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ARTheque - STEF - ENS Cachan | La danse contemporaine à l'école : techniques de danse et techniques de transmission des contenus

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Academic year: 2021

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LA DANSE CONTEMPORAINE À L’ÉCOLE : TECHNIQUES DE

DANSE ET TECHNIQUES DE TRANSMISSION DES CONTENUS

Sabine THOREL

ENS Cachan, UMR STEF ENS Cachan/INRP – UniverSud, Paris

MOTS-CLÉS : UNIVERS DE DANSE – TECHNIQUES DE TRANSMISSION – TECHNIQUES DE DANSE – CONTENUS D’ENSEIGNEMENT – DANSE CONTEMPORAINE

RÉSUMÉ : L’objet de cet article est de susciter un questionnement sur la réception par les élèves d’un enseignement de danse contemporaine. Ainsi est posé le double problème des univers de danse sur lesquels s’appuient des enseignant-e-s d’éducation physique et sportive pour construire les contenus d’enseignement et de leurs techniques de transmission révélatrices de la réinterprétation de ces univers.

ABSTRACT : The purpose of this article is to question the way pupils accept and put into practice the teaching they receive in contemporary dance. This raised two problems : the areas of dance that each PE teacher is going to use to elaborate the contents of their courses and the techniques of transmission they use which reveal their interpretation of these areas.

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1. INTRODUCTION

L’histoire de la danse contemporaine est issue d’un long processus de rejet des codes, du mélange des arts et des techniques de danse. Pour comprendre ces techniques, le travail d’analyse du mouvement dansé réalisé par Rudolf Laban est central. De manière souvent implicite, les enseignant-e-s d’éducation physique et sportive (eps) reprennent ces catégories pour observer, évaluer le mouvement dansé des élèves. Cependant notre recherche doctorale (2007) a montré que chaque enseignant-e a sa manière de réinventer des techniques de danse et des techniques de transmission en s’appuyant sur des univers de danse particuliers. Ceux-ci se caractérisent par un faisceau de relations convergentes entre l’histoire, l’identité de genre et la sensibilité des individus à un ou des courants de danse clairement identififié(s). Mais l’étendue de ces courants et les catégories auxquelles ils se rapportent ne sont identifiables qu’après avoir été référés à des classifications compréhensibles et exclusives. Tribalat (1987) les classe selon quatre finalités : les danses thérapeutiques aux fondements psychanalytiques, les danses mystiques aux fondements magiques et religieux, les danses ludiques aux fondements distractifs, les danses scéniques qui comportent une dimension spectaculaire et artistique. C’est cette dernière catégorie qui fait l’objet d’apprentissages à l’école puisque la finalité est le projet réalisé devant les autres.

Mais si les danses scéniques sont objet d’art, cela nécessite au préalable de les resituer dans le monde de l’art. Intéressée par les travaux de Myriem Naji (2007) sur la fabrication « artisanale » ou « artistique » des tapis au Maroc, nous la rejoignons dans l’idée que selon les sociétés la notion d’art se décline différemment. Elle définit l’artiste occidental comme « un génie travaillant seul, et exprimant sa subjectivité intime, indépendamment de l’influence de la société et libre de la prestation du marché… » (p. 100). Par ailleurs la notion d’œuvre originale et unique, propre à la définition occidentale, n’est pas la pratique de ces sociétés. Chaque motif est plutôt l’affaire d’un patrimoine collectif auquel chaque tisseuse apporte sa contribution. Cette vigilance prise, notre objet est balisé à la notion d’art occidental et de danse scénique dans les sociétés occidentales. Mais même après avoir réduit l’objet d’investigation, la perception du produit chorégraphique est encore difficile à catégoriser surtout dans le cas d’œuvre d’art contemporain. La réception par les spectateurs, y compris les scolaires, est encore plus délicate parce qu’elle est liée à leurs particularités sociales, culturelles, identitaires, motrices. Ce qui pose, pour les élèves, la question du sens des apprentissages artistiques.

L’objet de cet article est alors de susciter un questionnement sur les conditions de réception d’un enseignement de danse contemporaine par les élèves acteurs et spectateurs. Comment alors lire le mouvement de danse contemporaine ?

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Dans un premier temps, les catégories de Laban sont reprises afin d’étudier comment elles sont utilisées ou retraduites à l’école. Puis, à partir des résultats de notre recherche doctorale nous questionnons les techniques de danse de quatre enseignant-e-s EPSps ainsi que leurs techniques de transmission afin de comprendre la réception des contenus par les élèves.

2. LES CATEGORIES D’ANALYSE DU MOUVEMENT 2.1. Les catégories de Rudolf Laban

Le travail de Rudolf Laban est central pour comprendre les principes de la danse dite « moderne » au sens où elle rompt avec l’esthétique classique. Ses recherches l’ont d’abord amené à inventer une transcription du mouvement « Laban notation ». Il fonde les principes de l’« Ausdruckstanz » (danse d’expression). Ses expérimentations ont lieu dans la nature à la fois par réaction aux mutations de la civilisation industrielle du début du XXe siècle et pour renouer avec des danses communautaires, rythmées par la nature, empruntes de solidarité collective et de culture festive. L’approche de « la danse moderne éducative » (Laban, 1948, 2003), qui permet d’identifier et de nommer les caractéristiques du mouvement humain, devient un support à une nouvelle conception et organisation de l’espace. Le mouvement dans l’espace part du corps défini par un volume à vingt faces « l’icosaèdre » à partir duquel partent six directions (haut, bas, gauche, droit, avant, arrière) et trois plans (sagittal, frontal, horizontal). L’expressivité des gestes naît de la combinaison du poids (dialogue entre le corps et la pesanteur) du temps (le développement rythmique de la séquence et le tempo sur lequel elle est exécutée) de l’espace et du flux (la perception dont circule dans le corps « l’écoulement » des mouvements). Pour Laban « le flux est, dans sa forme première, la sensation de proximité opposée à celle de l’éloignement (la distance) dans le temps comme dans l’espace » (1984, 2003, p 241). Cette combinaison entre poids, temps, espace, flux est assortie de huit actions fondamentales : presser, épousseter, pousser, flotter, tordre, tapoter, fouetter, glisser. À chaque action correspond une caractéristique de flux qui peut être continue, discontinue, interrompue. Les catégories dégagées par Laban participent à l’élaboration des interactions entre danseurs et danseuses qui inventent sans cesse de nouvelles relations, de nouvelles combinaisons.

Qu’en est-il de ces catégories dans l’enseignement de la danse contemporaine à l’école ? 2.2 Les catégories de Laban à l’école

Les interviews et les observations d’enseignants EPSps lors de leçons de danse mais aussi l’examen des grilles d’évaluation, des rencontres en UNSS (union nationale sportive scolaire) et des concours de recrutement de professeurs d’écoles et de professeurs de lycée et collège concernant l’épreuve de danse, montrent que ces catégories sont reprises peu ou prou. Les critères de l’espace, de l’énergie,

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du temps et du poids sont encore les critères principaux de l’évaluation. Ainsi la réinterprétation des travaux de Laban, incontournable après un demi-siècle, semble être moins concernée par le fond que par la forme.

C’est cette retraduction par des enseignant-e-s qui est examinée. Après avoir catégorisé quatre univers de danse de quatre enseignant-e-s d’EPS, l’intention est de comprendre les raisons de l’utilisation de univers mais aussi leurs réinterprétations inhérentes à chaque enseignant-e.

3. EXPERIMENTATION ET RESULTATS 3.1 Les univers de danse

Des observations, des films et des interviews de quatre enseignant-e-s (deux femmes et deux hommes) ayant des expériences et des expertises diverses de l’enseignement de la danse ont été réalisés lors de notre recherche doctorale. La communication des contenus, par les démonstrations notamment et la qualité du mouvement attendu, a particulièrement retenu notre attention. Quatre univers de danse ainsi dégagés se caractérisent par leur technique, en particulier par la qualité de mouvement produite par le jeu avec les intensités du tonus musculaire.

L’enseignant expert explore un premier univers (1). Il insiste sur la lenteur, la recherche d’un état de danse, la continuité, la fluidité des mouvements. Des chorégraphes contemporains développent particulièrement la notion de ressenti par l’expression d’une vie intérieure ou d’un concept. L’entretien montre en effet des affinités au travail de Carolyn Carlson.

Si l’enseignante expérimentée insiste aussi sur la continuité et la fluidité du mouvement c’est plus dans l’attente d’un geste juste, plus ou moins codifié. L’entretien montre que son univers (2) de prédilection est celui de Marie-Claude Pietragala.

Un troisième univers (3) explore plutôt la discontinuité du mouvement rapide, saccadé, explosif. Il est exploité par l’enseignant novice dans l’enseignement de cette activité. Pour que son enseignement soit en adéquation avec celui qu’il exerce habituellement basé sur la performance motrice dans les autres APSA (activités physiques sportives et artistiques) il s’appuie sur les univers de Wim Vandekeybus et Anna Theresa de Keersmaeker.

Un quatrième univers (4) est ressorti de cette étude, il est basé sur un cadrage de l’espace, des lignes et de la synchronisation entre les danseurs et danseuses. Des chorégraphes contemporains ont exploité cet univers. Mais ce n’est pas ce que l’entretien révèle. Cette enseignante novice dans l’enseignement de cette activité cherche le moyen d’être rassurée en utilisant des techniques de gymnastique qui cadrent l’espace, les formes géométriques et la relation entre les élèves. Elle déclare en effet avoir été en échec lors de ses premières expériences d’enseignement de la danse du

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point de vue de la participation des élèves. Pour cette raison, elle entre dans la danse en utilisant des techniques issues de la gymnastique, son domaine de prédilection.

En résumé, l’univers de danse sur lequel s’appuient ces enseignant-e-s est en lien avec ce qu’ils désirent que les élèves apprennent. Qu’en est-il des techniques de transmission ?

3.2 Les techniques de transmission

Il ressort des analyses qu’il y a une relation entre univers de danse et technique d’enseignement de cette activité. En effet l’univers (1) exploité par l’enseignant expert se traduit par des démonstrations de mouvement lent et ressenti et un vocabulaire exploitant cet univers « doux, léger, flotter, allonges ton bras, vas au bout du mouvement, crée une ambiance… ». Ce qui ressort du travail de Laban est ici l’accent sur le poids et le flux. De plus, l’espace scénique est organisé de manière à ce que les élèves entrent dans un lieu « magique », de « rêve ». Sortir de cet espace est une action qui incombe aux élèves lorsqu’ils sont déconcentrés.

L’univers (2) exploité par l’enseignante expérimentée se traduit par un vocabulaire exprimant la fluidité des mouvements « arrondis ton mouvement, tiens ton mouvement, je suis attirée vers le sol, très lourde et je descends très doucement… ». Les catégories de Laban sont aussi le poids et le flux. L’espace scénique est un lieu organisé de manière à ce que les élèves se produisent uniquement dans cet espace et orientés face à un public. Nous retrouvons ici les règles d’agencement du mouvement et de l’espace des artistes néoclassiques.

L’univers (3) de l’enseignant novice se caractérise par des démonstrations de mouvements rapides, explosifs, discontinus et un vocabulaire relatif à cet univers « plus vite, plus haut, plus fort…, vous devez bouger dans tout l’espace ne pas rester au même endroit… ». Le flux, le temps, l’espace des catégories de Laban sont ici surreprésentés. L’espace n’est pas délimité ni l’orientation des danseurs. L’espace est ouvert, les élèves peuvent investir tous les lieux et tous les plans de la salle de danse.

L’univers (4) de l’enseignante novice se traduit par des communications verbales qui sont très significatives « une ligne, face à face, derrière, devant…, vous allez vous déplacer en rythme sur la musique… ». Les catégories de Laban sont ici l’espace et le temps. L’espace de la salle de danse est très délimité, le rapport aux spectateurs est frontal.

En conséquence, les communications que reçoivent les élèves influent sur leurs réponses en terme d’énergie donnée au mouvement, d’utilisation de l’espace, de rapport au temps et de rapport au poids. Les registres de technicité (Combarnous, 1984) dans lesquels entrent les élèves sont en relation avec les univers de danse de leurs enseignant-e-s et leurs techniques de transmission de ces univers.

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4. CONCLUSION

Au terme de cet exposé, il semble que les conditions de réception d’un enseignement de danse contemporaine par les élèves sont la résultante des univers de danse utilisés par les enseignant-e-s et de leur réinterprétation par les techniques de transmission. Mais l’origine de cette réinterprétation est à questionner parce qu’elle conditionne la manière d’utiliser les catégories de Laban (espace, temps, énergie). Cela dépasse la transposition didactique en ce que cela met au centre du processus d’enseignement l’histoire de l’enseignant-e. C’est un système complexe qui engendre une activité d’enseignement se traduisant par des techniques de transmission particulières qui ne peuvent occulter ni l’histoire de l’enseignant-e, ni le genre professionnel (Clot et Faïta, 2000) des professeurs d’éducation physique qui mettent souvent en scène leur corps. Ainsi les techniques de transmission en lien fort avec des univers de danse réinterprétés vont agir sur les contenus et les productions des élèves. Ce qui n’est pas sans interroger la formation des enseignant-e-s sur la place du corps et sur la signification même que les postures corporelles donnent aux élèves quel que soit la discipline d’enseignement.

BIBLIOGRAPHIE

Clot, Y., & Faïta, D. (2000). Genres et styles en analyse du travail. Concepts et méthodes. Travailler, 4, 7- 42.

Combarnous, M. (1984). Les techniques et la technicité. Paris : Éd. Sociales.

Laban, R. (2003). La danse moderne éducative. Bruxelles : Éditions complexe. [1948, 1ère édition] Laban, R. (2003). Espace dynamique. Bruxelles : Contredanse. [1984, 1ère édition]

Naji, M. (2007). Valeur des tapis marocains : entre productrices d’artisanat et marchands d’art. In Sofio, S., Perin, E Y & Molinier, P. (coord.), Cahiers du genre, 43, 95-111.

Thorel, S. (2007). Vers une coéducation en danse au collège : analyse didactique et prospective des curricula. Thèse de Doctorat non publiée. École nationale supérieure de Cachan, 610 p. Tribalat, T. (1987). Les caractéristiques de l’animation de la danse dans le milieu du loisir.

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