INFORMA
nON TO
USERS
This manuscript has been repraduced from the microfilm master. UMI films the text directly from the original or copy submilted. Thus, sorne thesis and
dissertation copies are intypewriterface, whileoIhers rnay be from any type of computer printer.
n.
qualityofthis Nproduction .. dependentupon the qualltyofthe copy submitted. Broken or indistinct prim. coIoredor
poor quaIity illusbations andphotographs, print bleedlhrough, substandard margins, and improper alignment can adversely affect reproduction.
ln the unlikely eventthatthe author did no!send UMI a complete manuscript and there are missing p&g8s, these will be noted. Also, if unaulhoriZed copyright materialhact te be
removec:t,
anote
willindicatethedeletion.Oversize materials (e.g., map$, drawings, charts) are reproduced by sectioning the original, beginning al the upper Ieft-hand corner
ancJ
continuing from 18fttaright in equal sections with small overlaps.
Photographs induded in the original manuscript have been reproduced xerographically in this copy. Higher quality 6- x
sr
black and white photographie prints are available for any photographs or illustrations appearing inthis copy for an additional charge. ContactUMI direcllytoarder.Bell&Howell Information and Laming
300 North Z8eb Raad, Ann Arbor, MI 48108-1346 USA
•
•
Sylvain Fournier
Institut de Droit Comparé
Université
McGiII
Montréal
Décembre 1997
LE PROCESSUS DE REDRESSEMENT DE GRIEF
DES FORCES ARMÉES CANADIENNES
-MISE EN CONTEXTE ET CRITIQUE
Mémoire présenté
à
la Faculté
d'études supérieures et de recherche
dans le cadre de l'obtention du
diplôme de Maîtrise en droit (LL.M)
1+1
National Ubrary of Canada Acquisitions and Bibliographie Services 395 Wellington Street Ottawa ON K1A 0N4 Canada Bibliothèque nationale ducanada Acquisitions et services bibliographiques 395.rueWelington OttawaON K1A0N4 canadaThe author bas granted a
oon-exclusive licence allowing the
National Library of Canada to
reproduce, lom, distnbute or sen
copies of this thesis in microfonn,
paper or electronic formats.
The author retains ownership of the
copyright in this thesis. Neither the
thesis nor substantial extracts from it
may he printed or otherwise
reproduced without the author' s
pemusslon.
L'auteur a accordé une licence non
exclusive
permettant
à la
Bibliothèque nationale du Canada de
reproduire, prêter, distnbuer ou
vendre des copies de cette thèse sous
la forme de microfiche/film, de
reproduction sur papier ou sur format
électronique.
L'auteur conserve la propriété du
droit d'auteur
qui protège cette thèse.
Ni la thèse
ni
des extraits substantiels
de celle-ci ne doivent être imprimés
ou autrement reproduits sans son
autorisation.
0-612-44056-7
•
•
A la mémoire de mon père Jean-Paul Fournier (1923-1990) qui a contribué
à
la réalisation demon rêved'êtrejuriste•
•
SOMMAIRE
Cette thèse a pour but d'analyser le mécanisme de redressement des griefs des Forces armées canadiennes. Pour ce faire on étudiera de façon comparative un processus similaire dans les forces armées américaines.
L'auteur veut avant identifier dans cette recherche ce qui est source de problèmes dans le système en place au Canada, afin de suggérer des améliorations.
Les deux premières parties de cette thèse visent
à
exposer les particularités de la vie militaire car le processus de redressement des griefs dont il est question ici évolue dans un cadre de travail et au sein d'une institution qui sont uniques en leur genre.Les deux parties suivantes porteront sur le cadre juridique
à
('intérieur duquel évoluent (es militaires et sur la genèse des dispositions sur les griefs. Ensuite on procéderaà
un examen détaillé du mécanisme qui est étudié ici.Les deux dernières parties de la thèse traiteront respectivement du contrôle qu'exercent les tribunaux de droit commun sur le processus à ('étude et des critiques que l'on peut légitimement formuler à l'encontre de ce processus. Par la suite suivra un exposé succinct des avantages que présenteraient un sytème intégré reprenant les aspects les plus positifs des procédures canadiennes et américaines exposées plus tôt.
MSTRACT
The purpose of this thesis is to examine the procedure for the redress of grievances in the Canadian Armed Forces. A comparative study of the paralIel system under the Americain law will be undertaken.
The author's wish is to highlight deficiencies in the Canadian grievance procedure and to suggest changes which would improve the procedure.
The military context is reviewed in the first two parts of the thesis, it being the view of the author that the grievance procedure evolves in a work environment and as part of an institution which are unique.
ln the following parts, the thesis will situate the military personnel within the legal framework in which it operates and will trace the origins of the grievance procedure. A detailed examination of the procedure will then be presented.
The last two parts of the thesis deal with judicial review of decision made in the grievance process and with a eritical appraisal of the process. An overview of criticisms which may be leveled at this process in the Canadian Armed Forces will be followed by observations on the advantages of a system integrating positive features of the Canadian and American systems.
•
•
REMERCIEMENTS
Je tiensàremercier mon directeur de thèse, M. Yves-Marie Morissette, professeurà la faculté de droit de l'Université McGiII, qui m'a secondé dans la rédaction de cette thèse. Son souci du détail et de la perfection m'a permis de donnerà cette thèse plus de rigueur, de clarté et de nuances.
J'aimerais remercier M.Denis Fournier pour l'aide qu'il ma apportée dans la révision des nombreuses ébauches de cette thèse ainsi que pour ses judicieux commentaires.
Cette thèse n'aurait jamais été terminée sans le support quotidien et les encouragements constants de ma femme la Or.Gertraud Herzog. Son amour a
été
une importante source de motivation. Son appui m'a permis de compléter ce travail et vivre une année enrichissante.Je remercie également les personnes qui liront cette thèse de prendre part à mon travail.
•
•
Mises EN GARDE AU LECTEUR
Les opinions émises dans cette thèse sont celles de l'auteur. Il va sans dire qu'elles ne lient d'aucune façon le Cabinet du juge-avocat général des Forces armées canadiennes, le Ministère de la défense nationale ou le Gouvernement du Canada.
•
••••••••••••••••••••••••••••••
Pour des considérations purement pratiques et afin d'alléger le texte, nous avisons le lecteur que l'emploi des mots du genre masculin englobent le genre féminin et vice-versa
à
moins que le contexte ne nécessite une interprétation différente.•
TABLE DES MADÈRESSOMMAIRE
REMERCIEMENTS ii
MISES EN GARDE iii
TABLE DE MATIÈRES iv
LISTE DES ABRÉVIATIONS
x
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
PREMIÈRE PARTIE - LE CONTEXTE MILITAIRE
41. Le serment d'allégeance 5
2. La discipline et la hiérarchie 6 3. Les obligations du serment d'allégeance pour le militaire canadien 7 4. Renonciation
à
une certaine liberté 7 5. Une renonciation choisie et non imposée 9 6. Les ordres et le principe d'obéissance 10 7. La tenue, les avantages et les contraintes de la vie militaire 11 8. La notion d'appartenanceà
un régiment 129. Aspects de la vie sociale militaire 12
10. Les droits applicables aux militaires et le système de justice 13
11. Statistiques sur le personnel des forces armées canadiennes et
américaines 13
DEUXIÈME PARTIE - LE LIEN JURIDIQUE DE DROIT
COMMUN ENTRE LE MILITAIRE
ET L'ÉTAT
16
1. DROIT CANADIEN 17
A. Le lienjuridique 17
•
13. Signification historique du lien juridique 14. Fondement constitutionnel15. Interprétation des tribunaux
16. Caractéristiques du lien juridique et limites
17. Statut du militaire en droit positif canadien, enrôlement et libération
17 18
19
20 22B. Incidence de la Charte canadienne sur le lien juridique 23
18. La Charte, laprérogative et les FAC 24
19. Limites
à
la prérogative 25Il. DROIT AMÉRICAIN 2&
A. Le lien juridique 2&
20. Fondement constitutionnel et nature du lien juridique 27
21. Cessation du lien juridique 28
B. Protections constitutionnelles 29
22. Cadre interprétatif 29
23. Droit de s'enrôler et d'être libéré des Forces armées 30
24. Conscription 31
TROISIÈME PARTIE • LA SITUATION MILITAIRE DANS
SON CADRE LÉGAL
33
1. DROIT CANADIEN 34
A. Rappel historique 34
25. Les racines britanniques 34
26. Législation relative aux forces de la marine britannique et canadienne
35
27. Législation relative aux forces de l'armée britannique et canadienne35
28. Législation relative aux forces de l'air britannique et canadienne 36•
29. Origine et raison d'êtreB. Genèse des dispositions sur les griefs 30. Première disposition sur les griefs36 36 37
•
31. Dispositions canadiennes d'hierà
aujourd'hui 39 C. Rappel d'une voie parallèle au processus de grief 4032. L'inspecteur général 40
Il. DROIT AMÉRICAIN 41
A. Genèse des dispositions américaines 41
33. Originedesdispositions américaines 41
34. Un processus en péril 42 35. L'enchâssement dans le code de justice militaire et l'arrivé d'une
réglementation 42
36. L'article 138 du l'Uniform CodeofMilitary Justice 43 B. Les voies parallèles au proc_us de plainte 43 37. Révision du dossier personnel d'un militaire 45 38. Procédure pour corriger le dossier d'un militaire 45 39. Procédure pour réviser une libération ou un engagement 46
40. L'inspecteur général 46
QUATRIÈME PARTIE • LE REDRESSEMENT DES GRIEFS
48
1. LE MÉCANISME DE GRIEf DANS LES fORCeS ARMÉES
CANADIENNES ET AMÉRICAINES 49 41. Aperçu d'ensemble 49 42. Sources de la réglementation 50 43. Le militaire plaignant
51
i) Définition51
H) Droit à la représentation 52iii) La mutation du plaignant 53
44. La plainte 54
•
i) Son sujetii) Sa présentation
54
•
iii) Les délais 57iv) Les questions de forme
60
v) Le fardeau de la preuve 61
45. Les autorités décisionnelles 61
i) Identification 61
ii) Rôle de l'autorité décisionnelle
62
iii) Règles de décisions propres au droit américain 65
46. Les enquêtes 66
47. Particularismes canadiens 69
i) Divulgation de la documentation 69
ii) Le processus de grief comme moyen d'appel des
procès sommaires 71
48. Particularismes américains 73
i) La révision des décisions de l'OEJCMG 73
Il. DONNÉES EMPIRIQUES SUR LE PROCESSUS DE GRIEF 73
A. Statistiques canadiennes 73 49. Émergence et perception du processus de grief 73 50. Taux d'insatisfadion envers le processus de grief 76
B. Étude des cau. . . d'insatisfaction 77
51. Méthodologie 77
i) Facteurs influençant la présentation d'un grief 77 H) Évaluation du système de grief par les militaires 78
•
•
CINQUIÈME PARTIE • LE CONTROLE JUDICIAIRE
DU
PROCESSUS DE GRIEF
80
1. LE RÉGIME CANADIEN
81
52. La Cour fédérale
81
i) Juridiction
81
ii) Pouvoirs de la Cour 82
iii) Mesures provisoires, preuve et appel
83
53. Nécessité d'épuiser les recours inteme 84
Il. LE RÉGIME AMÉRICAIN 86
54. Le Administrative Procedure Act 86
i) Procédure 87
ii) Étendue du pouvoir de contrôle 88
iii) Mesures provisoires 89
55. Nécessité d'épuiser les recours intemes 89
III. LA NOTION COMMUNE DE RÉSERVE JUDICIAIRE 90
56. Décisions militaires canadiennes 91
57. Décisions militaires américaines 92
SIXIÈME PARTIE • LE POINT DE VUE EXTERNE
95
1. LE MÉCANISME DE GRIEF DES FORCES CANADIENNES
ET
LA JUSTICE NATURELLE
96
58. État du droit 96
59. L'existence d'un devoir d'agir équitablement 97 60. Contenu de la protection procédurale selon le droit commun 97 61. Le processus de grief et la règle aud; a/teram pattem 98
•
i) L'auditionH) La divulgation de la preuve
98
101
•
62. Le processus de grief et la règle nemo judex in sua causa102
i) L'impartialité
103
a) Définition
103
b) Application au processus de grief
103
c) Critère pour démontrer une violation104
ii) Critique
104
a) Situation type
104
1) Conflit d'intérêts
105
2) Commandant en position de réviser
105
b) Position des tribunaux
106
c) Commentaires
106
Il. CRITIQUE ET ANALYSE
107
63. Une source commune
108
64. Un processus inteme aux forces armées
108
65. Le droit légalement protégé de faire un grief
108
66. la présomption de bonne conduite
109
67. L'objet du grief
110
68. Un système à différents paliers
111
69. Un formulaire type
112
70. la représentation du plaignant
112
71. le cheminement d'une plainte
113
72. L'autorité décisionnelle
114
73. La prescription
115
74. les décisions préléminaires
115
75. La divulgation de la preuve
116
76. Le pouvoir d'enquête
116
77. la procédure judiciaire parallèle
117
78. Les procès sommaires
117
CONCLUSION
119
BIBLIOGRAPHIE
123
TABLE DE LA JURISPRUDENCE CITÉE
127
TABLE DES LOIS CITÉES
131
•
•
•
AIPRD CEM CFPARU DPISFAA
FAC GCMA LPRP MDR MG&S OAFC OEJCMG ORFC UCMJuses
LISTE DES ABRIÉ\IIADONS
Accèsàl'information et la Protection des Renseignements Personnels.
Chef d'état-major.
Canadian Forces Personnel Applied Research Unit. Director Personnel Information Services.
Forces armées américaines. Forces armées canadiennes. General Court Martial Authority.
Loi sur la protection des renseignements personnels. Militaire du rang.
Mise en garde et surveillance.
Ordre administratif des Forces canadiennes.
Officier exerçant juridiction d'une cour martiale générale. Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes.
Uniform Code of Military Justice. United States Code Service.
•
•
Cette thèse a pour but d'analyser le mécanisme de redressement de grief des Forces armées canadiennes (ci-après FAC). Vieillissant, ce dernier ne s'est pas adapté
à
l'évolution du droit administratif en matière de garantiesprocédurales et de droits consacrés par fa Charte canadienne des droits et libertés. De plus, bien qu'il soit l'unique mécanisme permettant aux militaires de dénoncer une injustice, ce mécanisme suscite une telle insatisfaction, qu'il ne semble plus répondreà leurs attentes.
Le but de cette étude est d'identifier ce qui pose problème dans le
mécanisme de grief actuel afin, le jour venu, d'y apporter des changements utiles. La manière de procéder sera de faire une étude comparative de ce mécanisme avec celui des Forces armées américaines (ci..après
FM).
L'intérêt de comparer ces deux systèmes repose essentiellement sur trois raisons. Tout d'abord, le droit public américain est, comme au Canada, d'origine anglo-saxone. Ensuite, les forces armées des deux pays sont de tradition britannique. Enfin, cette méthode est une excellente façon d'évaluer un système légal, puisque l'on ne peut en droit, faire d'expérience scientifique. Un des objectifs de cette étude est de déterminer quels enseignements sontà
tirer de l'expérience américaine.En première partie. nous présenterons le contexte militaire,
à
l'intérieur duquel, le mécanisme de grief évolue. Les FAC sont une institution particulière et la vie d'un militaire répondà
des contraintes que l'on ne retrouve pas dans la vie civile. Un militaire prête serment, renonceà
une certaine liberté, obéitàdes•
•
ordres et est justiciable d'un code de discipline militaire. Dans cette esprit de présenter le contexte militaire, nous analyserons plusieurs autres sujets. Des rapprochements seront également faits avec d'autres institutions comparables
à
celle qui nous intéresse. Enfin, des statistiques concemant le personnel des forces armées canadiennes et américaines seront présentées pour donner une idée de l'importance des institutions.Notre deuxième partie sera consacrée
à
étudier la nature du lien juridique qui unit un militaireà l'état. L'importance de cette étude réside dans le fait que le processus évolueà
l'intérieur d'un cadre de travail. Les tenants et aboutissants de ce lien unique au militaire, seront donc établientà
travers leurs fondements et caractéristiques. Une revue de la position des tribunaux sur ce sujet seraégalement présenté. Puis, nous étudierons l'impact, sur le lien juridique, des garanties constitutionnelles.
Une révision de la situation du militaire dans son cadre légal sera le sujet d'étude de notre troisième partie. Nous voulons comprendre la raison d'être de l'introduction d'un mécanisme de grief au sein des forces armées. Après avoir fait la genèse des dispositions légales sur les griefs dans chacune des armées sous études, nous présenterons des options passés et présentes au processus. Qu'il suffisse de mentionner que les FAA ont plusieurs processus, inexistant au Canada, qui permettent de résoudre des types particuliers d'injustices.
Notre quatrième partie exposera dans sa première section, le
fonctionnement du mécanisme de grief des FAC et des FM. Cette présentation est nécessaire
à
la compréhension des mécanismes. Quoique l'analyse de ce sujet sera technique, nous l'avons présenté essentiellement sous trois thèmes qui•
•
répondent aux questions suivantes: qui peut se plaindre?, de quoi peut-il se plaindre? et, qui décide? Une deuxième section sera consacréeà présenter brièvement des statistiques sur la perception des militaires canadiens dans leur processus de grief ainsi que les résultats d'une étude sur le taux de satisfadion.
La cinquième partie est vouée
à
l'étude du contrôle qu'exerce les tribunaux judiciaires sur le mécanisme de grief. Le but est de connaitre les causes et les limites de leur intervention. Après avoir présenté le cadre légal qui permet aux tribunaux d'intervenir, nous aborderons le sujet de la nécessité de l'épuisement des recours interne. Une deuxième section tentera d'identifier les raisonsderrières la réserve des tribunaux judiciaire, en matière de contrôle.
La sixième partie présentera une critique du système de grief des forces canadiennes. Une première section analysera le mécanisme
à
la lumière des principes de justice naturelle. Notre intention n'est pas de faire une étudeexhautive de ces principes mais plutôt d'identifier ceux qui méritent une réflexion dans le cadre de cette étude. Dans une deuxième section, nous exposerons les avantages d'un système intégrant les aspects positifs des deux systèmes et ferons quelques commentaires.
Nous concluerons notre thèse en rappelant ce qui nous semble être les éléments les plus importants devant guider les auteurs d'une réforme éventuelle du système de grief des FAC. Nous identifierons ces éléments en rappelant entre autres l'importance historique du processus et le cadre particulier
à
l'intérieur duquel il évolue.•
•
LE CONTEXTE MILITAIRE
Une description de l'environnement, à l'intérieur duquel le personnel des FAC évolue est nécessaireà la compréhension du mécanisme de redressement des différends sous étude. La vie d'un militaire répond à des contraintes que l'on ne retrouve normalement pas chez les civils. A partir du serment qu'il prête jusqu' à l'environnement qui deviendra le sien, il est intéressant de regarder le contenu de la vie d'un militaire. Il faut tenir compte de la renonciation
à
une certaine liberté par celui-ci. On verra que l'organisation des FAC se distingue nettement de celle d'autres grands corps ou organismes publics ou privés; une description, dans les grandes lignes, de sa structure, de ses effectifs et des valeurs qui y sontvéhiculées le démontrera. Nous survolerons aussi l'ensemble de la réglemention sur le personnel des FAC et les fonctions qui sont les leurs. Pour terminer,
quelques statistiques concernant le personnel des FAC et des FM. seront présentées.
•
•
1. Le serment
d'allége8nce.
A la base de tout enrôlement militaire se trouve un serment d'allégeance. Les principes et règles
à
l'origine des serments prêtés aux monarques des royaumes d'Europe, dont nous avons hérités, auraient été empruntésà
l'Empire romain. A Rome. sous la République, personne ne pouvait servir dans l'armée sans avoir au préalable prêté un serment qui l'obligeaità
être fidèle et obéissantà
son général; celui-ci. répondait au Roi et au peuple.1Aujourd'hui, dans les FAC,les officiers2 comme les militaires du rang3 (ci-après MOR) doivent prêter serment ou faire une déclaration solennelle de fidélité et d'allégeance
à
sa
Majesté la Reine Élizabeth Deux, Reine du Canada." Nous reviendrons en deuxième partie sur le lien juridique unissant le militaireà
l'État. Qu'il suffise de mentionner pour l'instant que le raisonnement derrière cette obligation est simple. Le serment assurait au souverain une fidélité de ses hommes de troupes. Le souverainpouvait donc mettre fin aux services d'un militaire qui ne respectait pas sa parole. A l'époque, la rébellion et la trahison étaient les deux plus grandes
préoccupations d'un monarque qui possédait sa propre armée. La fidélité prenait donc une signification particulière.
1J. Allen.,/nquiryinlo lhe riseandgrowthofTheRoyalPrerogativeinEngland, Londo~Longman.
Brown, Green andLongm~1849, voir pp. 54 et 55.
2Loiconcernant la œfense nationale, L.R.C. 1985, c. N-5 [ci-après Loi surlaœfense de 1985 ]Article 2
«officier» Personne quiest:a) titulaire d'une commission d'officier de Sa Majesté
dansles Forees canadiennes; b) élève-officier dans les Forees canadiennes; c) légalement affectée en cette qualité aux Forees canadiennes ou détachéeàcetitre auprès de celles-ci.
3Ibid.«militaire du rang» Touteperso~autre qu'un officier, qui est enrôlé dans les Forces canadiennes ou qui, selon la loi, est affectée ou détachée auprès de celles-ci.
4 Ordonnances et règlementsroyaux applicables auxForcesct11lDdiennes(ci-aprèsORFC)6.04.Voir
Supranote 2 article 12; Je pouvoir du Ministre de la Défense nationale et du gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant l'instruction. la discipline,l'et1icacité etlabonne administration des Forces canadiennes; Jes règlements qui régissent les Forces canadiennes sont contenus dans lesORFC
(révision 1994) (avec modificatifs).
•
•
2. La discipline et la hiérarchie.
S'enrôler dans les forces armées entraine des obligations bien particulières qui tiennent
à
la raison d'être de l'institution. L'objectif ultime d'une force armée lors d'un conflit est la vidoire. Pour y parvenir les effectifs qui la composent doivent pouvoir agir de concert avec efficacité et discipline. PourJ.B.
Fay, la discipline peut-être définie comme une attitude de respect envers l'autorité. Il s'agirait: « [...] d'un état d'esprit qui entraine un empressementà
obéirà un ordre peu importe si la tâche qui doit être accomplie est déplaisante. Il ne s'agit pas d'une caradéristique de la communauté civile.» 5Pour un ancien ministre de la Défense nationale, les fondements de la discipline sont: « [...] le respect des chefs, une formation appropriée et un système de justice militaire dont l'équité et la justesse sont universellement
reconnues.»6 La hiérarchie, inséparable de l'idée de contrôle, joue également un rôle très important.7C'est entre autres grâce
à
l'entraÎnement età
l'obéissanceaux ordres et règlements que les forces années accompliront leurs objectifs. Pour être en mesure d'assurer l'obéissance aux ordres, il fut rapidement accepté que les forces armées devaient pouvoir compter sur une législation leur donnant des pouvoirs dans ce domaine.8 Sur l'importance primordiale de la subordination des militaires et la nécessité d'une réglementation surcesujet,
A. F.
Tytler a écrit en 1800 que:Expediency, therefore, and the wisest policy, having rendered the
5 J.B. Fay "Canadian Militory Criminal Law:An Examination ofMiiitary Justice" (1975) 23 Chitty's L.J-120àla page 123.
6 Canada. Rapportau Premierministre sur Le Leadership et l'administrationdansles Forces
canadiennes.25mars 199764. àla page 9. (L'Honorable Doug Young. ministre de la Défense nationale). 7 G. Glenn, TheAnnyandthe Law.New-York, Columbia UniversityPress, 1943,voir pp. 1à 5.
8 A.
o.
HeareLMi/itaryLawand lhe ChanerofRights. 1987-1988.Il DalhousieLawJournal514àla page514.•
•
military condition a regular profession in ail civilized nations, it became neœssary that this body of men, who, from their number, were capable of becoming either a powerful instrument of good, or a formidable engine of evil, should be regulated by certain laws, exclusively adapted and proper to their state. It was a requisite that they should be
regulated by certain laws, exclusively adapted and proper to their state. It was a requisite that they should adwith regularity, with promptitude, and unanimity; and for that purpose it was essentially neœssary that they should teel themselves perpetually under the strictest
subordination, and yield the most perfect and absolute obedience to the command of their leaders. For this purpose, a sacrifice of a greater portion of the personal liberty of individuals is necessary in the
profession of a soldier, than in any other of the employment of civillife; for without that sacrifice the army could not for a moment be kept together.9
3. Les obligations duserment d'allégeance pourlemilitaire canadien.
Prêter serment signifie, pour un militaire canadien, qu'il a le devoir de connaÎtre la Loi sur la défense de 1985 et les règlements qu'il doit non seulement observer mais également faire respecter. Il a aussi l'obligation de promouvoir le bien-être, l'efficacité, l'esprit de discipline et signaler toute infraction à la loi et aux règlements.1o Sauf dans la mesure où cela est nécessaire pour formuler une
plainte en bonne et due forme, il est interdit au militaire de déconsidérer un supérieur en le critiquant.11 Un militaire ne peut, non plus en blâmer un autre en
présence d'un tiers inférieur en grade.12
4. Renonciation. une certaine liberté.
Devenir membre d'un ordre professionnel, d'une association ou d'un club confère des privilèges et engendre certaines obligations. Mais très rarement une personne devra-t-elle renoncerà une partie de sa liberté. Or l'individu qui devient
9 A.F. Tytler.AnEssayon Mi/itaTyLaw andthep,actice o/CourtMani~London., Murray&.Cochrane, 1800.p.3.
10 ORFC 4.02 et 5.01. IlORFC 19.13.
12ORFC 19.14.
•
•
militaire renonce
à
une part importante de sa liberté individuelle. A. F_Tytler a écrit:The only other particular in which the condition of a soldier is in any shape different from that of other citizens with respect to personal liberty,is what is indeed essential and inherent in the very nature of his profession; he is under authority; he is not hisown master, or, as the lawyers say, Sui juris; he can neither dispose of his
own
time, nor regulate at pleasure hisown
actions; and having once embraced the military profession, he cannat. when he chuses [sic], divest himself of that character;but must, in ail matters conneded with his vocation, be subservivent to the commands of his Sovereign, and under him to the authority of those officers who are his superiors.13Aujourd'hui encore, cette subordination totale du soldat aux autorités militaires des forces années de son pays, demeure toujours au coeur de cette institution.14 Un militaire qui s'enrôle devra non seulement respecter le droit
comme tout citoyen mais devra également, comme l'a écrit madame lejuge
L'Heureux-Cubé,
se
conformerà
un certain nombres de traditions, de règles et de tabous que ne connaissent pas normalement ceux qui n'en font pas partie.15 A. V.Dicey a écrit: « A soldier by his contract of enlistment undertakes many
obligations in addition to the duties incumbent upon a civilian. [...]A citizen on entering the army becomes liable to special duties as being a persen subject to military
law.»16
13 Supranote 9 p. 10.
14 Supranote2article33.En venu de cette article chaque militaireestassujettiàl'obligation de service légitime, ce qui signifie qu'il peutàtout moment être appeléàservir,peuimpone les circonstances et là où ses supérieurs le voudront bien.
15R.c. Généreux(1992) 1 R.C.S. 259àla page 327.
16A.V. Dicey,Introduction to lhe study oftheLawofthe Constitution, IOthed,London, Macmillan and Co Ltd, 1960. pp. 301 et 306.
•
•
5. Une renonciation choisie
et
non imposée.A l'exception des époques de conscription, la personne qui s'enrôle le fait de façon volontaire. C'est elle qui décide de renoncerà une partie de sa liberté et même
à
mettre sa vie en danger lors de conflits armés. Or cette renonciation est,à
titre d'exemple, bien différente de la situation d'une personne emprisonnée. Que cette dernière accepte ou pas les limites imposéesà
sa liberté n'a aucuneimportance. L'exercice des droits du prisonnier sera circonscrit par les règlements de l'institution pénitencière dans laquelle il séjournera pour la durée de ra
sentence d'emprisonnement que lui impose la justice. A.C. Diceya comparé l'enrôlement militaire d'une personne avec l'engagement de l'ensemble des ecclésiastiques d'une église.17La vie religieuse comme la vie militaire évolue à
l'intérieur d'un environnement que l'on pourrait qualifier de société distinde. Les militaires, comme les religieux, répondent
à
un droit spécifique qui n'est pas applicable aux personnes qui ne sont pas militaires, ce qui toutefois ne les exempte pas du respect de l'ensemble des lois en vigueurs au pays. Chacun bénéficie également de privilèges particuliers dont ne jouit pas l'ensemble de la population. Cette comparaison entre vie militaire et religieuse donne une image très intéressante du milieu dans lequel se retrouve un soldat. Toutefois laspécificité de la vie militaire se révèle lorsque la personne s'enrôle sachant qu'elfe sera peut-être tenue de participer
à
une opération ouà
une mission qui pourrait bien mettre fin à sa vie.17Ibid p.310 note 3.«A clergymen orthe National Churcb, like a soldier orthe NationalArmy,is subject to duties and to couns to which other Englishmen are not subject. Heisboundby restrictions, as he enjoys privileges peculiar to bis class, but the clergy are no morethansoldiersexem~ftom the law ofthe land.»
•
•
&. Les ordres et le principe d'obéi_ne•.
Dans les FAC des ordres sont publiés
à
différents niveaux. Par exemple, le commandant d'un commandement peut donner des ordresà
l'intérieur de son commandement. L'officier responsable d'une base ou unité, peut également donner des ordres. Ily
a, bien sûr, tous les ordres journaliers de toutcommandant. En plus de cela, tous les militaires doivent obéir auxORFC 18et
auxOrdres administratifs des Forces canadiennes19(ci-après OAFC) publiés
sous l'autorité du Chef d'état-major (ci-après CEM) de la défense.
La
règle est que tout officier ou MDR doit obéir aux commandants et aux ordres légitimes d'un supérieur.20 Pour ce qui est du commandement en général, l'officier le plus anciendans le grade le plus élevé commande.21 Il existe aussi des règles sur la
préséance et quant
à
l'ordre d'ancienneté.22A titre d'exemple un officier prend toujours rang d'ancienneté sur un MOR. Il doit obéirà
tout ordre légitimement donné. Ainsi, dans le cas d'un conflit, si un militaire n'engage pas le combat avec l'ennemi après en avoirreçu
l'ordre, abandonne son poste, se retire sans raison18Supra note 4.
19 Supra note 2 article 18(2)etl'article 1.23 des ORFC qui se lit comme suit:(1)Subordonnémentau paragraphe (2) du présent article, le chefde l'état-major de la défensepeutémettre des ordresetdes instructions qui nesont pas incompatiblesniavec la Loi surladéfense nationale,niavec aucun règlement pris par le Gouverneur en conseil, le Conseil du Trésor ou le Ministre: (a)dans
l'accomplissement de ses fonctions en vertu de/a Loi sur la défense nationale; ou(b)pour expliquer les règlements ou [es mettreà exécution. (2) Aucun ordre ni aucune instruction touchant à la compatibilité des fonds publics ne sera émis en vertu du paragraphe (1) du présent article sans l'assentiment préalable du contrôleur du Trésor.
20ORFC 19.015 note C mentionne que: «Un officier ou militaire du rang n'est pas justifié d'obéir à un
commandement ou un ordre quiestévidemment illégitime. En d'autresterm~le subordonné qui commet un crime par soumission à un commandement, qui est évidemment illégitime,estpassible de punition, pour le crime, par un tnbunalciviloumilitaire. Un ordre ou un commandement qui apparaît à une personne possédant un jugementetune compréhension ordinaires, comme étant nettementillégal constitue un acte manifestement illégitime; par exemple, un commandement dOMé par un officier ou militaire du rang d'abattre un autremilitairequi s'est adresséàlui en termes irrespectueux ou le commandement detirersur un enfantsansdéfense.»
21 ORFC 3.20. 220RFC3.09 à3.12.
•
•
valable du combat ou encorefaitpreuve de lâcheté face
à
l'ennemi, il peut-.être accusé d'une infraction militaire.237. La tenue, les avantageset1_ contnlintes de la vie militaire.
Dans les FAC, la tenue est réglementée24 (barbe, moustache, cheveux et port de l'uniforme) de même que le comportement. Chaque militaire est évalué
annuellement, ce qui lui permettra entre autres d'être promu. Il a droitàune
rémunération. des indemnités
et
des congés.25 Il peut vivre soità
l'extérieur de la base ou dans des quartiers qui, eux, peuvent faire l'objet d'inspections.26 Chaquemilitaire bénéficie des services d'aumônerie et de soins médicaux et dentaires.27
Chaque base ou unité est éauipée d'installations sportives et chaque militaire doit avoir une norme de condition physique minimale.
La
consommation de drogue est une infraction plus sévèrement punie que pour les civils. Un militaire qui fait faillite ou qui est partieà
une procédure de nature civile doit en aviser soncommandant.28 Dans le second cas, un officier assiste
à
la procédure et faitrapport au commandant.29Il est interdit pour un militaire de former une coalition
pour présenter une requête ou pétition ou encore une demande quelconque
à
ses supérieurs.3o Il ne peut pas participerà
des activités politiques, communiquerà
la presse ou s'engager dans des fondions publiques.23 Supra. note 2, articles 73et74. 24ORFCchapitre 17. 25 ORFCchapitres 204,205,209 et 216. 260RFC 19.76. 27 ORFCchapitres 33à35. 280RFC 19.08. 290RFC 19.57. 30 0RFC 19.10. Il
•
•
8. La notion d'appartenance
à
un régiment.Un militaire appartient
à
une unité, coeur d'une force armée, qui dans les armes de combat fait partie d'un régiment. Ces régiments ont avec eux une histoire et l'esprit de corps y est très important. Il est fréquent qu'un militaire considère son régiment comme sa famille. L'entraide y est présente et lesactivités communes nombreuses. Les familles des militaires sont encouragées
à
participerà
toutes les activités organisées et plus onyparticipe plus on s'intègre à cette famille. A propos des régiments, une récente Commission d'enquête du ministère de la Défense nationale mentionna que: « The regimental system forms a strong subculture within the CF that is a pervasive and often unforgiving milieu within which ail combat arms and most other Army personnel live theïr daily lives.» 319. Aspects de la vie sociale militaire.
Le système régimentaire n'est pas la seule influence de la vie sociale des militaires. Le système des mess joue aussi un rôle important. Chaque membre des FAC doit en être membre. Les mess sont divisés en fonction du rang des militaires. Des activités y sont organisés et les militaires sont encouragés ày participer. Une particularité de la vie sociale militaire est que la fraternisation
(romance) entre les différents rangs et surtout entre les officiers et les MDR est
est strictement réglementée. Des mesures disciplinaires et relatives
à
la carrière des militaires peuvent dans certaines circonstances être priseS.32 Une réalitésociale de la hiérarchie militaire fait en sorte que ceux des militaires et leurs familles qui habitent sur les grandes bases se retrouveront dans des quartiers en
31 DND BoardofInquïry.Command ControlandLeadership in Combat2, The Board Report (15 November, 1996) paragraphe 702.
32OAFC 19-38.
•
•
fonction de leur rang. Ainsi les officiers supérieurs habiteront dans une rue différente des capitaines et lieutenants. Les MDR habiteront quant
à
eux dans des endroits qui sont éloignés des habitations des officiers.3310. Les droits applicables aux milit8ires et le système de justice.
Chaque militaire est régi par un code de discipline, qu'il soit au Canada ou
à
l'étranger.34Dans ce code, il ya entre autres des infradions purement militaires(insubordination,désertion etc..) et d'autres qui concernent le comportement général du militaire (conduite déshonorante, ivresse etc...) Parallèlement au droit militaire, le droit privé et pénal, applicables aux civils, le sont également aux militaires canadiens.35Le commandant d'un militaire a des pouvoirs de punition
en fonction du rang du militaire. Il existe un système de cour martiale pour les infractions plus sérieuses et chaque militaire accusé a droit de se faire
représenter par un avocat militaire. Enfin, il est important de rappeler que la nécessité d'avoir des tribunaux militaires distinds des tribunaux criminels
ordinaires pour faire respecter les normes spéciales de la discipline militaire a été reconnue par la Cour suprême du Canada.36
11. Statistiques sur le personne. des Forc. . armées canadiennes37et
américaines.38
Les FAC sont composées de 61 608 personnes. On y retrouve 13 024 officiers dont 1 440 femmes. Les MDR regroupent 48 584 soldats incluant 5 019
33 Supra note 8, p.S29. 34 ORFC chapitres 101 à 119. 350RFC 19.51.
36 Supra note 15, p.293.(M.le JugeLamerpour la majorité)
37 Canada. QuartierGénéralde la Défense Nationale. Director Personnellnfonnation Services,Personnel Reports, au 31 may1997. (L'ensemble des statistiques de cette section proviennent de cette source.) 38 États-Unis. Department ofDefense.Almanac (1996) vol.S. (L'ensemble des statistiques sous cette
section proviennent de cettesource.)
•
•
femmes. Au Canada les femmes représentent donc 10.4% des effectifs militaires. Le nombre de militaires américains est quantà lui impressionnant, soit 1 481 593 personnes. De ce nombre, on compte 233 214 officiers et 1 248379 MOR. Il ya 31 443 femmes chez les officiers et 164 673 chez les MDR. Les femmes
représent 13.2°AJ des membres des FAA. Au Canada, l'âge moyen des officiers est de 34.9 ans alors que celui des MOR est de 33.1 ans. Chez nos voisins américains les officiers ont un âge moyen de 36.6 ans alors que celui des MOR ce situeà 29.4 ans.
Le niveau de scolarisation des officiers des deux pays présente des
différences. Le pourcentage de ceux qui détiennent un baccalauréat est de 54.8% chez les FAC et de 51% chez les Forces armées américaines (ci-après FAA). Chez les officiers qui ne détiennent pas de diplôme universitaire le pourcentage est de 38.2% au Canada comparativement
à
seulement 5.5% aux États-Unis.39Enfin, 6.9% des officiers canadiens détiennent un diplôme d'études supérieures alors que chez les officiers américains ce nombre est de 38.3%. Quant au MDR, les plus grandes différences se situent
à
trois niveaux. Alors que seulement 1.5°A. des MDR américains ne détiennent pas de diplôme d'études secondaires, ce nombre représente 20.7°A» au Canada. Aux États-Unis 20.7% des MDR ont fait des études post-secondaires contre presque la moitié moins au Canada, soit 11.20/0. Finalement, il y a 3.3% des MOR aux État-Unis qui ont une formation universitaire contre 0.5% au Canada. Une dernière statistique démontre que, dans les FAC 63% des militaires sont mariés, 24% célibataires, 2.3% divorcés et39 On peut conjecturer que cette différenceestattribuableà lagratuité scolaire au Canada. Les frais de scolarité étant élevés auxÉtats-Uni~ildevient peut-être intéressant de joindre les FAA et de bénéficier d'études subventionnées.
•
•
3% séparés. Aux États-Unis
à
l'exception des Forces de l'air, où 67% desmilitaires sont mariés,4Oaucune statistique sur ce dernier sujet n'était disponible.
40AirForce Personnel Center, HTIP:l/www.afpc.af.miI/.mail991.
•
•
LE LIEN JURIDIQUE DE DROIT COMMUN ENTRE LE
MILITAIRE ET L'ÉTAT
L'objet de cette partie est d'exposer la particularité du lien juridique entre un militaire canadien et l'État. Il nous apparait important de bien comprendre cette relation car elle fait intégralement partie du contexte dans lequel un militaire
évolue. Ainsi, lorsqu'un militaire présente un grief, c'est
à
l'intérieur des limites de ce lien juridique que sa plainte sera évaluée. Nos sujets d'intérêts seront lefondement historique et constitutionnel de ce lien, ses caractéristiques et
l'interprétation qu'en donnent les tribunaux. Nous examinerons aussi le statut du militaire en droit positif canadien.
Une deuxième section sera consacrée
à
exposer l'approche américaine quant au lien juridique entre un militaire et l'État. cette étude est utile pour deux raisons. Tout d'abord le modèle américain est un exemple qui permet deconcevoir une relation militaire-état différente de l'approche britannique, source du droit militaire canadien. L'intérêt de la comparaison réside également dans le fait que, en dernière analyse. cette relation juridique ressemble beaucoup àcelle qui existe au Canada.
•
•
1. DROIT CANADIEN
A. LE LIEN JURIDIQUE
12. Fondement historique du lien juridique.
le souverain ayant historiquement la responsabilité de défendre son royaume,41 il était nécessaire et naturel, pour lui permettre de prendre charge de sa responsabilité, qu'il ait l'autorité de mettre
à
son service des officiers et des soldats.42 Que le souverain puisse recruter des militaires pour défendre son royaume n'a jamais causé de problème, cela allait de soit. Cependant, quel est le raisonnement sous-jacentà l'autorité de l'État de mettre fin, à son gré, auxservices d'un officer ou d'un soldat? Selon Charles M. Clade le même
raisonnement qui s'est appliquéà la formation d'une armée a été
à
la base du pouvoir de sa dissolution. Pour ce demier, si le souverain peut défendre son État, c'est également pour la sécurité même de cette entité qu'il peut, sansempêchement quelconque, renvoyer ou congédier une ou plusieurs des personnes composant sa force armée.
13. Signification historique du lien juridique.
Il est tout d'abord important de rappeler qu'autrefois, le militaire qui décidait de prêter serment et de s'enrôler dans l'armée de son souverain le faisait sachant pertinemment bien qu'il pouvait être libéréà tout moment, sans aucune
explication et même possibilité de porter plainte.43 les deux principales conditions
41 CM. Clade, TheAdministration ofJustice unde, MilitoryandMartialLaw,1874, John Murray, London, à la page 73.
42 J. Chitty, A Treatise onLaworthe Prerogative orthe Crown, 1820, Butterwonh, London, SOOp.,à la page44.
43 Cefaitesttrop souvent oublié, lorsque l'on considère lesdroitsd'unmilitairedans son Uengagement" avec l'État ouencor~plus imponant, lorsqu'un militaire désire se soustraire de ses obligations.
•
•
pour lesquelles une personne pouvait s'engager dans l'armée étaient (i) une loyauté
à
toute épreuve envers le souverain et (ii) une obéissance implicite àson chef militaire.44Après avoir prêté serment, le droit que le militaire devait respecterse divisait en deux branches. Premièrement, il y avait la Lex scripts, soit
l'ensemble des lois adoptées par le Parlement ainsi que toutes les règles et ordonnances émises par les autorités militaires. Oeuxièment. il devait répondre
à
la Lex non scripts, soit les ordres donnés de vive voix ou autrement. Quant aulien juridique qui le liait
à
l'État, le militaire n'avait aucun droit de résilier son engagement et encore moins de quitter. de son propre chef, le service. Il ne pouvait pas non plus contrader une obligation ou exercer des droitsincompatibles avec l'obligation d'obéissance pour laquelleil s'était engagé.
Pour confirmer et renforcer les obligations militaires que devaient
respecter une personne qui s'enrôlait, des Articles of War45 furent adoptés par le
Parlement, ainsi que des Ordres royaux. Mais le lien, qui permettait de tenir responsable un militaire qui ne respectait pas ses obligations était le serment46 prêté.47
14. Fondement constitutionnel.
C'est en vertu de l'article 91(7) de la Loi Constitutionnelle de 1867,48qui confère l'autorité législative exclusive au Parlement du Canada dans les matières concernant «La milice. le service militaire et le service naval, ainsi que la
44Supra.note 23. Voir page 72.
45 An Actfor punishing Officers or Soldierswho shaJ/ Mutiny or Desert their Majestyes Service(UX),
461689. 1Wm. & Mary,c.S.
Geo. ID., 1799 c. 109.
47Voir toutefois:C.M.Clade, The Mi/itary Forces ofthe Crown; their administrationandgovemment.
vol.il,London, John Murray, 1869àla page 588 appendice LXXXVIll oùilexplique qu'une personne enrôlée sanssennen~ si eUe avait touchée une rémunération, était aussi liéeàl'État.
48 30et31 Victoria, chap.3.
•
•
défense », que les FAC se retrouvent sous le contrôle du gouvernement fédéral.
Il s'ensuit que le Partement a autorité sur le personnel des FAC. L'affaire Carroll c. Canada"9 est la plus récente décision traitant du lien juridique entre l'État et les
membres des FAC. Le demandeur carroll soutenait qu'il avait été injustement libéré des FAC. Il prétendait être lié
à
l'État par un contrat d'emploià
terme fixe qui se terminait en l'an 2003.La
Cour, après étude de la jurisprudence, a conclu que: « (...] there is no cause for wrongful dismissal available to the plaintiff. (...] Militaryservice is an enrolment of service to one' s country not a contract of or for services.»50 On peut s'interroger sur le sens de la mention lIan enrolment ofservice". A la lecture de la décision il apparait que M. le juge Mason voulait tout simplement préciser qu'il n'y a pas de contrat entre l'État et le militaire, au sens d'un contrat d'emploi, mais uniquement un engagement unilatérale de la partdu militaire qui s'enrôle.
15. Interprétation des tribunaux.
Une première occasion pour se pencher sur la nature du lien juridique entre un militaire et l'État s'offrit aux tribunaux dans Mitchell c. R.51Un Colonel
à
la retraite poursuivait l'état pour obtenir une meilleure prime de retraite. LordEscher observa:
The law is as clear as it can be, and it has been laid down over and over again as the rule on this subject that ail engagements between those in the military service of the Crown and the Crown are volontary only on the part of the Crown and give no occasion for an action in respect of any alleged contract.52
49 (1994) 8 C.C.E.L. (2d) 231 (Albena Court Queen's Deneh).
50 Ibid, pp.236& 237.
51 [1896] 1 Q.B. 121àla page 122.
52 Ibid,p.122.
•
•
Au Canada, le juge Audette dans l'affaire Cookc. The
King,53
où un militaire réclamait une rémunération pour son service outre.mer, a repris cette idée. Malgré l'arrivé d'une première législation canadienne en matière de Défense nationale en 1950, donnant ainsi au Canada une loi complète en matière militaire, ce principe n'a pas été modifié pour autant.5416. Caractéristiques du lien juridique et limites.
La principale caractéristique découlant directement de l'engagement d'une personne dans les FAC est le fait que l'État a la possibilité de terminer
unilatéralement l'engagement et ainsi libérer un militaire. Ce principe a depuis très longtemps été reconnu non seulement par les cours de justice55 mais également
à travers la réglementation militaire. A titre d'exemple, au Canada, avant même l'arrivée d'une première loi nationale sur la défense, le « Manual of Military Law 1929 » faisait référence à la terminaison unilatérale par l'État de l'engagement du militaire.56Aujourd'hui le principe a été entériné par nos cours de justice à
plusieurs reprises. L'affaire Gal/ant57en est un bon exemple. Ce dernier
soutenait devant la Cour fédérale que la décision des FAC de le libérer était arbitraire, illégale et injuste et qu'il devait être réintégré dans ses fondions. Gallant ayant contrevenu à un OAFe sur les comportements sexuels déviants,
53 [1929] Ex. C.R 20.àla page 23.«The enlistment ofthe soldierinitstrue substance and meritis
absolutely unilateral. Complyingwiththe requirements ofthestatute, he submits himselfto it and consents to abide by it. While, however, he undenakes to servebissoverei~as required by law. yet there does not, fromthisenlistment paper or otherwise, flow a bilateralcontraetwhereby the sovereignis deprived of bis prerogative to aet as he wills it. The soldier is bound to observe and ohey allorders of His Majesty and of the generals and ofticerssetover bim; heisenlisted or engaged at pleasure and may he displaced bytheCrown at any moment while hebasnoright to resign or vacate bis enlistment [...]». 54VoirFit.:patrickc. TheQueen [1959JEx.CR 405àla page408, Ga/fantc.TheQueen (1978) 91 DL.R.
(3d) 695àla page696et698.
55 Flartyc.Od/um (1790) 100 ER 801; Diclcsonc. Viscount Combermere (1863) 3 F.& F. 527; ln re Tufnel/ (1876) 3 Ch. D. 164;TheQueenc. Cumming (1887) 19 Q.BD. 13.
56Ertractsfrom Manua/ofMi/itary Law 1929. 1941Ottawa1068p. VoirP. 217paragraph30.
57 Supranote 54.
•
•
son commandant décida de recommender sa libération. La Cour fédérale jugea que non seulement elle ne pouvait pas intervenir dans les circonstances, étant donné l'absence d'un contrat d'emploi entre les parties, mais que de plus, Gallant devait s'en remettre au processus interne de grief pour tenter d'obtenir justice.
Bien qu'en principe l'État puisse mettre fin unilatéralement
à
unengagement, il demeure que les tribunaux canadiens sont parfois intervenus lorsque fa décision de libérer un militaire ne respectait pas les principes d'équité. Un militaire canadien qui se voit libérer doit, au minimum, connaÎtre la raison de sa libération et avoir l'occasion d'y répondre.58 Dans l'affaire Diotte c. Canada,59
la Cour fédérale a statué qu'un militaire était en droit d'obtenir l'émission d'un bref de certiorsri dans le cas où il n'avait pas eu la chance de s'expliquer avant que la décision finale sur son engagement soit prise. Cette décision est intéressante pour plusieurs raisons. La décision de la Cour ne considère que l'aspect
procédural de la décision, soit la nécessité de donner au militaire libéré la chance de se faire entendre. Elle n'a rien
à
voir avec le mérite de la décision. Plusencore, bien que l'on pourrait être tenté de voir dans cette affaire une première tentative des tribunaux pour interpréter comme un contrat d'emploi objet de sanction judiciaire le lien juridique unissant le militaire
à
l'État, il n'en est rien. L'unique raison qui a motivé la Cour fédérale àintervenir dans cette affaire fut que les FAC n'avaient pas respecté, lors de la libération de Diotte, les règles minimales de l'équité procédurale.58 Canadian Encyclopedie Digest (Western),vol. 2. 3e éd., Toronto, Carswell, 1996 titre 9. p.58. Voir aussi
Downey c.R.. [1985] F.C. 0-27.
59 Diane c.Canada.(1989) 31F.T.R.185(TD.).
•
•
17. Statut du militaire en droit positif canadien, enr61ement et libération. La Cour suprême du Canada a reconnu dans l'affaire MacKay c.
R.60
que l'enrôlement ne dégageait pas un individu des obligations que chaque citoyen canadien devait assumer. Un militaire qui renonceà
une partie de sa liberté, étant donné que d'autres obligations non imposées aux citoyens ordinaires luiincombent, bénéficie néanmoins de la protection que lui assure la Charte
canadienne des droitset libertés de la personne.61 C'est ce que reconnaÎt l'arrêt
Olmsteadc. Canada.62 Dans cette affaire, ilfut bien établi qu'en dépit de la relation unique entre le personnel des FAC et l'État, un militaire bénéficait de la protection de la Charte. Toutefois, il ne pourra pas y recourir pour dénaturer l'institution dans laquelle il s'est enrôlé. Par exemple dans Canada (Attorney
General) c. Robinson, 63 la Cour a reconnu que le rôle premier d'un militaire dans
les FAC était de se préparer au combat et qu'il pouvait y être appelé
à
n'importe quel moment. Refuser de continuer d'employer M. Robinson en raison de sa condition d'épileptique ne constituait donc pas une atteinteà
ses droits protégés par la Charte car chaque militaire est avant tout un soldat. Or pour être un soldat, une personne doit être en bonne santé étant puisqu'elle peut être appeléeà travailler dans une très grande variété de conditions géographiques et environnementales.6460 [1980] 2 R.C.S. 370.
61 Partie1de laLoi constitutionnelle de J982, constituant l'annexeBde laLoi de 1982 sur le Canada
(R.-U.), 1982,c.ll [ci-aprèsCharte].
62 (1990) 2 F.C. 484.
63 (1994)21 C.RR.R.D/1l3.VoiraussiRivardc. C~(l990)12C.KR.R.D135.
64 En fonction de son emploietde son lieu deservice,chaque militaire se voit imposer une norme médicale minimale. Cette normeestreprésentée par une cote numérique attribuéeadifférents facteurs. En plus de del'annéede naissance,ilya six autres facteurs soit: l'acuité visueUe(V),la perception des couleurs (CV), ['ouïe(H),le facteur géographique (G), [e fàcteur professionnel (0)et['aptitude au vol (A). La cote numériqueattnbuéeà chacun des facteurspeutvarier, par exemple 1à6 dans le cas de la catégorie (V); ainsi, moins [a visionestbonne, plus la coteest élevée. Toutes les classificationsettous les métiers possèdent des nonnes minimales.Enfin, pour lesFACl'imposition de normes médicales minimales vient du devoir imposé par l'article33(1) delaLoiSUTladéjênsedi!1985qui mentionne que: « la force
régulière, ses unitésetautres éléments,ainsique tous ses officiersetmilitaires du rang, sont en
•
•
De nos jours, le serment est toujours une condition
à
l'enrôlement d'une personne dans les FAC. Quelqu'un qui s'enr6le lefait pour une durée fixe ou indéterminée avec comme obligation, de servir jusqu'à ce qu'il en soit légalement libéré. 65 Un militaire a droit à sa libération au terme de son engagement sauf lors de situations d'urgence ou durant une période de service adif.66 Il peutaussi demander sa libération qui lui sera accordéeà
moins qu'il y ait une situationd'urgence ou qu'il soit en service adit. L'État peut libérer un militaire, en vertu des règlements, pour les raisons suivantes: inconduite, service non satisfaisant et raison de santé. A la fin d'une période d'enrôlement, l'État peut également décider de ne pas réengager un militaire; les raisons invoquées étant: l'âge, une rédudion des effedifs, le militaire ne peut plus être employé avantageusement ou est
inapte.67En somme, bien que le lien juridique qui uni un militaire
à
l'État ne soitpas de la nature d'un contrat d'emploi, dans les faits il en a les attributs. A titre d'exemple nous avons vu qu'un militaire peut, en respectant certaines conditions, demander d'être libéré.
B. INCIDENCE DE LA CHARTE CHARTE CANADIENNE SUR LE LIEN JURIDIQUE
Jusqu'à présent nous avons vu qu'historiquement le lien qui unit un militaire à l'État relevait essentiellement de la prérogative royale. Avec
l'enchâssement dans la constitution canadienne de la Charte, on est en droit de
permanence soumisà ('obligation de service légitime». 6SSupra, note 2 anicles20. 22et23 .
66 Ibid, anicle 30. 67 ORFC. chapitre 15.
•
•
nous demander si celle-ci aura un effet sur la prérogative, et par le fait même, sur le lien juridique unissant l'État au militaire. Nous examinerons aussi les limites que ra Charte peut poserà l'exercice de cette prérogative dans le contexte militaire. En somme, nous regarderons sommairement les décisions les plus importantes sur ces sujets.
18. La Charte, la prérogative et les FAC.
L'affaire SDGMR c. Dolphin Delivery LTD68 de la Cour suprême du
Canada, a établià la majorité, sous la plume de M. le Juge Mclntyre, que les actes de la branche exécutive de l'État qui se fondent sur lacommon law, comme
dans le cas de l'exercice de la prérogative. seront inconstitutionnels dans la mesure où la règle sur laquelle ils seront autorisés ou se fondent porte atteinte
à
une liberté ouà
un droit garantie par la Charte. Madame le juge Wilson dans l'affaire Opération Dismantle c. La Reine89 avait également conclu en ce sens enfaisant siens les propos du juge Le Dain de la Cour fédérale: selon lui dans l'application de la Charte, il n'y avait pas lieu de distinguer entre les décisions du cabinet prises en vertu de la loi et celles prises dans l'exercice de la prérogative royale. Pour ce qui est des nombreux règlements des FAC (ORFC, OAFe),il ne fait plus de doute aujourd'hui qu'ils sont également assujetti à la Charte.7o On peut donc affirmer qu'en général le lien juridique entre le militaire et l'État, bien qu'il relève de la prérogative royale. est encadré par les textes constitutionnels dont, au premier chef la Charte.
68 [ 1986] 2 R.C.S. 573,à lapage599. 69 [ 1985 ] 1 R.C.S. 441,à lapage464
70 VoirR.TasséetL. Tassé,«Application de la Cbane canadienne des droits et libertés» dans G.A. BeaudoinetE. Mendes, The Canodian Charter ofRightsandFreedom,3eéd., Scarborougth. Carswell, 1996à la page 2-11.
•
•
19. Limites
à
la prérogative.L'intérêt de la décision dans Opération Dismantle réside également dans les observations en obiter dictum de Madame le juge Wilson quantà l'applicabilité de la Charte sur les décisions qui affectent les militaires. Tout d'abord elle
mentionne qu'une personne mobilisée en temps de guerre, et envoyée au front, aura tous les droits de contester son affectation parce que cela constituerait une atteinteà ses droits en vertu de l'artide 7. Pour elle, si la validité de la
contestation devait dépendre de l'exécutif, et non de laCharte, l''individu mobilisé
n'aurait aucune protection. Elle ajoute cependant que les droits de cette personne ne seraient toutefois pas automatiquement violés car un tribunal devrait
considérer si la conscription en temps de guerre est une c limite raisonnable »au sens de l'article premier de laCharte. En deuxième lieu, Madame le juge Wilson
prend soin de distinguer ce dernier exemple de celui où des civils seraient forcé de se soumettre à l'essai expérimental de gaz neurotoxique mortel pour soutenir l'effort de guerre. Elle écrit «Même si le gouvernement pouvait soutenir que ces expériences constituent une part importante de l'effort de défense, j'estimerais difficile de croire qu'elles survivraient
à
un examen judiciaire de la Charte )t.71Bien que dans chacun des exemples de Madame le Juge Wilson la personne affectée serait sous l'effet de ra contrainte, le fait d'avoir choisit volontairement de s'enrôler n'empêcherait sûrement pas un militaire de se prévaloir des dispositions de la Charte. Les décisions du Tribunal des droits de la personne nous en
donnent des exemples.72
Toutefois, dans le cas des militaires qui se sont enrôlés volontairement, n·y a-t-il pas lieu de penser que la prérogative royale, source du lien juridique les
7i Supra. note 69p.473. 72 Voir.Supra note
•
•
unissant
à
l'État, serait assimilableà
une règle de droit au sens de rarticle premier de la Charte? Sinon, comment l'État pourrait-il justifier renvoi au front d'un soldat qui s'y refuserait par exemple, pour le motif que cela porte atteinteà
son droità
la sécurité de sa personne en vertu de l'article 7 de fa Charte?Évidemment soutenir que la prérogative royale est assimilable
à
une règle de droit n'est pas une simple tâche. Néanmoins, dans le cadre particulier du service militaire il y a lieu de s'interroger. Il est peut-être utopique de croire que l'État canadien ne pourra pas un jour, envoyer au front un militaire qui invoque un droit garantie par la Charte. Pourtant un tel droit ne peut être restreint en vertu de l'article premier de la Charte que par une règle de droit. Il sera donc très intéressant de connaitre la position des tribunaux sur cette question.Il. DROIT AMÉRICAIN
A. LIEN JURIDIQUE
Puisque l'on ne peut parler de prérogative royale dans un système présidentiel comme celui des États-Unis, il nous semble utile dans le cadre de cette étude de voir comment le droit américain conceptualise le lien juridique unissant le militaire
à
l'État. la comparaison peut nous éclairer sur l'effet des garanties constitutionnelles dans le contexte militaire. De plus, les décisions américaines permetteront peut-être de voir une facette du contexte militaire qui n'a pas encore été abordée par les tribunaux canadiens.•
•
20. Fondement constitutionnel et n8tUre du lien juridique•
La constitution américaine accorde au Congrès les pouvoirs lui permettant de créer et de financer une force armée.73 Le personnel des FM est, comme
celui du Canada, composé d'officiers et de soldats. C'est le Président des
États-Unis qui propose et, avec le consentement du Sénat, nomme les officiers.74 Ceux-ci reçoivent une commission qui est émise sous le sceau des États-Unis et signée par le Président. La durée de la commission est pour une période
indéterminée.75Une loi
peut
toutefois modifier le statut d'un officier ouy mettrefin.76 Quant au soldat qui s'enrôle, il a été reconnu depuis longtemps que son
engagement crée un contrat exécutoire entre les parties.77 La jurisprudence a
toutefois pris soin de préciser qu'il s'agissait d'un contrat d'une nature
particulière.78 La particularité vient de la nature de l'emploi même du militaire, qui
modifie ainsi le statut de ce dernier.79 Il a été reconnu entre autres qu'un soldat ne peut mettre fin unilatéralement
à
son contrat.eo Il peut toutefois en obtenir larésiliation si son consentement a été obtenu par fraude ou erreur, comme pour tout autre contrat.81 En fait les principes traditionnels du droit des contrats
73
v.s.
Const. art.Lsection 8. 74V.S. Const. art.ILsection 2.75 0 'Callahanc.
u.s.,
451 f.2d 1390(Ct.Cl. 1971 ).76 NormanCo U.S., 392F.2d2S5(Ct.Cl. 1968).Ala page 259:«The status oftbese officerswas
not a common lawcontraetualrelationship [...]».
77U.S. c.Grimley, 137 U.S. 147 (1890).
78 Adamsc.Clifford,294 F. Supp. 1318 (D.C. Hawaii 1969).Desréservistes sont mis en service actifet envoyés àHaw~contrairementà17
engagement qu'ils avaientsigné.Legouvernement peutmodifier
unilatéralement les règlesquileur sont applicables. Voir aussiBrucec.
u.s.
ArmY7508 F.Supp. 962 (D.C. Mich.1981 ).79 United StatesC.Keating7 121 F.Supp. 477(D.C.0Ii. 1949).Lejuge Shaw donne des exemples de
différences entre les droitsetprivilèges d'un citoyen et ceux d7
un militaire.D parle7 entre
autres.
del'absence delibertéd7
expression ou du droitàla vie.
80 Chavezc.Ferguson, 266 f.Supp_ 879 (D.C.Cal.I967).Lesoldat Chavez qui s7
étaitvolontairement,
enrôlerrefusa après quelquesann~par objection deconscien~d7
0béiraux ordres. Orils'estfàit rappeler par la cour, qu'il n7
étaitpassuffisant de soulever un tel motif pourmettrefinàson contrat. 81Remisc. Whalen, 341 F.Supp. 1289 (D.C. Calif.1972).
•
•
s'appliquent.82 Enfin, selon la loi, la durée du contrat d'un soldat est pour une
période fixe.83
21. Cessation du lien juridique.
Les conditions permettant de mettre fin au lien juridique entre les militaires américains et l'État sont énumérées dans la loi. Pour ce qui est des officiers. on pratique une distindion entre ceux de la force régulière et de la réserve. Un officier de la régulière peut être congédié pour trois raisons: lors d'une
condamnation par cour martiale générale, suite
à
une commutation de sentence et, en temps de guerre, par ordre du Président.84A
l'origine, le Président avait lepouvoir de congédier un officier sans donner de raison.85 Il a également été
reconnu que le Congrès a toujours la faculté, par l'adoption d'une loi, de mettre fin au lien unissant l'officer
à
l'État, celui-ci n'ayant aucun droit dans son emploi.86Pour ce qui est de l'officier de la réserve, la règle veut qu'il peut être congédié au bon plaisir du Président.87 Quant au soldat, l'arrivée du terme de son contrat
mettra fin
à
son emploi. Il pourra cependant être congédié dans les cas suivants: condamnation par une cour martiale spéciale ou générale, par l'effet de loi ou encore selon les prescriptions du secrétaire d'État responsable. Dans l'affaireBrigantec. United States,8I la cour a reconnu le pouvoir du ministre de la marine de congédier un soldat avant l'arrivé du terme de son contrat. Dans une autre affaire, la cour a rappelé
à
un soldat qui contestait sa libération, suite au résultat positif d'un test de dépistage de cocaïne, qu'il n'avait aucun droità
son emploi,82 Pence c. Brown. 627 f.2d 872 (8th Ciro 1980).
83U. .S c.Cales. 230 F.Supp 273 (D.C.N.Y.l964). 84 10 U.S.C. section 1161 (1986).
85 Blake c. United States. 103 U.S. 619 (1881). 86 Crenshaw c. United Stales. 134 U.S. 99 (1890).
87 10 U.S.C. section 1162 (1986). 88 35 Fed. Cl. 526 (1996).