LES APPORTS DE L'INFORMATIQUE A L'ENSEIGNEMENT -IMPORTANCE DE LA RECHERCHE PEDAGOGIQUE ET DE LA FORMATION DES ENSEIGNANTS
Jacques BAUDE secrétaire National
Association Enseignement Public et Informatique (E.P.I.)
Résumé:
L'informatique peut contribuer à une profonde rénovation de l'enseignement. Quelques-uns de ses apports passibles. Mais la recherche est plus que jamais indispensable et l'utilisation de l'outil informatique nécessite des enseignants correctement formés.
Douze arlnêes de pratiq'Je et d'expêrilnentation ~0dagogique nous ont convai~cu de l'importance de 1'inforolatique ccm:ne Olltil de rênovation et de transformation de l'enseignement.
~,lêanmoins, n0US ne tombons pas dans l'aut(jsat;sr~act'ionet nous :;enso:ls que nous ne sommes pas véritablement >ortis de la phase expérimentale.
Au moment oQ l'on généralise, peut étre trop hâtivement les matériels, les carences de la recherche pédagogique et la formation insuffisante des ensei gnants se font durement serti r.
S1 l' i nfor mat i que peu t a pp0rte r sac0nft'i but i0r, à l' é vol ut ion et il l'aœélioration du systéme éducatif, il faut nue le problème soit pensé dans sa globalité. Une vision d'ensemble est nécessaire.
L'adjonction d'un peu d'informatique ici, d'un peu de télématique là, plus quelques touches d'audiovisuel, n'est pas à la mesure du probléme
résoudre.
Je vai s évoquer, dans ce court exposé, quelques aspects positifs, nos yeux, de l'utilisation de l'informatique dans l'enseignement et quelques voies de recherche. Mais l'essentiel de la réflexion de fon~ reste encore à faire.
J~ livrerai ensuite quelques propositions de l 'EP; en matière de recherche et de formation des maitres.
1 - L'IrWORMATIQUE COt'IME OUTIL DE RENOV~~.I~~~E~~LGNE!~~~
Nous ne prétendons pas que l'utilisation de l'informatique rénovera et transformera à elle seule l'enseignement. Hais nous pensons qu'elle peut y contribuer.
Son apport se si tue à pl usi eurs ni veaux: 1.1. Au plan de la pratique de l'enseignant.
*
L'enseignant confronté à un logiciel pédagogique, soit au cours du processus de création, soit, le plus souvent. au cours du processus d'appropriation d'un logiciel écrit par des collègues, est amené à remet-tre en cause son savoir et à s'interroger sur son propre enseignement.Ces démarches peuvent évidemment avoir lieu hors du domaine de l'infor mati que pédagogique, mais nous avons pu constater qu'elles sont grandement facilitées par l'utilisation de l'ordinateur.
Comme si la machine imposait de plus grandes exigences (ce qui était seulement implicite doit étre explicité) et rendait l'enseignant observa-teur de son enseignement.
Nous sommes convaincus que l 'uti lisation de l'ordinateur faci lite un certain retour critique sur les méthodes et les contenus.
* L'utilisation de l'ordinateur, c'est aussi la possibilité d'ouvrir
l'enseignement a des méthodes déja largement répandues hors de l'école
et qui ne cessent de se développer. Il est impensable que l'enseignement,
et en particulier celui des sciences expérimentales, ignore longtemps la
simulation (correctement utilisée" les traitements de données,
l'utilisa-tion des banques de données ou encore l'ordinateur outi l de laboratoire
L'utilisation de données nombreuses avec des outils statistiques
conduit à une nécessaire réflexion sur les questions de méthode.
* L'ordinateur, par ses possibilités de stockage en mémoire, peut
permettre de suivre pas à pas, dans un cadre soigneusement défini, la
démarche de l'élève et de déceler ses difficultés et ses blocages éventuels.
Il y a la une possibilité d'amélioration de l'évaluation pédagogique
qui n'est pas a négliger.
1.2. ~a..'l---<l~_-'-è~!,,_~
Les él èves manifestent en général un i ntérét très vi f pour le
tra-vai l sur ordinateur. Une fois passé l ' a t t r a i t de la nouveauté, certains
travaux qui leur sont proposés sont mieux perçus que d'autres. Ce sont
toujours ceux où la possibi lité leur est offerte de prendre des
initiati-ves et de participer activement a leur propre enseignement. Ceux où placés
en situation de recherche, ils ont la possibilité de tâtonner, de revenir
en arrière, de se tromper; c'est-à-dire où ils ont le droit à l'erreur;
Qlj l'erreur n'est pas immédiatement sanctionnôe pal une note ou par
une perte de temps telle que le travail ne peut étre mené à son terme.
l . 3. !\u_Èil.rl..~d..E'-.J_'2"!.~..cJ.-isc i p lJ-"-.a rit é (d0nt 0n par 1 e b eau cou p, mai s
qu'on ne voit pas souvent), l'informatique peut étre un levier permettant
de fai re sauter des barri ères:
Sur le plan humain. Autour de l'ordinateur, peuvent se mettre
naturel-lement en place des équipes pluridisciplinaires travaillant en commun.
Nous l'avons vécu au temps de l 'ex.périence dite des "58 lycées". Je
revien-drai plus loin sur les conditions indispensables.
Sur le plan méthodologique. Ainsi, par exemple, la démarche
modélisan-te, démarche typiquement informatique, peut faire apparaître de profondes
analogies dans des domaines apparemment différents. Il est
particulière-111e n t e n r i chi s san t pou r les é 1 è ve s, e t pou r les e n sei g n an t s, de déc0u v r i r
qu'un méme modèle explicatif peut s'appliquer dans différentes disciplines
(la rétroaction ~ar exemple, en biologie, en physique, en économie etc .. )
L'utilisation de l'ordinateur en simulation peut le faire apparaître
clai-reliient.
1. 4.AIJ....2_~~n_d~_l~_dé_m_aLclle__~_~l ect_ll~~'
1 l e s t i n d é nia b l e que lad é marc h e in f0rm a t i que qui, à par t i r de
'analyse d'un problème, conduit, par la construction de l'algorithme,
l'es-prit .
E11~ ~st L,ite de créativité et de rigueur.
Elle doit aussi s'accompagner d'une cY'ltique vigilante, le fait qu'un
pro9r am me Ilt0u r n eIl nie st pas néeessai (ement une pre u v e ci~ l ël Ila1 l d lté du
modèle 1
Faut-il enseigner cette démarche comme une disciplin" ci part? Ou
faut-il l'insérer dans l'enseignement des autres dl,ciplines, comme out;]
de plus en plus indispensable
Qui apprendra aussi aux éléves a consulter rationnellement les banqu~s
de données et à maitriser une information de plus en Glus multiforme
L'EPI n'a pas, pour l'instant, une position définitivement arrêtée.
E Ile sui t a t t e n t ive me nt 1 es t r av aux duc0mi té s ci en t i f i q lie na t ion a l chaI g é
d'évaluer l'expérience d'introductlon d'une option infvrmatique dans le
second cycl e de l'enseignement général.
Elle reste néanmoins très attachée à la dimension interdisciplinaire
de l'informatique et craint que l'introduction d'une discipline nouvelle,
qui aurait trop tendance a êt"e "naturellement" rattachée aux
mathémati-ques ne renforce le caractère élitiste et sélectif de notl-e enseigneinent.
Il nous sernhle, dans l'état actuel de notre réflexion, que créer une
o p t ion 0u une no u vell e dis c i pli n e est, ace ,- t a i n5 é g a r dS, l:n e sol u t ion d e
facilité, dans la mesure ou on ne remet rien en cause de "organisation
scolaire et très peu de ses f,nalités.
L'approche pluridisciplinaire a le mérite de porter un legard plus
no-vateur sur l'ensemble du système éducatif (cf. Bull EPI n L31
'je serait-ce que pour ces quelques rai sons
* rénovation de 1 a pratique de 1 'enseignunt par le retour critique
sur son propre enseignement,
* utilisation de méthodes jusque ld inaccessibles,
* suivi plus rigoureux de l'élève mis en situation de recherche,
* mise en oeuvre d'une rêelle interdisciplinarité,
*
prise en compte des aspects formateurs de la démarche informatiqueil nous semble quel 'infor~latique a lar'gement sa place dans le systeme
éducatif.
Cette conviction est fondée sur un vécu, celui de l'expérience des
"58 lycées" et de ses prolongements dans un certain nombre de lycées
actuel-lement équi pés.
Il faut se souvenir que cette expérience s'est déroulée avec des
ensei-gnants volontaires, cor-rectement formés, la plupart engagés dans la
relative-rTlent important.
Une général i sôti on des équi pements a été déci dée.
A la fin de cette année 1983, de l'ordre d'un millier d'établissements seront officiellement équipés, sans compter les établissements s'équipant sur leurs ressources propres.
Mais la formation des enseignants et surtout la recherche pédagogique ne sui vent oas.
La réflexion sur les méthodes et les contenus d'enseignement, en liai-son avec J'utilisation de l'informatique, passe à l'arriere plan.
Cela nous parait dangereux.
La recherche pédagogique est d'autant plus indispensable que 1'01 géné-ralise les équlpements, dans la mesure où l'outil est loin d'étre maîtrisé'
-
r,--~c~~~~~_~A__R_E_C_H ERC~~D_~~~I{U.E.Nous avons fonctionné jusqu'à présent de façon trop pragmatique et la réflexion est à peine esquissée.
Nous di sposons heureusement d'expériences variées, richos et souvent très originales qui peuvent constituer des bases snlides.
Malheureusement, elles sont très dispersées. Il conviendrait dans un premier temps d'en faire un recensement exhaustif qui serait largement dif' fusé.
Des axes de recherches prioritaires devraient être I-apidement définis. Sans prétendre iCl ètre complet, nous pouvons clter
· les apports de l'ordinateur
ôu suivi de lù démarche des élèves, l'enseignement de soutien,
la lutte contre l'échec scolaire,
· la recherche et le déve10pJement de nouveaux langages mieux adaptés
a"U\ besoin::. de llense1gnementl
la recherche de nouveaux logiciels qui intégreraient les travaux actuels sur l'intelligence artificlelle (je pense aux systèmes experts),
· l'opportunité d'un enseignement de l'informatique
(A quel niveau? /1vec quels objectifs et quelle pédagogie 7 Quel pourrai têtre son impact sur l' ense', gnement des alJtres di sci pl i nes 7) et pour répondre plus spécifiquement au thème de ces journées:
· l'aide de l'ordinateur à l'acquisition de certains aspects de la démarche expérimentale
· l'utilisation de l'ordinateur comme oU~ll de laboratoire
J'arrête là cette énumération; elle montre déjà la richesse des voies à l'heure actuelle insuffisamment explorées. Certains de ces thémes sont étudiés par des équipes de l' INRP, malheureusement les moyens mis
1) 1 dg l ~ T l rI cl i ':..' rll Pill.:. rJe t ePO;)cr~c: la q:jpst~11n
v~t e .
lie ~nfo ati ue !Jour un ense-ignenlerit rèrl0vé répondre
Que doit-on faire
1 l faut que S:J leTlt )'a plde mer:t cié '. ,-) -:0 pè s t ()Us les p,'~)tei \tl i S d2 r e che r-c,'1e ac:tuellr:ment ex~stdnts~I:jR . :Jnivers~té, ErIS, C R)l IRT
Des lIens étroits devant étte ét6~lis Jvec 1es ense~gfl ts cl~.' teÎ i~ r3jn
engagés dar:s la rec!le~che-actionct regy' upés ~rl équipes pédagogiques,
La r e cI~e {' che ne peut Ê-tre ctis sei é e j S Jeti \'ites dan i Pl a tic n récla go 9 i IJe et de conception de lO:Jlciels se dérolJ:dnt dan:::, les Ct' t fS lnf~)rmdtiqu~_~s
des établissements équipés.
Des moyens nouveaux sont indispensables pour ces équipe- dinsi que la défl nitlOn du statut de l'enseignant-chercheur.
La cohésion des dlfférent~s ~ec!lerches pourrait être assu! êe pJr
l ' INRP dont les moyens devI-aient être accrus et dorlt l laut0110 ie devrait
être mieuy assurée.
Une direction de programme ~l ur l' irlfor"matique devrait J ?tre r' ploe-ment créée.
Dans le but d'assurer les liaisons les plus étroi~es Jvec le terrainl
dE.'::' Instituts de Recherche Interdisciplinair'es sur ;'E'lselgnemeni: devraient êt·r--e créés au niveau acadélTliqlle. L';nformatiqce en tarit cu'outil
péd'gogi-que à caractere interdisc~p:~qai(eaurait un rôle "impcrtant à y üuer. En~in, i l n'y a pas de rechercrle sa.ns la liberté du Ch2tcheur et sen i ncié pen danCé vis à vjs dU pouv0ir. ,,1ais l' a t tri but1 0n des miyén 3 der ec ",e\~
cr:e doit se fair-e dans la. clarté et le plus grand nombrE' possible d'ensei-gnants devront étre a3sociés ~ la définltion des axes de re-herche et en ~esure d'en juger les résultats. Ces résultats dev0nt être largement diffu-sés.
enseignants la formation. Nous en arrivons donc au pro~léme de la formation des enseignants la liaison indispen'iJble entr'e la formation et la recherche.
3 - LA FORMATIO~I
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-L'utilisation de l'outil informatique nécessite des correctement formés et un lien étroit entl"~e la recherche e::
et
P.Jure e qui C O!1 Ce rriF- 1cl f0rrnclt Gil inltia1e~ cel l e - c~ ci(jit f~,l1~e 01u s
aux sCll~nle:, de l'educdtion dl.'nt 1 inFo('rna.tique, et lar"ement appel
notamment l 'E,~O, seraie'lt ure '~')moO<:,,"lrte. es cherc~leur's rtevraient partici
-per actl '1Ellent () 13. f ( ; ation des futurs e'lseignants.
r~alS cC'.lmment toucher effll~G'~ernent les ~ns(-"Jnants èrl e::e(Cl('e sans
~jné for mati [)n cont~ft IJe r DicleiT1r:nt rnise e n pl .3. Cf~ ? La r'2 CrH~r che '::ri t~d u :-d.' i0 il
n'a d1interêt que ':.1 les ensei:;nant.s peuvent Si pprcpr'ier les (e~'~,lllt.at.::; de cette recherche et ITlodifiel" le 'j r pr3tiqu~. 11 faut que le plus grand
serltent concernés (par exe~ple, er: défi!1 bre poss~ble d'erlse4gna ts se
re;a-que les problémes de l'informatire;a-que
péda-rapport
a
ceux de la recherche pédagogiquetion étroite avec la recherche pédagogique; là formation continue ne
devant pas étre seulement une mise
a
jour de connaissances.Cette formation pourrait étre donnée dans des Centres Universitaires
et fou dans les Instituts de Recherche Interdisciplinaires sur l'Enseigne
ment évoqués précédemment (IRIE).
corlCLUS 1ON.
Je n'ai pas le sentiment
gogique se si ngulari sent par en général.
Cependant, le passé de 1'informa'ique pédagogique est très court,
pas plus de 12 années en France, notre expérience est donc relativement
limit è e alors que l'0rd i na t e ureSt de plu5 en plu som ni pré sent .
L'informatique, la télématique, progressent
a
une vitesseconsidéra-ble, bien plus vite que les facultés d'adaptation du systéme éducatif.
A trop attendre et sans une pol i ti que clai rement défi nie di sposant
de moyens, il se créera un fossé p ofond entre i'école et son
environne-ment.
I l e s t deI ami s s ion deI' Educ a t ion ~~a t ion ale d' en gag e r un l a r g e
c!.è
baL<.!~ m~_r_a !i~u_e n a t ion a l 5 Uru
n pro jet péd a909i que i ndis pen s ab1ea
l a réussite de l'introduction de l'informatique ds l'Education.Il serait paradoxal que ce débat soit mené hors de l'Education