arrière avait une force incroyable. Au travers du bruit assourdissant des bourdonnements de mouches, on entend soudainement CLAIRE qui grogne de rage, LOÏS ADULTE et LOÏS ENFANT s’arrêtent et regardent brusquement vers la droite.

46. EXTÉRIEUR / JOUR / TERRAIN DE REBOISEMENT

Des centaines de taons à cheval tournent autour du visage de CLAIRE. Leur bourdonnement est maintenant cacophonique. CLAIRE s’énerve et s’agite, en plein milieu d’un terrain de jeunes bouleaux. Les arbrisseaux lui arrivent à la hauteur du menton. Elle tente de les éloigner de son visage, sans succès, et grogne de rage. Elle se met à courir en hurlant. Son harnais à poche balance sur ses hanches. Ses bottes orange laissent des marques dans la boue du sol. Deux petites bottes, celles de son fils TÉO, 8 ans, se mettent à courir avec celles de CLAIRE.

47. EXTÉRIEUR / JOUR / TERRAIN DE REBOISEMENT (vision)

CLAIRE court toujours sur le terrain de jeunes bouleaux, l’air affligé, et TÉO la suit en ricanant. Les quatre bottines avancent rapidement, dans la boue et les tiges de bouleaux. Soudainement, les bottes arrêtent leur course : CLAIRE et TÉO font face à un petit ravin qui surplombe une rivière. Au loin, on peut voir la forêt boréale. Des outardes volent et forment un « V » dans le ciel, on peut entendre leur cri. CLAIRE porte les deux mains à chacune des poches de son harnais et saisit les carottes d’arbrisseaux qui s’y trouvent. TÉO l’observe calmement, en souriant. CLAIRE lance les carottes d’arbrisseaux dans le ravin, puis lève les deux mains dans les airs. Elle et TÉO se mettent à crier, à la manière des loups.

(45)

45 48. INTÉRIEUR / AUBE / CAMPEMENT FORESTIER

Le cadran affiche 5:30 et sonne bruyamment. La main de LOÏS tape le bouton « Snooze », on l’entend soupirer.

49. INTÉRIEUR / AUBE / MINI-VAN

CLAIRE porte un joint à ses lèvres, inspire puis expire la fumée. Ses doigts le passent à LOÏS, qui fume à son tour. CLAIRE lui sourit.

50. EXTÉRIEUR / JOUR / TERRAIN DE REBOISEMENT

LOÏS et CLAIRE plantent des carottes d’arbrisseaux sur le même terrain. Ils avancent sensiblement à la même vitesse, dans la même direction.

51. EXTÉRIEUR / JOUR / TERRAIN DE REBOISEMENT

CLAIRE et LOÏS sont assis sur une grosse souche. Leurs visages sont sales, mais ils sourient. Ils mangent chacun un sandwich. Un renard roux s’approche d’eux. LOÏS tape doucement sur l’épaule de CLAIRE, puis pointe le renard. Elle sourit à pleines dents et lance à l’animal une croûte de sandwich. Le renard mange la croûte et repart en courant. LOÏS et CLAIRE sont maintenant assis très près l’un de l’autre. Ils se regardent dans les yeux, toujours en souriant. CLAIRE porte les yeux vers le sol.

CLAIRE

J’avais un gros chat roux, avant.

LOÏS

(un sourire en coin) Ah ouais?

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CLAIRE

(hochant de la tête pour faire « oui »)

Ben, théoriquement je l’ai encore. (Elle marque une pause.) C’est mon fils qui l’a.

LOÏS

Comment qu’y s’appelle?

CLAIRE

Téo. Y’a huit ans. C’est un bon p’tit gars.

Les deux personnages demeurent silencieux de longues secondes. CLAIRE a les yeux dans le vague.

CLAIRE

(tout bas) Y m’manque.

Après quelques secondes de silence, LOÏS prend la parole.

LOÏS

Ma mère aussi en avait un, chat roux, avant qu’elle meure.

CLAIRE tourne la tête vers LOÏS.

CLAIRE

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47

LOÏS

(tout bas)

Un… Hum. Un accident.

52. INTÉRIEUR / SOIR / CAMPEMENT FORESTIER

De la vapeur s’échappe d’une douche. On entend l’eau couler. La main de LOÏS tire le rideau de douche. Il est nu, de dos. LOÏS entre doucement dans la douche, ses pieds nus se posent sur le carrelage. En entrant, LOÏS émet un long soupir de soulagement. L’eau coule sur son torse.

53. INTÉRIEUR / SOIR / CAMPEMENT FORESTIER

LOÏS, ne portant qu’une serviette nouée autour de ses hanches, ouvre la porte de la salle de bains, comme pour en sortir. Il se frotte les yeux avec ses poings. Ses cheveux dégouttent sur ses épaules bronzées. Au moment où il pose le pied hors de la salle de bains, se frottant toujours les yeux, on entend plusieurs personnes pousser des exclamations de joie. Des grosses mains aux phalanges velues apposent un masque artisanal sur le visage de LOÏS. Le masque est vraisemblablement fabriqué avec des sacs d’épicerie en papier brun et avec de la corde pour balle de foin. Au travers des trous faits pour les yeux, on voit les paupières de LOÏS cligner. Il rit.

LOÏS

(amusé) Ben voyons!

Face à LOÏS, à la hauteur de ses yeux, se trouvent cinq individus tous masqués, qui rient et poussent des exclamations de joie. Deux des individus sont des femmes, leur poitrine est dénudée. Les hommes sont torse nu. Les femmes portent plusieurs grands colliers de billes qui pendent entre leurs seins. On devine que l’une d’elles est CLAIRE. Aucune parole, ni aucun mot, ne parvient au spectateur de façon

intelligible. Les cinq personnes masquées entraînent LOÏS à l'extérieur de sa chambre, jusque dans le couloir. Là, chacune d’elles posent une de leurs mains sur le dos de LOÏS, qui tourne maintenant le dos à la caméra. Les individus poussent LOÏS, qui n’offre aucune résistance et qui avance en trottinant et en riant, tout le long du couloir. Au fur et à mesure de l’avancée des personnages, on remarque que les murs

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du long couloir sont ornés de plusieurs fenêtres. À l’extérieur, le soleil se couche et un feu de camp brûle. À l’extrémité du corridor se trouve une porte de sortie. LOÏS pousse cette porte avec ses deux mains, toujours suivi par les cinq personnages bruyants. Il ne porte toujours que sa serviette et son masque artisanal.

54. EXTÉRIEUR / SOIR / CAMPEMENT FORESTIER

Alors que LOÏS met les pieds à l’extérieur, on peut instantanément se mettre à entendre une musique folklorique québécoise, d’un volume assez élevé. On entend indistinctement les voix d’autres reboiseurs qui s’affairent autour du feu. Les cinq hommes poussent toujours LOÏS. Cette fois-ci, ils l’emmènent vers le lac, au-dessus duquel le soleil se couche. L’eau calme reflète les couleurs du ciel, qui commence à laisser voir quelques étoiles pâles. D’autres reboiseurs se joignent à la troupe masquée, des bières à la main, dansent et crient joyeusement. La plupart d’entre eux sont costumés. Les pieds de chaque membre de la joyeuse troupe arrivent dans l’eau du lac. Les cinq personnes masquées, ainsi que quelques

reboiseurs, portent des bottes de caoutchouc noires avec une semelle rougeâtre. Ces bottes laissent des traces toutes identiques dans le sable humide, au fur et à mesure qu’elles pénètrent dans l’eau. La seconde femme aux seins nus porte les doigts à sa bouche, siffle bruyamment et crie :

FEMME 2

Hop! Hop! Hop!

Répondant à ce cri de façon immédiate, les gens portant des bottes de caoutchouc commencent à bouger leurs pieds, à taper du talon, à tourner sur eux même de façon synchronisée et très rapide : ils effectuent une chorégraphie de gumboots. LOÏS, plissant des yeux comme s’il souriait (il porte toujours le masque), observe le spectacle en déambulant et en tournoyant au travers des danseurs. Les bottes frappent l’eau, qui éclabousse. Les reflets rosés du soleil sur le lac se déforment selon les mouvements des pieds, les mains claquent sur les cuisses, les danseurs se regardent et sourient à pleines dents. LOÏS, en déambulant joyeusement autour des danseurs, se cogne à CLAIRE, qui effectuait la même action. CLAIRE sourit, LOÏS ricane, et les deux personnages commencent à danser spontanément, sans chorégraphie, en poussant des petits cris de joie.

(49)

49 55. EXTÉRIEUR / SOIR / CAMPEMENT FORESTIER

LOÏS, CLAIRE et les danseurs sont assis sur des rondins de bouleau, en cercle autour d’un feu qui crépite. Tous les personnages tiennent une bière entre leurs mains. Les doigts de CLAIRE grattent l’étiquette nerveusement. La lumière rougeâtre des flammes vacille sur son visage. Tous les personnages sont toujours vêtus des costumes de danse, CLAIRE et la FEMME 2 ont encore les seins nus. Quelques hommes portent toujours leurs masques. CLAIRE et LOÏS sont assis face à face, mais le feu les sépare. Ils se trouvent à environ deux mètres l’un de l’autre. La FEMME 2 et LOÏS sont assis l’un à côté de l’autre et jouent à roche, papier, ciseaux. Ils rient. La lourde poitrine de la FEMME 2 rebondit par secousses à chaque fois qu’elle rit. CLAIRE observe leur partie de roche, papier, ciseau. Elle roule les yeux. Son index gratte et déchire l’étiquette de sa bière, plus rapidement. Tout le monde discute, mais les paroles sont inintelligibles. JACOB est assis à la gauche de CLAIRE; et le REBOISEUR 1, à sa droite. Ce dernier porte son masque artisanal.

Soudainement, on se met à entendre clairement l’une des conversations. CLAIRE porte son regard vers le REBOISEUR 1.

REBOISEUR 1 (s’adressant à Jacob)

Ben oui, est partie à matin. Ça l’air qu’est enceinte. J’sais ben pas c’est qui le moron dans l’camp qui a couché avec elle pas de capote, mais m’a te dire une affaire…

Il hoche de la tête en guise de désapprobation.

JACOB

(s’adressant à Claire) En as-tu, des flôs, toé?

(50)

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CLAIRE ne répond pas, cale son fond de bière et se lève précipitamment. Elle jette sa bouteille vide près de LOÏS et de la FEMME 2, qui rit aux éclats, de façon forcée. La FEMME 2 pose la main sur l’épaule de LOÏS. Il ne réagit pas et observe CLAIRE s’en retourner au campement.

56. INTÉRIEUR / NUIT / CAMPEMENT FORESTIER

On entend une fermeture éclair qui s’ouvre et qui se ferme, des vêtements de toile qui se froissent, des bruits de pas. LOÏS, couché sous les couvertures, ouvre les yeux. CLAIRE s’affaire à rassembler toutes leurs affaires et à les empiler dans leurs sacs à dos.

LOÏS

(se frottant les yeux, avec une voix fatiguée) Qu’est-ce que tu fais?

CLAIRE se retourne vers lui, la bouche entrouverte.

CLAIRE

(tout bas) On s’en va!

LOÏS

(fronçant les sourcils) Hein?

CLAIRE

T’es pas tanné d’être ici? On s’en va, maintenant! (Elle fait un mouvement de tête, pour désigner le sac de Loïs.) Aide-moi à rouler le sac à dos!

(51)

51

LOÏS sourit et se lève en se frottant les yeux. Lentement, ses doigts commencent à rouler son sac à dos.

57. EXTÉRIEUR / NUIT / CAMPEMENT FORESTIER

Les doigts de LOÏS referment la porte du campement forestier. Lui et CLAIRE sont à l’extérieur et regardent le ciel étoilé, la bouche entrouverte.

CLAIRE

C’est vrai… C’est les Perséides, ce soir.

LOÏS et CLAIRE se regardent, sourient, et commencent à marcher sur la route de gravier attenante au campement, chacun avec leur sac au dos. Les silhouettes des grandes épinettes portent leur ombre sur la route. Au-dessus d’eux, le ciel est parsemé d’une multitude d’étoiles, on distingue même la voie lactée. On voit une étoile filante.

LOÏS

C’est quoi ça, les Perséides?

CLAIRE ricane.

CLAIRE

(52)

52

LOÏS

(amusé)

Ah, ouais? Eh bien, fais un vœu!

CLAIRE arrête de marcher et demeure immobile quelques secondes, les yeux fermés. L’index et le majeur de sa main droite sont croisés.

58. EXTÉRIEUR / NUIT / ROUTE DU CAMPEMENT (vision)

L’index et le majeur de la main droite de CLAIRE sont toujours croisés. La petite main de TÉO s’élève, son index s’accroche à l’auriculaire de CLAIRE. TÉO observe fixement sa mère.

59. EXTÉRIEUR / NUIT / ROUTE DU CAMPEMENT

CLAIRE décroise ses doigts et ouvre ses yeux. Elle recommence à marcher. LOÏS sourit.

LOÏS

C’était quoi, ton vœu?

CLAIRE

(amusée)

Pff! C’est pas de tes affaires!

LOÏS sourit. Les deux personnages marchent côte à côte, dans la forêt, sous les étoiles. Noir.

(53)

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Troisième partie : l’été indien.

60. EXTÉRIEUR / JOUR / ROUTE

LOÏS et CLAIRE marchent sur l’accotement d’une route asphaltée, en silence. Il fait soleil, le t-shirt de LOÏS est imbibé de sueur. On entend son souffle rauque. Il tient, de sa main droite, une grande branche de bouleau qui lui sert de bâton de marche. Ce bâton se trouve entre lui et CLAIRE. Chaque fois que LOÏS fait deux pas, on entend le bâton se cogner contre l’asphalte. Comme les personnages marchent assez longuement, le bruit est répétitif.

Au bord de la route se trouvent quelques maisons et plusieurs arbres, conifères et feuillus. Les feuillus commencent à jaunir. CLAIRE s’immobilise face à une petite maison de briques. LOÏS continue à marcher quelques secondes, la tête basse, en regardant ses pieds. Vus de haut, on a l’impression que le bout de ses chaussures donne des coups de pied dans l’air. LOÏS tourne la tête et s’aperçoit que les chaussures de CLAIRE ne progressent plus à ses côtés. Il s’arrête et se retourne vers elle. CLAIRE sourit à pleines dents, les mains sur les hanches. Une vieille Ford Festiva bleue se trouve dans la cour de la maison, avec dans son pare-brise un panneau « à vendre ». CLAIRE se met à marcher vers cette maison, en faisant un signe du bras à LOÏS pour l’inviter à la suivre. Il emboîte le pas. CLAIRE cogne trois coups à la porte d’entrée. LOÏS a tout juste le temps de rattraper CLAIRE sur le pas de la porte, lorsque celle-ci s’ouvre.

61. EXTÉRIEUR / JOUR / MAISON DES MAPACHEE

Une dame amérindienne ouvre partiellement la porte, les sourcils froncés. La moitié de son visage est dans l’ombre, caché par la porte qui n’est pas complètement ouverte.

CLAIRE

(souriante et enthousiaste) Bonjour!

(54)

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LA DAME, n’ouvrant pas davantage la porte, fait un signe de tête.

CLAIRE

On vient pour l’auto! On voudrait savoir elle coûte combien.

LA DAME

(faiblement)

C’est mon mari qui s’en occupe. Rentrez, rentrez.

Elle ouvre la porte pour laisser LOÏS et CLAIRE entrer à l’intérieur.

64. INTÉRIEUR / JOUR / MAISON DES MAPACHEE

TOM MAPACHEE est assis à la table de la cuisine et fume une cigarette. Il observe LOÏS et CLAIRE, visiblement mal à l’aise. Il observe ensuite sa FEMME qui se verse un verre de thé. Le liquide fumant coule dans le verre. Des résidus de feuilles de thé nagent dans ce verre. TOM, les yeux rivés sur le verre, s’adresse à LOÏS et CLAIRE :

TOM

Mille piastres, non-négociable.

Le verre de thé est bien serré entre les mains potelées et parsemées de taches de vieillesse de la FEMME DE TOM. Au travers des parois du verre, on devine les silhouettes de LOÏS et de CLAIRE. On comprend que LOÏS se gratte la nuque.

LOÏS

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On entend TOM inspirer bruyamment, comme s’il était exaspéré. On voit CLAIRE, toujours au travers du verre de thé, donner un coup de coude à LOÏS.

CLAIRE

Mille piastres c’est correct. On a pas de cash sur nous autres, par exemple. Si ça vous dérange pas, on aimerait ça avoir une ride jusqu’au guichet automatique.

La FEMME DE TOM dépose son verre sur la table. Elle fait un signe de tête à LOÏS pour qu’il s’assoie en face de TOM. LOÏS obéit. Il tire la chaise, qui grince sur le sol. La FEMME DE TOM enfile un manteau et sort des clés de voiture d’une des poches. Elle fait un signe de tête à CLAIRE pour qu’elle la suive. Les deux femmes sortent de la maison.

65. INTÉRIEUR / JOUR / MAISON DES MAPACHEE

On entend la porte se refermer. TOM et LOÏS sont assis face à face, à la table de la cuisine. Ni un ni l’autre ne parle. Après un temps, LOÏS se racle la gorge. TOM se lève et allume la radio.

66. INTÉRIEUR / JOUR / CAMION DES MAPACHEE

La FEMME DE TOM conduit le camion. CLAIRE est assise du côté passager. Sur la fenêtre embuée, son index dessine un chat. Les deux femmes sont silencieuses. On n’entend que la musique qui joue à la radio, syntonisée au même poste que celle de la maison des MAPACHEE. On entend la pièce « Hurt »

interprétée par Johnny Cash.

67. INTÉRIEUR / JOUR / MAISON DES MAPACHEE

TOM se rassoit à la table de la cuisine. On entend toujours la radio. D’une main hésitante, LOÏS saisit le verre de thé que la FEMME DE TOM avait déposé sur la table et boit une gorgée. Il grimace en avalant le liquide. TOM le remarque et hausse les sourcils. LOÏS conserve son expression faciale dégoûtée en regardant par la fenêtre de manière insistante, comme s’il grimaçait à cause de la météo.

Figure

Tableau 1: personnage de Loïs
Tableau 2: personnage d'Emma
Tableau 3: personnage de Claire
Tableau 5: personnage d'Anouk
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