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La notion d'environnement en droit pénal français et canadien

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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La notion d'environnement en droit pénal français et

canadien

Mémoire

Maîtrise en droit - avec mémoire

Julien Dorigny

Université Laval

Québec, Canada

Maître en droit (LL. M.)

et

Université Toulouse 1 Capitole

Toulouse,France

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La notion d’environnement en droit pénal français et canadien

Mémoire de Maîtrise en droit

Julien Dorigny

Sous la direction de :

Bertrand de Lamy, Professeur des Universités, Université Toulouse 1 Capitole

Paule Halley, Professeure des Universités, Université Laval

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Résumé :

La protection de l’environnement par le droit pénal constitue un réel enjeu d’avenir. Toutefois il suffit de se pencher sur le fond du régime de protection pour constater qu’il recèle quantité de particularités le rendant encore insuffisamment efficace. Il conviendra donc d’étudier l’appréhension que fait le droit pénal de la notion d’environnement, aussi bien au Canada qu’en France dans une perspective de droit comparé, et ce au travers du tronc commun des atteintes réprimées. Toutefois pour comprendre comment on protège, il faut identifier clairement ce que l’on protège. Dès lors il s’agira également d’étudier la définition même de l’environnement telle que protégée par le droit pénal. Tout cela permettra de cerner plus efficacement ce qui constitue la notion d’environnement en droit pénal franco-canadien.

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Abstract :

The protection of the environment through penal law is a real challenge for the future. However, it is enough to look at the substance of the protection regime to see that it contains a number of specific features that still make it insufficiently effective. It will therefore be necessary to study the penal law's understanding of the notion of the environment, both in Canada and in France, from a comparative law perspective, through the common core of penal offenses. However, to understand how we protect, we must clearly identify what we are protecting. It will therefore also be a question of studying the very definition of the environment as protected by penal law. All this will make it possible to more effectively identify what constitutes the notion of the environment in French-Canadian penal law.

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Table of Contents

Résumé :...II Abstract :...III Liste des principales abréviations :...V Remerciements :...VI

Introduction :...1

Partie 1 : La définition de l’environnement et ses écueils...23

Chapitre 1 : La définition par énumération...25

I/ Les milieux physiques et les espaces naturels...26

II/ Le patrimoine naturel...42

Chapitre 2 : la définition conceptuelle...47

I/ L’environnement naturel et ses synonymes...48

II/ La biodiversité...53

III/ Le développement durable...59

Partie II/ Le critère d’intervention pénaliste : les atteintes réprimées...71

Chapitre 1 : les critères déterminant l’intervention du droit pénal...72

I/ Le dommage...72

II/ La faute et le lien de causalité...83

Chapitre 2 : Proposition d’évolution des modèles français et canadien...90

I/ Piste d’évolution du modèle canadien et principal écueil...90

II/ Piste d’évolution du modèle français et principal écueil...92

Conclusion générale :...99

Bibliographie :...101

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Liste des principales abréviations :

- Art……….Article

- Cass………...Cour de cassation

- Cass. Crim……….Chambre criminelle de la Cour de cassation - Coll……….Collection - C. cr………Code criminel - C. env……….Code de l’environnement - C. Pén……….Code Pénal - éd……….édition - Fasc……….Fascicule - QPC……….Question Prioritaire de Constitutionnalité

- R.J.T. ………...Revue juridique Thémis - Ibid. ……….idem identique.

- LCPE……….Loi Canadienne de Protection de l’Environnement

- LQE………...Loi sur la Qualité de l’Environnement

- p..………Page - para.………...……….Paragraphe. - préc. ………...Précédent.

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Remerciements

:

Au moment d’apporter un point final à ce mémoire, je me dois de remercier tous ceux qui ont contribué à sa réalisation. Tout d’abord je souhaiterais remercier le professeur De Lamy d’avoir proposé ce sujet qui a immédiatement piqué ma curiosité, et qui m’a soutenu lorsque j’ai souhaité le faire évoluer dans une direction qui n’était pas nécessairement celle qu’il avait envisagée à l’origine. Ses conseils ont été d’un grand soutien lors de la rédaction. De même je souhaite remercier le professeur Rainville de m’avoir accueilli aussi chaleureusement dans la rudesse de l’hiver québécois, et de m’avoir prodigué lui aussi des conseils bienvenus et nécessaires lors de l’atelier de présentation. J’espère sincèrement que ce mémoire est à la hauteur de vos espérances. Je tiens également à remercier le professeur Halley : son soutien, ses conseils de recherches, ainsi que ses relectures ont été nécessaires, et m’ont grandement aidé à ne jamais baisser les bras.

Enfin je ne saurais terminer ces remerciements sans offrir une pensée à Chloé, qui a supporté mes humeurs, mon découragement, et mes moments d’effervescence tout en sachant toujours me guider dans le droit chemin, à mes parents qui m’ont soutenu dans mon projet de mobilité à l’étranger, et enfin à Brieuc pour ses relectures efficaces.

J’espère que le lecteur qui entreprendra de se plonger dans ce modeste travail en retirera d’utiles réflexions.

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"Nous n'avons pas hérité la Terre de nos ancêtres, mais l'empruntons à nos enfants." Antoine de Saint-Exupéry,

Terre des hommes (1939)

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Introduction

:

Le sujet et les objectifs de recherche :

La protection de l’environnement par le droit pénal. Peu de sujet auront revêtu à l’aube du XXIème siècle une telle aura de nécessité et d’urgence absolue. Si l’idée de protéger l’environnement des pollutions engendrées par l’activité humaine paraît clairement nécessaire, les moyens mis en œuvre pour cette protection sont souvent limités par des questions de rentabilité économique.

Mais par-delà un consensus sur la nécessité de protéger l’environnement, une première difficulté intervient rapidement, à savoir la définition et l’appréhension de ce qu’est la notion d’environnement. Car pour pouvoir protéger efficacement, il faut comprendre ce que l’on doit protéger, et contre quoi on souhaite le protéger. Dès lors une étude de la notion d’environnement paraît nécessaire afin de comprendre l’objet de la protection. Toutefois on ne se contentera pas dans ce présent mémoire d’étudier la protection de l’environnement de manière générale, mais bien de lui appliquer deux filtres successifs.

Tout d’abord il s’agira d’étudier le rapport particulier du droit pénal à la notion d’environnement. En effet, lorsque l’on parle de protection d’une valeur aussi fondamentale que celle de l’environnement, le droit pénal intervient tout naturellement car le droit pénal est un droit expressif, c’est à dire un droit exprimant les valeurs qu’une Société entend défendre. Par ailleurs, le droit pénal étant soumis au principe de légalité, à savoir l’obligation de prévoir précisément dans un texte de loi l’interdiction en des termes clairs et précis, il est intéressant de confronter ce principe à une notion aussi générale que celle d’environnement.

Il s’agira donc dans notre étude d’envisager le rapport que le droit pénal a avec la notion d’environnement, ainsi que la manière dont on décrit les atteintes que l’on réprime.

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Ensuite, le second filtre sera un filtre de droit comparé car il s’agira ici d’étudier la notion d’environnement en droit pénal français à l’aune de celle du droit pénal canadien (en étudiant bien évidemment le droit pénal fédéral, mais en prenant en compte le droit pénal provincial québécois). Cette étude comparée se justifie à deux égards :

Premièrement la France et le Canada fonctionnant sur un modèle de compétence différent, il paraît intéressant de les confronter. En effet, le Canada étant un état fédéral octroyant par là même une certaine souveraineté à ses provinces, celles-ci disposent de certaines compétences propres ou partagées. Cela se traduit notamment en matière de protection de l’environnement par l’existence de lois pénales environnementales aussi bien fédérales que provinciales. Le niveau fédéral étant représenté par la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (L.C.P.E)1 tandis que les provinces ont adopté leurs

propres lois pénales environnementales. Ainsi le Québec, par exemple, a adopté sa propre loi environnementale communément appelée Loi sur la qualité de l’environnement (L.Q.E)2 et qui synthétise dans son article 20 les interdictions

générales de polluer.

Le cas de la France peut paraître plus simple car c’est un état unitaire centralisant par là même sa compétence. Il n’y a donc pas de partage des compétences en tant que tel. Toutefois, de par la grande influence de l’Union européenne et de l’Europe en matière de protection des droits fondamentaux la France se retrouve influencée par droit supra-national européen. L’exemple le plus frappant de cette influence est celui de la directive « Protection de l’Environnement par le droit pénal » 2008/99/CE du Parlement Européen et du Conseil du 19

1 Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), LC 1999, c 33, <http://canlii.ca/t/6bkss> consulté le 2019-05-13, 1999.

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novembre 20083visant à obliger les états membres de l’Union Européenne à se

doter d’un régime de protection pénale de l’environnement efficace et efficient. Directive mettant en exergue le fait que la France n’est pas encore au niveau requis en matière de protection de l’environnement4. Néanmoins, cette influence

ne pouvant être véritablement comparée au partage des compétences canadien, il conviendra d’étudier le cas de la France en tant qu’état unitaire, et de le confronter au Canada en tant qu’état fédéral.

Secondement, cette approche comparatiste permettra d’influencer la législation française par le régime canadien. En effet toute la problématique de la législation française ne consiste pas en une insuffisance législative, mais bien au contraire à un éclatement de la législation. Car si le droit français dispose de tous les outils nécessaires à la protection de l’environnement, ceux-ci sont éclatés dans divers codes, lois et règlements administratifs, sans qu’une colonne vertébrale législative semble ressortir de cet ensemble disparate.

En revanche le droit canadien regroupe différemment les questions de droit pénal de l’environnement, notamment grâce à des prohibitions générales de polluer, ce qui n’existe pas en droit français.

Il paraît donc légitime et approprié de tirer les conclusions offertes par le droit canadien afin de mieux comprendre l’impact de la notion d’environnement en droit pénal français, et vice versa.

La mise en contexte et la problématique :

La définition de l’environnement en droit français. Le terme même « d’environnement » revêt non seulement une signification plurale, mais aussi une

3 Directive 2008/99/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 novembre 2008 relative à la protection de l’environnement par le droit pénal (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE) JO L 328 du 6.12.2008, p. 28–37 (BG, ES, CS, DA, DE, ET, EL, EN, FR, IT, LV, LT, HU, MT, NL, PL, PT, RO, SK, SL, FI, SV) édition spéciale croate: chapitre 15 tome 014 p. 91 - 100.

4 Dominique GUIHAL, Jacques-Henri ROBERT et Thierry FOSSIER, Droit répressif de l’environnement, 4ème

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origine particulière. En effet, anglicisme issu du substantif « environment », sa traduction française apparaît dans la langue française dans les années 70. C’est en 1972 que le terme fait son entrée dans le Grand Larousse de la langue française5, et depuis cette date la teneur de ce concept évolue encore.

Or cette teneur évolue en fonction de l’angle d’étude que l’on utilise. Il est vrai que l’on constate rapidement la possibilité de l’appréhender de plusieurs manières selon que l’on se place du point de vue des sciences appliquées, ou des sciences sociales : pour le chimiste, on mettra l’accent sur la composition de l’environnement, tandis que le biologiste s’intéressera aux biotopes, et la biodiversité d’un écosystème. Le médecin quant à lui s’intéressera à son impact sur la santé des individus, tandis que le physicien se plongera dans l’étude des forces qui le gouvernent.

En revanche du point de vue des sciences sociales, la diversité n’est pas moindre car le sociologue étudiera l’impact de l’environnement sur une population donnée, tandis que l’ethnologue l’étudiera sur une civilisation entière. L’urbaniste étudiera son impact sur le développement d’un milieu urbain, aussi bien d’un point de vue esthétique que fonctionnel mais l’économiste verra en lui un producteur de ressource nécessaire au bon développement d’une Société. Dès lors l’angle d’étude devient primordial.

Par ailleurs, si l’on se tourne vers la définition encyclopédique en espérant trouver un modèle d’unification, force est de constater que ce n’est pas le cas, car le Larousse définit l’environnement ainsi :

Ce qui entoure de tous côtés ; voisinage.

Ensemble des éléments (biotiques ou abiotiques) qui entourent un individu ou une espèce et dont certains contribuent directement à subvenir à ses besoins.

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Ensemble des éléments objectifs (qualité de l'air, bruit, etc.) et subjectifs (beauté d'un paysage, qualité d'un site, etc.) constituant le cadre de vie d'un individu.

Atmosphère, ambiance, climat dans lequel on se trouve ; contexte psychologique, social6.

Dès lors on constate que le sens commun revêt à lui seul une pluralité de définitions, ce qui ne fait qu’augurer de la complexité de cette notion et lui retire toute clarté.

Mais qu’en est-il du droit ? Peu de textes juridiques définissent précisément ce qu’est l’environnement en droit français, l’exemple le plus frappant étant certainement celui de la charte de l’environnement de 2004. En effet, ce texte faisant partie du bloc de constitutionnalité français est censé proclamer des droits constitutionnels ayant fonction de protéger l’environnement, or il n’utilise pas moins de douze fois ce terme sans jamais le définir. Le Code de l’environnement quant à lui propose une définition à son article L110-1 :

Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d'usage.

Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine.

On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants7.

Or cette définition est intéressante car révélatrice de la méthode définitionnelle employée par le législateur. En effet on constate que cette définition se fait en deux temps :

6 Éditions Larousse, « Définitions : environnement - Dictionnaire de français Larousse », en ligne : <https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/environnement/30155> (consulté le 19 mars 2019). 7 Article L110-1, Code de l’environnement.

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Dans un premier temps elle consiste en une énumération des composantes de l’environnement. On peut s’étonner d’une telle démarche car celle-ci s’analyse ni plus moins comme une simple liste des éléments protégés mais une telle définition trouve son utilité. De manière générale ce type de définition permet d’identifier précisément l’objet de la législation : en indiquant précisément et clairement ce qui est protégé, le doute n’est plus permis sur l’objet de la protection légale. De plus, cela possède aussi un intérêt au regard du droit pénal car, comme indiqué précédemment, le droit pénal est régi par le principe de légalité, dès lors en vertu de ce principe les éléments constitutifs d’une infraction doivent être précisément définis par la loi. Cela permet, par là même, leur prévisibilité. En matière pénale environnementale il faut pouvoir identifier précisément le milieu atteint afin de savoir si une infraction est constituée ou non, et en cela une définition par énumération permet précisément de savoir ce qui a été atteint, et ce qui est objet de protection.

Mais ce type de définition est critiquable car une telle définition est par nature restrictive et non exhaustive. Son but est par essence de circonscrire une notion, d’en délimiter les contours. Or en matière de protection légale, définir trop précisément la notion que l’on tente de protéger peut revenir à la priver d’effectivité, ou du moins d’efficacité. Car on crée des situations de vide législatif où tout ce qui n’est pas interdit est autorisé, et donc tout ce qui n’est pas dans la liste n’est pas protégé. Laisser donc au juge le soin d’interpréter largement -ou non- la notion d’environnement permet une meilleure réponse juridictionnelle, car adaptative au cas d’espèce présenté. Ne pas donner au juge de définition trop restrictive sur laquelle s’appuyer lui permet, lorsqu’il est confronté à une potentielle infraction, de poursuivre l’intention du législateur sans être pieds et poings liés.

Dès lors on constate que la définition de l’environnement se poursuit dans un deuxième temps par une définition conceptuelle. Ce type de définition permet de poser un concept global d’environnement, par l’utilisation de termes plus généraux comme « la biodiversité » ou la notion de « paysage diurne ou

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nocturne ». Ce type de définition permet d’englober plus largement toutes les composantes de l’environnement derrière un mot valise servant à toutes les désigner. Cela permet de lutter contre l’obsolescence programmée d’une loi qui ne protégerait que des composantes de l’environnement bien précises, et ne pourrait s’adapter aux évolutions scientifiques et techniques

Toutefois cela peut poser problème dans la mesure où remplacer des termes dont on ignore la signification précise, comme celui d’environnement, par d’autres termes pouvant porter à confusion, on pensera notamment au terme de biodiversité, bien que le législateur français ait fait un effort dans ce sens pour définir ce terme dans sa « loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages » de 20168 n’aide pas particulièrement à apporter des éléments de

clarté. Il est légitime de se demander si utiliser des termes trop vastes ne serait pas la porte ouverte à des dérives concernant l’objet de la protection. De plus cette démarche peut aussi être critiquée dans la mesure où l’on ne peut fonder un code entier, une charte à valeur constitutionnelle, et diverses lois sur une notion aussi évanescente.

Dès lors, malgré toutes ces considérations, le juge français doit se contenter aujourd’hui d’une énumération des composantes de l’environnement ainsi que d’un concept ouvrant la porte à de possibles débats sur sa réelle signification. A cette définition de l’article L110-1 du code de l’environnement on peut ajouter l’eau, ainsi que sa mise en valeur tels que définis à l’article L210-1 du même code9.

L’environnement, un objet de protection pénale. Le droit pénal quant à lui n’a pas cherché non plus à définir précisément l’environnement, et s’est contenté d’une vague mention dans l’article 410-1 du Code pénal :

Les intérêts fondamentaux de la nation s'entendent au sens du présent titre de son indépendance, de l'intégrité de son territoire, de sa sécurité, de

8 LOI n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, 2016-1087, 8 août 2016.

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la forme républicaine de ses institutions, des moyens de sa défense et de sa diplomatie, de la sauvegarde de sa population en France et à l'étranger, de l'équilibre de son milieu naturel et de son environnement et des éléments essentiels de son potentiel scientifique et économique et de son patrimoine culturel10.

Donc si le droit pénal assume le fait que le milieu naturel et l’environnement doivent être protégés, il évite soigneusement de définir ces notions.

La définition de l’environnement en droit canadien. Le droit canadien de l’environnement quant à lui procède différemment et définit fréquemment le milieu protégé dans la loi, ce qui écarte les définitions non juridiques. Pour reprendre l’exemple des deux lois canadiennes évoquées plus haut, le législateur a préféré éviter l’ambiguïté en définissant statutairement la notion à l’article 3 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement :

Ensemble des conditions et des éléments naturels de la Terre, notamment : 1. l’air, l’eau et le sol;

2. toutes les couches de l’atmosphère;

3. toutes les matières organiques et inorganiques ainsi que les êtres vivants;

4. les systèmes naturels en interaction qui comprennent les éléments visés aux alinéas 1 à 311.

On remarque par ailleurs que cette définition ressemble fort à la définition du code de l’environnement, étant une définition par énumération des composantes de l’environnement assortie de certains éléments de définition conceptuelle, notamment par le biais de l’expression « systèmes naturels en interaction ».

Au niveau provincial, le Québec s’est lui aussi doté d’une définition dans l’article 1 paragraphe 4 de sa loi L.Q.E. :

10 Article 410-1, Code Pénal.

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«environnement» : l’eau, l’atmosphère et le sol ou toute combinaison de l’un ou l’autre ou, d’une manière générale, le milieu ambiant avec lequel les espèces vivantes entretiennent des relations dynamiques12.

Il est par ailleurs intéressant de noter que la définition québécoise est moins précise que la définition fédérale, ne prenant pas en compte les matières inorganiqueset les êtres vivants, sans être nécessairement restrictive.

Si l’on trace un premier constat vis-à-vis de ces définitions, on se rend compte que la manière de définir est toujours la même : proposer dans un premier temps une énumération des composantes de l’environnement pour ensuite proposer une définition conceptuelle de cette notion. Définition conceptuelle qui s’appuie bien souvent sur des termes transversaux avec d’autres matières, et qui provoquent bien souvent une extension du champ d’application des lois de protection de l’environnement.

Toutefois se limiter à la définition du terme d’environnement serait se limiter à la première étape du processus juridique de protection de l’environnement. En effet, pour protéger l’environnement il faut certes définir l’objet de protection, mais également sur la manière que le droit pénal a de le protéger. Il faut donc ainsi détailler les atteintes à l’environnement qui sont visées par les lois pénales environnementales. S’il ne s’agira pas de détailler précisément tous les comportements qui relèvent des infractions environnementales au sens du droit pénal, il conviendra plutôt de se pencher sur le degré ou niveau d’atteinte à l’environnement réprimé par le droit pénal de l’environnement (ex. « destruction, altération importante, etc.). L’idée n’étant pas de rédiger un essai de droit pénal spécial sur l’ensemble des infractions environnementales, mais bien de comprendre de manière générale comment le droit pénal appréhende les comportements qui nuisent à l’environnement. Il ne s’agira donc pas d’une liste des comportements réprimés mais bien d’une étude du point commun de toutes ces atteintes afin de comprendre comment le droit pénal protège l’environnement,

12 article 1 paragraphe 4, Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2, en ligne : <http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/Q-2>

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et donc, in fine, à quel moment le droit pénal intervient lors d’infractions contre l’environnement.

En outre il est intéressant de noter que lorsque l’on se penche sur le droit pénal de l’environnement on constate rapidement qu'il existe plusieurs catégories d'infractions. En effet, l’élément matériel des infractions environnementales se trouve dans de nombreuses dispositions législatives et réglementaires sanctionnant différentes catégories de manquements. Manquements qui prennent la forme de non-respect des prescriptions administratives, d’atteinte à la qualité de l’environnement ou encore d’atteinte à la sauvegarde de la nature et des espèces vivantes. Toutefois, lorsque l'on rentre dans le détail des régimes de protection de certains éléments on a rapidement affaire à des infractions qui sanctionnent le non-respect des prescriptions administratives, en revanche les infractions qui font référence à l'environnement tombent plutôt dans la catégorie des infractions antipollution, c'est-à-dire des crimes ou délits pénaux. Il s’agira donc dans ce mémoire de se pencher plus précisément sur ces infractions antipollution, celles-ci revêtant un intérêt certain d’un point du droit pénal.

Enfin, il convient de noter que du fait des traditions juridiques différentes du Canada et de la France, le principe de légalité est certes similaire, mais n’est pas exactement appliqué de la même manière dans ces deux états. Or, ce principe ayant une importance fondamentale en droit pénal, il s’agit d’en comprendre les subtilités.

Le principe de légalité. Ce principe est un des grands principes du droit pénal, duquel procèdent un ensemble d’autres principes tout aussi importants (on pensera notamment au principe de nécessité, de non-rétroactivité…). Or ce principe, bien qu’existant aussi bien en France qu’au Canada, possède une signification légèrement différente dans ces deux pays de tradition juridique différente, ce qui occasionne par là même des répercussions sur le traitement des

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infractions environnementales par le droit pénal. Il conviendra donc d’éclaircir les distinctions concernant le principe de légalité.

Le principe de légalité en France. Le principe de légalité criminelle a été conçu à l’origine, dans la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen13,

comme un rempart contre l’arbitraire. L’idée était de prémunir le citoyen de l’arbitraire des juges en exigeant une loi préalable à toute condamnation qu’il serait susceptible de subir. Beccaria lui-même, dans « Des délits et des peines »14 liait

indissociablement la loi au droit de punir. Dès lors comme l’affirme le professeur De Lamy :

Le principe légaliste, ainsi affirmé, repose sur deux fondements particulièrement solides : l'un, politique, tenant à la souveraineté de la loi, expression de la volonté générale, et qui, seule, a la légitimité permettant d'asseoir le droit de punir; l'autre, plus philosophique, fait de la légalité criminelle le moyen d'assurer la mise en œuvre du libre arbitre, d'éviter l'arbitraire et de garantir l'égalité devant la répression en avertissant chacun des frontières du permis et de l'interdit. Ce principe de la légalité sous-tend l'ensemble du droit pénal puisqu'il fonde non seulement le droit pénal général comme spécial, mais aussi la procédure pénale15 et le droit des

peines16. 17

Ainsi ce principe de légalité est couramment résumé sous l’adage latin suivant : « Nullum crimen, nulla poena, sine lege », autrement dit : « nul crime, nulle peine, sans lois ». Mais ce principe, bien que présent originairement dans la Déclaration

13 Article 8, Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 | Légifrance, le service public de la diffusion du droit , en ligne : <https://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Constitution/Declaration-des-Droits-de-l-Homme-et-du-Citoyen-de-1789> .

14 Cesare BECCARIA, Des délits et des peines, Guillaumin, 1870. Il suffit, pour s’en convaincre, de reprendre la citation transcrite par le professeur DE LAMY dans son article Dérives et évolution du principe de la légalité en droit pénal français: contribution à l’étude des sources du droit pénal français (voir infra note 17) :"les lois seules peuvent déterminer les peines des délits et [le droit de faire des lois pénales] ne peut résider qu'en la personne du législateur, qui représente toute la société unie par un contrat social".

15 Raymond GASSIN, « Le principe de la légalité et la procédure pénale », (2001) 300 Revue pénitentiaire et

de droit pénal.

16 Marie-Annick AGARD-PÉANO, « Le principe de la légalité et la peine », Revue pénitentiaire et de droit pénal 2001.2.

17 Bertrand DE LAMY, « Dérives et évolution du principe de la légalité en droit pénal français: contribution à

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des Droits de l’Homme et du Citoyen, ne s’est pas contenté d’apparaître dans le bloc de constitutionnalité. En effet, la Constitution l’a accueilli dans son corps de texte au sein des articles 3418 et 3719, et le Code pénal lui-même l’a décliné dans

ses articles 111-220 et 111-321. Ce principe avait acquis tellement d’importance que

Portalis, lors de son discours préliminaire sur le projet de Code Civil avait affirmé : « en matière criminelle, où il n'y a qu'un texte formel et préexistant qui puisse fonder l'action du juge, il faut des lois précises et point de jurisprudence »22.

Si ce principe a aujourd’hui perdu un peu de sa superbe23, force est

d’admettre que ses conséquences sont encore bien présentes en droit français. En effet ce principe induit un grand nombre de conséquences, comme par exemple la prévisibilité de la loi. Mais celle qui nous intéresse dans le cas de ce mémoire est celle tenant au fait que la loi étant le « seul » mode de détermination des infractions, elle ne peut être étendue au-delà de l’utilisation qui avait été tracée par le législateur. Dès lors le juge ne peut pas faire une application extensive d’un texte de loi, c’est-à-dire qu’il ne peut pas étendre un texte répressif à des comportements non visés par ce texte, ou par anticipation il ne peut pas pénaliser un comportement qui ne l’a pas encore été par la loi. Dit plus simplement : le juge doit se tenir à une interprétation stricte de la loi et non rétroactive. De plus, si le texte de loi est trop large, trop peu précis, le Conseil constitutionnel peut le censurer et interdire qu’une disposition répressive soit trop imprécise. Pour s’en convaincre il suffit de considérer la décision QPC du 4 mai 201224: dans cette

décision le Conseil constitutionnel a considéré dans son considérant 5 que le délit

18 Texte intégral de la Constitution du 4 octobre 1958 en vigueur , en ligne : Conseil constitutionnel <https://www.conseil-constitutionnel.fr/le-bloc-de-constitutionnalite/texte-integral-de-la-constitution-du-4-octobre-1958-en-vigueur> , article 34.

19 Ibid, article 37.

20 Article 111-2, Code pénal. 21 Article 111-3, Code pénal.

22 Jean-Étienne-Marie PORTALIS, « Discours préliminaire sur le projet de Code Civil » [1978] Ecrits et discours juridiques et politiques Aix en Provence, Presses de l’Université de Aix-Marseille 60–63. 23 Voir sur la question : DE LAMY, supra note 17.

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<https://www.conseil-de harcèlement sexuel n’était pas assez précis, ses éléments constitutifs n’étant pas décrits. Dès lors cet article ne respectait pas le principe de légalité25.

Principe de légalité en droit pénal de l’environnement. Ce principe de légalité s’appliquant à l’ensemble du droit pénal, il est normal qu’il s’applique également à sa branche environnementale. En effet le droit pénal de l’environnement français est également soumis au principe de légalité criminelle. Or cette matière particulière s’accommode mal des implications d’un tel principe:

[...]la technique d’incrimination utilisée en matière environnementale consiste à créer des « incriminations en cascade », le législateur décrivant de manière imprécise les éléments constitutifs des délits et laissant le soin au pouvoir exécutif d’en préciser les contours. Une telle technique, largement employée par le législateur français en matière de protection de la nature ou d’installations classées, aboutit à des sources à plusieurs étages, ce qui nécessite, dans un dédale de dispositions disparates, la recherche de plusieurs textes, à la fois législatifs et réglementaires, qui constitue l’élément légal de ces délits. Ainsi, quoi de plus complexe qu’un élément légal à trois ou quatre niveaux, où l’existence de l’infraction est conditionnée par un texte législatif, un décret d’application, auxquels s’ajoutent un ou plusieurs arrêtés nationaux voire simplement préfectoraux ! Par exemple, en droit pénal de la nature pour les espèces végétales protégées, la loi offre un élément légal à quatre niveaux, mettant à rude épreuve les exigences de clarté et de précision imposées au législateur par le principe de légalité. L’existence de l’infraction sera conditionnée par le texte législatif incriminant les comportements et activités interdits à l’égard de ces végétaux (article L. 411-1 du Code de l’environnement), par le décret d’application de la loi venant définir la notion d’« espèce protégée » et par les arrêtés, l’un national, les autres régionaux, fixant la liste de ces espèces protégées par la loi26.

25 Ibid, le considérant exact étant le suivant : « Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'article 222-33 du code pénal permet que le délit de harcèlement sexuel soit punissable sans que les éléments constitutifs de l'infraction soient suffisamment définis ; qu'ainsi, ces dispositions méconnaissent le principe de légalité des délits et des peines et doivent être déclarées contraires à la Constitution ; » . 26 Véronique JAWORSKI, « L’état du droit pénal de l’environnement français : entre forces et faiblesses »,

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Dès lors il devient complexe d’appliquer strictement la loi pénal tant celle-ci peut être imprécise et peu claire. De même, cela est renforcé par le fait que cette technique de renvoi à d’autres textes entraîne des concours idéaux de qualification, c’est à dire plusieurs qualifications pénales possibles pour une seule infraction, entre des délits législatifs et des contraventions réglementaires applicables à un même comportement :

À titre d’exemple, pour les arrêtés de biotopes en vue de protéger le milieu d’une ou plusieurs espèces protégées, la qualification est délictuelle au sens de la loi Nature, mais le décret d’application de cette loi en fait une simple contravention. Il en est de même pour les prises de son et les chasses photographiques qui constituent à la fois des délits selon la loi et des contraventions dans le décret d’application27.

Pour résoudre ce conflit de qualification les juges français choisissent généralement la plus forte incrimination pénale et donc le délit plutôt que la contravention28.

Le principe de légalité en droit pénal canadien. Dans son assertion la plus large, le principe de légalité s’entend de l’ensemble des dispositions et principes du droit pénal, ainsi qu’aux procédures et institutions qui l’appliquent29.

Ce principe signifie que personne ne sera puni à moins qu’une loi ne prévoie une pénalité. Au Canada ce principe est également synthétisé par l’adage latin précédemment évoqué : « nullum crimen, nulla poena, sine lege. » L’idée véhiculée par ce principe est donc d’offrir au citoyen une plus grande protection en limitant l’arbitraire des officiers de l’État. Mais si ce construit paraît évident actuellement, il procède d’un processus beaucoup plus tardif qu’en France. En effet, le Canada étant un pays historiquement de Common Law, les juges, sur le modèle anglais, avaient traditionnellement le pouvoir de créer des infractions

27 Ibid, paragraphe 28.

28 Cass, Crim 12 juin 1996, Dr env 1997.47.11, obs Robert, Revue de science criminelle et de droit pénal comparé 1997.389, obs Robert, .

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criminelles. Puis ce paradigme s’est peu à peu inversé, et le Canada s’est désolidarisé des influences anglaises, à tel point que dans les années 50 le pays arrive au même constat que les États-Unis : toutes les infractions ont une origine légale, d’où le concept de « statutory law »30. Le juge Cartwight rappelait à ce titre

que « si une conduite doit être incriminée, alors qu’elle ne l’a pas encore été, une telle création doit être faite par le Parlement et non par les juges »31. Il y avait donc

là une consécration du principe de légalité.

D’un point de vue des sources ce principe est reconnu indirectement par l’article 6(1)32 du Code criminel (indirectement car celui-ci n’affirme pas

explicitement qu’une infraction doit être crée par une disposition législative, mais cela se déduit de sa formulation), et par l’article 9 du même Code, celui-ci indiquant que « nul ne peut être déclaré coupable […] des infractions suivantes : a) une infraction en common law [...] »33. Néanmoins, il est intéressant de noter que

ce principe est garanti constitutionnellement à l’article 11g) de la Charte canadienne des droits et libertés34. Ce principe canadien de légalité criminelle

s’accompagne par ailleurs lui aussi des principes de nécessité, de non-rétroactivité, ainsi que de certitude, de précision et de spécificité suffisante35.

30 Jean PRADEL, Droit pénal comparé, 4ème ed, Paris, Dalloz, 2016, page 839. 31 Frey v. Fedoruk, [1950] RCS, 517 .

32 Code criminel, Article 6(1) :

6« (1) Lorsqu’une disposition crée une infraction et prévoit une peine à son égard :

a) une personne est réputée ne pas être coupable de l’infraction tant qu’elle n’a pas été déclarée coupable de l’infraction ou tant qu’elle n’en a pas été absoute en vertu de l’article 730;

b) une personne qui est déclarée coupable d’une telle infraction ou qui en est absoute en vertu de l’article 730 n’encourt à son égard aucune autre peine que celle que prévoit la présente loi ou la disposition qui crée l’infraction. »

33 Code criminel, Article 9 :

« Nonobstant toute autre disposition de la présente loi ou de quelque autre loi, nul ne peut être déclaré coupable ou absous en vertu de l’article 730 des infractions suivantes :

a) une infraction en common law; [...] »

34 Charte Canadienne des droits et libertés, article 11 : « Tout inculpé a le droit :

g) de ne pas être déclaré coupable en raison d’une action ou d’une omission qui, au moment où elle est survenue, ne constituait pas une infraction d’après le droit interne du Canada ou le droit international et n’avait pas de caractère criminel d’après les principes généraux de droit reconnus par l’ensemble des nations; »

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Dès lors ce principe de légalité ne parait pas très différent de celui appliqué en France, et on peut réellement se demander ce qui les distingue car distinction il y a.

La distinction dans l’application du principe de légalité en France et au Canada. La particularité du principe de légalité criminelle canadien tient en réalité au concept d’interprétation de la loi, et l’appréciation de la clarté d’un texte. En effet, comme vu précédemment, le droit français affirme un principe d’interprétation stricte de la loi pénale, dès lors le juge ne possède que très peu de liberté quant à l’exercice d’interprétation de la loi. Cela est également le cas pour son homologue canadien. Mais si les tribunaux canadiens n’ont certes pas le droit de créer d’autres infractions, ou encore le droit de remettre en vigueur d’anciennes incriminations provenant de la Common Law36, ils ont le devoir d’interpréter la loi

afin d’en éclaircir les zones d’ombres. S’il est dangereux que les tribunaux étendent des infractions à des cas non prévus par les textes de lois, cela ne les empêche pas d’interpréter et d’éclaircir les textes en question lorsqu’une incertitude se présente. Et ce pouvoir d’interprétation peut être relativement important, étant très rare qu’au Canada un texte de loi soit invalidé pour imprécision, comme cela peut l’être en France. Mais lorsque le juge canadien interprète une loi il faut qu’il le fasse en recherchant l’intention du législateur, ce qui est également le cas du juge français, donc on ne perçoit pas réellement de différence.

En réalité le juge canadien ne peut interpréter que lorsqu’un texte de loi est flou et peu clair. Or c’est là que réside la différence avec le principe de légalité français. Car le législateur français a l’obligation de créer des textes de lois précis, là où le législateur canadien a plus de latitude. Dès lors si les principes d’interprétation restrictive sont les mêmes dans les deux systèmes juridiques

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français et canadien, en réalité la différence provient de la manière que l’on a d’apprécier le caractère flou ou peu clair d’un texte de loi. Car un texte de loi canadien pourra être beaucoup plus large qu’un texte français sans être invalidé, le juge étant là pour l’interpréter. Si les principes sont les mêmes, en réalité la notion même de « flou » n’est pas appréciée de la même manière, ce qui impacte directement le pouvoir d’interprétation du juge.

Dès lors, compte tenu de l’ensemble de ces observations ce mémoire a pour tâche de répondre à la question générale suivante : tout en portant un regard comparatiste sur le droit français et le droit canadien, quelle est l’appréhension par le droit pénal de la notion d’environnement, aussi bien au sens de sa définition que des atteintes qu’il interdit ?

La (les) question(s) de recherche :

Afin d’apporter une réponse concrète à cette question, nous devrons au préalable répondre aux trois questions de recherche suivantes :

1) Quels sont les éléments de définition et de réflexion, issus des travaux en droit de l’environnement, permettant d’appréhender cette notion ?

2) Une fois la détermination de cette notion générale d’environnement réalisée, il paraît légitime de se demander : ces éléments de définition sont-ils transposables en droit pénal, ou celui-ci appréhende-t-il cette notion différemment ?

3) Sinon, quels sont les critères d’intervention du droit pénal en matière de droit de l’environnement ?

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En réponse anticipée à ces questions de recherche nous énonçons l’hypothèse qu’aussi bien en droit français qu’en droit canadien, le droit pénal n’utilise pas de définition spécifique de la notion d’environnement. En effet, l’environnement au sens du droit administratif ou civil jouit d’une définition permettant une protection étendue car englobant tout un ensemble de comportements. La protection de l’environnement ne consiste donc pas simplement à interdire purement les comportements répréhensibles, il peut s’agir également de fixer des seuils légaux en dessous desquels les justiciables sont autorisés à relâcher de potentiels polluants. Et le droit pénal réemploie la même définition, tout en venant sanctionner d’une peine l’irrespect de ces réglementations. On se retrouve donc très souvent dans une situation certes très pratique d’un point de vue législatif mais peu satisfaisante d’un point de vue de légistique pénale. En effet, l’idée derrière ce type d’incrimination est d’assortir une interdiction administrative d’une sanction pénale en cas de non-respect. Le droit pénal devient donc un instrument utilisé en dernier recours après le droit administratif. Cette méthode est pratique car elle permet de créer beaucoup d’incriminations rapidement, mais elle ne satisfait pas réellement au principe d’incrimination traditionnelle en matière pénale.

Mais force est de constater que si le droit pénal n’appréhende pas la notion d’environnement différemment dans sa définition, il le fait dans la nature des atteintes qu’il réprime, ainsi que la gravité des sanctions. En effet, le droit pénal est considéré comme l’ultima ratio, l’ultime instrument que possède le droit afin de protéger les valeurs fondamentales. Or en tant que tel le droit pénal ne doit pas être utilisé trop souvent et à tort et à travers auquel cas son objet serait dévoyé, et son utilité amoindrie. Dès lors le droit pénal n’intervient que pour des comportements particulièrement graves, assortis de peines telles qu’elles obligent le juge à être particulièrement prudent dans leur prononcé. En effet les peines des lois pénales environnementales pouvant être plus restrictives de liberté car pour le coupable que de simples amendes administratives, certaines infractions étant

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sanctionnées par de l’emprisonnement, le juge doit être plus consciencieux dans leur application.

L’intérêt de la recherche :

L’intérêt de cette recherche repose autant sur sa pertinence juridique que scientifique. D’une part, cette étude pénale de la notion d’environnement est provoquée par la multiplication, du fait des nouvelles avancées technologiques, des moyens d’atteindre à l’environnement. Il est vrai que suite aux progrès en matière de nouvelles technologies, de recherche en matière d’énergie, et des progrès techniques et scientifiques en général, les manières de polluer l’environnement se sont multipliées. Donc mieux comprendre ce que l’on souhaite protéger, permettrait de suivre tous ces progrès tout en ayant une idée claire de ce que le droit doit faire entrer -ou non- dans son giron.

De même, force est de constater que la définition de l’environnement passe souvent par l’emploi de termes périphériques et non nécessairement synonymes : les expressions de « biodiversité », de « développement durable » intervenant fréquemment, et venant étendre le domaine de protection. Employer de tels termes n’est pas sans conséquence, ceux-ci pouvant désigner une réalité scientifique qui n’était pas forcément visée par le législateur lors de la promulgation des lois pénales environnementales. Dès lors, se pencher sur l’évolution de la définition de l’environnement, et le sens profond des termes employés permettrait d’apporter une certaine clarté dans une matière imposante et dispersée.

Enfin notre étude comparée est l’occasion non seulement de permettre des observations sur les droits pénaux environnementaux franco-canadiens, mais aussi d’apporter de véritables recommandations de réformes en la matière. Cela permettrait en particulier au droit français et au droit canadien d’être enrichis par

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leurs apports respectifs dans ce domaine, et par là même de clarifier et harmoniser la protection pénale de l’environnement.

La méthodologie :

Afin d’étayer cette étude, il s’agira de procéder à différents types de recherche et d’avoir recours à différentes approches méthodologiques.

L’ensemble de cette démonstration relèvera à la fois de l’analyse exégétique traditionnelle, de la théorie du droit et enfin d’une solide approche comparatiste.

Exégétique car il s’agira d’étudier dans le détail les textes législatifs s’intéressant à la notion d’environnement, aussi bien de manière générale qu’en droit pénal spécifiquement. De même, l’étude poussée de la jurisprudence et de la doctrine pertinente nous permettra d’explorer de façon détaillée la définition utilisée par les tribunaux en matière d’environnement lorsqu’ils sont confrontés à un litige pénal. Nous nous intéresserons aux décisions des tribunaux de première instance, bien que celles des tribunaux supérieurs (Cour suprême canadienne, Cour de cassation et Conseil constitutionnel français) seront étudiées avec plus d’attention du fait de leur portée plus importante. Cette étude concrète de la pratique judiciaire nous permettra de constater si les tribunaux appliquent stricto sensu la définition statutaire de la notion d’environnement, ou s’ils l’a font évoluer en fonction du cas d’espèce traité. De même, cela permettra de vérifier quels sont les critères que les tribunaux emploient afin de faire intervenir la protection pénale. L’approche comparatiste permettra de vérifier comment les pratiques françaises et canadiennes appréhendent judiciairement cette notion.

L’ensemble du mémoire sera traversé par une approche herméneutique afin de déterminer si la méthode d’interprétation employée par les tribunaux pénaux pour appréhender la notion d’environnement, est conforme aux principes d’interprétation en matière de droits fondamentaux, et plus précisément en matière

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de droit de la défense. Cela permettra également de mettre en balance la protection de l’environnement avec les autres droits fondamentaux afin de déterminer sa place dans l’équilibre constitutionnel.

Enfin, une proposition réformiste sera proposée à deux égards : il s’agira non seulement de faire évoluer la notion canadienne « d’environnement » et son appréhension par le droit pénal pour en gommer les lacunes, mais également d’harmoniser et clarifier le régime français de protection pénale de l’environnement.

Cela aura donc pour but de faire évoluer les deux systèmes juridiques vers une meilleure protection pénale de l’environnement, malgré un point de départ différent pour chacun d’eux.

Le plan de la démonstration :

Ce mémoire comportera deux grandes parties. Bien entendu les situations canadienne et française seront étudiées conjointement dans chaque partie, et ne feront pas l’objet de développements isolés.

La première partie de la démonstration consistera à étudier la notion d’environnement au travers de sa définition, et les écueils rencontrés. Il s’agira donc d’étudier dans le détail dans une première sous-section la définition par énumération ainsi que les défauts et vides juridiques qu’un tel procédé peut engendrer, pour tenter ensuite de circonscrire la définition conceptuelle de la notion d’environnement. Puis il conviendra d’étudier les nouveaux termes employés en matière d’environnement, et notamment leur signification en termes de protection pénale. Cette étude détaillée de la définition de l’environnement se fera ainsi par l’étude des textes généraux de droit de l’environnement, mais aussi au travers de la matière pénale. Il s’agira ainsi de confronter la définition employée par le droit pénal à celle employée par le droit de l’environnement de manière

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générale. Confrontation qui permettra de mettre en exergue les insuffisances et les domaines où une réforme serait nécessaire.

La deuxième partie de la démonstration consistera à étudier l’intervention du droit pénal en droit de l’environnement au travers des atteintes réprimées. En effet, ces atteintes et notamment leur gravité, leur durée, ou encore le lien de causalité entre la faute et le dommage, constituent majoritairement le critère d’intervention du droit pénal en la matière. Leur étude participe donc à la démarche d’appréhension globale de la notion d’environnement par le droit pénal. Il s’agira ainsi d’étudier les critères déterminant l’intervention du droit pénal en matière environnementale avant de se pencher sur le risque d’inefficience que cela provoque dans ce régime. En effet, ces critères, s’ils permettent de respecter les grands principes pénalistes de proportionnalité et de légalité, risquent d’offrir trop peu de souplesse en pratique pour que le régime soit efficace et efficient. Cette réflexion permettra en outre d’ouvrir la porte à des propositions réformistes en la matière.

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Partie 1

: La définition de l’environnement et ses écueils

Afin de comprendre comment le droit pénal appréhende la notion d’environnement, il faut au préalable comprendre ce qu’est l’environnement. Pour cela, il s’agit non seulement d’étudier la notion d’environnement au sens du droit de l’environnement de manière générale, pour ensuite se pencher sur les spécificités, s’il y en a, de cette notion au regard du droit pénal. Toutefois, il s’agira de réaliser cette étude en découpant le processus définitionnel qui entoure la notion d’environnement en deux parties. Dans un premier temps nous nous intéresserons à ce qui compose l’environnement au travers de sa définition par énumération (Chapitre 1), pour se pencher ensuite sur la définition conceptuelle de cette notion (Chapitre 2) censée compléter l’énumération.

Précision terminologique : distinction entre le droit pénal et le droit criminel. Avant toute chose, il convient de préciser dans le cadre de ce mémoire en droit comparé entre la France et le Canada que le terme de « droit pénal » ne revêt pas la même signification entre les deux pays. En effet, le droit français utilise le terme de droit pénal pour toute loi prévoyant une sanction pénale, tandis que le droit canadien distingue entre le « droit criminel » et le « droit pénal réglementaire »37. En droit canadien « le droit pénal est une sphère du droit

qui traite des comportements nuisibles pour l'ensemble de la société (les infractions) et qui prévoit des peines en cas de non-respect de celles-ci (les sentences) tandis que le droit criminel est issu principalement du Code criminel et il traite des comportements les plus graves »38. Les lois envisagées dans la suite

de ce développement ne se limiteront pas au droit criminel et prendront en compte

37 Voir sur la question : Gisèle CÔTÉ-HARPER, Pierre RAINVILLE et Jean TURGEON, Traité de droit pénal canadien, Éditions Yvon Blais, 1998 page 10.

38 « Capsules d’information juridique - Trouver une ressource juridique - Services aux citoyens - SOQUIJ », en ligne :

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le droit pénal dans son sens le plus large, le droit de l’environnement ne relevant exclusivement pas ni de l’un ni de l’autre, mais bien alternativement des deux.

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Chapitre 1 : La définition par énumération

L’environnement est une notion plurielle en évolution permanente. De sa naissance dans les années 70 aux plus récentes lois le protégeant, sa définition et sa composition n’ont cessé d’évoluer. Tel que le résume Jacques-Henri Robert :

Le mot et le concept d’environnement sont nés d’une nouvelle représentation que l’homme s’est donnée de ses rapports avec le monde physique. Cela est arrivé après que la science eut montré comment les différentes choses qui composent la planète entretiennent entre elles et avec l’espèce humaine des relations qui échappent à l’observation empirique mais sont nécessaires à l’équilibre général et à la survie de l’homme : le régime des rivières a un effet sur le climat, qui influe sur la croissance des végétaux et le nombre des animaux vivants, dont dépend l’alimentation de l’homme. […] L’environnement ayant ainsi été compris, scientifiques et amateurs entreprirent de chercher quelles actions de l’homme le dégradaient, par quels phénomènes physiques ces dommages arrivaient et quels futurs devaient être redoutés : ces changements indésirables furent dénommés nuisances, ou dommages écologiques. C’est ainsi que les juristes furent sollicités39.

Et lorsqu’on a demandé au législateur de codifier la protection de l’environnement, et donc de le définir, son premier réflexe a été d’en énumérer les composantes. Cette démarche trouve une certaine logique, car lorsque l’on aborde une notion aussi vaste et tentaculaire que celle d’environnement, le premier réflexe que l’on a est de la circonscrire. Poser des limites permet à la fois de mieux appréhender ce que l’on doit protéger, mais aussi ce que l’on ne doit pas protéger. S’il paraît logique de protéger l’eau des rivières ou des nappes phréatiques ainsi que sa qualité de manière globale, après tout, ce n’est qu’un élément nécessaire à notre survie, il paraît moins logique de protéger l’eau des piscines. Car si on appliquait la même protection à l’eau des piscines on ne pourrait les chlorer et leur utilité en serait amoindrie. Établir une liste avec un certain niveau de détail devient

39 Jacques-Henri ROBERT et Martine RÉMOND-GOUILLOUD, Droit pénal de l’environnement, Masson, coll Droit pénal des affaires, Paris, 1983, page 27.

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donc utile mais en réalité proprement infaisable, une telle exhaustivité étant difficilement possible lors d’une opération de codification. Dès lors la démarche privilégiée par le législateur est fréquemment la suivante : non seulement il pose une définition par énumération, mais il la complète ensuite par une définition conceptuelle censée en préciser la portée. En nommant ainsi les catégories principales, il offre au juge, lorsqu’il est confronté à une infraction, la possibilité de faire correspondre ou non cette infraction à une énumération particulière.

Il s’agira donc dans cette première partie de contextualiser les différentes énumérations qu’invoque le législateur, à commencer par celle de « milieux physiques et espaces naturels ».

I/ Les milieux physiques et les espaces naturels

Une catégorie regroupant les éléments principaux. Lorsque l’on étudie les lois de protection de l’environnement on constate rapidement que les mêmes catégories reviennent fréquemment. En effet, le code de l’environnement français, dans son article L110-1 précité, protège « Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, les êtres vivants et la biodiversité ». A ceux-là s’ajoutent « [l]es processus biologiques, les sols et la géo-diversité »40.

Si l’on s’en tient dans un premier temps aux éléments rapidement identifiables dans cette définition, on retient particulièrement « les espaces, ressources, milieux naturels terrestres et marins ». Ces éléments sont relativement clairs : on protège les grands espaces naturels, le sol, la mer, et toutes les ressources qu’ils peuvent nous fournir.

Conséquence de l’utilisation du terme « ressource ». La mention de ce terme est intéressante dans la mesure où elle révèle une vision anthropocentriste

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de la définition de l’environnement : on protège ce qui est utile à l’espèce humaine dans son développement. Un arbre n’est donc pas protégé du simple fait que c’est une espèce vivante, mais bien parce qu’il peut nous fournir du bois. Ce constat fait dire à l’écologiste Aldo Léopold :

La gestion actuelle des ressources naturelles nous conduit à une impasse... Nous maltraitons la terre parce que nous la considérons comme une marchandise en notre possession. Le jour où nous la percevrons comme une communauté dont nous sommes membres, nous la traiterons avec amour et respect41.

La sanction pénale des actes de pollutions vise donc les atteintes que l’on fait aux ressources présentes dans le milieu et qui en freinent donc notre exploitation, et ne visent pas fondamentalement à protéger le milieu lui-même. Selon la philosophe Marie-Hélène Parizeau, cela procède d’une vision très occidentale de l’environnement :

Les anthropologues, et en particulier Philippe Descola, montrent bien que les sociétés humaines ont différentes représentations de la nature. Ce concept est construit socialement, représente la forme de l’extériorité pour une société donnée, à un moment donné. Certaines populations autochtones, au Brésil en particulier, n’ont pas vraiment d’idée de la nature. Ils en font partie et ils ne la conçoivent pas comme une extériorité. […]

Beaucoup d’ouvrages en éthique de l’environnement ou du mouvement écoféministe montrent que la modernité occidentale repose sur la mise à distance de la nature dans un rapport d’objectivation scientifique et de manipulation technique. On veut arracher les secrets de la nature et, pour y arriver, il faut la faire mourir en quelque sorte. Cette violence faite à la nature permet ensuite de la manipuler en utilisant ses lois. Notre civilisation est technicisée. Elle transforme et utilise la nature comme un fonds disponible42.

41 Aldo LEOPOLD, A Sand County almanac, and sketches here and there, Outdoor Essays & Reflections, 1989, traduction par Nguyen VINH-DE, dans « Qu’est-ce que l’éthique de l’environnement? » (1998) 9:1 Horizons philosophiques 87–107 .

42 « La philosophe Marie-Hélène Parizeau sur les rapports de l’Occident à la nature », en ligne : Le Devoir <https://www.ledevoir.com/societe/environnement/500382/la-philosophe-marie-helene-parizeau-sur-les-rapports-de-l-occident-a-la-nature> ; Pour plus de détails lire : Marie-Hélène PARIZEAU « Biodiversité et représentations du monde: enjeux éthiques » - La biodiversité. Tout conserver ou tout exploiter, 1997.

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Une construction législative pyramidale. Mais si la nature est régulièrement envisagée comme une ressource, le législateur prévoit de la protéger d’une surexploitation abusive, et ce en détaillant les différents milieux risquant d’être pollués. Il suffit pour s’en rendre compte de reprendre l’étude du Code de l’environnement français : on constate que le législateur est parti de ce qui semble le plus évident comme faisant partie de l’environnement (eau, terre, air) pour ensuite aller vers tout ce qui est plus complexe à appréhender mais qu’il semble nécessaire d’appréhender car étant des enjeux d’avenir (OGM, déchets…) : le législateur a décidé dans le Livre II du Code de l’environnement de protéger les milieux physiques, à savoir l’eau, ainsi que l’air et l’atmosphère, pour protéger dans le Livre III les espaces naturels (littoral, les parcs et réserves, les sites et monuments naturels, les paysages remarquables…). Le Livre IV quant à lui est dédié à la protection du patrimoine naturel (faune et flore), là où le Livre V protège l’environnement contre les pollutions et les risques de nuisance. En réalité cette dernière catégorie est bien éclectique car regroupant de manière hétérogène les substances chimiques, les OGM, les déchets, les nuisances sonores, la publicité…

Dans cette démarche pyramidale, les axes principaux et fondamentaux visés par le législateur ne sont pas critiquables car il paraît logique de protéger la mer, la terre ou bien encore l’air. Bien que ces notions recèlent elles aussi leur lot d’interrogations.

En cela le législateur canadien ne s’est pas distingué de son homologue français. En effet, si l’on se penche sur la Loi canadienne sur la protection de l’environnement, son article 3 précise bien que l’environnement est composé par « l’air, l’eau et le sol; toutes les couches de l’atmosphère; toutes les matières organiques et inorganiques ainsi que les êtres vivants »43. On définit ici par ce qui

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faisant mention des matières organiques et inorganiques, ainsi que des êtres vivants.

Enfin, le législateur québécois, dans la Loi sur la qualité de l’environnement, et notamment dans son article 1 fait lui aussi mention de « l’eau, l’atmosphère et le sol »44.

Dès lors, ces éléments revenant fréquemment dans les lois de protection de l’environnement, il convient d’étudier plus en détail ce qu’ils regroupent en leur sein. L’étude des points suivants permettra en outre de mettre en exergue le fait qu’une notion en apparence simple et identifiable en droit de l’environnement peut toutefois faire l’objet d’une certaine complexité.

A/ L’EAU

Une notion en apparence identifiable. L’eau est historiquement l’une des premières ressources naturelles à avoir été protégée par le droit, aussi bien en France qu’au Canada. Si sa place parmi les objets de protection du droit de l’environnement et du droit pénal de l’environnement n’a jamais été contestée, la perception que l’on avait de sa nature en tant qu’objet de protection a évolué. En effet l’eau a d’abord été perçue en France comme objet de droit subjectif, étant la propriété de la Couronne avant même l’avènement du Code Civil. La législation de l’Ancien Régime faisant même état de « Règlements d’eau »45. Puis, dès la

création du Code Pénal français de 1810, l’eau a été considérée comme « faisant partie du patrimoine de la nation »46, ce qui lui a permis de prendre sa place parmi

les ressources vitales et universelles nécessaires au développement de l’Humanité. L’eau n’a plus été considérée comme une ressource infinie et

44 Loi sur la qualité de l’environnement, RLRQ c Q-2, en ligne : <http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/Q-2>.

45 Pour de plus amples détail, voir : Dominique GUIHAL, Jacques-Henri ROBERT et Thierry FOSSIER, Droit répressif de l’environnement, 4ème édition, coll Economica, Paris, 2016, page 345.

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