R IiT'R II:i IIN'I' A 1' I ONS SOUS,JACEN'I'ES, It l; t'l{ lrs 11 N'l'
^'l'
I ONS LEXICALES,
III
^I,].[RNANCES VOCALIQUES EN ANGLAIS
Je ao-Philip pe \tr ATBLED UNIVERSITE AIX-MÀRSEILLE I
L lntroduction
Le sujet de cet article est le problème de l'analyse, dans
le
cadre d'un modèle de phonologie lexicale, desalter-nances vocaliques qui constituent en anglais moderne la
trace
synchroniquedu
Grand Changement Vocalique(Great Vowel Sâ-i/t, ou GVS), dans des mots lels que divine,
divinity, serene, serenily, sane, sanity, verbose, verbosity
etc... Lors du GVS, qui a commencé au l5ème siècle (Lass 1984
:
126-29), les voyetles longues hautes de l'anglais sesont diphtonguées,
et
les autres longues se sont fermées.Ainsi, la prononciation de la voyelle accentuée de serene,
par
exemple,est
passée historiquementde
Ie:l aIt:l
(Goldsmith 1990 : 255) ; l'adjonction d'affixes tels que-ity
causait quant
à elle un
abrègement deslongues:
la voyelle accentuée de sergnity, paî exemple, passait de Ie:] a Iel. Le résultat global est donc une série d'alternancestelles que serene Isa'ri,:n], serenity Isa'renatrl, en anglais moderne.
L'analyse défendue par Chomsky & Halle (1968
)
pourexpliquer ces alternances, d'un
point
devue
synchro-nique, en phonologie générative 'classique', a été reprise
pour 1'essentiel dans le cadre théorique plus récent de la variante de phonologie générative drte Lexical Phonology
(voir
Kiparsky [1982]). Dansla
suite de l'article, nousconviendrons d'appeler analyse'SPE'
cette façon
derendre compte des alternances en anglais, d'après le litre
de l'ouvrage de Chomsky & Halle (The Sound Pattern ol English)
;
l'analyse'SPE' peut être qualifiée d'abstraite, dansla
mesure où les voyelles postulées dans les repré-sentations sous-jacentes sont très éloiBnées de leurs réali-sations phonétiques. Cet écart important est dûprincipa-lement
à
l'absence de contraintessur
la
forme de ces représentations sous-jacentes, dont Ie degré d'abstraction est virtuelle meût illimité.142 JEAN.PHILIPPE WATBLED
Afin
de pouvoirlimiter
ce degré d'abstraction, nousproposons
ici
une révision du modèle de phonologie leri-cale, en ajoutant une condition unique sur les règles pos-sibles. Cette condition a pour effet de contraindreindirec-tement les représentatiofls possibles. Nous montrons alors que l'analyse 'SPE' ne respecte pas la condition postulée ici. Une solution concurrente est ensuite proposée.
I
IL
La phonologie lericaleLe modèle de phonologie lericale adopté ici est inspiré
des travaux de chercheurs dans le domaine de la morpho-logie
(voir
notamment Aronoff [19761, Kiparsky [1982], SelkirkIl982l,
Scalise t19841), maisil
possède ses caracté-ristiques propres. On suppose l'existence d'un composant de morphologie générative, avec des règles de formationde mot. Ces règles s'appliquent de façon successive pour produire les représentations lexicales :
nation
->
national->
nationalize->
nationalization->
denationatizationIl
est maintenant généralement admis,à
la
suite de Siegel (1974), que les affixes dérivationnels se répartis-sent en deux classes :-
(i)
les aflixes de classe I, tels que -ion,-ity,
-ate, -ic etc... qu.i sont adjoints à une base auniveau
morpholo-gique
I
;-
(ii)
les aîlixes de classe //, tels que -ness, -like, -lessetc... qui sont adjoints à une base au
niveau
morpholo-gique II.
L'une des différences les plus importantes entre les
deux classes d'affixe est
celle-ci:les
affixes de classe I peuvent causer une modification dela
structureaccen-tuelle de la base, alors que les affixes de classe
II
sont'neutres'à cet égard :
'When certain suffires are attached to free forms (i.e. forms which can occur as words in their own riBht), they leave the stress-pattern intact.' (Fudge 1984 : 40).
Il
se produit aussi parfois des modifications segmentales importanteslors
de l'adjonction de certains affixes declasse
I
:divine = [dr'varnl ; divinity = [dr'vtnatrl.
De semblables modifications de la voyelle accentuée ne
peuvent se produire lors de l'adjonction d'affixes de classe
II
:mishty = ['mortr] : mightily = ['mortrlr].
ALTERNANCES VOCALIQUES EN
ANGLAIS
143La différence entre les deux classes d'affixe s'erplique en f
ait
par
le
statut
dela
b asequi
subit l'opérationd'affiration. Nous proposons de rendre compte de la diffé-rence à l'aide du
trait
IMl (=
pour 'mot phonologique'). Une base à laquelle on adjoint un affire de classeI
est une base qui a la valeur négative [-M], tandis qu'une base àlaquelle on adjoint
un
affixe de classeII
est une base marquée [+M], qui a le statut de mot phonologique pourvude
spécifications accentuelles non-modifiables. Etaûtdonné que les affixes de classe
II
ne peuvent causer de modifications de la structure accentuelle d'une base [*Ml,les
règles d'accentuationde
motvont
s'appliquer auniveau
I,
de faÇon cyclique, après chaque opérationmor-phologique. Toute forme sortant du niveau
I
et
entrantdans
le
niveauII
acquiertla
valeur [+Ml, Tant qu'uneforme n'est pas sortie du niveau I, sa valeur est [-MI.
Les règles phonologiques
se
répartissenten
deuxclasses principales :
-
(i)
les règles lexicales, qui s'appliquent après chaque opération morphologique, au niveauI
et
au niveau II,dans le module lerical :
-
(ii)
les règles post-lexicales, qui s'appliquent une foisque le mot est intégré en discours, dans le module post,-lexical.
Les règles post-lexicales sont Ies règles allophoniques, telles que l'aspiration des plosives, la vélarisation du
/l/
dans les contextes appropriés, ainsi que les règles de sandhi externe qui s'appliquent aux frontières de mot (in
position prononcé [rmpa'zrJn] avec assimilation de la
nasale, par exemple). Les règles lericales sont des règles morphophonémiques, dont les entrées et les sorties ont un statut phonémique. Les règles rendant compte des alter-nances dans office /'o'f
ts/,
oîlicial/e"îttl/,
par exemple,sont des règles lexicales : dans ce cas précis,
il
y
aura unerègle de semi-vocalisation du premier phonème du suffire
-ial
avart voyelle inaccentuée, une règle depalatalisa-tion
(s --,
I),
une règle d'effacement de semi-voyelleaprès une palatale,
et
une règle de réduction de voyelle inaccentuée. Les règles d'accentuation (cycliques) font aussi partie des règles lexicales :144
JEAN-PHILIPPE \ùTATBLEDoîÎicial
'of ts+rælo'f
rslæl
(accentu ation)o'frsjæl
(semi-vocalisation)o'f rJ j
æl
( palatalisation)o'frIæl
(effacement aPrèspalatale)
e'f lJl (réduction vocalique)
Enfin, une règle post-lexicale spécifiera que \e
/l/
linalest vélarisé dans ce contexle
(/l/
-)
[+])Considérons
à
titre
d'exemplela
formationdu
motinstinctively
iLa forme
sous-jacentedu
radical
est[[Instrqktl]. tetre forme, qui a la valeur [-Ml, subit d'abord les règles d'accentuation, ce qui produit
[['rnstrqkt]]
;la
forme sous-iacente du suffixe -.lve, de classe I, est
[[lvll'
Au
niveauI,
nous adjoignons ce suffixe,et
les règlesd'accentuation qui se réappliquent de faÇon cyclique pro-duisent la forme suivante :
[[I n'st r r;kt ll[[rvll
Cetle forme, à la
fin
des opérations de niveau I, acquiert la valeur [*M]. On efface les crochets internes à la sortiec1u niveau
I
:[[rn'strqftrvll. On passe ensuite au niveau II,avec l'affixation du suffixe
-ly,
donl ia forme sous-iacente est[[trll
:[[rn'strqktrv]l[[t III
Cette opéralion est sans incidence sur
la
structure ac-centuelle de la base [+lvll, qui était le produit du niveauI'
A 1a sortie du niveau II,
on eff ace les crochets internes :[[rn'stIr;ktrvlll]. ptus aucune opération morphologique ne
devanl avoir lieu,
ni
aucune règle phonologique lexicale, on obtientle
produit final du composant morphologique'/rn,stlqktrvlr/,
que I'on peut appeler représentationlexi-cale de instinctively ; on dislingue par conséquenl les re-présentations sous-iacentes (entre
It ll),
soumises auxieel"r
de formation de motet
aux règles phonologiques lexicales, et les représentations lexicales (entre/ /),
aux-quelles on applique ensuite les règles post-lexicales pour obtenir la représentation phonétique.
Nous supposons
ici
que
les
règles morphologiques (règles de formation de mot) et les règles phonologiques lexicales de niveauI
et niveauII
ne sont pas génératives pour les mots existants, dont les représentations lexicales sont stockées dansle
dictionnaire. comme l'écrit selkirk (1982 : I l)ALTERNÀNCES VOCALIQUES EN ANGLAIS 145 'There are a aumber of reasons for saying that the list of items called the dictionary forms part of the 3peaker's knowledge (or grammar) of a language'
et aussi
'[....1 speakers have intuitions about what is or is not an actual vord
of the lanBuage (as well as intuitions about §/hat constitutes a possible word of the langUaSe)."
Les règles morphologiques et les règles phonologiques lexicales remplissent en fait trois fonctions différentes :
-
(i)
elles ne sont génératives slricto sensu que lors duprocessus de formation de nouvelles unités lericales, et lors de 1'adjonction d'affixes inflectionnels réguliers à des
mots existants ;
-
(ii)
elles rendent compte de la structure desrepré-sentations lexicales slockées dans Ie dictionnaire dans le
cas des mots existants ;
-
(iii)
elles rendent compte des alternances dans les représentations lericalesde Eots
morphologiquement reliés.Cette conception nous permet d'économiser des traits
diacritiques pour les exceptions aux alternances voca-Iiques, telles que obesity, /au'bü:satr
/,
dérivé de obese, /au'bL:s/.(on attendait une voyelle accentuée/e/
dans ledérivé,
sur
Ie
modèle régulierde
serene, / se'rL:n/, serenity, /sa'renatr/ : voir Chomsky & Halle [1968:
174D. En effet, les représentations Iexicales sont stockées dans ledictionnaire
:la
confrontation des formes/au'bt:s/
et/au'bi,:satI/ suffit à
signaler quele
dérivé est uneexception.
III.
Primauté des représentations lericales Les locuteurs n'analysent pas tous de la même façon les relations entre mots qui impliquent les règles phonolo-Biques lexicales:oû
est en effet en droit d'imaginer quecertains locuteurs relient
Italy
el italics, eat el edible, know, gnosis, .gnostic,el
agnosticism, ou encoreoil
etoleaginous etc.... et que d'autres locuteurs ne les relient
pas. Nous souscrivons totalement à ce qu'écrit McCawley 0979 :239\ :
'For erample, vhether you relate gap alld gape or luzz ar.d îu or
wild atad wilderness will have no particular bearing on your ability
to speak and understand English. There is in fact considerable
variation §/ith re8ard to §/har Borpheme identifications different speakers make'.
Nous proposons par consêquent l'hypothèse suivante, qui découle logiquement de la nature du modèle lexical
t46
JEAN-PHILIPPE WATBLEDprésenté
ci-dessus: lors du
processus gradueld'acquisition du langage, le locuteur intègre à sa mémoire lericale les représentations lexicales d'abord,
et
ensuite seulementil
met en relation des représentations lexicales différentes, infère de cette mise en relation des règlesmorphologiques
et
des règles phonologiques lexicales, et finalement les formes sous-jacentes.Il
pourra par la suiteutiliser
Ies règleset
les représentations sous-jacentes jnférées pour former des mots qu'il n'a jamais entendus.La
natureet la
forme des représentations lexicales ne dépend pas de Ia nature et de la forme des représentations sous-jacentesni
des règles phonologiques lexicales, mais c'estbien plutôt
l'inverse. D'autre part,la
découverte d'alternances vocaliques dansles
mots sane, sanity,serene, serenity etc... par
le
locuteurqui
apprend salangue maternelle ne saurait l'amener à réviser
incons-ciemment la nature des représentations sous-jacentes des rnorphèmes
qui
n'alternent pas, tels que rice, ice elc..., contrairement à ce que présuppose l'analyse de type 'SPE',qui sera étudiée plus loin (§V).
IV. Conditions sur les règles
Dans l'exposé qui suit, les représentations sous-jacentes
abstraites des analyses de type 'SPE' seront entre doubles barres obliques.
Considérons par exemple le problème de la diphtonBue du mot boy : Chomsky & Halle (1968 :215) la dérivent d'un
//æ://
sous-jacent ; Hoard (1972) la dérive de//r//
;Halle & Monahan (1985), dans un cadre lexical, mais avec une analyse abslraite de type'SPE', la dérivent de
//u://:
Cette variété des analyses n'a qu'une seule cause :il
s'agit d'hypothèses émises dansle
cadrede
théoriesnon-contraintes (l'ab sence de contraiirtes appropriées im po-sées à la grammaire rend le nombre d'analyses possibles des mêmes données virtuellement illimité). Lass (1976 :
27), critiquant I'analyse 'SPE' , écrit ceci :
There may be something ro a theory that can derive læul in prolound
and [a] in prolundity from the same lerical source ; but if this analysis can be ertended so that a representation like /ææ/ lor the source of lri] can be given a free ride on the rules established for the other case, then it should be penalized. not re§/arded.'
Dans une théorie non-contrainte,
il
n'est pas possible d'imposer une limite quelconque au degré d'abstraclion :'1...1 ve could derive right, regular, rcctuû from underlying ,/regt-/ and cow, beel, and bovine from /gwo-/, etc.'(Lass 1976 :Zü.
ALTERNANCES VOCALIQUES EN
ANGLÀIS
147(Remarque : ce que Lass écrit /ææ/
'
tregl-./.' e't,/gw'i-,/correspond à ce
qu;
"o"
"o'"'ions
ici / /æ'/ / ' //regl-/
/ ' et' I lgwo'.-ll\
--
iotÀ.rstein
( 1977: 2lt)
résumebien I'esprit
del'analyse 'SPE' :
'1...1 ttre underlying form of one morpheme *'as often iustified only by alternations obJerved in a quite diflerent morpheme"
Ce débat
tut
f'uttitutiiot''
"tt
phonologie est loitl d'êtreclos
; il
suffit
pour
s'en coovaincrede
lire
I'ouvr age;;;;"t
de Durand (1e90:
152) :'In the absence of a detailed alternative to the segmental analysis of Engtish put fo't"A iy Halle and his associates' I shâll continue to take for granted tt'" i"t" correctnes§ of the overall hypothesis'
Nous allons
à
présent proposer une Condition sur lesrègles phonologiques, qui aura pour effet de limiter con-sidérablement
le
nombre des
représentationssous-iacentes
et
r"prése;i;;;;t l"li:il::
possibles' et-consti-iu"
Oonc, indirectement, une contrainte sur cesrepresen-lations
également' Toutefois' avant de for muler cette condition, il est necessaire de préciser certaines notions'Dans une règle de la forme X
-_) Y/-
Z' on sait queX est l'enrree, Y
est-ia'ii'ii"'
"tZ
est le contexte dans lequeli;-;;;i;
s'applique' Nous ferons une distinction entrecontexte interne
el
contexte externe' Un contexte Z estexterne à
une structure segmentalex
affectée par une règle,s'il
suit cette structure(X
-->
Y/-
Z)' ous'il
la pràceOe (X-'}
Y/Z-),
ou s'il est suprasegmental' comme dans le cas deto'tett"
de rédu.ction ôes voyellesinaccen-ruées
"'1. tetesrap,r
7i"i;g;
o:1/, telesraphy /l1legraf r/). Nous dirons que
i"
"ont"'ie
est inrerne dans le cas d'une règte telle que celle-ci:
,
x-) Yl-
tz
I
si Z représente une valeur de
trait
ou un ensemble de valeurs de traits âistinctifs seS,mentaux de la structurea[-fectée par laregf",-au même titre que X' autrement dit si le
contexte Z est un; propriété segmentale de la structure
af-fectée
parru
tJgi"'-ïne
règ1equi
spécifierait qu'unevoyelle s" f"rrnu
ii
"lt"
"'t
tet'due- e'g'' aurait un contextcinterne, é1ant donné que la tension est un
trait
distinctitsegmental O"
fu-tii"tïre
affectée par la règle' au mcmc'tre
quele
caractère vocaliqu".El
revalche'-^'Ï.
ntut48 JEAN-PHILIPPE WATBLED
comme un contexte externe, même si ce conlexte peut être inclus dans l'entrêe de la règle, comme dans Chomsky &
Halle (1968 : 245) :
ce qui peut se
sous cette forme, [-stressl est un cofltexte exterûe, parce que suprasegmental. Cette faÇon de voir estr justifiée par Ie statut des structures suprasegmentales, qui n'ont pas
va-Ieur de traits distinctifs (la fonction de l'accent n'est pas
distinctive, comme l'explique de faÇon très convaincante Garde tl968l).
Nous dirons que le contexte est
nul
si la règle n'a pas decontexte du tout, dans le cas où elle a la forme X
->
y, De
la
même façon,la
sortie d'une règle estnutte
s'il s'agit d'une règle d'effacement, du type X---)
A @ ='zéro').Nous appellerons représentation finate d'un module, la structure produite après l'application de la dernière règle de ce module : la représentation îinale du module lexical
est la représentation lexicale, tandis que la représentation îinale du module post-lexical est la représentation
phoné-tique.
L'unité
minimaledu
module lexical estle
mor-phème, parce que les représentations sous-jacentes sont des morphèmes, etl'unité minimale du module post-lexical
est
le
mot phonologique, parce que Ies représentations lexicales, qui subissent les règles post-lexicales, sont desmots. Nous distinguerons aussi, d'une part,
les
rêglesaodilicatrices
de
structure, d'autre part, les règles quin'entrainent pas une
telle
modification. Une.règle qui ajoute des spécifications, ou qui exprime une condition de bonne formation sans modifier la structure n'est pas unerègle modificatrice
de
structure. Les règles deredon-dance, e.9., ne modifient pas la structure :
spi
-,
ppii .
dans ce formalisme, Fi et Fii représentent des traits diffé-rents, et o et p sont des valeurs. Dans une telle règle, p ne représente pas un changemçnt de valeur
:
selon lacon-l--.,."..1
L-'î""-J*
a
re-ecrrre :
[-ï"']-
"/r-*,,
ALTERNANCES VOCALIQUES EN ANGLAIS t49
ception que I'on se
fait
des rèBles de redondance, ou bien la valeur du traitFii
dans la structure n'est pas différente dep
avant application de la règle, ou bien la valeur en queslion est non-spécifiée avant cette application: or, ajouter une valeur n'est pasla
modifier (quand on ajouteune spécification, on ne transforme pas la structure, on la
construit). Un exemple en anglais est :
[*nasal]
->
[*voisé];
en effet,
il
n'eriste pas de nasales non voisées dans lesreprésentations lexicales. Enfin, noLts dirons que les effets d'une règle sont
véritiés si
ces effets sont observables dans les représentations finales du module dans lequel la règle s'applique. Soit par exemple la règle :x_)Y/_z;
les effets de cette règle sont vérifiés si on trouve une représentation finale contenant 1a suite YZ produite par
la
règle en question, dans Ie module concernéI
dans lecas contraire, les effets de
la
règle ne sont pas vérifiés.Nous sommes maintenant
en
mesurede formuler
la Condilion sur les règles possibles :(A) Une règle phonologique R dont
le
contexte exlerneest nul, ou dont Ia sortie est nulle, ne peut modi[ier la
structure d'une unité minimale U que si l'entrée et la sor'
tie de R alternent dans au moins deux représentations
fi'
nales du module dans lequel R s'applique, telles que ces
représentations contiennent 1'unité minimale U.
(B)
les
eîfets d'une règle phonologique R dontle
con-texte externe est non-nul, et dont la sortie est non-nulle, doivent étre vérifiés dans au moins un sous-ensemble desreprésentations
finales du module dans lequel
Rs'applique.
Pour interpréter les termes de cette Condition,
il
faut sereporter au développement qui précède. Examinons ce q u i
motive
cette
Condition.Il
semble normalet
logiqued'admettre que nous ne sommes autorisés à posluler une
rèBle dans un composant que si les effets de celte rè8le
sont visibles, que si cette règle laisse des traces, dans au
mo.ins un sous-ensemble des formes produites par ce com
posant.
Il faut par
conséquent, pour qu'une rèBle sott possible,que
l'élément conditionnantun
chang,emcnt structural co-ex.iste avecla
struclure modifiée, dans aumoins certaines des représentalions
qui
sont censL'esavoir subi la rèBle. En ce qui concerne les règles dont le
contcxtc cxtcrne est nul ou dont la sortie esl nulle,
il
cst nornral quc scule unc altcrnancejustiIie
que de tellcsl50
JEAN-PHTLTPPE ITATBLEDrègles puissent modifier de
la
structure. En effet, si une telle justification n'était pas requise, tout serait virtuelle-ment possible : on pourrait en théorie dériver n'importequel segment de n'importe quel autre segment, ou
postu-ler
n'importe quel segment que I'on effacerait ensuite. Notons que lorsque des phonologues proposent des règlesà conterte externe nul, c'est en général dans
le
but
derendre
le
système plus symétrique, dele
normaliser en remplissantune'case
vide'(voir
Jakobson&
t0ÿ'augh11979 :51-2,831, Lass [1984 :135-37D.
La clause (A) de la Condition est particulièrement
moti-vée pour les règles lexicales sans contexte externe
:
les règles lexicalesont
pour fonction principale de rendre compte
des alternancesentre
des mots
morphologi-quement reliés. Or, des règles lexicales obligatoires sanscontexte externe ne seraient pas aptes à elles seules à
pro-duire des alternances. La clause (B) de
la
Condition estfortement motivée par le principe de la primauté des re-présentations lexicales : nous avons
vu
ci-dessus que lesreprésentations sous-jacentes
et
les règles lexicales sontinférées à partir des représentations lexicales. Par
consé-quent, une règle lexicale ne peut être inférée à partir des représentations lexicales que si, et seulement si, les effets de cette règle sont vérifiables au niveau de représentation en question.
Quelques exemples
nous
montreront comment laCondition énoncée ci-dessus permet ou non telle ou telle
règle,
et
indirectemenl,telle ou telle
représentation.Considérons
le
motcal[,
dans sa prononcialionbrilan-nique standard
Itho:f]
(Received Pronunciation). Viel(1981
:76,82)
postule deux règles qui auront les effels suivants sur la forme sous-jacente :(i)
æ->
o:/--lt ;(ii) I
->
A/o:-f
;ces deux règles laissent supposer que, pour l'auteur, la forme sous-jacente est / /kælf /
/,
et que la 'dérivation' est Ia suivante :/lkælf
//
->
ko:lf->
ko:fLa règle
(ii)
a une sortie nulle (O), etil
n'existe aucunereprésentation phonétique du mot calî dans laquette un
Ill
soit attesté. La représentation Iericale
est
donc /ko:î /.Com me
par
ailleurs aucune représentation lericalein-cluant le morphème
calf
ne comporte de/l/,
la représen-tation sous-jacente est nécessairement [[ko:fll, et la rèeled'effacement de
/l/
n'est pas applicable à ce terme, ce quiALTERNANCES VOCALIQUES EN
ANGLAIS
I51invalide ipso îacto toute application de la règle (i) dans la formation de calf, et exclut la représentation sous-jacente abstraite / /kælf
//
qu'une analyse non-contrainteautori-serait. Viet (1981 :82) postule aussi une règle ellacant
/gl
avanl/ml
et/n/
(sans doute faut-il comprendre, bien que ce ne soit pâs mentionné dans la règle de Viel, que cet ef-facement n'a lieu que si/gl
et la nasale sonttautosylla-biques
:
magnetic /mæg'nettk/ , e.C., est tout à faitrégu-lier). Est-on en droit d'appliquer cette règle à phlegm ?
Comme
la
représentation phonétique de ce mot esttou-jours
Ifleml,
aucune règle post-lericale ne peut effacer / g/, et
sa représentation lexicale sera /llem/
. Enre-vanche, on conslate que
phlegm
es1 morphologiquementrelié à phleg m
atic,
dontla
représentation lexicale est/f leg'mættk/. Dans le module lexical, il
y
a donc alternance entre/g/
et O, et une règle lexicale est permise, règle mo-dificatrice de structure qui va effacer urt/g/
sous-jacentattesté dans le mot dérivé. Nous sommes donc autorisés à
postuler la représentation sous- jacente [[f tegmll, et le / g/ de cette forme sera effacé dans le module lexical quand
il
sera suivi d'ur.
/m/
tautosyllabique. Les structuressylla-biques des deux représentations lexicales sont ($ =
fron-tière de syllabe) :
phlegm : $'f
lem$
phlegmatic : Sfleg$'mæ$tlk$et
une représentation lexicale '$'f legm$ est interdite. Onvoit
donc quela
syllabation lexicale,qui
se ré-applique après chaque opération morphologique, est en interactionavec les règles segmentales.
La Condition sur les règles n'empêche pas que, dans de
nombreux cas, plusieurs solutions soient possibles pour
Ies mêmes données. Considérons les elemples suivants, en anglais américain :
gather /'gæbar/
,
lather /'ta:bar/.Ces exemples montrent qu'il existe une opposition pho-némique entre les voyelles /æ/ et /o:/. Avant
ut
/r/
linalde mot ou un
/r/
suivi d'une consonne, on trouve cepen-dant /o:/, à I'exclusior. de/æ/
'. bark /bo:rk/. On est amenéà postuler la règle lexicale suivante :
Voyelle basse
-J
o,
l-rrft
\
r52 JEAN-PH ILIPPE \T'ATBLED
Cette règle est automatique. On peut se poser la question de la forme de la représentation sous-jaceûte de bark, err
tenant compte du fait que la voyelle de ce terme n'alterne
pas : on a en effet le choir entre deur solutions qui abou-tissent au même résultat. Dans
la
première solution, Ia représentation sous- jacente esr [[bærkll tcf. Viel [198I
:771): dans
la
deuxième, cette représentation est [[Oo:rXII. L'application dela
règle ci-dessus, dansle
cadre de la première solution, donneraitle
résultat correct, puisquecette règle changeraiL
la
voyelle sous-jacente /æ/
en/a:/
: toutefois, on préfèrera la deuxième solution pour laraison suivante
:
elle
nous permet d'obtenirle
mêmerésultat
correctde
façonplus
directe, sansavoir
àmodifier
la
voyelle
concernée.Nous
proposons lagénéralisation suivante :
lorsque, toutes choses étant
par
ailleurs égales, deuxsolutions permettent d'aboutir au même résultat correct, on choisit obligatoirement la solution la plus économique, i.e. celle qui correspond au 'parcours' le plus direct.
On
peut
appeler celale
principe d'application desrègles,
à
distinguer dela
Conditionsur
les règles. La reslriction 'loutes choses étant par ailleurs égales' permetde tenir compte des alternances : pour un morphème tel
que car, on sera en droit de posluler une représentation
sous-jacente
[[færl],
Ou moins pour les locuteurs quirelient car et
carriage
par une règle lexicale : en effet,la
représentation lexicale de car est/ko:r/
et
celle decarriage est /'kærtd3/. La voyelle accentuée de ce dernier peut juslifier une représentation sous-jacente [[kærll.
Dans
la
section suivante, nous allons ré-examiner l'analyse 'SPE' des alternances vocaliques,et
démontrerqu'elle
ne
respecte pasla
Conditionsur les
règles possibles.V. La phonologie 'SPE'
Rappelons comment Chomsky
&
Halle ( 1968) rendentcomple des alternances vocaliques
et
consonantiquesqu'on observe dans les exemples suivants (dans I'exposé
qui suit, les représenlations de 'SPE' ont été adaptées et retranscrites en Alphabet Phonélique International) :
divine Idr'volnl, divinity [dr'vrnatrl ;
critic ['krrt rlxl, criticism ['krltrslzm], criticize ['krltlsatz].
ALTERNANCES VOCALIQUES EN ANGLAIS 153
On explique l'alternance
[aIll]
de la façon suivante: on postule une voyelle sous- jacente ab straite //t:/
/ pour le morphème divine , et cette voyelle subit diverses règlesqui
produisent les formes de surface (Chomsky&
Halle 1968:
184, 187). Dans l'adjectif divine, elle subit une règle de diphtongaison (p.183) qui insère un 'Blide' après unevoyelle
longue,et Ia
règle
de
changement vocalique(Vowel Shift), puis quelques règles d'ajustement
;
dansdivinity, elle subit
une règle
d'abrè8ement, diteTrisyllabic
Laxing
(p.180),qui
prendeffet
quand une voyelle longue est suivie de deux syllabes, dontla
pre-mière n'est pas accentuée :
divine
:
drvL:ndl'vt:n (accentr:ation)
dt'væ:ln(diphtongaison ; Vowel Shiît)
dI'varn (ajustements)
divinity
:
dtvt:n+tttdt'vt:n+ttt (accentuation)
dr'vln+ rtr(abrègement)
Pour expliquer l'alternance consonantique entre Ik] et
Isl,
on
postule une règle d'amollissement des vélaires(Velar Soltening Rule
:
p.219),qui
prend effet dans lecontexte d'une voyelle antérieure non basse. Dans le cas
de I'alternance entre If ] et Is], ta forme sous-jacente est évidemment / /k/
/.
La règle(k
+
s) s'applique de f aÇontransparente
dans criticism,
puisquele
suffixe -ismconstitue un contexte approprié. Toutefois, en surface, le
suffixe
-ize
ne semble pas devoir déclencher l'applicationde la règle, puisque sa voyelle est basse:
[-alz].
Dans la théorie 'SPE', la source de la diphtongue Iar] estnormale-mefll / /L:/
/
: la forme sous-jacente du suffixe est donc/
/
+t
iz/
/. La vélaire subira
d'abord
la
rè8led'amollissement
(k+s),
puis, ensuite
seulement, la voyelle / / L://
subira les changements vus plus haut (cf .divine
)
:criticize
:
krtttk+i:z'krr trk+ü :z( accentu ation )
'krttts+t:z(amolliss. des vélaires) 'krrtrs+orz( Vowel ShlTt etc...)
Par
le
principedit du
Free
Ride,les
termes qujn'alternent pas, tels que
fine
[fornl, nice Inolsl, sont cen-sés subir exactement les mêmes règles que les termes qui a.lternent.La
conséquence es1que
les
formes
sous-154
JEAN-PHILIPPE TP'ATBLEDjacentes de ces termes dans l'analyse'SPE' sonr
//tL:n//
et/ /nL:s/
l.
Si nous Iimitons notre étude aur voyelles antérieures, l'analyse qui précède s'applique aussi aux mots suivants,
qu'on
a
fail
suivre de leurs représentations abstraitespostulées dans le cadre 'SPE' (V - voyelle indéterminée) :
serene //sYre:n/
/
serenity /lsYre:n+it//
sane //sæ:n// sanity l/sæ:n+llt//La règle d'abrègement affecte les voyelles en gras dans :
serenltg sVre:n+rtr
->sVren+ltr
santtg sæ:n+ltt->
sæn+ltl (cf .divinity
dlvt:n+rtr->
dlvrn+ltr ci-dessus) Globalement, et en simplifiant, les effets de la règle de Changement Vocalique ( Vowel Shiît)
sont les suivantspour les voyelles
antér.ieures (Chomsky&
Halle1968
:
187) :i:->æ:(
divine )e:->i:(serene )
æ:-'e:(sane )
Dans le cadre de la phonoloBie lexicale, toutes les règles examinées ci-dessus sont à considérer comme des règles lexicales, étant donné qu'elles sont non pas allophoniques,
m ais morphophonemiq ues.
Examinons à présent la queslion de la validrté des règles du type 'SPE', et piirs spécialement des règles suivantes
;
* (i)
amollissemenl des vélaires (.Vetar Sottening) ",* (ii)
abrègement ;* iiii)
changement vocalique {Vowel Sllift).Les deux premières, qui ont un contexte non-nul et une sortie non-nulle, respectent la clause (B) de la Condition sur les règles, car leurs effets sont visibles dans cerlaines
représentalions lexicales: dans criticize, la
règle d'amollissement n'est pas'transparenle': en effet,
le contexte qui la conditionne (la voyelle abstraite / /L://)
est modifié après son application, e1 n'apparait donc pas dansla forme dite de surface. Néanmoins, cette règle est indé-pendamment justifiée par des mots lels que crilicism, qui est une représentation lexicale dans laquelle la sortie de la règle
(/s/) et
son contexte (externe au segment affecré)co-existent (le phonème
/s/
est suivi de la voyelle hautequi a conditionné Ie changemenl). La règle d'abrègement
respecte égalemenl la Condition. En revanche, la règle de
Vowel Shitt ne
la
respecle pas. Cette règle obligatoire,ALTERNANCES VOCALIQUES EN
ANGLÀIS
I55telle
qu'elle est formulée dans 'SPE', est dépourvue decontexte externe aux segments affectés (voir Chomsky & Halle [1968
:
l87l)
:elle est erclue par la clause (A) de la Conditionsur
les règles, parce queles
entréeset
lessorties de la règle n'alternent jamais dans les
représenta-tions lericales. Nous reproduiso[s ci-dessous les entrées et les sorties en question :
L.
->
æ:(divine )e.
-)
t:(serene )æ'-)
e:(sane )R.appelons
que
les
alternances observéessont
lessuivantes :
oI,
r
dans divine, divinityL:,
e
dans serene sercnityeI, æ dans sane, sanity
Considérons à présent Ia façon dont Chomsky
&
Halle (1968 :233-34) analysent Ie couple de mots rrglrt ['rottl,righteous
l'rartJasl.
Ils postulent pourright
une formesous-jacente abstraite /
lrul/ /
(plutôt que //rü:t //),
avecune
continue
vélaire
symboliséepar
/ / x/ /,
afind'expliquer pourquoi
rig.trteousn'est pas
prononcê *['rUasl, En effet,rite
['rortl,
par exemple, dont la forme sous-jacente 'SPE'est
//rL l/ /,
alterne
avecritual
['rrtluail
: cette alternance s'explique par la règled'abrè-gement (Trisyllabic Laxing :
voir
plus haut), qui affecteune
voyelle
longuesuivie
de deur
syllabesdont
lapremière n'est pas accentuée. Si, dans le système 'SPE', ta
voyelle sous-jacente de riglh, était
//L://,
elle devrait su-bir cette même règle d'abrègement dans rrgâteous :.
rish,eous: :i:iïli
''r IJ asDans l'analyse 'SPE',
la
voyelle dela
forme abstraite/lrtxl//
est soumise à une règle adhoc
d'allongementavant la continue vélaire (V
-)
ÿZ-
x), pour subiren-suite les règles habituelles de Vowel
S/rft
etc... Une autretègle ad
hoc
devra effacer la vélaire avant uûe consonne(x
-)
A/-
C). En fait, Chomsky &, Halte (1968 :223-24) postulent que la continue vélaire
//x//
est également la source de tous les/h/
au niveau sous-jacent, et ceci dans le but de 'normaliser' le système. 11 leurfaut
donc poser156 JEAN-PHILIPPE WATBLED
aussi (p.224) une règle sans contexte
' x
--)
h. Ladéri-vation de right, dans I'analyse 'SPE', est la suivante :
right
:
rtxt'rlxt
(accentuation)'rt:xt
(allong. avant vélaire continue)'rarxt
(Vowel Sârf, etc...)'rôrt
(effact de//xl/
avant consonne)Concernant cette analyse, McCawley (1979
:
237) écrirceci (dans cette citation,
/rtxt/
équivaut à ce que nous nolons/lrul//)
:'Propositions of morphemic identity form most of the factual basis of arguments that generative phonologists have offered in support of specific analyses, for elample, the proposition that rrgâleous con-sists of rr6tâI plus a suffir is crucial to Chomsky & Halle's (1968 :
233-i4) ar8ument that right derives from underlyite /rLxl/.
However, little attention has been paid to the problem of lustifying
these morpheme identjfications and to distinguishing bet§/een them and other, clearly incorrect identifications 1...1'.
De toutes faÇons,
I'analyse'SPE'est
excluepar
laCondition
sur les
règles.
La règle
d'allongement(V
-,
ÿZ-
r)
violecette Condition
:il
n'existe en effetaucune représentat.ion lexicale dans laquelle
ÿ
et/xl
co-existent en surface. Quantà
la
règlex ---)
h, elle est également exclue dans la mesure où son contexte externeest nul, et où
il
n'existe pas d'alternance entre son entréeet
sa sortie dans Ies représentations finales contenant le morphème riSht.. En outre, la règle de VowelShift
de1'analyse 'SPE' est automatiquement exclue pour les mêmes raisons que celles qui ont été exposées plus haut.
Nous allons
à
présent examinerun
dernier exemple d'analyse de type'SPE'qui sera exclue par la Condition sur les règles. Pour comprendrela
démarche de Chomsky &Halle ( 1968
),
il
faut avoir en tête
leur
définition de'groupe fort' et 'groupe faible'
b.
29) :'A weak cluster rs a string consisting of a simple vocalic nucleus followed by no more than one consonant ; a strong cluster is a strlng consisting of either a vocalic nucleus folloc/ed by two or more con-sonants or a complel vocalic nucleus followed by any number of consonants'.
Pour I'accentuation des noms, Chomsky & Halle (çp. 44-5) proposenl le principe suivanl :
'To assign primary stress in these §/ords, we disregard the final
simple vocalic nucleus §/i1h the consonanls following it, and assign
primary stress to the penultimate syllable of the residue if its final
cluster is weak or to this final cluster i-f it is strong'.
ALTERNANCES VOCALIQUES EN
ANGLAIS
I57Or, l'accentuation de ellipse, eclipse, girafle constitue
une exception
à ce
principe: /t'llps/, /t'kltps/'
et/d3e'ræt/
(variante américaine pow giraffe). Pourré-soudre ce problème, les auteurs de 'SPE' postulent une
voyelle
finale
//e//
dansles
représentationssous-jacentes de ces morphèmes (pp. 45-8),
et
un
/ / t î //
céminé dans le cas de
giraffe,
afin de 'normaliser' leurschéma accentuel. La forme sous-jacente de
giralle
sera/ /gtrætte/
/.
La syllabe pénultième étant forte, elle reÇoitl'accent. Deur autres rèB,les sont nécessaires (pp. 45-6) :
(i)
effacement : e->
A/-#
( * = frontière de mot) ;
(ii)
dégémination (f f-,
f , dans le cas de girafÎe) En outre, l'amollissement des vélaires est censé
con-vertir / /gl
/
en /d3/. Ces mêmes règles permettent aussi deformer
courage
de la faÇon suivante (voir Chomsky &Halle [1968
:
a8, 235D :courage
:
koræge'koræge (accentuation)
'koræd3e (amollisst des vélaires) 'koræd3 (par effact de / /e/
/)
'krræd3 (ajustement)
'knrad3 (réduction vocaiique )
La règle d'ajustement qui convertit le / / o/
/
sous- jacent en/al
(règle de Rounding Adiustment [93a] p. 218)sti-pule qu'une voyelle qui a les
traits
[crround]et
[+b ackldevient [-uroundl si elle est [-tensel. La valeur [-tense]
constitue un contexte interne (voir §IV ci-dessus), et cette règle est donc dépourvue de contexle externe.
Les rèBles examinées ci-dessus sont-elles permises par
la
Condition ? La règle qui efface un//e//
linal a une sortie nulle,et
ne cause aucune alternance dans les re-présentations lexicales contenant les morphèmes concer-nés : elle est donc exclue. La règle de dégémination est enfait
une règle d'effacement également, comme l'admettentles auteurs (p. 46) :
'The first of t§/o identical consonants is deleted'.
Or, elle non plus ne produit aucune alternance dans les
représentations lexicales. Elle est donc exclue aussi. En ce
qui
concernela
règle d'ajustement(o ---,
n), elle est sans contexte externe,et ne
produit non plus aucunealternance entre son entrée
et
sasortie:elle
n'est pas davantage permise. Plutôt que de postuler des rè8les ad158 JEAN-PHILIPPE WATBLED
âoc que notre Condition sur les règles ne perrnet pas,
il
vaut mieux admeltre que le schéma accentuel de ellipse,
eclipse,
giralîe
échappeà
la
régularité exprimée plushaut. Quant à courage, sa première voyelle ne peut être que
/a/
et son segment final ne peut être que /d3/ dans lesformes sous-jacentes.
.
VI. Une solution concurrenteNous allons proposer
à
présent une solutionconcur-renle
pour les alternances vocaliques.Afin
de parer àd'éventuelles crit.iques,
il
faut préciser d'emblée que nousrejetons l'idée que toutes les règles lexicales doivent né-cessairement être des rèBles 'naturelles', c'est-à-dire des
règles phonétiquement conditionnées, motivées,
et
plau-sibles (voir Hyman [1975 : 138-851, Hooper 11976 : 133], et Stampe ll979D. Nous admettons les possibilités suivantes :- (i)
certaines règles lexicales sont phonétiquementarbitraires, i.e. non-naturelles ;
-
(ii)
la formulalion de certaines règles lexicales non-naturelles peut être complexe et inélégante.Nous proposons l'analyse suivante,
qui
respecte laCondition sur les règles
: la
règlede
Vowel Shilt et la règle d'abrèBement constituent une seuleet
même règle,qui s'applique dans le conlexte de la règle d'abrègement telle que celle-ci est formulée en phonologie de type 'SPE',
c'est-à-dire entre autres avant deux syllabes dont la
pre-mière est inaccentuée (voir Fudge 11984
:
2041et Durand11990
:
I 17l pour des détails) ; la règle unique réviséeproduil les changements suivants, pour ce
qui
est desvoyelles antérieures :
EI-) I
L._)
eeI-)
æLes formes sous-jacentes de djyine, serene, sane sont :
[[orvornl], [[sVrt:n]1, [[sernll.
Si aucune opération d'affixation n'est effectuée, aucune
règle lexicale n'affectera les voyelles de ces formes sous-jacentes, et on obtiendra les représentations lexicales sui-vantes après application des règles accentuelles :
/ dr'varn/, / se'rt'.n/, /'sem/ .
Si on ajoute le suffixe
-ity,
les règles accentuelles et larègle de Vowel S.ttrft telle que nous venons de la formuler vont produire les représentations lexicales suivantes :
/clr'vrnatr/, /sa'renatr/, /'sænatr/.
ALTERNANCES VOCALIQUES EN ANGLÀIS l5e
Il
faut préciser que la règle de VowelShiît
révisée,ainsi que
la
règle
d'amollissement des vélaires, nes'appliquent qu'au niveau
I,
dansle
module lexical,et
àdes formes qui ont la valeur
t-Ml
; en outre, la règle deVowel Shift, nous venons de le
voir,
s'appliqueunique-ment à des formes suffixées, et
le
principedu
Free Rideest
totalement
erclu.En effet, des
mots
tels
que nightingale,ivory,
avec/at/
dansla
syllabeantépénul-tième, ne sont pas suffixés et ne subissent pas la rè8le ;
quant à
mishtily
/'mattllt/,
par exemple, qui a aussi la diphtongue
/at/
dansla
syllabe aûtépénultième,il
estsuffixé au
niveau
II,
niveauoù
la
règle
n'est
plusapplicable.
Si l'on se reporte plus haut au problème de I'analyse
'SPE' de la diphtongue
/tt/,
on s'aperçoit que la Condition sur les rèBles nous obliSe à considérer que la forBes-ous-jacente de
boy,
par exemple, ne saurait être que [[Ucrll. Sll'on tient à relier
point
à punctual par une règle lexicale,on
pourra
toujoursintégrer une
sous-règledu
typecr
---) t
auVowel Sâifi pour rendre compte del'alter-nance. Par conséquent, dans la nouvelle analyse proposée
ici, la règle de Vowel
ShiÎt
n'affecte pas des formessous-jacentes telles que celles de boy, line eldeep, dont les voyelles ne subissent aucune règle lexicale segmentale :
boy : [[ocrll
->/'b)r/
'îine
: [[rarnll->
/'1am/ ' deeP : [[Ot:P]l->
/'dL',/ 'Quant
à
riSht,
sa
représentation sous-jacente est[[roltll,
et sa voyelle es1 préservée dans la représentat.ionlexicale de righteous, i.e.
/'ra:tJas/.
La confrontation des représentations lexicales/'rott/
et/'rattJas/
révèle qu'iln'y a pas alternance, de la même façon que dans le couple obese, obesity (voir plus haut), et
il
n'y a pas lieu depos-tuler
des formes
abstraitespour
expliquer
un
casd'invariance.
L'une des conséquences de cette analyse
est
que laforme sous-jacente
du
suffixe-ize
est [[orzll; la formesous-jacente
[[krrtrkll
va donc subir la règle d'amollissement des vélaires avant ce suffixe, bien que la voyelle sous-jacente de ce dernier soit basse. On pourrait donc
objecter que la règle d'amollissement est phonétiquement moins motivée (moins 'naturelle') dans
celte
nouvelle160 JEAN-PHILIPPE WATBLED
analyse que dans l'analyse'standard'. Cependant, cette objection n'est pas recevable, pour les raisons suivantes :
-
rien ne nous obligeà
penser queles'résidus'syn-chroniques d'anciennes règles post-lexicales sont
tou-jours régis par des règles 'naturelles', contrairemenl à ce
qui est présupposé dans la théorie 'SPE'
;
-
la règle d'amollissement des vélaires ne peut pas non plus, de toutes faÇons, être considérée comme 'naturelle', même dans un cadre 'ab strait', non-contraint:
q ue l'onsonge à la'distance'phonétique qui sépare le
/k/
final decritic
et le /s/
qui
précèdele
suffixe danscriticism
; l'importance du changement structural(k
-.-,
s) jette undoute sur la naturalité d'une telle règle (pour un point de
vue analogue dans des cadres théoriques différents, voir
Hooper [19761, Linell
Il979l, et
Sram pelt979l).
Comme 1'écrit Coldsmith (1990:
247) à propos de certe règte,'It is certainly not obvious that thc presence oî /s/ in fronr of /ù/ is
more natural and less costly in the underlying representation of an English word, as rule (l ), velar softening, proposes. ,(ing is not ob-viously more unwieldy than sjne [...]'"
Si le changement structural iui-même n'es1 pas naturel, on ne
voil
pas pourquoi tra règle devrait s'appliquer dansLrn contexte nalurel.
I1 exisle aussi en ang,lais des règles lexicales
qui
onlloutes les apparences des règies naturelles, sans i'ô1re. Un
exempJe est
la
règle de voisernent intervocalique de la racine -srsü clansresisl /rt'ztsl,/.
La forme sous-jacenLe {,sr [[srst]1, puisqu'on a consisl/kan'srst/.
Toutefois, la règle n'est pas üaturelle, dansla
mesure où les exemples de/s/
inlervocalique dans les représentations lexicales deI'anglais sont légion. Si on compare tre compr_rrtement de
-sisl
à celui de la racine -ceive dans receiye, conceive, an peLrt étre tenté, comme Kiparsky (1982:
153), de postuler une forme sous-jacente avec un / /k// inilial
pour -cerve. Cetle forme subira la règle d'amollissemen! des vélaires ;la
règle de voisernent étant ordonnée avant.I'amollis-sement, on expiiquera ainsi la différence enlre -ceive et
-sisr.
Cette analyseest
impossible dansnotre
cadre théorique, enverlu
du principe d'application des règles (voir §V). Rappelons que ce principe nous oblige à choisirle'parcours'le
plus direct en cas de cho.ix entre deuxsolutions. La racine
-ceive
ayanl un/sl
invariant dansles représentations lexicales,
on
n'est pasen droit
deposluler que la règle d'amollissement s'applique dans son cas,
le
principe d'application nous obligeantà
en faireALTERNANCES VOCALIQUES EN
ANGLAIS
I6I
l'économie. La règle de voisement devra par conséqueflt
être
considérée comme
ure rè8le
nofl-naturelled'application limitée à certains morphèmes.
Si on accepte l'idée que de nombreuses alternances soilt
régies par des règles lericales non-naturelles,
il
nous faut poser Ia question de la valeur erplicative d'une théorie.Il
est clair que les règles lexicales telles que nous les avonsrévisées n'expliquent pas les alternances : elles n'en §ont
qu'une formalisation qui obéit à la Condition générale im-posée à ces règles. La place nous manque pour
ar8umefl-ter ce dernier poiût : nolre hypothèse est que les rè8les lericatres syûchroniques n'ont pas de valeur explicatiYe quand elles ne sont pas naturelles et automatiques, et que, dans un tel cas, l'erplication est d'ordre diachronique.
Un autre point à souligner avant de conclure est le
§ui-vant, point qui n'est d'ailleurs pas sans relation avec le
précédent
:
nous ne pouvons souscrire au jugement deChomsky & Halle (1968
:49)
sur l'orthographe ;selon lesauteurs de 'SPE',
'1...1 Enelish orthography, despite its often cited inconsistencies, comes remarkably close to beiog ür optiÊal orthoBraphic system for
Engllsh.'
Nous avons
vu
plus haut que Chomsky & Halle (1968)postulent la représentation sous-jacenle / /1ffætle/
/
poutgiraîîe.
Cette forme évoque évidemment fortement lagraphie, Si l'on songe que
la
reprêsentation sous-jacente qu'ils postulent pour divine, //dtvL:n//,
correspond à la prononciation dela
période précédantle
Great
VovelShift, on comprend que
la
coincideûce que Chomsky & Halle croienttouver
entre l'orthographeet
les formes sous-jacentes abstraites n'est pasfortuite
:
ces formessous-jacentes non-contraintes ressemblent aux formes
historiques,
et
l'orthographe est bien davantageconser-vatrice qu'optimale
;elle
aussi,par
soû figement, nou§donne une image de I'histoire de Ia langue
:elle
est unreflet
non seulement de prononciations anciennes, mais aussi de systèmes anciens. La rencontre entre Braphies et formes abstraites dans une théorie non-containte était inéluctable,et
constitue probablement l'une des sourcesde la confusion fréquente entre phonologie générative êt phonographé m atiq ue.
VIL Conclusioo
Nous avons exposé les principes d'une variante du mo-dèle de
la
phonologie lexicale. Nous avons postulé unet62
JEAN-PHILIPPE ITATBLEDCondition unique sur les règles phonologiques (lericales
et
post-lexicales), destinée à conkaindre la Erammaire età limiter le nombre d'analyses possibles d'un ensemble de
données. Cette Condition est fortement motivée. Nous lui avons adjoint un principe d'économie dans l'application
des règles, principe qui permet de choisir en cas de
solu-tions
concurrentes,et
contraint égalementles
formessous-jacentes. Nous avons ensuite proposé une nouvelle
analyse
des
alternances vocaliquesqui
respecte laCondition formulée, ainsi que le principe d'application des
rêgles. Nous avons rejeté l'idée que toutes les règles
leri-cales doivent être naturelles, c'est-à-dire phonétiquement motivées. L'arbitraire de certaines de ces règles s'explique par l'histoire de la langue : les changements successifs et
graduels ont
fini
par rendre 'opaques' de nombreusesal-lernances. Le rejet des analyses de type 'SPE' va de pair avec l'accent mis sur f importance de la valeur erplicative
des considérations diachroniques, et sur le rôle primordial des représentations lericales, dont les représentations sous-jacenles
et
les règles lexicales ne sont qu'inférées. On a en effet défendu l'idée de la primauté des formes leri-cales stockées dansle
dictionnaire,en
envisageant lapossibiliré que les locuteurs mémorisent les mêmes repré-senlations lexicales, mais relient les formes
morphologi-quement
et
sémantiquement apparentées de façon moins uniforme e1 systématique que l'analyse 'SPE' ne Ie laisse supposer, sans que cela n'entraine de répercussions dra-matiques surle
plan théorique, dansla
mesure où, nous l'avons vu, la fonction des règles phonologiques lexicales n'est pas Bénérative eû cequi
concerne les représenta-tions lericales des mots stockés dans le dictionnaire.ALTERNANCES VOCALIQUES EN
ANGLAIS
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