• Aucun résultat trouvé

Artaud, au bout du voyage

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Artaud, au bout du voyage"

Copied!
240
0
0

Texte intégral

(1)

Department of French tanguage

C),

and .Lit~rature ~

._----,

-.----/ " 1 •

- <\

March 1980

(2)

",

.

1 ~ '

..

t c ~ ... ~ h

Cr

,

1

1

'.

; , ' Department of French Language and Liter~turê

McGill University Master of

Arts-Hex::,v~ de Fontenay

ARTAUD, AU BOUT DU VOYAGE

, 1

RESUME

Le cas Artaud est exceptionnel dàns l"histoire littéraire

, .

du XXe siècle. Une,légende s'est forgée autour de cette person-nalité et de son destin. Elle a pris racine très tôt dans la, vie

1

. du poète. Cette légende n'a fait que se z::épandre' et s "amplifier

~

depuis ~rente ans. Les critiques et les interpr~tations de l'oeuvre se sont multiplïées, mais la majorité d'entre elles

, , ~

n'abordait l'oeuvre que par bribes. Il en a r~9ulté un morcelle-ment de l'oeuvre. Depuis la publication des Oeuvres Complètes, .nous pouvbns proposer 1es lectures globales. C'est ce que nous

1

!

avons tenté de faire d~ns ce mémoire.

P,our voyager dans l'état Artaud, nous avons suivi Ir itiné-raire de sa vie et l'ordre chronologique de ses oeuvres. " Les outils utilisés pour cette lecture comme ces deux notions

fonda-D

mentales de matière et de fe,u n,'o~t pas ici une valeur' de concepts ,

théoriques ou métaphoriqu~s relevant 'd'un système' d' a~alyse étran- '1

ger à l'oeuvre. Puisées à même l'oeuvre, ces notions' nous ont servi d'instruments de lecture permettant de mettre en évidence un mouvement propre, à l'oeuvre et à la vie d'Antonin Ar'taud.

(3)

"

~. ,~' .. " r' >. ,1,

\

Departmént, of French . Language and Literature

1 McGill University

Master Df Arts Hervé de Fo.ntenay

r ARTAUD, AU BOUT DU VOYAGE

ABSTRACT

The life and the w,Orks of Antonin Artaud·, have a unique place in the literary history of the Twentreth Century. A myth

,

'has developed around the man and his destiny. The myth began to

, ,

take root early in his lifetime a~d it has grown and expanded

steadily over the pas't thirty years. Literary criticisms and

various interpretations of his works' abound, but most of them concentrate on specifie areas of his literary production and

offer a very fragmented visi~n of his works. The publieâtion

of the Oeuvres Complètes has made a more comprehensive readihg

of Artaud 1 s wd,.ting, possible.' It is precisely sùeh a

eompr~-•

hensive interpretation that we wish to propose in this studY. In travelling through Artaud 1 s "territory", we chose to

'follow 'the i tinerary 6f the poet' s life and the chrqnological

1

" 1 '

order lof his writing. The keys to this comprehensive approach,

such as the 'notions of matter and fire, are not used here aS' theoretieal or metapho'rical concepts, drawn from specifie, schools

of critieis'i'n or analysis. ~ These notions a're an integral part of

Artaud's works, and they have allo~ed us to penetr~te the w?rk

from wifhin and to reveal more clearly the inner mome~tum of the

~

life a~p the warks of Antonin Artaud.

(4)

,

l '

ff

""

'~'~

...,~ "

/

~ ~ ... ~ l' " . \ ( 1 : f ,

r

,

CI

r ( 1 J 1 ,

,

r

r

(1

" " , l"

.

, : TABLE DES.MATIERES • If iNTR9DUCTION.

.

'

.

.

.

.

Epoque et société ', • . . . .

~es trois temps de'l~ matière et,le feu double.

Première partie

\

\

\.

LA MATIERE

Chapitre premier - LE VOULOIR

Une existence littéraire. Une pensée en intérieur . .

Le corps 1/ totem muré 1/ • • • • • •

Un~ maladie' de commencemen~ du monde.

L'appropriat'ion de la souffrance.

Chapitre deuxième ~ 'LE POUVOIR.

, /-"

.

L'drdre magique • . . • ,. • • It . , . '

.

.

.

.

,- :' Le conflit· ou l'abcès Un théâtre sacral L'espace oublié' • •

..

,

.

.

.

.

La cruauté ou la soumission à la ,nécessi té.

-

.

Chapi~re,'troisi~me LE SAVOIR.

L'ailleurs.

.

.

..

. . .

Les voyages d'Héliogabale' et d'Artaud

Culture et civilisation

.

.

.,

.

ii

...

.' 1 1 22 32 , 32 3'6 43 . 49 57 \ - 70\ 73 77 84 94 103 113 113 123 1~~

\

,

\

" , ' " ,~ "-~

.{

j

,

:"';

' ~ , , "

(5)

,; , }

, r

1

l

1

, ,

o

-~. ' b \ Deuxi~me partie \, J(JE F~, DOUBLE, \

Chapitre quatrième - SE REFAIRE

\

.

.

,-

. . .

.

.:" 155 \ Présence du feu

.

\.

,.

-

.

""

.

.

.

.

!' , \ mort" symboll,que~ \

.

.

..

.

.

.

La

La médecine psychiàtrique, ennemie jurée du délire.

,

Drogue et imagi.nair~. : . • Feu de pureté, ,la r~ligion~ Feu d'impureté, l'é~otisme.

CONq.USION. BIBLIOGRAPHIE CHOISIE ' . • • \0 • "-, iU o

.

/.

. . .

.

. '.

.

.~'

.

.

.

. .

..

.

.

.

.

.

.

.

. .

"

)

155 164 171 186 195 206 219 225 ai "'-• ..1" ,""Y "

\

(6)

'l-, , , 1 ~"-, "

...

\ 1 1. • \ ,T ' 1 •

.

" ~ '. ,1 " ,~ \ " \ \ .\

1<

'" J • l '

---.

, INTRODUCTION, ',' '. " , Epoque et société' t l '

Il aura fallu attendre vingt ans environ' pour qu'Artaud

1 •

conun'ence à' sortir d'un second internement, posthume cette ,fois.'

.. • t '

'Nous n'avons plus'a:Èfaire,a~x n5pîta'ux psychiatriques. ni aux .. "'

v

,tr~itements par électrochocs:_ Artaud ~st mort en 1948 et nous

, ,

'n'avons' fa i t que de ti~mides' approches de son oeuvre. Ce n'es t

" '

que depuis qainze ... ans que le di~cours d'Artaud attein't enfi.n le"

"

r:--grand public grace aVflnt' tout à la pu1:?,licàtion des Oeuvres

Com-, .. ( " j

• l ,

p1ètes chez Gallimard.

'rI

s'ensuivit une relecture et une

ana-lyse plus systémati'que et rigou+euse~

.

, Cet effort, on le 'doit

en partiéùlie7' à l'équlp,e de Tel Quel .et à bon nombre de, colla-'

.

.

.

borateurs qu'i ~e -sont a ttaéhés non pas au produit de l'écri tur:e ,

.

mais à la gemès'e et au langage d'evenu signes. trac!=!s, échos, " ,

résona,nces. etç:.

,

l "

". Cela ne veut pas dire qu ',Arta~d était ign,9ré,. que

pér-sonne ne l'avait lu ou encore,'que l"oeuvre e't l 'homme étaient

"

perçus comme négligeables, lo~n de là. Depuis la ppbh.paÜon

de sa c,,?l:r.espd)ldance avec J~cque~ Rivière, Artaud -a.vai t "pr.is

f' , , ,1 1 -

.

" ' ,

.

, ,

.

(7)

,',

.--::-'-~­

~~'.-. -:; ," ~ ','

-~ 2

, '

possession d'un espace bien à l~i dans la réalité intellectuelle

de son époque que personne, sans doute, ne désira"it revendiqu'er. Èt ce.la parce que l,'espace occupé par le poète n'était justemen-t;

, , ~

,pas un esp,ace au sens où nous l'entendons, c'estàdire un, lieu -précis et circonscrit quelque part dans le tissu' socio-culturel

b '

d'une époque. A cet,te dernière définition correspond très

exac-tement l'espèce de champ apparten~nt en propre ,à Breton et aux

surréalistes par exe~ple. Breton, toute sa vie, a tenté

d'in-vestir un territoire culturel., de s'en rendre ma1tre et de

marquer très nettem~nt ses conquêtes et ses nouvelles

frontiè-res. L'espace où se trouve Artaud, lui, n'e~t pas définissable.

On ne peut s'y arrêter, on ne peut le visiter ~ans se fondre

~l'::lS o'u moins en lui, car il es: à la fois l'étendue occupée par

le poète, l'homme de théâtre, l'acteur, l'écrivain, l'homme malade, le drogué, le fou, le visionnaire, et toute la surface d'un corps dont chaque organe, tant externe qu'interne,

mani-feste son existence, dans la pehsée. L'espace d'Artaud n'est pas

1"'

une superficie, c'est un vol~~e qui ne veut surtout pas

disso-cier la chair de la pensée, l'espr1t du corps.

Voilà qui était sans doute parfaitement 'inadmissible par

la pensée intellectuelle de notre siècle. Nous ne percevons les

choses qu'à partir du moment où un classement référentiel a été

\

(8)

3

, ~

établi, à partir du moment où nous avons délimité un territoire,. 1

1

1

seul lieu autorisé à recevoir et" à accueillir notr.e pensée. 'Une

fois cette c~rtograph~e t9lrminée, nous osons 'pénétrer le

fond-i (

des choses mais déjà l'e'ssentie,l s'est échappé ayant pris d'au-tres formes, d'aud'au-tres consistances, et cela indéfiniment. Jamais

nous ne1pouvons ,saisir l'étendue volu~ineuse c?e no~~ns~e.

, l

C' est cette ampleur à la fois spirituelle, int'ellectuellJe et

. r<l" ': ,

matérielle de la pensée, forte d;' 'la complex-ité de

mu~.JPl-es

-..

,---

,

1 ( ...

1 l "'- ...

rela~ions, d'analogies et de similitudes qui fut l'o1:}sessl.GQ

majeure d'Artaud. 1 1 \ 1 / \ ,

,

Incompréhensible qu ',il était,' Arta\d

à'

d9~:=_.9~~~

1

, 1

dans un enclos puisqu'il fallait bien qu'il devienne

(,compréhen-" / ,

sible". Cet---enclos, c'est celui du fou génial. C' est~ell!!tl~ent

1

depuis quelques années que les limites de cet enclos ne peuvent résister aux pressions inévitables. aux prolongements obligés d'une oeuvre 'irréductible échappant pour la plupart à la

taxino-t

mie. Nous sommes en présence d'une oeuvre dont le but n'était

pas' d' êtré "compréhen~Ùble" à la pensée rationnelle de son

épo-" '

que. Son bu~ était à la fois beaucoq,p plus ambitieux et p+us

simple: elle se voulait le plus proche possible d'une certaine

idée de l'homme et de la vie.

~

La portée du mouvement surréaliste fut cO,nsidérable

o

compar~tivement à 'celle de tous les autres groupes d'avant-garde.

, , ",',

----_.---

-( . . .

--_

... .. j 1 - _~ _"""' .... ".",:~ ... j ! ~ \

1

(9)

" " It fl.

l

-t

} ,

t

"

~\ t

-\1-t

t

J"~

1: ;

.

\

l,-/:

1

~~

~

,

~ , "

r

..

1

Et cela sans doute gr8ce '.à l'organisation répétée de

rnanifes't~-tions publiques et de scandales, à la discipline exigée 'aù- sein

,

. du groupe, g~ace â cette volonté, incarnée principalement par

-- t ·

JI' - l

Breton et Aragon, de centraliser et de contrôler toutes les expériences et les tentatives d'avant-garde, de revendiquer la

primeur des idées novatr.,t'ces et de rassemble~ tous les esprits

'-.-~

révoltés et boulevers~s au sein d' une

seule éCole.. Longtemps. par

~xemàl.è

è!

tenté. de séduite les membres du

G~~d

set;lle tendance, - d' une les surréalistes ont

Jeu afin de fon9re ce

mou-vement, d~ngereusement marginal et orig~nal, d~ns }.eur propre '

centrale. Là I~centrale surréaliste", voi1.à un nom qui ne tient

pas du hasard.

De la même façon, c'est sans hésitation

procédè-\ ) • "~o •

rent à l'~xclusion de, certains d'entre eux pour le guels la

question fondamentale, comme nous le dit Daumal, n' ta it pas le

para''itre mais l'être.l Ce fut le' cas d'Artaud. Avec lui au

1 ~

coeur de"la révolution surréaliste, devenait impossiblel'ins-. --.

titutionnalisation du mouvement, sa configuration sociale,

pOli-tique, sa reconnaissance en tant que corps intellectue 1 et social

voué au bouleversement des valeurs et à la révolution."

lMichel Random, Le Grand Jeu, tome 1 (Paris: Deno~n,

1970). p. 174 . ... ---~/' ." ... __ ,...~,;I",..:.t:,., ... -- • ---,-""".~, .... :r •

..

,

.

. i , .'

(10)

<1

~""

(-..

...

. ' o , , \

..

i c-i

,

,

1 1 l' \

{

, f

i

1

()

\

~,

-

~ "" c.ô If

\

.... 5 tif'

.i . ,

-"

n,

'\..

, t 1 'P'

" L'alliance du mou'Vement surréaliste avec le parti

commu-nis.te français marque officiellemen,t cet t,e volonté de s'incarner

Q '.. • ~

non pas dans l'absolu comme l'exigeait Artp'ud, mais dans "une

révolte de fait". Artaud"Wst

~ersuadé,

lu,i, que 'lin'

i~port;:e

C

quelle action spirituelle; si elle est j u,ste, se matérialise'

qu,and i l faut".l L'énergie

et

là forj::e créatrice qu' ",d' ' i l déploie·

,

sont dépensées e~ vue d'une métamorphose des conditions internes

de l'amea VoHà des régions dont les frontières ne peuvent·-être

"franchies par l~ majorité des surréaÎ!st\:es car le monde des

apparences garde pour eux toutes ses fascinations et ses attraits.,

t

fi

L'empreinte de leurs actes s'ur la réaÜté génère en eux un

plai-sir et une jouissance qui les déterminent à rester préS'ents au

monde:

Leur amour du plaisir ïrnméQiat, c'est-à-dü'e de la

matière, leur a fait perdre leur orient~tion primitive,o

cette magnifique puissance d'évasion dont nous croyions

qu'ils allaient nou~ dispé'ns~r le secrèt. 2

--Si Artaud lui aussi veut· voir appa.ra1tre dêS formes et

concréti-1

ser effectivement sa pensée, ce n'est pas pa~ p~aisir ni par

''''

»

amour dE) l'évidence du réel, mais par nécessité ë'fbsolue.

"

tion de vie ou de mort:

", 1 ' <

~ Antonin Artaud, O'euvres CompUtes, ,tome 1 (Paris:

Galrl,rnard, 1956),

-

p.t'288. ' .... -,.,. -If r ~ Ques-~ ,,:,Ques-~Ques-~'<--, -~: .. ~ ~./"~ .>_ ... ~ -~_ - .. ~~ ... -t ~it~~~).,,-~ ... ".~",-~;,..;;.~i:iftlij~ • < , "

(11)

.

....,

.

,

.

1 , '" \

o

'-.

, > ('

-l

" " .

1

,

-\.

'.

6 ! 1 :

y ' Lors donc je peux saisir une forme, si imparfaite

Boit-elle, 'je la fixe, dans ,la cri!lir.te de 'perdre toute pensêe.

~e suis au~e8sous de moï-même, je le sais, j,en souffre"

~is j ',y consens dans lâ~peur -de ne pas mourir tout' à,

. 'fait. l •

,

.Si les surréalistes, donë l'orientation primitive rejoi-o

Q ,

gn,'it celle d'Artaud, se montrèrent ,peu enclin à suivre le poète,

. "

~ t ) ,

dans li! voie du "dérangement spirituelll~ dans l'entreprise sans

q

compromis de d~saxer le posS1i.ble ré'el' et spix.:,ituel, si, en fait,

(.

'

.

'

,118 nè s~ren~ pas reconnattre l'exig~rice et comprendre la

pro-,

fonde v~ri~ d'un des leur~, comment ~oqrrait-on ~'attendre qe

.'

la part des autres

paX'tena\i~eè

'du' monde intellectuel et artisti- 0

.

~."

.

.

' ,

" ,

que 'à ùne plus grande compr~hen.sion du Il ça s," Artaud? Et

pour-tant, ces autres partepaires ~taien~.~ouv~\~~,q~i tenaien~

en

ma<.~n

les outils

m~t;riels

et 0

intellectue;s.,,~p~uvoir

de

.

~Hf·f\lsion, les relationsfintlispensables"la clé des débpuchés

, , '

,(;.

~.

.

,

im~rieusement nécessaires ,au s,uccès. . Or le succèif.!fn' est rien,

" q

.... !J q "

d'autre pour Arta'!.d quei"',l'a 'poêsible Q~~ert~X'e qe, l"lsuvre, sur le

o

'monde, son détachement de l'artiste-père~ et 'la libération

néces-, "

~aire de celui-ci pour qùe -renaisse

le

pouvo,ir de préation. , "

, l

, '

.

Artaud avait besoin que sbn oeuvre s'~nscrrve dans le mon~e,

i . 1) ) IJ

, 1/ ~ , J ~

qù' elle y appose sa signature. Cela est r~~~ge'ne~ noxmale de

l'oeuvre, comme une revendipation de s,on autQnomie.

l . , Ibid., Po: 20.

\.'

, ' , ,

.

\ , i 1

.

' ,

~

(12)

1

\

/

7

L'artiste lui-marne a besoin de se d~tacher de sa

pro-d uct~on cal;',~ f, '1 ne peut a porter, seu sans 1 l ' d r~squer e \"... ~e per re. d

Une bonne partie de la corresp09'dance d '.-Artaud est. un ,'appel .. Il

.

r~clame de l'aide-et du soutien,_que ce soit à Jacques Rivière,

pu!s ,~ Jean Paulhan, au Dr Allendy

Abel'Gance, A. Gide, V.

LarbaUQ~t

et à sa femme. à L. Jouvet',

1

tant d'autres. Pourtant la

com.mun~c~ n' est qu 1 appar,ente: des amis-connaissances

nom-breux mais toujours stationnés ~ la périphérie du monde du

poète, des amitiés sincères, plus durables justement parce

qu!elles exigent une certaine distance entre les êtres, comme ,

,dans ~ relation avec J.-L. Barrault, des liens familiaux lâ~

ches et ambigus, des a~ours difficiles et une société qui

d'em-blée l'exclut parce qu,'il l'a brutalement stigmatisée. Autour

, ,

de lui,' enfin, l'échec p'ersistant qlti exige après son" passage " de nouvelles forces décuplée:s pour é-ternell,ement recommencer ou

tout simplement survivre.

.

\

Il n'y a pas ~ans la vie d'Artaud cette ~spèce de

pré-sence étroite, que deva'i t tltre Th~o, pour Vincent van Gogh, sorte

.---~

')

de ~ordon oml)ilicaf' avec l'appare,li\te réalité du monde et par o~

circulait ,un minint-m de transferts matériels et affectifs.' La

,

présence la plu~ fid~le fut cer.tainement Jean pa,u1ha:n qui suivit

..

pas â pa~ l'évolution d'Artaud et assura une constante réflexion

..

sur son travail. Artaud a véritablement glissé hors du monde. '

(13)

.".. '---....

t \

r

~ l, t ~ .' T

..

(

..

...

8

Il a ,lutté jusqu'à son inte~nemeryt pour·rendre possible un

con-trat entre lui et l~ soci~té, mais cerle-oi le lui a refusé.

i!I>

Si bien que de son vivant et pendant pr~s d~,ving~ ans apr~s

"

.sa.mo~t, il

n'y

a pas eu vraiment d'Artaud, ni d'oeuvre à

pro-premen,.t parler. Le public a ,connu un acteur et un metteur en

\ .

.

scène qui s'est fait remarquer à quelques reprises, d'autres fois un acteur de' cinéma relégué aux seconds rôles, un prosa-te ur , cri,tiqûe de 'prosa-temps en prosa-temps, dont la violence et les cris furent mal acceptés, un conférencier, parfois, qui choquait crQment son .public par ses incantations èt l'espèce,de transe qui s'empara~t de lui. Beaucoup plus rares encore furent ceux

qui lisaient le poête longtemps confo~du avec les surréalistes.

Derri~re tous ces visages, il n'y a pas d~oeuvre ni d'homme,

aucun volume, aucun relief, mais seulement des parcelles de dis-cours, ,des membres d ',homme, des fragments qui s'avéraient déjà bien gênants et vraimedt trop explosifs.

Il est impossible de'réduire à ce point Artaud depuis la

t

publication des Oeuvres Complètes.

~

,

Celles-ci ont redonné un

. \

- , ' - - -_._- -- ---'Corps-post.numeà-r-rnommequr, au fur et à mesure

qu'eprog:r:e-s-s-e~-­

e,

l'exploration de l'oeuvrè et que se mesure son imp~t, se

remem-~re, se ressoude et s'unifie. Alors commence à se. dessiner la

(14)

t, .. ~

f

i

t

\

, 1

1

,

9 \

L'approél1@!~ parfaitement nouvelle du concept de folie qui

a commencé à révolutionner le monde de la .psychia'tri,e v~rs les

années soixante a touèhé directement l'histoire et la

littéra-ture. Lê- regard nouveau porté ,sur la langue et la parole par

, -'

la ling~Ue, la sémantique structurale, également les pers~

pectives sémiologiques, ont projeté sur l'avan,t-scène d'es,

oeu-vres comme celle d'Artaud et ont per~is une relecture fascinante

d'oeuvres à demi occultées comme celle ~'un autre interné, Sade.

On a enfin mis en évidence'la parenté d'une race d'hommes qui

ont tous eu à subir l'énorme fardeau d'angoisse que la société

moderne refusait d'assumer, trop fasc~née par son fantastique,

développement linéaire. Ces hommes, appartenant au monde de la

, que

d~autres"

notre

déraison, annonce~t pourtant, plus nettement

o

modernité car ils ont-;vécu l'écriture" comme tout phénomène de

créat'ion, à la"lfsière d'un risque absolu, celui que compor_te

toute volonté de transformation, voire de tran~mûtation. Ce lien

de parenté qu'il faut établir entre Artaud 'et un,certain'nombre

'de p;édécesseurs ne réduit en rien la solitùde effective du poète~

Au cont17aire,. il?l'accentue, la sienne èomme celle de ses "pa _

._--- - - - --- - --- - .

-rents". Car lé rapprochement entre ces créateurs peut être

tenté non pas à partir de ce qui les Lie et les fait se

ressem-bler ma is à' partir de l'immense brèche, du contresens, troublant

.,'

(15)

f' 1 1 1 1,

,

" i i~ 1

1

1

1

J

(

, ' " 10 ii '

instauré. C'est leur isolement intégral, lèur inaptitude à la

oS

vie et au monde qui seuls nous p~rm~ttent de'rapprocher leurs

/

noms et de les ~nscrire dans ,une lignée.

Mais qui sont-ils,.~des "parents", si proches par leur \

connai\sance intime de la souffrance et de la solitude. D'où

,

viennent ces ~tres qui tous se sont faits citoyens du monde en

"

état d'absence? tl 'y a d'abord celui dont la condition d'interné et l'uriivers brOlant a parfaitement été saisi par Artaud, Vincent

~ v

Van Gogh. Il aura suffi d'une visite rapide mais essentielle à

~ l'Or~ngerie lors d'une exposition ainsi que la lecture d'un

article sur la folie du peintre où s'étale sans dïscerryement "un

pathos psychiatrique [qui] devait lui rappeler celui qu'il s'é~ait

' 1 i~#

si souvent entendu à lui-même âpplliquer", pour qu' i l s~ décide à.

le Suicidé de la société. Les autres, il les

son texte sur Van Gogh ~omme des cas ihdividuels

'retentissants1qui ont eu à subir des envoOtements unanimes de la

part d'une société qui

"l~

inventé

l~

psychiatrie pour Sàe

'déf~ndre

des investiga~ons de certaines ~ucidités supérieures dont les

, 2

facultés de divination -la gênaient'. Il Ces hommes à la/ volonté

~

, ~

lAntonin Artaud, Oeuvrés Complètes, tome: 13 '(Paris:

Gallimard, 1974), po 304.

2 l b'd ~ ., p. '14

• 1

(16)

-' , '" , >1 \ Il / 1 1

1

lucide, ce sont Baudelaire, Edgar Poe~ Gérard de Nerval,

Nietzsche, Kierkegaard, Hôlderlin, Coleridge et on peut rallon-,

ger la list~~ Goya, Sade, Strindberg et bien d'autres.

De,puis la 'fin du XVIIIe siècle, ce sont les oeuv,re,s de ces hallucinés qui portent la 'voix étouffée de la déraison bien

, "? 'f

au~elà des murs 'dans lesquels l'asile

a

voulu l'enfermer. Plus,

(#

on commence à deviner que ces VO~X, dans ce qu'elles comportent

,

'.

"~ la fois de meurtrier et de contraignant", sont aussi le reflet ,

.

de~la démesure de notre monde~ L'écoute de celles-ci' bouleverse

notre confortable vision ,intellectuelle, polit~que, ,spirituelle

de la réalité, ~t ordonne une exigeante métamorphose. Tous à

leur manière, ces créateurs ont ressenti un'décalage entre la réalité subjective de leur vie et l'autre réalité du cO,ntexte

}

social, se voulant, elle, résolument'objective~ Le corps social,

sllr de son devenir" n'accepte une démarche individualiste que sï celle,-ci s'accorde' aux structures matérielles et intellectuelles

~

,misés en place par lui. Il nie purement et simplement l'exis-tence d'une 'pensée parallèle à la ,sienne; d: une réflexion aùt're

qui ne fait appel ni à ses données, :ni à ses proposi:tions_.

-1-1- -- -

----:-;-exige des i~dividus lucides qu'ils se rendent complices aveè lui

de certaines hautes saletés comme le, sexe d'un cOté, la messe de

" ,

l'autre, car il ne peut et ne veu't répondre aux obligations con-, ,

traignantes d' "une certa~ne idée supérieure de l'honneur

.

(17)

I

"~

X"~ " ." ,iF

i

t

'. J,:. l '~ .t )' .1 " ~~<: ~i..r h.'. f , " " "

(

1'4-"

\

12 , l '

humain". Derri~t'~ ce" qu '~il s;Jécri t comme es envo(}tements et

1

~

qui'semble s'abattre sur ceux qu' ne s .sa)isfont pas du r~flet

d'e'ux-mêmes dans le miroir social, il, y a'pour Artaud â trave'rs

~ \... /

le destin de ces eS'prits,lucic;les~,des V'érit~s"dures, parfois"

cruelles, - dont l' homme moderne a

e~s~nti'ellement

besoin pour se

comprendre et se reconna1tre .

,

.

.

\

..

'

Depuis la fin "du XVIIle si~cle, la société t s,tétant

réso-, lument engagéè dans une entreprise de "capitalisation" du vaste . .,._vo.

i;. ~

réservoir des res~ou~ces humaines et matérielles, ne pouvair

v ' 'tl

d

acce~ter que des doutes ontologiques et métaphysiques

s'expri-ment ,hors des cadres-limites qu'elle iva~t soigneusement élabo~

\

"

*

rés à l' a~de du concept de rais'on mis en pla~ au tout dé~~t de

l'age classique. 'Une seule représentation du monde pouvait ~tre'

tolérée et l'haie, créateur ou pas, inscrivài~ son imag~naire

et son regard en toute liberté une fois prêté son serment

d'al-légeance- à un certain devenir historique.

.

,

.

. . 1 1 l'l!'

;' ,Depuis la Renaissance, et 'pour ,"payer" ~ses artistes, la

soc~été a voulu fai~e de l'art une entité spécifique dont ls

,

rÔle était 'de ramener la nature' à la taille de '1 'homme et de

1\

~ créer des lois internes concernant le beau. Ces lois internes,

IIbid., p. 17.

(18)

, ' ! "

'1

i

f

1

l -1 1 , ;.

!

13

pour une ,bonne pari, devenaient la j usti'fication pr~mière de

l'Art en tant que représentant exclusif de l'imaginaire et dépo~

si ta ire des pouvoirs de création., On ?eut dire qu'elle a à la 1

1

fois réussi et échoué dans sa' te~tative. Réussi, en effet,

parce que la production littéraire et artistique instaurée,

c'est-à-dire celle qui jouit d'une diffusion considérable, d'une

'répuration'e~ d'une valeur marchande élevée, représente au plus

haut de§ré les a~piration~ fondamentales de la civilisation

occi-dentale. ,Echoué parce qu'il existe depuis l'aube de la Renais-

,

sance un courant s~uterrain sans grande propagation, la plupart

du temps,dissimulé, voilé, masqué, éclipsé par l'Art instauré.

Ce courant est présent dans le man~érisme de~la Renaissance par'

exemple co~e dans cêtte lignée de créateurs qui depuis la fin

\

.

du ,XVIIl~ siècle a,ppartiennent presque tqus au monde de la

dérai-son. Retenons, l'exemple de Sade. Sa.inte-Beuve, dans la Revue

des Deux-Mondes, ~crivait,en 1943:

J'oserai affirmer, sans crainte d'être dém~nti que'

Byron et Sade (je demande pardon du rapprocbement)

9nt été les deux plus grands~inspirateurs de nos

modernes, l'un affiché et visible, l'autre clandestin, pas trop clandestin. l

.1\ Ipascal Pia, "Lire, Sade au XIXe", Magazine Littéraire,

juin 19~6, p. 21. ,

"

1 , i 1 1 1

(19)

\

~, .14'

'li'<

1

Dans le mot "mani~risme", on tetrouye, par le jeu d,es

racines étymologiques, deux visiops radicalement différentes

, "

Ude ce que ~~~ifie, l'acte de créer. D'un cOté le "faire àris-,'

,,:r,totélicien", de l'autre la force d'un 'délire' qui, au témoign<:tge

,

des anciens, l'empoJ?tait en noblesse sur la sagesse.', Dans sdh

livre Lab1rinthe de l'art fantastique, G: R. Hoeke distingue ,les'

deux racines étymologiques du mo~ "maniérisme":

Manière viet:lt de' manus, et désigne ~~ qui est fait "de

main d 'hqmme, par art. "Manie" découle du grec mania:

~age, (ureur, par quoi on désignait une forme' de

mala-~ie mentale. l

~

,1

On peut dire que depuis la fin de l'age classiq~e la

"manie" çornrnence à s ''impos'er tellement e~t hombre use nl~

fré-,AI

quence dans le monde moderne de ces oeuvres qui 'éclatent dans

la fOl·ie". 2 Et comme dit Foucault, i l ' faut tenir compte de cette

tJ.

fréquence, "la prendre au sérieux, comme l'insistance ,d'une

ques-, , 3

tion" •

(Paris:

b

,

lGustav René

~ocke,

Labvrinthe pe l'art fantasGique

Editions'DenoêlJGonthier, 1967), p. 176.

2

M

ichel Foucault, Histoire de la folie (Paris: 10/1~,

1964),'tp.301.

\

"

(20)

, ' <,' 1 '); J

-,

15

De quelle q,uestion s'agit-il'? 'La 'difficult~ est là car

on ne, peut fur'muler la 'questio-n, lui donner un visage clair sans la trahir et pourtant elle existe et se mnnifeste avec

force. Toute la problématique de la "folie", et

particulière-, ,

mept de la folie créatrice, problématique de nbs jours

ouver-'tement analysée, interrogée, réside dans l'énig~e de éette

question sans visage. 'Un quest~n~ment sans fin, sans réponse

qui puisse le clôturer; voilà ce qui bouleverse nos attitudes. Et pu~s, est-on sar de pouvoir distinguer le questionné de la

.'

question, Oedlpe du Sphinx?

Cette insistance d'une question engendre des

contre-questions comme celles, inquiètes, de l'an~ipsy~hiatrie

interro-geant le mode psychotique en tant gue source de conscience pure

de tout pouvoir sur, le ~onde d~ la normalité perçu, lui, comme un

univers a~rophi~, pervertl et malade. Il ne-s'agit pas de dire

que la "folie" n'existe pas en "soi", de nier sa réalité en affir-

Po-mant qu'elle n'est qu'un produit de notre cul~uré. Bien au

con-" ., 1

traire,. i l s,' agit de redécouvrir une certaine inti~é avec le .

délire afin de provoquer une dialectique raison-folie, des lignes

de tensions qui soient en même temps des lrgnes d'échanges. Si

la "folie" ne peut plus être exclue', si elle t;le peut ,plue être définie comme absence de raison et de Sens et si la raison ne

(21)

"',

..

"

1

1

,--_.

16 dl

'peut plus être tout à fait p~re comme absence de folie, il faut

donc surprenqre et saisir les charges de sens qui voyagent de l'un à l'autre".

Si on comprend l'oeuyre d'Artaud comme un vaste champ

de questionnement'qu,i s"étend de l'auteur au lecteur'actif et~;S:'

" t '

, t

saisi, il ne faut pas alors chercher à ceindr~ reuvre d'une j , ~=/

définitipn ou lui' imposer une grille de comp~tension quelle

,qu'elle soit. On doit rester, dans la mesure possible, dans

"-"--le va-et-vient paradoxal du discours et du délire. Accepter

qu'une phrase ,d'Artaud puisse ne pas se 'terminer par un point,

qu'elle ne se referme pas sur elle-m~me. Accepter que le sens

dont cette phrase est chargée puisse se retourner comme\ un gant

dans ,l'énoncé suivant. Dès lors apparal~ un langage neuf, une

, t ~

langue'dont les mots ne repo~ent pas forcement sur ce qu'ils

désignent ni sur ce qù'ils signYfient. Rester dans .le

va-et-"',

.

vient paradoxal du discours et du délire, voilà exactement ce,

que p. Sollers a ~enté dans son intervention au colloque ~

une Révolution'Culturelle: Artaud, Bataille. Sollers a cher-,

ché à di'ssoudre "toutes les, unités et toutes les fixations"l et

1

à voyager dans "l'état ~rtaud" sans opé-rer' -aucun recouvrement,

4 lphilippe Sollers, ilL 'état Artaud", Artaud {Paris:

10/18, 1973}, p. 38. ~

\

, "

(22)

iÎ> }~ " L' 1\ t, 'f. 1<> ~. , l' ~ ( ,

f

1

1

î

1 , 17 (

laissant libre la contradiction, poussant "le langage enfin au ' -,

lieu de ses propres limites".l Ainsi le sens n'est plus ce qui investit le langage d'un pouvoir, du moins le sens qui colle ,aux

,

choses, qui les revêt d'une identité et bien souvent d'une

fonc-tion. Impossible chez Artaud de s'arrêter au signifiant-cadre.

La force "révolutionnaire" du mot dans l'oeuvre d'Artaud réside dans le pombardement du champ sémantique, provoquant une dérouté

totale du signifié d'abord puis ~e,la totalité désigne

linguis-....

tique dans le cas des glossolalies. 2 La langue saute au profit

de la parole, et au bout de la ligne celle-ci fait place au

chant, à l'incahtation et enfin au pur souffle. B~anchot expri~e,

fort bien les effets de ces glissements successifs des mots sur

les Chos~~.~t vi~e versa:

L~S m~s,

nous le

sa~ons,

ont le pouvoir de faire

dis-pa:jtl~X

les choses, de les faire

appara~,tre

en tant

quwrdisparues, apparence qui n'est que ~elle d'une

disparition, présence qui ~ son tour ••• 3

lIbid., p. 40.

~

2"les séries de ce qu'Antonin Artaud nommait 'ces syl-labes que j'invente' et pour lesquelles nous emploierons le

terme de glossolalie, au sens

Roman Jakobson l'entend."

Oeuvres Complètes, tome 12, notes, p. 276.

3Maurice Blançhot, L'Espace littérairè (par,is: Gallimard,

co1l~c~ion Idées, 1955), p. 41.

c.

(23)

\.~ ... '

,(:

, \

C

, ' ~, " ,

r

\

( 18

On se

re~en

,

compte alors que le langage, est le lieu

~

où le travail s'exerce, se~cherche et s'applique avec tant d'ar-deur., Et le langage d'Artaud est d~ ceux, tr~s rares, qui,

voulant désespérément dééhirer le voile entr~ le signifiant et'

le signifié, et rendre leur matière essentielle aux c~oses, se sont brisés, se sont défaîts au ~olnt limite de leur,dispàrition pour faire surgir "le moment le plus surprenant, (. • .) celui où l'on pa~~e du silence aux mots, du regard au cri, comme si le

cri ne naissait que d'un surplus d'intensité du regard". 1

,

L'écriture d'Artaud viole la tranquillité, du lecteur sans ménagement. Si l'écrivain parle', saps cesse des risques et des dangers inhérents à"l'expérience qui est la s~enne, c'est

~

qu'il veut absolument partager ces.risques avec le lecteur. On

Î

ne lit pas impunément Artaud. La lecture d~Artaud exige une

cer-taine porosité._ Le risque évident pour le lecteur se trouve "dans

,

le de~ré de porosité qu'il supportera sans se laisser noy~r'par

,1

l,

'cette paro~e nouv'elle. Nombreux sont ceux qui ont témoi-g~ leur

'.

),)

impossibilité de prononcer une autre parole, leur ~ard1e, \~, la suite de la lecture d'Artaud. Comment ne pas pense~ à Jacques

\

prével, celui,qui a tout largué pour essayer de sui~re Artaud?

lJérôme Peignot, Les Jeux de l'amour et.du langage (PariS: ~O/18, IS74), p. 35.

, '

.'

(24)

-~ ',-~ .'

! "

1· l . , ' ! , , 1 .' "

.

.

a 1

./

/ \ 19 , '

Pr~vel rêvait d 'éc~i.re un livre sur Artaud, et il ~tait sans' doute l'un de ceux qui en avait effectivement le droit, lui qui

( • cl

l'avait ~Otoyé presque tous les jours en 1947 et 1948 et qui

p

D'

, s'~tait laissé fasciner' par son regard.·.' Mais prével'n'a pu que

'""

crier douloureusement son impuissance à parler d'Artaud

telle-ment il s'était rendu perméable et disponible à la voix du~poète:

.

j

Je n'ai rien à dire, ni rien à écrire sur Antonin Artaud. Cela je le sens dan~ mon ê~re comme je sens'la maladie qui me mine depuis de ,longs mois. Mais parce que je l'ai attendu pendant trente ans, et que j'ai vécu avec lui pendant toute une année, je ne serai jamais plus le même.

(., • • ). Si je dois parler de lui, c'est parce qù'il est présent et qu'il me presse d'écrire et de parler. Livré

à .moi-même; j~ ne pourrai rien dire' sur ~ui, et si je parlais alo+s je serai tourmenté et poursuivi car je n'en ai aucun droit.!

V',

prével n'est p~s le seul à insister sur la difficulté,

voire

l'i~OS~ibilité.

de parler

d'Arta~d~

Tous ses

commenta-4/.

teurs, et en particullier les plus'sérieux, avouent la ~rge qu~ " les empêche de saisir le poète, et surtout d'écrire,sur lui.

'" ~

Comment, en effet, maltriser la compagnie d'Artaud, celle que

réclame sa pensée, sans s'exposer"à l.:f menace d'une dérive

abso-lue. Paule Thévenin ,va droit au fait quand elle écr,it:

,.,

La, lecture d'un poème d'Antonin Arta.ud apparaltl.'a d"évidence comme encore impossible. Il n'y a d'ail-" d'ail-" leurs pas UNE iecture

mais

DES lectures )

.

à faire, et

-~

l'

~

'-, "AntOnin Artaud par J. prével," Obliques, 10-11,

P. 202. , ---'--._---_._---1. 1 " .) ; 1 J • 1

(25)

()

, !

.... 1

1

~,

l"

1

o

", , 1) , " 20 ,c ,

parm~ ces lectures, i l ~~ est beaucoup qui se dé~ob~~t,

qui ~e déroberon~ longtemps, ne lïvreront pas de sitOt

leur sens.1 " ,

, G.

Scarpetta, da~s~son"intervention lors du colloque de

, , .

, 0

Cerisy, léaffirme fort bien ce que d

I~utr,t;;s

1

par~i.

lesqUels'

, 0 '

~

Al."thur Adamov' et George "B,ataille, avaient déjà fait sentir à plusieurs re,prises:

Réa'ffirmons d'abord

(.'1. .)

que la pratique, d'Artaud

ne saurai.t êt~e l'objet, ~ 'un ~voil!", que :le "creus,e-, ment infini" de sa langue réduit immanquablement ,tout'

commentaire à uri rOle réducteur, dérisoire,' figé, 0

d~placé.2 "

Ne nous ~t~n,nons pas que· l'espace qu : occupe Artaud tut

peu visible à son,époque et que ~~u de 'gens acceptèrent de ~

o , '

.fouiller un texte qui écnappe à toute analyse formelle. Artaud

\ (-\,

1

/

." appartient-il ,vraiment â son époque? Il semble s'être infiltré;'

,

.

(

"

beaucoup plus efficacement dans la nOtre:

~

,

Au-dessus de l'épbque même, bien que coexistan,t avec

elle, certains esprits font déjà ~artie deol'épcique

s'uivqnte, cèlle qui n'est" pas encore mai~ devi~nt,. 3

lpaule Thévénin, "Entendl:'e/V~ir/Lire" 1 Tél Quel 39, ~

automne 1969> ~ ,35.

, , , 2G., Scarpetta,

"~a ~i~l~ctic;tue

change de

Artaud (Paris:~lO/IB, 1~7~)" .P~ 264~~. . '

3R.

Gilbert-Lecomtè, Oeuvres Gâllirnprq, 1~n4},

i;I.

240 .

..., matière", .

,

"

..

--~ --

---.!_-.,

.

,

1

/

l , ' , , ~ ~ i l • ! 1 1 1 , 1 1

1

(26)

o

()

.

.

21

Artaud fait partie de ces esprits qui "r~al~sent

l~

bouleversement des valeurs qui n'arrivent â la conscience de

proddcteurs que cinquante ans plus

tard"'~

l et Sollers a raison

,

.

de dire que topte notre ~poque'est travail~ée par Artaud et

Bataille. _

t-Il ne suffit pas d'escamoter'Artàud â son'époque, de lui

faire faire un saut de deux générations pour que soudain nous

"

.

pui~sions , absorber son' discours et se l'approprier. , Cela n'est

pas possible, ni souhaitable. Il faudra vraisemblablement de

'nombreuses années pour que la prStique d'Artaud nous rapproghe

.. ,de plus en plus pr~s dl\t.procès que représentent tous ses écrits.

"

. . .

Pour cette raison, nous ne dev.ons pas nous en tenir "à ce que l'on pourrait nommer l'intimidation par Artaud, ArtaudOtabou,

"

1':

Artaud éloigné de nous, cantonné dans 1.1n intraduisible,' un 'in-, commentable' 'in-,'in-,2'in-, ma'is vaincre cette première certitude d'échec qui

s'empare de nous l~rsqu'il s'agit de se prononcer face au poète.

-o

.

,

-,

'Tirer vers l'avant, vers ce qui. n'est encore qu'un territoire

*'

inconn,u pour nous, nous devons' accepter .de faire )un saut et

entrit de plain-pied dans un langage, dessoudé de 'la :réali

t~

" )0

p. 250.

2scarpetta~ "La Dialectique change de mati~re", p. 264.

(27)

, ,1

\--c

f M I ' - r' , . 22

\..

/

apparente du monde mais abouché à l'autre versant cruel de cette

mame réalité oi). est poussé à ses conséquences extrames

"l'arbi-, 1

traire CO?st',itutïf du langage".

Pour entamer cette errance dans l'oeuvre d'Artaud, il faut accepter que notre fragile logique soit "fracassée au pas'-sage".

,

O '

Les trois temps de la matière et le feu double

..

\

,

Il semble que l'on puisse répertorier deux temps forts

dans la vie et l'oeuv~e d'Antonin Artaud.' Le premier qui va

de ses débuts littérair~s vers 1923 jusqu'à son internement au

retour d'Irlande, est dominé par la fonction de la matière.

Dans le~cond, qui couvre les années d'asile et la fin de sa

vie, c'~st la fonction du feu qui est la plus manifeste.

( ' Il va sans dire que même si'·un temps est dominé par

~~'une

des deux fonctions, la seconde reste présente et continue

t •

d'animer cette dialectique, cette oscillation nécessaire et vi tale entre les deuX .fonctiqns de la matière et du feu.

Q.

lpaul Chamberland" "Le corps est un fait absolu",

~

Devoir 26 août 1978.

·1

J \ 1 " 0" .'

1

,\

l

1

' .. l

î·

\

(28)

\,

1

; .) ! 1

1

1 , 1 i !

(j

'0

23

La fonction de la rna,i~re est principalement de

géné-rer} r . de génére;r un état, -une "concrétude", une substance. En

elle, ,on retrouve l'idée de masse "et de résistance. Dans la

vie et l'o~uvre d'Artaud, cela veut dire un effort constant,

une lutte incessante ayant pour but

et~finalité

d'incarner dans

'la réalité et le tissu culturel et social de 'son époque une

idée~_ ~ne /force, une urgence dont il constate en lui-même, à

'\~J

chaque insta~t de sa vie, la pr~~ence et la' virulence. Cet

,effort pour 's' astreindre aux exigences minimales de la matière

apparait clairement à travers trois

t~ntatives ~stinctes

de

" ,

maltriser certains' langages ou plus exactement certaines,ta,ro-.

les~ Ces paroles devaient permettre une Ilapplica:tion possible"

à la vie, devaient favoriser le mariage sacré entre l'individu

et le cÇ>llectif.

Artaud cherche désespérément à généret un possible, un

état qui lui laisse prise sur le, corps social et le libère, au moins en partie, d'une s?uffrance-qui s'origine de la di ffi-culté à saisir la matière et à se refaire un corps.

Les trois premiers chapitres du prése~t mémoire

ten-tent de cerner à q~el niveau se fait et s'opère ce travail vers

~

la matière. Il ~'agit de savoir où se situe cet effort ,dans la

\C

.,vie du poète, de quelle charge et de qpel rOle il investit le

" j , ,

,

,1 " ,

!

.]

l

(29)

:0

'1

t

24

, !

créateur et l'oeuvre. Enfin, cette·quête, de quelle~ désigna-'

tions èt ~.quel sens imp~ime-t-ell~ les ~iverses'orientations

conctètes qui ont toutes abouti, a~paremment, à des échecs.

'/

1 .

,

Il'

Le premier langage grace auquel Artaud cherche à obtenir

1

une "existence", est un langage poét~ O~ peut le traduire

et le désigner corrune étant urt vouloirt for " presque dés'espéré.

\

..

De La Corres ondance avec Jac ues Rivière à la rupture avec le

mouvement'surréaliste, s'annonce de plu en 'plus précisém~ht ce

voulôir exigeant qui porte en lui toute 'charge et l'étendue

des désirs (ou plutôt des Artaud.~st soumis,

des nécessités· olues l t vitales qUi' e remplissent). C'est

soutirer de cette

att~int "les quelques

une "e~istence

litté-" l

Rivière pour qu'il l'aide à·

~~~UT mala<;l~e de l'esprit:' dont /1 es~

rnanifes,tàtions d'existence spiritueile"l

déjà produites ou à venir: La démarche trah~t u\Vo],onté,' 1

.

.

\

".

, laisse surgir un vouloir qui n'a rien de c~mfuun avec un'simple

désir, si prononcé et si exigeant , soit-il~

,

.

Ce vouloir s'exprime parce qu'il est un flux de vie

abào~u~ent nécessaire,pour lutter contre èette brOlure, ce feu

f,

lArtaud, - Oeuvres Complètes, tome l, p.,

21.

''>

~

" ~

1

\' , , .

.

(30)

, .. 1: • 1: 1 , i ,1

!

,

-1

1

! 1 ,

!

I~

~

C1 '

" 25 / )

san! nom, ~~ritable d~p~rdition graduelle de la pensée et du

, 1 ..

, ,corps. L'engagement surréaliste, la violence et le .comba t qui

! '

cara~térisent cette Période. ces deux livres L'Ombilic des

Limbes et Le Pèse-ner1fs qualifiés par Artaud vingt ans plus tard

"de stupéfiants, non de réussite par rapport à moi mais pa,r

rap-port à

ll'inexprim~ble'lI.l

obéissent à ce même vouloir, sorte de

volonté brutale de déga~er l~ poète des forces de création et

, de changement qu' i l porte en lui.

Artaud va tenter de maH.riser. un deuxième langage: ce

"

sera le,théâtre. La confrontation avec la matière s'e~prime

différenunent ic;i. Art.aud vit la réalité' concrète d'un -pouvoir

qui entoUr€!' aussi bien le p~'r~onnage d' Artaud, que l'espace

scénique et la dramaturgie. Artauœ' travaille dans le monde d~

théatre depuis plusieurs années déjà mais .jamais il n'aura été

" , oP

aussi eortement confronté à la notion de pouvoir que lorsqu'il

assiste à la représentation du 'théâtre bal!nais. Il découvre

alors en lui-même cet homme devenu th~atre, ~et homme-théatre

1

dont parle Jean-Louis Barrault. La scène soudain apparaît comme

beaucoup ~lus' que l'espace ré~l que nous connaissons, elle prend

des dimensions d'un autre ordre, elle est investi~ d'un pouvoir

lAntonin A~taud, Oeuvres Complètes, tome 12 (Paris:

Gallimard, 1974),

Po

231.· .

>

,

,

(31)

ri-(}

;

o

~,

..

\ ~, ~ ,l ' 26

presque illimité parce qu'elle est le se·ul lieu où se joue un art total:

'\

Seul +e théatre ~st un art total où se produit, outre

la p.oésie, la musique et la danse, 'la surrection du

corps lui-mêm~ .. l

f$

Ce pouvoir doit également se concentrer sur la scène

intérieure, celle qui existe 'chez, l'acteur princ~alement. Ce

dernier, s'fI détient la ma1trise de ce pouvoir, s'engage

pro-• 1

fondément et

humble~ent

à être un Il

inst~ument

et'

1~vier,,2

pour

que s'exerce le: rOle curatif du théâtre et que st réalise cette

, ,

"-immense entr~prise de re-création qu~~t cet ,Art total. L'action

, , • ,f ~

/ ./J) ,

d~ ce pouvoir du théâtre "ne tient à rien moins qu là réaménager

de fond en cOmbie' la condition humailOle" .. 3

Enfin" le troi~ième langage sur lequel Artaud va

len-tement focaliser toutes ses énergies, appartient à i'ailleurs.

Progressivement,

dep~s

année'.' déjà, on ••

si.~e

chez

~Artau~ à un glisse~ent. Le théatre, à'la suite des échecs

lJacques Derrida, "La parole soufflée", Tel ,Quel 20,

p, 65,

\

2Alain Virmaux, Antonin Artaud et' 'le théatre (Paris:

Seghers, 1979), p. 2~.

3

Artaud, Oeuvres Complètes, tome 4, p. 97.

, !

'; "

(32)

. 1

l ' 1

o

/

,

.

",

27 ""

répétés,' semble lui avoir refusé cette prise sur la mati~re

qu'il'réclamait. Il ne parait pas disposé, du moins dan!

son approche ,et dans sa forme occidentale, ~ céder so~ maigre

pouvoir d'illùsion un peu facile et brillant en échange de "l'irruption inédite d'un monde" , , éphém~re mais vrai, lice

- , 1

monde tangent ai réel". Aussi ,:Artaud va reg~rder ailleurs,

ailleurs géographi~uement, historiquement, spirituëllement,

culturellement. Il va de plus en plus s'intéresser aux,

cultu-" '

res non'occidentales, à celles du ~assé comme à celles encore

..

Dès

'~ vivantes dans le présent, les Tarahumaras par exemple.

• l'

,lors, sa confrontation avec la matière se fera au niveau de

1 .

ce.qu'on pourrait appeler le savoir, le savoir de ou des ail-leurs, le savoir de,s autres qu'l'l faut questionner, interroge!;, qu'il faut parcourir en tout sens afin que peut-être il réponde

par bribes, comme un écho, à un, savoir inqu~et sur soi-même et

sur le monde. Toujours dans le but de générer une nouvelle

matière et de l ',appiiquer ,à la vie, Artaud cherche ce savoir et

prend les' moyens de l'obtenir. Il part au Mexique, repart en

...

Irlande et projette un v~yage aUwTibet.' ,

l ' .

.J.

è l( ~.

Antonin Artaud, Oeuvres comfl tes, tome ~ ParLa:

Gallimard, 1961), p. 12.

.

\

"..

(33)

~

r-, ~:

l '---1 ( -1_ J i . 1

i

1

l' 28

Vquloir, pouvoir, savoir représentent trois tentatives

tout à fait particuli~res de ma1triser la mati~re par le biais

d'un cértain langage, qu'il soit poétique, théatral,

ésotéri-,

que ou symbolique. Chacune à leur façon, enr se recoupant sans

cesse entre elles, ces trois tentatives avaient pour but de

créer un champ \favorable à une possible présence au monde. Dès

; 1

que l'on parle de théâtre et de poésie chez Artaud, refait

sur-fac~ cette querelle entre Maurice Blanchot et Jacques Derrida.

Le premier proclame la prééminence de l'art poétique, le second affirme la primauté du théatre sur la

.

po~sie ,.,. dans l'oeuvre

d'Artaud. Quant à l'ésotérisme, il n'est abordé qu'avec la

plus extrême

su~picion. ~es

diverses

attitud~~

nous semblent

parfai tement réductrices ,et témoignent des bar~i~res dont on

1

, r

est 'rapidèment victime dès que l'on vr:!ùt apposer une" une seule

-, !! . .

vignette sur l'art d'Artaud. Ce qui rend son discours si

per-\

cutant et si neuf, c'est l'interaçtion inçessante de tous ces

langages avec p~ésultat ~'éclatement du principe de la

définition unique et la libre circulation au milieu de l'art,

/

toujours.

en

vue de cette quête,d'un corps et d'une matière

, 1

introuvable qui assurerait une présen~e au monde. Or cette

présence, 'cette réalité si essentielle, técl'~l.Iné~ depuis S'1

\

lpngtemps et au prix de tant de souffranc~s, semble iui

échap-per de plus en plus. A son retour d'Irlande, .Artaud échap-perd touœ

, \

" ,

_ _ _ '_~~ _ _ _ .L _ _

1

(34)

.

, i , , 1 , 1 \ 29

emPFise sur la matière et la réalité qui l'entoure. C'est

~~'

-alors le feu qui. dO,mine chez lui et qui le consume pr~sq~e

totalement.

Lorsque se termine le périple des voyages, Artaud

atteint la limite d ,'un cycle. La fonction du feu envahit sa

vie ét son oeuvre. Le point extrême de cette destruction p&r

le feu se situe au retou~ d'Irlande, au moment o~ il va être

transféré d'asile en asil,e, aVêlnt d'être assigné pendant cinq

ans, de 1938 à 1943, à l'asiie de Ville Evrard. La société a

condaùmé, Artaud et manifeste son rejet en l'évacuant. S'il

n'existe plus comme membre à part entière de la communauté,

il faut, qu'il disparaisse également en tant ,qu'individu car

plus rien ne doit rester, aucune t~ace, aucune empreinte de

~et homme stigmatisé que fut Antonin Artaud:

\

Or Antonin Artaud est mort aoat 1939.1 à Ville Evrard en

Cette mort, à la ~ois symbolique et parfaitement

réelle, est uné évacuation quasi 'totale de la matière., Artaud' .& ne génère ,plus rien. La fonction du feu est' d'évacuer, de

1

1 '

Antonin Artaud"Oe~vres Complètes, tome 10 (paris:

Gallimard, 1974), bP • 40.

"('-~~-'"

(35)

1

1

\'

1

()

"' >,

~,

.'

1

l

'

:'-'1 30 \ purifier

à

tel l' .'

e~

s'éliminer'. Devant cette 1

matière ~p'elle finit par se

'-feu, i l ne reste à

\

\

re

, Artaud qu'un seul pro,je , vaste et doulo~reux: se refaire.

Il lui faut entreprendre ne restructuration cO!,tlplète lf"Son

i

identité. C'est pourquoi rtaud est mort, devait mourir pour

que renaisse dans -le même cO'rps cet êtr~ nouveau, souteI'lU par

,

Dieu, Antonin Nalpas. Mais ~~tte obligation de se refaire

exige que l'on reconna'isse la ou les natures du feu\ Le feu

devra être identifié et nommé à travers 'ses formes rnultipl,es

afin d'obtenir une maîtrise et une çonnaissance possible de ,

cette force'qùi brnle mais éclair~ et anime aussi •

.

,

, ,

"

1 (.

(36)

\

1

\

/

o

( Première partie " LA MATIE!Œ 1 1

-J \

(37)

, ~I. - 1 , ... t ...

'.

...

, , , ~

...

"

..

• ' J t ,

.

". CHAPITRE PREMIER LE VOULOIR

Une existence littéra\s.e

Le premier mouvement d'Arta ud dans le monde de la

~

.

c'réation se déploie comme l,me imp\lls.lon de départ, mais déjà. èmpreinte Id • une conscience désespérée devant le' diagnostic hallucinant qu'il ne cesse de . vérifier sur lui-marne:

Je suis stigmatisé par une mort pressante où la mort" véritable est pour moi sans' terreur. 1

Et pour.tant, malgré cette pr~destination qui semble

~ \

s'imposer d' elle-mêrne~ i l y a au' COeur de ce mouvement un

vou-loir~ffisarnment fort et pu~ssa~t pour cher.cher le moyen

d' exister ailleurs qu 1 en latence, ailleurs que dans' une

p'oten-tialité plus ou moins ressentie.. Artaud est saisi par l'ur":'" gence d'une nécessité:

Je voudrais faire un livre qui dérange les hommes, qui soit conune une porte ouverts,.e et ,c;rui les mène

.

.

.

lArtaud, -,Oe\.lvres compl~tes', tome 1, p. 52.

'.

(38)

1.

• '. t "

i

t

~

,-~ "

"

1

i:

r, ":: , ' t:, t'. ~ , .l , ~ "

"

t,

Cr

li1 ~, , ,~

o~ ils n' auraieht jamais consenti à aller, une porte

s.implement abouchée avec la réalit~.l

Cette nécessité vient d l>une pi'ofonde région int~rieure

"dont i l ne peut dire que les manques. les défici~s, les

défail-olances. Ilepuil;i longtemps, i l sait que ce qU" i l tente de

désen-fouir, de voler a l ' indicible, à. la perte, au

gliss~ment,

• la

fait'le, ,est de l'ordre de l'es'sentiel

èt

que

pa~ COnSéqU;~,

toute tentative de ce type comporte un risque, qu' une cerraine

vie et une certaine mor~. sont en cause. Le vouloi~ qui s~

, '

.,-manifeste "alors

~n

lui,

rassembla~t'

autout.d· une mi2me coaction

\ 0

ses désirs et ce besoin d' "émotion qu' entra1ne l'éclosion d'une

forme", cherche à extra~re d'un fond de vide, d'un noyau central,

urie pensée, un esprit, un contenu dont V'laPlparente déréalité ne

o

veut pas dire l'inexistence. Il faut pour Artaud que cette

pen-\

.

,

sée vibre comme

...

,la lumière et comme' le son au travers de la

"

./

.---.'

chair. Artaud

N~ut

que son esprit vive et

qu~

sa

~ensé~

droit de cité èt cela avant qu'on en vienne aux questiol1s

for-melles çar i l est bien évident pour lui, que cet engageme~t de la

pén~ée pr~cède tous les autres:

\ ~

Je vois dans le fait de jeter le dé et de' me lancer

,dans~ l'affirmation d'une vérité préssentie, si

aléa-~oire soit-elle, toute la raison de ma

v!e.

2

1 \

~~'~---~---~]bid.,

p.sq.

" 2 ' Ibid., p. 106 •. ~ () , '

"'-

..

..

"

"'

} 1

(39)

i

l,

i r j' , t " r 1

. t

~. ,iJ ~ ,~, ( ' 34

.

- , C'est pourquoi son dia~ogue avec Jacques Rivière reste '(1\

éternellement un d~alogue de sourds. Alain Jouffroy a rai~on

d'écrire qu'Ar~aud ",ne cherchait pas, contra.irement à ce que

L " ",JI

croyait Jaèques'

Rïvi~re

à propos et" A""es oeuvres Il: 1 .

.<

\

Là où d'autres- proposent des oeuvres je ne prétends pas autre chose que de montrer mon esprit. 2" '

<;>

Bien sl1r, il admet qu '''une revue comme la Nou'velle Bevue Française exige un 'certain niveau, f9rmel et une grande

,

-pureté de

mati~re",?

maiS' ce n'est pas là exactement son p+,opos.

,j ,

'Jacques Rivi~~e, dans toutes ses réponses, paraît se situer non

Of

pas dans la problématique de son correspondant mais toujours J

'd~ns

le cadre

réfé~entiel,'

tout à

~ait

limité, 'de rédacteur en'

,

"

chef de la revue. viusque Jans sa dernière lettre, ( il semble'" être à ~ôté, dans le sens de la vie, sens unique alors que pour

'C'

Ârtaud vIa vie est un chemin à double sens, une sorte d'osciÎla-'tion perpétuelle de la vie vers le néant et du néantt vers la·, vie:

lÀ. Jouffroy, "Black Sun", Obliques, 10-11, po 91.

'j

2 ~rtaud,

Oeuvres Complètes, tome' l, p. 49. ~

3Artaud, oeüvres Complètes, tome l, ~. 21.

o

Figure

table  devenir  histor~que de~otre  civilisatiop,

Références

Documents relatifs

Lorsque leur fonction est liée à la structuration du discours dans lequel ils sont employés, les voilà avec réduplication impliquent également une appréciation

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des

3 La chronique De Tunis à Kairouan (Guy de Maupassant, 1993) était publiée en plusieurs parties dans « Le Gaulois » du 11 décembre 1888 et dans « La Revue des Deux Mondes » en

C’est la voie de la certitude de l’existence, laquelle fait métaphysiquement partie intégrante de l’être: « La vérité étant une même chose avec l’être » 188 Dans cette

Les  états  de  conscience

En relevant les différentes occasions où Bardamu rencontre Robinson, on peut se demander quel rôle joue ce personnage (dont on peut se demander s’il n’a pas

En 2009, Laurent Mauvignier, écrivain qui avait jusque-là privilégié des récits de fiction centrés sur la tragédie vécue par un petit cercle d’intimes,

Etant donné que de nombreuses dérives avaient poussé certains chefs d’établissement à valider dans notre dos les élèves qu’on n’avait pas validés, cette