(
if
... LE SURUENRNT SELON GIONOET GDEUREMONT
hg
Michel Philippe Poïrier
ft thesis sublDitted
to
theFoculty of Groduote Studies and Reseoreh
in partial fulfillment of the requirements
for the degree of
Mesler of Orts
Bepartment of french Language and Literature
Mc fiill
Uniuersity(
-'\
Je tIens a remercIer mon dIrecteur de
thèse pour son alde et sa patience,ainSI
que le Departement de langup et littérature françalsespour
m'aVOlraccordé un délaI supplémentaire
~---~-~-RESUME
Ce memOlre analyse le rapport entre le roman Que ma JOlO demelJr'l de Je~m
Giono, paru en 1935, et Le Survenant de GermtHne Guèvremont, paru en 1945
Il nous est apparu Que les heros, Bobl et le Survenant, partagent de nOfnbreuses SI mlll tudes. De plus, 11 s s8mb 1 ent ètre l'mcarnat lOn d'un drchétype pUlssant que les
deux
ôuteurs ont explOlté presquesImultanement
MaIS GlOno et Guèvremont n'ont pas la même VISIon du monde Avec Que ma
Joie demeure,
nous sommes ElU coeur d'un drame poétIque On peut reconnaitreà
certaInes Idées du roman le~ CotWlctlOns personnelles '::e l'auteur AlnSl lerlÉ'ros
Bobl tented'éveIller
et d'éduquer les habItants du Plateau Gremone fJ denouvelles
I/sleurs, telles le sens du partage, l'abandondu gain,
l'amour de lanature,
etcSon
IdéalIsme faIt preuve aussI d'unegrande
senslblllté quelJ
C1VIllsatlOn etouffe, nous dIt Giono, sous le couvert,je
1
a
techmQue
Dans Le Survenant, Gerrmilne
Guèvrernont s'élO1gnede
toute préoccupôtlOndl
dactlQue.Elle
secontente de déCrire l'arrivée
soudamedans une famIlle
d'un étranger, en
1909, etson
dépflrten
1910 Pendant cette pénode.
1es
personnflges subI ront J'mfl uence de
l'étranger
QUl su~c 1 t erEl chez certéflrlS de l'amour, chez d'autres de la hEl1ne etdr
J'envIe Sa prés:mce seule va provoquer de muJt.lples crises de conSClence r1als ce n'est pas tout Le Survenant ébranle les structures d'une tradItIOn llttéralre au Québecr
ABSTRACT
nus ttléS1S ônalyzts the relatlOn between the french novel Que ma Joie ,jerneure by Jean Glono. publlshed ln 1935, and le Survenant. wntten by Gerrnolne Guevremont and publls~led ln 1945.
It came upon us
tI·,ot
trlt~ heroes, Botn and le Survenant. shat"e an amazing slml1anty Furthermore. they seem ta be the lnCarnatlon of a strong.~rchetype explOlted by both authors Vet, Giono and Guèvremont do nol necessanly share the samc pomt of Vlew ln fact, Que ma J018 demeure
deals wlth a poetlc Vlew of the world trlat has been enfoiced by the auttlor's personnal bellefs. speclally hlS pacHism The hero. Bobl, lnes to eduQuate 1.1'18 people of lhe Piateau Grérnone to new values sucl'l as the sense of ·~tlflnng, the love of nature. etc. HIS ideallstlc Vlews wl11 dnve the
characters to a deep sensltlYlty that, GlOno bel18ves. lS contrary to modern
soclal values
ln Le Survenant. GermEllne Guèvremont has av01 oeo ail moral or dldact lC
lssues She only descnbes the sudden arnvôl of ô stnmger ln 1909 and his
,jeparture ln 1910 Vvlthm thlS penod of tlme, many ttllngs wlll be brought
out by hlS presence hate, love, er.vy, etc H1S presence ltself creates among
the people of the Chenal-du-Mome an lnner cnS1S But there lS more to 1t. Le Survenant shakes up the Quebec llterary traditlOn.
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION
A Le thème de la survenance dans Le Survemmt de Germaine Guèvremont et dans Que ma IOle demeure dE~ Jean GIOno B EXI ste-t -Il une parenté lIttéral re entre 1 es deux oeuvres
étudlees et Quelle est-elle?
C. L'onglne lIttéraIre du survenant 2 Les thèmes centraux
2 1 Le thème de l'étranger
.2
2 Le thème de l'amour23 Le thème de J'ImmobIlIsme 3 Le rôlt1 du survenant
4
Le tempset
l'espaceL'ORIGINE LIn ERAIRE DU surVENANT
1 1 Le Survenant et Que ma )018 demeure sont-elles des oeuvres
engagées?
12 Les dwerses mômfestatlOns du survenant a) Teorëmô de Pôsollnl
b) DemI an de Herman Hesse
2 LES THEMES CENTRAUX
~ 1 LE THEI'1E DE L'ETRANGER
2.11
Ongme
dela notIon d'étranger et
dl?l'errant
densla lltterature
QuébécoIse
2.1 2
LeslgmflcatlOn
del'étranger chez
GIOno(
•
i
(
22 LE THEME DE L'Af10UR.
22 1 L'amour comme attachement à un lieu ou
à des personnes
222 L'amour cosmique amour du monde et de la nature,223
La notlOn du panthéIsmechez
Giono23 LE THEME DE L'IMMOBILISME
2 3 1 Analyse des héros et des personnages sédentaires
:2
32 Le tMme de la para le2 33 Les personnages symbolIques de Que ma
JOIe
demeure, 2 3,4 Le motIf de la maIson'2 :55 LIeux onirIques
3 LE ROLE DU SURVENANT
3 1 Le messIanIsme dans l'oeuvre de GlOno
32 Le départ du Survenant trajectoIre fmale du héros
4 LE TEMPS ET L'ESPACE
4 1 T emps-ec;pace cyc 11Que dans Le Survenant 42 L'e Jément de durée dans Que ma Joie demeure
43 Le cjJ~cours sur le temps reJomt le dIscours narratif dans
Le
Survenant et dans Quema
JOIe demeure44
L'étude de la matIère dans le roman de Giono et celui de Guèvremont.CONCLUSION
A Le survenant est Ile au princIpe d'évo Jution,
S La portée du ~rve/laOl et de Que ma joie demeure,
~!P.' 10GFV\f'HIF
(
...
';1 le Survenant. de Germa1ne Guèvremont a marqué la lIttérature
québécOIse, c'est d'abord à cause de son héros peu commun, le "grand-dl eu-.jes-routes" La vocatIOn de ce mysteneux personnage résIde dans son pouvOIr inconSCIent de seductIon. r181S comme tout destIn, la "survenance"
eXIge certaInes aptItudes Que partagent le Survenant de GermaIne
Guèvremont et le Bobl de Jean GlOno dans Que ma ]Ole demeure, roman paru en /935
Nous avons entrepns de dégager les nombreux POInts communs de ces deux oeuvres QUI ont un même thème central les cnses provoquées dans les
conSC18nces par l'arnvée d'un étranger d~ns un monde clos Sans pOUV01r Mflrmer qU'Il s'agIt
là
d'une parenté lIttéraIre véntable, les motIfs de l',lmour, de l'ell8s10n, de 18 mal son témOlgnent d'msplratlOns proches AUSSI, .jfm de mIeux cerner notre sUJet, nous avons pn\lIléglé la lecture thématIque Voyons d'abord ce Que slgmfle un thème'Le thème se défInit ( .. ] comme une obsessIon, pas nécessaIrement inCOnSCIente, personnelle autant Que possIble dans la mesure où elle est chargée de rendre compt e d'une oeuvre part 1 cu 11 ère
ou
d'unensemble Ilml té d'oeuvres,
et,
bIen qu'elle pUIsse ètre partIellement partagée par plUSIeurs r0ll1dnC1ers d'unemême époque,
on peut. avancer qu'on ne la trouvertl pas développée de mamère IdentIque chez deux éCrivainS. le thème dellra également rendre compte d'un pensée, c'est -à-dIre d'une momère de concevoIr le monde et la soc1été (ce Qu'on nûmmere "ldéolog1eU) , et de les représenter (1)
-r'~f)1
rp
t <1ct\P ~~er"l tionc dflrendre
compte des ressemblanceset
des ecarht-'nl.rp (jpux nPllvr ~s IS'3ues de la meme presenCf~ "ol)spddntp" de l'ptran~lPI pn
pllJlili.HI1 Itl:, J \vprs fIIodf'S de la prf.sence du SurVfmant et de Bobl (jans ('el:>
111 t ions rorrkHll?sques
Germame
GUf!vremontconnal~S.1lt-pli,:.> 1'()t-'IJVrp (je r.,)Ont)? (1valt-I?IIe lu Que ma JQJf.JlernelJrf''t' Oan'-, lIn ",rI I( le
paru (l31lS Uldl el (lInP t-'f\ 1 qb 7, !\lHl') apprenons ()tJ' Il est, llV!?[ Co If'> tt t', \'\ln (jp ;f-I<; autE'tHs prl-'lp/'pc.; "lisez lfo's [arJerloff, IfolS SIII;Jnp;JS, 11:''1 IJndst't, les
Hams\!n, les Yole. nlernp lps 61Onr)' vous
y
verTl:'Z II-' contour (ll:' (fir;1rtf.'reS-- VIP)llp iltnlp" (:?) Ffjut-II y vo".. urw verltablp Int luence, nu une slInpll:"
1 ()lrH I(j~ncl:' (flrl,:,plral.wn? Dans une entrevue (Ionl les prCJr)os ont et~ r~prlS
P,.lI' r·llrPIII~ !JnIlSP/'t'dll di'lnS un tllm a R,;}tilo-Ouel}P( pn iYR2, Id ['om;;}nCIPrp
t-'clawt'
l'onglrlP
de son personnagf' en révélant que lE:' :'lJf venbllt esl ne "(j'un!:>I;HIJ~ p,.,H t (rot) ... ~f'v':111I)n, mais aussI (j'une
larCJP
part. (le r'pve ptd'lfnal)ln.-:lt Inn " ~ IIi:' Vd plus lom en .111 Irmant que "r:Jl.1CUn (Je nous por I.e en SOI un surVflnant "for! Idlr, II tntdrne (10ur elle ''!'pvaslOfI, c'est fouI. CP q(J'on
\/(lIl11rrlll· t;me f-It qu'on IÎtlccornplit pas" (3) Lp. Sl1rvp,ni3nt spralt donc: unp
lorrnt-' (j'dppP!,.l lri Iltwrte, un refus de Itj tllCjoterlP et rjfo (Pt P'-,Pllt
d'f'rnbrlgf.ld,:.rTlPnt
dont
(l/mlO SP rnéf/f1lt t~m~. Il f.1l/t vOIr (tIPL (;JprrllfJl(\p f)upvrprnnnl IpIJr
rinrJ 1 aient ,j'lin f-Il'l'lv;::ttn qUI 12l1SSP ,=,voltlPr St-'S pf>r'SO/lItrH)PS.... 1 qlJl tl)IKtle p(H le frilt rnerne aux structures f.:1r(tletypale~ (je l'In({)rl~( It'nl
.
Chez GlOno, récn ture est aussi généreuse I)ue chez Germai ne Guevremont, CBr Ils sont tous deux de véntables romancIers au sens ou
l'entendaIt GIono "Pour mOl, le romanC1er est un homme QUI donne beaucoup,
,]énéreusement,
des Images et généreusement des richesses 8 18 fOlS de;t.yle et. ,je verbe Il faut Que ce SOlt énorme ( ] Le romanC1er est ,jonc en
premIer lIeu, Ô mon aVIS, un homme qUI raconte une h: st01re, et qUI saI t raconter une 111st01re" (4) Nos deux écnva1ns sont les romancIers du
"n
étaIt une fOlS" Mai~ au contraIre de Germame Guèyremont QUI S'InspIra,
pour
creer le Survenant ,j'un être qu'elle BWUt connu dans sa Jeunesse, GlOnone
s'est. ,lamaIS Insptré d'hommesou
de femmes réels' "(Mes personnages) ont t 0111 ours ét.é 1 nventés, composés par des m1nl ers ,j'ôutres personnôges Quefevals
vus, môlSJamaIs
tels que Jeles
al écnts et ôucune,jes hlst01res
queJ'dl racontées n'a eX1 ste Aucune" (5) /1 reste Quand même Que Germal ne l)ul?vremont et GlOno ont été dépassés par ce qu't1 s aVtllent 8 dl re, de sorte que leur "Survenant" est a rattacher a une flgure ,je mythe unlllersel
La survenance est un theme central dans l'oeuvre de Germame Guèvremont et chez GIono Ces deux personnages semblent naître du même archét.IJP8
Ce personnage appartIent en faIt
à
une catégorie SOCIale chèreà Giono et blen représentée dans son
oeuvre celle des errants, Comme on le salt, l'espace glOmen est très souvent parcouru et dynamlse per ces hommes hors du commun, au senstort
de l'expresslOn, mBrglnaux mels porteurs des"vraIes rlchesses", que sont les rouleurs, les roulters de toute sorte
L.l
ce sont de toute façon des assaI ffés de dIalogue et d'amltlé humame; desmtermédiaires culturels aussI, QUI rèvèlent les hommes
à eux-mêmes. (6)
Cette très Juste défmitlOn de Jean-Claude BouvIer s'applIque aussI bIen
à
l'un et l'autre héros. Bobl et le Survenant sont eff ect lVement des "mtermédlalres" qUI révèlent aux autres leur nature profonde MaIs, plus que che:: des héros épiques, le thème de la survenance tel qU'Il se présente dans le Survenant et dans guema
)Ole demeure, Joue de plUSIeurs pnnclpes fondamentaux d'OPPOSI t lOn. S'opposent notamment dans l'un et l'autre romfm le nomadeet
le sédentaIre, formant dans chaque cas un couple symbolIque dont l'unlon va alImenter la thème de la survenance, c'est sur lm Que 3'artlcule toute la trame romanesque, et par IUl qu'est provoquée cette contlOuelle tenslOn entre la tendance vertIcale (nomadIsme) et la tendance honzontale (sédentanté), car la survenance évoque fatalement quelque chose d',3énen et de magIque QUI se dlstmgue nettement du caractère réalIste du sédentaIre. On trouve du reste ce dualIsme fondamental dansl'e~~pressl0n Imagée et symbolIque de Bobl "Onon-fleur-de-carotte"
Or, SI la survenance est une vocatlOn, elle peut être, surtout dans le
roman
deGlOno,
synonyme de véntable mISSIon BObl, dont l'arrivée est aussI abrupte Que celle du Survenant, va conquénr l'âme de ces p(jysans tacIturnes et les guénr peufi
pe' ~u mal contracté du faIt de la SOCIété QUIl es il habl tués
à
tout subordonner au gain, et decet
autre mal QUI est plus profondément mscnt en eux' la dlfflCUlté d'être. Voilà, comme J'a SI blen exprimé A. J Clay ton, le véritable drame QUI repose au fond de ces{
"revellier pour ,jeclencher en eux des passIOns multIples f1alS VOICI que Bobl nppanllt au beau mllleu du Plateau Grémone comme en réponse au voeu wténeur de ,Jourdan; déjà, c'est l'annonce du prophete Et de fait, tout au long ,ju roman, Bobl sera consIdéré comme le poete guénsseur En tout cas, ses dons et sa connaIssance sont. ceux d'un véntallie Imtté. Par cont.re, le Survenant de GermaIne Guevremont est un héros plus humain que le personnage de 13lOno Il ne pro
Jette pas
1'1 mage d'un messl e, du moms pas en I~pparence, et le portraIt qUI nous en est donné demeure toujours ImmedIat en se conf ormant aux normes du Quot 1 dl enDans le premIer chapItre de cette étude, nous étudierons l'onglne II t.t.éral re des héros Les questIOns
8
poser seront d'abord de l'ordre de l'engagement des ecnvatns face Il leur oeuvre quelle V1SlOn ,ju mondevehlcule-t-elle'? le t.heme central cerne-t-ll unf! IdéologIe? Evoquant la t t1éone de Sartre sur l'engagement de l'écnva.n, nous verrons la réponse ,je GlOno a cette quest.iOn Nous verrons également. Que le Survenant, cet "anarchlst.e" s/Jmpat.hlQue, t.rouve ô s'mcarner dans plUSIeurs ftctlOns, a
,jlverses époques On le VOlt par exemple dans Téorêma, fIlm de Pler Paolo
PaSOllnl, cree en 1966 On le retrouve également dans le roman de Herman Hesse, Oerman, poru en 1919 Du reste, Slddhartha (paru en 1922) et le Loup
Ije'3 steppes (1927) présentent autant de vanatlons du thème de l'étranger.
Cette ouverture sur d'outres oeuvres
tnll tant de l'étranger nous 8mèneraà
prendre conscIence du pouvOIr qUIl exerce sur les autres personnages et sur son ascendant.Dans le
chapltre
deux(rétranoer
1l'amour
1 l'lmmobll1sme ),nous
\Jerrons le même systeme d'OpposltlOn slgnalé tout au début de notre
introductIOn
Jean-Plerre Duquette
aVAlt très
blen perçucet aspect du
tl1eme de
l'étranger
chez Germawe Guel/remant "II représentele
pnnclpe ,j'Opposltl0ns multIples et dévijstatnces (départ/enracInement des êtres, ouverture 1 ferme ture de l'espôc e romanesque; présen t. - passé 1 present -
fu t ur) ,jans lequel se sltuent les uns et les autres" (7) L'unlvers romôneSQIJ8 ,je Ouema
101e demeureet
du Survenant est parf1:lItement dIchotomIquele
Survenant représente la chôrae
posltlve duromôn
etles personnages
secondtnres la ctlF.lrge négatIve Des Que le Survenant pénètre dans le rom6n, l'Unlvers redult ,jes hablUmts s'agrandIt soudamement, denouveaux
hOrizons s'ouvrent, la nature et la m81son redeVlennent VlVantes Bobl exerce le meme pouvoIr chez GIOno, et nOl1s verrons Que cette dlchotomle se retrouve t.outau
long,ju parcours
romanesque,
a tous
les mveaux
Il lmporte de tracer un survol hlstOrlQue de 18 notIOn d'étranger Nous
verrons l'onglne de la notlOn
d'étranger
dans
lesllttératures
françôlse
et QuebécOlse
On
peut déjà afflrmer Que l'étranger estprésent
dès les premIers Da 1 but 1 ements ,~e notre Il ttérature Nous remonterons aux sourcespour
,:!boutlrau
concept. de l'ét.nm,~er tel Que nous le trouvonsIncarné
dans
le Survenant Quant a la 11ttérature franç81se , cette not.lOn est. encore absent.e, on peut dIre Qu'elle a vraIsemblablement pns nalssance avec GlOno Ou reste elle n'a pas d'appartenance hlstOrlQue comme pour l'auteur duNous procéderons ensUlt.e Il la descnptlOn morphologIque des héros
A premlere vue, ce sont les ressemblances physIques qUI frappent le plus, mtllS I.WSSI les nombreuses apt.lt.udes manuelles, leur conmHssance du "vaste monde" Ils font véntablement fIgure ,je surhommes, Il n'est donc pas étonnant qU'Ils attIrent aussI fortement les femmes
Cette quest lOn entraîne fatalement l'étude du thème de l'amour, selon tr01s volets dont le premIer traItera des relatIOns d'amour entre les êtres Nous verrons qu'elles se tIssent dlfficllement. ,jans l'un comme dans l'aull
e
mmdn, De faIt, nousy
al/ons vu une contradlctlOn, les heros IntrodUIsent l'amour maIs s'y refusent totalement, c'est l'amour-obstacle, l'obst.acle pnnclpal etfmt le personnage méme de l'étranger Il réSIste, bien sür, ij cause de sa SOIf mtense de lIberté, Or, ce que l'on peut dégagerImmédIatement du 1.heme de l'amour, c'est la vlt.allte et la sensualIté qu'exhalent les héros Dans une étude consacrée au Survenant, on a dIt qu'Il etaI t une figure ,j'Er-os Une chose reste sûre' II répond a une Image omr1que
,je
l'amourNous étUdIerons Quatre personnages pnnclpaux QUI sont, de près ou dé lOIn, rattachés ,j ce thème: troublées par la presence de nos héros
ml1glclens, Ange11l1ô et PhOnSln8 dans le Survenant et Aurore et Joséphme ,jans Q.!.JJL.!.lli! 1018 ,jemeure, seront possédées et transformées par des états
Ij'àmes nouveaux Nous verrons en quoI les personnages subIssent cette métamorphose
-Fare
atolls (PS
pprsonnages exaltespar
l'amour,noue;
rE'l1lpttronsPI'
QUt>SlI0fl le rillp dl:' c,pduci eur accorde au Survenant et a t30bl Y a-t-Il (Jour/.'lljX Ijec, l'P.I) le/opt)t 's ,j leur condItIon d/:"l seducteurs lnVOlnntall es,
tl(lulf'vPr'san1 les ( Of'ur'-, pl les f'S[)r1ts sans devoH c,';:)b;:,ndnnner PlJx-mpn1pc., (j
('(-> qu',I.;.; c.1prlflnctwnt'l c.pttp Itml9P lie l'amollI' Clll1 est ÇWOJptpp (jans rps
<ku)< roman':> np dellouctlP- 1 -e Il f-' pdS U 1 t lf'rlement "lllr llnp pr ot
onelp
c:f er III I.e?Il
l'e,te
PfI lout CaS que l'amour est hautement problernat lqUP ttlf-'7 l'tlll( ornrne (J1p.7 1'8utn' tler ()~,
Nnu,", ptUC1IP!'Il!IS I::'nSUfte ,'amour cosmique) autrE' dImenSIon (ir ,'amOlli' Ort y VI-'rr(j II:' tôle (Je la nature, De faIt, SI GIOno et (JerrnalnP bUf;'vrl-'rnont n',wltlt'nt pà'~ lionnp .111 ttîeme dp l'amour unr dHill::'nSl0n (osmlqup, on rrolr,:}It
lat Ilemprlt qllP l'hnrllIne lia pas {jp ressourc~s pOSSll)lpS (jans l'unlvprs Or
f 'pt.,! fwe( 113Prllpnl 1(-> contraIre qUI se produIt ChPl (1prrnalrlP blJpvrprnortl,
P,.)( pXl::'rnplp, Il spmtl1p (\Ue l'évPl1 i:l l'amour c:orrpspondp .1 l'PVf-' 1 1 (j l'W11VfJrs
i 'pst c.or!lfne SI la f or ce emGH)dnt du ~urvenaflt n-' inventaI f Ip. rno(l(le du (yttp COIî:,ta1..atlor\ s'appllquf> on ne peul 1111P-1J)( f:lU
pP/":;()fH)ri<JP d'All9é1ma lI::' roman de CJlOno nOl1s Invite par ;:Jllieurs t:l
p ..
,r
lit ,pp!, ;'J I;'J ~Jr'~Iî(11:' ;'Vf:'lîture(OSmlqu
plnstf1urée
par
eot)1UW
l';1fl1nUr, qUI p':.1 1 elpl]uP prm(lpalf-'rrlp.nt a la fonctIOn phySlqlJP., pst sutxH'donrw t:I lriJOlP spulp reallte quI':' rpi.,onnaît
eool
LaJOIt',
('est potJVOH'Siifilir
f'lfrllvprs, PO(jVII!rc,"y
fOl\fjre, dPVPlîlr un élernent pi1rrnl d'dutrp.s, r IPIi (jpplus Cf-'ttp volontp (1t:' rpffilre un unIvers senSltllf-' eSl-!:,llp rpllPP au
pant.hel sme et l'anthropümorphlsme Tout a falt absentes du roman de GermaIne GU8vremont, ces notIOns sont au coeur méme ,je Due ma Jale ,jemeure. Du reste, elles sont une constante dans plusIeurs des romans de Giono
Nous nous 1I1téresserons plus partIculIèrement ensuIte au theme de l'lmmoblllsme Nous ferons en premIer Heu l'analyse du héros et ,jes personnages second8lr~s PUIS, 11 sera questlOn du motIf de la parole Nous poursuivrons par la sUIte avec les personnages symbolIques de Que ma ]018
demeure EnfIn, nous aborderons le motif de la malson AinSI, le premIer \lOlet va tenter ,reclalre!r un peu la notlOn de héros Nous nous servIrons des ,jonnees de Jung sur J'archetype du surt10mme On verra ega 1 ement que, non seulement J'eiran'jer se pose en anarchIste, maIs aussI en véntable n1ldthe
Autour du Survenant et de Bobl grclVI tent tous les personnages seconda1res qu'on peut 1,jentlfler comme sédentaIres C'est la Qu'on asslst.e
8
un vén table dérangement De certaIns de ces personnages muets et statIques, le Survenant et Bobl feront des êtres senSIbles, ouverts aux r-ealltes ,je l'ul11vers aussI bIen Qu'à leur être propre Chez Germ8lne Guevremont t.outefols, cette metamorphose ne sera pas faCIle plUSIeurs vont reslster et éprouver une eertmne peur face au dIscours du Survenant qUI est en generôl perçu cl'une mamere negatlve. Ce n'est pas le cas pour le romen de 61000, ou les per(,Wnn8ges vouentà
leur "messIe" un véntable culteNous mt.errogerons
à
cet effet lps catégones 8ctantlelles des romans Ouels types de rapports eXl stEmt-lls entre les héros et lespersonnaqes secondtl1res'~' Nous examlnerons
par
hl sUlt.ela
dynamIque dscenslOnnelle qw caracténse les héros En effet,à
18 morne réalIté du Plateau Gremoneet .ju Chena\-.ju-Mome leur présence msplre
un rnuuvement. vertIcal et elle est nettement caracténsée par les nombr-euses métamorphoses,je
aObl rappelant l'mseau oules
.jéslgnôtlOns ti'létôptlOrlQues comme "Fend-le-vênt" ou "oIseau de malheur" pour le Survenant VOIla un autre aspect ou GIOno et Guevremont se retrouvent Il ne pOUI/ÔIt
en êtreautrement pUIsque l'etranger mcarne au fond 1'8ppel a la llbert.e 11als bIen plus que .je Jes ève!ller a la réaltté du monde, Bobl et le Survenant \ont. tjonner aux sédentaIres la POSSIbIlIté de perler, cette fonctlOn capItale ';erVlra d'Instrument de "séduct.lOn" et d'll11tlôtlOn ô li! connaIssance
Nous aborderons ensUIte les personnages symbolIques de Oue ma JOIe .jemeure, ceux qUI représentent les aspIratIOns profon,jes ,jans le roman lô nature, '30l..lS les tX81tS de Zulma, et l'amour, aSSOCIé au personnage d'Aurore L'un est un rerlet de l'harmome universelle et de la beauté
,ju
monde,l'autre
(etlete
le tragIque ,jest1l1 de l'hommeet. ses
,jéfauts prolonds régofsrn,~,l'avldlt.é, ,jont les personnages font preuve QuelquefOIS Zulmô est un peu, il
la façon .j',6,ngélm8, un personnage d'amour GuaM
au
Survenarlt, Ilest
plutof.représentatIf des
rapports famlil/Jux sclérosés Que nous trouvons dans une certaIne tradItIOn lIttéraIre chez nous Du reste, GermaIne Guevremont n'a pas attaché de symboles partIculIersà
ses personnages secondaIres comme c'est le cas pour GIOno1
...
Nous etudlerons ennn le motIf de la maIson. Nous entreprendrons son élude ,3 la lumlere ,je Id pensée de Gaston Bachelard Nous verrons la
'~tructu"'8 PSIJctllque '1e III maIson et ce Qu'elle slgmfle pour les héros et les personnages sé:1ent.alres
Nous arnvons fmalement au trolSleme chapItre qUI étudIe le rôle du
"SurYenant" La, nous nous demanderons SI les héros n'ont pas, out.re leur
vocatIOn de plaIre, une lIoca1.lOn purement meSSIanIque Du reste, elle est notOIre dans que ma IOle demeure Nous exammernns de plus pres les not.lons qUI S'IJ rattachent comme le panthelsme, l'acrobat.ologI8, le chnstltlnlSme et le messianisme Toutes ces not1Ons relevent du processus ,je ",jeclIflllsatlOn" mIs en branle par le poète Botn Son rôle sera
,j'entraîner les paysans du Plateau Grémone ,jans cette nouvelle reallf.é
D'ores et. déJà nous savons Que le Survenant n'ô pas un espnf. ,je rnlSSlonnÔlre,
et
Germénne Guevremont ne faIt qu'exposer une sltuatlOn Simple l'arrlvee anodine d'un personnage, en 1909, et son départ en 1910 Donc, le Survenant. ne s'Impose pas, sInon par le seul fôlt ,j'êtreN'incôrne-1-11 p6S piut.ôt un I,jeal ,j'appartenance et de lIberté? VOilà ce dont Il serfj quest 1 on dans ce chapl tre trOls
Enfin, Ijans le quatnème chaplt.re, nous mtrodulrons les motIfs du t.emps et de J'espace qUI se modèlent de près sur la traJect.olre vertIcale
des héros et i3 trajectOIre hOrizontale des personnages sédentaires. Dans
-un premier temps, nous exammerons la structure spatlO-temporelle Nous verrons Que Je Survenant, par exemple, se déroule avec la marche normale de la nature, alors Que le roman de GlOno nous projette dans un temps-espace cosmique, sur-humain En fait, on a l'lmpresslOn, en etudlant cette (jlmenslOn, que Giono a voulu fonder la présence du surnaturel Mais le discours sur le temps et l'espace rejoint à bien des égards le discours narratif, car les conditIOns spatiales, comme les condltlOns temporelles, engendrent indeniablement une varIete de sentIments et d'états d'être Nous étudierons cette théorie a la lum 1ère de certams personnages plus Slgntflcatlfs
PU1S nous passerons
a
l'étude des sa150ns et de la matlere Nous verrons Que l'eau, l'air, le sang, le vent, etc, partIcIpent ICI de façon égale àla constructwn de l'Unlvers romanesque Les symboles qUI
y
sont rattachésévoquent plus d'une fOIS les multIples facettes des heros
Pour faCl1ltE'r notre tâche, nous avons convenu d'utIliser le terme de "survenant", sans majuscule, pour deSigner a la fOIS Bobl et le Survenant
C'est le terme génerlque qUI déSignera les deux héros Et le Survenant (avec majuscule) renvoIe bien SÛî au personnage de Germame Guevremont
(
(
Notes - 1 ntroduiliQn
Thaler, Danle Ile, La Clln1gue de J'amour se Ion les Frères Goncourt: peuple. femme. bystéCle. Ed Naaman, Sherbrooke, 1986, p. 21
2 ChâtelalOe. "Guèvremont rencontre avec l'auteur du Survenant", (artlcle rédigé par Louis Pelletler-DlaminD, Montréal, avril 1967
3
t1irel Ile Dansereau, Germaine Guèvremoot, Série "Visage", Radio-Québec, Eté 19824 CarClère, Jean, Jean G1Ono, (Qui suis-Je), La Manufacture, Lyon, 1985, p. 148
5 Ibld,p 162
6 BOUVIer, J, C, GIono aUJourd'huI, Actes du colloque lOternational Jean-(jlono d'Alx-en-Provence (10- 13 Juin 1981), Edlsud, Aix-en-Provence, 1982, p 117
7. Duquette J,-P, Germaine Guèvremont. une route, uoe maison. P,U,M" Montréal, 1973,
p.
24-CHAPITRE PREMIER
L'Or1glOe 11ttéra1re du survenant
Lorsque Jean Giono et Germaine Guèvremont ont utilisé le personnage du survenant, Ils lui ont attrIbué des Qualités Qui lui sont propres lé:! simplicite du paysan et la sagesse du poète On peut se demander toutefois si le survenant ne possède pas d'autres caractères, entre autrt'S ce lUI de véhIculer une certaine VlSlOn du monde Et S'II est vraI, comme le dIt Sartre
à
propos des écrlvalOs, qU'Ils "passent leur tfmps à se dIssimuler leur engagement", (1) comment dOIt-on alors percevoir les oeuvres de GlOno et deGuèvremont? D'une Importance CapItale par ce quï 1 veut remettre en Questlon, GIono n'a-t-ll pas Justement réaff lrmé dans Que
ma
~ dem~uce son message de lutte et d'espoir? Déjà le titre qu'II d()nne à SOli rornan estune sorte d'engagement, souvenons-nous Qu'i 1 est inspiré d'un choral de Bach intitulé
Jésus, que
fIld jOiedemeure.
Dans une entrevue avec.. JeanCarrière, le romancier soutient cette opinion
C'est l'engagement de tout le monde, c'est rengagement que tu as tOI-même malntenant en me posant des questlOns, c'est rengagement qu'ont tous les travaIlleurs, n'Importe QUl Des que tu agIs, que tu es en état d'act lOn, tu as un engagement formel, tu fais quelque chose quI pèse dans la balance du monde, tu mOdIfIes le monde ou tu le transformes d'une certaine r açon, en blen ou
(
en mal, beaucoup ou peu, malS tu as quand même une actlon. (2)
On ne peut mer l'Impact Qu'a eu le roman de Giono sur des mIllIers de
'tiC
t
eurs, Il ôrrl VÔ 1 tà
pOl ntà
une pén ode où 1 es hommes eprouv81 entcertains malaIses OepUls lors, GIono n'a guère ménagé ses efforts pour donner nHWV81se conscIence
ci
Ja SOCIété contemporalne Mel1~ rappelons-nous combl en Il t ut, dès 1914, un pacl fI ste ardent et en même t.emps un raconteur extreon:1lnalre Pour cette ralson subsIste chez lUI un conflIt entre deux dlmenslOns parfoIs contradlct01res, malS QUI se rejOIgnent dans Ime mème pensee, ent lerement tournee vers l'homme et sa Quête du bonheurCette vIsIon poetIque de lutte et d'esp01r, présente ,jans presque t.outes ses oeuvres, Glana l'a InCUlquée bIen sùr
à
Bobl dont la quête ,je laJOIe S'inscnt sur un fond de désPsp01r analogue
8
celui de GlOno lorsqu'lI savaIt la guerre mevltable et qU'lI s'est refuglé dans une sorte ,je revolte ImagInaIre Or ce càté peel flste est peut -ètre ce qUI a inspIré en grande part.le son oeuvre romanesque, car11
est l'un des rôres écnvams françaIs ,je l'époque qUl aIt pressentI aussI \llvement et expnmé dans un style ong1nel\ '!10mrrte menace par 1 a guerre Du reste, chez Glana rI magl nat lOn règne en maltre absolu AlOsl, Bobl répond
à
18 fOlS de 1'lmaglmnre etau
paCIfIsmeIje GlOno Que me Jale demeure apparaît nettement comme une oeuvre engagée
---~---.---
... .
t'laIs Quelle est préClsément cette morale de la JOle QUI Impregne
l'oeuvre
de Giono? Il taut chOlslr, mS1ste GlOno, entre la nature et la socIété QUI n'est m plu~ ni mOInS q!.l'une entreprIse d'embngadement Enf,jlt, GlOno ne ,jlt. Qu'une chose: on n'est heureux Qu'en dehors de la socIété AInSI 11 Y a chez ses personnages le désIr de s'évader du monde moderne, et c'est dans 1
a
nature Que l'homme va trouver son havre de pal x De C8tt 8VISIon,
GIOno ü fent unemorale
de laJ0l8
Qu'on retrouve pnnclpalement a troIS niveaux dans son oeuvre: 11y
8 Ij'abord l'amour de la vIe et la volonte devIvre
qUI sont au premIer plan Deux1èmernent. Il prône QU'lI faut perdre le sens ,je l'Ut1 le qUl empéche l'homme d'aspIrer au bonheur et a la lIbéraI IOn ,je SOl EnfIn, l'homme dOIt transmettre S8 JOIe, 11 faut partager, ,joncs'harmomser dvec autruI Car 18 )Ole, la
véntable )018 panique,
est
ImpossIble a garder pour sOI-même, révèle l'auteur des VraIes rlCheSS8s
CelUI QUI \'8, s',1
ne la partage
pas, ne faIt Que la toucheret
la perdre Cette IjlmenslOn est 8 la source même des personnages Qu'a créés Giono,c'est-/]-,jlre las errants et les poetes-guérisseurs dont Bobl est. une Incarnat.lon SI probante'
J',:tJ touJours été seul, contlnua-t-Il, et c'est toujours mOl qUl me SUlS soucIé des autres Vous êtes
à
pel ne comme une pet.: te flll e et Il y a beeucoup de choses qU€ vous ne savez pas MalS,'IOUS
venez
de dl re que 1 ques mots et de f dl re unpet1t geste, le geste de votre mmn vers mes cheveux, comme pour les 2ssuyer vous-meme. Et. çà, JamaIS personne ne
ra
faIt Et v01là Que Je SUIS devant une chose nouvelle J'a! toujours été seul,{
touJours. Et c'est toujours moi qui ai essayé de
sécher les cheveux des autres, vous comprenez?1..1
J'ôl essayé, dit-Il, de me fôire une compagnie avec toutes les choses qUI ne comptent pas d'habItude Je V61S vous paraître un peu fou et Je,j01S être /ln peu fou Je me SUiS faIt. doucement
compagme de tout ce qUI accepte a/11lt lé Je n'al JamaIs nen demandé
à
W-, sonne parce QueJ'clI
toujours peur qu'on n'accepte pfJS, et parce que Je crams les affronts Je ne SUIS nen, vous comprenez? Mal s j'el beaucoup demandéà
des choses auxquelles on ne pense pas d'habl tude, auxquelles on pense, dem01selle, quand vra1ment on est t.out seul Je veux dire aux étolles, par exemple, aux arbres, aux petItes bêtes,à
de toutes petItes bêtes, SI petItes qu'elles pP'.Jvent se promener pendant des heures sur la pomte de mon dOl gt Vous voyez? A des fl eurs,à des pays avec
tout ce qU'1ly
a dessus. Enfmà
.tout, sauf aux Butres hommes, parce qu'à la longue, quand on prend cette habItude de parler au reste du monde, on a une VOl x un tout pet 1t peu 1 ncompréhenSI b 1 e.(3)
Chez Germaine Guèvremont 11 n'y 8 pas de contradlctlOns entre paCIfIsme et fabuletlOn parce qu'el1e est avant tout une conteuse et une romfjnclère Son oeuvre ne reflète pas une préoccupatlOn du monde, en dehors de celUI Qu'elle nous décnt. C'est ce QUl la différencle surtout de GlOno
Elle n'en falt nen car elle a placé son roman en l'an de grâce 19 10, ce Qut l'a dl spensée de prononcer 1 e
discours d'usage sur le capltallsme et sur le communisme, sur les dlct~tures et les dèmocratles., et sur les sens mattendus que peut prendre le mot lIberté Elle a preféré peindre le petIt com du monde qu'elle connaît et qu'elle Elime
tt
comme
elle est née romancIère elle a, sansreC(JUri, au bnc-à-brl3c )j'tm romantIsme suranné, écrit a\,'~c nen une mamère de chef-d'oeuvre. (4)
Certes, l'auteur a une vue personnelle des choses, et le Survenant est bIen plus Que l'ombre 101ntame de Bl11 Nyson, Journaliste norvégien qu'elle a connu dans sa Jeunesse et QUI seralt
à
l'ongme de son personnage "Le Survenant a e:<lsté, malS Je préfère n'en pas parler DIsons Que c'est une ombre à laquelle J'al conf éré un Vl sage" (5) Mal s on ne retrouve pas dans 1 es dialogues ou dans la narration du roman un deux1ème niveau où l'auteur parlea
travers ses personnages. Germame Guèvremont n'aven t même pas préparé de plan de travail lorsqu'elle déCIda d'écnre le Survenant en 1943, elle travaIlle en lmpresslOnmste' "J'écns par petItes touches, un peu comme ma mère peignait." (6) On reconnait dans cette nalveté premIère un grand talent de fabulatrice.Germame Guèvremont n'a donc nen vou1u prouver en écnvant J]. Survenant. Elle ne \iante ni le nomadIsme, n1 renracmement Contnnrement
à
Mana Chapdelame par exemple, QUI ancre les rôles tradltlOnnels du roman QuébécOlS, le Survenant et sa sUlte Mane-Dldace (1947) ne proposent nl l'un,
•
nt J'8utre en exemple des modes de VIe, et pour cette r61son, entre autres, Ils tlennent une place pllrtlcul1ere dans la littérature QuébéCOIse Le Survenant. I3pparal t d'emb 1 ée comme une sorte d'épl1ogue au roman tradl t tOnnel canadIen-françaIs QUI, à partlr des années quarante-cmq, '.la poser le probleme ,je la condltlOn hl.lmellne d'une autre façon le Survenant annonC8 en quelque sorte la llbérBtlOn d'une SOCIété trop longtemps repliée sur elle-meme, fnleusement. paralysée dans les lIens d'une trad1tlon étouffante
et
sténleC'est également. ,jans un certam cl1mat SOCle,1 Qu'apparaît le fIlm de
P
P Pasollnt, Tf?orè178, en 1968 Cuneusement, l'8rchétype qU'Incarne le survenant se mamfeste souvent
à
des époques de cnse de conscIence Comme I.JO coup devent..
11 renverse des valeurs, des pn nClpes éventés. L8fIlm ,je Pasolln1 comporte Dréc~sément en fIlIgrane une cntlque acerbe a l'endrOIt ,je la bourgeOIsIe. On se souV1ent de l'anecdote de ce fllm: surg1 (Jans une famIlle bourgeOlse ,je MIlan, I1n Jeune étranger sédUIt tour
à
tour la bonne, le fIls, la mere, la fIlle et le père Bouleversé par cette expénence, chacun cannait. un sort, une révélat.lon dIfférente. La bonne retourneà
son VIllage et s'enferme dans un SIlence mystlQue; la fille deVIent folle, la mere, nymphomane; lp, flls faIt des essaIs de pe1nture surréalIste, et le père, après aV01r abandonné son usmeà
ses ouvners, se dépoU111e de ses vêtements et c;'enf once au ,jésert Ce thème est assez proche de celUI de nos romans, car le heros provoque peu el peu des passlOns multIples et amène les autres personnages il une sorte d'état de folle Le Survenant et Que ma ]01e...
-demeure ne nous amenent pas Jusqu'à ce paroxysme, mens Il reste Que le t.herne central est 1dent.IQue Nous avons relevé aussI Ijans Delman, de Herman Hesse, cette fascmatlOn Ije l'étranger L'anecdote en est SImple un adolescent arnve dans une vIlle ou Il entreprend des études D'abord dIstant et frOld 8 l'égard Ijes autres, Il se Ile d'amItIé aver Emile SInclaIr, un camarade de classe. Dem1an ense1gne
à
EmIle de nouvelles valeurs qUI ,j'abord l'effrel1ent, pUlS Emlle sombre dans la déchéance sUIte à son contact, comme dans une épreuve QUI IU1 fera prendre conscIence de sa réallt.é propre Engagé Ijans le chemIn du dIVIn et du IjémontaQue, Ermle devra faIre un chOIX dIffICIle, maIs 11 en ressortIra vainqueur Bref, nous retrouvons ICI encore le même theme organlsat.eur, la même obseSSIOn l'étranger, le ,jIVIn, "1'ange"Qul condUIsent l'homme vers le chemin de sa conscIence(
Notes - ChüQltre 1
Sartre, Jean-Paul,
Qu'est-ce guela littérature?, Gallimard,
Pans, 1948,p
972 Carnere, ,Jel:lrI, ,Jean GlOno (OUI sUIs-Je), La Manufacture, Lyon, 1985,
p
140
3 Giono, Jean, Q..ye
ma
IOle ,jemeure, Grasset, coll du l1Vre de poche, Pans, 1935, D 156-574 Femmes de
Lettres
(vues par Maurice Cotndreau), SocIété d'Etude et de conférences, Vol. X 11, nos 1 et 2, févner 1962, p. 565
La
P8tne,"GermaIne
Guèvremont è l'heure des souvenIrs", 1966 (ArtIcleredlge
parBngltte MonsseHe), Montréal, semaine
du 29mal
1966.1) Ibidem
Chapi tre 2. 1
Le thème de l'étranger
2.1.1
Onglne
de18 notlOn d'étranger et de J'errant dans
lalltterature
guébécoise
Le thème de 1'etranger
COns.tltue
une sorte d'obsesslOnchez
Jean G1000 etGermai ne
GtH?',I:~"mont. Chez l'uncomme
chezl'autre
Jc'est
un phenomenerécurrent. Germ8lne
Güèvremont
n'ôdonné
bIen sür
quedeux
romans et Ilest
dlfflcl1e d'établIrICI une véntable typologIe,
malS chez GIOnoon
retrouvele
personnage de l'etranger un peu partout entre autres dans l'lns de Suse ou dans Un de Baumugnes IlImporte de remonter
aux sources
de cetteootlOn
d'ètranger dans
les
Iltteretures frança1se et québecOlse Celle-Clnous
renseIgne davantageQue la lIttérature françaIse sur l'etranger,
qUIprOVlent
directement del'hIstoire
du Canada fnJnçalS"Des
étrangerssont
venus" (1) Ce leItmotIV dans ]ô bouche de Menaud, au cours de son d811re,puis repns
dansManô
Chapdel81ne,resume
presque entIèrementl'espnt
du roman "canadIen" C'est a1nSI Quela
productlOn quebecOlse estpeut-ètre
detoutes
les 11tteratures celle QuIest
le plus 11ee fison
hlstOlre Elle Cl ete ê}Vant tout une littérature "patnotlQue" qUI reflétaItla
mentalItéd'un
peuple pour QUl la dommatlOn bntanmQue étaIt une usurpôtlOn AUSSI nous voyonsune certaln 11en entre cette usurpatlOn et 1'1rruptl0n
deJ'étranger.
Le replIement des CanadIens-françaIs sur leurs terres a alImenté mévltablement une lIttérature paysanne, régIOnaliste Ce replIement
n'a-t-Il
pasété
encl)uragé par uneéllte
canadlenne-trançf.HSe dont18
nette mtentlon eUnl. ,je nousmamtell1r sur nos terres?
C'estawsI que
le 191ême '~lecle et. le ,jébut du201ème
sIècleont
vunaître au
Ouébec de nombreuxecn
ts, essaI s et
romansa
these III ustrant not.revocat lOn agnco!
ePour ne
[Mrler que des auteurs les plus représentatIfS, cItons G E CartIer, le Juge ABRouthler,
11gr Laflècheet l'abbé
Casgr81n dontl'extr81t.
sUIVantexpnme
cl,:lIrement. la pensée
réactlOnnôlre'
OUI, nous aurons une 1 it térature mdl gène.
ayant
son
cachet propre, onglnal, portantvwement l'empreInte
denotre
peuple,en
un mot,une
Iltterature natlOnale [l
AInSI savOIe est tracée d'avance: elle sera le mIrOIr
fIdèle de notrepet.lt
peuple, dans les di verses phases de son eXIstence, avec sa fOI ardente, ses nobles aSpIratIOns, ses élans d'enthou::'lasme, ses traIts d'!1éroïsme, sagénéreuse
passIonde
devouement.
Elle
n'aura
point ce cachet deréalIsme moderne,
mamfestatlOn de lapensee
ltl1ple,
matenallste, maIs
elle n'enaura que
plus de V18,,je spontanéIté, d'ongln8!lté, ,j'actIon
(2)
le SUrV81l6nt marque la fln de l'agncultunsme, cette IdéologIe QUI a dommé et onenté pendant plus d'un SIècle la socIété canadlenne-trançalse L'agnclJltunsme et le meSSIaniSme qu'on
y
assocIe fréquemment sont despensee5 t.res YOISlneS et. s'expriment
à
tr.jvers les mêmes sqmboles de continUIté, Ije terveur, de tlljéllté patnotlque et d'élItIsme L'ôgncultunsme veut Ij'abord Idé611ser le p6ssé et condamner le présent, 11 se méfIe del'on::1re
SOCIal moderne Il est carrément rJn r-erus Ijel'àge
1I11justnel L'a,~ncultunsme soutIent que le monde occlijental s'est egar-e en s'engaqeant dans la VOl8 de la technique et de la machIne Au t.otal, ce tut une tactlque pëlrfalte pour môlntemr les C.:madlens-Trançals dans une 50rte ,je statu QUo et
onent.er
sa productlOn lltt.éralre,comme
l'a bIen expnmé l'hlstonen Mlchel Brunet. Peu el peu les QuébéCOIS se sont laIssé conva1f1cre Quecele
ét.aH leurventable vocation
BIentôt cependent, 1'111uslOn de l'agriculture va appara Hre aux Canôrjlens-françals
Plusleurs partIront aux
Etats-Ums, abandonnantla
terre
Fl)rcl~sde
s'eXIler pourassurer leur
subSIstance, Ils seront dénoncés commetraîtres
et deser~eursPôr
8111eurs, vu p6rla maJonle
séd8nt.8lre,l'étranger
deVIent celUI QUI refusede
s'ennlclnerCe
nomade, cet.aventurier
vachoquer le monde sédentaire des
cultlVôteurs qUI,enChaînés a
leur lopIn Ije t.erre. aspIrent InconSCIemment
à
une vIe lIbre C'est. la QI.J'ondSSI
ste
dU '~onfll t entre ,jeux menta Il tés, rjeu;< types d'hommes 1 e coureur,je 001
s,le
cti8sseur qUI vIent s'Imp1
anter au Cônôdô non pas pour serIVer
ala terre
mais pOIJrtrouver 18 lIberté; et le sédentaIre
Qlll, vOIJlôntpréserver
ses drOlt.s, se referme sur lu/-même et accepte passlVement l'ImmobIlIsme(
•
~I)IJJl]urs Deux Ideaux s'affrontent' la soumISSIon et l'appel
de
la 11berte Ce combat de ,jeux "races" t.lent tout ent1er dans le Survenant ,je Germdlne 61.1eyremont En plus de marquer la rupt.uredéflmtlve
entre ces Ijeu~: types ,je Cllna,jlens, Ge rom·:ln élar.gltla
notionde
l'étranger en faIsant ,je luil'homme 11bre, /'lIlconnu Toute
la trame
duSurvenant tIent
dans cet aspect Ijeflllltlf de l'evolutlOn de l'etranger2 1
2
La slgmflc8tlon,je l'étran'Jer
chez GionoOr la not.lon d'étran'Jer
telle
Qu'on la trouve au Ouébecest
encore 1/1t'Xlstante en France Jusqu'a cette ePOque On peut dIre qu'elle a pns nElIssance avec GIono Elle n'a pas de sources hl stonques comme pourTout évolue, tout change, le fond des choses demeure La
soclété,
notresociété québéc01se,
secompose
de deux racesfondamentales
D'unepart
11y
fj les "habItants" qUl sont des gens SOlIdesayant
les deux pl eds sur terre et, d'autre pert, 11y
a les "coureurs debOIS·,
les aventuners, les meneurs Ce sont eux qUI font avancer les choses,malS
eliea
detoute éVldence un
fondement social, elle véhICUle toute la contestatlOn SI présente dans le personnage de GlOnoet
dans celUI deGuèvremont,
car
ce Que leshéros
recherchent avant tout, c'est
lalIberté.
lorsque tut pUblIé Que ma IOle demeure, en 1935, le roman collait
parfaItement
auxattentes
de l'epoQue. Il yreprentllt
l'ldéemaîtresse
de Giono sur l'eqU11lbre ,jeJ't10mme
et de la nature' les S8lsons. les animaux, les plantes. bref tout ce dontla
CIVIlisatIOn élO1gnaltpeu
a peu l'homme Une chose est'3ûre:
Que ma JOie,jemeure
prÔne le retour a laterre, et
ceretour
IjUX
valeurs pljldsannes,SI l'on
se replace ,jans le contexte ,je l'époque,est
cause en
p8rtle par 18 guerre' plUSIeurs rom8nClers
y 8v81en1. déJ8
souscntPeu
fipeu,
face à cet exode ruralet
à
l'industnallsatlOn
crOlssfmte dont déJà Kafka pUISCamus
avalent soulIgnéles
dangers, nombreux furent ceux qUI, reprenant 1 es 1dées
de Rousseauprônaient
un
retour a la Vlepnmltwe
et naturelle. Le retour aux valeurs paysannes,à
la vie Simple de la terre, deVint unvéntable
courant de pensee n8t lOna 1 qUi sera reprl spi us tard per 1 e gouvernement de VIchy et le maréchal Petatn (4)De fait, GIOno
n'ô-t-Il
pas reçu le statut d'écnvamoffICiel
durégime de
Vichy, comme j'a affIrmé J
J
Ferdinand dans GlOnlSmE et panthéisme? Au demeurant, cetype
de roman, qUI eXIstait deJà, aété
pratiquépar ,jes
éCrlvôlns comme f1aunce Genev01x, André Chamson, Ramuz, et.
bIen d'autres,
InspIrés pôr une
tr.:~dlt.lOnllttén::I1re proprement
paysanne r1alSavec
G10IIû,nous Dl ongeons ven t.ab 1 ement au coeur du Ijr'Jme i1Umf:1l n
et
Il':.eral
t. dénsowe de crOlre que GIOno n'est qu'un rmlÎtre portraitiste Ses romans sont,malgré
le contexte campagnard, une prof onde réfl eXlOn su. je sort. de l'homme Tout ce chemInementavec
1e Contadour,
mouvement de pensée paCIfiste, a profondément marqué la 'Ille et l'oeuvre de Giono,(
1
DéJa nous avons relevé Quelques ressemblances et dIssemblances
t'1It.re
les.jellx
l1eros r'1alsce
QUI demeure encore plus frappant, c'est 18 ressemblance phljS1Que ent.re 80bf et le Survenant, c'est comme s'Ils étalent. freres. nes Ije la mème mere On remarque également. une ,je~cnptlOn des héros qUI 1 es 51 tuent Quelque part entre l'hommeet
1 e surhomme Noussommes devant. une sorte de VISIon ,3grandle du personna,~e En effet., chaque portraIt semble être un moment pnvlléglé dans l'oeuvre Notons surtout l'nnport.ance dccordee aux ImfllJes ,je l'afr', du feu, ,ju sang, a l'Image de l',jrtJre, slJmboles connus dont. nous étudIerons la slgmflcat lOtl dans un
prochain chapItre Voyons lel un portraIt révélateur du Survenant'
Plus 1010
A la
fOlS sec et robuste de charpente, drOIt etportant
haut latête, pareIl
à
un chène,Il
avmt ce bel éQUlllbre de l'hommE' sam, dans toute la force de 1'8ge. Ses yeux gns-bleu, gms 8 l'ordmalre, aVf.Hent un reflet de tnstesse au repos, son front et.rOlt et expressIf s'agltaltà
la momdre parole, sa chevelure rebelle et fnséedru,
d'unroux
flamboyant,
descendaIt
dans lecou
En l'apercevant tantôt, elleavaIt
songé' "C'est pIre qu'un feu deforêt.
elle
s'entêtaà
lm trouver des defauts: son nez aux81
les nerveusesétal
t large età
la fOlS busqué;son menton, court, taillé en biseau, on
dlralt, malS
sa
bouche,aw< lèvres charnues, bIen
dessmées,d'où le nre
s'echeppeH en cascadescomme
l'eau lmpatlente d'unesource,
saDouche
et~Htbelle,
entoute
franchlseelle l'admlt Ce gnmd nre Elle
l'entendaIt erlcore
Il fÔ1StHtlever
en elle touteune
volée
d'emolLe
grand nre cle1rresonn81t
de partout, aussI sonore Que la f-elenne, la cloche de Sainte-Anne-de-Sorel Quanc11e temps est écho (5)"loyons
maintenant chezGiono
la slrrlllltudede
la couleurdes yeux et des
cheveux: "\1 et.:l1tlisse et roux.
Il avmt un vIsage llssecomme
les plerres
roulées
par l'eau et roux par le sole11,le
vm,
le sang. Il avaIt les yeux bleus On le vOyEnt mamtenant, malS bleus trèsClfllrS, tres
très Clfl1rS,à
pelne bleus." (6) Notons aUSSl lamême lrnage
del'arbre repnse
pâr GlOno "IlallaH
Juste où 11fallaIt,
onsentfllt
qu'lI étBlt né d'unetête
solIde IlffJJsalt
·y'Ol rIe
regard
dt;dew<:
yeux Dl aCI des, des gestes 1en
f S, un homme posé sur 1(-large du Plateau Grernone avec la stature et la lenteur d'un arbre" (7)
Comme le
fera Guèvremont, GJOno procède selon une dlalectlQue ngoureusedu vertIcal et de l'horlzontal dans la constltutlOn du portn:Jlt de son heros,
tantôt
11 apparaît JmmOblle comme l'arbreou
lechêne, tantôt 11
obéItaw<
mouvements de l'aIr "Ce n'étaIt pas un homme du plateau Il marchaltcomme sur des pas élastlQues" (8) "Ses grands bras
bfJttant
l'aIrcomme
pour s'ouvnr un ravage parml des branchages touffus,11
bondIt en face duchef de famille: (9) Or, GIOno et Guèvremont ont également accordé quelques
traIts férmnlns
à leur héros éplQue, suffIsamment pour suggérer ce
parfaIt éQullibre de l'homme QUI possèdeà
la fOlS descaractères
dlts
{
rl1asculms et des côracteres dIts fémmms: "Pour le reste du corps} du ràble
1:'1 ,je l'épôule et le bras bon Des maIns légères} presQue mams de f111e .. :' ( II)) "une ma1n qUI semb 11.:11 t. ,jouee au toucher et en même temps ferme et
blonde comme 1 e coeur du chene J une ma ln adr01 te a façonner de ft ns
ouvrages .. (t t) "A ses cot.és} le Survenant. dont la pOlt.nne et les longues Jdmbes ,j'une blancheur presque fém1n1ne éclataIent à travers la tOlson rousse Bu-dessus du brayet de velours pourpre, étellt 1'1mage même de la
I/Ie" (12) En faIt, les deux héros constltuent une sorte d'abregé des merveIlles de la nature· forts, grands costauds} beaux, Ils rassemblent toutes les qua 1 t t.és qUI provoquent chez les autres une sorte de "déreglement
,jes sens", et le survenant sédutt autant par son phYSIque Que par sa parole·
Sa VOlX n'étatt pas belle; elle n'avaIt nen d'une
voix exercée et pourtant elle parlaIt eu coeur Dès qu'elle s'élevaIt
11
fal1alt l'écouter sans autre occupatlOn: les maIns se dé]Olgniilent, chacun alorsse laIssaIt emporter par elle sur le chemIn de son
Ct101X, un chemm où chacun retrouvel1t, rett.end~r1t,
chaud d'ardeur} l'ob Jet de son rêve ... (13)
Chez GIono, la mème séductlOn opère, a travers les yeux·
Son regard étfllt une chose clalre malS attachante. Attachante dans son vnn sens C'étôlt comme
rappel d'une corde QUl seralt nouée autour de votre
échine et QUl vous llerait les bras et le corps} et plllS}
ci
l'autre bout de la corde QuelQu'unt1rer81t
à
petlts coups Allons, vlens, allons, approChe-tOl de mm (14)Tout cela oarticlpe
â
l'entrepnse de séductIon lnCOnSClente du survenant Sa seule presence physIque dégage toute une poésie. comml:! s'11 "apportaIt une vertu nouvelle à un geste pourtant famlller à tous." (15) Cette cltatlOn evoQue éVIdemment l'épIsode de la "pompe" dont le Survenant. ,jès son arnvée che: les Beauchermn. faIt JaIllIr J'eau à grands coups Il n'en est pas autrement CI1t?Z 13lOno: "Chaque fOIS Que Bobl levaIt. l'outIl Il faIsaIt flotter l'odeur BIentôt} toute la petIte clalnère où 11 trav811181t fut parfumée" (16) BIen que les héros SOlent assez proches phySIquement l'un de l'eutre, GIono 8 pour sa part tenuà
rendre son héros plus "mhumam", QualIfIcatIf qUl correspond d l'ambIance 'Jénérall::: du roman /1 n'est pas rare derencontrer dans Due ma JOl8 demeure et dans d'eutres romens de GlOno des
hommes QUI ne sont plus des hommes. Dans le Chant du monde par exemple,
quelques personnages sont marques par des infIrmItés' Clara est aveugle, Toussalflt est un na1l1, dans Ennemonde et autres caracteres, Ennemonde est enorme. [tans Que ma JOle demeure, Bobl est acrobate ses multIples métamorphoses le font ressembler 8 dIvers ammf:lux AltlS1 II p.st fréquent .je '.I01r Glana ,jefonner son personnage' "Il commença I.ma grande gnmôce
Son IIlsage n'étaIt plus humain." (17) Il semble Que le monstrueux SOIt un élément Important ,je la thématIque de GIono Le rôle ,j'acrobate
convIent tres bIen a Bobl PUlsQu'l1 IUl permet d'échapper 8 son rôle d'homme
ordlnture; R Rlcatte a d'aIlleurs Olen démontré Que le déSIr de métamorphose ,ju héros
révele
sa volonté de conqlJénr J'espace TGut cela contnbue aUSSl a le projeter dans l'mfln1 du monde, et a le f81re mIeux VlYreen harmonie avec
l/JI:c'est la morale de Giono
QUls'exprime dans cette
thematlQue
Mais ce n'est pas tout: Il
y
a
les regards constants entre les personnages, et. l'ombreet
la lumleredont l'auteur Joue
beaucoup,et
QUI met.tent en éVIdence cert.alns aspects de leur caractère les Jeux d'ombre et,je
lurfllere sont t.res fréQuent.s, par exemple autour d'Aurore, personnage,jes
plus ambIgus D'aIlleurs l'auteur n'a pas dIminué l'Hnportance desyeux
,Jans
1
e por-trctl t deson
heros·1
es yeux de BODI sont hypnotIques et agI ssent comme,jes
ph8res "Il 8\1alt., lUI, ses be811x yeux d'homme Il sentôlt que leur lurmère grandIssait. et Qu'elle JaIllIssaIt de IUl, bnllante et fine" (18) Bref,t
< toutc~
côté
phYSIquea un rapport éVIdent
au côfé PsychologlQue, dont nousparlerons un peu plus lOIn
(
Notes 2.1
1. Sevard, Fél1x-Antome, Menaud maitre-draveur, FIdes, Bibliothèque canadlenne-t"rancalse, Montreel, 1978,
p
2132. Casgr81n, H -R .. Oeuvres complètes. Tome 11 1, typographIe de C Darveau,
Ouéoec, 1875, D 83
3. La Presse, "Germame Guèvremont écnvam du Québec", (artIcle de AlIce Panzeeu), Montréal, 3 févner 1968, p. 15
4. Heller-Goldenberg, L. Jean GlOno et le Contadour, les Belles lettres, Mmard, Pans, 1976, p. 116
5. Guèvremont, Germame, Le Survenant, BIbliothèque canadlenne-françalse, FIdes, t'Iontreel, 1974, p. 40-41
6. Glono, .Jean, Oue ma
.
IOle ,jemeure, Grasset, coll du Livre de poche, Pans, 1935, p. 1907 Ibld, p. 21
8. Ibld., p. 28
9. Guèvremont, Germame, Le Survenant, BlbliothèQue cenadlenne-françalse, Fldes, Montreal, 1974, p. 45
10 GIono, Jean, Que
ma JOle
demeure. Gresset, coll du LlVre de poche, Pens,1935, p 23
Il.
Guèvremont,
Germame. LeSurvenant.
81bllOthèQuecanadlenne-françals8,
Fides, M9ntréal, 1974,
p
6212. Ibid., p. 177
13. IbId., p. 112
14. Giono, Jean, Que ma )Ole demeure, Grasset, coll du LlVre de pochp., Pans,
1935, p. 33
15 Guèvremont, Germame, Le SurvenalJ.!., BlbllothèQue canadlenne-francaIse, Fides, Montréal, 1974, P 22
16. GlOno,
,Jean,
Oue ma 101e demeure, Grasset, coll ,julivre
de poche, Pans,j935, p. 394
17 IbId., p. 36
l
'..
(
Chapitre 2.2
Le theme de l'amour
2.2.1 l'amour attachement aux personnes
Dans Que ma 10le demeure et dans le Survenant, on peut retrouver dans le thème de l'amour deux tendances bIen précises, SOIt la dimenslOn proprement humenne, qUI constitue l'une des trames essentIelles des romans, et la dlmenslOn cosmIque de l'amour, c'est-ii-dIre l'amour ljU
monde et de la nature A la premIère dlmenslOn, GlOno et Guèvrernont ont donné une fln tragIque Dans les deux cas, on assIste au drame de J'amour-Obstacle, l'obstacle prinCIpal étant le personnage mème du '3urvenant QUI, à la iOIS, possède le don d'amour, malS qUI
s'y
refu,se totalement. Il réSIsteà
cause de son déSIr de llberte, car Il répondà
l'Image archétypale du heros selon laquelle aucune attache materielle ou affectIve n'est pOSSIble, aucune conceSSlOn au temps et il l'espace Le survenant recherche d'abord la connaIssance; Il est en perpétuel ressourcement AInSI l'amour slgmflenllt pour lUI, tout SImplement, la mort "Se détourner et respIrer le parfum d'une seule rose couleur de nUIt: la 1Iberté,"( 1) VOIlà qUI pournnt être la deVIse du survenant.Il n'en reste pas mOIns Que nos deux romans baignent dans une profonde atmosphère de sensuollté
à
cause de l'énorme pUlssance VItale QUI se dégage du survenant. Dans une étude consacrée au Survenant deGermaHl8 Guevremont, Robert Major parle mème d'une tnCarnatlOn d'Eros Cette assertion se vénfle lorsqu'on examwe attentlVement l'Influence du Survenant sur les autres Ou reste, cette mfluence est la merne dans Q1@ ma ]Ole demeure, ou Bobl sédUIt maInts personnages ,ju Plate~i.J Grémone, sans compter Que l'ambIance générale du roman b/:ngne ,jans Ime senSllilllte débordante dont GIOno a utilisé toutes les ressources, on peut mèrne parler ,je sensualIsme, tant 11 est vr81, comme nous le verrons plus IOln, que ,jans cet UnIvers les sens sont mtlmement lIés
il
18 connalSSlmce Il faut noter d'aIlleurs Que chez GIono J'amour est une fonctIon physlOloglQUe aVl:mt (j'être un sentIment. C'est une fonctlOn centraleComment l'amour est-Il vecu ,jans le Survenant? C'est le personnage ,fAngéllna QUI est le plus marqué par cette grande force C'est. un personnage tres senslole Elle alme le monde, la 'Ile, la terre, maIs le contexte etrott et. fermé l'empèche ,j'expnmer cet amour C'est a la venue ,ju Survenant Qu'elle pourr8 s'éveIller à elle-même et il la nchesse mténeure qu'elle possede D'abord trOlde et dIstante, Angél1tla vô fln1r par accepter ce sentIment QUI la laIsse ,j'ôoord perplexe "L'wflrme rougIt Elle ne compnt. nen
à
la JOIe qUI IUl venaIt d'une semblable nouvelle "(2) Angéllna, que J'oncroyalt.
flere et Indépendante, dét.achée de "la fo118 des gerçons", tombe sous le charme du Survenant PourquOl cede-f.-el1e a la séductiOn de cet "oIseau de passage"? Peut-étre pour les mêmes nnsons QUl ont permIs Il Germf.llneGuèvremont de dIre Que le sucees du Survenant tient "au f81t qU'li possede les Vlces et les qualItés que les femmes adorent."(3j En (aIt, par son caractere mysténeux et Indépendant, li Incarne une sort.e d'Image omnQue
de l'amour Il est, dIra plus lOIn Angelina, le "Jour et la nUIt". Il correspond, selon la vIeIlle formule,
à
la mOItIé d'Angéll na, théone que va reprendre GIono ,jans tous ses romans où II explOl t.e le motIf de 18 rondeur et du cercle dans J'amourLe contact du Survenant va condUIre Angél ma.8 une sorte de rentl1ssance, l'amour qU'Il lUI lOsplre va recréer tout le monde d'Angélln8; 11
1111 apparaîtra neuf et beau;
elle
se rapprochera du secret mtlmede
lavIe·
Par la fenètre la musIque parvint, adoucie. Jusqu'à Angéllntl Tout en dodelinant la tête, tout en se berçant, elle laIssa son regard errer sur les alentours. Des champs lointmns une odeur de mIel arrwôlt Jusqu'ô
elle
Quese
p~ssalt-ildans
le monde? JamaIs elle n'avôlt YU le chenal chôrnerpareIlle
eau
de pure émeraude NI l'3s lIards autour,je
la mmson déplIer aussI délIcatement la SOle de leurs feUIlles lUlsantes JamaIs les longues terres n'avenent bleUI aInSI Jusqu'à la ~1gne sombre dubOlS, SOUS la levée de la Jeune avoine Ni le soleil
poudrer autant d'or sur la plaine Jamôls au grand JamaIs. (4)
L'evell des sens chez Angéllna est le sIgne de son éveIl 8U monde; éveIl
aUSSl au plaISIr sensuel tout ce passage dénote Olen 18 VOlupte avec laquelle Angélmêl prend plaISIr Cl écouter,
ô
respIrer età
regarder 18 nature. CettedescnptlOn suggère l'effet d'une Immense caresse En fÔlt, l'Influence du Survenant sur Angéllna S(lr8 de l'amener
8
cette VOlupté. Or le Survenant et { Angelina sont des amants en espnt et jamaIs entre eux l'acte d'amour n'aura lleu, bIen que le chemmement Qu'elle faitl'y
condUIse peuà
peu. Il n'estpas apparent comme chez GIOno où l'acte d'amour devIent une célébratlOn des corps entremèlés avec la nature Du reste, les amants sont tOUjOllrS
élOlgnés l'un de l'autre Placés sur des routes parallèles, Ils ne se crOlsent JamaIs· "Ils allerent alnSI, SIlencIeux, côte a côte, SI près qU'lIs sentaIent la chaleur de leur bras, a travers les vêtements, malS élO1gnés a des lIeues par la pensée."(5) Le passage sUIvant Illustre le regard d'Angélma sur cette nouvelle réalIté
Angélina ne comprena1t plus
nen.
Ce qu'elleavent
toujours cru une honte, une serVItude, une pauvreté ducorps,
le Survenant enparlaIt
comme d'une rIchesse, une rlchesse se complétant d'une richesse semblable cachée en unautre
etre, Qum? Ses yeux s'ouvnuentà
la vIe Mamtenant, \8 richesse 101 apparaIssaIt partout dans la nature C'est donc elle If! beauté qUI épanOUIt une fleur sur la tIge, ÈI côte d'une corolle sténle? (6)Cette nchesse Inténeure va même transformer phySIquement l'InfIrme "Angéllna embellIssaIt L'amour la
transflgunll t
"(7) On peutalors
Imagmer toute
lanchesse réveillée par le Survenant, la conscIence de
l'amour
ayantservi
à
"mettreau
monde" Angélm8.11aIs le Surver;ant ne réveI1Ie-t-ll pas aUSSI l'amour chez d'autres personnages? Pour sa part, Phonslne aura une attItude plutôt maternelle
envers
luI.Elle
est très 6mblgue,car
cette façon d'être est doublée d'unE, certame agresslvltéprovoouée
par le faIt que le Survenant possède tous les talents Que sonman n'a
pas, la présence du Survenant lUI rappelle sanscesse qu'elle a épousé un pauvre type Du reste, PhonSlne est un être QUI