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Les stratégies des partis régionalistes au sein des gouvernements régionaux et nationaux

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Academic year: 2021

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http://lib.uliege.ac.be http://matheo.uliege.be

Les stratégies des partis régionalistes au sein des gouvernements régionaux et nationaux

Auteur : Scapin, Aurore Promoteur(s) : Jamin, Jerome

Faculté : Faculté de Droit, de Science Politique et de Criminologie

Diplôme : Master en sciences politiques, orientation générale, à finalité spécialisée en politiques européennes Année académique : 2017-2018

URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/4903

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Les stratégies des partis régionalistes au sein des

gouvernements régionaux et nationaux

Mémoire réalisé en vue de l’obtention du diplôme de

Master en sciences politiques, orientation générale, à finalité spécialisée en

politiques européennes.

Aurore Scapin

Promoteur: Pr. Jérôme Jamin Lecteurs: Pr. Jérémy Dodeigne et Pr. Quentin Michel

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Je tiens à remercier Messieurs Jérôme Jamin, Jérémy Dodeigne et Quentin Michel, Professeurs à l'Université de Liège, pour leurs conseils avisés ainsi que pour le temps qu'ils m'ont consacré. Je souhaite également remercier toutes les personnes qui m'ont apporté leur aide durant la réalisation de ce travail.

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Table des matières

Liste des abréviations...5

Introduction...6

Chapitre 1er: les partis régionalistes...7

1.1 La typologie des partis politiques...7

1.2 Vocabulaire et définitions...8

1.3 Les partis régionalistes, une vraie famille de partis ?...10

1.4 Nationalisme et régionalisme infra-étatique...11

1.5 Les objectifs et stratégies des partis régionalistes...14

Chapitre 2: les partis régionalistes, de partis d'opposition à partis de gouvernement...16

2.1 Le concept de gouvernance multi-niveaux...16

2.2 Les niveaux régional et national...17

2.3 Le niveau européen...19

Chapitre 3: présentation des partis régionalistes étudiés...22

3.1 Catalogne: l'Esquerra Republicana de Catalunya et le Partit Demòcrata Europeu i Català...22

3.2 Ecosse: le Scottish National Party...27

3.3 Flandre: la Nieuw-Vlaamse Alliantie...30

3.4 Nord de l'Italie: la Lega...32

Chapitre 4: l'indépendance, un objectif commun et des chemins divers...37

4.1 Méthodologie...37

4.2 Les différentes stratégies mises en place par les partis régionalistes...39

Conclusion...53

Bibliographie...56

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Liste des abréviations

ALE: Alliance libre européenne

CDC: Convergència Democratica de Catalunya CdR: Comité des Régions

CD&V: Christen-Democratisch en Vlaams CiU: Convergència i Unió

ERC: Esquerra Republicana de Catalunya JxSí: Junts pel Sí

M5S: Movimento 5 Stelle NPS: National Party of Scotland N-VA: Nieuw-Vlaamse Alliantie

Open VLD: Open Vlaamse Liberalen en Democraten PDeCAT: Partit Demòcrata Europeu i Català

PP: Partido Popular PS: Parti socialiste

PSC: Partit dels Socialistes de Catalunya PSOE: Partido Socialista Obrero Español SNL: Scots National League

SNP: Scottish National Party

UDC: Unió Democràtica de Catalunya UE: Union européenne

UEM: Union économique et monétaire VU: Volksunie

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Introduction

Aujourd'hui, les revendications régionalistes infra-étatiques sont au coeur de l'actualité. Les partis politiques réclamant une autonomie accrue pour leur région se font de plus en plus présents en Europe. Rares sont les Etats membres de l'Union européenne qui peuvent se targuer d'être exemptés de ce phénomène. De plus, ces dernières années ont été marquées par l'accession au pouvoir de ces partis régionalistes, que ce soit au sein d'un gouvernement régional ou d'un gouvernement national. Cette accession aux fonctions exécutives leur a offert de nouvelles opportunités et leur a permis de faire valoir leurs revendications de manière plus prégnante. En quelques années, nous avons pu assister à plusieurs référendums contraignants ou non, légaux ou illégaux, en vue d'une autonomie plus accrue, voire de l'indépendance de la région concernée.

Certaines dynamiques régionalistes se sont montrées plus actives que d'autres, notamment à partir du moment où les partis régionalistes ont accédé au pouvoir. C'est pourquoi, l'attention de ce travail ne sera portée que sur certains partis régionalistes pouvant se targuer d'une certaine expérience gouvernementale au niveau régional, voire national. La participation gouvernementale de cinq partis régionalistes est étudiée. Les partis ici étudiés sont: la Esquerra Republicana de Catalunya, la Lega, la Nieuw-Vlaamse Alliantie, le Partit Demòcrata Europeu i Català et le Scottish National Party. Ces partis sont assez similaires à certains égards, mais également assez différents à d'autres. Ce sont tous des partis régionalistes, c'est-à-dire qu'ils défendent les intérêts de leur région notamment à travers une demande d'autonomie accrue. Ils ont tous déjà participé à plusieurs gouvernements et ils connaissent actuellement un certain succès électoral. De plus, ils ont réussi à provoquer de nouvelles opportunités en vue de l'autonomie de leur région. Malgré ces points communs, ces partis sont assez distincts quant à l'intensité de leur demande autonomiste. En effet, certains sont en faveur de l'indépendance de leur région, tandis que d'autres se contentent d'une demande d'accroissement des pouvoirs et des responsabilités de celle-ci. Précisons que ces revendications peuvent également évoluer au fil du temps et des opportunités politiques. Enfin, ces partis sont également distincts sur le plan idéologique, puisque ces cinq partis sont dispersés sur l'ensemble de l'axe gauche-droite. La Lega fait, à ce propos, office d'exception puisqu'il s'agit du seul parti ici étudié considéré comme un parti antisystème et d'extrême droite. C'est précisément ces dissemblances qui rendent la comparaison de leurs actions pertinente.

Nous tentons donc, dans le cadre de cette recherche, de déceler les stratégies mises en place par ces cinq cas en vue de la poursuite d'autonomie pour leur région, afin d'en retirer des similitudes et des points de divergence dans leurs revendications et leur façon d'agir au sein d'un gouvernement. Afin de déceler les stratégies de ces différents partis régionalistes, nous procédons en plusieurs étapes. Tout d'abord, une typologie de partis permettant d'aborder les partis régionalistes est présentée. Ensuite, les caractéristiques de ces partis spécifiques sont détaillées. Par ailleurs, une explication des enjeux liés à une participation gouvernementale à différents niveaux de pouvoir est établie. Enfin, après une présentation des cinq partis considérés, nous tentons d'établir les différentes stratégies établies par ceux-ci et de déceler les points communs et les divergences de leurs actions.

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Chapitre 1er: les partis régionalistes

Une présentation des partis régionalistes et de leurs caractéristiques propres est réalisée dans ce chapitre1.

1.1 La typologie des partis politiques

Dans le cadre de ce travail, nous nous basons sur la typologie de Daniel-Louis Seiler induite du modèle des quatre clivages fondamentaux de Lipset et Rokkan.

Daniel-Louis Seiler, dans son ouvrage « Partis et familles politiques », s'attache à la question des familles politiques. Selon lui, « la seule perspective théorique qui puisse fonder une typologie des familles politiques reste celle que Lipset et Rokkan proposèrent (...) En effet, les familles de partis se forment à partir d'axes conflictuels qui se recoupent de manière orthogonale »2. Ces axes

conflictuels naissent de révolutions. Les deux auteurs en identifie deux qui donnent chacune naissance à deux conflits. Un conflit pacifié devient un clivage. La première révolution est la révolution nationale du 16e siècle qui donna naissance au clivage Eglise/Etat et au clivage centre/périphérie. Les deux autres clivages sont les clivages urbain/rural et possédants/travailleurs qui ont émergé de la révolution industrielle du 18e siècle. Nous nous retrouvons ainsi avec quatre clivages issus de deux révolutions distinctes. Deux familles de partis antagonistes naissent de chaque clivage, nous avons donc huit familles de partis. Il est nécessaire de préciser que « Rokkan n'use pas de son paradigme de clivages pour établir une typologie spécifique des familles politiques quoi qu'il en découle une tout naturellement (...) »3.

Daniel-Louis Seiler, avant de présenter sa classification de différentes familles de partis politiques basée sur les travaux de Rokkan, donne une définition de cette dernière notion. Selon lui, « familles de partis sous-entendent l'existence d'affinités qui créent une parenté entre les partis qui la forment »4.

Le premier clivage possédants/travailleurs induit la naissance de deux partis de classes: partis bourgeois et partis ouvriers. Les partis bourgeois ont une base sociale assez étendue, elle regroupe toutes les couches de la société qui comprennent des possédants. De plus, ces partis défendent le libéralisme démocratique5. Tandis que les partis ouvriers ont une base sociale vaste qui regroupe

« tous ceux qui ne possèdent pas de moyens de productions autres que leur force de travail »6. Ils

défendent les salariés et le mouvement ouvrier.

Le deuxième clivage Eglise/Etat fait émerger les partis cléricaux et anticléricaux. Les premiers sont en faveur de la défense religieuse, tandis que les seconds furent « des partis dont la justification majeure fut l'opposition à l'Eglise, son pouvoir et ses valeurs »7.

1 Vous trouverez en annexe 2 une brève présentation des partis politiques classiques ainsi que de leurs fonctions et objectifs.

2 SEILER, D.-L, « Partis et familles politiques », Presses universitaires de France, coll. « Thémis », Paris, 1980, pp. 76-77. 3 Ibid., p. 86. 4 Ibid., p. 101. 5 Ibid., pp. 139-154. 6 Ibid., p. 215. 7 Ibid., p. 299.

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Le clivage rural/urbain ne fait naître qu'un seul type de famille de partis. En effet, le versant urbain ne fait émerger aucun parti. Seul le versant rural fait naître les partis agrariens. Toutefois, ceux-ci sont assez rares. Ils défendent les valeurs rurales, la paysannerie et s'opposent à l'industrialisation des sociétés8.

Le dernier clivage, le clivage centre/périphérie, est celui qui nous intéresse le plus dans la mesure où il fait naître les partis communautaires, c'est-à-dire les partis centralistes et les partis autonomistes. Les premiers sont les partis qui soutiennent l'édification nationale. Ils ont pour but d'unir la population autour de l'élément fondateur qui est la nation. Ces partis sont souvent considérés comme des partis de droite, toutefois, ceux-ci sont contre toutes les « divisions sociales, ethniques ou religieuses (...). Ce qui explique leur souci d'une politique sociale visant à résorber les antagonismes de classes. Cela explique aussi l'accent qu'ils mettent sur l'Etat et le rôle qu'ils lui accordent dans la vie économique et sociale »9. En guise d'exemple, nous pouvons citer le FPÖ en

Autriche ou encore le Likoud en Israël. Ces partis s'opposent aux partis autonomistes, c'est-à-dire les partis défenseurs de la périphérie en termes « rokkaniens ». Précisons tout de même que les deux types de partis communautaires recourent tous deux au terme « nation » mais celui-ci ne recouvre pas les mêmes réalités. En fait, deux nationalismes s'affrontent: « celui du centre dominateur et celui de la périphérie dominée (...) la périphérie recourt à la nation ethnique, le centre la combat au nom de la nation étatique (...) »10.

1.2 Vocabulaire et définitions

Dès que nous abordons le sujet des partis défenseurs de la périphérie au sens donné par Lipset et Rokkan, nous sommes assez rapidement confrontés à une multitude d'appellations différentes et éparses. Une certaine confusion relative aux différentes terminologies employées dans la littérature pour nommer ces partis subsiste. En effet, de nombreuses dénominations plus ou moins pertinentes sont mobilisées, tâchons donc d'en faire une présentation non exhaustive.

Tout d'abord, l'appellation « parti nationaliste » est de temps en temps employée. Ernest Gellner considère que pour qu'il y ait nationalisme, l'unité politique doit coïncider avec l'unité nationale11. Toutefois, cette dénomination manque de pertinence dans ce cas car beaucoup de partis

étatiques sont considérés comme des partis nationalistes si nous nous référons à cette définition. Afin de contrer ce problème, certains auteurs préfèrent parler de « parti nationaliste minoritaire »12

ou encore de « parti micro-nationaliste »13.

Par ailleurs, des auteurs tels que De Winter et Seiler, ont proposé le qualificatif « parti autonomiste ». Ce dernier définit le projet autonomiste comme un projet qui « repose sur une volonté de refus de la dépendance de la périphérie et qui, positivement, vise à amener une communauté territoriale incluse dans un système plus grand à conquérir la maîtrise de son destin »14. Bien que ce terme demeure imparfait, notamment en raison du fait que certains partis

8 SEILER, D.-L, « Partis et familles politiques », op.cit., pp. 411-420. 9 Ibid., p. 348.

10 Ibid., p. 370.

11 GELLNER, E., « Nations and Nationalism », Blackwell Publishing, 2e édition, 2006, p. 1.

12 FAGERHOLM, A., « Ethnic and Regionalist Parties in Western Europe: a Party Family ? », Studies in Ethnicity

and Nationalism, vol. 16, n°2, 2016, p. 308.

13 SABOURIN, P., « Les nationalismes européens », Presses universitaires de France, coll. « que sais-je », Paris, 1996, p. 67.

14 SEILER, D.-L, « Les partis politiques en Occident. Sociologie historique du phénomène partisan », Ellipses, Paris, 2003, p. 97.

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étatiques en Europe se déclarent en faveur d'une certaine forme d'autonomie pour les régions infra-étatiques15, il présente tout de même l'avantage d'être assez inclusif et pourrait convenir au sujet

traité dans ce travail. D'autant plus si l'on considère que la demande d'autonomie peut fortement varier d'un parti autonomiste à un autre, cela pouvant aller jusqu'au séparatisme16. Cette notion a

pour volonté de mettre en avant l'objectif principal de ces partis: une autonomie accrue.

Ensuite, De Winter a proposé le terme « ethno-régionaliste » dans le but de mettre en évidence aussi bien l'aspect territorial que l'aspect ethnique, c'est-à-dire culturel et/ou linguistique du parti politique. Cependant, à nouveau, cette qualification présente des inconvénients. D'une part, tous les partis défendant la périphérie ne mobilisent pas l'aspect culturel et, d'autre part, comme il a été émis précédemment, certains de ces partis ne se veulent pas défenseurs d'une seule ethnie17. Toutefois,

Andreas Fagerholm considère que cette appellation est la plus précise et qu'elle présente plusieurs avantages tels que sa clarté, le fait qu'elle combine les aspects régional et ethnique et enfin, qu'elle englobe de nombreuses formes de nationalismes ayant une base régionale. Le terme est donc assez inclusif et objectif. Selon cet auteur, les partis composant la famille des ethno-régionalismes sont des « partis (...) qui servent les intérêts particuliers d'une ou de plusieurs catégories ethniques et (...) des partis exigeant une forme d'autonomie territoriale » (notre traduction)18. Nous remarquons donc

que par cette définition, les partis ethno-régionalistes peuvent défendre plusieurs ethnies, ce qui permet d'englober les partis non seulement défenseurs d'une entité territoriale, mais également inclusifs sur le plan ethnique dans cette notion qui se veut large et objective.

Enfin, l'appellation « parti régional » qui n'est pas à confondre avec « parti régionaliste » est couramment utilisée. Tandis que le premier est un parti « dont le profil idéologique, le programme politique, l'identité organisationnelle, et la mobilisation électorale sont étroitement liés aux intérêts particuliers d'un territoire, ou, alternativement, d'un petit ensemble de territoires liés » (notre traduction), le second « est défini comme un sous-type d'un parti régional qui - en plus des caractéristiques mentionnées ci-dessus - poursuit également (un certain degré d') autonomie gouvernementale pour la (les) région(s) dans laquelle (lesquelles) il opère » (notre traduction)19.

Dans le cadre de ce travail, l'appellation « parti régionaliste » sera retenue puisque qu'elle recouvre parfaitement la réalité des différents partis étudiés: la Esquerra Republicana de Catalunya (ci-après ERC), la Lega, la Nieuw-Vlaamse Alliantie (ci-après N-VA), le Partit Demòcrata Europeu i Català (ci-après PDeCAT)20 et le Scottish National Party (ci-après SNP).

15 HEPBURN, E., « Introduction: Re-conceptualizing Sub-state Mobilization », Regional and Federal Studies, 2009, p. 482.

16 Ibid., pp. 481-482. 17 Ibid.

18 FAGERHOLM, A., « Ethnic and Regionalist Parties in Western Europe: a Party Family ? », op.cit., p. 308. Dans le texte original: « parties (...) that serve the particular interests of one or a few ethnic categories and (...) parties demanding some kind of territorial self-government ».

19 Ibid., p. 307. Dans le texte original: « a regional party is defined as a party whose ideological profile, political programme, organizational identity, and electoral mobilization are closely tied to the particular interests of a territory or, alternatively, of a small set of related territories. A regionalist party, in turn, is defined as a subtype of a regional party that – in addition to the above-mentioned features – also pursues (some degree of) self-government for the region(s) in which it operates ».

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1.3 Les partis régionalistes, une vraie famille de partis ?

Comme il a été indiqué précédemment, Daniel-Louis Seiler considère que les partis régionalistes forment une famille de partis politiques découlant du clivage centre-périphérie. Néanmoins, nous pouvons nous interroger sur l'existence d'une telle famille en raison des nombreuses divergences d'objectifs finaux existant entre ces partis.

Selon Seiler, « les partis de défense de la périphérie se distinguent par trois traits ainsi que par leur projet qui peut s'exprimer dans des visions idéologiques différentes permettant de dégager quatre genres d'autonomisme. Les traits distinctifs communs à la famille régionaliste sont la géographie, l'interclassisme, l'horizontalité et le projet politique (...) »21.

Il s'agit maintenant de vérifier si les différents auteurs traitant du sujet s'accordent sur le fait que tous les partis mettant la défense de la périphérie au coeur de leur projet peuvent être regroupés au sein d'une seule et unique famille de partis.

Régis Dandoy propose une méthodologie reposant sur l'idéologie afin de déterminer si les caractéristiques communes aux différents partis régionalistes sont suffisantes pour que ces derniers puissent former une seule famille de partis. Reprenant trois des quatre dimensions de l'idéologie proposées par Margarita Gomez-Reino (autonomie gouvernementale, clivage gauche-droite, intégration européenne), Dandoy va s'attacher à vérifier s'il existe bien un socle commun idéologique entre ces différents partis considérés.

Concernant le clivage gauche-droite, l'auteur considère que cette dimension n'est pas pertinente dans la mesure où les partis régionalistes sont dispersés sur l'ensemble de l'axe, y compris aux extrêmes. Il n'est donc pas possible de généraliser la position des partis autonomistes sur cet axe. Toutefois, une partie non négligeable de ces partis peut être observée à la gauche ou au centre-gauche du clivage.

La deuxième dimension est celle de l'intégration européenne. Il semble que la plupart des partis étudiés par Dandoy soit plutôt favorable à cette intégration. Selon eux, celle-ci peut être considérée comme un socle avantageux pour les différents mouvements autonomistes.

Cette intégration pourrait prendre la forme d'une « Europe des régions » ou encore d'un fédéralisme intégral. Précisons toutefois que certains des partis régionalistes rejettent fermement ces propositions. Ainsi, à nouveau, nous ne pouvons pas retrouver un consensus au sein de ces différents partis.

L'autonomie gouvernementale est le dernier élément analysé par l'auteur. Cette dimension idéologique permet de singulariser réellement les partis régionalistes des autres organisations partisanes. La régionalisation, l'autonomie gouvernementale et la décentralisation représentent le corps du projet de tous ces partis.

En définitive, malgré une grande disparité entre les différents partis régionalistes européens, Dandoy considère qu'il existe une homogénéité assez forte pour pouvoir considérer que ces partis font partie d'une seule famille: la famille des partis régionalistes22.

21 SEILER, D.-L., « Les partis politiques en Occident. Sociologie historique du phénomène partisan », op.cit., pp. 95-96.

22 DANDOY, R., « Ethno-regionalist parties in Europe: a typology », Perspectives on Federalism, vol. 2, 2010, pp. 203-205.

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Fagerholm s'est également attaché à cette question et a procédé différemment afin d'établir si une telle famille de partis existait. Fagerholm a distingué quatre critères: le nom du parti, la coopération au niveau européen, les origines et caractéristiques sociologiques et enfin, les idéologies et les orientations politiques.

Tout d'abord, le nom des 24 partis analysés par cet auteur fait souvent référence à la région concernée, mais révèle rarement le projet politique.

Ensuite, les partis régionalistes se coalisent assez peu au niveau européen puisque la plupart des forces politiques traitées sont assez dispersées dans les différents partis européens bien que le plus gros contingent est celui du parti Alliance libre européenne (ci-après ALE) composé de huit des partis régionalistes étudiés, c'est-à-dire un tiers de ceux-ci.

Par ailleurs, les partis régionalistes sont issus du clivage centre-périphérie et sont défenseurs de la périphérie face au centre. Les partis étudiés semblent avoir des origines similaires dans une très grande majorité de cas. Concernant les caractéristiques sociologiques, nous retrouvons une certaine homogénéité sociologique qui est la défense des intérêts régionaux.

Enfin, une certaine homogénéité au niveau de l'idéologie et des orientations politiques peut être décelée. Idéologiquement ces partis sont assez proches, bien que comme dit précédemment, les positions sur l'axe gauche-droite peuvent fortement varier. Ils sont généralement en faveur d'une forme de décentralisation et la plupart d'entre eux a tendance à avoir une attitude positive envers les minorités ethniques.

Fagerholm estime ainsi pouvoir considérer que ces partis forment bien une seule et même famille de partis en raison des caractéristiques communes précitées23.

Nous pouvons donc conclure en disant qu'il règne une certaine unanimité quant à l'existence de la famille des partis régionalistes bien que celle-ci connaisse une grande hétérogénéité en son sein.

1.4 Nationalisme et régionalisme infra-étatique

Il est communément admis que les partis régionalistes sont des partis nationalistes, mais qu'est-ce que le nationalisme ? Nous nous attachons à répondre à cette question mais aussi à chercher les racines du nationalisme en Europe dans cette section.

1.4.1 Nation et nationalisme

Ernest Gellner définit le nationalisme comme étant « un principe politique, selon lequel l'unité politique et l'unité nationale devraient être congruentes » (notre traduction)24.

Il convient maintenant de s'interroger sur le terme « nation », qu'est-ce qu'une nation ? Benedict Anderson répond à cette question en considérant que la nation est « une communauté politique imaginaire, et imaginée comme intrinsèquement limitée et souveraine. Elle est imaginaire (...) parce que même les membres de la plus petite des nations ne connaîtront jamais la plupart de leurs concitoyens (...). La nation est imaginée comme limitée parce que même la plus grande d'entre elles (...) a des frontières finies (...). Elle est imaginée comme souveraine parce que le concept est

23 FAGERHOLM, A., « Ethnic and Regionalist Parties in Western Europe: a Party Family ? », op.cit., pp. 311-319. 24 GELLNER, E., « Nations and Nationalism », op.cit., p. 1. Dans le texte original: « a political principle, which holds

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apparu à l'époque où les Lumières et la Révolution détruisaient la légitimité d'un royaume dynastique hiérarchisée et d'ordonnance divine. (...) L'Etat souverain est le gage et l'emblème de cette liberté. Enfin, elle est imaginée comme une communauté parce que (...) la nation est toujours conçue comme une camaraderie profonde, horizontale (...) »25.

Seiler met en évidence le fait que le terme « nation » a plusieurs sens. Il peut désigner la « nation étatique, nation ethnique ou culturelle et nation-communauté ». Suite à cette polysémie, des personnes opposées sur le plan politique peuvent évoquer le même terme afin de désigner des communautés de personnes différentes. Pour les défenseurs de la périphérie la nation fera référence à la région, tandis que pour les défenseurs du centre, le terme se référera à l'Etat au sein duquel est englobée la région26.

1.4.2 L'origine des mouvements nationalistes

Eric Hobsbawm, afin d'expliquer l'histoire des mouvements nationaux, reprend les travaux de Hroch qui distingue trois phases: la première phase est exclusivement culturelle, elle exclut toute organisation politique. La deuxième phase se distingue par le début du militantisme pour « l'idée nationale ». La dernière phase se caractérise par un fort soutien populaire en faveur du projet nationaliste. Cela peut conduire à la création d'un Etat27.

Intéressons-nous maintenant plus particulièrement au développement des nationalismes culturels et ethniques. Quels en sont les éléments déclencheurs ?28

Hobsbawm remonte au fonctionnement de l'Etat moderne, un territoire défini au sein duquel tous les habitants se voient imposer les mêmes lois et sont administrés directement par l'Etat. Au cours du 19e siècle les liens entre les habitants et l'Etat se sont considérablement renforcés au point que leurs rapports étaient quotidiens29. Les Etats connurent alors une forte centralisation de

l'administration notamment à travers l'instauration d'une langue nationale. Or, malgré une démocratisation constante qui aurait pu faire gagner l'Etat en légitimité, celui-ci continua à faire face à des forces opposées au patriotisme d'Etat. Ces forces d'opposition étant les nationalismes indépendants. « Ils augmentaient en nombre et en puissance et, dans le dernier tiers du 19e siècle, formulaient des ambitions qui ne faisaient qu'accroître la menace potentielle qu'ils représentaient pour les Etats »30.

25 ANDERSON, B., « L'imaginaire national », Editions La découverte, Paris, 1996, pp. 19-21.

26 SEILER, D.-L, « Les partis autonomistes », Presses universitaires de France, coll. « que sais-je », Paris, 1982, p. 7. 27 HOBSBAWM, E., « Nations et nationalisme depuis 1780 », Editions Gallimard, 1992, pp. 20-23.

28 Vous trouverez en annexe 3 le processus d'homogénéisation culturelle tel que théorisé par Ernest Gellner, considéré par celui-ci comme la source des revendications autonomistes.

29 HOBSBAWM, E., « Nations et nationalisme depuis 1780 », op.cit., p. 105. 30 Ibid., p. 116.

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1.4.3 Les partis régionalistes et le nationalisme

Après avoir abordé les origines des mouvements nationalistes de manière générale, examinons maintenant l'émergence des partis régionalistes.

Hobsbawm distingue trois phases précisant celles de Hroch. La première phase est la « réaction légitimiste ». Cette première réaction n'est pas une réaction autonomiste. Il s'agit plutôt d'un mouvement de contestation face aux modifications étatiques opérées par le centre. Ces mouvements contestataires ont été réprimés assez sévèrement par celui-ci. La deuxième phase est considérée de « nationaliste populiste ». Cette fois-ci il s'agit bien d'une réaction nationaliste émanant de la périphérie contre la domination de l'Etat-nation. Durant cette phase, la création de réels partis politiques autonomistes peut être observée. La dernière phase est celle du « régionalisme-nationalitaire ». Durant cette phase, l'accent est mis sur l'aspect culturel et identitaire et sur le particularisme de la nation31.

De nombreux auteurs considèrent que les nationalismes en Europe sont de retour et en forte recrudescence depuis les années 1980. Nous pouvons en trouver dans presque tous les pays d'Europe de l'Ouest, mais également en Europe centrale et orientale suite à l'effondrement du bloc communiste. Selon Sabourin, cette intensification peut s'expliquer par l'affaiblissement des clivages, par l'ébranlement auquel est confronté l'Etat et par le fait qu'aujourd'hui « la politique correspond de plus en plus à des aspirations ethniques ». Cet auteur considère que nous vivons une situation paradoxale puisque nous sommes de plus en plus confrontés à une recherche d'homogénéisation de l'individu. Or, dans les faits, le contraire est observé, les individus cherchent à se distinguer du reste de la société. L'auteur considère que nous pouvons étendre cette constatation aux nations32.

Il introduit ensuite la notion de « micro-nationalismes » pour désigner les mouvements nationalistes dont « leur source est le plus souvent régionale, donc à l'intérieur d'un Etat-nation réputé plus grand et plus fort. Ces mouvements, anciens, ont repris vie depuis près d'un siècle, que ce soit en Grande-Bretagne, en France, en Italie, en Belgique (...) ». Sabourin estime que « le régionalisme ancien était une nostalgie (...). Aujourd'hui le régionalisme est une attente de reconnaissance: celle de l'Identité, unique et authentique, des peuples concernés »33.

Aujourd'hui encore le fait national est au centre de l'actualité en Europe, et ce, malgré l'abolition des frontières internes à l'Espace Schengen. Selon de nombreux auteurs, l'augmentation de ce genre de revendications peut aussi s'expliquer par l'intégration européenne considérée comme une opportunité pour les régionalismes infra-étatiques.

31 HOBSBAWM, E., « Nations et nationalisme depuis 1780 », op.cit., pp. 20-24. 32 SABOURIN, P., « Les nationalismes européens », op.cit., pp. 66-67.

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1.5 Les objectifs et stratégies des partis régionalistes

Quels sont les spécificités, objectifs et stratégies des partis régionalistes ?

Il pourrait être considéré que l'objectif premier, voire la raison d'être des partis régionalistes est la défense des intérêts de la périphérie, c'est-à-dire de leur région via une forme d'autonomie gouvernementale. Or, nous pouvons remarquer assez rapidement que les objectifs de ces partis sont d'une grande variété en fonction du niveau d'autonomie réclamé ou encore du niveau de radicalité de la demande. Les finalités de ces différents partis sont donc plurielles et diverses, ce qui est l'un des facteurs explicatifs de leur forte hétérogénéité. L'autonomie gouvernementale peut aller de la reconnaissance de l'identité régionale à une demande séparatiste.

Dandoy différencie trois types de partis régionalistes en fonction de leur principal objectif: les partis protectionnistes, les partis décentralistes et les partis sécessionnistes.

Les partis protectionnistes, peu nombreux, ont pour objectif de faire reconnaître et protéger les particularismes culturels, linguistiques ou encore religieux d'une minorité. Ils ont également pour volonté de prendre part au système politique sans pour autant remettre en cause son organisation. Cette catégorie de partis est divisée en deux sous-catégories. D'une part, il y a les partis conservateurs qui ont pour volonté de préserver l'identité de la minorité et de mettre un terme aux discriminations dont elle fait l'objet. D'autre part, il y a les partis participatifs qui ne se contentent pas de mettre un terme aux mesures discriminatoires, mais qui désirent également un progrès dans le traitement politique qui est réservé à ces minorités. Cette dernière catégorie peut, par exemple, se montrer favorable à des mesures de protection des minorités comme des quotas34.

Les partis décentralistes ont pour objectif principal une réorganisation de la structure étatique. Comme leur nom l'indique, ils sont en faveur d'une certaine forme de décentralisation à travers les institutions régionales, la répartition des compétences entre l'Etat et la région, l'autonomie fiscale et bien d'autres éléments. Selon Dandoy, il existe trois sous-catégories de partis décentralistes. La première est celle des partis autonomistes. Leur demande d'autonomie gouvernementale ne s'applique qu'à leur propre région, c'est-à-dire qu'ils veulent un traitement de faveur par rapport aux autres régions composant l'Etat. Le riche passé culturel peut expliquer une telle demande de la part des partis autonomistes, généralement issus de régions historiques. Les partis fédéralistes composent la deuxième sous-catégorie. Ceux-ci veulent réorganiser l'Etat national en un Etat fédéral. La dernière sous-catégorie désigne les partis confédéralistes. Ces derniers diffèrent des partis fédéralistes dans la mesure où dans leur demande ce n'est plus l'Etat fédéral, mais les régions qui détiennent la compétence résiduelle35.

Les partis sécessionnistes ont pour volonté de créer un Etat indépendant. Ce nouvel Etat serait constitué d'une région jusqu'à lors partie d'un autre Etat. Pour opérer un tel processus, il faut évidemment que le territoire de la région soit bien défini. Ce nouvel Etat devra être reconnu par les autres Etats composant la communauté internationale pour pouvoir se déclarer indépendant. Ce processus de séparation pourrait engendrer des problèmes et conflits sur la scène internationale. Au sein de cette dernière catégorie, nous retrouvons trois sous-catégories. Tout d'abord, les partis indépendantistes qui réclament une indépendance totale de la région concernée. Ensuite, les partis irrédentistes demandant l'unification de territoires de même langue. Et enfin, les partis rattachistes qui concernent les régions voulant se détacher d'un Etat pour être rattachées à un autre. Ceux-ci n'ont donc aucune velléité indépendantiste36.

34 DANDOY, R., « Ethno-regionalist parties in Europe: a typology », op.cit., pp. 205-208. 35 Ibid., pp. 208-210.

(16)

Cette typologie dressée par Régis Dandoy nous permet d'avoir un aperçu assez large du panel d'objectifs divers inhérents aux partis issus de la famille des partis régionalistes. Maintenant que ces objectifs ont été présentés, un intérêt particulier doit être porté aux stratégies d'action de ces partis.

Dans son apport quant aux nouveaux partis prenant part aux gouvernements (partis écologistes, partis de la nouvelle droite radicale et partis régionalistes), Kris Deschouwer fait référence aux quatre buts des partis politiques proposés par Harmel et Janda ainsi que Müller et Strøm: la recherche de votes afin de gagner les élections, la volonté de réaliser un programme politique, la volonté d'intégrer un gouvernement et la volonté de préserver la démocratie interne37.

Toutefois, le but des nouveaux partis et plus précisément des partis régionalistes est-il toujours d'accéder au pouvoir ? Deschouwer nous démontre que ce n'est pas toujours le cas. Pour ce faire, il fait appel à la distinction en quatre étapes de la vie d'un parti politique théorisée par Pedersen: l'étape déclaratoire annonçant la constitution de l'organisation en parti, l'autorisation qui est l'étape de reconnaissance, la représentation est la troisième étape, elle se fait via le gain de sièges et enfin, la pertinence qui est rencontrée quand le parti a une influence sur la compétition au sein du système. L'auteur, Deschouwer, décide de s'intéresser à un moment particulier, la phase de représentation. En effet, c'est à ce moment que le parti décide quel rôle il souhaite jouer, soit un rôle d'opposition, de chantage (blackmail potential), soit un rôle au sein d'une coalition gouvernementale (coalition potential)38.

Deschouwer nous indique que la position du parti est déterminée par ses objectifs. En effet, un parti se maintenant dans l'opposition (sans potentiel de coalition gouvernementale) n'a de toute évidence pas pour objectif premier d'accéder au pouvoir exécutif. Son rôle d'opposition et de pression semble lui convenir et coïncider avec ses objectifs. Par contre, un parti qui montre une certaine volonté à participer à une coalition n'a certainement pas pour but de rester un parti de pression. Evidemment, la position occupée par un parti n'est pas toujours le fruit de choix délibérés. Alors que le parti de pression aura tendance à mettre davantage l'accent sur la maximisation de ses électeurs et l'adoption de politiques, le parti de coalition potentielle aura comme première volonté d'accéder au pouvoir39.

Nous retrouvons ainsi deux des trois types de stratégies de parti proposés par Seiler qui lui-même se base sur les travaux de Duverger. Nous avons « (...) d'une part les partis ' en dehors du système ' - c'est-à-dire exclus de la décision politique et qui refusent les règles du jeu - et d'autre part les partis ' dans le système ' qui les acceptent. Toutefois, on distinguera dans cette dernière catégorie deux types: les partis ' gouvernementaux ' dont on peut supposer qu'ils aient soit réalisé leurs objectifs principaux, soit mis beaucoup d'eau dans leur vin et les partis ' tribunitiens ' - suivant l'expression de Georges Lavau - qui ne participent pas aux coalitions gouvernementales »40.

37 DESCHOUWER, K., « New parties in government: a framework for analysis », Paper prepared for presentation at the ECPR Joint Sessions of Uppsala 13-18 April 2004, p. 8.

38 DESCHOUWER, K., « New parties in government: a framework for analysis », op.cit., pp. 6-7. 39 Ibid., pp. 8-9.

40 SEILER, D.-L, « Les partis autonomistes », Presses universitaires de France, coll. « que sais-je », Paris, 1982, p. 26.

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2

Chapitre 2: les partis régionalistes, de partis

d'opposition à partis de gouvernement

De nombreux partis autonomistes sont sortis de la marginalité et ont, aujourd'hui, une réelle influence sur la compétition politique de leur pays. Outre le fait de peser sur le jeu électoral, certains de ces partis ont réussi à accéder aux fonctions exécutives de leur région voire de l'Etat et ce, à plusieurs reprises. Toutefois, ces partis ne se contentent pas d'être présents au niveau étatique et au niveau infra-étatique puisqu'ils sont également représentés au niveau européen. Ainsi, nous pouvons considérer que ces partis évoluent dans un système multi-niveaux.

2.1 Le concept de gouvernance multi-niveaux

Le concept de gouvernance multi-niveaux a été théorisé par Gary Marks en 1992. Celui-ci avait pour objectif de dépasser la distinction entre intergouvernementalisme et supranationalisme.

Ce concept décrit le processus d'intégration européenne opéré à la fin des années 80 duquel on a pu observer un affaiblissement de l'Etat-nation suite à de nombreux changements politiques et institutionnels au sein de l'Union européenne. Ces transformations ont permis un double transfert des compétences jusqu'à lors étatiques41. Ces compétences ont été transférées de l'Etat vers le

niveau supra-étatique, c'est-à-dire le niveau européen, mais également vers le niveau infra-étatique, autrement dit, vers les régions42. Plus précisément, ces changements ont été opérés à l'occasion de

deux traités européens: l'Acte unique européen de 1986 et le Traité de Maastricht de 1991. Ces deux traités ont accru les compétences de l'Union et ont introduit une forme de supranationalité. Outre l'impact de ces deux traités successifs, d'autres modifications ont eu lieu. Nous pouvons citer l'accroissement du budget des fonds structurels, la création d'un « fonds de cohésion » et l'augmentation des compétences de la Commission, mais aussi des régions dans l'élaboration et la mise en oeuvre des politiques43. A l'occasion de ces modifications, les régions ont acquis de

nouveaux pouvoirs politiques et ont bénéficié d'une participation au processus de prise de décision européen. De plus, suite à ces différents changements institutionnels, l'Etat n'eut plus l'exclusivité des relations avec le niveau européen puisque de nouvelles relations entre les régions et la Commission (notamment via le Comité des Régions) furent établies44.

Charlie Jeffery détermine deux types de canaux par l'intermédiaire desquels les régions tentent de s'immiscer dans la procédure décisionnelle européenne: les canaux internes, c'est-à-dire les institutions internes à l'Etat membre et les canaux externes aux Etats membres, c'est-à-dire les institutions européennes qui offrent un accès direct aux régions. Cet auteur considère qu'il ne faut pas marquer trop d'intérêt pour les canaux externes puisque ceux-ci souffrent d'un très faible pouvoir à l'image du Comité des Régions. Le deuxième canal doit donc retenir davantage notre attention. En effet, puisque les autorités étatiques ne détiennent désormais plus le monopole de la prise de décision au sein des institutions européennes, les canaux internes peuvent se révéler être très importants pour l'action des régions45.

41 TORTOLA, P. D., « Clarifying multilevel governance », European Journal of Political Research, 2017, pp. 234-235.

42 JEFFERY, C., « L'émergence d'une gouvernance multi-niveaux dans l'Union européenne: une approche des politiques nationales », Politiques et management public, vol. 15, n°3, 1997, p. 214.

43 TORTOLA, P. D., « Clarifying multilevel governance », op.cit , p. 235. 44 Ibid., p. 236.

45 JEFFERY, C., « L'émergence d'une gouvernance multi-niveaux dans l'Union européenne: une approche des politiques nationales », op.cit, pp. 220-222.

(18)

Cependant, l'efficacité de la mobilisation des entités régionales peut différer en fonction de trois variables: « a) la structure d'autorité dans l'Etat membre; b) la capacité d'initiative (entrepreneurship) des autorités infra-nationales; et c) la légitimité de l'engagement politique européen des autorités infra-nationales »46. De manière synthétique, si les régions sont dotées de

réelles compétences, de relations intergouvernementales formelles ou informelles, si elles ont la faculté à répondre efficacement aux défis de l'intégration européenne, si les régions sont capables de se coaliser entre elles, ou encore si elles bénéficient d'une légitimité issue du soutien de la société civile, leur action aura tendance à être plus efficace et leur influence sera d'autant plus prégnante sur le système de décision européen47.

2.2 Les niveaux régional et national

Il peut être constaté que de nombreux partis régionalistes occupent aujourd'hui des fonctions exécutives au sein des gouvernements régionaux et/ou nationaux. C'est d'ailleurs le cas des cinq partis étudiés dans cette présente recherche. Cette section a pour but de s'intéresser au passage des rangs de l'opposition à ceux du gouvernement: qu'est-ce qui pousse certains partis défenseurs des intérêts de leur région à participer à un gouvernement et pourquoi d'autres ne le font-ils pas ?

Au vu des objectifs de ces partis, le niveau régional reste le plus important, mais cela ne veut évidemment pas dire que le niveau national est dénué de tout intérêt. Au contraire, une présence au niveau étatique peut permettre de faire pression en faveur d'une réorganisation de la structure de l'Etat allant vers plus de décentralisation. Les partis se doivent ainsi d'assurer une présence à plusieurs niveaux de pouvoir. Massetti et Schakel considèrent que la participation à l'un ou l'autre niveau est d'égale importance pour les partis régionalistes puisque ces différentes participations leurs permettent d'arriver à leurs objectifs. Cependant, malgré cet avantage lié à la participation à un gouvernement national, certains partis s'y refusent48. En effet, participer à une coalition

gouvernementale n'est pas une décision aisée à prendre puisque celle-ci peut comporter certains risques. Avant d'aborder les risques et inconvénients que peut représenter une participation au gouvernement national pour les partis régionalistes, intéressons-nous un instant aux avantages que cela peut représenter.

Selon Dawn Brancati, la décentralisation dans un Etat encourage la création de partis politiques régionalistes. En effet, cette réorganisation du système politique donnerait plus d'opportunités pour gouverner à ces partis régionalistes puisqu'il serait plus simple pour eux d'accéder aux compétences exécutives régionales qu'à celles nationales. Effectivement, la gouvernance au niveau régional a pour seule contrainte le nombre de sièges remporté par le parti. Alors que pour gouverner au niveau national, il faut gagner un nombre de sièges important sur l'ensemble du territoire national, ce qui représente une grande difficulté pour des partis présents dans une seule région, quel que soit le nombre de sièges dévolus à celle-ci. Malgré cet obstacle, il n'est pas rare de voir que des partis régionalistes se présentent quand même aux élections nationales. Plusieurs raisons peuvent être mobilisées pour expliquer ce choix. Tout d'abord, se présenter à une élection nationale ne représente pas un coût très élevé pour un parti déjà bien implanté au niveau régional. Ensuite, participer aux élections nationales peut se révéler bénéfique

46 JEFFERY, C., « L'émergence d'une gouvernance multi-niveaux dans l'Union européenne: une approche des politiques nationales », op.cit, p. 223.

47 Ibid., pp. 223-227.

48 MASSETTI, E., SCHAKEL, A., « Between autonomy and secession: Decentralization and regionalist party ideological radicalism », Party politics, p. 60.

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sur le plan régional puisque cette participation peut donner une image de parti plus fort et plus déterminé à défendre les intérêts de la région concernée et ce, même face aux partis représentés sur l'ensemble du territoire étatique. De plus, cette présence au niveau national permet aussi de rendre les partis régionalistes plus familiers aux yeux des électeurs suite à une médiatisation plus accrue49.

Enfin, mais surtout, participer à un gouvernement national peut être une réelle opportunité afin de faire pression sur les autres partis de la coalition dans le but d'opérer une première forme de décentralisation ou d'autonomie plus accrue en faveur des régions. Cette pression sera d'autant plus fructueuse si le parti régionaliste participant à la coalition gouvernementale nationale est également membre du gouvernement infra-étatique50. Ce dernier avantage est évidemment le plus important

aux yeux des partis régionalistes. Cependant, la décision de décentraliser n'est pas toujours le fruit des partis autonomistes. Au-delà de la pression exercée par ces partis pour aller dans ce sens, d'autres éléments peuvent pousser les partis classiques à prendre ce type de décision. Celle-ci peut être prise dans une perspective économique pour réaliser des économies d'échelle, pour des raisons électorales, ou encore pour faciliter la gouvernance d'un territoire considéré comme trop vaste51.

Brancati précise que la décision de décentraliser peut se retourner contre les partis classiques, ceux-ci devraient donc implémenter de telles modifications avec prudence, même si la décentralisation n'est pas toujours négative pour eux. En effet, la création des partis régionalistes peut découler du processus de décentralisation politique, qui peut ainsi encourager le séparatisme. Mais, en même temps, la décentralisation peut également décourager le sécessionnisme en satisfaisant les demandes de ces partis en accordant plus de pouvoirs et de responsabilités aux régions52.

Après avoir présenté les avantages que peut comporter une participation à un gouvernement national, détaillons maintenant ses inconvénients afin de tenter d'expliquer pourquoi certains partis régionalistes préfèrent rester au sein de l'opposition à ce niveau.

Tout d'abord, si le parti n'a pas une majorité de sièges (ceci sera toujours le cas pour les partis régionalistes au niveau national), il devra établir avec quels partis politiques il accepte de négocier en vue d'une formation de coalition gouvernementale. Cette étape représente un réel danger pour les partis régionalistes vis-à-vis de leur électorat. En effet, ce dernier peut être déçu d'une telle collaboration avec des partis politiques parfois considérés comme étant pour le maintien des institutions et donc de facto contre le projet régionaliste. De surcroit, au sein d'une coalition nationale, le parti régionaliste sera, dans la plupart des cas, en position minoritaire. Ce qui lui confèrera une position de faiblesse. Il ne pourra ainsi contraindre ses partenaires à accepter ses demandes. Le parti devra donc adoucir ses positions et accepter des compromis. Notons qu'au sein d'une telle coalition, un parti traditionnellement d'opposition peut adopter deux types d'attitude: soit le parti décidera de continuer à agir comme un parti d'opposition, mais cette fois au sein du gouvernement, soit il se prononcera en faveur d'une attitude démontrant d'une certaine capacité à gouverner. La seconde option pourrait avoir un impact positif sur son image puisqu'il sera perçu comme un parti compétent et sérieux. Toutefois, le fait qu'un parti régionaliste décide de prendre part à une coalition pourrait être vu assez négativement par les membres du parti. Ceux-ci préférant peut-être une stratégie emprunte de plus de radicalité. Il pourrait alors naître des dissensions au sein de l'organisation. Celles-ci seraient d'ailleurs susceptibles de s'aggraver si le parti venait à être

49 BRANCATI, D., « The origins and strengths of regional parties », British Journal of Political Science, n°38, 2008, p. 139.

50 ELIAS, A., TRONCONI F., « From protest to power: Autonomist parties in government », Party politics, 2011, p. 515. TRONCONI, F., « Ethno-regionalist Parties in Regional Government: Multilevel Coalitional Strategies in Italy and Spain », Government and Opposition, vol. 50, n°4, 2015, p. 580.

51 BRANCATI, D., « The origins and strengths of regional parties », op.cit., pp. 140-141. 52 Ibid., pp. 158-159.

(20)

sanctionné par son électorat aux élections suivantes en raison du mécontentement relatif à la coalition formée et aux compromis en découlant53.

Massetti et Schakel, considèrent qu'à partir du moment où les demandes des partis régionalistes ont été satisfaites, c'est-à-dire qu'une autonomie accrue pour les régions a été décidée, ceux-ci perderaient leur raison d'être. Toutefois, les auteurs tempèrent ce constat par deux éléments. Premièrement, cela ne se produirait qu'au niveau national, puisqu'au niveau régional, ces partis se distinguent également par leur volonté de démontrer leur capacité à gouverner dans l'intérêt de la population de la région. Deuxièmement, l'obtention des demandes autonomistes affaiblirait davantage les partis autonomistes que les partis sécessionnistes puisque ces derniers auraient toujours une raison d'être54.

Toutes ces raisons peuvent donc fournir un aperçu expliquant pourquoi certains partis décident de ne pas franchir le pas et ainsi rester dans l'opposition au niveau national.

2.3 Le niveau européen

Après avoir présenté le concept de gouvernance multi-niveaux introduit à la suite de phases d'intégration européenne importantes, intéressons-nous aux opportunités offertes aux partis régionalistes au sein de l'Union européenne (ci-après UE).

2.3.1 La perception des partis régionalistes par rapport à l'Union

européenne

Il est considéré que les partis régionalistes voient de manière positive le processus d'intégration européenne. Cette perception positive peut être expliquée par plusieurs facteurs.

Tout d'abord, l'intégration européenne a eu pour effet d'affaiblir l'Etat-nation, principal opposant de ces partis. En effet, celui-ci a transféré certaines de ses compétences (mais aussi celles des entités infra-étatiques) à l'Union. De plus, ce transfert de compétences a largement favorisé les régions puisque celles-ci ont été associées au processus de mise en oeuvre des politiques aux niveaux local et régional, mais également à la prise de décision. En devenant des acteurs du niveau européen, les régions ont du s'organiser et démontrer leur compétence dans le domaine. Ensuite, ce processus d'intégration a permis d'ouvrir le débat sur les demandes autonomistes au sein de l'organisation supranationale. En effet, certains partis régionalistes ont vu en l'Union un soutien en faveur des demandes indépendantistes. Toutefois, précisons que rien de tel n'est prévu en droit européen et que cela a toujours été fortement découragé. Cependant, les partis régionalistes n'hésitent pas à certifier que si l'indépendance était acquise, le nouvel Etat serait maintenu au sein de l'UE. Cette stratégie permet de réduire la perception des risques liés à un tel projet55.

Pour ces différentes raisons, les partis régionalistes et l'UE ont souvent été vus comme des alliés. Du côté des personnes soutenant une intégration plus poussée, voire soutenant la création des « Unis d'Europe », celles-ci ont vu en les régions une sorte de rempart contre les Etats-nations. Tandis que du côté des régions, pour les raisons précitées, elles ont considéré l'Union

53 ELIAS, A., TRONCONI F., « From protest to power: Autonomist parties in government », op.cit., pp. 508-513. 54 MASSETTI, E., SCHAKEL, A., « Between autonomy and secession: Decentralization and regionalist party

ideological radicalism », op.cit., p. 61.

(21)

comme un lieu pouvant défendre leurs intérêts et leurs demandes, mais également comme un lieu où elles pouvaient exister en tant que telles56. Ainsi, les partis autonomistes semblent instrumentaliser

le niveau européen comme un moyen d'émancipation par rapport à l'Etat et un lieu pour impulser leur agenda politique57.

2.3.2 L'impact de l'intégration européenne sur les partis

régionalistes

Selon les auteurs Lieven De Winter et Margarita Gomez-Reino, les changements opérés dans les années 70 et 90 au sein de l'UE évoqués précédemment ont eu un impact sur tous les partis politiques en Europe, mais surtout sur les partis régionalistes.

Tout d'abord, le processus d'européanisation a permis de créer une réelle famille de partis régionalistes. Contrairement aux autres familles de partis qui sont idéologiquement homogènes, la famille des partis régionalistes souffre d'une grande hétérogénéité idéologique. Comme abordé précédemment, leurs positions diffèrent par rapport au clivage gauche-droite, par rapport à l'Union européenne et par rapport à l'intensité de l'autonomie réclamée. La création du parti politique européen Alliance libre européenne en 1981 a permis à ces partis de se coaliser et d'avoir un programme commun constitué des éléments sur lesquels ils pouvaient se rapprocher58.

Ensuite, le processus d'intégration a forcé tous les partis, y compris les partis régionalistes, à revoir leurs objectifs puisque l'intégration européenne a permis l'apparition de nouvelles demandes. De plus, ce processus a fait émerger un nouvel espace politique. L'intégration européenne a également eu pour effet de redéfinir le clivage centre-périphérie et d'affaiblir les fonctions des Etats-nations59.

2.3.3 Les institutions européennes mobilisées par les partis

régionalistes

Deux institutions européennes au sein desquelles les partis régionalistes sont présents peuvent être identifiées: le Parlement européen et le Comité des Régions (ci-après CdR).

Les premières élections européennes au suffrage universel tenues en 1979 ont eu un réel impact sur ces partis autonomistes. En effet, deux années plus tard, le parti politique européen Alliance libre européenne fut créé. Ce parti, qui forme un groupe politique avec les verts, a pour vocation de défendre les intérêts des partis régionalistes au sein du Parlement européen. Il a indubitablement joué un rôle déterminant pour ceux-ci puisqu'il leur a permis de créer des alliances et d'établir des relations entre eux (avant 1979, il n'y avait pratiquement aucune relation entre ces partis). Il leur a également permis d'élaborer un programme commun malgré leurs différences. Précisons toutefois que de nombreux partis à revendication autonomiste n'adhèrent pas à l'ALE, ce qui constitue une faiblesse.

56 SZUL, R., « Sub-National Regionalism and the European Union », MAZOWSZA Studia Regionalne, 2015, pp. 43-44.

57 RAOS, V., « Regionalist Parties in the European Union: A force to Be Reckoned With ? », Croatian International

Relations Review, 2011, p. 47.

58 DE WINTER, L., GOMEZ-REINO C., M., « European integration and ethnoregionalist parties », SAGE

Publications, 2002, pp. 485-486.

(22)

L'importance qui est donnée par ces partis au Parlement européen s'explique également par le fait que contrairement aux autres, ceux-ci n'ont pas la possibilité de prendre part aux deux institutions décisionnelles de l'Union: le Conseil et la Commission. Cela a évidemment des conséquences puisqu'ils perdent en visibilité et en crédibilité60. Depuis les premières élections en

1979, des députés issus de partis régionalistes ont toujours été élus61. Ces éléments peuvent

expliquer pourquoi les élections européennes ne sont pas considérées comme des élections de seconde zone par ceux-ci. D'ailleurs, ils tendent généralement à faire de meilleurs résultats à ces élections par rapport aux élections nationales62.

La deuxième institution où se mobilisent les partis régionalistes est le Comité des Régions institué par le Traité de Maastricht et créé en 1994. Ce comité a un rôle de conseil auprès de la Commission européenne par rapport à des politiques impliquant les niveaux local et régional. Il est composé de 314 représentants émanant des autorités locales et régionales63. Ces représentants sont

désignés par les gouvernements nationaux64. Nous retrouvons donc une grande variété d'acteurs au

sein de ce comité. Cette hétérogénéité des acteurs représente une source de déception à l'égard du Comité des Régions de la part des partis régionalistes. D'autant plus que certaines régions n'y sont même pas représentées. Toutefois, cela n'est pas la seule source de désillusion puisque le CdR souffre d'un manque certain de pouvoirs et de leviers politiques65. L'accroissement de ses pouvoirs

institué par le Traité de Lisbonne n'a pas réussi à inverser la tendance. En effet, suite au Traité de Lisbonne, les domaines dans lesquels le CdR est compétent ont été étendus. Le Comité des Régions peut saisir la Cour de Justice s'il considère qu'une loi européenne viole le principe de subsidiarité66.

De plus, il peut dorénavant être inclus dans le processus décisionnel de politiques touchant aux domaines tels que la cohésion territoriale, économique et sociale, les transports, la santé publique, la culture, l'environnement, etc. En dépit de cette extension de compétences, le Comité des Régions souffre toujours d'une certaine faiblesse et ce, notamment, en raison du fait que les interprétations entre les Etats membres varient fortement concernant le principe de subsidiarité67.

Dans le cadre de ce travail, il a été décidé de ne pas traiter davantage du Comité des Régions car celui-ci est souvent considéré comme superfétatoire par les régions. A ce propos, Anneleen Van Bossuyt, députée N-VA au Parlement européen, déclarait en répondant à la question de savoir si elle considérait que le CdR avait un intérêt pour les partis régionalistes: « Pour être honnête, non. Parce que le Comité des Régions, si on voit, ils doivent écrire des opinions, par exemple pour le Parlement européen, mais il n'y a personne qui les lit. (...) Je pense que ça, c'est créé pour faire semblant (...) qu'on écoute, oui voilà, les régions, mais en réalité ils n'ont aucun pouvoir réel dans le cadre de faire les législations européennes et tout ça (sic) »68.

60 DE WINTER, L., GOMEZ-REINO C., M., « European integration and ethnoregionalist parties », SAGE

Publications, 2002, p. 485.

61 RAOS, V., « Regionalist Parties in the European Union: A force to Be Reckoned With ? », op.cit., p. 51.

62 DE WINTER, L., GOMEZ-REINO C., M., « European integration and ethnoregionalist parties », op.cit., pp. 493-494.

63 CREPAZ, K., « ' Europe of the Regions ': An Approach to Counter Separatist Tendencies ? », L'Europe en

formation, 2016, p. 28.

64 SZUL, R., « Sub-National Regionalism and the European Union », op.cit., pp. 43-44. 65 KEATING, M., « Europe Integration and the Nationalities question », op.cit., p. 377.

66 Article 5, §3 du Traité sur l'Union européenne: « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l'Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu'au niveau régional et local, mais peuvent l'être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, au niveau de l'Union ».

67 CREPAZ, K., « ' Europe of the Regions ': An Approach to Counter Separatist Tendencies ? », op.cit., pp. 28-29. 68 Entretien avec Anneleen Van Bossuyt, disponible en annexe 4.

(23)

3

Chapitre 3: présentation des partis

régionalistes étudiés

Dans ce premier chapitre, sont présentés les cinq partis régionalistes considérés, leur histoire, leurs revendications, leur positionnement idéologique, leur évolution, ou encore leurs succès. Afin d'avoir une meilleure compréhension de leurs demandes, une brève explication du système institutionnel de leur Etat est réalisée.

3.1 Catalogne: la Esquerra Republicana de Catalunya et

le Partit Demòcrata Europeu i Català

3.1.1 Historique du contexte politique et institutionnel espagnol

Historiquement, l'Espagne est l'un des Etats européens les plus centralisés. C'est au 18e siècle, suite à la guerre de Succession, que les différentes régions composant l'actuel Royaume d'Espagne furent unifiées. Suite à cette unification, « toutes les institutions catalanes furent dissoutes, notamment le parlement (...) ». Néanmoins, depuis l'adoption de la Constitution espagnole, une forme de décentralisation fut opérée au sein de cet Etat. Ceci n'était cependant pas totalement novateur pour la Catalogne, puisque celle-ci bénéficiait déjà d'une autonomie relative depuis plusieurs décennies69.

En 1931, la deuxième République fut mise en place. Sous celle-ci, la Catalogne bénéficia d'une forme d'autonomie avec l'adoption de la première charte d'autonomie qui consacrait la création de la Généralité catalane. Les premières élections législatives se tinrent l'année suivante70.

En 1939, après trois années de guerre civile, la dictature franquiste fut mise en place. Le mouvement catalan fut fortement réprimé durant ces quatre décennies71. La culture et la langue

catalanes subirent une forte répression. Cela marqua une certaine rupture au sein du mouvement nationaliste catalan qui s'était, depuis le début du 20e siècle, accommodé de l'autonomie qui lui avait été accordée. Selon Jaime Lluch, le début du succès de l'indépendance catalane a commencé lors de la transition démocratique faisant suite à la mort du Général Franco en 197572.

C'est donc dans ce contexte que la Constitution fut rédigée en 1978. Celle-ci prévoit la mise en place de 17 Communautés Autonomes, dont la Catalogne, munies de pouvoirs législatifs et exécutifs asymétriques73. Beaucoup d'observateurs considéraient alors que cela était un premier pas

vers l'instauration d'un Etat fédéral en Espagne. Cela ne s'est pas réalisé. Le statut d'autonomie de la Catalogne adopté en 1979 découlait de ce processus.

69 BOIX, C., MAJOR, J. C., « La marche de la Catalogne vers l'autodétermination », Politique étrangère, 2013, pp. 40-41.

70 MARCET, J., MEDINA, L., LINEIRA, R., « 35 ans d'élections en Catalogne: de l'autonomisme à l'indépendantisme », Pôle Sud, n°40, 2014, p. 93.

71 BOIX, C., MAJOR, J. C., « La marche de la Catalogne vers l'autodétermination », op.cit., p. 41.

72 LLUCH, J., « How nationalism evolves: explaining the establishment of new varieties of nationalism within the national movements of Quebec and Catalonia (1976 –2005) », Nationalities Papers, vol. 38, n°3, 2010, p. 344. 73 L'autonomie varie fortement entre les 17 Communautés Autonomes, c'est pourquoi nous parlons d'asymétrie.

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