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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Importance du genre du scientifique dans l'interprétation d'une controverse sur la question des changements climatiques par des élèves de terminale littéraire et scientifique

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Academic year: 2021

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IMPORTANCE DU GENRE DU SCIENTIFIQUE DANS

L’INTERPRÉTATION D’UNE CONTROVERSE SUR LA

QUESTION DES CHANGEMENTS CLIMATIQUES PAR DES

ÉLÈVES DE TERMINALE LITTÉRAIRE ET SCIENTIFIQUE

Jean-Paul ROSSIGNON

UMR STEF ENS Cachan/INRP UniverSud, Paris

MOTS-CLÉS : ÉDUCATION CITOYENNE – QUESTIONS SCIENTIFIQUES SOCIALEMENT

VIVES – DÉBATS – ÉLÈVES – PROCÉDÉS RHÉTORIQUES – GENRE

RÉSUMÉ : L’exercice du débat dans les contextes scolaires sur des questions scientifiques

socialement vives contribue à la formation citoyenne des élèves. Ce travail de réplication présente l’analyse de procédés rhétoriques utilisés par les élèves (classes terminales littéraire et scientifique) pour interpréter le désaccord entre deux chercheurs sur la question du réchauffement climatique. Dans tous les débats analysés, tout semble être fait, plus ou moins consciemment par les élèves, pour disqualifier le scientifique de genre féminin et pour défendre ou valoriser son homologue masculin dans une controverse entre deux scientifiques. Nous pouvons nous demander, si culturellement, les élèves sont prêts à accorder un même statut à une femme scientifique qu’à un homme scientifique.

ABSTRACT : Debating socio-scientific issues at school helps pupils into citizens. How do pupils

interpret the disagreement between two researchers on the issue of global warning ? What rhetorical processes do they use ? Arts students are more critical of science than scientific students because, according to them, scientific knowledge is elaborated away from social, political, economic and ethical considerations. During the debates, the pupils, consciously or not, tend to bring discredit on the female researcher and to increase the standing of her male counterpart. Are pupils ready to grant the same status to female and male researchers ?

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Cette étude correspond à une réplication de la recherche mère de Barbara BADER (2003)1. Son auteur est, à la date de notre étude, chercheure, professeure au Centre de recherche et d'intervention sur la réussite scolaire (CRIRES) à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval à Québec. L’article – « Interprétation d’une controverse scientifique : stratégies argumentatives

d’adolescentes et d’adolescents québécois » – est issu de sa thèse de doctorat en didactique des

sciences2. Barbara Bader identifie les stratégies argumentatives utilisées par des adolescentes et adolescents québécois pour interpréter une controverse scientifique sur la question des changements climatiques. L’analyse de ces stratégies permet ensuite, à Barbara Bader, de repérer chez les élèves les représentations qu’ils se font des sciences et les valeurs qu’ils leur accordent. Les résultats de la recherche mère indiquent que les élèves ont une vision empirique et réaliste des sciences c'est-à-dire décontextualisée de la réalité et loin de la science en train de se faire. Les élèves délèguent le pouvoir et le savoir aux experts scientifiques qui ont alors une autorité intangible, « sacro-sainte ». Ils envisagent difficilement que des considérations sociales, économiques, politiques et éthiques puissent orienter la recherche et que des désaccords à caractère scientifique puissent exister entre chercheurs.

1. OBJET ET ENJEUX DE CETTE ÉTUDE

L’objet de cette réplication consiste d’une part à comparer les résultats de Barbara Bader (2003), avec des élèves de terminale du système éducatif français. D’autre part, nous allons comparer la pratique de la critique des savoirs scientifiques chez les élèves d’une classe littéraire par rapport à des élèves d’une classe scientifique pour interpréter une controverse scientifique. Puis, nous allons comparer cette interprétation lorsque le genre des scientifiques est modifié.

1.1 Questionnement

Quelles sont les conceptions des lycéens de terminales à l’égard des sciences ?

Est-ce que la pratique de la critique des savoirs scientifiques est identique chez des élèves d’une classe littéraire par rapport à des élèves d’une classe scientifique ?

Quel est le rôle joué par le genre des scientifiques dans l’appréhension des débats par les élèves ?

1 Bader, B (2003). Interprétation d’une controverse scientifique : stratégies argumentatives d’adolescentes et d’adolescents québécois. Revue canadienne de l’enseignement des sciences, des mathématiques et de la technologie, vol

3, N°2, avril 2003.

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1.2 Méthodologie

Des groupes de 4 élèves sont organisés dans deux classes de terminale, une classe de L et une classe de S. Les élèves sont invités à interpréter un débat fictif entre deux chercheurs sur la question du « réchauffement climatique ». Un chercheur climatologue a une position conforme à la représentation courante que se font les élèves du scientifique, le second chercheur (Directeur d’un Institut d’Environnement) est en position critique face aux sciences. Trois débats fictifs sont construits, ils diffèrent uniquement par le genre du scientifique.

Les débats sont enregistrés et intégralement transcrits. Trois catégories de procédés rhétoriques sont utilisées pour coder les transcriptions : des catégories liées à l’identité du locuteur, des catégories liées au contenu dépendant du locuteur et des catégories liées au contenu indépendant du locuteur.

2. EXEMPLES DE RÉSULTATS

Ce débat se rapproche le plus du débat examiné dans la recherche mère : les deux scientifiques sont de genre différent, le climatologue est un homme, le Directeur de l’Institut de l’Environnement est une femme et les élèves ont été initiés à la question des changements climatiques en classe. Le graphique 1 nous indique que toutes les catégories de procédés rhétoriques retenues pour effectuer l’analyse de nos données ont été utilisées par les élèves. La situation pédagogique ainsi mise en place semble être favorable pour percevoir les représentations que se font les élèves des sciences.

0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 ICP ICJ

ICaP ICaJ IAP IAJ IPP IPJ ITP ITJ

CDDE CDIS CDCS CIPM CIPI CIPS CIDE CIIS CICP CIRN Identité du locuteur (48,34 %) Contenu dépendant

du locuteur (22,52%)

Contenu indépendant du locuteur (29,14 %)

SA2 en %

Graphique 1 : La distribution des catégories de procédés rhétoriques dans le débat SA2 (Terminale S, débat A, groupe 2).

Les catégories de procédés rhétoriques qui consistent à présenter un argument en jouant sur l’identité du locuteur ont constitué une part significative (48,34 %) des procédés rhétoriques utilisés par les élèves. Deux procédés rhétoriques ont été davantage utilisés par les élèves, les procédés

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rhétoriques qui décrivent le caractère des deux chercheurs (ICP et ICJ) et les procédés rhétoriques d’attribution d’intérêts (IAP et IAJ). Les catégories de procédés rhétoriques qui consistent à présenter des arguments sur le contenu dépendant du locuteur représentent 22.52 % des procédés rhétoriques utilisés dans ce débat par les élèves. Ces catégories ne rendent pas nécessairement compte de ce que pensent les élèves. Les catégories qui consistent à présenter des arguments sur le contenu indépendant du locuteur correspondent au tiers (29,14 %) des procédés rhétoriques utilisés par les élèves dans ce débat. Ils rendent compte sur ce que pensent les élèves. Les élèves ont utilisé dans des proportions à peu près équivalente des arguments à caractère empirique (CIDE) et des arguments contingents qui sont à la fois des arguments qui remettent en cause l’intérêt des sciences (CIIS) et ceux qui prennent en compte des considérations sociales et politiques (CICP).

Les élèves utilisent davantage de procédés rhétoriques qui consistent à présenter un argument en jouant sur l’identité du locuteur dans les débats A et B où le genre des scientifiques est différent que dans le débat C où les deux scientifiques sont de même genre (graph 2).

0 10 20 30 40 50 60 70 80

Identité du locuteur Contenu dépendant du locuteur Contenu indépendant du locuteur LA LB LC

Graphique 2 : Comparaison des catégories de procédés rhétoriques utilisées dans les trois débats fictifs en classe littéraire.

3. DISCUSSION

À la question de recherche : Quelles sont les conceptions des élèves de la classe scientifique à l’égard des sciences ?

Les élèves invoquent des attributions d’intérêts liées le plus souvent à des traits de personnalité douteux, des ou d’un scientifique, pour interpréter le désaccord des deux chercheurs sur la question des changements climatiques. Les élèves manifestent une incompréhension face à ce désaccord. D’ailleurs quelque fois en fin de conversation, et à défaut de trouver une explication qui leur semble rationnelle, ils nient carrément la possibilité d’un désaccord.

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Les élèves scientifiques ne remettent pas en cause l’autorité du scientifique. Selon eux, un scientifique ne devrait faire intervenir aucune conviction personnelle dans ses recherches. Il serait indépendant de tout point de vue particulier. L’élaboration des connaissances scientifiques exigerait de la rigueur, de la méthode, des travaux expérimentaux et des preuves. L’observation attentive de la nature apporterait les preuves irréfutables. Il suffirait de regarder pour comprendre et expliquer le monde. Lors des échanges entre les élèves, il apparaît que l’incertitude des modèles scientifiques est une donnée inévitable et qui ne peut donc pas être soumise à la critique. L’incertitude serait la petite imperfection qui encouragerait le scientifique en quête de vérité absolue à poursuivre ses recherches. Les élèves ne semblent pas pouvoir remettre en cause des résultats scientifiques même s’ils comportent des incertitudes. Les résultats scientifiques et la méthodologie ne seraient pas questionnés. Ce qui serait démontré par les scientifiques serait vrai.

Les élèves de la classe scientifique croient en une science prouvée, cumulative qui conduit au progrès. Cette croyance empirico-réaliste de la science ne semble pas leur permettre d’envisager des négociations scientifiques pour construire les faits.

À la question de recherche : La pratique de la critique est-elle identique chez des élèves d’une classe littéraire par rapport à des élèves d’une classe scientifique ?

Pour les élèves des deux classes scientifique et littéraire, la science serait établie par des observations attentives de la Nature, des théories, des travaux expérimentaux, des modèles, des preuves et par une démarche rigoureuse, neutre et objective du scientifique. Les élèves de la classe littéraire reconnaissent l’utilité des modèles pour les scientifiques, mais contrairement aux élèves de la classe scientifique, ils n’accordent que peu de confiance aux modèles scientifiques. Pour les élèves de la classe littéraire, les outils utilisés pour établir des faits scientifiques auraient été créés par les scientifiques et pour les scientifiques.

Les élèves de la classe littéraire remettent en cause l’intérêt des sciences et le progrès possible qu’elles pourraient apporter aux humains. Ces élèves ont davantage utilisé des procédés rhétoriques qui consistent à critiquer les sciences que les élèves de la classe scientifique. Par exemple, un élève de la classe littéraire adopte à plusieurs reprises une position critique sur l’intérêt des sciences en utilisant l’évidence visuelle de faits et l’ironie pour convaincre ses interlocuteurs. Des offensives analogues ont également été amorcées par des élèves de la classe de terminale scientifique mais elles ont très vite avorté. Les élèves de la classe littéraire par rapport aux élèves de la classe scientifique sont plus sensibles aux considérations sociales et économiques. Ils se sentent moins concernés par la science, un domaine qui leur est moins familier voire parfois étranger. Des résultats nous confirment qu’ils laisseraient, pour une majorité d’entre eux, le débat sur les questions vives de société aux scientifiques. Ils se considèrent comme à l’écart du monde de la

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science. Les savoirs scientifiques s’élaboreraient en dehors de toute considération sociale, politique, économique et éthique. Dans un monde à part ! On pourrait de ce fait comprendre que leur critique à l’égard de la science et des scientifiques en soit plus facile.

À la question de recherche : Quel est le rôle joué par le genre des scientifiques dans l’appréhension des débats par les élèves ?

L’étude comparative entre les débats A, B et C met en relief l’importance du genre du scientifique. La scientifique est disqualifiée quelle que soit sa position dans la controverse. Elle est disqualifiée ou fortement disqualifiée lorsqu’elle représente le scientifique en position critique face aux sciences. Lorsqu’elle endosse une position de scientifique conforme à l’image que les élèves se font du scientifique, c'est-à-dire lorsqu’elle représente le climatologue expert, elle est également disqualifiée. Dans cette situation, elle aurait une vision trop « restreinte » ou présenterait une certaine immaturité. Chez les élèves de la classe scientifique, la disqualification porte uniquement sur des traits « douteux » de sa personnalité alors que pour les élèves de la classe littéraire vient s’ajouter une disqualification sur son statut de scientifique. En résumé, le fait d’être de genre féminin et d’être en position critique face aux sciences renforcerait l’attitude négative des élèves à son égard. Elle subirait alors en quelque sorte une double « peine ».

De plus, nous constatons que l’homme, quelle que soit sa position dans la controverse, est, par tous les élèves, soit valorisé, soit défendu. Ou alors il subit les mêmes critiques que sa collègue face à une attribution d’intérêts. Lorsqu’il est climatologue, il a un comportement rationnel, il est plein de bon sens, il a « raison » et il « propose des solutions à l’effet de serre ». Lorsqu’il est responsable de l’Institut de l’Environnement, les élèves le défendent par des arguments à caractère empirique et il serait également « plus ouvert ».

Par ailleurs, les élèves de la classe littéraire utilisent comme argument les considérations sociales et économiques de deux façons différentes : positive et négative. Soit cet argument est utilisé pour disqualifier le genre féminin (débat LA1) car un scientifique ne devrait pas avoir ce genre de considérations. Soit pour défendre le genre masculin (débat LB) car les élèves de la classe littéraire se retrouvent dans ces valeurs exprimées par le scientifique.

En somme, les élèves des deux classes littéraire et scientifique, mobilisent des procédés rhétoriques pour disqualifier la scientifique et pour défendre ou valoriser le scientifique dans une controverse entre deux scientifiques.

Par ailleurs, les catégories de procédés rhétoriques liés au caractère du locuteur sont peu utilisées par les élèves dans les débats C c'est-à-dire lorsque les deux scientifiques sont des hommes. Ainsi, les débats LC et SC, ne montrent aucune ou très peu de disqualification des scientifiques. Ce qui nous amène à nous interroger sur l’origine de la controverse. Le genre différent du scientifique ne

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serait-il pas un facteur primordial qui interviendrait dans l’interprétation d’une controverse scientifique par des élèves du secondaire ?

4. CONCLUSION

Dans cette étude, nous retrouvons le déploiement, par les élèves du secondaire, de stratégies argumentatives observées dans l’étude mère de Barbara Bader. En effet, face à une controverse scientifique, les élèves canadiens de l’étude de Barbara Bader et les élèves de terminale de cette étude développent les mêmes procédés rhétoriques pour interpréter le désaccord entre les deux scientifiques. L’analyse des procédés rhétoriques utilisés par les élèves des deux classes littéraire et scientifique nous éclaire sur leur posture empirico-réaliste en science. Cette posture épistémologique, également observée dans les travaux de Barbara Bader, résiste ainsi chez des élèves de deux pays différents, à des temps différents, de profils différents et dans des contextes éducatifs différents avec des programmes différents. Elle génère des obstacles à surmonter dans la mise en place d’une éducation citoyenne des sciences. Aussi, si nous visons des enjeux éducatifs, il est indispensable d’actualiser les représentations que les élèves se font à l’égard des sciences et les valeurs qu’ils leur accordent, pour les préparer à exercer leur responsabilité de citoyens dans des débats publics sur des questions scientifiques de société. Une analyse réflexive des stratégies argumentatives utilisées par les élèves pour interpréter une controverse scientifique, pourrait être menée en classe et serait alors un support didactique de choix.

Cette étude nous renseigne également sur le rôle majeur de la variable genre du scientifique dans l’interprétation d’une controverse par des élèves d’une classe littéraire ou scientifique. Tout semble être fait, plus ou moins consciemment par les élèves, pour disqualifier le scientifique de genre féminin et pour défendre ou valoriser son homologue de genre masculin dans une controverse entre deux scientifiques. Nous pouvons nous demander, si culturellement, les élèves sont prêts à accorder un même statut à une femme scientifique qu’à un homme scientifique.

La question des femmes et du genre en science pourrait alimenter la question plus fondamentale de la place de la femme et de l’homme dans notre société.

Figure

Graphique 1 : La distribution des catégories de procédés rhétoriques  dans le débat SA2 (Terminale S, débat A, groupe 2)
Graphique 2 : Comparaison des catégories de procédés rhétoriques utilisées  dans les trois débats fictifs en classe littéraire

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