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Impact du genre grammatical sur les sentiments d’efficacité personnelle d’élèves de collège. Des métiers au masculin : l’illusion du neutre

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-03205068

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-03205068

Submitted on 22 Apr 2021

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Impact du genre grammatical sur les sentiments

d’efficacité personnelle d’élèves de collège. Des métiers

au masculin : l’illusion du neutre

Marie-Laure Steinbruckner, Laurence Thienot

To cite this version:

Marie-Laure Steinbruckner, Laurence Thienot. Impact du genre grammatical sur les sentiments d’efficacité personnelle d’élèves de collège. Des métiers au masculin : l’illusion du neutre. Raisons, comparaisons, éducations : la revue française d’éducation comparée, L’Harmattan, 2015, pp.215-228. �hal-03205068�

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Impact du genre grammatical sur les sentiments d’efficacité personnelle

d’élèves de collège.

Des métiers au masculin : l’illusion du neutre.

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Marie-Laure Steinbruckner et Laurence Thiénot2

Résumé

La quasi-totalité des outils d’aide à l’orientation (inventaire d’intérêts, méthodes éducatives, fiches métiers …) présentent des noms de métiers rédigés uniquement au masculin. Même si beaucoup précisent que les métiers peuvent être exercés aussi bien par des hommes que par des femmes, cela n’est pas sans incidence sur les représentations activées. Chatard, Guimont et Martinot (2005) ont montré l’impact de l’usage du genre grammatical des noms de métiers sur l’auto-efficacité perçue d’élèves de collège. Sachant que les représentations des métiers et les sentiments d’efficacité personnelle (SEP) à leur égard ont une incidence sur les choix d’orientation (Bandura, 2003), notre étude se propose de vérifier si la forme grammaticale des noms de métiers a un impact sur les SEP relatifs à l’exercice de ces métiers auprès d’élèves de 3e. Les résultats montrent une influence positive significative de l’usage simultané du masculin et du féminin sur les SEP des filles pour les métiers exercés majoritairement par des femmes et pour ceux considérés comme « mixtes ». Ces résultats interrogent sur le choix des outils à utiliser dans le champ de l’information et de l’orientation scolaire et professionnelle.

Mots-clés : sentiment d’efficacité personnelle – division sexuée de l’orientation – genre grammatical – noms de métiers

Actuellement 12 % des métiers et seulement 3 familles professionnelles (couvrant 4% des emplois) présentent une mixité équilibrée (entre 48 et 52% de présence d’une des deux classes de sexe). Le gouvernement français a décidé en 2014 de faire de la mixité des métiers une priorité nationale avec l’objectif d’atteindre un tiers de métiers mixtes d’ici 2025. Par ailleurs, la cinquième convention interministérielle (2013-2018) pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes dans le système éducatif signée par six ministères a également réaffirmé cette volonté politique dans le domaine de l’orientation et de l’éducation à l’égalité des sexes. Sur les trois chantiers prioritaires énoncés, un porte sur l’engagement pour une plus grande mixité des filières de formations et à tous les niveaux d’étude.

Une persistance de la division sexuée de l’orientation et du travail

Force est de constater qu’aujourd’hui encore l’orientation demeure fortement sexuée et est source d’inégalités en termes d’insertion et de perspectives professionnelles et ce malgré les nombreuses injonctions à diversifier les choix d’orientation des jeunes, notamment ceux des filles. Filles et garçons tendent à se séparer à chaque palier d’orientation sachant que souvent

1 Les données présentées dans cet article s’appuient sur le travail réalisé par Laura Augouvernaire, Agnès Louyot

Tighremet et Paule Tomi, conseillères d’orientation-psychologues. Mémoire de recherche pour l’obtention du DECOP (2013), Inetop-Cnam. Nous les en remercions vivement.

2 Ingénieures d’étude, chargées d’enseignement et de recherche. Membres du groupe OrigGenre. Le

Cnam-Inetop, EA4132, Centre de Recherche sur le Travail et le Développement. 41 Rue Gay Lussac 75005 Paris. Courriels : marie-laure.steinbruckner@cnam.fr, laurence.thienot@cnam.fr

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2 ce qui est source d’attraction pour les unes est source de rejet pour les autres et inversement (Vouillot, 2012). La division sexuée de l’orientation se traduit en termes de cursus et au sein des cursus en termes de filières ou de spécialités. Ainsi, les garçons sont plus nombreux à entrer dans la voie professionnelle et au sein de celle-ci ils sont très majoritaires dans les sections de production (86%), alors que les filles le sont dans les sections de service (71%)3. Cette division sexuée se retrouve dans l’enseignement général ou technologique avec une surreprésentation des garçons dans les filières techniques et scientifiques. A la fin de la seconde, 50% d’entre eux intègrent une 1ère scientifique générale ou technologique, pour 30% de filles. Les filles sont surreprésentées dans les séries : littéraire, économique et social, sciences et technologies de la santé et du social, de la gestion. Aux filles, les domaines du soin, de l’éducation et de la communication et aux garçons ceux de la production, de la technique et des sciences. Cette division sexuée de l’orientation anticipe et maintient celle du monde du travail.

En effet, on observe une ségrégation horizontale et verticale dans le monde du travail. Les femmes et les hommes ne se retrouvent pas dans les mêmes secteurs d’activités. Elles sont très majoritaires dans les métiers du social et de l’éducation et les hommes le sont dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics et de l’industrie. L’emploi des femmes est concentré sur 10 familles professionnelles sur les 87 recensées, alors que la répartition des hommes est beaucoup plus large. Ainsi pour atteindre une répartition équilibrée, au minimum 52 % de femmes ou d’hommes devraient changer de métiers4. De plus, bien que les femmes soient plus diplômées que les hommes, le « plafond de verre » est toujours d’actualité, les postes à responsabilités et d’encadrement étant toujours majoritairement occupés par des hommes ; les femmes représentent 39% des cadres, et moins de 10% d’entre elles occupent des postes de dirigeantes (Silvera, 2014).

Les mécanismes qui expliquent cet état des lieux sont maintenant biens connus. Les attentes et les pressions auxquelles sont soumis les individus, les modèles proposés aux jeunes et aux moins jeunes participent activement au maintien de cette situation. La socialisation différenciée selon le sexe, via la famille, l’entourage social, les médias et l’école institue et renforce un apprentissage des normes et des rôles de sexe. Les personnes apprennent très vite à adopter des comportements, des intérêts conformes à ce qui est attendu de leur groupe de sexe. C’est ainsi que vont se mettre en œuvre des stratégies et des mécanismes psychologiques comme l’auto censure, la rationalisation ou l’instrumentalisation du projet d’orientation comme affirmation de soi en tant que fille ou garçon (Vouillot, 2014).

Le sentiment d’efficacité personnelle (SEP)

L’auto-efficacité ou sentiment d’efficacité personnelle fait partie des mécanismes psychologiques qui entretiennent la division sexuée de l’orientation. Les sentiments d’efficacité personnelle correspondent à ce que les individus pensent pouvoir mettre en œuvre pour réussir une tâche précise dans un domaine donné (Bandura, 2003). Il s’avère que généralement les filles se sentent plus compétentes pour les métiers et activités où les femmes sont majoritaires et que les garçons se sentent plus compétents pour les métiers et activités où les hommes sont majoritaires (Betz et Hackett, 1981 ; Blanchard, Lallemand, Steinbruckner, 2009). Cela s’explique notamment par le fait que les sentiments d’efficacité personnelle se

3 DEPP (Mars 2014) Filles et garçons sur le chemin de l’égalité. www.education.gouv.fr

4 Argouarc’h, J. et Calavrezo, O. (2013). La répartition des hommes et des femmes par métiers. DARES

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3 construisent en premier lieu par le biais des expériences, notamment celles réussies. Or les opportunités d’expérience et de réussite chez les filles et les garçons différent, en premier lieu du fait de la socialisation différenciée à laquelle elles et ils sont exposés, notamment au sein de la famille et de l’école. Vient ensuite l’influence sociale - via les soutiens et les encouragements ou au contraire les désapprobations – à laquelle sont soumis les individus dès l’enfance et qui s’exerce selon la conformité aux rôles de sexe des activités dans lesquelles elles et ils s’engagent. Ces processus sociaux vont générer chez les jeunes un développement d’intérêts et un investissement dans et pour des champs d’activités différents ; comme par exemple ce qui a trait à la sphère du domestique et aux soins à soi-même et à autrui (valorisée pour les filles) et ce qui a trait à l’exploration et à la compréhension du monde extérieur et de l’usage de la « technique » (valorisés pour les garçons). Cela est renforcé par les modèles d’identification et d’apprentissage proposés, modèles qui sont sexués

Si les mécanismes sociaux et psychologiques qui produisent la division sexuée de l’orientation sont maintenant identifiés, il est étonnant de constater que peu d’études s’attachent au rôle des dispositifs, pratiques et outils (Vouillot et al., 2011).

L’usage du genre grammatical masculin : illusion du neutre

En 1984, le pouvoir politique montre sa volonté d’utiliser le « féminin » pour les noms de métier avec la création d’une Commission de terminologie5 chargée d’étudier l’usage du féminin pour les noms de métier et de fonction. La circulaire du Premier ministre du 11 mars 1986, prescrit la féminisation des noms de métier, grade, fonction ou titre et indique les règles à respecter. Devant le peu d’application, cette obligation est reconduite par le Premier ministre Lionel Jospin dans la circulaire du 6 mars 1998. En 1999, le Guide d’aide à la féminisation des noms de métiers, titres, grades et fonctions élaboré par l’institut national de la française (INaLF) est publié. L’Académie française 6 s’oppose vivement à cette initiative en argumentant que le masculin en tant que genre grammatical non marqué a une valeur générique et que les « surcharges » liées à l’utilisation du féminin – qui pourtant existe dans la langue française – « ne donnent aucune information supplémentaire et gênent considérablement la lecture ». Paveau (2002) évoque à ce propos les résistances auxquelles se heurte la mise en œuvre de l’usage systématique du féminin : « les résistances sont cependant fortes, ancrées dans les mentalités et soutenues par les stéréotypes » (p.123). Plusieurs auteur-e-s ont montré que ces résistances étaient davantage d’ordre idéologique et socioculturel que linguistique (Houdebine-Gravaud, 1998 ; Mathieu & Pierrel, 2009 ; Paveau, 2002). Les principaux arguments utilisés contre l’usage du féminin pour les noms de métier sont : la faible présence de femmes dans certains métiers, le risque de polysémie pour les noms de métiers qui au féminin désignent aussi des objets (ex. coiffeuse, chauffeuse, …), la dévalorisation du métier, les connotations sexuelles induites (ex. entraîneuse) et l’esthétique (« ça sonne mal »). Mais l’argument le plus évoqué et le plus résistant est celui qui consiste à considérer le masculin comme neutre.

Etant donné les débats sur la « féminisation » des noms de métier, on peut s’étonner, comme le souligne Brauer et Landry (2008), qu’il existe peu d’études sur les effets de l’usage du générique masculin dans la langue française, alors qu’elles sont nombreuses dans la langue anglaise à avoir démontré que l’usage du générique masculin n’était pas neutre. Par exemple,

5 Décret du 29 février 1984

6 Déclarations de l’Académie française de juin 1984 http://www.academie-francaise.fr/actualites/feminisation-des-titres-et-des-fonctions et de mars 2002 http://www.academie-francaise.fr/actualites/feminisation-des-noms-de-metiers-fonctions-grades-et-titres.

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4 Gygax, Gabriel, Sarrasin, Oakhill et Garnham (2008) démontrent que l’usage du masculin considéré comme neutre induit des représentations sexuées et par ailleurs discrimine les femmes. En France, à notre connaissance seulement deux recherches présentent des résultats significatifs sur les effets du masculin utilisé comme générique neutre. Dans la première, Brauer et Landry (2008) considèrent l’usage du générique masculin comme problématique car il favorise des représentations mentales sexuées. En effet, ces auteurs montrent au travers de cinq études que l’utilisation du masculin active moins de représentations de femmes que l’emploi des deux genres grammaticaux. L’une d’entre elles qui porte sur les effets du genre grammatical utilisé pour nommer des professions montre que les sujets décrivent plus souvent un homme quand ils doivent se représenter une personne « type » d’une profession même si elle est exercée de façon équilibrée par les deux sexes. Cette tendance augmente quand la profession est nommée seulement au masculin. Ces auteurs ont également constaté que les enfants activaient eux aussi plus de représentations d’hommes avec un générique masculin. La deuxième recherche est celle de Chatard et al. qui démontre que la présentation des professions aux deux genres grammaticaux augmente l’auto-efficacité des élèves. Cette augmentation est significative pour les filles en ce qui concerne les professions stéréotypées « masculines » et pour les garçons en ce qui concerne les professions stéréotypées « féminines ». Selon ces auteur-e-s « … la présentation des professions avec la marque du genre grammatical féminin devrait permettre de suppléer la représentation menaçante de l’androcentrisme » (i.e. le genre grammatical masculin) (2005, p.256).

Problématique

On sait que le SEP joue un rôle important dans les choix d’orientation (Bandura, 2003 ; Lent, 2008). L’étude de Chatard et al. a montré l’influence du genre grammatical utilisé pour les noms de professions sur le SEP des élèves de collège. Or la quasi-totalité des outils d’orientation -quand ils utilisent des noms de métiers-les présentent très souvent au générique masculin. Etant donné le peu de recherches sur ces thèmes, il nous a paru pertinent – dans l’objectif de développer la mixité des formations et des métiers – de mener une étude sur les effets de la présentation des noms de métier aux deux genres grammaticaux sur le SEP des jeunes.

Outre le fait que nous nous attendons à ce que les scores de SEP des garçons soient supérieurs à ceux des filles (Chatard et al., 2005), notre principale hypothèse est que l’utilisation des deux genres grammaticaux (ex : Musicien/Musicienne) pour désigner les métiers augmentera significativement les scores de SEP des filles et des garçons, et ce quel que soit le ratio-sexe du métier.

Méthode

Participant-e-s

Cette étude porte sur 269 élèves de 3ème, 143 filles et 126 garçons (Tableau 1). Nous avons choisi cette classe car elle correspond au premier palier d’orientation qui incite les jeunes à réfléchir sur leurs intérêts pour des métiers et leurs capacités à les exercer.

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Matériel

Nous avons utilisé un inventaire d’intérêts anglo-saxon 7 en cours d’adaptation en France auquel nous avons apporté les modifications nécessaires à cette étude. Une version (A) du questionnaire présentant 108 noms de métiers au masculin (ex : Musicien) a été proposée à la moitié de l’échantillon et une version (B) avec les mêmes noms de métiers rédigés au masculin et au féminin (ex : Musicien/Musicienne) a été soumise à l’autre moitié. Dans les deux versions, les sujets devaient indiquer s’ils se sentaient ou non compétents pour exercer ces métiers sur une échelle en 7 points allant de « Pas du tout compétent-e » à « Très compétent-e ». Les 108 métiers du questionnaire ont été classés en trois catégories : 44 métiers majoritairement exercés par des hommes (au minimum par 75%), 11 métiers majoritairement exercés par des femmes (au minimum par 75%) et 53 métiers considérés comme « mixtes ».

Tableau 1

Effectifs et pourcentage selon le sexe et la version du questionnaire

Procédure

Nous avons analysé les scores moyens des SEP des élèves :

- Selon le sexe : Comparaison des scores moyens des SEP entre les filles et les garçons pour l’ensemble des métiers pour chaque version du questionnaire (Tableau 2).

- Selon la version du questionnaire : Comparaison des scores moyens des SEP chez filles et chez les garçons pour l’ensemble des métiers entre les deux versions du questionnaire (Tableau 3).

- Selon les catégories de métiers : Comparaison des scores moyens chez les filles et chez les garçons entre les deux versions du questionnaire (Tableau 4).

Résultats

Selon le sexe

On constate pour les 108 métiers que les scores moyens des SEP des garçons sont significativement supérieurs à ceux des filles uniquement pour la version A du questionnaire. En revanche, lorsque les noms de métiers sont présentés à la fois au masculin et au féminin (Version B), la différence entre les garçons et les filles n’est pas significative (tableau 2). Pour l’ensemble de l’échantillon, on note que les scores de SEP pour les métiers proposés sont faibles.

7 Personal Global Inventory (PGI) : Measurement of the Spherical Model of Interests and Competence Beliefs de

Terence J.G. Tracey (2002)

Version A (Noms de métiers

rédigés au masculin)

Version B

(Noms de métiers rédigés au masculin et féminin) Total N % N % N % Filles 70 60 73 48 143 53 Garçons 46 40 80 52 126 47 Total 116 43 153 57 269 100

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Tableau 2

Comparaison des scores moyens des SEP des filles et des garçons pour chaque version du questionnaire. SEP Filles Garçons Différences de moyenne (Garçons > filles) N M ET N M ET t p ddl Version A (Masculin) 70 2.48 0.81 46 3.02 0.96 -3.27 <.001*** 114 Version B (Masculin/Féminin) 73 2.83 0.72 80 2.93 1.00 0.68 .248 151 Note : *** p <.001, **p< .01, *p<.05.

Selon la version du questionnaire

L’analyse des différences de SEP selon les versions du questionnaire (Tableau 3) montre un effet positif de l’utilisation du genre grammatical féminin sur le SEP des élèves. Toutefois, si les SEP des filles sont significativement plus élevés dans la condition version B, ce n’est pas le cas pour les garçons. L’utilisation du genre grammatical féminin pour les noms de métiers n’a pas d’impact sur le SEP des garçons, mais a un effet bénéfique sur le SEP des filles.

Tableau 3

Comparaison des scores moyens de SEP chez les filles et chez les garçons selon la version du questionnaire SEP Version A Version B Différences de moyenne (Version B >Version A) N M ET N M ET t p ddl Filles 70 2.48 0.81 73 2.83 0.72 -2.75 .004** 141 Garçons 46 3.02 0.96 80 2.93 1.01 0.51 .308 124 Ensemble des élèves 116 2.70 0.91 153 2.88 0.88 -1.72 .044* 267 Note : *** p <.001, **p< .01, *p<.05.

Selon les catégories de métier

Les résultats par catégorie de métier présentés dans le tableau 4 montrent que les effets de l’utilisation du genre grammatical féminin pour les noms de métiers (version B) sont différents selon les catégories de métiers et selon le sexe.

Pour les garçons, on ne constate aucun effet du genre grammatical sur leur SEP quelle que

soit la catégorie de métiers.

A l’inverse, pour les filles, on observe que la présence du genre grammatical féminin (Version B) augmente de façon significative leur SEP pour les métiers majoritairement exercés par des femmes et pour les métiers considérés comme « mixtes ». En revanche, l’utilisation du féminin n’a pas d’influence sur le SEP des filles pour les métiers majoritairement exercés par des hommes. On remarque que c’est chez les filles qu’on trouve

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7 les scores extrêmes : un score de SEP très faible pour les métiers majoritairement exercés par des hommes (dans la version A) et un score de SEP supérieur à la moyenne théorique pour les métiers majoritairement exercés par des femmes (dans la version B).

Tableau 4

Comparaison des scores de SEP chez les filles et chez les garçons : par catégorie de métier selon la version du questionnaire

SEP Différences de moyenne Version A Version B (Version B > Version A)

M ET M ET t p ddl Filles/Métiers « F» 3.52 1.04 4.01 0.91 -3.004 .0015** 141 Filles/Métiers « H» 1.96 0.85 2.08 0.80 -0.899 .185 141 Filles/Métiers « M» 2.71 0.88 3.23 0.82 -3.661 <.001*** 141 Garçons/Métiers «F » 2.87 1.12 2.67 1.10 1.004 .159 124 Garçons/Métiers «H » 3.13 1.02 3.06 1.08 0.349 .364 124 Garçons/Métiers «M » 2.97 1.05 2.87 1.09 0.459 .324 124 Notes : *** p <.001, **p< .01, *p<.05

Métiers « F » : Métiers majoritairement (≥ 75%) exercés par des femmes, Métiers « H » : Métiers majoritairement (≥ 75%) exercés par des hommes, Métiers « M » : Métiers considérés comme « mixtes ».

Notre hypothèse est en partie confirmée. En effet, l’utilisation du genre grammatical

féminin a une influence positive sur le SEP des filles, mais seulement pour les métiers majoritairement exercés par les femmes et les métiers considérés comme « mixtes ». Pour les garçons, cet ajout du féminin n’a aucun impact significatif sur leur SEP.

En complément de ces résultats quantitatifs, lorsque l’on s’attache aux métiers pour lesquels les filles et les garçons se sentent les plus compétent-e-s (et ce quelle que soit la version du questionnaire), on constate qu’il s’agit de métiers de faible niveau de prestige et dans lesquels elles/ils sont souvent majoritaires. Les filles se sentent particulièrement compétentes pour exercer les métiers de : vendeuse, secrétaire, assistante maternelle, coiffeuse. Pour les garçons, les métiers sont : garde du corps, mécanicien auto, technicien électronique, électricien. Ces métiers correspondent à ceux que les jeunes citent comme convenant mieux aux femmes et aux hommes (Bosse & Guégnard, 2007). Les SEP exprimés par les filles et les garçons reflètent bien la réalité des choix d’orientation des filles vers les services et des garçons vers la technique.

Discussion

Nos résultats montrent, une influence positive de l’usage du féminin pour désigner les métiers sur le SEP des filles pour les métiers majoritairement exercés par des femmes et pour ceux

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8 considérés comme « mixtes ». Si pour ces dernières les résultats sont davantage conformes à ce qui était attendu au vu de la littérature, ce n’est pas le cas pour les garçons.

En effet, notre étude montre que la présence du genre grammatical féminin augmente de façon significative le SEP des filles, sauf pour les métiers majoritairement exercés par les hommes. Le langage ne suffirait donc pas à modifier à lui seul leurs représentations de ces métiers et ainsi leur offrir des modèles d’identification moins sexués. Par ailleurs, comme le souligne Vouillot (2014) les choix atypiques d’orientation peuvent se révéler coûteux, les filles risquant de se trouver « aux prises avec une double contrainte qui leur impose des « contorsions identitaires », faire ce que font les garçons, aussi bien qu’eux sans leur ressembler, et en laissant paraître discrètement leur « féminité »» (p.43).

En revanche pour les garçons, il semblerait que la présentation au féminin des noms de métiers n’ait pas activé chez ces derniers une représentation d’un modèle « féminin » qui les rassurerait quant à leurs compétences, hypothèse formulée par Chatard et al. (2005). Par ailleurs, la présentation aux deux genres grammaticaux peut provoquer chez les garçons une représentation dévalorisée du métier. A se déclarer compétents pour des métiers vus comme « féminins », les garçons s’exposent à ne plus être considérés comme de « vrais garçons », c’est-à-dire comme des garçons présentant des compétences et des intérêts associés au « masculin ». De plus, les professions où les femmes sont majoritaires sont moins valorisées et moins valorisantes socialement. Les garçons auraient donc à perdre de la reconnaissance sociale à s’engager dans des activités ou professions perçues comme convenant mieux aux filles et aux femmes. Ce que Vouillot (2014) qualifie de « double disqualification : identitaire et sociale » (p.43). Bien que des travaux montrent que les hommes exerçant des métiers où ils sont minoritaires, bénéficient d’une évolution de carrière plus favorable. Cet effet « escalator de verre » 8 resterait insuffisant pour contrer « la possible stigmatisation – soupçon d’homosexualité ou de prédation sexuelle, dévalorisation professionnelle ou moindres gains économiques – associée à l’exercice d’un métier dit de femme » (Buscatto et Fusulier, 2013, p.2). Mais il importe de rappeler que l’usage du genre grammatical féminin n’induit pas d’influence négative sur le SEP des garçons.

L’étude de Chatard et al. (2005) a montré que lorsque les métiers étaient présentés au genre grammatical féminin et masculin, les scores d’auto efficacité vis-à-vis de l’engagement des filles et des garçons dans des études pour exercer tel ou tel métier, augmentaient significativement pour les métiers où elles/ils sont minoritaires. Ces auteur-e-s font apparaitre un effet bénéfique de l’usage du féminin sur les SEP des garçons, notamment pour les professions les plus prestigieuses ; tel n’est pas le cas dans notre échantillon. Il n’en reste pas moins que notre étude et celle de Chatard et al. mettent en évidence un effet bénéfique de l’usage du féminin pour les noms de métiers sur le SEP des filles. Au regard de nos résultats, nous estimons que l’usage du féminin pour les noms de métiers n’est pas défavorable aux garçons, et qu’il présente l’avantage d’augmenter le SEP des filles sur un certain nombre de professions.

Plusieurs limites existent dans notre étude, comme le niveau de prestige des métiers qui n’a pas été pris en compte. Nous avons vu que les métiers pour lesquels les filles et les garçons se sentent les plus compétent-e-s sont majoritairement des métiers de faible niveau de prestige. L’hypothèse explicative pourrait être liée aux professions et catégories socioprofessionnelles auxquelles appartiennent les élèves (PCS) de notre échantillon. Mais le nombre de réponses

8 « Plafond de verre », terme venant des travaux de Christine L.Williams (1989,1990) qui évoque la progression

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9 manquantes (ou inexploitables) sur la PCS des parents ne nous permet pas de vérifier cette hypothèse. Par ailleurs, les trois catégories de métier élaborées sur la base du ratio-sexe présentent une différence importante dans le nombre des métiers constituant chacune des catégories avec 41% de métiers pour la catégorie de métiers majoritairement exercés par des hommes et 10% seulement pour la catégorie de métiers majoritairement exercés par des femmes. Ce déséquilibre est cependant le reflet de la division sexuée du monde du travail et est conforme à la répartition habituellement présente dans les questionnaires d’intérêts. Par ailleurs, les seuils retenus pour notre catégorisation de métiers considérés comme « mixtes » sont peut-être trop étendus. Au regard de nos résultats, cette étude se poursuit auprès d’élèves de lycées (classes de seconde) avec une catégorisation de métiers différente et une prise en compte du niveau de prestige des métiers.

Conclusion

Plusieurs études, notamment anglo-saxonnes, ont montré l’influence positive de l’usage du genre grammatical féminin sur les représentations et le moyen de contrer ainsi l’androcentrisme. Mais, il semble que la présentation des noms de métiers aux deux genres grammaticaux reste insuffisante pour créer un modèle d’identification pour les filles et un « modèle rassurant » pour les garçons. On connait le rôle des représentations professionnelles dans les choix d’orientation. Les travaux de Brauer et Landry ont montré que l’usage du masculin comme générique neutre active plus de représentations mentales d’hommes que de femmes. L’usage des deux genres grammaticaux pour désigner les noms de métiers devrait donc permettre aux filles et aux garçons d’activer des représentations professionnelles d’hommes et de femmes et ainsi élargir leurs modèles des possibles. L’usage du féminin ne permettra pas de contrer à lui seul la surreprésentation des hommes et le manque de visibilité des femmes dans le monde professionnel, du fait des normes et des stéréotypes qui restent fortement ancrés dans la société. Cependant, l’emploi des deux genres grammaticaux pour désigner les noms de métiers a une influence positive sur les SEP des filles pour un certain nombre de métiers et ne porte pas préjudice aux garçons.

De ce fait, le féminin existant dans la langue française, utilisons le systématiquement dans les pratiques et les outils d’orientation. Il est un moyen de faire évoluer les représentations des métiers, de susciter des réflexions collectives chez les élèves et dans les équipes éducatives, et permettre ainsi aux jeunes d’élargir leurs choix d’orientation. La mixité des formations et des métiers est un enjeu pour l’égalité entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes. Les professionnels-les de l’orientation doivent s’interroger sur les biais pouvant exister dans les outils qu’ils utilisent couramment dans leurs pratiques.

Références bibliographiques

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Betz, N. E., et Hackett, G. (1981). The relationship of career-related self-efficacy expectations to perceived career options in college men and women. Journal of Counseling Psychology, 28 (5), 399-410.

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10 Blanchard, S., Lallemand, N. et Steinbruckner, M.L. (2009). L’évolution des sentiments d’efficacité personnelle (SEP) scolaires et professionnels de lycéens français entre 1994 et 2006. L’Orientation Scolaire et Professionnelle, 38(4), 417-449.

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