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Cheminement des intervenants dans le processus d’implantation du programme à données probantes Triple P

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Academic year: 2021

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© Marie-Kim Côté, 2020

Cheminement des intervenants dans le processus

d’implantation du programme à données probantes

Triple P

Thèse

Marie-Kim Côté

Doctorat en psychologie - recherche et intervention

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

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Cheminement des intervenants dans le processus

d’implantation du programme à données probantes

Triple P

Thèse

Marie-Kim Côté

Sous la direction de :

Marie-Hélène Gagné

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Résumé

Alors que la recherche s’est surtout intéressée à l’efficacité des programmes à données probantes (PDP) à atteindre leurs objectifs envers la clientèle ciblée, beaucoup moins d’attention a été portée aux facteurs favorisant l’implantation optimale et durable de ces programmes dans les communautés. Il semble essentiel que les acteurs des organisations impliquées s’approprient le PDP implanté afin qu’il atteigne son plein potentiel et donne les résultats escomptés. L’implantation serait même considérée comme le « chaînon manquant » entre la recherche et la pratique. Plusieurs variables influençant la qualité de l’implantation concernent les intervenants qui offrent le PDP, telles que les attitudes envers les PDPs, les besoins de formation perçus, l’autoefficacité, les bénéfices perçus et la capacité organisationnelle à l’implantation perçue. Ainsi, la présente thèse vise à documenter la diversité et l’évolution des perceptions d’intervenants au cours du processus d’implantation d’un PDP. Une méthode mixte a été employée afin de bien comprendre l’expérience des intervenants dans leur globalité, en documentant leurs points de vue de façon qualitative et quantitative dans le cadre de deux études. Depuis l’automne 2014, plus d’une centaine d’intervenants provenant de diverses organisations publiques et communautaires du milieu de la santé et de l’éducation ont été formés pour offrir Triple P – Pratiques Parentales Positives, un PDP de soutien à la parentalité destiné aux parents d’enfants âgés de 0 à 12 ans. Le premier volet de cette thèse a permis de décrire l’expérience de 38 intervenants ayant participé à des entrevues de groupe un an après leur formation au programme. Trois types de discours décrivant l’expérience d’implantation de groupes d’intervenants ont été identifiés à la suite d’une analyse approfondie des données recueillies, nommés discours de conviction, d’apprivoisement et d’aliénation. Le second volet de cette thèse porte sur l’évolution des perceptions de 99 intervenants ayant rempli des questionnaires avant leur formation à Triple P et deux ans plus tard. Selon les résultats obtenus, il semble que les attitudes des intervenants envers les PDPs tendent à s’améliorer dans le temps et les besoins perçus de formation à intervenir auprès des parents tendent à diminuer, et ce, selon leur niveau initial de confiance envers la capacité de leur organisation à implanter le programme. De plus, leur sentiment d’efficacité personnelle à utiliser le programme tend à augmenter dans le temps. Ainsi, les résultats de cette thèse suggèrent la présence d’une grande diversité dans

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l’évolution des perspectives des intervenants à propos de leur expérience d’implantation d’un PDP. Cette thèse souligne également la nature dynamique du processus d’implantation, montrant notamment qu'un positionnement initialement défavorable des intervenants à l'égard de l’implantation d’un nouveau PDP dans leur milieu peut changer dans le temps lorsque les intervenants semblent bénéficier de mesures de soutien de la part de leur organisation. La mise en relation des résultats obtenus avec des théories motivationnelles existantes permet d’apporter un nouvel éclairage sur les éléments qui semblent influencer les changements observés dans les perceptions des intervenants. Les recommandations qui en découlent pourraient améliorer le processus d’implantation des PDPs et pourraient ainsi permettre de potentialiser les effets de ces programmes pour le bien-être des familles et des communautés.

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Table des matières

Résumé ... ii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux et figures ... vi

Liste des abréviations ... vii

Remerciements ... viii

Avant-propos ... xii

Introduction générale de la thèse ... 1

Implantation de PDP : définitions et concepts associés ... 3

Processus d’implantation ... 5

Cibles d’implantation ... 6

Facteurs d’implantation ... 7

Pertinence sociale et considérations théoriques ... 16

Contexte de la présente recherche ... 18

Objectifs et hypothèses de recherche ... 23

Chapitre I. Diversity in practitioners’ perspectives on the implementation of the evidence-based Triple P – Positive Parenting Program ... 29

Résumé ... 29 Abstract ... 29 Introduction ... 30 Methods ... 33 Results ... 34 Discussion ... 39 Conclusion ... 43 References ... 44

Chapitre II. Changes in practitioners’ attitudes, perceived training needs and self-efficacy over the two-year implementation of an evidence-based parenting program ... 51

Résumé ... 51 Abstract ... 51 Introduction ... 51 Methods ... 56 Results ... 60 Discussion ... 61

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Conclusion ... 64

References ... 65

Conclusion générale de la thèse ... 75

Changements et stabilité dans les perceptions des intervenants ... 77

Contributions, forces, limites et pistes de recherche futures ... 84

Implications pratiques et recommandations ... 87

Conclusion ... 91

Références ... 93

Annexe 1. Détail méthodologique du premier article ... 104

Considérations méthodologiques afin d’assurer la validité de l’étude ... 110

Limites ... 114

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Liste des tableaux et figures

Introduction

Tableau 1. Implantation de PDP : résumé des définitions et concepts associés……...…26-27 Figure 1. Schéma illustrant le modèle cyclique QIF……….…………28

Chapitre I

Table 1. Sociodemographic Characteristics of Participants……….………..47 Table 2. Key Differences Between Types of Discourse……….………...48 Figure 1. Qualitative Analytical Framework including Final Thematic Categories and Subcategories Emerging from Participants’ Discourse……….………49 Figure 2. Illustration of Distinct Evolving Perspectives in each Type of Discourse….……50

Chapitre II

Table 1. Sociodemographic Characteristics of Participants………..70 Table 2. Scores for Practitioners’ Attitudes, Perceived Training Needs and Self-Efficacy..71 Table 3. Interaction Effect of Perceived Organizational Capacity on the Level of Change in Practitioners’ Attitudes, Perceived Training Needs and Self-Efficacy, and Time Effect….72 Figure 1. Illustration of the moderation model tested………...73 Figure 2. Moderation of Variables A, B and C Over Time by Perceived Organizational Capacity……….……74

Annexe 1

Tableau A1. Principaux constats découlant de l’analyse sommaire………...….118-119 Figure A1. Carte conceptuelle formant le cadre d’analyse de la phase 2….…...…...120-121

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Liste des abréviations

CJ……….Centre jeunesse CLSC………...Centre local de services communautaires CPE……….…………Centre de la petite enfance CSSS………..………Centre de santé et services sociaux ÉP………..École primaire OC………..………Organisme communautaire PDP (EBP)……….…Programme à données probantes (evidence-based program) QIF……….………..Quality Implementation Framework RCB………..……..Rapport coûts-bénéfices ST-I………...………Sous-type I (du discours d’aliénation) ST-II………....……Sous-type II (du discours d’aliénation) Triple P………..………Pratiques Parentales Positives (Positive Parenting Program)

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Remerciements

Alors que mon parcours académique tire à sa fin, je souhaite prendre le temps de remercier toutes les personnes qui ont été présentes à mes côtés, dans les moments de doute et de découragement, mais surtout dans les moments de plaisir et de joie, m’amenant aujourd’hui à considérer ces huit années d’études en psychologie comme une période de ma vie épanouissante à tous les égards.

Tout d’abord, j’aimerais remercier Marie-Hélène Gagné, ma directrice de recherche. Tu as été pour moi une grande source de soutien tout au long de mes études doctorales. La confiance que tu as manifestée envers mes habiletés de recherche dès le début de mon parcours m’a permis de développer mon propre sentiment d’efficacité personnelle dans ce domaine, et a contribué grandement à ma décision d’effectuer un changement de programme du doctorat en psychologie D.Psy au doctorat Recherche – Intervention, Ph.D. Merci de m’avoir appuyé de façon importante dans cette transition, et de t’être toujours montrée disponible, chaleureuse et à l’écoute de mes besoins. Merci pour les incroyables opportunités que tu m’as offertes, que ce soit en termes d’appui pour les bourses ainsi que de contrats d’auxiliaire de recherche ou d’enseignement, mais surtout pour les occasions de présentation de mes résultats de recherche auprès de partenaires et même à l’international. D’abord hésitante envers mes capacités de communication, le sentiment de fierté que je retire de ma participation à ces congrès m’aide aujourd’hui à foncer et surmonter des défis au sein de ma vie professionnelle comme personnelle. Enfin, tu as été pour moi un excellent modèle de leadership et de coopération interdisciplinaire et intersectorielle. Sincèrement, je n’aurais pu espérer une meilleure directrice de recherche et mentore tout au long de mes cinq années du doctorat en psychologie. Je garderai toujours de bons souvenirs de cette relation et j’espère par ailleurs que nous resterons en contact dans le futur, peut-être autour d’une bonne pizza! Je souhaite aussi remercier les membres de mon comité d’encadrement, Sylvie Drapeau et Marie-Claude Richard. Je crois sincèrement que vos remarques et vos conseils justes et pertinents lors de mes séminaires ont fait évoluer ma thèse, mais également mes capacités d’analyse et de critique de la recherche. Bien que stressants par moments, les séminaires ont

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toujours été pour moi des moments stimulants où j’avais l’occasion de parler de mon projet de recherche de façon approfondie et de me réapproprier mon travail. L’intérêt et le respect que vous avez manifestés envers mon projet et mes choix ont certainement contribué à cet état d’esprit.

Merci à l’équipe de la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance, notamment à Julie Goulet et Marjolaine Roy pour votre précieuse aide dans divers aspects de coordination (contribuant d’ailleurs à maintenir mon humeur à 10/10 Julie!). Merci aux auxiliaires de recherche qui m’ont aidée avec la transcription verbatim des entrevues et autres tâches. Merci aux étudiant-e-s du laboratoire pour les moments de détente entre deux analyses statistiques, making community psychology great again!

Merci à mes amies, Dorothée et Émilie. Sans vous, le doctorat n’aurait pas été le même. Tout d’abord, je n’aurais jamais été membre du comité organisateur du colloque étudiant avec vous si Émilie tu ne m’y avais pas inscrite… sans m’en parler. Plus sérieusement (ou non), je garde des souvenirs précieux de nos maintes aventures, avec ou sans affiches en tissu et cafetières italiennes, à Québec ou à Montréal, dans l’Ouest américain ou à Prague, en vélo ou en Kia, m’indiquant que notre amitié ne peut que se maintenir. Nous sommes certainement dans une phase de pérennité à cet égard chères collègues. Également un merci particulier à toi, Dorothée, qui a été la première à insuffler cette idée d’un changement de programme. Au-delà de la formation en recherche, j’ai aussi pu évoluer en tant que personne à travers ma formation clinique. Merci à Sylvie Bradette et Louise Gauthier, qui m’avez offert mes premières expériences de stages dans le réseau public. Merci à Rémi Gaudreault et Marie-Josée Marois, ainsi que tous les superviseurs que j’ai pu côtoyer durant l’internat qui m’avez fait une place dans votre équipe au Centre de pédopsychiatrie de Québec. À travers votre douceur et votre regard empreint de bienveillance envers les autres, vous m’avez toutes et tous aidée à trouver ma couleur comme thérapeute, mais vous m’avez aussi permis de devenir plus accueillante à mon égard et de développer une saine confiance en moi. Après autant d’années d’études, je suis à quelques mois d’enfin réaliser mon rêve d’être psychologue et je vous remercie de m’avoir permis de le faire de façon authentique, dans le respect, la curiosité

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intellectuelle, la bonne humeur et surtout dans l’humour! À ce titre, je tiens également à remercier mes camarades de Sacré-Coeur pour les moments de rigolade, de confidences et de ventilation. J’ai trouvé des amies en vous et ces deux dernières années n’auraient pas été les mêmes sans cette belle dynamique. J’espère que nos traditions (incluant tout évènement de haute gastronomie, soupers des Rois mages et escapades à G-Town) se maintiendront dans le temps!

Mille mercis à mes amis qui m’ont permis de maintenir un bon équilibre de vie durant toutes ces années. Plus particulièrement, Marie-Andrée et Vanessa, une chance que vous étiez dans la même équipe d’initiation que moi. Merci pour tous les beaux moments du baccalauréat avec Alexandra. Les Féministes, Élizabeth, Marie-Hélène et Marianne, je vous aime et j’espère que vous ferez toujours partie de ma vie. Un merci tout spécial à Marianne, pour ton écoute et ton aide dans mon éternelle ambivalence. Je pense que tu me connais mieux que quiconque après nos nombreuses conversations tangentielles. Merci à mes ami-e-s de toujours, notamment Marie-Ève et Emma pour votre présence et vos encouragements continuels. Sans aucun doute on continuera à maintenir nos liens à travers le temps, comme de beaux points d’ancrage dans nos parcours respectifs! Enfin, ces dernières années n’auraient pas été aussi agréables sans vous, Myriam, Jean-Simon, Alexandrine, Simon, Stéphanie et Marc-Antoine. Vous m’avez accueillie dans votre petit monde où j’ai trouvé des amis incroyables qui me ressemblent. Merci pour votre joie de vivre, d’être toujours partants pour les spectacles, la terrasse, l’escalade et les voyages malgré votre horaire chargé, je vous aime!

Pour conclure, je tiens à remercier ma famille, qui a contribué à faire de moi la personne que je suis aujourd’hui. Merci d’abord à mes grands-parents et ma famille élargie, qui vous êtes intéressés à mon cheminement même si mon domaine d’études pouvait vous paraître plutôt étranger. Mamie, je suis convaincue aujourd’hui d’être née sur une bonne étoile, merci d’avoir cru en moi. Merci Sonia pour ton intérêt et ton amour sans fin. Alain, j’espère continuer à prouver à tort ta théorie! Merci à ma belle-famille, dont mes beaux-parents Sylvie et André, avec qui je me suis toujours sentie appréciée. Merci pour votre hospitalité au chalet, je n’aurais souvent pu espérer mieux que la tranquillité du fleuve pour rédiger.

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Je ne pourrais souhaiter avoir un meilleur frère que toi Geoffroi doy-doy, celui qui fait le plus rire tout en étant mon meilleur public. Merci entre autres d’avoir insisté avec ma chère belle-sœur Danahé pour que je m’implique au ultimate, ce qui m’a permis de découvrir un sport que j’adore, mais aussi de passer plus de temps avec vous. Anne-Sarah, Annoue ma sœur d’amour, je manque de mots pour te dire comment tu comptes pour moi. Merci (et bravo!) pour ta belle écoute et ta validation. Tu as été là du début à la fin, tu le seras toujours, tu es un modèle depuis que je suis jeune et tu continues à l’être. Merci à mes parents, Marlène et Michel, pour votre appui et votre amour. Entre autres choses, vous m’avez montré la persévérance et le souci du travail bien-fait. Vous m’avez toujours soutenue, orientée et renforcée dans mes choix et je vous en remercie. Merci papa pour ta solidité et ta confiance en moi, j’espère que mon torchon à moi te fasse honneur. Merci maman pour ta folie et ta spontanéité, je pense notamment à ton hommage à notre belle Opale. Mais surtout merci pour ton aide dans ma rédaction (malgré que ça n’ait pas toujours été facile) et pour ton réconfort lors des moments de découragements. Vous êtes mon noyau, je vous aime et je ne vous échangerais pour rien au monde.

Merci mon amour, Gabriel, qui partage ma vie depuis dix ans. Ensemble depuis la première année de cégep, tu as été aux premières loges lorsque j’ai décidé d’entamer des études en psychologie et tu m’accompagnes encore au moment où je les termine. Nos projets communs me permettent d’avancer et de trouver un sens à ce que je fais, mais c’est surtout le quotidien auprès de toi qui me tient ancrée et heureuse. On a grandi et on s’est développés ensemble, on partage les mêmes intérêts, les mêmes valeurs et on s’appuie mutuellement malgré la grande charge que représentent nos parcours doctoraux. Je nous sens solides et j’imagine difficilement une vie sans toi, sans ton amour. Tu m’as été essentiel et l’es encore, je t’aime.

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Avant-propos

La présente thèse a reçu l’appui financier du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH). L’auteure de la thèse, Marie-Kim Côté, a bénéficié de l’appui financier du Conseil de recherches en sciences humaines (CRSH), du Fonds de Recherche du Québec - Société et culture (FRQSC), de la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance, du Centre de recherche universitaire sur les jeunes et les familles (CRUJeF) sous forme de bourses de recherche au cours de ses études doctorales en psychologie.

Marie-Kim Côté a effectué la recension de littérature ; élaboré le guide d’entrevue de groupe ; participé à la planification et à la collecte de données des entrevues de groupe et des questionnaires, incluant l’élaboration du guide d’entrevue de groupe, la rédaction des formulaires de consentement et la demande d’approbation au comité d’éthique ; supervisé et révisé la transcription verbatim des données qualitatives ; analysé les données recueillies ; interprété les résultats ; et rédigé la totalité de cette thèse, dont les deux articles scientifiques en anglais. Pour ce faire, elle a pu bénéficier de la supervision de Marie-Hélène Gagné, Ph. D., directrice de recherche, professeure à l’École de psychologie de l’Université Laval et titulaire de la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance. La collecte de données s’est faite en collaboration avec l’équipe de la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance et ses partenaires dans les communautés. Marie-Kim Côté a pu bénéficier de l’appui de statisticiennes pour la révision de ses analyses quantitatives. Enfin, les deux articles scientifiques ont fait l’objet d’une révision linguistique.

Le premier article, intitulé « Diversity in practitioners’ perspectives on the implementation of the evidence-based Triple P – Positive Parenting Program » est présentement sous presse, ayant été accepté pour publication le 16 février 2020 par la revue scientifique Journal of

Community & Applied Social Psychology. Le second article, intitulé « Changes in

practitioners’ attitudes, perceived training needs and self-efficacy over the two-year implementation of an evidence-based parenting program » a été soumis à la revue scientifique

BMC Health Services Research. Suite au processus d’évaluation, une invitation a été émise

en date du 3 mars 2020 à soumettre une version révisée, ce qui sera fait sous peu. Pour ces deux articles, Marie-Kim Côté est première auteure et Marie-Hélène Gagné est co-auteure.

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Introduction générale de la thèse

Au cours des dernières années, une grande attention a été portée en recherche au développement et à la validation scientifique des meilleures pratiques de prévention ou d’intervention visant à promouvoir le bien-être des familles et des enfants (Backer et Guerra, 2011; Durlak et Wells, 1997; Geeraert, Van den Noortgate, Grietens et Onghena, 2004; Koretz et Moscicki, 1997). Cet effort collectif a notamment permis le développement de programmes à données probantes (PDPs), qui se définissent comme des ensembles structurés et coordonnés d’activités d’intervention dont l’efficacité à atteindre leurs objectifs spécifiques auprès de clientèles ciblées a été appuyée par la recherche scientifique (Fixsen et Blase, 2009).

Bien que le développement et l’utilisation d’interventions et programmes appuyés par les données probantes s’inscrivent dans les recommandations de différentes organisations influentes en matière de santé des enfants, comme celles de l’Organisation mondiale de la santé (2009; Irwin, Siddiqi et Hertzman, 2007), de l’American Psychological Association (2006), de l’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry (2006), du National Institute of Mental Health (2001) et du National Center for Children in Poverty (2019), il convient toutefois de noter que certains auteurs remettent en question la pertinence sociale des PDPs. Les critiques sont de plusieurs ordre. Par exemple, en ce qui concerne les PDPs de soutien à la parentalité, certains auteurs soulèvent des préoccupations quant à l’uniformisation des critères définissant la parentalité, tel qu’illustré dans les propos de Briffault (2016, p.13) : « Qu’est-ce qu’un « bon » être humain, celui qu’une « bonne » parentalité scientifiquement fondée se fixe comme objectif et dont elle devrait permettre le développement? La redoutable difficulté de la question ne semble pas arrêter les concepteurs de programmes d’éducation aux bonnes pratiques parentales, qui n’hésitent pas à proposer aux parents des modes d’exercices fondés sur des évaluations empiriques, et des règles systématiques ». Un autre aspect critiqué est la tendance des programmes à cibler des facteurs de risque et de protection opérant à un niveau individuel (p. ex. choix des pratiques parentales) (Saïas et Delawarde, 2013), ce qui pourrait inciter les acteurs gouvernementaux à placer la responsabilité de la santé de la population sur les individus plutôt qu’à agir sur les

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déterminants environnementaux de la santé (ex. conditions socioéconomiques des familes). Bien que ces critiques soulèvent des questionnements d’importance, il n’en demeure pas moins que l’intérêt scientifique, social et politique envers l’utilisation de PDPs dans les communautés ne semble cesser de croître. Au Québec, entre autres, le Programme national de santé publique, soit le cadre d’action qui définit l’offre de services de santé publique, recommande que des services de soutien aux pratiques parentales soient offerts dès la grossesse, incluant de la formation destinée aux parents et ce, afin de prévenir l’appartition de problèmes d’adaptation sociale et leurs conséquences (Gouvernement du Québec, 2015). De façon encore plus précise, cette recommandation a également été inscrite dans la Politique gouvernementale de prévention en santé élaborée en 2016 par le gouvernement du Québec, sous l’objectif 1.3 « Offrir un programme de soutien aux pratiques parentales adapté aux besoins des différents groupes de population » (Gouvernement du Québec, 2016). Dans ce contexte, les intervenants oeuvrant dans les milieux publics et communautaires sont sujets à se faire demander de plus en plus d’utiliser des PDPs dans leur pratique. Il semble donc crucial de s’intéresser à la façon dont ces programmes seront implantés dans leur milieu. En effet, l’une des critiques envers les PDPs est qu’ils n’arrivent pas toujours à produire les bénéfices escomptés lorsqu’ils sont implantés dans les communautés. Il semble que les conditions idéales sous lesquelles les PDPs ont été développés sont difficiles à reproduire lors de l’implantation à grande échelle, où le financement, la formation et le soutien du personnel peuvent être inadéquats (Nelson et Caplan, 2014). Dans ces conditions, il peut s’avérer difficile de rejoindre les populations cibles et de s’assurer que les programmes soient utilisés dans la pratique courante et de façon soutenue à travers le temps, ce qui contribue à limiter leurs effets pourtant prometteurs (Backer et Guerra, 2011; Durlak et DuPre, 2008; Mildon et Shlonsky, 2011). Dans une méta-analyse portant sur 223 programmes de prévention implantés en milieu scolaire, le fait d’avoir rencontré des difficultés dans l’implantation (ex. faible dosage d’intervention) s’est même avéré être le second facteur le plus influent sur le niveau d’efficacité des programmes à réduire les comportements agressifs des enfants, surpassant d’autres facteurs tels le niveau d’intensité de l’intervention, le format de l’intervention et le type de personnel offrant l’intervention (Wilson, Lipsey et Derzon, 2003).

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Ainsi, il est de plus en plus reconnu que la qualité de l’implantation d’un PDP est aussi importante que la qualité de son contenu et de son format en ce qui concerne le résultat de l’intervention (Aarons, Hurlburt, & Horwitz, 2011; Leeman et al., 2015; Ogden et al., 2012). Pour qu’un PDP apporte des bénéfices, il ne suffit pas d’expliquer au milieu d’implantation l’importance d’intervenir selon les données probantes. Une implantation de qualité demande aussi d’être sensible à la réalité culturelle et à la complexité inhérente du milieu (Daro, Budde, Baker, Nesmith et Harden, 2005; Fraser et Greenhalgh, 2001; Dwayne Simpson, 2002) ainsi qu’au point de vue des parties impliquées, telles que les gestionnaires, les intervenants et les bénéficiaires du programme (Lomas, Culyer, McCutcheon, McAuley et Law, 2005). Dans cette optique, à l’heure où les politiques publiques québécoises recommendent de plus en plus l’usage des PDPs dans les services, la présente thèse vise à documenter la diversité et l’évolution des perceptions d’intervenants du domaine enfance-famille à l’égard de l’implantation d’un PDP de soutien à la parentalité dans leur communauté.

Implantation de PDP : définitions et concepts associés

De façon générale, l'implantation d’un programme fait référence aux actions qui devront être accomplies au sein des communautés, des organisations et auprès des intervenants qui offrent le programme afin de mettre en pratique les composantes de l’intervention (Fixsen, Naoom, Blase, Friedman et Wallace, 2005). Le terme « implantation » a toutefois été utilisé de multiple façon par les différents auteurs s’intéressant à ce domaine de recherche (Meyers, Durlak et Wandersman, 2012). Par exemple, l’implantation est parfois vue comme l’étape intermédiaire d’un processus de changement à grand déploiement qui suit le cheminement-type suivant : exposition à l’innovation, décision de l’adopter, implantation (mise en œuvre effective), pérennisation et amélioration de l’innovation, tel que retrouvé dans la théorie de diffusion de l’innovation de Rogers (2003) et dans le modèle conceptuel de Simpson (2002). Pour la présente thèse, l’implantation est vue comme un concept plus large que la mise en œuvre effective, regroupant entre autres les étapes propres à la mobilisation de partenaires souhaitant adopter le programme et les stratégies visant à assurer sa pérennité (Meyers et al., 2012). Ainsi, tel que conceptualisé dans la revue narrative de Greenhalgh, Robert, MacFarlane, Bate et Kyriakidou (2004), l’implantation est vue comme un processus ordonné, structuré et planifié visant l’intégration de nouvelles pratiques à des services de santé

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préexistants. Ce concept se distingue de la diffusion d’une innovation, où la nouvelle pratique est adoptée par les membres de la communauté de façon naturelle et imprévisible, et de la dissémination, où certaines stratégies sont mises en place pour favoriser et influencer le processus passif de diffusion, notamment en ciblant les potentiels adoptants.

Dans cette conceptualisation, une innovation se définit comme « un nouvel ensemble de comportements, de routines et de méthodes de travail qui visent à produire des bénéfices supplémentaires en matière de santé, ou qui visent à améliorer l'expérience des utilisateurs ou l’efficacité administrative des services de santé (traduction libre de Greenhalgh et al., 2004) ». Les innovations prennent différentes formes. Lorsque leur efficacité est soutenue empiriquement, il est possible de les regrouper sous le terme « pratiques à données probantes », qui réfèrent à des « stratégies » ou « principes » de prévention ou d’intervention ayant fait leurs preuves dans des devis de recherche contrôlés. Ces pratiques prennent la forme de programmes à données probantes (PDPs) lorsqu’elles sont regroupées sous une forme manualisée. L’utilisation de tels programmes par les intervenants d’une communauté requiert habituellement leur participation à une formation offerte par l’organisation qui chapeaute le programme en question. De plus, cette organisation fournit généralement le matériel du programme et de l’assistance technique aux acteurs sur le terrain (Backer et Guerra, 2011). Une grande partie de la littérature scientifique, en particulier dans les disciplines d’intervention (p. ex. travail social, psychologie clinique), porte quant à elle sur la « pratique fondée sur les données probantes », qui peut également porter l’abréviation « PDP ». Il s’agit ici d’une approche utilisée par les cliniciens qui vise à prendre des décisions cliniques basées sur les meilleures données probantes, tout en prenant en compte les préférences et particularités de chaque client ainsi que ses propres compétences et préférences comme clinicien (American Psychological Association, Presidential Task Force on Evidence-Based Practice, 2006; Gibbs et Gambrill, 2002).

La présente thèse porte sur l’implantation de programmes à données probantes (et non sur l’implantation de la pratique fondée sur les données probantes, ou sur l’implantation de toutes autres innovations ou programmes non soutenus par la recherche), mais il est à noter que la littérature d’intérêt s’étend généralement au-delà de ces concepts précis, autant en ce qui concerne les études empiriques sur l’implantation que les modèles théoriques utilisés sur

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lesquels les auteurs appuient leurs hypothèses de recherche. Tabak, Khoong, Chambers et Brownson (2012) ont même identifié plus de 60 modèles d’implantation différents. Ces enjeux conceptuels et terminologiques sont d’ailleurs identifiés comme l’une des barrières au développement de la science de l’implantation (Bouckenooghe, 2010; Thomas, Zimmer-Gembeck et Chaffin, 2014). Afin de s’y retrouver, Nilsen (2015) a proposé une taxonomie éclairante suggérant trois façons d’étudier l’implantation en catégorisant les théories et modèles selon leurs objectifs : (1) décrire ou guider le processus de transfert de la recherche à la pratique, (2) déterminer si l’implantation a atteint ses buts, et (3) comprendre ou expliquer quels éléments ont influencé l’atteinte de ces cibles d’implantation. Les prochaines sections viseront à présenter le modèle guidant le processus d’implantation utilisé dans cette thèse, à clarifier ce que constituent des cibles d’implantation et à offrir un portrait de la littérature sur les facteurs d’implantation. Un résumé de ces concepts est décrit au Tableau 1.

Processus d’implantation

Plusieurs auteurs ont tenté de structurer le processus complexe et dynamique que constitue la mise en œuvre d’une innovation à travers la création de modèles conceptualisant les étapes d’implantation (Tabak et al., 2012). Ces modèles ont habituellement pour but de guider les équipes dans l’implantation d’une nouvelle pratique (Nilsen, 2015). Toutefois, la qualité de ces modèles varie. Alors que certains sont basés seulement sur les réflexions des chercheurs reflétant leurs propres expériences plutôt que sur des résultats de recherche, d’autres ne mentionnent qu’une série d’éléments à prendre en compte dans l’implantation d’une innovation, sans les ordonner de façon temporelle. De plus, la plupart des modèles se restreignent souvent à un seul domaine d’intervention ou de services, ce qui limite leur généralisation. Afin de pallier ces difficultés, Meyers et ses collaborateurs (2012) ont synthétisé les informations contenues dans 25 modèles d’implantation existants selon une méthode systématique et rigoureuse et ont ainsi élaboré le Quality Implementation Framework (QIF), un « métamodèle » conceptuel décrivant quatre phases cycliques d’implantation opérationnalisées en 14 étapes à suive afin de favoriser l’atteinte des cibles d’implantation (voir Figure 1). C’est sur ce modèle que s’appuient les objectifs et le contexte de cette thèse.

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Quality Implementation Framework (QIF). La première phase du QIF, nommée « Considérations initiales concernant l’environnement hôte » comprend huit étapes. Celles-ci visent à évaluer la correspondance entre le PDP et les caractéristiques du milieu d’implantation, ses besoins, ses ressources et sa disposition au changement ; à planifier les adaptations au programme qui seront nécessaires ; ainsi qu’à construire de la capacité du milieu. Afin de construire cette capacité, le QIF suggère notamment de mobiliser, recruter et former le personnel qui sera impliqué dans la mise en œuvre du PDP tel que les intervenants, les coordonnateurs locaux, et les gestionnaires, dont certains auront le rôle de « champions », soit des leaders positifs qui porteront le projet. La deuxième phase du QIF, « Création d’une structure d’implantation » comprend deux étapes : la création d’équipes d’implantation où les rôles et responsabilités de chacun sont clarifiés, et le développement d’un plan d’implantation comprenant des tâches spécifiques à accomplir ainsi qu’un échéancier clair et réaliste pour y arriver. Pour sa part, la troisième phase du QIF, « Maintien de la structure en cours d’implantation », contient trois étapes, soit l’offre de supervision et d’assistance technique aux communautés, aux organisations et aux intervenants qui implantent le PDP, l’évaluation continue du processus de mise en œuvre, ainsi que la rétroaction basée sur ce suivi afin d’améliorer la qualité de celui-ci.

Enfin, la dernière phase du QIF, « Améliorations pour les applications futures », comprend une seule étape, celle d’apprendre de cette expérience d’implantation d’un PDP, en utilisant les rétroactions des parties impliquées afin de procéder à une réflexion sur les obstacles et facilitateurs rencontrés au cours de la démarche (Meyers et al., 2012). Comme plusieurs modèles d’implantation, le QIF propose une vision cyclique de ce processus, assumant que le fait de passer par toutes les étapes de mise en œuvre d’un PDP permettra au milieu d’améliorer ses aptitudes générales à implanter toute innovation ultérieure.

Cibles d’implantation

Les étapes du processus d’implantation précédemment décrites ont pour objectif d’assurer la qualité de l’implantation, dans le but de produire plus de bénéfices pour la communauté en retour (Fixsen et Blase, 2009; Meyers et al., 2012). Proctor et ses collaborateurs (2011) proposent de mesurer huit variables distinctes pour statuer sur la qualité de l’implantation d’une innovation. Ces « cibles d’implantation (implementation outcomes) » sont :

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l’acceptabilité (satisfaction à l’égard du contenu de l’innovation, niveau de complexité, crédibilité), l’adoption (intention de l’expérimenter, utilisation initiale), la compatibilité (pertinence perçue, adéquation avec la pratique), la faisabilité (réelle compatibilité, utilité pour l’usage quotidien), la fidélité (adhérence à l’intervention), le rapport coûts-bénéfices de l’implantation, le dosage (quantité d’intervention délivrée et taux de participation de la clientèle) et la pérennité (implantation durable dans les services usuels) de l’innovation. Les objectifs de cette thèse ne visent pas à statuer sur l’atteinte des cibles d’implantation, mais se situent plutôt dans une perspective de compréhension des facteurs influençant les différentes cibles d’implantation, du point de vue des intervenants formés à un PDP. Plus précisément, ils visent à documenter la diversité des perceptions des intervenants sur ces facteurs et leur évolution au fil du processus d’implantation. Dans cette optique, la prochaine section offre un portrait de la littérature concernant les différents facteurs associés à l’implantation.

Facteurs d’implantation

Plusieurs auteurs se sont intéressés à l’influence de différents facteurs sur l’atteinte des cibles d’implantation, également appelés « déterminants de l’implantation ». D’ordre individuel, organisationnel, communautaire ou systémique, ces facteurs interagissent de façon dynamique et multidirectionnelle et agissent à titre de barrières ou de facilitateurs à l’implantation. Ils touchent différents acteurs d’implantation, tels que les développeurs du programme, l’équipe d’implantation, les décideurs, les gestionnaires et les intervenants (Fixsen et al., 2005; Greenhalgh et al., 2004). Parmi les facteurs influençant l’expérience d’implantation des intervenants formés à un PDP, les facteurs d’intérêt pour cette thèse sont : les attitudes envers les PDPs, les besoins de formation perçus, l’autoefficacité, les bénéfices perçus et la perception de la capacité organisationnelle à l’implantation.

Attitudes envers les PDPs. Les attitudes se définissent comme des « états mentaux et neuropsychologiques de préparation à répondre, organisés à la suite de l’expérience et qui exercent une influence directrice et dynamique sur la réponse de l’individu à tous les objets et à toutes les situations qui s’y rapportent (Allport, 1935,)cité par Vallerand, 2006, p.331) ». De par leur influence sur les intentions, les décisions et les comportements des individus (tel

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que mis de l’avant dans la théorie de l’action raisonnée et du comportement planifié de Ajzen, 1991), il n’est pas étonnant que les attitudes des intervenants envers les PDPs aient souvent été étudiées à titre de facilitateurs ou barrières à l’adoption de pratiques à données probantes (Reding, Chorpita, Lau et Innes-Gomberg, 2014). Dans cette optique, Aarons (2004) a opérationnalisé ce construit en quatre dimensions : l’attrait vis-à-vis des PDPs ; la propension à utiliser un PDP si c’était exigé par le milieu ; l’ouverture aux nouvelles pratiques ; et le degré de divergence perçue entre le PDP et les pratiques usuelles. Certaines de ces dimensions sont corrélées entre elles, mais représentent néanmoins des construits distincts. À titre d’exemple, une personne réticente à adopter un PDP lorsqu’exigé par le milieu pourrait être ouverte au changement en général (McCrae et Costa, 2003), tout en démontrant une certaine résistance à l’autorité (Aarons, 2004).

De façon générale, les attitudes envers les PDPs sont considérées comme ayant une influence sur l’atteinte des cibles d’implantation. Une revue narrative menée par Stirman, Gutner, Langdon et Graham (2016) indique que les attitudes des intervenants ont été associées à un plus grand degré d’engagement et de satisfaction à l’égard de leur formation à un PDP. De plus, un niveau élevé d’attrait envers les PDPs, d’ouverture à l’expérience et de faibles divergences perçues entre le PDP et les pratiques usuelles se sont révélées être prédictives d’un plus grand niveau d’adhérence à l’intervention dans une étude où des intervenants scolaires en santé mentale étaient formés à la thérapie cognitive comportementale (Beidas et al., 2012). À l’opposé, d’autres études menées auprès d’intervenants en toxicomanie (Patterson Silver Wolf (Adelv unegv Waya), 2015) ou d’intervenants œuvrant auprès des familles (Higa-McMillan, Nakamura, Morris, Jackson et Slavin, 2015; Leathers, Melka-kaffer, Spielfogel et Atkins, 2016) ont plutôt souligné l’absence de relation entre les attitudes des intervenants (telles que mesurées selon la conceptualisation de Aarons, 2004) et l’utilisation d’interventions basées sur les données probantes. Ces résultats doivent cependant être interprétés avec prudence. En effet, les intervenants participant à ces études avaient seulement suivi une formation sur les pratiques à données probantes ou sur un PDP spécifique sans être impliqués dans un processus d’implantation structuré. Selon Leathers et ses collaborateurs (2016), les auteurs de l’une de ces études, la mise en place d’une telle stratégie d’implantation aurait pu accroître le rôle des attitudes en tant que déterminants du dosage d’intervention.

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Alors que les attitudes des intervenants ont été mesurées comme déterminants de l’atteinte des cibles d’implantation, peu d’études ont permis de documenter de quelle façon elles changent dans le temps (Aarons et al., 2010). Dans le domaine enfance-famille, les quelques études ayant mesuré l’évolution dans le temps des quatre dimensions des attitudes envers les PDPs ont produit des résultats mixtes. Dans une étude menée par Lim, Nakamura, Higa-Mcmillan, Shimabukuro, Slavin et Lesley (2012), 268 intervenants se sont inscrits sur une base volontaire à trois formations subventionnées par le gouvernement afin d’acquérir des techniques basées sur les données probantes pour le traitement de problèmes internalisés et externalisés chez les adolescents. Leurs attitudes envers les PDPs étaient mesurées avant et immédiatement après chacune de ces formations. Les auteurs ont observé que l’attrait et l’ouverture envers les pratiques à données probantes ont augmenté après chaque formation. Toutefois, la divergence perçue entre les nouvelles pratiques et la pratique régulière n’a pas changé dans le temps, ni la propension à adopter de telles pratiques si requis par l’organisation. Il est à noter que les auteurs ont soulevé la possibilité d’un manque de représentativité dans leur étude, étant donné que les intervenants s’inscrivaient eux-mêmes aux formations, indiquant possiblement des attitudes plus élevées au départ envers les traitements à données probantes. De plus, seulement 63% des intervenants formés avaient accepté de participer à l’étude. Enfin, cette étude ne visait qu’à mesurer l’effet immédiat de la formation sur les attitudes des intervenants, et non pas à documenter les changements à long-terme survenant au cours d’un processus d’implantation d’un PDP.

Dans une autre étude où 59 intervenants ont été formés à deux PDPs d’entraînement aux habiletés parentales à la suite d’une requête de leur organisation, les auteurs ont utilisé des mesures de suivi des attitudes avant la formation, un mois et six mois plus tard (Lopez, Osterberg, Jensen-Doss et Rae, 2011). Ils ont observé que l’attrait envers les PDPs augmentait à un mois, mais que cet effet de petite taille n’était pas maintenu à six mois. Aucun changement n’a été observé sur les autres dimensions des attitudes. Le faible taux de représentativité des participants (65% d’intervenants participant à l’étude sur l’ensemble des participants à la formation) et le faible taux de réponse aux posttests (36% et 44%) limitent la généralisation de ces résultats. Une stabilité dans toutes les dimensions des attitudes des intervenants a également été observée dans une étude comprenant cinq temps de mesure sur une période de 14 mois, où 57 intervenants étaient assignés aléatoirement à deux conditions

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(Leathers et al., 2016). Dans la première condition, ils participaient à une formation sur un PDP d’entraînement aux habiletés parentales pour les parents de famille d’accueil. Dans la seconde condition, ils participaient à la formation et avaient ensuite des contacts fréquents avec un « agent de changement » engagé par l’équipe de recherche, qui avait pour fonction de promouvoir l’utilisation du PDP en discutant avec les intervenants et en partageant ses propres succès avec le PDP. Dans cette étude, les intervenants pouvaient bénéficier d’une certaine forme de mentorat, mais n’ont pas été impliqués dans un processus d’implantation structuré comprenant la mise en place de mécanismes continus de soutien et de rétroaction. Cette limite s’applique également aux deux autres études décrites précédemment (Lim et al., 2012; Lopez et al., 2011).

Il semble également que la façon dont les attitudes sont mesurées ait une grande influence sur les résultats de recherche. En effet, des études ont montré que lorsque le questionnaire cible les attitudes portant spécifiquement sur le PDP auquel les intervenants avaient été formés (Reding et al., 2014), ou lorsque la formulation des questions porte sur les attitudes envers les pratiques soutenues par la recherche en général sans mention de manuels de traitement, les attitudes sont plus favorables et leur association avec les cibles d’implantation est plus forte (Borntrager, Chorpita, Higa-McMillan et Weisz, 2009; Lim et al., 2012). Tel que rapporté dans une étude menée auprès de 891 psychologues américains (Addis et Krasnow, 2000), plusieurs intervenants peuvent effectivement percevoir les traitements ou programmes manualisés comme limitant la créativité et interférant dans la relation thérapeutique, en particulier lorsqu’ils conçoivent ceux-ci comme des « livres de recettes » ne pouvant pas être appliquées de façon flexible selon les besoins et particularités des clients. Besoins de formation perçus. Selon le modèle conceptuel de transfert de la recherche à la pratique de Lehman, Greener et Simpson (2002), la motivation à changer se définit comme la combinaison d’un besoin d’amélioration perçu à une pression d’y répondre par une modification aux pratiques usuelles. Ainsi, en addition à leurs attitudes, un autre facteur qui influence la motivation à changer ses pratiques serait le fait pour un intervenant de percevoir qu’il a besoin de davantage de formation pour travailler auprès de la clientèle (Kelly, Hegarty, Barry, Dyer et Horgan, 2017; Lehman et al., 2002). Ainsi, de plus grands besoins de formation perçus peuvent créer une pression à changer chez les intervenants (Lehman et

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al., 2002), en accord avec la théorie des stades de changements de Prochaska et DiClemente (1992) selon laquelle le changement se conceptualise comme une série d’étapes où un individu doit reconnaître le besoin de changer avant d’amorcer le processus de changement. Plusieurs études ont d’ailleurs montré des associations entre la motivation à changer et certains facteurs ou cibles d’implantation. L’une de ces études, menée auprès de centaines d’intervenants en toxicomanie ayant été formé à un PDP de traitement des abus de substance, a montré que le niveau d’adhérence aux composantes essentielles du PDP après six mois était plus élevé chez les intervenants ayant d’abord indiqué une plus grande motivation au changement, soit ceux qui percevaient une pression à changer, considéraient que leur organisation avait des besoins d’amélioration et percevaient eux-mêmes de plus grands besoins de formation afin d’intervenir auprès de la clientèle (Henggeler et al., 2008). Des corrélations de taille moyenne à large ont également été trouvé entre la motivation organisationnelle au changement et le degré de changements dans la capacité organisationnelle à implanter un programme d’évaluation et de traitement des comorbidités en toxicomanie et santé mentale chez plus de 60 intervenants interrogés (Gotham, Claus, Selig et Homer, 2010). Bien que ces questions ne semblent pas avoir été investiguées auprès d’intervenants œuvrant dans les services à l’enfance et aux familles, il est possible que les besoins perçus de formation ont le potentiel d’agir à titre de déterminant de l’implantation de PDPs dans ce domaine. Il est également à noter que l’effet unique des besoins de formation perçus sur l’implantation n’a pas été mesuré dans les études préalablement décrites (Gotham et al., 2010; Henggeler et al., 2008), cette variable ayant plutôt été utilisée en combinaison avec les autres composantes de la motivation des intervenants à changer (Lehman et al., 2002).

Autoefficacité. Dans la recherche sur l’implantation, l’autoefficacité, ou sentiment d’efficacité personnelle, réfère à la confiance des intervenants envers leur compétence à offrir les composantes du programme auquel ils ont été formés. L’autoefficacité renvoie à un concept plus cognitif (Bandura, 2006) que les habiletés objectives des intervenants, souvent mesurées en termes d’éducation, d’expérience ou de qualifications (Lynch, Geller, Hunt, Galano et Dubas, 1998). L’autoefficacité toucherait deux types de compétence, soit la compétence en lien avec le contenu du programme (p. ex. expliquer les principes de

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parentalité positive) et celle liée au processus d’intervention (p. ex. gérer les résistances des parents) (Sethi, Kerns, Sanders et Ralph, 2014).

Il semble que l’autoefficacité soit un important déterminant de l’atteinte des cibles d’implantation, puisque les intervenants ayant un plus grand sentiment d’efficacité personnelle seraient plus enclins à l’utiliser le PDP auquel ils ont été formés dans leur travail (Turner, Nicholson et Sanders, 2011) et acquéreraient potentiellement de meilleurs habiletés à l’offrir par la suite (Bandura, 1997; Schwarzer et Fuchs, 1996; Sethi et al., 2014). En effet, un intervenant qui ne se sent pas confiant envers ses capacités à livrer les composantes d’un PDP ne serait pas porté à l’utiliser, s’inquiétant que le programme ne génère pas les retombées attendues pour la clientèle et d’en être blâmé (Sanders et Turner, 2005). À l’inverse, un intervenant se sentant à l’aise d’offrir le programme aurait de bonnes chances de l’utiliser davantage, ce qui devrait augmenter à son tour son niveau de confiance envers ses capacités, créant ainsi un cycle de rétroactions positives entre l’autoefficacité et l’utilisation du programme (Turner et al., 2011). Une étude qualitative menée auprès de 69 intervenants qui utilisaient toujours un PDP parental dans leur pratique deux à trois ans après leur formation initiale a d’ailleurs mis en relief l’autoefficacité comme un élément majeur ayant favorisé l’utilisation soutenue du programme (Shapiro, Prinz et Sanders, 2015). L’augmentation de l’autoefficacité dans le temps a été appuyée par quelques études. Une première étude menée par Turner et ses collaborateurs (Turner et al., 2011) a recueilli à trois reprises les perceptions de 519 intervenants ayant été formés à un PDP parental. Les résultats ont montré que le niveau d’autoefficacité à intervenir auprès des parents (évaluer les besoins du parent, discuter des stratégies parentales, offrir de la rétroaction, etc.) augmentait immédiatement après la formation, et diminuait quelque peu après six mois, tout en restant significativement plus élevée qu’avant la formation. Une étude menée auprès de 5109 intervenants formés au même PDP et provenant de 15 pays différents a également montré que le niveau d’autoefficacité augmentait significativement immédiatement après la formation et ce, peu importe le domaine professionnel (médical, santé mentale, éducation, etc.) (Sethi et al., 2014). La même évolution positive de l’autoefficacité a été observée dans une étude randomisée contrôlée menée auprès de 60 infirmières œuvrant en prévention de l’obésité infantile (Bohman, Ghaderi et Rasmussen, 2014). Dans cette étude, les participantes

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du groupe expérimental avaient été formées à l’entrevue motivationnelle – une approche soutenue par les données probantes – afin d’encourager les parents à faire la promotion de saines habitudes de vie chez leurs enfants. Les participantes ont rapporté leur niveau d’autoefficacité à atteindre cet objectif à deux reprises, soit avant la formation et en moyenne 29 mois plus tard. Durant cette période, elles ont reçu neuf séances de supervision pour utiliser l’entrevue motivationnelle. Une différence de grande taille avec le groupe contrôle, qui n’avait pas reçu la formation, a été observée dans l’augmentation du niveau d’autoefficacité. Cette étude comportait toutefois certaines limites (taux d’attrition élevé dans le groupe contrôle et utilisation d’un instrument non validé pour mesurer l’autoefficacité), suggérant ainsi l’importance de continuer à documenter l’évolution de l’autoefficacité des intervenants impliqués dans un processus d’implantation d’un PDP.

Bénéfices perçus. Les intervenants auraient davantage tendance à adopter un PDP s’ils y voient une valeur ajoutée, c’est-à-dire s’ils ont l’impression que les efforts personnels et collectifs qui devront être mis de l’avant lors de l’implantation en vaudront la peine (Greenhalgh et al., 2004), par exemple en amenant des bénéfices pour la clientèle ou en améliorant l’efficacité de leur travail. Dans le domaine des services à l’enfance et aux familles, les impacts positifs des PDPs sur la clientèle ont d’ailleurs été largement documentés dans des études randomisées contrôlées, permettant notamment d’améliorer les relations parents-enfants, de diminuer la négligence, l’abus psychologique et l’abus physique chez les enfants, ainsi que de réduire les problèmes émotionnels et comportementaux des enfants (Geeraert et al., 2004; Menting, Orobio de Castro et Matthys, 2013; Sanders, Kirby, Tellegen et Day, 2014). D’autres études se sont également penchées sur les bénéfices de l’implantation d’un PDP sur les intervenants eux-mêmes. Par exemple, des intervenants formés à un PDP parental ont exprimé lors d’une entrevue de groupe qu’ils appréciaient la qualité du matériel et la plus grande crédibilité que le programme leur conférait auprès des parents en raison de son statut de PDP. Ils ont également rapporté que même si le contenu du programme n’était pas nouveau par rapport à leurs connaissances antérieures, ils avaient acquis une nouvelle approche systématique et structurée pour délivrer plus simplement et efficacement les interventions (Breitkreuz, McConnell, Savage et Hamilton, 2011). Il semble également que le fait d’implanter un PDP permette de réduire le taux de roulement du personnel (Aarons, Sommerfeld, Hecht, Silovsky et Chaffin, 2009) et d’épuisement

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professionnel (Aarons, Fettes, Flores et Sommerfeld, 2009) au sein des organisations. Bien que ces avantages aient été documentés empiriquement, il appert que c’est surtout la perception de bénéfices plutôt que l’objectivité des bénéfices qui influence l’adoption du PDP, ce qui réfère à la notion d’observabilité des changements (Greenhalgh et al., 2004; Rogers, 2003). L’impression que l’utilisation du programme donne des résultats positifs sur la clientèle pourrait d’ailleurs être associé à un plus grand niveau d’autoefficacité chez les intervenants (Shapiro et al., 2015; Turner et al., 2011).

Capacité organisationnelle à l’implantation. Plusieurs facteurs agissant au niveau organisationnel peuvent influencer l’expérience d’implantation des intervenants, tels que le soutien administratif, la disponibilité du financement, la clarté et cohérence des objectifs et des valeurs de l’organisation, l’adhésion du superviseur et des collègues au projet d’implantation, la cohésion du personnel et la qualité de la supervision clinique. Ces facteurs organisationnels, ou du moins la perception qu’en ont les intervenants, peuvent être conceptualisés comme des déterminants de la capacité d’une organisation à implanter un PDP (Crisp, Swerissen, & Duckett, 2000; Flaspohler, Duffy, Wandersman, Stillman, & Maras, 2008; Mihalic & Irwin, 2003).

Les obstacles organisationnels à l’implantation rapportés par les intervenants se situent souvent au niveau de la compatibilité du PDP avec les exigences du travail. Par exemple, il se pourrait que lorsqu’un parent consulte pour un problème peu complexe, l’intervenant ait comme directive de ne tenir qu’une seule rencontre avec celui-ci, alors que le PDP conseille de rencontrer le parent à trois ou quatre reprises pour ce type de problème (Turner et al., 2011). Les difficultés à intégrer le programme dans ses tâches, ses fonctions, son mandat et sa charge de travail sont également fréquemment rapportées comme obstacle à l’implantation dans les études qualitatives menées auprès des intervenants (Breitkreuz et al., 2009; Hamilton, Daleiden et Dopson, 2011). Ces obstacles ont comme principal dénominateur commun le manque de temps pour s’approprier le programme ainsi que pour l’utiliser dans sa pratique, parfois au détriment de la complétion d’autres tâches. Le manque de temps a d’ailleurs été l’obstacle à l’implantation le plus rapporté par 380 coordinateurs en milieu scolaire (King, Wagner et Hedrick, 2001). Il arriverait parfois que les intervenants tentent de compenser cet enjeu en travaillant en dehors des heures de travail, ce qui pourrait toutefois

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amener des problèmes en lien avec la conciliation travail-famille ainsi qu’une difficulté à se faire rémunérer les heures supplémentaires (Breitkreuz, McConnell, Savage et Hamilton, 2011; Sanders et al., 2009; Turner et al., 2011). Dans une autre étude menée auprès de 611 intervenants formés à un PDP parental, le manque de coordination avec d’autres intervenants impliqués avec la famille, le manque d’accessibilité à de la consultation ou de la supervision et le manque de reconnaissance par les collègues du travail accompli avec le programme ont été évalués comme des obstacles modérés ou importants à l’implantation. Le fait de rencontrer ces obstacles a été associé à une plus faible utilisation du PDP six mois après leur formation (Sanders et al., 2009). À l’opposé, les intervenants qui utilisaient toujours le PDP trois ans après leur formation avaient plus de chances d’avoir reçu de la supervision et d’avoir bénéficié d’un style de leadership « positif » de la part de leur superviseur (i.e. lorsque le superviseur a confiance en ses employés, reconnaît leur travail et a une vision claire pour l’équipe). Leur probabilité était également plus grande d’avoir reçu du soutien moral (encouragements, reconnaissance, aide pour résoudre les problèmes) et administratif (politiques favorisant l’utilisation du PDP, financement, collaboration entre les différents services) de la part de leurs collègues et de leur employeur (Hodge et al., 2016).

Non seulement les facteurs organisationnels ont une influence sur l’atteinte des cibles d’implantation, ils interagissent également avec les autres facteurs d’implantation liés aux intervenants, tels que les attitudes, les bénéfices perçus, les besoins de formation perçus et l’autoefficacité. Par exemple, un PDP serait mieux accueilli par les intervenants si le superviseur leur donne la possibilité de l’essayer dans un premier temps pour vérifier s’il convient à leur travail avant de l’adopter définitivement (Greenhalgh et al., 2004), de même que s’il peut tolérer une période de productivité réduite durant l’assimilation du PDP (Southam-Gerow, Rodríguez, Chorpita et Daleiden, 2012). Selon une étude conduite par Izmirian and Nakamura (2015), les intervenants avaient d’ailleurs plus de chance d’avoir des attitudes positives à l’égard des PDPs lorsqu’ils rapportaient travailler dans un milieu de travail moins stressant. Dans une autre étude menée auprès de 900 intervenants oeuvrant en protection de la jeunesse, les participants avaient plus de chance de rapporter un niveau élevé d’autoefficacité à fonder leur pratique sur les données probantes lorsqu’ils percevaient que l’ensemble des membres de leur organisation valorisait ce type d’approche (Collins-Camargo et Royse, 2010). Dans cette étude, l’autoefficacité s’est également révélée être associé à la

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qualité de la supervision reçue, en particulier chez les intervenants moins expérimentés. Enfin, les organisations qui évaluent de façon continue l’implantation du PDP et mettent en place des mécanismes de rétroaction afin d’améliorer le processus au fur et à mesure peuvent avoir un impact positif sur les bénéfices observés (Aldridge et al., 2016; Meyers et al., 2012). Une méta-analyse de 59 études a d’ailleurs révélé une taille d’effet trois fois plus élevée concernant les impacts de programmes de mentorat auprès des jeunes dans les études où le processus d’implantation était évalué de façon systématique que dans les études où ce n’était pas le cas (DuBois, Holloway, Valentine et Cooper, 2002).

Pertinence sociale et considérations théoriques

Ainsi, il semble que différents facteurs d’implantation tels que les attitudes envers les PDPs, les bénéfices perçus, les besoins de formation perçus, le sentiment d’efficacité personnelle et la capacité organisationnelle peuvent agir à titre de déterminants de l’atteinte des cibles d’implantation (adhérence à l’intervention, utilisation du PDP, adhérence aux composantes du programme, etc.). Il semble également que ces facteurs sont associés entre eux. Par exemple, une plus grande motivation au changement (dont l’une des composantes constitue les besoins de formation perçus) a été associée à un plus grand niveau d’attrait envers les PDPs et d’ouverture aux nouvelles pratiques (Saldana, Chapman, Henggeler et Rowland, 2007). Toutefois, peu d’études permettent de voir comment ces facteurs interagissent entre eux au sein d’un processus d’implantation d’un PDP et comment ils sont perçus de façon distinctive parmi les différents intervenants impliqués dans l’initiative. Quelques études qualitatives se sont intéressées au point de vue des intervenants du domaine enfance-famille ayant été formés à un PDP, mais ces études visaient généralement à dresser une liste des facteurs et barrières à l’implantation (Aarons & Palinkas, 2007; Breitkreuz, McConnell, Savage, & Hamilton, 2011; Shapiro, Prinz, & Sanders, 2015) sans investiguer l’hétérogénéité dans l’expérience d’implantation des participants. Par ailleurs, les différences individuelles quant aux facteurs d’implantation sont généralement documentées en fonction des caractéristiques sociodémographiques des intervenants, telles que le sexe, l’âge, l’origine ethnique, le domaine d’étude, le dernier diplôme obtenu et la quantité d’expérience en intervention (Aarons et al., 2010; Beidas et Kendall, 2010; Ozyilmaz, Erdogan et Karaeminogullari, 2018). Bien qu’intéressantes, ces données sur les caractéristiques des intervenants qui influencent les facteurs d’implantation tendent à se contredire entre les

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différentes études (Aarons, Green et Miller, 2012; Williams, Glisson, Hemmelgarn et Green, 2017) et ne sont pas nécessairement pertinentes à un contexte québécois d’implantation, où l’organisation des services de santé, où le cheminement académique des intervenants et où la répartition ethnique des intervenants ne sont pas nécessairement les mêmes qu’ailleurs. Au-delà des différences dans les caractéristiques individuelles, il semble par ailleurs nécessaire de s’intéresser à la diversité et à l’évolution des perceptions des intervenants impliqués dans un processus d’implantation d’un PDP.

En effet, des changements dans les perceptions des acteurs impliqués au sein d’un processus d’implantation d’un PDP pourraient agir à titre de levier communautaire, par exemple en diminuant certaines résistances des milieux de pratique à l’égard des approches à données probantes (Gagné, Drapeau et Saint-Jacques, 2012). Johnson et Austin (2006) suggèrent même que l’une des barrières majeures à l’utilisation d’approches soutenues par les données probantes dans les organisations relèverait d’un manque de culture organisationnelle favorisant ces approches. À long terme, le fait de former les intervenants à des PDPs pourrait encourager le développement d’une telle culture. En outre, une plus grande compréhension des processus de changements au sein des organisations impliquées dans une initiative d’implantation pourrait en retour favoriser des améliorations dans la conception des programmes, dans les processus opérationnels et pourrait ultimement produire une augmentation des effets recherchés (Rosecrans et al., 2008).

Dans cette optique, les théories motivationnelles, telles que la théorie de l’action raisonnée et du comportement planifié (Ajzen, 1991), la théorie des stades de changement (Prochaska et DiClemente, 1992) et la théorie de l’autodétermination (Ryan et Deci, 2000) permettraient de mieux comprendre l’expérience des intervenants en regard de ces questions. Bien qu’elles ont surtout été utilisées dans le champ de la promotion des pratiques de santé et peu dans la science de l’implantation (Grol, Bosch, Hulscher, Eccles et Wensing, 2007), ces théories mettent en relief le rôle de construits d’intérêt dans le cadre de cette thèse, tels que les attitudes (Ajzen, 1991; Katz, 1960), la perception de conséquences positives à un comportement, la pression à changer (Prochaska et DiClemente, 1992), le sentiment de compétence, le besoin d’appartenance sociale et l’influence du contexte organisationnel (Ryan et Deci, 2000).

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La théorie de l’autodétermination, en particulier, offre un cadre intéressant pour comprendre l’interaction de ces différents facteurs d’implantation. Selon cette théorie, il existe plusieurs types de motivation à accomplir une tâche qui se retrouvent sur un continuum allant de l’amotivation à la motivation dite interne, internalisée ou intrinsèque, en passant par la motivation dite externe, externalisée ou extrinsèque. Plus une motivation est interne, plus l’individu est motivé par le plaisir, les valeurs personnelles ou la réalisation de soi et plus la motivation est externe, plus elle vient d’un désir de se conformer aux attentes, d’obtenir des récompenses ou d’éviter la punition (Ryan et Deci, 2000). Les personnes qui présentent une motivation plus internalisée ont tendance à être plus performantes, créatives et persévérantes dans l'exécution d'une tâche, comparativement à ceux qui sont motivés de façon plus externe (Gagné et Deci, 2005). La satisfaction de trois besoins psychologiques de base, soit le besoin d'autonomie, le besoin d’appartenance et le besoin de compétence, pourrait aider les individus à développer une motivation plus interne à l'égard de la tâche. La théorie de l’autodétermination met également de l’avant le rôle de l’environnement social sur la satisfaction de ces besoins fondamentaux. À titre d’exemple, les personnes bénéficiant de soutien et d’encadrement de la part de leur entourage auraient plus de chances de se sentir autonomes, connectés aux autres et compétents dans leur milieu, en comparaison à des personnes évoluant dans des environnements sociaux contrôlants, chaotiques, punitifs ou négligents. Cette théorie permet donc de prendre en compte l’influence du contexte sur les changements dans la motivation individuelle (Ryan et Deci, 2000).

Contexte de la présente recherche

En 2012, plusieurs chercheurs, praticiens et décideurs du Québec se sont mobilisés afin de créer la Chaire de partenariat en prévention de la maltraitance, ayant pour objectif d’accompagner le développement et l’implantation des meilleures pratiques permettant de réduire la violence physique, les mauvais traitements psychologiques et la négligence envers les enfants au sein de leur famille. Afin d’y arriver, le partenariat a choisi de mettre en place une stratégie de prévention dite « en gradins », c’est-à-dire ajustée au niveau de besoins présenté par les différentes familles. Dans cette optique, le programme de soutien à la parentalité Triple P – Pratiques Parentales Positives, identifié lors d’une recension de littérature comme pouvant être efficace pour prévenir la maltraitance (Gagné et al., 2012), a été implanté et évalué dans deux communautés du Québec.

Figure

Figure A1. Carte conceptuelle formant le cadre d’analyse de la phase 2.

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