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Le délit d'initié, un exemple paradigmatique du cumul de sanctions pénales et administratives en droit financier

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Le délit d'initié, un exemple paradigmatique du cumul de sanctions pénales et administratives en droit financier

Auteur : Goffin, Edouard Promoteur(s) : Thirion, Nicolas

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en droit à finalité spécialisée en droit pénal (aspects belges, européens et internationaux) Année académique : 2018-2019

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/6853

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Département  de  Droit  

Le délit d’initié, un exemple paradigmatique du cumul de

sanctions pénales et administratives en droit financier

Edouard G

OFFIN

Travail de fin d’études

Master en droit à finalité spécialisée en droit pénal

Année académique 2018-2019

Recherche menée sous la direction de : Monsieur Nicolas THIRION

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RÉSUMÉ

La présente étude aborde dans un premier temps les éléments constitutifs du principe

non bis in idem tels que dégagés par la jurisprudence des juridictions européennes. L’on en

dénombre quatre : (i) la nature répressive des procédures ; (ii) la nécessité d’une décision coulée en force de chose jugée ; (iii) l’impossible dualité de poursuites et de condamnations (bis) et (iv) l’identité de faits (idem).

La seconde partie de notre contribution consiste en une étude du délit d’initié sensu

stricto ; de ses éléments constitutifs et du système répressif qui l’entoure. Cet examen fera

apparaître un double corps de règle, pénal et administratif, cristallisé dans la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, d’une part, et dans le Règlement européen sur les abus de marché du 16 avril 2014, d’autre part.

Dans les dernières lignes de notre travail, nous tentons de déterminer si le délit d’initié constitue, ou non, un exemple paradigmatique de la problématique du cumul de sanctions pénales et administratives en droit financier, notamment au regard des récents développements législatifs et jurisprudentiels.

A cet égard, l’on constate que la jurisprudence des juridictions européennes a singulièrement évolué, partant du principe de non-cumul pour aboutir à un principe de cumul tempéré.

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REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier le Professeur Nicolas Thirion pour sa disponibilité durant la préparation de ce travail et pour ses précieux conseils.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ... 9

I. LE CUMUL DES SANCTIONS : LE PRINCIPE NON BIS IN IDEM ... 10

1. Position du problème ... 10

2. Le principe non bis in idem : éléments constitutifs ... 11

i. Nature répressive des procédures ... 11

ii. Nécessité d’une décision coulée en force de chose jugée ... 13

iii. Impossible dualité de poursuites et de condamnations (« bis ») ... 14

iv. Identité de faits (« idem ») ... 15

II. LE DELIT D’INITIE, UN EXEMPLE PARADIGMATIQUE DU CUMUL DES SANCTIONS EN DROIT FINANCIER ... 17

1. Le délit d’initié ... 18

i. Notions ... 18

ii. Eléments constitutifs ... 19

a. L’information privilégiée, pierre angulaire du délit d’initié ... 19

b. Les initiés ... 21

c. Les comportements interdits ... 22

2. La répression d’un délit d’initié, une dualité conforme au principe non bis in idem ? ... 24

i. La répression du délit d’initié sensu stricto ... 25

ii. Le délit d’initié, un régime bicéphale conforme au principe non bis in idem ? ... 26

iii. La jurisprudence récente de la C.J.U.E. ... 31

CONCLUSION ... 34

BIBLIOGRAPHIE ... 36

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INTRODUCTION

Appliqué sous la République romaine, repris dans le Corpus Iuris Civilis de Justinien, consolidé par les Lumières, le principe non bis in idem figure aujourd’hui au rang de principe de droit international coutumier.

Selon cette maxime, nul ne peut être poursuivi et, a fortiori, condamné une nouvelle fois à raison de faits déjà jugés de façon définitive.

Son application semble une évidence à tout juriste soucieux de la protection des libertés individuelles face aux arsenaux juridques étatiques.

Pourtant, le développement des procédures administratives, censées faciliter l’examen des comportements illicites en évitant les longs parcours judiciaires, paraît susceptible de remettre en cause cet adage lorsqu’elles sont cumulées aux procédures pénales.

Pour tenter de répondre à cette question, nous envisagerons successivement les différents éléments constitutifs du principe non bis in idem tels que dégagés par les juridictions européennes.

Nous aborderons, ensuite, la mise en œuvre de ce principe en droit financier au regard des dispositions législatives et répressives belges avant d’envisager les récents développements jurisprudentiels en cette matière.

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I. LE CUMUL DES SANCTIONS : LE PRINCIPE NON BIS IN IDEM

1. Position du problème

Le principe non bis in idem constitue le fondement de l’autorité de chose jugée en matière pénale. Selon cet adage, « nul ne peut être poursuivi et sanctionné à raison de faits déjà̀ jugés de façon définitive »1.

Connu depuis l’Antiquité, ce principe est aujourd’hui consacré par différents instruments juridiques.

Ainsi l’article 4 du Protocole n°7 à la Convention de sauvegarde des droits de l’Homme dispose-t-il que : « Nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par les juridictions du même Etat en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de cet Etat ».

L’article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit quant à lui que : « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné dans l’Union par un jugement pénal définitif conformément à la loi ».

L’article 54 de la Convention d’application de l’accord de Schengen dispose à son tour que : « Une personne qui a été définitivement jugée par une Partie Contractante ne peut, pour les mêmes faits, être poursuivie par une autre Partie Contractante, à condition que, en cas de condamnation, la sanction ait été subie ou soit actuellement en cours d’exécution ou ne puisse plus être exécutée selon les lois de la Partie Contractante de condamnation ».

Enfin, l’article 14, §7 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques énonce que : « Nul ne peut être poursuivi ou puni en raison d'une infraction pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un jugement définitif conformément à la loi et à la procédure pénale de chaque pays ».

L’examen du principe non bis in idem transcende la dimension théorétique et présente un véritable intérêt pratique en ce qu’il constitue l’un des principes les plus fondamentaux des systèmes juridiques modernes.

1 K. DECKERT, « Ne bis in idem : la C.J.U.E admet le cumul de poursuites et de sanctions pénales et

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Dans un ordre juridique chaque jour plus complexe et qui voit naître, en dehors des cours et tribunaux, de nouveaux gardiens du respect des normes, le principe non bis in idem place l’individu au centre du dispositif.

C’est de cette place prépondérante donnée au justiciable dont il sera question dans la présente étude, au-delà des artifices juridiques susceptibles de conduire à une double condamnation.

2. Le principe non bis in idem : éléments constitutifs

Une parfaite maîtrise du principe appelle une étude méthodique de ses éléments constitutifs. C’est à cette analyse que se livre la présente section.

i. Nature répressive des procédures

L’adage non bis in idem consacre une véritable autorité de chose jugée en matière pénale2. La nature répressive des procédures et sanctions envisagées constitue donc l’un des piliers de ce principe qui ne trouve à s’appliquer qu’en cette matière.

Le praticien se heurtera toutefois rapidement à une première difficulté : celle de l’appréciation objective de ce caractère répressif.

C’est dans ce contexte que la Cour européenne des droits de l’Homme, appelée à se prononcer sur l’étendue de l’article 6 de la Convention, établira pour la première fois, dans un arrêt Engel du 8 juin 1976, les critères qui serviront de canevas à l’appréciation de la nature pénaled’une sanction déterminée3.

Le premier de ces critères renvoie à la qualification de la sanction dans le droit de l’Etat concerné. Pour la Cour de Strasbourg, « il importe d’abord de savoir si le ou les textes définissant l’infraction incriminée appartiennent, d’après la technique juridique de l’Etat défendeur, au droit pénal, au droit disciplinaire ou aux deux à la fois »4.

Ce critère n’a, selon la Cour, « qu’une valeur formelle et relative ». Cette vision est confirmée dans l’arrêt Öztürk c. Allemagne du 21 février 1984 dans lequel la Cour pose le principe de « l’autonomie de la notion de matière pénale telle que la conçoit l’article 6 »5.

2 O.MICHIELS, Manuel de procédure pénale, 5e ed., Liège, Presses Universitaires ULg, 2016-2017, p. 307 3 A.LECOCQ, « Principe non bis in idem : vers l’esquisse d’une standardisation de l’Una Via procédural -

expériences belges et françaises », RPS-TRV, 2016-II, p. 650.

4 Cour eur. D.H. (GC), arrêt Engel e.a. c. Pays-Bas, 8 juin 1976, Req. 5100/71, point 82. 5 Cour eur. D.H., arrêt Öztürk c. Allemagne, 21 février 1984, Req. 8544/79, point 50

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Le second critère ''Engel'' tient en la nature de la règle, ses destinataires et son objectif. Dans l’arrêt Öztürk, la Cour précise : « Selon le sens ordinaire des termes, relèvent en général du droit pénal les infractions dont les auteurs s’exposent à des peines destinées notamment à exercer un effet dissuasif et qui consistent d’habitude en des mesures privatives de liberté et en des amendes. [...] Le caractère général de la norme et le but, à la fois préventif et répressif, de la sanction suffisent à établir, au regard de l’article 6 de la Convention, la nature pénale de l’infraction litigieuse »6.

Enfin, le troisième critère — qui est aussi le plus important — se rapporte au degré de sévérité de la peine encourue. Considérant que la sanction pénale revêt nécessairement un caractère sanctionnateur, la Cour estime que « ressortissent à la ‘matière pénale’ les privations de liberté susceptibles d’être infligées à titre répressif, hormis celles qui par leur nature, leur durée ou leurs modalités d’exécution ne sauraient causer un préjudice important »7.

« C’est en se fondant sur ces critères que la Cour recherchera si les requérants, ou certains d’entre eux, ont fait l’objet d’une ''accusation en matière pénale'' au sens de l’article 6, §1er ».8

Les deuxième et troisième critères ne sont pas cumulatifs. Selon la Cour de Strasbourg, « il suffit que l’infraction en cause soit, par nature, pénale ou ait exposé l’intéressé à une sanction qui, par sa nature, ressortit en général à la matière pénale »9.

La jurisprudence de la Cour a été définitivement consacrée par l’arrêt Zolotoukhine c.

Russie du 10 février 2009 rendu en Grande Chambre de la C.E.D.H. : « selon la jurisprudence

constante de la Cour, l’existence ou non d’une ‘accusation en matière pénale’ doit s’apprécier sur la base de trois critères, que l'on désigne couramment sous le nom de ‘critères Engel’»10.

La possible requalification d’une sanction administrative ou disciplinaire en ‘sanction à caractère répressif’ constitue un enjeu majeur pour l’application du principe non

bis in idem et sa mise en œuvre en droit financier.

En effet, s’il semble peu probable que les juridictions répressives d’un même Etat se saisissent, par deux fois, de faits identiques ayant donné lieu à une première décision définitive, il n’est pas rare qu’un même comportement fasse l’objet de poursuites pénales et administratives.

6 Cour eur. D.H., arrêt Öztürk c. Allemagne, 21 février 1984, Req. 8544/79, point 53. 7 Cour eur. D.H. (GC), arrêt Engel e.a. c. Pays-Bas, 8 juin 1976, Req. 5100/71, point 82. 8 Ibidem, point 83.

9 Cour eur. D.H. (GC), arrêt Jussila c. Finlande, 22 novembre 2006, Req. 73053/01, point 31. 10 Cour eur. D.H. (GC), arrêt Zolotoukhine c. Russie, 10 février 2009, Req. 14939/03, point 53.

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C’est précisément dans le cadre de la détermination de la nature pénale ou non d’une sanction infligée par une autorité administrative que ces critères Engel déploient tous leurs effets.

ii. Nécessité d’une décision coulée en force de chose jugée

L’adage ne trouvera à s’appliquer que lorsqu’il existe une première décision coulée en

force de chose jugée. La Cour de Strasbourg précise à ce sujet qu’une décision est définitive « lorsqu’elle n’est pas susceptible de voies de recours ordinaires ou que les parties ont épuisé

ces voies ou laissé passer les délais sans les exercer »11.

Le principe non bis in idem s’oppose donc à ce que de nouvelles poursuites pénales soient engagées après une décision de condamnation ou d’acquittement. A contrario, une décision de classement sans suite n’empêche pas une réouverture ultérieure du dossier et, de

facto, une nouvelle décision12.

La Cour de Justice de l’Union européenne fut également amenée à se prononcer sur l’exigence d’une décision coulée en force de chose jugée, dans le cadre d’un recours relatif aux conséquences d’une transaction pénale.

Dans un arrêt Gözütok et Brügge du 11 février 2003, la C.J.U.E. expose que « lorsque, à la suite d’une procédure telle que celle en cause dans les affaires au principal, l’action publique est définitivement éteinte, la personne concernée doit être considérée comme ayant été définitivement jugée [...]. En outre, une fois les obligations à charge du prévenu exécutées, la sanction que comporte la procédure d’extinction de l’action publique doit être considérée comme ayant été ‘subie’, au sens de cette même disposition »1314.

Cette interprétation sera confirmée par la C.J.U.E. dans l’affaire Turansky15, duquel naquirent les trois ‘critères Turansky’ relatifs à l’appréciation du caractère définitif d’une sanction16:

11 Cour eur. D.H., arrêt Nikitin c. Russie, 15 décembre 2004, Req. 50178/99, point 37.

12 A.JACOBS, « L’autorité de la chose jugée en matière pénale » in Les dossiers du J.J.P, Bruges, la Charte,

2010, p. 304.

13 C.J.U.E., 11 février 2003 (Gözütok et Brügge), C-187/01 et C-385/01, Rec. C.J.U.E., p. I-1345, point 30. 14 A.LECOCQ, « Principe non bis in idem : vers l’esquisse d’une standardisation de l’Una Via procédural -

expériences belges et françaises », RPS-TRV, 2016-II, p. 652.

15 C.J.U.E., 22 décembre 2008 (Turansky), C-491/07.

16 A.LECOCQ, « Principe non bis in idem : vers l’esquisse d’une standardisation de l’Una Via procédural -

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« Afin d’apprécier si une décision est ‘définitive’ au sens de l’article 54 de la la Convention d’application de l’accord de Schengen, il convient à titre liminaire de vérifier [...] que le droit national de l’État contractant dont les autorités ont pris la décision en cause considère celle-ci comme étant définitive et obligatoire, et de s’assurer qu’elle donne lieu, dans cet État, à la protection conférée par le principe ne bis in idem »17.

La Cour de Justice précise, en outre, qu’une décision doit, « afin de pouvoir être qualifiée de jugement définitif au sens de l’article 54 de la Convention d’application de l’accord de Schengen, mettre fin aux poursuites pénales et éteindre l’action publique d’une manière définitive »18.

iii. Impossible dualité de poursuites et de condamnations (« bis »)

Le principe non bis in idem s’oppose à ce qu’une même personne soit poursuivie et, a

fortiori, condamnée une nouvelle fois pour des faits identiques.

L’existence d’une décision définitive est, pour cette raison, déterminante en ce qu’elle entraîne l’extinction de l’action publique et, partant, l’impossibilité d’engager de nouvelles poursuites.

L’appréciation de cette troisième composante soulève toutefois un certain nombre de questions face à des procédures non pas successives mais concomitantes.

Selon le jurisconsulte de la Cour européenne des droits de l’Homme, l’article 4 du Protocole n°7 n’interdit pas de mener de front plusieurs procédures concomitantes. « En pareil cas, on ne saurait prétendre que le requérant ait été́ poursuivi plusieurs fois ‘en raison d’une infraction pour laquelle il a déjà̀ été́ acquitté ou condamné par un jugement définitif’. Il n’est pas non plus problématique du point de vue de la Convention que, dans le cas de deux procédures concomitantes, la seconde soit abandonnée après que la décision clôturant la première est devenue définitive. En revanche, lorsque la seconde procédure n’est pas abandonnée, la Cour conclut à la répétition des poursuites et, dès lors, à la violation de l’article 4 du Protocole n°7 »19.

17 C.J.U.E., 22 décembre 2008 (Turansky), C-491/07, point 35. 18 Ibidem, point 34.

19 Guide sur l’article 4 du Protocole no 7 à la Convention européenne des droits de l’homme, 31 décembre 2018,

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En somme, « seul l’arrêt immédiat de toute procédure en cours suite à une première décision coulée en force de chose jugée est envisageable. Imaginer que la seconde procédure puisse aboutir à une condamnation, moyennant prise en compte des sanctions infligées dans le cadre de la première procédure, n’est donc pas autorisé »20.

iv. Identité de faits (« idem »)

La question de l’identité des faits a fait l’objet d’une jurisprudence disparate de la C.E.D.H.

Au fil des années, la Cour a défini la notion d’identité de faits d’abord comme un « même comportement »21, ensuite comme une « même qualification »22, puis comme les « mêmes éléments essentiels »23, engendrant insécurité et imprévisibilité24.

De son côté, la Cour constitutionnelle belge avait adhéré à la notion de « mêmes éléments essentiels » dans un arrêt du 18 juin 2008, laissant la porte ouverte aux interprétations les plus diverses.

En conséquence de cet arrêt, d’aucuns au sein de la FSMA25 estimaient qu’une sanction administrative postérieure à une décision définitive des juridictions répressives du pays se justifiait au motif que « le régime administratif en matière de délit d’initié n’est pas identique au régime pénal en ladite matière »26.

Il faudra attendre l’arrêt Zolotoukhine c. Russie du 10 février 2009, rendu par la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’Homme à l’unanimité de ses juges, pour avoir une confirmation du raisonnement suivi par la Cour pour l’application de la garantie conférée par l’article 4 du Protocole n°7.2728

20 A.LECOCQ, « Principe non bis in idem : vers l’esquisse d’une standardisation de l’Una Via procédural -

expériences belges et françaises », RPS-TRV, 2016-II, pp. 654.

21 Cour eur. D.H., arrêt Gradinger c. Autriche, 23 octobre 1995, série A n°328-C. 22 Cour eur. D.H., arrêt Oliveira c. Suisse, 30 juillet 1998, Req. 84/1997/1080.

23 Cour eur. D.H., arrêt Ponsetti et Chesnet c. France, 14 septembre 1999, Req. jointes 36855/97 et 41731/98 ;

Cour eur D.H., arrêt Franz Fischer c. Autriche, 29 mai 2001, Req. n°37950/97

24 F. KRENC, « Non bis in idem : la grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme entend mettre

fin à la cacophonie », Dr. pén. entre., 2009, p. 336

25 L’autorité des services et marchés financiers, chargée du contrôle du secteur financier belge.

26 F. LEFÈVRE, « Les abus de marché : infractions pénales ou administratives », in Sanctions pénales et

administratives en matière financière : développements récents, Séminaire Vanham & Vanham, Bruxelles, 2011, p. 7.

27 Cour eur D.H. (GC), arrêt Zolotoukhine c. Russie, 10 février 2009, Req. 14939/03, point 82

28 A.LECOCQ, « Le principe 'non bis in idem' en droit financier : vers un changement de paradigme », Rev. droit

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Désormais, « il sera procédé à un examen de la substance des faits et si, à l’issue de cet examen, il est conclu que les faits sont substantiellement identiques, il y a interdiction de les sanctionner deux fois »29.

Depuis lors, la jurisprudence de la C.E.D.H. ne laisse plus de place au doute. Elle interdit le cumul de sanctions pénales et administratives — si tant est que ces dernières soient requalifiables en sanctions de nature pénale sur base des ‘critères Engel’ — pour deux infractions dont les faits sont, en substance, les mêmes.

De son côté, la Cour Constitutionnelle a « rapidement pris la mesure de l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 10 février 2009 — sans attendre d’ailleurs la ratification par la Belgique du Protocole n°7 à la Convention européenne »30.

Dans son arrêt du 29 juillet 2010, la Cour constitutionnelle expose ainsi que « le principe non bis in idem interdit de poursuivre ou de juger une personne pour une seconde ‘infraction’ pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes »31, et de renvoyer pour le surplus à l’arrêt Zolotoukhine de la CEDH.

En définitive, il ressort de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et de la Cour de Justice de l’Union européenne qu’une personne ayant fait l’objet d’une condamnation définitive ne peut faire l’objet de nouvelles poursuites répressives — ou considérées telles — pour des faits identiques.

Cet adage trouvera notamment à s’appliquer dans les matières faisant intervenir une autorité administrative habilitée à engager des poursuites et prononcer des sanctions administratives. La possible requalification des sanctions administratives en sanctions de nature pénale constituera, dans cette hypothèse, un enjeu majeur.

29 P. DE KOSTER, « Le principe ''Non bis in idem'' : de la révolution à l’intégration : cinq ans après l’arrêt Sergueï

Zolotoukhine ? », Dr. pén. entre., 2009, p. 4.

30 Ibidem, p. 7

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II. LE DÉLIT D’INITIÉ, UN EXEMPLE PARADIGMATIQUE DU CUMUL DES SANCTIONS EN DROIT FINANCIER

Dans la première partie de notre étude, nous avons entrepris d’établir les bases du principe non bis in idem et d’en cerner les contours à travers l’examen de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme et de la Cour de Justice de l’Union européenne.

De cette analyse, il ressort que les deux juridictions européennes admettent le principe procédural selon lequel nul ne peut être poursuivi et sanctionné à raison de faits déjà jugés de façon définitive, consacrant de ce fait une véritable autorité de chose jugée en matière pénale. A ce stade de notre travail, il nous paraît essentiel de rappeler que, si le principe non

bis in idem s’oppose à ce que nouvelles poursuites soient engagées après une première

décision définitive, encore faut-il que ces poursuites revêtent un caractère répressif au sens du droit international.

Dans ce contexte, la possible requalification de certaines sanctions administratives en sanction de nature pénale joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre du principe non bis in

idem.

Par ailleurs, si le principe non bis in idem s’oppose à ce qu’une personne soit poursuivie et, a fortiori, condamnée une nouvelle fois après une première décision coulée en force de chose jugée, rien n’empêche que deux procédures soient engagées simultanément, aussi longtemps qu’elles n’aboutissent pas, l’une et l’autre, à une sanction de nature pénale.

Dans la seconde partie de notre étude, nous porterons notre attention sur la mise en œuvre du principe non bis in idem en droit financier à travers l’examen du délit d’initié qui constitue, selon nous, un exemple paradigmatique de la problématique du cumul de sanctions pénales et administratives.

Nous envisagerons, dans un premier temps, les opérations d’initié sensu stricto, avant d’interroger la conformité de ce système bicéphale au regard de la jurisprudence européenne. Nous adresserons, enfin, les dernières évolutions en la matière, tant jurisprudentielles que législatives.

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1. Le délit d’initié i. Notions

Le délit d’initié, ou insider trading, s’entend de l’utilisation, par une personne initiée, d’une information privilégiée pour l’acquisition ou la cession d’instruments financiers dans le but de réaliser un profit ou d’éviter une perte, pour elle ou pour autrui32.

Initialement visé par l’article 509 quater du Code pénal, le délit d’initié figure aujourd’hui, pour l’essentiel, dans la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers33.

Le régime juridique des abus de marché a toutefois subi d’importantes modifications sous l’influence du droit européen. Deux instruments européens retiendront une attention particulière : la Directive relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché34 et le Règlement sur les abus de marché35, tous deux adoptés le 16 avril 2014.

L’on ne manquera pas de rappeler que les règlements européens sont, par nature, directement applicables. Partant, « leur mise en application appelait en quelque sorte une ‘transposition négative’, faite pour l’essentiel non d’additions mais de soustractions destinées à expurger l'arsenal législatif belge des textes devenus obsolètes, et, dans une moindre mesure, de mise en œuvre de certains choix laissés ouverts par le Règlement »36.

Le lecteur se réfèrera utilement à la loi du 2 août 2002 telle que modifiée par la loi du 31 juillet 201737 pour le volet pénal du délit d’initié et au Règlement sur les abus de marché pour le volet administratif de l’infraction.

32 J.SPREUTELS,e.a, Droit pénal des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 573

33 B.FERON, « Market abuse — The Belgian general legal framework » in Market abuse, Anvers, Anthemis,

2016, p. 8.

34 Directive 2014/57/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux sanctions pénales

applicables aux abus de marché (directive relative aux abus de marché)

35 Règlement (UE) n°596/2014 du Parlement européen et du Conseil sur les abus de marché (règlement relatif

aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE et 2004/72/CE de la Commission ; ci-après « le Règlement sur les abus de marché », « le Règlement » ou « MAR ».

36 L.LEGEIN, « Le nouveau règlement Abus de Marché et ses conséquences pour les sociétés cotées belges »,

RPS-TRV, 2016-II, pp. 479 à 522.

37 Loi du 31 juillet 2017 remplaçant la loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux

services financiers en vue de mettre en œuvre le Règlement 596/2014 sur les abus de marché et de transposer la Directive relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché ainsi que la Directive 2015/2392 concernant le signalement de violations et portant des dispositions diverses.

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ii. Eléments constitutifs

Comme nous l’avons évoqué, le délit d’initié s’entend de l’utilisation, par une personne initiée, d’une information privilégiée pour l’acquisition ou la cession d’instruments financiers dans le but de réaliser un profit ou d’éviter une perte, pour elle ou pour autrui38.

Dans les lignes qui suivent, nous aborderons successivement chacune de ces composantes.

a. L’information privilégiée, pierre angulaire du délit d’initié

L’information privilégiée est le point de départ de l’infraction de délit d’initié39 ; tant l’infraction administrative que l’infraction pénale reposent sur l’existence d’une information privilégiée40.

L’information privilégiée est définie à l’article 2, 14° de la loi de 2002, lequel renvoie aux paragraphes 1er à 4 de l’article 7 du Règlement sur les abus de marché.

Aux termes de cet article, l’information privilégiée s’entend de toute information « à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés […] »41.

Il ressort de la définition précitée que l’information sera considérée « privilégiée » si elle réunit quatre caractéristiques. Cette information doit (i) avoir un caractère précis, (ii) ne pas avoir été rendue publique, (iii) concerner directement ou indirectement un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers / instruments financiers et (iv) être susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés42.

Selon l’article 7.2. du Règlement, une information est réputée ‘à caractère précis’ « si elle fait mention d’un ensemble de circonstances qui existe ou dont on peut raisonnablement penser qu’il existera ou d’un événement qui s’est produit ou dont on peut raisonnablement penser qu’il se produira, si elle est suffisamment précise pour qu’on puisse en tirer une

38 J.SPREUTELS,e.a, Droit pénal des affaires, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 573

39 B.FERON, « Market abuse — The Belgian general legal framework » in Market abuse, Anvers, Anthemis,

2016, p. 8.

40 M. BERLINGIN, « L’utilisation abusive d’informations privilégiées (délit d’initié) », in L’information

financière, Séminaire Vanham & Vanham, Bruxelles, 2015, p. 19

41 Article 7, §1er, a), du Règlement sur les abus de marché

42 M. BERLINGIN, « Développements récents en matière d’abus de marché », in Evolutions récentes en droit

(21)

conclusion quant à l’effet possible de cet ensemble de circonstances ou de cet événement sur le cours des instruments financiers ou des instruments financiers dérivés qui leur sont liés, des contrats au comptant sur matières premières qui leur sont liés ou des produits mis aux enchères basés sur les quotas d’émission ».

Le degré de précision de l’information s’envisage sous l’angle du double test de matérialité et de spécificité. Le premier consacre l’idée selon laquelle l’information doit revêtir un certain degré de matérialité ; la survenance des circonstances susceptibles d’avoir une influence sur les instruments financiers ne doit pas être certaine mais doit être hautement probable. Le second test dispose quant à lui que l’information doit être suffisamment précise pour influencer le comportement d’un investisseur quant à l’opportunité de céder ou d’acquérir un instrument financier déterminé43.

S’agissant du caractère public de l’information, celui-ci ne fait l’objet d’aucune définition légale. L’on considère généralement qu’une information est « publique » lorsqu’elle est accessible à l’ensemble des actionnaires, actuels ou potentiels, publics ou privés44.

« Ainsi, pour qu’une information soit considérée comme publique, elle doit être à la disposition de l’ensemble des investisseurs. Cette mise à disposition doit consister en une possibilité objective d’accès et non en une possession effective de l’information. A contrario, une information qui a été communiquée mais qui n'a pas été diffusée dans le public conserve un caractère privilégié dès lors qu’elle ne saurait être connue de l’ensemble des investisseurs actuels et potentiels »45.

Ensuite, l’information sera privilégiée si elle est « susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés ».

A cet égard, l’article 7.4 du Règlement sur les abus de marché dispose qu’il doit s’agir d’une information « qu’un investisseur raisonnable serait susceptible d’utiliser comme faisant partie des fondements de ses décisions d’investissement ». Il convient donc que l’information « constitue un des fondements de la décision d’investissement, sans pour autant qu’elle en soit la cause déterminante ou encore la seule cause »46.

43 M. BERLINGIN, « Développements récents en matière d’abus de marché », in Evolutions récentes en droit

financier, Bruxelles, Bruylant, 2015, pp. 104 à 122. ; B. FERON, « Market abuse — The Belgian general legal framework » in Market abuse, Anvers, Anthemis, 2016, p. 14.

44 M. BERLINGIN, « L’utilisation abusive d’informations privilégiées (délit d’initié) », in L’information

financière, Séminaire Vanham & Vanham, Bruxelles, 2015, p. 20 ; B. FERON, « Market abuse — The Belgian general legal framework » in Market abuse, Anvers, Anthemis, 2016, p. 12.

45 M. BERLINGIN, « L’utilisation abusive d’informations privilégiées (délit d’initié) », in L’information

financière, Séminaire Vanham & Vanham, Bruxelles, 2015, p. 20.

(22)

Enfin, l’information sera privilégiée si elle concerne « directement ou indirectement un ou plusieurs émetteurs d’instruments financiers ou un ou plusieurs instruments financiers ». Cette dernière condition est définie à l’article 2, 1° de la loi du 2 août 2002 auquel nous renvoyons le lecteur.

b. Les initiés

La notion d’initié a, elle aussi, fait l’objet de diverses modifications.

Sous l’empire de l’ancienne version de la loi de 2002, l’on avait coutume d’aborder la notion d’initié en distinguant le versant pénal du versant administratif du délit d’initié.

Cette dualité s’expliquait par la distinction faite à l’article 40 de la loi entre initiés primaires et initiés secondaires, étrangère aux dispositions administratives de l’infraction47.

Avec l’adoption du Règlement sur les abus de marché et de la Directive relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché, la notion d’initié semble recevoir la même interprétation, tant en droit pénal qu’en droit administratif, dès lors que l’article 8 du Règlement reprend les mêmes distinctions que la loi de 2002.

Désormais, l’on distinguera, dans tous les cas, entre initiés primaires et initiés secondaires.

L’initié primaire s’entend de celui qui a reçu l’information de première main. Sera dès lors considéré comme un initié primaire, celui qui est membre des organes d’administration, de gestion ou de surveillance de l’émetteur de l’instrument financier en question, celui qui détient une participation dans le capital de l’émetteur, celui qui a accès aux informations du fait de son travail, de sa profession ou de ses fonctions, celui qui détient une information privilégiée en raison de sa participation à des activités criminelles et celui qui, dans d’autres circonstances que celles énoncées ci-avant, possède une information dont il savait ou devrait savoir qu’elle est privilégiée48.

47 L’article 25 (ancien) de la loi du 2 août 2002, qui constituait le siège de l’infraction administrative, disposait

alors : « il est interdit à toute personne qui dispose d’une information dont elle sait ou devrait savoir qu’elle a un caractère privilégié : [...] » (nous soulignons). Benoît FERON et Marie-Laure de LEENER écrivent à ce propos : « Il en ressort que toute personne disposant d’une information dont elle sait ou devait savoir qu’elle est privilégiée est soumise à l’interdiction mentionnée à cet article, indépendamment de sa qualité ainsi que de la manière dont elle détient ou a obtenu l’information privilégiée. (FERON,B. ET DE LEENER,M-L., « Les nouvelles règles en matière d’abus de marché. Les infractions administratives et les délits », R.P.S., 2006, p.335).

48 Article 40, §1er, 1° à 5°, de la loi du 2 août 2002 (délit pénal) et article 8, §4, du MAR (infraction

(23)

L’initié secondaire désigne celui qui obtient l’information en seconde main. Cette définition se déduit de ce que tant la loi de 2002 que le Règlement sur les abus de marché condamnent celui qui a utilisé les recommandations ou incitations d’un initié primaire, lorsque la personne savait ou devrait savoir que celles-ci étaient basées sur une information privilégiée49.

c. Les comportements interdits

Les comportements constitutifs d’un délit d’initié peuvent être résumés comme suit : Il est interdit, pour toute personne disposant d’une information privilégiée :

-

d’acquérir ou de céder, pour son propre compte ou pour compte d’autrui, directement ou indirectement, des instruments financiers auxquels cette information se rapporte50 ;

-

d’utiliser cette information pour annuler ou modifier un ordre concernant un instrument financier auquel cette information se rapporte, lorsque l’ordre avait été passé avant que la personne concernée ne détienne l’information privilégiée51 ; 52

-

de recommander, sur base de cette information, qu’une autre personne acquière ou cède des instruments financiers auxquels cette information se rapporte53 ;

-

d’inciter, sur base de cette information, une autre personne à acquérir ou céder des instruments financiers auxquels cette information se rapporte54 ;

-

de recommander, sur la base de cette information, qu’une autre personne annule ou modifie un ordre relatif à un instrument financier auquel cette information se rapporte55 ;

49 Article 40, §3, alinéa 1er, de la loi du 2 août 2002 (délit pénal) et article 8, §3, du MAR (infraction

administrative)

50 Article 40, §1er, alinéa 2, a), de la loi du 2 août 2002 (délit pénal) et article 8, §1er, du MAR (infraction

administrative)

51 Article 40, §1er, alinéa 2, b), de la loi du 2 août 2002 (délit pénal) et article 8, §1er du MAR (infraction

administrative)

52 Pour ces deux premiers comportements, l’article 8.1. du MAR précise qu’il y a opération d'initié lorsqu’une

personne « détient une information privilégiée et en fait usage [...] », consacrant ainsi une condition supplémentaire. Ainsi, devra-t-il être démontré que l’opération a été effectuée (i) par une personne détentrice d’une information privilégiée (ii) en usant effectivement de ladite information. Par soucis de cohérence avec la ratio legis du Règlement — la protection de l’intégrité du marché financier et le renforcement de la confiance des investisseurs —, le considérant 24 du Règlement sur les abus de marché consacre toutefois une présomption réfragable d’utilisation effective de l’information concernée.

53 Article 40, §2, 2°, de la loi du 2 août 2002 (délit pénal) et article 8, §2, a), du MAR (infraction administrative) 54 Article 40, §2, 2°, de la loi du 2 août 2002 (délit pénal) et article 8, §2, a), du MAR (infraction administrative)

(24)

-

d’inciter, sur base de cette information, une autre personne à procéder à l’annulation ou à la modification d’un ordre relatif à un instrument financier auquel cette information se rapporte56.

Il est, en outre, interdit à toute personne :

-

d’utiliser intentionnellement une recommandation ou une incitation à acquérir ou céder des instruments financiers ou à annuler ou modifier un ordre concernant des instruments financiers si elle savait ou devrait savoir que cette recommandation ou incitation est basée sur une information privilégiée57.

Enfin, l’article 40, §2, 1° de la loi du 2 août 2002 contient une ultime interdiction, pour toute personne disposant d’une information privilégiée :

-

de divulguer intentionnellement cette information à une autre personne, sauf lorsque cette divulgation s’effectue dans l’exercice normal de son travail, de sa profession ou de ses fonctions58. Cet article ne connaît pas d’équivalent dans le Règlement sur les abus de marché.

55 Article 40, §2, 2°, de la loi du 2 août 2002 (délit pénal) et article 8, §2, b), du MAR (infraction administrative) 56 Article 40, §2, 2°, de la loi du 2 août 2002 (délit pénal) et article 8, §2, b), du MAR (infraction administrative) 57 Article 40, §3, de la loi du 2 août 2002 (délit pénal) et article 8, §3, du MAR (infraction administrative) 58 Article 40, §2, 1°, de la loi du 2 août 2002

(25)

2. La répression du délit d’initié, une dualité conforme au principe non bis in idem ?

De manière générale, l’examen de la conformité du cumul de sanctions pénales et administratives en droit financier au regard du principe non bis in idem a longtemps été éludé.

Cette omission s’explique par l’incertitude de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme quant à l’appréciation des critères permettant de considérer qu’une sanction pénale et une sanction administrative concourent à l’incrimination d’une « même infraction » au sens du principe non bis in idem.

L’interprétation de cette notion sera définitivement arrêtée par l’arrêt Zolotoukhine c.

Russie de la Cour européenne des droits de l’Homme, auquel se réfère aujourd’hui la Cour

constitutionnelle. Il est désormais acquis que la notion d’infraction recouvre « des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes »59.

Il est désormais admis que le principe non bis in idem trouve à s’appliquer en droit financier, l’autorité administrative ne pouvant plus se retrancher derrière une qualification ou des « éléments essentiels » distincts de l’incrimination pénale.

Le régime juridique belge en matière d’abus de marché est-il conforme au principe

non bis in idem, tel qu’interprété par les Cours européennes ? Le cas échéant, quels sont les

mécanismes mis en place pour lutter contre la violation de ce principe ? Tels sont les thèmes de la présente section.

Ceux-ci demandent, d’abord, que soient brièvement rappelées les sanctions pénales et administratives applicables au délit d’initié. Ils appellent, ensuite, un examen de la mise en œuvre des composantes du principe non bis in idem au monde des affaires. Il sera, enfin, fait état de la jurisprudence récente des juridictions européennes et des différentes pistes avancées pour lutter contre un tel cumul.

(26)

i. La répression du délit d’initié sensu stricto

Le délit d’initié est, dans l’état actuel de la législation, soumis à un double corps de règles60.

D’un point de vue pénal, l’article 40, §6 de la loi de 2002 dispose que les opérations d’initiés visées au paragraphe 1er, au paragraphe 2, 2°, et au paragraphe 3, alinéa 1er, seront punies d’un emprisonnement de trois mois à quatre ans et d’une amende de 50 euros à 10.000 euros. Les opérations visées au paragraphe 2, 1° ainsi qu’au paragraphe 3, alinéa 2, seront, quant à elles, punies d’un emprisonnement de trois mois à deux ans et d’une amende de 50 euros à 10.000 euros.

L’auteur de l’infraction peut, en outre, « être condamné à payer une somme correspondant au maximum au triple du montant de l’avantage patrimonial qu’il a tiré directement ou indirectement de l’infraction ».

De son côté, le Règlement sur les abus de marché procède à une complète refonte du régime administratif des abus de marché.

En effet, outre les pouvoirs d’investigation et de surveillance délégués à l’autorité de contrôle des marchés financiers, le Règlement renferme, en son article 30, des « sanctions administratives et autres mesures administratives » minimales applicables en cas de non-respect des règles qu’il met en place61.

La présente contribution fera principalement état des sanctions pécuniaires administratives prévues par le législateur européen. Pour le surplus, nous renvoyons à la lecture de l’article 30, §2, du Règlement62.

L’article 30, §2, h), prévoit, d’abord, la possibilité de prononcer « des sanctions pécuniaires administratives d’un montant maximal d’au moins trois fois le montant de l’avantage retiré de la violation ou des pertes qu’elle a permis d’éviter, s’ils peuvent être déterminé »63.

60 Voy. loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financiers et aux services financiers pour l’aspect

pénal et le Règlement (UE) n°596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché) et abrogeant la directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil et les directives 2003/124/CE, 2003/125/CE et 2004/72/CE de la Commission pour l’essentiel de l’aspect administratif.

61 D., WILLERMAIN, « Droit (pénal) financier : quoi de neuf depuis la dernière crise ? » Dr. pén. entre., 2018, p.

329.

62 L’ensemble des dispositions légales mobilisées dans ce travail est repris en annexe. 63 Article 30, §2, h), MAR.

(27)

En outre, l’autorité administrative pourra prononcer des sanctions pécuniaires d’au moins 5.000.000 d’euros si l’infracteur est une personne physique ou de 15.000.000 d’euros ou 15% du chiffre d’affaires annuel total de la personne moral tel qu’il ressort des derniers comptes disponibles approuvés par l’organe de direction de l’entreprise si l’infracteur est une personne morale64.

ii. Le délit d'initié, un régime bicéphale conforme au principe non bis in idem ?

Ce cumul de poursuites et de sanctions pénales et administratives est-il conforme au principe non bis in idem ?

Nous l’avons vu, le principe non bis in idem s’oppose à ce qu’une personne ayant fait l’objet d’une première décision définitive soit, une nouvelle fois, poursuivie pour des faits, en substance, les mêmes.

Partant, le principe non bis in idem consacre une autorité de chose jugée en matière pénale et requiert, par conséquent, que les poursuites envisagées revêtent un caractère répressif au sens du droit international.

Quid en l’espèce ?

Le caractère répressif des poursuites envisagées s’apprécie à la lumière des critères

Engel. L’on aura égard à la qualification de l’infraction en droit interne, la nature de

l’infraction et le degré de sévérité de la sanction.

L’appréciation de ces critères doit se faire de façon indépendante. Aussi n’est-il pas requis que l’ensemble des critères soit réunis pour qu’une sanction administrative puisse être requalifiée en sanction de nature pénale. Selon la Cour, « il suffit que l’infraction en cause soit, par nature, pénale ou ait exposé l’intéressé à une sanction qui, par sa nature, ressortit en général à la matière pénale »65.

La coloration pénale des sanctions administratives ne fait, selon nous, aucun doute66. Une comparaison des sanctions pécuniaires pénales et administratives suffit à s’en convaincre.

64 Article 30, §2, i) et j) MAR.

65 Cour eur. D.H. (GC), arrêt Jussila c. Finlande, 22 novembre 2006, Req. 73053/01, point 31.

66 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, 3e éd., Bruxelles, Bruylant,

(28)

Alors que le droit pénal limite l’amende à un montant de 10.000 euros, l’amende administrative peut atteindre 5.000.000 d’euros pour les personnes physiques et 15.000.000 d’euros pour les personnes morales, soit entre 500 et 1.500 fois ce que prévoit le délit pénal.

C’est également la position de la C.E.D.H. qui, dans un arrêt du 11 juin 2009, dispose que67 « de telles sanctions entraînent des conséquences financières importantes, et partant, peuvent être qualifiées de sanctions pénales. (…) La Cour rappelle que la coloration pénale d’une instance est subordonnée au degré de gravité de la sanction dont est a priori passible la personne concernée et non à la gravité de la sanction finalement infligée »68.

La FSMA elle-même semble admettre le caractère pénal des sanctions qu’elle inflige. Dans une décision du 31 juillet 2018, le comité de sanction de la FSMA écrit, sur la question de l’application rétroactive ou non des règles jadis contenues dans la loi de 2002 : « Eu égard au caractère pénal des sanctions administratives que la commission des sanctions peut imposer, l’application de la législation la plus douce est requise ».

Outre leur caractère répressif, le principe non bis in idem requiert que les poursuites pénales et administratives visent des faits identiques (l’idem). Selon la Cour, « l’article 4 du Protocole n°7 doit être compris comme interdisant de poursuivre ou de juger une personne

pour une seconde ‘infraction’ pour autant que celle-ci a pour origine des faits identiques ou des faits qui sont en substance les mêmes »69.

Or, selon le Professeur Thierry Bonneau, « au-delà des termes, ce sont bien les mêmes faits qui sont repris (dans la directive), lesquels correspondent globalement, sous réserve de quelques innovations, aux manquements prévus par le règlement : (…) »70.

Partant de ce qui précède, la question de l’identité des faits n’appelle pas de développements supplémentaires. Pour le surplus, nous renvoyons le lecteur au tableau comparatif de l’annexe n°1.

Qu’en est-il du cumul des poursuites et sanctions ?

67 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, 3e éd., Bruxelles, Bruylant,

2016, p. 409.

68 Cour eur. D.H., arrêt Dubus SA c. France, 11 juin 2009, Req. 5242/04, point 37.

69 Cour eur. D.H. (GC), arrêt Zolotoukhine c. Russie, 10 février 2009, Req. 14939/03, point 82

70 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, 3e éd., Bruxelles, Bruylant,

(29)

Jusqu’à l’adoption du Règlement sur les abus de marché et la Directive relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché du 16 avril 2014, la loi du 2 août 2002 disposait, en son article 73 : « Les amendes administratives imposées par la commission des sanctions devenues définitives et les règlements transactionnels intervenus avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les mêmes faits ou des faits connexes, s'imputent sur le montant de toute amende pénale qui serait prononcée pour ces faits à l'égard de la même personne »71.

Ce système d’imputation de l’amende administrative définitive sur l’amende pénale était unanimement considéré comme insuffisant au regard du principe non bis in idem.

Lors des travaux législatifs entourant le projet de loi du 4 juin 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services financiers, le Conseil d’Etat exprimait déjà ses questionnements concernant la compatibilité de la loi financière avec le principe non bis

in idem72 : « Il appartient à l’auteur du projet d’apprécier si, au regard de la jurisprudence de la Cour européenne, il ne convient dès lors pas d’exclure le cumul de sanctions administratives et pénales pour des comportements susceptibles de constituer — au regard de leurs éléments constitutifs — des infractions identiques. Certes, l’article 73 de l’avant-projet prévoit-il que « toute amende administrative imposée par le CBF à une personne et devenue définitive avant que le juge pénal ait statué définitivement sur les memes faits ou des faits connexes, s’impute sur le montant de toute amende pénale qui serait prononcée pour ces faits à l’égard de la même personne ». Mais cette disposition ne paraît pas suffisante pour satisfaire à l’exigence du principe non bis in idem. Si ce principe venait à s’appliquer, il aurait en effet pour conséquence non d’exiger l’absorption d’une peine par une autre mais de rendre irrecevable la poursuite ultérieure d’une même infraction pour laquelle son auteur a déjà été condamné »73.

En adoptant un tel système d’imputation, le législateur semblait oublier l’enseignement principal du principe non bis in idem.

Si le principe s’oppose effectivement à ce qu’une seconde sanction soit prononcée après une première décision définitive, c’est qu’il s’agit là de la conséquence logique de l’interdiction principale d’engager de nouvelles poursuites après une première décision définitive.

Face à ces critiques, et sous l’impulsion européenne entourant l’adoption du Règlement et de la Directive du 16 avril 2014, le législateur belge a modifié l’article 73 de la loi de 2002.

71 Voy. version 78 de la Loi du 2 août 2002 relative à la surveillance du secteur financier et aux services

financiers, disponible sur http://www.ejustice.just.fgov.be.

72 A.LECOCQ, « Principe non bis in idem : vers l’esquisse d’une standardisation de l’Una Via procédural -

expériences belges et françaises », RPS-TRV, 2016-II, p. 662.

73 Avis du Conseil d’Etat n° 33.182/2 du 29 avril 2002, Doc. parl., Chambre, sess. 2001-2002, n° 1842/1 et

(30)

Aujourd’hui, l’article 73 dispose que : « La FSMA et le Collège des Procureurs généraux peuvent conclure un protocole régissant les accords de travail entre la FSMA et le ministère public dans des dossiers portant sur des faits pour lesquels la législation prévoit aussi bien la possibilité d'une amende administrative que la possibilité d'une sanction pénale. Ce protocole est publié au Moniteur belge ».

Selon Arnaud Lecocq, l’objectif de ce nouvel article 73 est « d’orienter les comportements les plus graves vers le parquet, alors que la FSMA jouerait pleinement son rôle de gendarme de proximité des marchés »74, comme semble l’indiquer la directive qui prescrit l’obligation, pour les Etats membres, d’élever les opérations d’initié au rang d’infraction pénale, au moins dans les cas les plus graves75.

Ce nouveau système, qui n’est pas sans rappeler la procédure Una via en matière fiscale76, soulève toutefois un certain nombre de questions.

D'une part, le critère de gravité ne fait écho à aucune disposition légale. Seuls certains considérants de la directive abordent la notion.

Ainsi en est-il du considérant n°11, selon lequel : « Aux fins de la présente directive, les opérations d’initiés et la divulgation illicite d’informations privilégiées devraient être réputées graves lorsque l’incidence sur l’intégrité du marché, le bénéfice réel ou potentiel engrangé ou la perte évitée, l’importance du préjudice causé au marché ou la valeur globale des instruments financiers négociés sont élevés. Les autres circonstances dont il peut être tenu compte sont, par exemple, lorsqu’une infraction a été commise dans le cadre d’une organisation criminelle ou lorsque la personne a commis une infraction similaire dans le passé ».

La loi du 2 août 2002, quant à elle, ne fait point mention d’un quelconque critère de gravité, et pour cause. Si la directive fait mention du caractère grave de l’infraction, c’est qu’elle était destinée à mettre en place un régime minimal de répression pénale. La loi de

74 A. LECOCQ, « Transposition de la directive pénale relative aux abus de marché : le non bis in idem

sauvegardé », Dr. pain. entre., 2017-4, p. 344.

75 Article 3, §1er, de la directive relative aux sanctions pénales applicables aux abus de marché : « les États

membres prennent les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’une opération d’initié, le fait de recommander à une autre personne ou de l’inciter à effectuer une opération d’initié comme indiqué aux paragraphes 2 à 8 constituent des infractions pénales, au moins dans les cas graves et lorsque ces actes sont commis intentionnellement »

76 La loi dite « Una Via » du 20 septembre 2012 organise une concertation entre l’administration fiscale et les

magistrats du ministère public permettant une répartition entre, d’une part, les dossiers de fraude fiscale « relativement simple » qui peuvent être efficacement traités par la voie administrative et, d’autre part, les cas de fraude fiscale plus importante qui nécessitent la mise en œuvre des moyens d’enquête du pouvoir judiciaire. Il découle du choix opéré entre la voie administrative et la voie pénale qu’un même dossier de fraude fiscale ne pourra désormais plus faire l’objet d’une application cumulative des sanctions pénales et administratives. Pour le surplus, voy. S. LEMMENS, La loi du 20 septembre 2012 instaurant le principe « una via », disponible sur barreaudeliege.be

(31)

2002, quant à elle, ne s’est pas contentée de viser « certains comportements les plus graves » mais bien l’ensemble des opérations d’initié, quel que soit leur degré de gravité.

L’on peut, en outre, se demander si ce système de pré-jugement de l’affaire est compatible avec l’article 6, §2, de la Convention européenne des droits de l’Homme77.

Un tel système de répartition entre les juridictions répressives et la FSMA nécessiterait indubitablement un premier examen de la cause. Dans ce contexte, les juridictions répressives recevraient un dossier couvert d’une sorte de présomption de gravité. En l’absence d’éléments objectifs relatifs à l’appréciation du caractère grave d'une infraction dans la loi de 2002, ce système constitue, selon nous, une atteinte grave au principe de la présomption d’innocence en matière pénale.

D’autre part, la lecture des articles 40, §1er, alinéa 2, §2 et §3 de la loi du 2 août 2002 d’une part, et des articles 8.1, 8.2. et 8.3. du Règlement sur les abus de marché d’autre part, laissera au lecteur un sentiment de déjà vu (ou déjà lu).

L’on peine en effet à distinguer quels sont les comportements qui ne sont pas visés par l’un et l’autre régime, si bien que le nouvel article 73 de la loi de 2002 semble trouver à s’appliquer dans tous les cas.

D’aucuns prétendront que l’infraction pénale se distingue de l’infraction administrative en ce que seule la première prévoit que l’opération d’initié doit être commise de façon intentionnelle.

Selon le Professeur Thierry Bonneau, « si le règlement prévoyant les manquements dits administratifs ne mentionne pas l’exigence d’un élément intentionnel, on sait qu’il a été présumé sur le fondement de la Directive du 28 janvier 2003 par la Cour de justice de l’Union européenne. Aussi peut-on penser qu’il en sera de même dans le cadre du règlement. A moins bien sûr de considérer, par opposition à l’affirmation expresse de la directive, qu’aucun élément moral même présumé n’est requis pour le manquement administratif. Il semble cependant que cette interprétation ne puisse pas être retenue puisque l’objectif n’est pas d’écarter la répression administrative, mais d’ajouter une répression pénale. Par ailleurs, comme la preuve de l’intention est toujours délicate et que son exigence freine la répression, on peut penser que l’on se contentera en pratique d’un faisceau d’indices pour l’établir. Si c’était le cas, la différenciation de l’infraction pénale et de l’infraction administrative s’avèrerait impossible »78.

77 Article 6, §2, Convention européenne des droits de l’Homme : « Toute personne accusée d’une infraction est

présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité́ ait été́ légalement établie ».

78 T. BONNEAU, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, 3e éd., Bruxelles, Bruylant,

(32)

Partant, l’on est en droit de se demander quels autres critères que l’arbitraire permettront de déterminer les cas dans lesquels une affaire devra être considérée comme relevant exclusivement de l’un ou l’autre régime.

iii. La jurisprudence récente de la C.J.U.E.

Dans l’état actuel de la jurisprudence européenne, « une personne physique ou morale ayant fait l’objet de sanctions administratives, relevant de la matière pénale, pour un abus de marché ne peut pas ensuite être visée par des poursuites pénales ayant pour origine des faits identiques »79.

Ce principe, qui jusqu’alors ne souffrait aucune exception, a été partiellement remis en cause par la Cour de Justice de l’Union européenne dans trois arrêts du 20 mars 201880 (dont deux en matière d’abus de marché).

Dans un communiqué de presse du 20 mars 2018, la Cour écrit : « Le principe ne bis

in idem peut être limité dans l’objectif de protéger les intérêts financiers de l’Union et les

marchés financiers de celle-ci. Toutefois, une telle limitation ne doit pas excéder ce qui est strictement nécessaire pour atteindre ces objectifs »81.

La Cour précise toutefois qu’une telle limitation au principe non bis in idem appelle une justification, soumise au droit de l’Union. Cette justification prend la forme de cinq conditions cumulatives82 :

-

la dérogation au principe doit être justifiée et délimitée par la réglementation nationale;

-

cette réglementation doit viser un objectif d’intérêt général;

-

établir des règles claires et précises permettant au justiciable de prévoir quels actes et omissions sont susceptibles de faire l’objet d’un tel cumul de poursuites et de sanctions;

79 K. DECKERT, « Ne bis in idem : la C.J.U.E admet le cumul de poursuites et de sanctions pénales et

administratives pour les abus de marché », RISF, 2018/3, p. 53.

80 C.J.U.E., 20 mars 2018 (Menci), C-524/15 ; C.J.U.E., 20 mars 2018 (Garlsson Real Estate e.a.), C-537/16 ;

C.J.U.E., 20 mars 2018 (Di Puma et Zecca), C-596/16 et C-597/16 jointes.

81 Communiqué de Presse n°34/18 de la Cour de Justice de l’Union européenne, fait à Luxembourg le 20 mars

2018, disponible sur : www.curia.europa.eu.

82 Ibidem. Voy. aussi K.DECKERT, « Ne bis in idem : la C.J.U.E admet le cumul de poursuites et de sanctions

Références

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