APPORT DE LA RECHERCHE SUR LES REPRESENTATIONS POUR LA FORMATION CONTINUE DES PROFESSEURS DE SCIENCES PHYSIQUES DES COLLEGES
M.G. SERE E. GUESNE
L.I.R.E.S.P.T.
UNIVERSITE DE PARIS VII UNIVERSITE P ET M CURIE DE PARIS VI
MOTS CLEFS: CONCEPTIONS DES ELEVES - OBJECTIFS - SITUATIONS EXPERIMENTALES DEMARCHES PEDAGOGIQUES -PHYSIQUE.
RESUME: On analyse l'apport des recherches sur les conceptions des élèves en physique, tant pour la définition des objectifs de l'enseignement que pour le choix d'outils didactiques appropr iés .
Le département de formation permanente de l'Université Pierre et Marie CURIE (PARIS VI) assure, parmi ses actions de formation, des recyclages pour les enseignants des collèges (*). Une partie des activités que nous proposons aux enseignants, dans ce cadre, consis-te en une information sur les conceptions des élèves, dans le domai-ne de la physique auquel est consacré un stage donné. Nous allons caractériser les recherches sur lesquelles s'appuie cette formation, puis nous montrerons la nature de l'aide qu'elles apportent aux enseignants.
QUELQU~S CARACTERISTIQUES DES RECHERCHES UTILISEES
Nous nous appuyons essentiellement sur des recherches qui visent
à élucider les conceptions des élèves en situation d'observation et d'interprétation d'expériences. Ces recherches analysent les produc-tions des élèves recueillies dans ce type de situation. Nous utili-sons également les études de vr:Jcabulaire, et les données des entre-tiens non directifs qui permettent de connaître les attributs et le Clhamp d'expériences personnelles que l'enfant relie spontané'llent à
un ter'T)e donné du vocabulaire scientifique (par exemple, le mot "lumière") (1).
Ces recherches s'intéressent au contenu conceptuel des produc-tions des élèves, 3 la formation des concepts physiques. Les catégo-ries d'analyse font donc référence à la description des situations expérimentales faites par le physicien. Ce tvpe de recherche néces-site une réflexion parallèle sur la physique elle-même. Mais la lecture que les élèves font d'une situation sort souvent du cadre de référence du physicien, et l'on est amené à introduire d'autres
catégories d'analyse pour rendre compte de leurs interprétations (par exemple, les interprétations animistes),
Ces recherches fournissent d'une part un "état des lieux" avant enseignement, et d'autre part la description d'évolutions d'élèves en situation d'apprentissage. Les situations didactiques, dans les-quelles on observe les élèves pour ce second type d'étude, ne sont pas quelconques: elles sont construites et analysées à partir des données sur les conceptions initiales des élèves, "l'état des lieux" de départ.
Les recherches que nous utilisons actuellement portent essen-tiellement sur les propriétés physiques de la matière, l'optique, la mécanique, les circuits électriques.
LES CONCEPTIONS DES ELEVES ET LE CHOIX DES OBJECTIFS DE L'ENSEIGNE-MENT.
Connaître les conceptions des élèves permet à l'enseignant de llieux choisir et de mieux préciser ses objectifs. Chaque recherche ne débouche pas sur une liste d'objectifs absolue. L'enseignant a par ai lieurs un certain nombre de contraintes, dont. i l doit tenir compte. Les données des recherches SUt' les conceptions des élèves aide l'enseignant
à
faire des choix.Il est des objectifs qui visent à rendre explicite l'implicite. Les recherches montrent en effet que certaines notions, que l'on considère généralement comme allant de soi, sont étrangères aux enfants (2) (3) et qu'il convient de les introduire explicitement dans l'enseignement.
Il est des objectifs qui répondent
à
des conceptions des élèves qui constituent des obstacles (4) pour d'autres apprentissages.Les recherches sur les conceptions des élp.ves permettent égale-ment de caractériser la possibilité d'atteindre effectivement un objectif donné à un âge donné, grâce
à
l'étude d'évolutions d'élèvesdans des ~ituations didactiques orécises: situation expérimentale, mise en contradiction de l'élève, interventions de l'enseignant, etc.. Ces travaux permettent de connaître 18S objectifs que les élèves sont presque tous en mesure d'atteindre, et ceux pour lesquels il y a des obstacles difficilement surmontables (5).
~nfin, ces recherches a~ènent à une reformulation des objectifs. En effet, tout se passe comme si les conceptions des élèves interro-geaient les enseignants en les amenant
à
approfondir certains points de physique. Il Y a comme une sorte de boucle qui s'instaure entre étude des conceptions et lecture en termes de physique (5).LES CO~CEPTIO~S DES ELRVES ET LE CHOIX DES OUTILS DIDACTIQUES
1°) Le choix des situations expérimentales
Le bilan des conceptions initiales des élèves nous indique quelles sont les notions sur lesquelles on pourra, ou au contraire on ne pourra pas s'appuyer pour cons trui re les not ion s reten ues comme objectif d'ensei~nement. Il s'avère alors notamment que certaines expériences classiques des cours de physique doivent être rejetées, ou mOdifiées, car elles ne peuvent pas avoir pour les enfants le sens que leur attribue leur auteur: c'est le cas par exemple des expériences qui prennent la vision comme test de la présence de lumière, à un niveau élémentaire. (2)(3)
2°) Le choix des démarches La si tuation expéri~entale seule la force de convaincre.
ne oorte généralement pas
à
elle C' es t dans le cadre ct' une démarche qu'elle permet d'atteindre des objectifs. Suivant les cas, on peut choisir ct' intervenir pour gui(jer l'élève par (jes questions 011 pardes informations, ou alors (je ne oas intervenir car on sait que l'exoression spontanée des élèves va leur permettre (j'avancer. nn oeut choisir de mettre les élèves en situation de contradiction, ou les étonner, et ces choix ne sont pas possibles a oriori. Ils découlent (je la connaissance de réactions d'élèves (jevant l'expérience (5).
LA FORMATIO~ PRATIQUE DONNEE AUX ENSEIGNA~TS.
La connaissance des résultats de recherche sur les conceptions des élèves est donc une aide pour organiser un enseignement. Cepen-dant, c'est au jour le jour, devant sa propre classe, confronté aux réactions de ses proores élèves que l'enseignant doit faire des choix et adaoter les connaissances que la recherche lui apporte. Nous proposons donc aux enseignants une formation pratique qui les aide dans les deux directions suivantes:
1') Il s'agit d'améliorer leur caoacité à saisir les conceptions de leurs oropres élèves, à savoir où ils se si tuent par rapport à
l'éventail des conceptions possibles. Cette capacité est d'autant plus importante qu'on rencontre des conceptions très variées à l'in-térieur d'une même tranche d'âge. Ce travail se fait à partir de l'analyse et de la discussion des retranscriptions de protocoles d'entretiens individuels, et de bandes vidéo enregistrées dans des classes.
2') Il s'agit que les enseignants aient une vue claire de ce qu'ils peuvent attendre d'un apprentissage.
Il apparaît en effet que certaines conceptions ont une grande stabilité. 1':lles ressurgissent
à
l'occasion de nouvelles situations expérimentales et on ne peut espérer les "détruire" d'un seul coup. Les en fant s n ' éprouven t pas en effet le besoin d'a voir un modèle unique et cohérent des phénomènes (1)(3)(6). L'acquisition d'une nouvelle idée n'implique pas, instantanément, l'abandon par l'enfant de ses anci.ens modes d'explications. Passer systématiquement toutes les situations connues au crible des nouvelles idées reçues pour ne conserver que le système explicatif minimum demande d'une part du temps, et d'autre part l'acquisition de l'exigence d'économie maxi-male, qui est à la base de la modélisation en physique. Il serait alors peu réaliste d'attendre d'un enseignement limité dans le temps une modification radicale du système explicatif des élèves. Les changements conceptuels constituent des processusà
long terme. Les professeurs doivent en être conscients.EN CONCLUSION
Les résultats des recherches sur les représentations constituent une information pour les enseignants d'autant plus fructueuse qu'on peut leur dire maintenant comment les utiliser. Nous avons vu qu'ils apportent des éléments d'appréciation pour le choix d'objectifs et d'outils didactiques adaptés aux élèves concernés. Notre expérience est que cette information modifie également les autres activités proposées aux enseignants dans ces stages, c'est d'une autre façon qu'on fait de la physique et qu'on met au point des expériences.
REFERENCES
(1) P.. GUESNE, M.G. SERE, A. TIBERGHIEN. Investigations on chil-dren's conceptions in physics: which method for which result ? Proceedings of the international seminar "Misconceptions in science and mathematics", Cornell University, Ithaca (N.Y., USA), 1983, p. 420-425.
(2) E. GUESNE. Children's ideas about light. In New Trends in Physics teaching, Vol. 4, p. 179-192 (UNESCO, Paris 1984).
(3) E. GUESNE. Contribution à la définition d'un enseignement sur la lumière et l'optique à 13-14 ans. Thèse d'état, Université Paris XI, 1985.
(4) M.G. SERE. Les connaissances des élèves de 5ème
à
propos des propriétés physiqufls des gaz . Petit X, 1985.(5) M.G. SERE. Analyse des conceptions de l'état gazeux qu'ont les enfants de 11 à 13 ans, en liaison avec la notion de pression, et proposi tian de stratégies pédagogiques pour en faciliter l'évolu-tion. Thèse d'état, Univflrsité Paris VI, 1985.
(6) R. DRIVER, E. GUESNE, A. TIBERGHIEN (Ed.). Children's ideas in science. Open University Press (1985).