• Aucun résultat trouvé

Analyse des incitations à la production de riz dans la zone de l'Office du Niger au Mali

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Analyse des incitations à la production de riz dans la zone de l'Office du Niger au Mali"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

Analyse des incitations à la production

de riz dans la zone de l'Of

fice du Niger au Mali

L

e riz est produit au Mali depuis des sie`cles, en particulier dans la valle´e du Niger. Premie`re production ce´re´alie`re du pays, le riz

est perc¸u comme la principale denre´e permettant a` la fois d’atteindre la se´curite´ alimentaire, d’ame´liorer les revenus des producteurs, et de

Résumé

Au Mali, le riz est l’objet d’une attention particulie`re en termes de politiques publiques. Les autorite´s encouragent sa production pour apporter un revenu aux producteurs, satisfaire la consommation nationale et faire du pays un exportateur net. Cependant, le riz local reste fortement concurrence´ par le riz importe´. Depuis les anne´es 2000, le gouvernement a pris des mesures re´pondant a` deux objectifs : maintenir des prix abordables pour les consommateurs et soutenir les producteurs pour dynamiser la production. Le gouvernement ne semble pas avoir atteint ces deux objectifs simultane´ment, comme le montre notre analyse des prix au producteur et au grossiste. Les producteurs ont en effet e´te´ pe´nalise´s a` partir de 2006, recevant des prix bas malgre´ le soutien qu’a repre´sente´ l’ « Initiative Riz » de`s 2008. Cela est duˆ a` une combinaison de facteurs incluant des mesures en faveur des importations lors de la crise alimentaire de 2008-2009, des rigidite´s structurelles entraıˆnant des couˆts de transport e´leve´s et une sure´valuation du franc CFA (F CFA). Le gouvernement, s’il veut faire du pays un exportateur net de riz, devra soutenir par des prix incitatifs une augmentation a` long terme de la production.

Mots cle´s : incitations ; Mali ; politiques ; prix ; riz.

The`mes : e´conomie et de´veloppement rural ; productions ve´ge´tales.

Abstract

Analysis of incentives to rice production in the area of the Office du Niger in Mali In Mali, rice is the object of special attention in terms of public policy. The authorities encourage its production to provide income to producers, meet the domestic demand, and turn the country into a net exporter. Still, imported rice competes with local rice on national markets. Since the 2000s, the government has been adopting measures aimed at two objectives: keeping prices affordable for consumers and providing support to producers to boost production. The government has not achieved these two objectives simultaneously, as our comparison of wholesale and producer prices shows. Producers were indeed discouraged from 2008, with low prices despite receiving apparent policy support through the ‘‘Rice Initiative’’ launched in 2008. This is due to a combination of factors including measures to promote imports following the food crisis of 2008-2009, structural rigidities leading to high transport costs, and an overvaluation of the CFA franc. In order to turn the country into a net exporter of rice, the government will need to support a long-term increase of rice production by providing better price incentives.

Key words: incentives; Mali; policies; price; rice; support. Subjects: economy and rural development; vegetal productions.

Jean Balie1

Alban Mas Aparisi1 Helène Gourichon1

Lamissa Diakite2 Fatoumata Diallo2

1Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) Viale delle Terme di Caracalla

00153 Rome Italie <Jean.Balie@fao.org> <Alban.MasAparisi@fao.org> <Helene.Gourichon@fao.org> 2IER BP 258 Rue Mohamed V Bamako Mali <diakite.lamissa@yahoo.fr> <bintason1985@yahoo.fr> doi:10.1684/agr.2013.0655

Pour citer cet article : Balié J, Mas Aparisi A, Gourichon H, Diakité L, Diallo F, 2013. Analyse des incitations à la production de riz dans la zone de l'Office du Niger au Mali. Cah Agric 22 : 353-60. doi :10.1684/agr.2013.0655

Tirés à part : J. Balié

(2)

satisfaire une demande urbaine crois-sante a` un prix raisonnable. Les re´centes crises des prix alimentaires ont de plus redonne´ vie au projet de faire du Mali non seulement un pays durablement autosuffisant en riz mais e´galement un exportateur, au moins pour l’Afrique de l’Ouest (Roy, 2010). Le riz est donc conside´re´ comme un produit strate´gique au Mali et fait l’objet d’une attention particulie`re en termes de politiques publiques. Cet article se propose d’e´clairer le de´bat sur la cohe´rence des politiques de soutien a` la production de riz dans la zone de l’Office du Niger, objet de toutes les attentions de la part des de´cideurs. A` cette fin, il s’appuie sur une analyse des incitations a` la pro-duction fournies par l’environnement politique, incitations a` la fois explicites (politiques de prix, de taux de change) et implicites (absence de politiques menant a` des inefficiences dans la filie`re ou a` des situations de rente, par exemple).

Analyse du contexte

et des décisions

de politique

La production de riz au Mali, ou` les petits producteurs sont majoritaires, montre une croissance rapide (figure 1), une tendance amorce´e dans les anne´es 1980 par de fortes interventions publiques. La produc-tion a plus que double´ pendant la pe´riode 2005-2010. Le riz est devenu en 2009 la premie`re production ce´re´a-lie`re du pays devant le mil (en volume). Cependant, cette augmenta-tion de la producaugmenta-tion n’a pas permis d’atteindre, loin s’en faut, l’objectif politique de faire du Mali un pays exportateur net de riz. Elle n’a pas non plus permis de satisfaire la demande inte´rieure croissante, quand bien meˆme le ratio d’autosuffisance a augmente´ de 77 a` 92 % sur cette pe´riode. Le recours a` l’importation est lie´ a` un changement des habitudes alimentaires qui se traduit par une consommation par personne plus importante, notamment en milieu urbain, plutoˆt qu’a` un de´clin relatif de la production (Lanc¸on, 2009). La hausse de la production est

condition-ne´e par une augmentation des rende-ments, elle-meˆme lie´e aux possibilite´s d’augmentation des superficies culti-vables avec une bonne maıˆtrise de l’eau.

La consommation annuelle par habi-tant a augmente´ de 11 a` 54 kg de 1961 a` 2007 selon les donne´es FAOSTAT, et le riz repre´sente actuellement 25 % de la consommation totale de ce´re´ales, contre moins de 10 % en 1961. Le riz est la deuxie`me ce´re´ale consomme´e apre`s le mil, et la troisie`me dans les zones rurales ou` une large part de la production de riz est autoconsomme´e. Les exportations demeurent quasi nulles (bien qu’une partie e´chappe aux douanes), alors que les importa-tions annuelles sont de 188 000 tonnes en moyenne sur la pe´riode 2005-2010 (figure 1). Le Mali applique le tarif exte´rieur commun (TEC) de l’Union e´conomique et mone´taire ouest-africaine (UEMOA), adopte´ en 2000. Ce tarif est de 12 % ad valorem sur les importations hors-UEMOA, et repre´-sente le plus bas tarif pour les importations de riz parmi les pays africains. Le Mali applique e´galement une taxe sur la valeur ajoute´e (TVA) mais celle-ci n’affecte que les produits importe´s en provenance du marche´ international. La TVA ope`re de facto comme une barrie`re tarifaire addition-nelle sur le riz importe´. Le

fonction-nement de la TVA, discriminatoire envers les produits importe´s, peut eˆtre attribue´ au faible de´veloppement du syste`me fiscal national qui ne permet pas d’enregistrer normalement les transactions sur les produits nationaux entre les producteurs et les grossistes. Il est e´galement possible que cette situation traduise une intervention de´libe´re´e, le syste`me et le niveau bas du TEC de l’UEMOA actuel permettant difficilement de prote´ger les produits nationaux de la concur-rence des produits importe´s. Deux ou trois importateurs assurent a` eux seuls au moins deux tiers des importations totales (Baris et Borgui, 2005). Les conditions requises pour des marche´s compe´titifs sont donc a priori loin d’eˆtre remplies. En 2008 et 2009, le gouvernement a e´galement effectue´ des ventes cible´es provenant des stocks nationaux, dans les zones d’inse´curite´ alimentaire.

C’est dans ce contexte que le gouver-nement malien a pris une se´rie de mesures sur la pe´riode d’e´tude 2005-2010, pour faire face aux conse´quen-ces conjoncturelles de la hausse des prix, d’une part, et pour atteindre son objectif structurel d’augmentation de la production nationale, d’autre part. Pour satisfaire les consommateurs, en particulier urbains, il a exone´re´ de taxes les importations de riz de

Milliers de tonnes 0 500 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 1 000 1 500 2 000 2 500 Production Importations

Figure 1. Production et importations de riz au Mali, en milliers de tonnes, entre 1990 et 2010. Figure 1. Rice production and imports in Mali in thousands of tons, between 1980 and 2010. Source : FAOSTAT.

(3)

mars 2008 a` de´cembre 2009 et impose´, jusqu’en 2012, un prix de vente plafonne´ aux grossistes et aux de´taillants. De meˆme, il a lance´ « l’Initiative Riz » en 2008 dont l’objec-tif premier e´tait de faire baisser les couˆts de production du riz pour offrir des prix plus bas aux consommateurs et pour augmenter la production. L’Initiative Riz comportait essentielle-ment des subventions aux engrais et aux semences, des facilite´s de cre´dit pour les e´quipements agricoles et d’acce`s a` des appuis conseils. Elle a e´te´ mise en œuvre jusqu’en 2010.

Méthode

La me´thodologie utilise´e est celle du programme de Suivi des politiques agricoles et alimentaires en Afrique (SPAAA) mis en œuvre par la FAO. Les incitations et pe´nalisations a` la pro-duction sont estime´es a` partir d’une de´composition et d’une comparaison entre les prix nationaux observe´s au niveau du producteur et du grossiste

et des prix de re´fe´rence (Krueger et al., 1988; Tsakok, 1990; Anderson, 2010). Ces prix de re´fe´rence sont obtenus a` partir du prix international ou re´gional du produit analyse´. Ce prix est converti en prix frontie`re en utilisant le taux de change si ne´cessaire. Il est alors appele´ prix e´talon. Il est ensuite ajuste´ pour tenir compte des diffe´rences de quantite´ et de qualite´ du produit, pour s’assurer que la compa-raison se fait entre des produits inter-nationaux et inter-nationaux identiques. L’ajout ou la soustraction des couˆts d’acce`s (transport, marges. . .) permet de transformer le prix e´talon en prix de re´fe´rence au grossiste et au pro-ducteur. Lafigure 2 offre une repre´-sentation visuelle de la me´thodologie employe´e, avec l’exemple d’un pro-duit d’importation. Le de´tail de la me´thodologie est pre´sente´ sur le site

www.fao.org/mafap.

Les prix de re´fe´rence refle`tent les prix que les producteurs pourraient obtenir en l’absence de politique nationale induisant des distorsions de prix. Si les prix observe´s sont plus e´leve´s que les prix de re´fe´rence, l’environnement

politique pratique un soutien aux producteurs ; tandis que s’ils sont moins e´leve´s, l’environnement poli-tique pe´nalise ces meˆmes producteurs. L’e´cart entre le prix de re´fe´rence et le prix observe´ permet de ge´ne´rer quatre indicateurs utilise´s pour l’analyse : i) taux nominal de protection observe´ (NRP, Nominal Rate of Protection) au niveau du producteur, qui correspond au ratio prix observe´/prix de re´fe´rence au niveau du producteur ; ii) NRP au niveau du grossiste, calcule´ de manie`re similaire ; iii) NRP ajuste´ au niveau du producteur ; et iv) NRP ajuste´ au niveau du grossiste.

Les NRP observe´s mesurent l’impact des politiques commerciales et des politiques ayant un effet sur les prix, les inefficiences dans la filie`re analy-se´e et tout autre facteur affectant les incitations a` la production au niveau du producteur et du grossiste. Ils permettent e´galement d’analyser la re´partition des incitations entre gros-sistes et producteurs. Les NRP ajuste´s correspondent a` un ajustement des NRP observe´s afin d’e´liminer les dis-torsions dans la filie`re re´sultant,

FRONTIÈRE Reste du monde GROSSISTE PRODUCTEUR DÉTAILLANT CONSOMMATEUR

Écart de prix = NRPo

1. Prix étalon de référence4. Prix

producteur 2. Prix frontière Prix observé Taux de change Coûts d’accès de la frontière au grossiste Coûts d’accès du grossiste au producteur 3. Prix de référence grossiste

Figure 2. Présentation simplifiée de la méthodologie utilisée pour le calcul des incitations, pour un produit importé. Figure 2. Simplified presentation of the methodology used to calculate incentives for an imported commodity. Source : les auteurs.

(4)

notamment, de marges excessives, frais illicites, couˆts de transaction ou couˆts de transport particulie`rement e´leve´s. Ils prennent e´galement en compte les aspects lie´s a` la sure´valua-tion ou la sous-e´valuasure´valua-tion des taux de change.

Dans le cas du Mali, les couˆts d’acce`s entre la frontie`re et le marche´ de gros de Bamako, conside´re´ comme le point de concurrence entre le riz local et le riz importe´, comprennent les couˆts de transport, les frais de manutention, d’inspection, de pe´age, des marges des importateurs ainsi que des taxes illicites. Les couˆts d’acce`s entre la zone de production de Niono et le marche´ de gros de Bamako repre´sentent les couˆts de transport, de manutention, de stockage ainsi que les taxes illicites entre Niono et Bamako. Afin de de´terminer les taux nominaux de

protection ajuste´s, ces couˆts excluent les taxes illicites, et les marges commerciales ont e´te´ re´duites pour refle´ter un fonctionnement plus effi-cace des filie`res. Lafigure 3sche´matise le circuit de commercialisation du riz de la zone Office du Niger. Le taux de change a e´galement e´te´ ajuste´ pour la pe´riode 2007-2010, afin de prendre en compte l’estimation selon laquelle le franc CFA est sure´value´ de 20 % ( Etta-Nkwellea et al., 2010).

Les prix aux grossistes et les prix aux producteurs pour la zone de Niono proviennent de l’Observatoire des marche´s agricoles (OMA). Le prix au producteur est une moyenne annuelle des prix sur le marche´ de Niono pour tous les types de riz. L’e´volution de ces prix sur la pe´riode e´tudie´e est de´crite dans le tableau 1. Par ailleurs, le riz local be´ne´ficie d’un prix plus e´leve´

que le riz importe´. Pour refle´ter cette pre´fe´rence des consommateurs pour le produit national, fonde´e sur son gouˆt et ses qualite´s culinaires, nous avons utilise´ un coefficient d’ajuste-ment de qualite´, calcule´ comme le ratio entre le prix du riz local et le prix du riz importe´.

Quelques limites a` nos travaux doivent eˆtre indique´es. Premie`rement, malgre´ nos efforts pour soumettre les donne´es collecte´es a` des experts locaux afin de minimiser les erreurs, des proble`mes de qualite´ des donne´es sont toujours possibles. Deuxie`mement, nos re´sul-tats sont base´s sur une seule zone de production locale au Mali (Niono). Bien que l’Office du Niger soit la principale zone de production du pays, d’autres re´gions pourraient rencontrer des incitations et pe´nalisations diffe´-rentes. Troisie`mement, nos

comparai-État

Producteurs (par exemple Niono)

Petits et gros collecteurs (zone de Ségou) Consommateur (Bamako) Détaillant (Bamako) Demi-grossiste (Bamako) Grossiste (Bamako) Associations villageoises Structures fédérales des coopératives Fournisseurs de services privés Fournisseurs de services privés Fournisseurs de services privés Fournisseurs d’intrants Battage du paddy

Épargne & crédit des coopératives de village

Décorticage

Transport

Transport

Office du Niger

Figure 3. Représentation simplifiée de la filière de commercialisation du riz de l'Office du Niger (zone Ségou). Figure 3. Simplified depiction of the rice marketing sector in Office du Niger (Ségou area).

(5)

sons sont e´tablies a` partir de moyennes annuelles, ce qui ne nous permet pas de repre´senter et d’expliquer les effets de la saisonnalite´ ou les variations de prix dues a` la qualite´. Enfin, l’analyse propose´e ici n’inte`gre pas les rapports de force entre le gouvernement et les diffe´rents acteurs de la filie`re riz qui de´terminent largement les choix poli-tiques. L’analyse met en relation une base quantitative (indicateurs) et une approche qualitative (l’environnement politique) pour expliquer, dans leur contexte, les effets des de´cisions gouvernementales La me´thodologie adopte´e permet seulement une estima-tion a posteriori de l’effet des politiques agricoles sur les prix rec¸us par les agents de la filie`re. En comple´ment, une analyse d’e´conomie politique per-mettrait de « de´terminer la manie`re dont les contraintes politiques – et l’he´te´roge´ne´ite´ des inte´reˆts – peuvent expliquer un choix de politiques diffe´-rant des politiques optimales, ainsi que leurs conse´quences e´conomiques » (Drazen, 2001).

Analyse

des incitations

à la production

Notre analyse a e´te´ mene´e en consi-de´rant le riz comme un produit

d’importation. Nous avons donc utilise´ le prix « couˆt, assurance et fret » (CAF) comme prix de re´fe´rence. Le Mali est un pays enclave´ et le prix CAF initial est de´termine´ au port d’Abidjan, principal point d’entre´e de la majorite´ des importations maliennes. Ce prix a e´te´ de´termine´ a` partir des statistiques disponibles aupre`s de l’International Grains Council.

La figure 4 pre´sente les taux NRP utilise´s pour l’analyse. Les donne´es obtenues re´ve`lent une situation ambi-gue¨ et une histoire complexe des politiques rizicoles au Mali. La pe´riode analyse´e (2005-2010) a e´te´ particulie`-rement turbulente a` partir de 2007, avec une remise en question des fondamentaux du marche´ et des prix, qui ont connu de fortes variations. Jusqu’en 2005, la saisonnalite´ de la production entraıˆnait des fluctuations de prix aux producteurs (figure 5). En 2005, est survenue une crise des prix, circonscrite au Mali, du fait d’une se´cheresse et d’une attaque de cri-quets qui ont limite´ l’approvisionne-ment du marche´ national en ce´re´ales pluviales. Le gouvernement a alors exempte´ de taxes, l’importation de 100 000 tonnes de riz, de´clenchant des spe´culations sur la pe´nurie et les prix. La crise a eu pour conse´quence une augmentation tre`s importante des prix au niveau du producteur et du consommateur. Les prix sont reste´s e´leve´s pendant la seconde moitie´ de l’anne´e, et ont ensuite rapidement

de´cline´ du fait des importations faci-lite´es par l’E´tat. Cette crise a montre´ que la volatilite´ des prix peut eˆtre plus e´leve´e sur les marche´s nationaux que sur les marche´s internationaux, et eˆtre de´connecte´e de ces derniers (HLPE, 2011).

Les interventions du gouvernement en 2005 auraient the´oriquement duˆ entraıˆner une augmentation de la protection des producteurs et des grossistes. En fait, en 2005, on note une le´ge`re augmentation de l’indice de protection pour les producteurs (+ 3 %) et une tre`s le´ge`re baisse pour les grossistes (- 1 %). Le prix rec¸u par les producteurs est au-dessus du prix de re´fe´rence, du fait d’un pic de prix de la plupart des produits agricoles au Mali cette anne´e-la`. Les de´cisions politiques ont donc permis de soutenir le´ge`rement les producteurs tout en mode´rant le pic des prix pendant la pe´nurie de ce´re´ales.

En 2006 et 2007, en revanche, sans nouvelles de´cisions politiques majeu-res ni sur le plan commercial ni sur le plan du soutien a` la production, on note des pe´nalisations grandissantes avec des e´carts de prix croissants entre producteurs et grossistes.

A` partir de fin 2007 et en 2008, la flambe´e des prix alimentaires sur le marche´ international a entraıˆne´ un nouveau pic de prix. Les politiques protectionnistes en place n’e´taient plus ne´cessaires pour soutenir un prix national e´leve´. Par conse´quent, elles

Tableau 1.

Prix frontière, grossiste et producteur pour le riz au Mali, 2005-2010 (F CFA/kg).

Table 1. Border, wholesale, and producer prices for rice in Mali, 2005-2010 (F CFA/kg).

Note 2005 2006 2007 2008 2009 2010

Prixetalon Prix CAF Riz

RM40* Thaïlande ajuste avec le transport maritime, le fret et converti

178 186 185 312 258 276

Prix grossiste Marche de gros

de Niarela, Bamako. Riz local (tout type)

267 262 263 327 326 293

Prix producteur Marche de gros

de Niono, region de Segou. Riz local (tout type)

236 223 223 291 277 242

*CAF Riz RM40 : le prix coût, assurance et fret représente les coûts nécessaires à l'acheminement du riz de type RM40 (riz marchand à 40 % de brisures) d'Abidjan jusqu'à la frontière malienne.

(6)

ont e´te´ suspendues et comple´te´es par des politiques de soutien a` la consom-mation et au pouvoir d’achat des me´nages : ventes a` bas prix par le gouvernement, distributions gratuites de produits alimentaires, importations subventionne´es. Il semble donc logi-que de s’attendre a` des pe´nalisations au niveau des producteurs. Nos re´sultats confirment que les mesures adopte´es par le gouvernement ont contribue´ a` maintenir des prix plus bas que les prix de re´fe´rence et a` pe´naliser les producteurs qui auraient duˆ recevoir des prix plus hauts si la transmission des prix du marche´ inter-national vers les exploitations agricoles avait fonctionne´ efficacement.

D’apre`s Diakite´ et Kone´ (2010), les exone´rations accorde´es a` l’importa-tion du riz ont donne´ lieu a` deux effets ne´gatifs majeurs : i) un manque de ciblage de la baisse des prix a` l’importation, se traduisant

principa-lement par l’augmentation des marges des quelques grands importateurs avec un effet marginal sur les prix a` la consommation ; ii) un obstacle supple´mentaire a` la substitution de l’offre des produits importe´s par des produits locaux.

A` partir de 2007, on constate (figure 4) une forte divergence entre les NRP observe´s et les NRP ajuste´s, indiquant des pe´nalisations bien plus importan-tes (rappelons aussi qu’a` partir de 2007, nous conside´rons dans l’analyse une sure´valuation du franc CFA par rapport a` l’euro a` hauteur de 20 %). Cela montre l’effet de la sure´valuation du taux de change officiel qui est certes un facteur de protection pour le consommateur mais est aussi un facteur de pe´nalisation important pour les producteurs. Toutefois, la sure´va-luation du taux de change est une de´cision politique de nature particu-lie`re, impliquant, a` coˆte´ du

gouverne-ment malien, l’UEMOA, le Tre´sor franc¸ais et l’Union europe´enne, puisque le franc CFA est rattache´ a` l’euro.

Au de´but 2009, les prix du riz importe´ ont baisse´, entraıˆnant une baisse du prix du riz local avec un certain de´calage (figure 5). Cette baisse peut eˆtre interpre´te´e comme le re´sultat des mesures adopte´es dans le contexte de l’Initiative Riz et des exemptions de taxes. On pouvait alors s’attendre a` l’apparition d’une protection des pro-ducteurs ou du moins a` une atte´nua-tion des pe´nalisaatte´nua-tions. Nos re´sultats indiquent une re´gression du niveau des pe´nalisations en 2009 par rapport a` 2008. Toutefois, les pe´nalisations restent significatives et plus importan-tes qu’en 2007, 2006 et a fortiori 2005 (figure 4). Par ailleurs, combine´es, les subventions aux intrants ont repre´-sente´ en 2009, 3 300 F CFA par tonne de riz alors que les pe´nalisations

2005 - 50 % - 40 % - 30 % - 20 % - 10 % 0 % 10 % 2010 2009 2008 2007 2006

Taux nominal de protection observé au niveau du grossiste Taux nominal de protection ajusté au niveau du grossiste Taux nominal de protection observé au niveau du producteur Taux nominal de protection ajusté au niveau du producteur

Figure 4. Taux nominaux de protection (NRP) observés et ajustés du riz au niveau du grossiste et du producteur, au Mali, pour la période 2005-2010. Figure 4. Nominal Rate of Protection (NRP) (%) for rice at wholesale and producer levels in Mali (2005-2010).

(7)

observe´es sont environ de 39 000 F CFA par tonne, c’est-a`-dire un NRP observe´ de - 12 % au niveau des producteurs. On peut conclure que le soutien fourni via ces mesures n’a pas suffi a` combler l’e´cart de prix. Les couˆts d’acce`s e´leve´s dans la filie`re ont renforce´ les pe´nalisations rencontre´es par les producteurs maliens en 2007, 2008 et 2009 (Diallo et al., 2010). En 2010, alors que les mesures de l’Initiative riz e´taient reconduites, la pe´nalisation observe´e des produc-teurs (- 32 %) et des grossistes (- 27 %) s’est accentue´e par rapport a` 2009 (figure 4). Ce constat est d’autant plus surprenant qu’a` partir

de 2008, un certain nombre de pro-ducteurs se sont entendus pour ne plus « brader leur riz », et faire front face aux grossistes qui leur offraient des prix juge´s trop bas. Il semble que ce front n’ait pas e´te´ efficace.

De manie`re ge´ne´rale, les pe´nalisations aux producteurs ont augmente´ de 2005 a` 2010, avec des prix nationaux obser-ve´s stables tandis que les prix inter-nationaux augmentaient fortement. On constate e´galement que, sur la pe´riode e´tudie´e, l’ensemble des couˆts d’acce`s (transport, stockage, manuten-tion, marges commerciales, taxes illi-cites, etc.) entre le producteur et le marche´ de gros, se traduisent par une

pe´nalisation supple´mentaire des pro-ducteurs. Les couˆts d’acce`s apparais-sent plus e´leve´s que ce qu’ils auraient duˆ eˆtre si le fonctionnement de la filie`re avait e´te´ efficace : la pe´nalisa-tion rele`ve essentiellement des taxes illicites et des marges excessives des grossistes. Il apparaıˆt donc que le manque de de´veloppement de la filie`re (y compris en termes de concur-rence entre grossistes ou dans le transport), associe´ a` des pre´le`vements ille´gaux le long des corridors commer-ciaux, a empeˆche´ les producteurs d’obtenir de meilleurs prix.

Conclusion

Les politiques de court terme desti-ne´es a` faire baisser les prix aux consommateurs depuis 2005 n’attei-gnent que partiellement cet objectif, tout en contribuant a` maintenir a` la baisse les prix aux producteurs. Nous montrons ainsi que les produc-teurs ont perc¸u entre 2006 et 2010 des prix plus faibles que ceux du marche´ international, et de ce fait n’ont probablement pas pu entrepren-dre les investissements ne´cessaires pour accroıˆtre la production. Un tel effet de´courageant menace la produc-tion sur le moyen et long terme, va a` l’encontre de la volonte´ politique de faire du pays un exportateur net de riz, et risque de rendre inope´rantes les politiques de subventions aux intrants qui pe`sent pourtant sur le budget national.

En outre, le Mali est un pays enclave´ ou` les couˆts d’acce`s depuis les ports jusqu’aux marche´s nationaux sont particulie`rement e´leve´s. Ils renche´ris-sent la facture des importations et, bien qu’ils agissent comme une pro-tection, ils ne permettent pas aux producteurs de be´ne´ficier d’une bonne et rapide transmission des signaux de prix en provenance du marche´ international comme on a pu le voir entre 2007 et 2009. Ces couˆts d’acce`s constituent donc des e´le´ments qui rigidifient la filie`re et retardent les e´volutions et les re´organisations struc-turelles souhaitables.

Notre analyse montre, comme celle de

Lanc¸on et Benz (2007), que l’appre´-ciation de l’euro par rapport au dollar tend a` augmenter la compe´titivite´ des importations de riz asiatique 2000 0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500 2000 2001 2001 2002 2002 2003 2004 2004 2005 2005 2006 2007 2007 200 8 2008 2009 200 9 2010 2011 2011

Prix producteur Niono (FCFA/Kg)

Prix consommateur Ségou (FCFA/Kg)

Prix consommateur marché de Niaréla Bamako (FCFA/Kg) Prix riz importé (RM40) marché de Niaréla Bamako (FCFA/Kg)

Figure 5. Évolution des prix au producteur et au consommateur à Bamako et dans la zone de l'Office du Niger de janvier 2000 à octobre 2011.

Figure 5. Price trends at producer and consumer levels in Bamako and in the Office du Niger area between January 2000 and October 2011.

(8)

exprime´es en dollars. La sure´valuation du franc CFA est ainsi porteuse de menaces pour le de´veloppement de la production agricole au Mali. Cependant, cette sure´valuation a atte´-nue´ l’effet des re´centes flambe´es des prix internationaux du riz, et aussi de ceux de beaucoup d’autres pro-duits, y compris de l’e´nergie.

Pour devenir un pays exportateur net de riz, le Mali devra augmenter sa production et donc fournir de meilleures incitations aux produc-teurs, en particulier quand les prix sont e´leve´s sur le marche´ international ou re´gional. Pour ce faire, le gouver-nement malien devra renforcer les infrastructures de stockage et de transport, et limiter le pouvoir des importateurs et grossistes qui rigidi-fient les prix au de´triment des pro-ducteurs. Une meilleure information des producteurs sur les prix semble e´galement ne´cessaire. Enfin, une plus grande transparence sur les choix politiques et leurs effets permettrait aux producteurs et a` leurs organisa-tions de mieux ajuster leur plaidoyer, dans un environnement politique qui leur semble peu favorable au vu des pe´nalisations mesure´es.&

Références

Anderson K, 2010. Krueger/Schiff/Valdés Revisi-ted : Agricultural Price and Trade Policy Reform in Developing Countries Since 1960. Applied Econo-mic Perspectives and Policy 32 : 195-231. doi: 10.1093/aepp/ppq005.

Balié J, 2004. Identification des opportunités d'investissement dans la zone de l'Office du Niger au Mali. Programme régional pour la sécurité alimentaire de l'UEMOA. Division du centre d'inves-tissement. Rome : FAO.

Baris P, Borgui Y, 2005. Pour une approche renouvelée des investissements de l'AFD en matière de développement agricole. Volet 1 : analyse rétrospective. Étude de cas Mali. Paris : Agence française de développement, Paris.www. hubrural.org/IMG/pdf/afd_impact_etude_mali.pdf Diakité L, Koné B, 2010. Étude des effets de la crise alimentaire et des réformes commerciales sur les incitations à la production, la performance des marchés et les perspectives de sécurité alimentaire en Afrique de l'Ouest. Accra : FAO Regional Office.

Diallo BC, Dembélé NN, Staatz J, 2010. Analyse des prix de parité en Afrique de l'Ouest : Le cas du riz depuis la crise de 2007-2008. Rapport de synthèse provisoire. Atelier régional de validation de l'étude sur les prix de parité du riz en Afrique de l'Ouest, Michigan State University, East Lansing. http://purl.umn.edu/57243

Drazen A, 2001. Political economy in Macro-economics. Princeton : Princeton University Press. Etta-Nkwellea M, Jeong JG, Fanara P, 2010. Misalignment of the real exchange rate in the

African Financial Community (CFA zone) and its policy implications. Applied Financial Economics 20 : 1205-15. doi: 10.1080/09603101003800826.

HLPE - High Level Panel of Experts, 2011. Price volatility and food security. A report by the High Level Panel of Experts on Food Security and Nutrition of the Committee on World Food Security. Rome : HLPE. http://www.fao.org/ fileadmin/user_upload/hlpe/hlpe_documents/HLPE-price-volatility-and-food-security-report-July-2011. pdf

Krueger A, Schiff M, Valdés A, 1988. Agricultural incentives in developing countries : measuring the effect of sectoral and economy wide policies. The World Bank Economic Review 2 : 255-71. doi: 10.1093/wber/2.3.255.

Lançon F, 2009. Politique rizicole et sécurisation alimentaire en Afrique de l'Ouest. Troisièmes journées de recherche en science sociale Inra-SFER-Corad. Montpellier : Cirad.www.sfer.asso. fr/content/download/2975/27253/version/1/file/ B1%20-%20LANÇON.pdf

Lançon F, Benz HD, 2007. Rice imports in West Africa : trade regimes and food policy formula-tion. 106th seminar of the EAAE, Pro-poor development in low income countries : Food, agriculture, trade, and environment. Montpellier : Cirad.

Roy A, 2010. L'initiative riz au Mali : une réponse politique à l'insécurité alimentaire. Politique Afri-caine ; 87-106. doi: 10.3917/polaf.119.0087.

Tsakok I, 1990. Agricultural price policy : a practitioner's guide to partial-equilibrium. New York : Cornell University Press.

Figure

Figure 1. Production et importations de riz au Mali, en milliers de tonnes, entre 1990 et 2010
Figure 2. Présentation simplifiée de la méthodologie utilisée pour le calcul des incitations, pour un produit importé
Figure 3. Représentation simplifiée de la filière de commercialisation du riz de l'Office du Niger (zone Ségou)
Tableau 1. Prix frontière, grossiste et producteur pour le riz au Mali, 2005-2010 (F CFA/kg).
+3

Références

Documents relatifs

Les différentiels de prix entre stades de gros à St Pierre et de détail à St Denis sont contrastés selon le circuit1marché forain ou grande distribution.. Le marché forain

Quand la solidarité est acceptée, certains agriculteurs estiment que le coût des intrants est trop élevé ; ils réagissent soit en arrêtant de produire du coton pour s'investir dans

Ceci dans le but d’évaluer le niveau de connaissance des producteurs sur la contamination du riz par les mycotoxines, sur la consommation des grains moisis et la durée de

augmentation des cultures vivrières, sont généralement coûteuses dans la mesure où la diversification prive les producteurs des gains de la spécialisation, et où

Ce suivi consiste à (i) repérer des parcelles où des cotonniers ont été écimés, (ii) questionner leurs propriétaires, (iii) relever quelques caractéristiques de chaque

On observe ainsi un effet antagoniste entre les facteurs individuels (dotations) et l’environnement (enclavement) dans le cas de Bealanana : ce sont les producteurs dont l’accès

Type P-C : des producteurs peu investis dans la culture de l’ananas Dans ce type de relation, les producteurs sont des adhérents aux OP qui ne souhaitent pas perdre

Ces transactions ne se déroulent pas uni- quement entre paysans et paysans, ou entre paysans et agents de l’ON. Elles mettent parfois directement en relation les paysans et