Culture e t identité
P arler d ’id e n tité : pourquo i ?
La question de l’identité au carrefour
de
l ’histoire
ancienne
Résumé de l’intervention de François Favory
(UMR 6565 - Laboratoire de Chrono-Ecologie, Besançon)
L'id e n tité est la ch a rp e n te des peuples e t c'est une ch arpente historicisée, o b je t d'évolution e t de redim ensionnem ent géographique, social, politique. L'identitaire, aujourd'hui, c'e st l'irruption de l'hum ain et du social dans les constructions intégratives étatiques e t supranationales, d 'u n double point d e vue au moins : soit pour servir la construction politique étatique, soit pour lui résister.
L'adhésion d e F. Favory au projet est m otivée par deux dém arches :
- celle du citoyen, interpellé par l'im p a c t majeur d e la question identitaire dans les débats, les tensions > e t les conflits contem porains, concerné et intéressé par la substance e t les contours mouvants de l'identité
régionale d e la Franche-Comté, où il travaille e t réside ; à c e titre, il perçoit la revendication identitaire com m e une dimension incontournable d e la citoyenneté, quelle que soit l'échelle où elle se définit, s'édifie ou s'impose à l'instigation des forces qui la prom euvent co m m e fa cte u r d'h om ogénéisation d 'u n groupe humain.
- celle du chercheur, historien d e form ation, archéologue par passion, pour qui les leçons d e l'histoire sont évidem m ent plus claires e t explicites qu e celles d e l'arch éologie : là encore, l'a p p ro c h e du m odèle de citoyenne té d é ve lo p p é dans les sociétés esclavagistes d e l'Antiquité classique est riche d e leçons pour nos propres conceptio ns d e la citoyenneté (naturalisation par le sol, par le sang, etc.).
Le citoyen grec ou romain se définit dans la différence et l'exclusion : son excellence sociale, sa prim auté politique fo n t l'o b je t d 'u n discours obsessionnel de prom otion d 'u n e identité d'essence biologique, historique, culturelle extraordinairem ent sourcilleuse. Tout spécialiste d e l'Empire romain e t d e son système de dom ination e t d'in tégration s'intéresse à l'évolution du rapport de l'idéologie impérialiste à l'étranger e t à l'esclave, form e ultime du rejet de l'étranger. En G rèce e t à Rome, la genèse de l'évolution contradictoire des rapports d e parenté e t de la construction é ta tiq u e passe par la pérennisation et l'instrumentalisation d e formes archaïques d e structuration sociale, basées sur des rapports d e parenté d o n t l'intégration progressive (familles, fratries, curies, tribus) contribue à construire l'État qui doit s'opposer, pour s'imposer, à leur logique fonctionnelle e t structurante. Ces rapports de parenté constituent un des opérateurs idéologiques les plus efficaces de l'ide ntité du corps civique, y compris sous l'Empire.
L'archéologie qui questionne la dynam ique historique des systèmes d e peuple m e nt e t des paysages, n'est pas celle qui exprime le mieux la question identitaire. Pour autant, dans les problématiques, la part de l'im m atériel - d e l'idéel - s'impose co m m e une dimension incertaine mais incontournable. On sait, pa r les textes, que l'esp ace gallo-romain, m êm e à l'échelle d 'u n e m icro-région ou d 'u n pays, est un espace incroyablem ent découp é, hiérarchisé, em boîté, en to u t cas pyramidal. L'inform ation est tronquée, lacunaire, dépourvue d e cohésion e t d e continuité spatiale : m algré tout, c e t espace se décline en niveaux multiples, strictem ent hiérarchisés mais dotés d 'u n e identité propre, reconnue e t d o té e d 'u n statut juridico-politique par l'État romain, à partir d 'u n bricolage e t d 'u n e reconstruction de la géographie politique indigène. La gé ograp hie des pouvoirs n'est qu'un a m é n a g e m e n t subtil e t contrôlé d'identités spatialisées qui, pour être e ffic a c e e t durable, n 'a pas pu ne pas tenir c o m p te des antécéd ents indigènes. Il s'ag it alors de com prendre co m m e n t s'est édifié c e système spatial, à la fois mosaïqué e t em boîté, e t co m m e n t il a réussi à se stabiliser a v e c l'adhésion des habitants concernés, qui l'o n t a d o p té co m m e c a d re d e leur identité locale, régionale et provinciale.