• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | La muséologie de l'Environnement

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | La muséologie de l'Environnement"

Copied!
11
0
0

Texte intégral

(1)

Pierre

CLEMENT

et Jean

DA VALLON LIRDIS et LARMURAL, Université Lyon 1

MOTSCLES : MUSEOLOGIE ENVIRONNEMENT RECHERCHE EDUCATION -SPECTACLE - PARC NATURELS - EXPOSmONS

SCIENTIFIQUES-RESUME : Menacé, et centre de nombreux programmes de recherches pluridisciplinaires, l'Environnement est devenu un thème important de muséologie. Avec les Réserves et Parcs naturels, ilest aussi devenu lieu et objet de muséologie.Leprojet même de muséologiser l'Environnement est soumis àplusieurs tensions: entre recherche-éducation-sensibilisation et pur spectacle; entre militantisme explicite et neutralité de façade.

SUMMARY : The environ ment, because it is threatened and constitutes the domain of numerous pluridisciplinariry research programs, has become an important theme in museology. Reserves and Natural Parks are also places and objects of museology. The museology of the Environment has to find its way : between research-education-sensitization and pure theatrics, between clear militantism and pseudo-neutrality.

(2)

1. L'EMERGENCE RECENTE DE RECHERCHES SUR L'ENVIRONNEMENT.

1. 1. Des programmes de recherche nationaux et internationaux.

Personne,ily a 30 ans, ne parlait des Sciences de l'Environnement. C'est sur le constat progressif de l'existence de menaces sur lui que se sont développées des recherches de plus en plus interdisciplinaires sur l'environnement. Le

crus

(Conseil international des unions scientifiques) donna l'élan initial avec une décennie de recherches (1964-1974) nommée "Programme biologique international", marquée notamment par la première conférence intergouvernementale sur la "Biosphère" (UNESCO, 1968), la mise en place en 1969 du SCOPE (Scientific Committee on Problems of the Environment), la création en 1972 du programme des Nations-Unies pour l'Environnement Parallèlement, la FAO (Organisation pour l'alimentation et l'agriculture), l'OMS (organisation mondiale de la santé), etc... ont lancé des programmes internationaux de recherche dans des perspectives voisines. Des "Ministères de l'Environnement" ont vu le jour dans de nombreux pays. En France, le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) a créé en 1979 le PIREN (Programme interdisciplinaire de recherche sur l'Environnement) qui travaille en relation étroite avec les autres instances de recherche concernées (santé, agriculture, océans, etc...).Ilserait trop long de faire ici la liste des organismes et programmes de recherche développés depuis à l'échelon national, européen et international (à ce propos, voir, entre autres, Aubry 1983, Nival 1989, Barbaut 1989, Oppeneau 1991).

1. 2. La pluridisciplinarité des programmes de recherche sur l'Environnement, mais peu des équipes de recherche elles-mêmes.

Un point essentiel de ces programmes de recherche sur l'Environnement est leur pluridisciplinarité. Pour prendre l'exemple du rapport CNRS sur le thème Environnement, le groupe de travail (dont je faisais partie, et qui a produit un rapport synthétisé par Barbaut, 1989) comprenait non seulement des biologistes (écologistes, éthologistes, généticiens, ... ), des géologues, chimistes, physiciens, mathématiciens modélisant les écosystèmes et leur évolution, mais aussi des géographes, sociologues, économistes, politiciens, et enfin des juristes. La moindre lutte contre une pollution, le moindre aménagement de territoire, soulèvent en effet une série de problèmes qui ont des facettes scientifiques, économiques, politiques, juridiques, ...

Durant la même période, les laboratoires de recherche français se sont restructurés en fonction de ces nouvelles tendances. Par exemple, dans le domaine de la biologie, la zoologie et la botanique ont progressivement disparu des intitulés des laboratoires, laissant placeàdes structures de recherche tournées soit vers la biologie moléculaire triomphante, soit vers l'écologie et l'environnement.

Lapluridisciplinarité est d'ailleurs restée très limitée dans ces derniers laboratoiresderecherche, avec quelques rares mariages: entre écologistes et mathématiciens pour modéliser des écosystèmes; écologistes et chimistes pour l'éco-toxicologie ; géographes, géologues, biologistes pour l'étude de paysages; ... Mais la majorité des laboratoires impliqués dans des recherches sur l'Environnement

(3)

sont demeurés mono-disciplinaires, quille à fréquenter d'autres disciplines lors des réunions scientifiques des programmesderecherche nationaux ou internationaux.

1. 3. Evolution du public et des enseignements.

Alerté par les médias et par les mouvements écologiques militants, le public s'est, parallèlement, mobilisé. Dès 1982, lors d'un sondage SOFRES sur l'effort budgétaire du gouvernement français en faveur de la recherche scientifique, 72 %des personnes interrogées indiquent leur souhait de voir augmenter les crédits de la recherche dans le domaine de l'environnement, thème qui vient en seconde position après la santé.

Les enseignements universitaires ont suivi assez rapidement celle évolution, pour préparer les étudiantsàde nouvelles filières de recherche (encore que l'interdisciplinarité se heurte toujoursàdes traditions monodisciplinaires tenaces), mais aussiàde nouveaux métiers .

Le renouveau des programmes scolaires a été moins rapide et plus timide, introduisant par exemple des notions sur la protection de la nature ou l'écologie, mais peu encore d'approches interdisciplinaires et de débats sur nos responsabilités individuelles et sociales face à ces problèmes.

2. ENTRE LA MODERNITE DES RECHERCHES ET LA PRESERVATION-CONSERVATION DE PATRIMOINES.

2. 1. Les deux fonctions d'un lieu muséal. Tout lieu muséal a une double fonction:

*

information, sensibilisation, éducation par son ouverture à un large public. A cet égard, l'exposition scientifique devient un média spécifique dont la fonction même devient objet de recherches (Davallon et Clément, 1991).

*

mais aussi, dans la conception traditionnelle des musées, conservation, constitution de collections et recherches sur ces collections.

Latotalité des collections des musées d'histoire naturelle était ouverte au public entre le 15ème et le 19ème siècle (Van Praet, 1989). Nombre de petits musées techniques ou ethnologiques fonctionnent encore ainsi aujourd'hui, de même que la plupart des jardins botaniques ou zoologiques. A la fin du 19ème siècle, et surtout au 20ème siècle, les musées d'histoire naturelle inaugurent une politique d'expositions centrées sur un thème (Pearce, 1989). De façon plus générale, la muséologie d'objets fait progressivement place à une muséologie d'idées, qui reflète largement l'évolution des recherches scientifiques.

2. 2. Muséologie d'idées et modernité des recherches.

Les collections naturalistes patiemment constituées durant les siècles précédents correspondaient aux sciences naturelles de l'époque, fascinées par la diversité du vivant et la nécessité d'en découvrir

(4)

toutes les espèces en les classant de façon cohérente. La systématique est d'ailleurs demeurée une discipline scientifique vivante, où s'affrontent plusieurs écoles (cf. par exemple l'ouvrage coordonné par Tassy, 1986) ; en privilégiant le cladisme dans la restructuration de ses expositions, le Museum of Natural History de Londres a soulevé de vives polémiques il y a une dizaine d'années (Thuillier, 1981). Le Muséum d'Histoire Naturelle de Paris, quantàlui, se recentre surlethème de l'Evolution pour son ouverture au public, et Van Praet (1988) qualifie de musée de quatrième type cette transfonnation de la galerie de zoologie en galerie de l'évolution.

Lamuséologie d'idées présente donc au public, par le médium musée-exposition, les thèmes et débats scientifiques les plus actuels: l'environnement devenant, nous l'avons dit plus haut, un axe de recherche central, devient du même coup un thème important et actuel en muséologie.

2. 3. Muséologie d'objets et conservation des patrimoines naturels et culturels. Mais, dans le même temps, la muséologie d'objet connaît également un regain d'intérêt pour garder des traces de tout ce qui est menacé et risque de disparaître.

Ainsi, les collections naturalistes constituées lors des siècles précédents permettent-elles de monter des expositions sur les espèces aujourd'hui disparues mais qui existaient alors. Certains repeuplements animaux sont effectués à partir de représentants d'espèces qui n'ont survécues que dans des parcs zoologiques. Et nombre de musées techniques ont comme projet principal de conserver des lieux et surtout des instruments et machines sinon vouées àla casse, alors qu'ils structuraient des modes de vie quotidienne ou professionnelle.

La muséologie de l'environnement s'inscrit donc aussi dans une politique de conservation d'écosystèmes et de paysages, de patrimoines naturels et culturels, qu'il s'agit de préserver. Ses objets naturels sont alors toutes les zones où l'environnement est "protégé" (réserves naturelles, parcs régionaux ou nationaux) et où peut être développée une éducation à l'environnement. Mais la préservation et l'éducation ne peuvent se limiter à ces quelques îlots: elles sont aussi concernées par tous nos environnements quotidiens, urbain, industriel, agricole, ..., mais aussi par tous les grands écosystèmes de notre planète, de l'Antarctique à l'Amazonie, du désert saharien aux atolls du Pacifique, et par toutes les cultures qui se sont forgées avec ces environnements et y sont totalement intégrées.

3. LES LIEUX DE LA MUSEOLOGIE DE L'ENVIRONNEMENT

3. 1. Des collections systématiques à l'écologie dans les lieux muséaux traditionnels.

C'est entre 1935 et 1938 que sont créés, au Jardin des plantes du Muséum, àParis, le Jardin alpin, le Parc écologique (flore de l'lle de France) et la Grande Serre (flore tropicale humide) (Van Praet, 1989) : ces reconstitutions d'associations végétales typiques d'un écosystème sont encore

(5)

aujourd'hui juxtaposées à des zones du Jardin où la présentation systématique des plantes est toujours privilégiée.

A la même époque apparaît la première galerie-expositionàbase de dioramas: le musée du duc d'Orléans (Rode, 1934). Ancêtre des galeriesàprésentation écologique qui se sont multipliées depuis en Amérique du Nord et en Europe (Van Praet, 1989), les dioramas tournent le dosàla présentation de collections, choisissent les spécimens pour leur esthétique tout en les situant dans un écosystème précis. Le message scientifique écologique est plus spectaculaire que la dense (voire poussiéreuse) juxtaposition de spécimens zoologiques. La récente rénovation du Muséum d'Histoire Naturelle de Grenoble (galeries ouvertes au public en janvier 1991) obéit aux mêmes objectifs, avec une stylisation plus moderne des écosystèmes présentés. Mais la plupart des Muséums d'Histoire Naturelle français sont encoreàrénover!

Les parcs zoologiques évoluent également (même si pas toujours suffisamment) : de cages-mourroirs juxtaposées, ils deviennent lieux de vie et de reproduction d'animaux dont la socialisation spécifique est parfois préservée, dans des espaces qui les respectent plus, quitteà frustrer parfois le visiteur, mais pas l'éthologiste professionnel ou amateur. Le statut symbolique de l'animal du parc zoologique a évolué;àun nouveau système d'imaginaires doit correspondre une nouvelle gestion de la vie de ces animaux, et une nouvelle conception de l'espace du zoo. (Cousin-Davallon et Davallon, 1986, 1987).

3. 2. Ecomusées et expositions sur l'Environnement.

Centrés sur la valorisation des patrimoines naturels et culturels de la région dans laquelle ils sont insérés, les Ecomusées inaugurent une politique muséale nouvelle qui mériterait d'être évaluée. Leur objectif est essentiellement de créer des expositions et d'assurer des animations sur ces thèmes, mais aussi de développer des recherches spécifiques, préalables nécessaires pour connaître suffisamment l'Environnement local et monter des expositionsà ce propos. L'exposition "Paysages" qui vient d'être créée par l'Ecomusée du Creusot est ainsi l'aboutissement d'une recherche pluridisciplinaire, menée par l'Ecomusée lui-même, sur ces paysages de bocage de la région du Creusot (Notteghem, 1990).

Les CCST (Centre culturel scientifique et technique) et nombre d'autres lieux muséaux ne possédant pas de collections mais, constituant des espaces d'expositions ouverts au public, peuvent choisir d'intervenir sur le thème de l'Environnement.

Le message de l'exposition n'est bien sûr pas le même selon qu'elle a été réalisée par : *un organisme de recherche (CNRS, INSERM, CNEXO, INRA, voire tel ou tel Ministère ou Société privée, ..,) qui veut montrer jusqu'à quel point son organisme est partie prenante dans des recherches sur l'Environnement;

*un groupe industriel privé ou nationalisé, Rhône-Poulenc ou EDF par exemple, qui veut prouver combieniln'est pas polluant, ni à l'intérieur ni àl'extérieur de l'entreprise, ou qui veut montrer qu'une centrale nucléaire est inoffensive;

*un groupe militant, ligue anti-tabac ou groupes anti-nucléaires par exemple, qui centrent leur message sur les effets nocifs des cigarettes, ou des centrales nucléaires.

(6)

3. 3. Les lieux mêmes où l'Environnement est protégé: Réserves et Parcs naturels. Un siècle après la constitution du premier parc naturel, le parc des Rocheuses, l'ICOM a inscrit à l'intérieur de ses statuts les parcs naturels en tant qu'entité muséologique (G.R.Rivière, 1989). A.Viel (1989), dans un article sur les Parcs Naturels canadiens, souligne l'importance de l'événement: le lieu même devient objet de muséologie. Pour Duclos (1990), Parcs et Ecomusées sontàl'origine d'un renouveau de la muséologie.

Les Parcs ont en effet de quoi renouveler la muséologie d'objets! Chacun de ces espaces, avec son patrimoineàla fois naturel et culturel, devient échantillon d'une collection de lieux qu'il s'agit de préserver, comme les échantillons d'animaux collectés durant les siècles précédents,àla fois pour que les chercheurs puissent les étudier, et pour qu'ils puissent être montrés "tels quels" (ou avec le moins de dégradations possibles) aux générations futures. L'enjeu économique est ici plus important que pour un hetbier ou une collection d'insectes, car la valeur marchande de ces lieux est sujette à convoitises concurrentes, si bien que la constitution même d'une telle collection ne peut résulter, dans la majorité des cas, que de choix politiques.

Tout lieu muséal a, en plus de cette fonction de conservation, une fonction d'information, sensibilisation, éducation du public. Dans les Parcs, les visites guidées peuvent en tenir lieu, promouvant un nouveau tourisme éducatif en plein développement. Mais l'espace lui-même commence à être aménagé: le long d'un sentier écologique balisé sont égrainées des informations par des panneaux discrets dont certains sontàdéplacer quotidiennement au rythme des éclosions des fleurs, ou des déplacements des pistes de fourmis. Le véritable objet muséal sur lequel s'arrêtent les regards et les pensées de tout visiteur-randonneur, est donc à la fois la plante ou l'animal observé, mais aussi sinon surtout ses interactions immédiates avec son environnement naturel. Dans ces nouveaux espaces muséaux, le projet communicationnel peut aller plus loin, avec plus d'explications sur place, des livrets-guides, l'aménagement d'une maison lieu d'exposition et d'explications voire d'expérimentations sur l'environnement. Il arrive même qu'un serveur minitel permette un accès directàla plupart de ces informations (Réserves Naturelles de Haute-Savoie).

3. 4. Le Biodome de Montréal : des espaces naturels re·enracinés sous perfusion technique.

Une enquête préalable confiée au groupe de B.Schiele a montré que les montréalais attendaient que la muséologie de l'environnement mette àleur disposition, à Montréal, des espaces aussi exotiques que naturels; jungle, banquise ou désert (Schiele, 1990).

Un projet très ambitieux - et très coûteux - est en cours de réalisation pour effectivement créer et faire vivre ces écosystèmes, en miniature mais "vrais", et juxtaposés dans le même Biodome (Bourque, 1990). Ce qui nécessite une recherche importante pour contrôler toutes les entrées et sorties nécessaires pour chacun de ces écosystèmes: température, lumière, avec leurs cycles réels, composition de l'atmosphère, équilibres internes de l'écosystème pour qu'il puisse tourner sur lui-même avec ses propres végétaux et animaux (et les micro-organismes, telles que les bactéries du sol ?), et interventions nécessaires pour contre-balancer les déséquilibres probables liés au volume restreint de l'écosystème etàla sur-représentation de certaines espèces (animaux prédateurs par

(7)

exemple) nécessaires pour le plaisir des visiteurs. TI est même possible que de telles recherches aident àmieux comprendre et modéliser le fonctionnement de ces écosystèmes.

Mais le paradoxe vient ici du fait qu'aucun de ces efforts scientifiques ne sera montré au visiteur; l'infrastructure technique, qui sera la vraie prouesse de cette opération, sera masquée; les conditions nécessaires à la simulation de chaque écosystème ne seront pas explicitées. TI y a là, à mon sens, une rupture par rapport au projet habituel de la muséologie des sciences et des techniques, un basculement. Dans un musée, une exposition sur l'environnement, ou un sentier écologique balisé, ce qui est montré au visiteur vise à le sensibiliser à certains aspects de la vision que des scientifiques ont de cet environnement; l'esthétique et la mise en espace sont au service de ce projet. Dans le cas du Biodome, les aspects scientifiques concernant les écosystèmes visités seront masqués, pour d'abord satisfaire le fantasme des visiteurs, d'une nature authentique, quasi "vierge", et exotique ; et les informations scientifiques porteront sans doute sur les lointains écosystèmes de référence.

3. S. Les Parcs d'Attraction.

Nous les signalons juste pour mémoire, car plusieurs n'hésitent pasàsimuler, par des moyens souvent très artificiels. certains environnements exotiques, actuels ou passés, canyons du Colorado, désert, jungle ou univers des dinausaures. Le projet est alors d'attirer le visiteur par tous les moyens, de le séduire, d'aller dans le sens de ses fantasmes, sans visée éducationnelle a priori. Cette industrie culturelle peut, si la muséologie n'y prend pas garde, arracher des musées certains publics (Schiele, 1990).

3. 6. En résumé, la Muséologie de l'Environnement a le vent en poupe dans les pays développés. Deux enquêtes nord-américaines, qui n'ont été que peu utilisées dans le présent travail, en ont tenté un premier bilan (Gradwohl et al., 1990; Schiele et Samson, 1990). Des recherches dans ce domaine manquent encore en France et en Europe, où pourtant de nombreuses initiatives ont vu le jour, depuis les Parcs Naturels jusqu'à des espaces muséaux audacieux (le Biochron en Hollande, par exemple; en France, un nouvel espace d'exposition permanente est prévu sur le thème de l'Environnement

à

la Cité des Sciences et de l'Industrie de la Villette, Charles et al., 1990).

Mais cette recherche devrait aussi concerner tous les continents (africain, sud-américain, australien, ...) où les espaces naturels deviennent lieux muséaux et enjeux économiques, par le biais d'un tourisme rarement réfléchi et éducatif.

(8)

4. POLES ET TENSIONS DANS LA MUSEOLOGIE DE L'ENVIRONNEMENT

4. 1. De l'Environnement réel à l'Environnement représenté. Nombreux sont les intennédiaires entre ces deux extrêmes:

*La Réserve ou le Parc Naturel, objet muséologique réel dans son contexte naturel: avec soit des randonnées respectueuses des sites et des êtres vivants (Parcs Naturels en Europe par exemple), soit des safaris ou pseud<>-safaris dévastateurs (dans le centre de l'Afrique par exemple) ;

*Le Biodome, les Serres tropicales, ... objets réels mais déracinés et re-implantés dans un contexte proche de l'écosystème d'origine;

*Les Jardins botaniques, les zoos, parcs ornithologiques, ... objets réels dans un contexte différent ;

*Les dioramas-reconstitution d'écosystèmes à partir d'animaux et végétaux naturalisés; *Les dioramas avec animaux naturalisés entourés d'une évocation de leur environnement; *Les environnements dont tous les éléments sont artificiels, où le visiteur peut se déplacer; *Les environnements artificiels en toile de fond tri-dimensionnelle;

*Les films, photos, ou peintures d'environnements; *Les dessins, schémas, interprétations picturales;

*Le langage écrit ou parlé nommant, décrivant, interprétant l'environnement.

Ces objets muséaux ne sont bien sûr pas incompatibles. Mais autantilest difficile d'implanter un environnement "naturel" dans un contexte urbain (cf.Biodome de Montréal, ou les Serres tropicales des Jardins botaniques), autantilest aisé d'introduire des éléments muséaux classiques au sein même de l'objet muséal particulier qu'est une Réserve ou un Parc Naturel (cf.par exemple l'exposition des Cézaliers sur les tourbières, dans le Parc Naturel des Volcans en Auvergne, à proximité d'un sentier sur pilotis permettant une visite guidée d'une tourbière réelle).

Chacun de ces objets sollicite le visiteur différemment. La mise en jeu de toutes ses ressources sensori-motrices est maximale dans un Parc Naturel; mais elle n'est pas suffisante pour qu'il y ait compréhension spontanée de cet environnement: des éléments d'explication sont pour cela nécessaires, avec les problèmes classiques des espaces muséaux traditionnels.

4. 2. Un projet muséal allant de la recherche, éducation ou sensibilisation, à un spectacle pur.

Le problème est ici la stratégie communicationnelle choisie pour l'espace muséal consacré à l'environnement.

Dans certains cas, il n'y a aucun projet de communication avec le visiteur. Un Parc Naturel non aménagé, sans document-guide, a ici un statut comparableà celui d'un Parc d'Attraction ou d'un zoo sans étiquettage, ou encore d'un musée présentant des objets sans aucune explication. Muséologie élitiste, car ceux qui ont déjà la culture pour comprendre seront les seuls à pouvoir se cultiver. Les autres seront livrés àleurs fantasmes, à leurs représentations souvent exotiques par rapponà

(9)

l'environnement observé, sans possibilité de faire évoluer ces représentations mentales. Il s'agit là de spectacles purs, plus ou moins bons (i.e. plaisants pour le visiteur) selon les cas.

Dans la plupart des cas, il existe un projet de communication avec le visiteur, pour le sensibiliser à certaines questions. Cette éducation à l'environnement peut prendre des formes multiples qu'il n'est pas possible d'analyser ici. A noter que l'un des objectifs des Parcs Naturels est de permettre la recherche sur des environnements protégés: de professionnels (écologues ou éthologues par exemple) ou d'amateurs (stages pour observer des animaux, baguer des oiseaux, ...).

Un des problèmes de la muséologie est d'arriver à mettre les aspects spectaculaires au service d'une stratégie communicationnelle d'éducationà l'environnement. Les difficultés à cet égard ne sont pas à sous-estimer; une enquête récente(Le Marec, 1990) a montré que si le public assimile volontiers l'Environnement à des problèmes, souvent spectaculaires, de protection de la nature, il pense plutôt que "la science et les scientifiques, ça n'a pas grand chose à voir"!

4. 3. Entre l'engagement militant explicite et la neutralité (de façade?).

Si toute analyse concernant l'environnement est obligatoirement pluridisciplinaire, c'est en particulier parce qu'elle soulève des enjeux politiques et économiques. Or, dans ce domaine, les décisions à prendre ou à subir, à approuver ou contester, relèvent d'échéances plus courtes que celles d'une recherche qui se donne les moyens d'avancer lentement et modestement dans l'analyse de situations si complexes que se pose souvent le problème de la pertinence des méthodes utilisées.

De fait, tout message sur l'environnement et ses problèmes varie, subtilement ou massivement, en fonction de celui qui l'émet, et de son projet vis-à-vis des destinataires. 11 est clair que pour des militants écologistes ou pour des industriels de la chimie, notre monde industriel et urbain sera soit surtout un enfer, soit surtout un paradis ."

A cet égard, l'analyse critique d'une exposition ou d'un discours d'apparence scientifique, n'est pas chose aisée.Lemensonge peut être par omission, ou par focalisation excessive de l'attention sur tel point plutôt que sur tel autre. Essayer de savoir qui finance l'exposition, et dans quel but, peut parfois être un guide utile pour un décryptage critique.

Les problèmes se clarifient tout en se compliquant lorsque les scientifiques sont en désaccord, ce qui est souvent le cas sur les questions d'environnement.

n

s'agit souvent, comme par hasard, de problèmes majeurs questionnant nos choix de civilisation. La désertification croissante du Sahel en est un exemple, mais aussi des questions anecdotiques en apparence, telles que la dégradation de la Grande Barrière de corail, en Australie, par une espèce d'étoiles de mer. Dans les deux cas, les analyses de scientifiques mettant en cause des pollutions importantes de l'air ou de l'océan, sont contredites par des analyses de scientifiques qui veulent prouver que ces évolutions sont des cycles naturels.

La muséologie se doit alors de présenter les thèses opposées, dans leurs arguments rationnels, mais aussi dans leurs enjeux socio-politiques. Comprendre que le monde scientifique est hétérogène, traversé par des questions vives, et que ses affrontements internes recouvrent bien d'autres enjeux que la connaissance scientifique seule, est aussi un message important pour éduquer le visiteur aux approches scientifiques de l'Environnement.

(10)

s.

BIBLIOGRAPHIE

AUBRY (M.), 1983. - La recherche sur l'environnement. Le courrier du CNRS, 52 (suppl.: Images de l'environnement), 3-6.

BARBAUT (R.), 1989. - Environnement, écosystèmes et ressources génétiques. Rapport de

conjoncture du Comité National de la Recherche Scientifique. Ed.CNRS, Paris, 247-268.

BOURQUE (P.), 1990. - Le Biodome de Montréal. Colloque "Muséologie et Environnement", 4èmes entretiens du Centre J.Cartier Rhône-Alpes, Lyon, déc 1990, sous presse.

CHARLES (L.), GROS (P.), LAVIGNE (J.P.) et PROVIDENCE (J.M.), 1990. - Explora. Environnement. Pré-programme. Rapport Direction des Expositions, Cité des Sciences et de

l'Industrie,LaVillette, Paris, 49 p.

COUSIN DAVALLON (F.) et DAVALLON (J.), 1986. - Les parcs zoologiques: l'imaginaire du naturalisme. in "Claquemurer, pour ainsi dire, tout l'univers. Lamise en exposition." sous la

direction de J.DAVALLDN, ed.Centre Georges Pompidou, Centre de Création Industrielle, 83-95. COUSIN DAVALLON (F.) et DAVALLON (J.), 1987. - Du Musée au Parc: exposer le vivant.

Loisir et Société/ Society and Leisure, (Sillery: Presses de l'Université du Québec), 10, 1,23-43.

DAVALLON(J.)et CLEMENT (P.), 1991. - La muséologie des sciences et des techniques: un nouveau champ de recherche. Rencontres internat. C.P.S.T., Madrid, mai 1991, sous presse. DUCLOS (J.C.), 1990. - Parcs et Ecomusées à l'origine d'un renouveau de la Muséologie. Colloque

"Muséologie et Environnement", 4èmes entretiens du Centre J.Cartier Rhône-Alpes, Lyon, déc 1990,

sous presse.

GRADWOHL (J.), DIZIKES (H.), McJENNETT (P.) et POLLOCK(W.),1990. - Environmental Initiatives in Science Museums and Related Institutions. Rapport Office of Environmental

Awareness, and Association of Science and Technology Centers, Washington, USA, 94 p.

LE MAREC (J.), 1990. - Le public et l'Environnement. Analyse qualitative menée auprès de visiteurs de la Cité pour le projet d'exposition "l'homme et l'environnement". Rapport de la Direction des

Expositions, Service de Programmation, C.S.I. la Villette, Paris, 9 p.

NIVAL (P.), 1989. - Changement global de la terre et climatologie. Rapport de conjoncture du

Comité National de la Recherche Scientifique. Ed.CNRS, Paris, 229-246.

NOTIEGHEM (P.), 1990. - Les paysages à l'Ecomusée: une nouvelle mission pour

l'Ecomusée.Colioque "Muséologie et Environnement", 4èmes entretiens du Centre J.Cartier

Rhône-Alpes, Lyon, déc 1990, sous presse.

OPPENEAU (J.c.), 1991. - L'environnement bouscule les sciences. Sciences et Avenir, 83 (Hors Série: Environnement, les espoirs de la science), 96-98.

PEARCE (S.), 1989. - Museum studies in rnaterial culture. in "Museum studies in material culture", Leicester Univ.Press, 1-10.

RIVIERE (G.H.), ed.1989. - Musée et société, à travers le temps et l'espace. in "La Muséologie

(11)

SCHIELE (B.), 1990. - L'environnement comme restructuration du champ muséal. Colloque "Muséologie et Environnement", 4èrnes entretiens du Centre J.Cartier Rhône-Alpes, Lyon, déc 1990,

sous presse.

SCHIELE (B.) et SAMSON (D.), 1990. - Musée et Environnement. Présentation descriptive des résultats d'une enquête téléphonique exploratoire.Rapport du CREST, Université du Québec, 42 p.

TASSY (P.) - ouvrage coordonné par -, 1986. - L'ordre et la diversité du vivant. Nouvelle Encyclopédie des Sciences et des Techniques, edFayard et Fondation Diderot, 289 pp.

THUILLIER (p.),1981. - Darwin&Co.ed.Complexe, 167-184.

VAN-PRAET (M.), 1988. -Dela galerie de zoologieàla galerie de l'évolution, vers un musée du quatrième type. Actes J.I.E.S., 10, (Communication, Education et Culture scientifiques et

industrielles, A.GIORDAN et J.L.MARTINAND 00.), 395-399.

VAN-PRAET (M.), 1989. - Contradictions des musées d'histoire naturelle et évolution de leurs expositions. in"Faire voir, faire savoir; la muséologie scientifique au présent", sous la diT. de B.

SCHIELE, OO.Musée de la civilisation, Québec, 25-34.

VIEL (A.), 1989. - Quand le lieu devient objet. in"Faire voir,faire savoir; /a muséologie scientifique au présent", sous ladir. de B. SCHIELE, OO.Musée de la civilisation, Québec, 74-82.

Références

Documents relatifs

Si la libéralisation financière a lieu dans un pays avec une assurance sur les dépôts et sans systèmes de régulation prudentielle et de supervision puissants, il y a des

Ce dossier a pour objet l’analyse comparative et heuristique des études sur le journalisme et la perméabilité des recherches dans le domaine des sciences humaines et sociales

To sum up, Basu’s proposal of more punishment on the civil servant and leniency on a whistle-blowing briber is only effective on anti-corruption when the cost of self- report of

MENTION COMPLÉMENTAIRE DESSINATEUR INDUSTRIEL EN CONSTRUCTION ÉLECTRONIQUE Description de l'activité.. Règlement général des certificats d'aptitude professionnelle.. -

à l'article 36, la juridiction visée au paragraphe 1 du présent article, à la demande du praticien de l'insolvabilité, n'ouvre pas de procédure d'insolvabilité

Afin de tenir compte de cette réflexion sur l’apprendre dans la pratique de formation des tuteurs, les enseignants ont mis l’accent sur une pédagogie active pour que chaque

Dans l’Essence de l’économique, Julien Freund procède selon la méthode de la théorie des essences : « Nous estimons qu’il y a une spécificité de

les quelques exemples qui suivent : Monsieur Sargos définit les principes généraux du droit (en droit privé) comme « une notion première qui commande un ensemble de