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Influence des capacités de régulation du bébé et des représentations maternelles sur le traitement de l'information visuelle du nourrisson au quatrième mois de vie

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Academic year: 2021

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Julie A. Lemieux SD.5

ML Pool

L554

influence des capacités de régulation du bébé et des représentations maternelles sur le traitement de l’information visuelle du nourrisson au quatrième mois de vie

Thèse de doctorat

présentée à la Faculté des Études Supérieures de l’Université Laval

pour l’obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.)

École de psychologie Facultédes Sciences Sociales

Université Laval

Décembre 2001

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Résumé court

Cette étude examine l’influence de facteurs endogènes et exogènes sur les

performances cognitives de nourrissons de quatre mois. La régulation du bébé (sommeil, pleurs par jour, alimentation) est mesurée par le Questionnaire d’alimentation de Ramsav (Ramsay et al., 2001). Les représentations maternelles sont évaluées par le Working Model of the Child Interview (Zeanah et al., 1994). La procédure d’habituation visuelle est retenue comme mesure du traitement de Γ information visuelle. Trente-trois dyades mère-nourrisson (20 garçons et 13 filles) participent à cette recherche qui compte deüx collectes de données permettant d’estimer la stabilité des mesures cognitives. Les résultats suggèrent que tant les capacités de régulation du nourrisson, que les

représentations maternelles et le degré de dysphorie dépressive post-natale peuvent être associés aux différences individuelles en habituation visuelle, certaines variables d’habituation étant mieux expliquées par l’addition de ces deux facteurs d’influence. Quelques avenues de recherche visant une étude plus approfondie des influences réciproques de la dyade mère-bébé sur le développement cognitif du nourrisson sont proposées.

Signature de la candidate :

Signature du co-directeur :

V Signature du co-directeur :

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Résumé long

La présente étude explore l’impact de facteurs endogènes, soit les habiletés de régulation du bébé, et exogènes, soit les représentations maternelles (et la dysphorie dépressive post-natale), sur les performances de nourrissons de quatre mois dans une tâche d’habituation visuelle. Les habiletés de régulation du bébé (cycle de sommeil, quantité de pleurs par jour, habiletés d’alimentation) sont mesurées à l’aide du

Questionnaire d’alimentation de Ramsay (2001). Les représentations maternelles sont évaluées à l’aide du Working Model of the Child Interview (WMCI : Zeanah & Benoit,

1995), et classifiées en fonction de deux sous-catégories : « Pleinement balancées » et « Non-pleinement Balancées ». La procédure d’habituation visuelle/réponse à la

nouveauté est retenue comme mesure du traitement de !’information visuelle. Trente-trois dyades mère-enfant (20 garçons et 13 filles) participent à cette recherche. Les nourrissons sont soumis à deux reprises à une tâche d’habituation visuelle dans un intervalle de sept jours dans le but d’estimer la stabilité des mesures cognitives. Les résultats de cette étude suggèrent que tant les capacités de régulation du nourrisson, que les représentations maternelles et le degré de dysphorie dépressive post-natale peuvent être associés aux différences individuelles obtenues en habituation visuelle, certaines variables

d’habituation étant mieux expliquées par l’addition de ces deux sources d’influence sur les performances cognitives du bébé. Cette recherche exploratoire propose quelques avenues de recherche visant une étude plus approfondie de l’influence des interactions mère-nourrisson sur le développement cognitif du nourrisson.

'' Signature de la candidate :

Signature du co-directeur : Signature du co-directeur :

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Avant-propos

L’auteure désire sincèrement remercier ses directeurs de recherche, Messieurs Stephan Desrochers et Jean-François Saucier pour leur appui indéfectible et leur

contribution considérable dans l’élaboration de cette thèse de doctorat (un immense merci à Dr. Saucier d’avoir ouvert tant de portes pour moi - je lui suis très reconnaissante).

Merci aux membres de mon comité de thèse, Messieurs Arvid Kappas et Stéphane Sabourin, de leur regard constructif permettant une version améliorée de mon document.

Merci aux professeurs de l’École de psychologie de l’Université Laval qui ont contribué à ma formation de psychologue et de chercheure. Mes remerciements vont plus particulièrement à M. Robert Rousseau.

Merci également à Dr. Martin St-André de l’Hôpital Ste-Justine qui m’a

grandement aidée dans mes travaux de doctorat. Merci à Isabelle Morin (statisticienne, Hôpital de Montréal pour Enfants) et Denis Lacerte pour leur aide statistique bénévole si généreuse et précieuse. Merci à Éric Dubé qui m’a encouragée au dépassement.

Merci à Dr. Maria Ramsay et l’équipe fantastique de la «Failure-to-thrive - Feeding disorders Clinic» de l’Hôpital de Montréal pour Enfants qui m’ont démontré beaucoup d’empathie et de soutien lors de la rédaction de ce document. Merci également à mes amis et psychologues de l’Hôpital Ste-Justine pour leurs encouragements.

Merci beaucoup aux mamans et aux nourrissons qui ont accepté si gentiment de participer à cette expérimentation... je les salue tous et leur souhaite beaucoup de bonheur!

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Merci énormément à mes parents et à toute ma famille pour leurs encouragements moral et financier sans cesse renouvelés tout au cours de mon

cheminement universitaire, et qui m’ont permis de réussir avec succès ma formation de psychologue pour enfants.

Merci à tous mes amis, plus particulièrement Julie, Marie-Claude, Nancie, Hélène, France, Chantal et Claire (ainsi qu’aux maîtres et aux membres de l’école Kung Fu Sil Lum Hung Gar) qui m’ont souvent redonné espoir et persévérance en des temps parfois plus ardus.

Enfin, merci tout spécialement à mon ami de cœur, Ton Dan Nguyen, qui a su trouver les mots me donnant le courage et la motivation nécessaire pour terminer ma thèse en beauté!

Merci à Dieu de m’avoir permis de réaliser ces études qui, je le souhaite de tout coeur, me permettront d’aider les enfants souffrants et leurs parents.

Je dédie cette thèse aux enfants.

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TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ COURT. ... ... 2

RÉSUMÉ LONG... 3

AVANT PROPOS... ...4

INTRODUCTION L'INTERACTION MÈRE-ENFANT: LE BÉBÉ ACTIF... 9

CHAPITRE 1. L'INFLUENCE DE FACTEURS ENDOGÈNES SUR LE TRAITEMENT DE L'INFORMATION VISUELLE DU BÉBÉ...16

Premier objectif de la présente étude... ... 21

CHAPITRE 2. L'INFLUENCE DE FACTEURS EXOGÈNES SUR LE TRAITEMENT DE L'INFORMATION VISUELLE DU BÉBÉ...23

Au-delà de !'observation du comportement: les représentations maternelles... 25

Le Working Model of the Child Interview (WMCI: Zeanah et al., 1994)... 29

Deuxième objectif de la présente étude... 30

CHAPITRE 3. L'HABITUATION VISUELLE COMME MESURE PRIVILÉGIÉE DU TRAITEMENT DE L'INFORMATION DU NOURRISSON...31

Historique et modèles conceptuels de !'habituation visuelle... ...32

Les constituants de la phase d'habituation visuelle... 39

Les constituants de la phase de réponse à la nouveauté... 41

Les différences individuelles en habituation visuelle...42

Travaux sur !'attrition en habituation visuelle...44

CHAPITRE 4. QUESTIONS DE RECHERCHE... ... 47

Première question de recherche: liens entre les représentations maternelles et la régulation du nourrisson... 47

Deuxième question de recherche: !,implication de facteurs endogènes dans !explication des différences individuelles en habituation visuelle... 47

Troisième question de recherche: !implication de facteurs exogènes dans !explication des différences individuelles en habituation visuelle...48

Quatrième question de recherche: !addition des facteurs endogènes et exogènes dans !explication des différences individuelles en habituation visuelle... 48

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CHAPITRE 5. MÉTHODOLOGIE... 49

Sujets... ...49

Instruments... 49

Mesure de la régulation du nourrisson... 49

Mesure des représentations maternelles... 50

Mesure du traitement de !'information visuelle... 54

Procédure spécifique de !'habituation visuelle...54

Dispositif de !*habituation visuelle...55

Déroulement de !'habituation visuelle... 55

Phénomène d'attrition en habituation visuelle...57

Mesure de la dysphorie dépressive post-natale maternelle...58

Déroulement général... 58

Variables... ... ·... ...59

Variables associées à la régulation du nourrisson...59

Variables associées aux représentations maternelles...59

Variables associées à !*habituation visuelle... 61

CHAPITRE 6. ANALYSE DES RÉSULTATS... 64

Échantillon... 64

Dysphorie dépressive post-natale maternelle... 65

Facteurs endogènes: les capacités de régulation du bébé...66

Facteurs exogènes: les représentations maternelles... 66

Les indices qualitatifs des représentations maternelles... 69

Différences individuelles en habituation visuelle...72

Relations entre les scores d'habituation visuelle dans le temps... ...72

Stabilité des variables d'habituation visuelle...75

Taux d'attrition en habituation visuelle...75

Habituation visuelle et variables socio-démographiques... 77

Analyses reliées à la première question de recherche: liens entre les représentations maternelles et la régulation du nourrisson... 77

Analyses reliées à la deuxième question de recherche: !,implication de facteurs endogènes dans !'explication des différences individuelles en habituation visuelle... 80

Régulation du sommeil et scores d'habituation visuelle...80

Régulation des pleurs et scores d'habituation visuelle... ...81

Fréquence des problèmes d'alimentation et scores d’habituation visuelle... 81

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7 Analyses reliées à la troisième question de recherche: l'implication de facteurs

exogènes dans l'explication des différences individuelles en habituation visuelle... 82

Indices qualitatifs des représentations et scores d'habituation visuelle... 82

Dysphorie dépressive post-natale et scores d'habituation visuelle... 83

Facteurs exogènes et taux d'attrition en habituation visuelle...83

Analyses reliées à la quatrième question de recherche: l’addition des facteurs endogènes aux facteurs exogènes dans !'explication des différences individuelles en habituation visuelle... 86

CHAPITRE 7. DISCUSSION... 95

Première question de recherche: liens entre les représentations maternelles et la régulation du nourrisson... 95

Deuxième question de recherche: !implication de facteurs endogènes dans !explication des différences individuelles en habituation visuelle... 96

Troisième question de recherche: !implication de facteurs exogènes dans !explication des différences individuelles en habituation visuelle... 98

Quatrième question de recherche: !addition des facteurs endogènes et exogènes dans !explication des différences individuelles en habituation visuelle... 102

Considérations à l'égard du phénomène d'attrition... 103

Discussion générale... 106

CHAPITRE 8. CONCLUSION... 110

RÉFÉRENCES... 117

ANNEXE A Questionnaire des mécanismes d’alimentation (Ramsay et al. 2001)... 128

ANNEXE B Working Model of the Child Interview (Zeanah et a!, 1994)... 136

ANNEXE C Schéma du dispositif d'habituation visuelle...157

ANNEXE D Edinburgh Postnatal Depression Scale (Cox et al., 1987)... 159

ANNEXE E Formulaire de consentement éclairé... 162

ANNEXE F Formulaire de renseignements généraux... 165

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TABLEAU 1 Caractéristiques sélectionnées de l’échantillon en fonction des sous-catégories de représentations maternelles : pourcentages et probabilité

associée au test du Chi-carré... ... 68 TABLEAU 2 Moyennes (écarts-types) et résultats des analyses univariées

(ANOVA) pour les indices qualitatifs et les indices de contenu des

représentations maternelles selon les classifications en deux sous-catégories... 70 TABLEAU 3 Coefficients de corrélation (Spearman), valeurs Z (Wilcoxon

Signed-Ranks), moyennes et centièmes de secondes (M) et écarts-types (E.T.)

des scores d’habituation obtenus aux deux temps de !’expérimentation... 73 TABLEAU 4 Moyennes en centièmes de secondes (M), écarts-types (E.T.),

médianes et valeurs KS (Kolmogorov-Smimov) des scores d’habituation obtenus par le nourrisson en fonction de la complétion des deux procédures

d’habituation visuelle...78 TABLEAU 5 Moyennes en centièmes de secondes (M), écarts-types (E.T.),

médianes et valeurs KS (Kolmogorov-Smimov) des scores d’habituation obtenus par le nourrisson en fonction de la présence ou non d’une dysphorie

dépressive post-natale maternelle (DDPM)...84 TABLEAU 6 Valeur F du modèle, variance expliquée (R2), et valeur F

augmentée des régressions hiérarchiques des facteurs exogènes et endogènes sur

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INTRODUCTION

L’interaction mère-enfant: le bébé actif

Les aimées 80 ont vu se multiplier les travaux d’observations micro-analytiques de la dyade mère-nourrisson dans divers contextes (échanges sensoriels, visuels, vocaux, etc.), mettant ainsi en évidence !’interdépendance, la synchronie ou, en d’autres termes, l’ajustement réciproque des deux partenaires. Les travaux précurseurs de Brazelton (1981) ont largement contribué à faire reconnaître les capacités d’action du nourrisson, leur rôle dans !’interaction mère-bébé, et plus encore, l’interdépendance des deux partenaires dans la réussite des échanges. Ses travaux se sont inscrits dans un courant de recherche portant sur les compétences précoces du nourrisson et ses capacités de

régulation. Ils ont permis notamment de mettre au jour !’importance de !’attention visuelle du bébé comme agent régulateur de !’interaction mère-enfant.

L’essor des travaux sur le tempérament du nourrisson au cours de cette même période aura aussi permis de mieux comprendre le rôle actif de l’enfant au sein de la dyade mère-nourrisson. Dès lors, on s’est attardé non plus uniquement à l’habileté avec laquelle la mère est capable d’interpréter les signaux émis par l’enfant (la sensibilité maternelle en quelque sorte), mais aussi — et c’est ce qui contribue à une meilleure compréhension de !’interaction — on s’est intéressé à la clarté des signaux émis par l’enfant, soit la « lisibilité de l’enfant » (Worobey, 1989).

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Parce que les nourrissons diffèrent quant à leurs aptitudes à se laisser apaiser, à adopter une conduite d’auto-réconfort, à organiser leurs états de vigilance, ou quant à la quantité de leurs pleurs, ils ont un impact déterminant sur la stimulation qu’ils reçoivent de leur mère (Komer, 1984). Un bébé très irritable, qui ne peut être facilement apaisé, pourra susciter chez la mère des sentiments d’impuissance et des pensées dépressives (Brazelton, 1982). À l’opposé, un enfant qui émet des signaux clairs et qui réagit bien aux stimuli permet à la mère une interprétation plus rapide et une réponse plus adéquate (Lamour & Lebovici, 1991).

Ainsi, le bébé, avec son tempérament propre et ses capacités d’action, affecte la manière dont la mère va interagir avec lui. Le nourrisson se présente à la mère avec des capacités individuelles plus ou moins prononcées de réguler ses états de vigilance (Sigman, 1983) et de tendre vers un état d’homéostasie (Mazet & Stolen!, 1993).

L’homéostasie réfère à !’acquisition de mécanismes de régulation permettant au bébé de maintenir un état modéré de tensions (malgré les stimulations extérieures) et de parvenir à établir ses rythmes alimentaires, de sommeil et d’éveil, ainsi que d’organiser ses états de vigilance (Greenspan & Lourie, 1981). Au plan du développement, le bébé passe de !’apprentissage de la régulation homéostatique au cours de ses premières semaines de vie, à celui de la régulation de la vigilance face aux stimuli externes (Gable & Isabella, 1992). Alors que certains bébés seront aptes à tolérer et à moduler des niveaux élevés de tension et de nouveauté, d’autres seront désorganisés par le même niveau d’intensité de

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d’attention soutenue devant les stimuli complexes constitueraient donc les fondements des transactions avec !’environnement et de !’apprentissage (Sroufe, 1996).

L’enfant influence les stimulations offertes par la mère et participe ainsi à la contingence des interactions, ceci par ses capacités de susciter, mobiliser, activer la mère ou encore de moduler ses actions ou de s’en défendre (e.g.: Brazelton, Koslowski & Main, 1974; Mayer & Tronick, 1985; Stevenson, ver Hoeve, Roach & Leavitt, 1986; Tronick, Als, Adamson, Wise & Brazelton, 1978; Tronick, Als & Brazelton, 1977). Le bébé n’est donc pas un récepteur passif des expériences, mais bien un agent actif dans la recherche de stimulation. Les patrons d’attention visuelle du jeune enfant montrent qu’il sélectionne les stimuli de façon active, de même qu’il filtre certains paramètres de !’environnement (Bomstein, 1990). L’attention est en soi un indice de l’état de vigilance de l’enfant et contribue à la réussite des échanges entre les partenaires; elle constitue donc l’unité de base de l’échange social (Bomstein, 1990).

Suite à la reconnaissance du rôle actif du bébé sur !’interaction mère-enfant, les travaux s’orientent moins vers la considération exclusive de caractéristiques maternelles et leur influence sur le développement du jeune enfant, mais ils prennent aussi en compte certaines différences individuelles de l’enfant, et la qualité de l’ajustement résultant de !’interaction des deux partenaires.

L’étude de Dunham et Dunham (1990) notamment, constitue un appui empirique à l’effet que la qualité de l’ajustement de la dyade mère-enfant est plus essentielle au

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développement du bébé que la quantité de stimulations offertes par la mère. Tenant compte que le total des vocalisations maternelles à lui seul ne prédit pas la performance de l’enfant à une tâche de contingence subséquente, ces chercheurs estiment que la qualité des interactions mère-nourrisson serait plus importantes que la quantité totale de stimulation reçue.

Dans la même perspective, l’étude de Lawson, Parrinello et Ruff (1992) examinant les liens entre !’attention et l’inattention du bébé et les comportements maternels au cours de !’interaction mère-enfant a mis au jour les effets réciproques des deux partenaires sur !’augmentation de !’attention chez l’enfant : celle-ci dépend et de la tendance particulière de l’enfant à être attentif, et des comportements maternels de mobilisation de !’attention aux objets durant une interaction.

L’étude de Tamis-LeMonda et Bomstein (1989) constitue un troisième exemple de recherche appuyant la pertinence de considérer tant les différences individuelles de la mère que celles de l’enfant et leur ajustement réciproque au plan dyadique, dans l’étude des influences développementales de la relation mère-bébé. Ces chercheurs ont évalué les contributions spécifiques de la performance cognitive (mesures d’attention en habituation visuelle) du bébé de 5 mois et celles du niveau de stimulation offert par la mère dans !’explication des différences individuelles présentées par l’enfant à 13 mois au niveau de sa compréhension et sa production du langage, son jeu symbolique, et sa compétence de représentation. Les résultats de cette étude démontrent notamment que les performances du bébé de 5 mois dans la procédure d’habituation visuelle (les auteurs ont recours à une

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13 variable latente regroupant le niveau de base, le taux d’habituation et le pourcentage de deshabituaron) et Γ encouragement maternel expliquent chacun une portion unique de la variance au plan des scores de cognition obtenus à 13 mois.

En somme, l’étude de !’interaction mère-bébé sous-entend maintenant la prise en considération de différences individuelles dans les aptitudes précoces du bébé. Aussi, la mère n’est-elle pas seule à influencer la relation puisque, de par ses caractéristiques individuelles, le bébé y joue un rôle considérable en influençant le type de maternage qui lui sera nécessaire. La mère et l’enfant contribuent donc ensemble aux caractéristiques du système et à son potentiel de développement (Pettit & Bates, 1984).

Or, la présente recherche ajustement pour but d’examiner l’importance relative de certaines caractéristiques propres au bébé dites endogènes, et certaines caractéristiques maternelles dites exogènes1, ceci sur un aspect particulier du développement du

nourrisson âge de 4 mois de vie : son développement cognitif.

Parallèlement aux travaux sur !’interaction précisant les actions tangibles du bébé sur la quantité de stimulations obtenues et éclairant le rôle prépondérant du

comportement d’attention visuelle sur la qualité de l’arrimage des deux partenaires, une nouvelle avenue méthodologique était proposée pour évaluer les compétences cognitives précoces du nourrisson. En effet, le comportement d’attention a été envisagé comme

Il va sans dire que cette distinction entre facteurs endogènes et exogènes demeure arbitraire, sachant que les deux partenaires s’influencent mutuellement dans !’interaction: la mère contribue à la régulation du nourrisson dans un processus de «régulation mutuelle» ou «co-régulation» (e.g. Brazelton, 2000; Sroufe, 2000), alors que le «bébé réel» contribue à moduler sensiblement les représentations maternelles (e.g. Pérard-Cupa, Valdes, Abadie, Pineiro & Lazartigues, 1992).

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pouvant potentiellement constituer un indice des capacités de traitement de Γ information de l’enfant, puisqu’il est impliqué dans sa connaissance du monde, tant au plan social, affectif que cognitif, et donc dans ses apprentissages (Bomstein, 1990). En fait, plusieurs chercheurs considèrent le comportement d’attention comme étant à la base du

fonctionnement cognitif et intellectuel (Bomstein, 1990; Stankov, 1983). De plus, la mesure de la durée de fixation visuelle est maintenant considérée comme un des meilleurs indices de la qualité de !’attention précoce du bébé. Les différences

individuelles obtenues sur cette mesure ont !’avantage d’être assez stables (Colombo, Mitchell, O’Brien & Horowitz, 1987a; Colombo, Mitchell, O’Brien & Horowitz, 1987b, Colombo, Mitchell, Dodd, Coldren & Horowitz, 1988), et de prédire modestement le quotient intellectuel (Colombo, 1993; Slater, 1995).

Mceli, Whitman, Borkowski, Braungart-Rieker et Michel1 (1998) ont étudié cette question de contribution commune de la mère et de l’enfant dans les performances cognitives de nourrissons de 4 mois lors de mesures cognitives (durée de fixation et préférence pour la nouveauté). Leurs résultats appuient l’influence tant de

caractéristiques du tempérament du jeune enfant (mesurées à l’aide du Rothbart Infant Behavior Questionnaire et du Infant Behavior Record du Bayley) que des caractéristiques maternelles (mesurées à l’aide d’observations des comportements d’encouragement, de sensibilité, etc. dans le cadre des interactions avec son bébé) dans !’explication des différences individuelles obtenues par les nourrissons dans les tâches cognitives. De plus, les résultats observés dans cette étude supportent la thèse voulant que l’accordage des deux partenaires (la prise en compte simultanée de leurs caractéristiques propres), semble

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15 le mieux expliquer les performances cognitives du bébé. Ainsi, l’incompatibilité entre les caractéristiques de la mère et celles de l’enfant (par exemple, un enfant au tempérament très réactif avec une mère très impliquée et offrant un haut niveau de stimulation) est associée à de faibles capacités de traitement de !’information chez le bébé.

Les deux prochains chapitres traiteront davantage des influences potentielles de facteurs endogènes et exogènes de !’interaction mère-enfant sur le traitement de

Γinformation visuelle du bébé (et plus particulièrement sur ses capacités d’attention visuelle). Le chapitre 4 traitera de la mesure retenue pour évaluer les différences individuelles du nourrisson au plan du traitement de !’information visuelle, soit la procédure d’habituation visuelle.

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L’influence de facteurs endogènes sur le traitement de !,information visuelle du bébé

Peu d’études ont jusqu’à maintenant examiné l’influence des facteurs endogènes (propres à l’enfant) et exogènes (propres à l’environnement) sur les capacités de

traitement de F information du nourrisson et sur ses capacités d’attention (Miceli et al., 1998). En ce qui a trait aux facteurs endogènes, les travaux effectués tendent à démontrer l’importance du tempérament de l’enfant, et plus spécifiquement, de ses capacités de régulation.

L’étude de Ruddy (1993) examinant les liens entre le taux de fixations visuelles alternées dans une situation de pairage de stimuli (paradigme de préférence pour la nouveauté) et le tempérament de l’enfant de cinq mois a permis de mettre au jour des corrélations significatives entre la quantité de fixations alternées du jeune enfant et deux variables du tempérament issues du Rothbart Infant Behavior Questionnaire. D’autre part, dans l’étude de Rothbart (1988; citée dans Rothbart, Posner & Boylan, 1990), des

nourrissons de 13 mois précédemment décrits par leur mère comme ayant un

tempérament craintif, ont présenté une inquiétude intense dans le laboratoire où ils étaient testés et ont obtenu des durées de fixation visuelle significativement plus longues vers les

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17 Stimuli qui leur étaient présentés, ainsi qu’une fréquence moins élevée d’évitements vis- à-vis ceux-ci.

Dans leur étude portant sur les relations longitudinales entre le tempérament du nourrisson et son traitement de Γinformation visuelle (procédure d’habituation visuelle), Smith et al. (1997) rapportent que les bébés qui s’habituent plus rapidement aux stimuli (i.e. qui nécessitent moins d’essais pour atteindre le critère d’habituation) et qui ont un nombre moins élevé de « pics » de fixations au cours de !’habituation à 5 mois sont décrits par leur mère comme étant plus actifs, intenses, d’humeur plus négative, moins persistants et s’adaptant moins bien à 13 et 20 mois.

Enfin, l’étude de Miceli et al. (1998) évaluant notamment les liens entre certaines caractéristiques du tempérament de nourrissons de 4 mois et leur performance à des mesures d’attention (durée de fixation et préférence pour la nouveauté) et au Bayley Scales of Infant Development a démontré des relations significatives entre le degré de « réactivité » de l’enfant lors de la passation du Bayley et ses durées de fixations visuelles. Ces résultats suggèrent que les nourrissons présentant un traitement de !’information plus rapide (i.e. des durées de fixations plus courtes) seraient ceux qui démontrent une attitude plus positive lors de l’administration du Bayley. Sur la base de leurs travaux, Miceli et al. (1998) déplorent le peu d’études qui ont investigué l’influence de caractéristiques du tempérament de l’enfant sur le traitement de !’information visuelle. Selon ces chercheurs, les recherches futures devront inclure des mesures plus objectives

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et quantifiables du tempérament de l’enfant, exigeant éventuellement moins d’interprétation de la part des mères2.

Dans le but de mieux cerner l’influence des caractéristiques intrinsèques du bébé sur ses capacités de traitement de !’information visuelle, certains chercheurs se sont intéressés plus particulièrement aux capacités précoces de régulation du bébé qui

constituent en quelque sorte une « fenêtre d’observation » de son tempérament. En 1983, Sigman avait émis l’hypothèse que les variations observées dans les durées de fixation visuelle puissent être expliquées concurremment par les capacités de régulation du nourrisson. Toutefois, une seule étude à notre connaissance a proposé une analyse en ce sens par le passé, soit celle de Moss, Colombo, Mitchell et Horowitz (1988). Dans leur étude examinant les liens entre la performance du nouveau-né au Neonatal Behavioral Assessment Scale (NBAS-K; Brazelton, 1973) et lors d’une procédure d’habituation visuelle à 3 mois de vie, ces auteurs ont trouvé que les nourrissons démontrant un meilleur contrôle ou régulation de leur état de vigilance, autrement dit mieux

« organisés » (i.e. aux plans de la vigilance, des pleurs, du sommeil, de la tolérance aux stimuli déplaisants, du degré d’irritabilité, des changements d’états), étaient ceux qui manifestaient de meilleures capacités de discrimination entre les stimuli familier et nouveau à 3 mois.

2 La question de la subjectivité potentielle des questionnaires donnés remplis par les mères au sujet leur enfant ne sera pas abordée ici compte tenu de Γampleur du débat qu’elle suscite, et qui s’éloigne des préoccupations de cette étude.

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19 La régulation de ses états (ou homéostasie) constitue l’une des premières tâches développementales du bébé (Brazelton, 1981; Gable & Isabella, 1992; Stem, 1974). Selon DeGangi, Porges, Sickel et Greenspan (1993), afín de favoriser son adaptation à son environnement, le nourrisson devra apprendre à réguler ses états de sommeil et de faim, à digérer sa nourriture, à s’auto-calmer, à inhiber son activité motrice et

physiologique pour demeurer attentif, et à répondre de manière contingente et appropriée aux stimuli sociaux. Cette capacité de régulation ou homéostasie serait garante d’états de vigilance et d’engagement plus optimaux vis-à-vis le monde extérieur (Greenspan & Lourie, 1982). Alors que certains enfants auront besoin de plus de stimulations pour activer leur vigilance et s’engager de manière cognitive vis-à-vis les stimuli de

!’environnement, d’autres nécessiteront une stimulation extérieure plus ténue (Miceli et al., 1998).

Selon Rothbart (1989), les capacités d’attention de l’enfant seraient ainsi

tributaires en partie des capacités de régulation de l’enfant, puisque déterminantes dans son habileté à moduler sa vigilance. Un nourrisson moins bien régulé aurait davantage tendance à utiliser son comportement visuel pour des fins de régulation, soit de manière à éviter d’être surchargé par une stimulation (Miceli et al., 1998). Par ailleurs, certains enfants démontrent une forte réactivité aux stimuli externes, pleurant aisément et abordant la nouveauté avec inquiétude (Rothbart, 1989; Rothbart & Mauro, 1991;

Rothbart et al., 1990). Des capacités d’attention plus pauvres constitueraient donc un des symptômes d’une régulation moins efficace chez le jeune enfant.

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Les différences individuelles observées au plan des comportements de régulation du bébé auraient une base constitutionnelle (Greenspan & Lourie, 1982; DeGangi et al.,

1993). Les désordres de régulation du jeune enfant ont notamment été associés à des problèmes de sommeil, d’alimentation, des difficultés à se calmer ou se contrôler, des troubles de régulation de l’humeur, et un pauvre développement sensoriel (DeGangi et al., 1993; DeGangi, Breinbauer, Doussard, Porges & Greenspan, 2000). Les enfants manifestant un déficit au plan de leur régulation seraient plus à risque de présenter des difficultés d’ordre perceptif, langagier, sensoriel-intégratif, et comportemental à l’âge préscolaire (DeGangi, DiPietro, Greenspan & Porges, 1991; DeGangi étal., 1993). Selon les résultats rapportés par DeGangi et al. (2000), 95% des enfants présentant un désordre de régulation modéré à l’âge de 7 mois de vie manifestaient soit des retards de

développement cognitif, moteur ou langagier, soit des problèmes relationnels parents- enfant, lors d’une évaluation diagnostique réalisée à 36 mois. Au plan

psychophysiologique, les enfants dont la régulation est inadéquate présenteraient des patrons particuliers de réponses du système nerveux autonome, dont un tonus vagal spontané plus élevé et une réactivité vagale davantage inconstante lors de tâches

cognitives d’attention notamment (DeGangi et al., 1991)3. Selon DeGangi et al. (1991), la difficulté de ces enfants à inhiber ou à moduler adéquatement leurs réponses

comportementales et physiologiques interférerait avec leurs capacités à fournir une attention soutenue aux stimuli.

Bien que la notion de « régulation physiologique » soit brièvement énoncée ici, la présente étude ne s’adresse pas aux travaux spécifiques portant sur la question, et ne prétend donc pas couvrir ce champ de recherche fort vaste.

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21 La prise en compte de certaines capacités précoces de régulation du nourrisson trouve sa pertinence dans le fait qu’elles auraient un impact déterminant sur son développement, ceci notamment en optimisant les périodes de vigilance, et donc, les opportunités d’apprentissage au sein de !’interaction mère-bébé. Les différences individuelles du bébé au plan de la régulation constituent une des pistes de recherche actuellement examinée, sachant que le degré de vigilance du jeune enfant affecte sa disponibilité aux stimuli de l’environnement. À cet effet, des mesures quantifiables de la qualité de la régulation du bébé (tels ses rythmes d’éveil/sommeil, sa quantité de pleurs, ses habiletés d’alimentation) apparaissent complémentaires et moins subjectives que celles obtenues à l’aide des questionnaires sur le tempérament qui seraient plus susceptibles d’être influencés par le jugement maternel (e.g. Bomstein, Gaughran & Homel, 1986; Wolk, Zeanah, Garcia-Coll, & Carr, 1992).

La nouveauté de ce champ de recherche explique le peu d’études portant sur les différences individuelles de la régulation précoce du nourrisson, et justifie la nécessité de travaux. Bien qu’il soit reconnu que la régulation de l’enfant affecte, et est également affectée par la relation d’attachement à la figure maternelle (Bridges & Grolnick, 1995), bien peu d’études ont examiné l’impact des capacités de régulation du nourrisson (le « bébé actif ») sur ses habiletés de traitement de !’information visuelle.

Premier objectif de la présente étude

La présente étude propose, en premier lieu, d’examiner la relation entre certains paramètres de régulation du nourrisson de quatre mois et ses performances dans une

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CHAPITRE 2

L’influence de facteurs exogènes sur le traitement de !’information visuelle du bébé

Quelques facteurs ont été considérés j usqu’à présent en tant qu’influences exogènes sur les capacités de traitement de !’information visuelle du nourrisson, ce sont: la qualité des soins offerts par la mère (Sigman & Beckwith, 1980), la qualité contingente de la réponse maternelle (Bomstein & Tamis-LeMonda, 1994), la quantité de stimulation maternelle offerte, l’encouragement à être attentif, et !’attention conjointe (Tamis-

LeMonda & Bomstein, 1989; 1993; Riksen-Walraven, 1978; Ruddy & Bomstein, 1982; Saxon, Fiick & Colombo, 1997), le quotient intellectuel de la mère (Bomstein & Tamis- LeMonda, 1994; Tamis-LeMonda & Bomstein, 1993), et enfin, le milieu socio-

économique et culturel de la famille (Bomstein, Pêcheux & Lécuyer, 1988; Pêcheux & Lécuyer, 1989).

L’influence de ces facteurs maternels sociaux et comportementaux sur la qualité du traitement de Γ information visuelle du jeune enfant n’est pas encore bien comprise. Différentes hypothèses ont été postulées, dont l’impact des stratégies maternelles d’orientation de !’attention du bébé vis-à-vis !’environnement sur le développement de ses capacités d’attention, et l’impact des comportements maternels sur le développement des stratégies de régulation du jeune enfant (Miceli et al., 1998).

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Par le passé, une grande importance a été accordée aux variables

comportementales (d’observation) de la dyade mère-nourrisson, dont les mesures ont été davantage précisées et étudiées. Or, les interactions comportementales représentent une des façons d’approcher la qualité de l’arrimage entre la mère et son bébé. La littérature scientifique distingue maintenant deux composantes de la relation mère-enfant: une composante externe, soit les interactions comportementales, et une composante interne, soit les expériences subjectives (e.g. Zeanah, Boris, Heller, Hinshaw et al. 1997). La recherche actuelle accorde un plus grand intérêt au contenu émotionnel communiqué à travers la relation, ceci par l’examen des représentations internes de la mère à l’égard de son enfant, et de leurs répercussions sur son développement.

Selon Brazelton et Cramer (1991), la mère est à la fois influencée par ses

sentiments et pensées inconscientes qu’elle projette sur son enfant (ses représentations de son bébé), et les caractéristiques idiosyncrasiques de celui-ci (netteté de ses états,

capacité de régulation homéostatique, etc.) qu’elle parviendrait à « déchiffrer » de

manière objective. En contrepartie, le développement du bébé est également influencé par les représentations maternelles et par ses propres caractéristiques.

Pour paraphraser l’expression de Winnicott (1947/1972) à l’effet qu’« un bébé, ça n’existe pas » — signifiant la réalité hautement relationnelle du nourrisson —, il est possible de surenchérir: « une mère, ça n’existe pas », signifiant également la réalité relationnelle de la fonction maternelle. Mais «au bébé imaginé, s’oppose le bébé dans sa

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25 réalité, perçue et interprétée par la mère à travers le bébé imaginé. Cette représentation constitue le « bébé réel de la mère ». Bébé réel et bébé imaginé s’opposent et se

superposent, constituant une double représentation chez la mère (...)» (Pérard-Cupa, et al., 1992). Une mère interagit donc avec un « bébé dans la tête », soit en fonction de représentations fantasmatiques qu’elle s’est faite de cet enfant-là, précisément, et avec un « bébé réel », soit l’enfant de la réalité, avec ses compétences idiosyncrasiques, et auquel elle est maintenant confrontée.

Au-delà de !’observation du comportement: les représentations maternelles

Parallèlement à !’application de l’approche transactionnelle à la clinique du nourrisson (Lamour & Lebovici, 1991), un nouveau courant d’influence s’est développé et a nécessité des cliniciens l’élaboration d’un modèle théorique capable d’embrasser les différents niveaux d’observations issus de la thérapeutique dyadique mère-bébé. Kreisler et Cramer (1981) et Lebovici (1983) ont tour à tour proposé l’étude des interactions fantasmatiques préconscientes et inconscientes. Celles-ci sont jugées par eux comme complémentaires et indissociables des observations comportementales.

En 1991, Lamour et Lebovici proposaient un modèle de classification intégrant les axes comportementaux, affectifs et fantasmatiques de !’interaction mère-nourrisson, permettant ainsi une pathogenèse complète des perturbations interactives. Ces auteurs proposaient de recourir à une classification des dysfonctionnements de la dyade mère- nourrisson qui intègre trois niveaux d’interaction : comportemental, affectif et

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1975, puis précisé simultanément par Kreisler et Cramer (1981) et Lebovici (1983), apparaît nuancer la place traditionnellement accordée dans la recherche à l’observation comportementale.

L’engouement suscité par les travaux récents appuyant la transmission (Van

Uzendoorm, 1995) et l’influence des construits internes (« working models ») parentaux sur l’enfant et sur !’interaction mère-enfant a contribué à l’intérêt scientifique grandissant accordé aux expériences subjectives partagées par les deux partenaires (au-delà des seuls aspects comportementaux de !’interaction). Les concordances retrouvées entre les

catégories d’attachement de la mère et de son enfant ont mis en lumière la transmission intergénérationnelle des patrons d’attachement (Grande!!, Fitzgerald & Whipple, 1997), et ont soulevé beaucoup de questionnements visant à expliquer les bases de cette

transmission.

Ainsi, constatant les liens entre les représentations que se font les parents de leur enfant (i.e. l’enfant fantasmatique et l’enfant réel) et différentes mesures d’attachement chez l’enfant, les chercheurs ont porté une attention particulière aux processus menant à cette transmission (Zeanah, 1993). À cet effet, l’évaluation des représentations

maternelles est apparue une piste de recherche fort prometteuse pouvant potentiellement expliquer les concordances retrouvées dans les catégories d’attachement mère-enfant (Benoit, Zeanah, Parker, Nicholson, & Coolbear, 1997; Stem et al., 1989; Zeanah, 1993; Zeanah, Benoit, Hirshberg, Barton & Regan, 1994).

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Les représentations maternelles ont un rôle clairement identifié pour la clinique psychanalytique quant à leur influence potentiellement pathogène sur Γ harmonie de la dyade mère-nourrisson (Cramer & Stem, 1988; Fraiberg, Adelson & Shapiro, 1975; Lebovici, 1983; Pinol-Douriez, 1985), et éventuellement sur le développement cognitif de reniant (Gutton, 1983). Cependant, à ce jour, très peu de recherches les ont étudiées ou les ont reliées de façon systématique avec certains aspects du développement de l’enfant. Pourtant, une étude systématique des représentations maternelles trouve sa pertinence dans ses implications préventives possibles si l’on tient compte qu’elles auraient un rôle à jouer dans la transmission intergénérationnelle de schèmes relationnels (Zeanah, 1993) et, dans certains cas, d’éventuelles difficultés psychologiques. Ils

constitueraient donc à proprement parler un facteur très précoce de fragilisation de la santé mentale.

La seule étude à notre connaissance mettant en lien certaines représentations maternelles et le développement cognitif du jeune enfant, indique la pertinence de poursuivre plus avant dans ce champ de recherche. Cette étude de Roe et Drivas (1993) explore l’influence de la planification de la grossesse (qui constitue en soi une fantaisie préconsciente, soit un aspect isolé des construits maternels concernant son enfant à venir) sur le fonctionnement cognitif et l’attachement précoce. Ces auteurs utilisent la Réponse Vocale Différentielle comme mesure du processus cognitif et de la qualité de

l’attachement précoce mère-enfant. Cette mesure élaborée par les auteurs consiste à enregistrer le nourrisson dans son environnement habituel en présence de sa mère d’abord, puis en présence d’une étrangère pour une durée de trois minutes. Les

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vocalisations de l’enfant ainsi obtenues font ensuite l’objet d’une analyse selon des critères de codification, pour se voir attribuer un score de réponse vocale différentielle (DVR) qui représente la durée de vocalisations exemptes de détresse en présence de sa mère, moins celle en présence de l’étrangère. Les résultats de cette étude ont montré qu’à trois mois, les bébés dont les mères estiment avoir planifié la grossesse se trouvaient plus avancés au niveau de leur développement cognitif et de l’attachement à la mère, que ceux dont la grossesse n’était pas planifiée. Des études antérieures avaient démontré une relation entre le score de DVR obtenu par le jeune enfant et son fonctionnement cognitif et académique ultérieur (Roe, 1978; Roe, McClure & Roe, 1982).

Par ailleurs, les représentations maternelles ont aussi été liées à la capacité du jeune enfant à compléter ou non une procédure en laboratoire, constituant un autre appui

à l’étude de l’influence des représentations que ce fait la mère de son enfant sur le développement de celui-ci. Les travaux de Oates (1998) examinant entre autres les liens entre la qualité des représentations maternelles et le phénomène d’attrition rapportent que les mères dont les enfants s’engagent mieux dans !’expérimentation (i.e. une tâche

d’habituation visuelle contrôlée par le bébé) et la complètent ont des représentations plus élaborées des habiletés cognitives et émotionnelles de leur enfant. La majorité des mères des enfants qui complètent la procédure se sont identifiées très tôt avec leur fœtus au cours de la grossesse et avaient davantage tendance à percevoir chez leur enfant une étendue complexe d’émotions.

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En considération de la nouveauté de ce champ de recherche, peu d’instruments sont disponibles pour évaluer adéquatement l’aspect fantasmatique de la dyade mère- enfant, soit les représentations maternelles. Pour remédier à cette lacune, un

regroupement international de chercheurs(es) réunissant plusieurs centres d’activité a été formé (a Genève: Stem, Robert-Tissot, Stem-Brachweiler; à Rome: Ammaniti, Dazzi; à Brown: Sameroff, Zeanah; à New York: Slade; à Naples: Nunziante-Cesaro; à Bologne: Baruzzi; voir Stem et al., 1989). Ces discussions ont notamment abouti à la conclusion que l’élaboration de différents instruments s’avérait nécessaire afin de combler les objectifs scientifiques de chacun: les représentations maternelles sont utilisées comme variable prédictive ou résultante, le stade de « matemalité » évalué, et l’intérêt pour la psychopathologie ou le développement normal (Stem et al., 1989). Bref, pour ces chercheurs, il est apparu très clairement que « la représentation maternelle est en soi un vaste champ d’étude nécessitant plusieurs instruments reliés » (Stem et al., 1989, p. 153). Précisons que l’Entretien «R» (Stem et al., 1989), Tfntervista per le Rappresentazioni Materne in Gravidanza (IRMAG: Ammaniti, 1991), et le Working Model of the Child Interview (WMCI: Zeanah, Benoit, Hirshberg, Barton & Regan, 1994) représentent trois instruments découlant directement des discussions tenues par ce groupe de recherche international.

Le Working Model of the Child Interview (WMCI: Zeanah et al.. 19941

Le Working Model of the Child Interview (WMCI) élaboré par Zeanah et al. (1994) constitue un instrument récent permettant de classifier les perceptions maternelles et les expériences subjectives des mères concernant les caractéristiques individuelles de leur

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enfant et la relation qu’elles entretiennent avec lui. Cette entrevue, d’une durée

approximative de 60 minutes, évalue le contenu et les aspects qualitatifs et affectifs des représentations, menant ainsi à !’assignation d’une des catégories suivantes des modèles de représentation : balancées, désengagées ou tordues.

Par le passé, une concordance a été trouvé entre les catégories de représentations maternelles du WMCI et les catégories d’attachement chez l’enfant (Zeanah et al., 1994). Par ailleurs, des concordances ont également été observées entre les catégories du WMCI administrées aux mères au cours de leur grossesse et, ultérieurement, les classifications d’attachement de leur enfant alors âgé 12 mois (Benoit, Parker & Zeanah, 1997). De plus, le WMCI a permis de discriminer des populations cliniques et non-cliniques entre elles (Benoit et al., 1997). Le WMCI a donc été retenu aux fins de la présente étude sur la base de ses qualités psychométriques et de la quantité de données disponibles concernant sa validité.

Deuxième objectif de la présente étude

La présente étude propose, en deuxième lieu, d’examiner les liens entre les représentations maternelles, évaluées à l’aide du Working Model of the Child Interview (WMCI : Zeanah et al., 1994), les capacités de régulation du nourrisson, et la qualité du traitement de l’information visuelle du bébé.

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CHAPITRES

!/habituation visuelle comme mesure privilégiée du traitement de !’information visuelle du nourrisson

La procédure d’habituation visuelle a été retenue comme mesure du traitement de !’information visuelle du jeune enfant puisqu’elle est maintenant la méthode privilégiée pour évaluer le fonctionnement cognitif du jeune enfant (Bomstein, Slater, Brown, Roberts & Barrett, 1997; Colombo, 1993; McCall & Carringer, 1993; Slater, 1995). Le choix de la procédure d’habituation visuelle est justifié par sa validité prédictive supérieure à l’égard de la performance intellectuelle ultérieure de l’enfant,

comparativement à celle obtenue par les tests traditionnels d’intelligence du nourrisson (e.g. Bomstein, 1989; Bomstein & Sigman, 1986; Colombo, 1993; Colombo & Frick,

1999; McCall & Carriger, 1993; Slater, 1995; Slater, Cooper, Rose & Morison, 1989; Tamis-LeMonda & Bomstein, 1989,1993).

Malgré le fait que !’habituation visuelle soit devenue l’instrument privilégié pour l’étude des compétences cognitives précoces, Bomstein (1990), de même que Pêcheux, Ruel et Bomstein (1992) soulignent la rareté des études évaluant les influences de la dyade mère-enfant sur le développement cognitif du nourrisson et qui ont recours à cette procédure.

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Historique et modèles conceptuels de P habituation visuelle

Selon Colombo (1993), les travaux de Fantz en 1956 ont introduit une avenue méthodologique dans laquelle la mesure de la performance cognitive du jeune enfant pré- verbal passe par celle de Γ attention visuelle à un stimulus. Ils ont notamment permis d’arriver à une mesure simple, non-intrusive et valide des processus cognitifs du très jeune enfant n’ayant pas encore accès au langage. L’attention visuelle serait fortement impliquée dans les processus de développement du jeune enfant. McCall (1971) dira qu’elle offre une avenue à l’étude du développement cognitif.

Les divergences théoriques quant à la compréhension des processus sous-jacents impliqués dans le phénomène d’habituation visuelle/réponse à la nouveauté ont donné naissance à différents modèles interprétatifs. De façon générale, ces modèles s’inscrivent dans un courant purement cognitiviste. De façon particulière, cependant, certains

chercheurs (notamment: Lécuyer [1988] et Sigman [1988]), reconnaissent que certains processus affectifs peuvent être impliqués dans !’habituation visuelle. Ainsi, de façon générale, les modèles conceptuels attachés au paradigme d’habituation visuelle/réponse à la nouveauté partagent l’idée que la répétition d’un stimulus entraîne la formation d’une représentation interne (Lewis & Baldini, 1979). De façon particulière, cependant, certains chercheurs se sont distancés de cette position et ont proposé des modèles alternatifs (e.g. Bashinski, Werner & Rudy, 1985; Malcuit, Pomerleau & Lamarre, 1988).

Le modèle du comparateur ou modèle neuronal du stimulus de Sokolov en 1963 (cité dans Colombo, 1993) est à la base de l’idée d’une représentation interne. Ce modèle

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33 postule que la première présentation du stimulus engendre un réflexe d’orientation

(« OR ») intense, puisqu’il n’y a pas encore de représentation interne de ce stimulus. Tant et aussi longtemps qu’il y a divergence entre le stimulus perçu et la représentation

interne, une réponse d’orientation se produit. La présentation répétée du stimulus mène donc peu à peu à la formation d’une représentation en mémoire du stimulus et, par conséquent, à la diminution du réflexe d’orientation menant à !’habituation. Ainsi, le déclin de !’attention visuelle, considéré comme une composante du réflexe d’orientation, traduit le traitement de !’information et les comparaisons effectuées entre la

représentation interne et le stimulus actuel (Colombo, 1993). Le modèle de Sokolov est toutefois confronté à certaines limites (voir: Lewis & Baldini, 1979), notamment, il ne permet pas d’expliquer le regain occasionnel d’attention accordée au stimulus juste avant !’habituation, ou encore l’inattention ponctuelle dans les essais d’habituation. Malgré ses limites, ce modèle a fortement influencé la littérature sur !’habituation visuelle chez l’enfant (Colombo et al., 1987a).

Le modèle de Lewis (cité dans Lewis & Baldini, 1979) découle de celui de

Sokolov. Il postule que la diminution de !’attention suivant la répétition d’un stimulus est provoquée par les processus cognitifs impliqués dans la formation d’une représentation interne de ce stimulus. Toutefois, à la différence du modèle de Sokolov, ce modèle intègre entre autres des règles de décision et une boucle de rétroaction. Par ailleurs, il attribue à l’enfant un rôle actif dans la recherche de stimulation.

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McCall (1971) propose un modèle dans lequel l’attention est expliquée aussi bien par des facteurs relatifs au stimulus lui-même que par les structures cognitives de

l’enfant. Tout comme pour les modèles précédents, !’habituation visuelle s’explique par la formation d’une représentation interne du stimulus, et la présentation d’un nouveau stimulus provoque la restauration de la réponse (ou !’attention). Ce modèle se distingue des autres du fait qu’il postule une hypothèse de divergence. Cette hypothèse soutient qu’un degré modéré de nouveauté sera préféré à un degré plus élevé ou plus faible de nouveauté (ce qui prend l’allure d’une fonction en U inversé).

Le modèle de Cohen (1972) distingue deux mécanismes impliqués dans !’attention: un processus d’attention dirigée (« attention-getting ») et un processus d’attention soutenue (« attention-holding »). Le premier processus déterminerait dans quelle mesure l’enfant s’oriente vers un stimulus présenté dans son champ visuel, tandis que le deuxième processus déterminerait la durée de la fixation visuelle accordée au stimulus. Selon ce modèle, !’attention est suscitée si la première présentation du stimulus parvient avec une intensité suffisante (des caractéristiques du stimulus sont alors stockées en mémoire). Lors des présentations suivantes, une comparaison s’effectue entre l’image mémorisée et le stimulus perçu. L’attention se poursuit tant qu’il y a différence entre l’image et le stimulus.

Bomstein (1990) propose un modèle dans lequel les capacités d’attention

occupent une place centrale. Selon ce modèle, la rapidité avec laquelle l’enfant parvient à s’habituer aux stimuli est tributaire de ses capacités d’attention actives qui sélectionnent

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35 et filtrent les éléments de l’environnement. Ces capacités sont vues comme grandissant à mesure que l’enfant se développe. Pour Bomstein donc, !’habituation visuelle correspond à une diminution de !’attention accordée au stimulus du fait qu’il est inchangé durant un certain intervalle temporel. Toujours selon ce modèle, la présentation d’un stimulus nouveau engendre ou excite !’attention de l’enfant, ce qui s’illustre par une restauration des durées de fixation visuelle.

Le modèle de Bomstein (1990) est supporté par trois ensembles de résultats. D’une part, des travaux montrent que les enfants plus matures et dont le développement est plus avancé s’habituent plus rapidement au stimulus familier que ceux dont le

développement est moins avancé, de la même façon que la durée de fixation décroît avec l’âge de l’enfant (e.g. Bomstein et al., 1988; Colombo & Mitchell, 1990; Mayes & Kessen, 1989; Rose, Slater & Perry, 1986). Ensuite, d’autres travaux, dont ceux de Bomstein et de Caron et Caron (cités dans Bomstein, 1990), démontrent que les stimuli plus complexes exigent une durée d’habituation plus longue que les stimuli plus simples, qui eux provoquent une habituation plus rapide. Enfin, le troisième ensemble de résultats étayant la thèse voulant que la procédure d’habituation mesure le traitement de

!’information implique la réponse à la nouveauté. Pour Bomstein (1990), les travaux de Caron et Caron (cités dans Bomstein, 1990) montrant la capacité de discrimination entre la représentation « engrammée » du stimulus familier (présenté en habituation) versus la représentation du stimulus nouveau chez le jeune enfant constituent un autre appui à cette hypothèse. Ainsi, pour Bomstein (1990), !’habituation visuelle constitue une mesure de

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l’attention visuelle du nourrisson pouvant être quantifiée en fonction de son intensité et de sa durée.

Pour sa part, Lécuyer estime que les différences individuelles obtenues au niveau des durées d’habituation seraient attribuables aux fluctuations idiosyncrasiques de !’attention du bébé (Reuchlin et Bacher, 1989). Dans cette optique, Lécuyer adopte une définition de !’attention qui distingue, au moment de considérer la durée totale de fixation, des périodes d’attention passive et des périodes d’attention active où

Γ information est véritablement traitée. De plus, Pêcheux et Lécuyer (1984), estiment que la motivation plus ou moins grande chez le bébé à rechercher activement les stimuli environnementaux serait une autre explication possible des différences individuelles dans les durées d’habituation.

Ainsi, selon Lécuyer (1988), les différences individuelles observées dans la vitesse d’habituation seraient d’abord causées par des différences dans la capacité à soutenir !’attention de manière à pouvoir traiter !’information présente dans un stimulus donné. Aussi, pour Lécuyer, les « habituateurs » rapides se distinguent des

« habituateurs » lents non pas tant sur la base de la vitesse de traitement de !’information, mais plutôt sur la base d’un meilleur contrôle sur ce processus. Ainsi, la motivation constituerait un important facteur dans la régulation des durées de fixation puisqu’elle est impliquée dans le contrôle de !’attention (Lécuyer, 1988).

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37 Sigman (1988) ne propose pas de modèle à proprement parler, mais il formule certaines hypothèses intéressantes à l’égard des mécanismes impliqués dans !’habituation visuelle/réponse à la nouveauté. Notamment, il accorde une importance aux capacités de régulation de l’enfant inhérentes au maintienet à la terminaison de !’attention. Selon Sigman (1983,1988), la capacité du nourrisson à s’auto-réguler serait garante d’une efficacité des processus d’attention et, éventuellement, des apprentissages dans l’enfance. La mesure du temps d’attention refléterait donc non seulement la vitesse de traitement de Γinformation, mais encore la capacité de l’enfant à s’auto-réguler face aux stimulations externes et internes (Sigman, 1983). Les considérations de ce chercheur quant à

!’implication des mécanismes d’auto-régulation dans l’explication des différences individuelles en habituation visuelle vont encore plus loin. Pour lui, les mécanismes d’auto-régulation constituent à proprement parler une interprétation alternative des variations dans les durées d’attention. Dans cette perspective, les différences dans l’un ou l’autre de ces processus (de traitement de l’information et de régulation) seraient à même d’influencer tant !’attention de l’enfant, que ses capacités d’apprentissage subséquentes (Sigman, 1988). En somme, Sigman conçoit que l’initiation, le maintien et la cessation de !’attention visuelle seraient également tributaires des capacités de régulation de l’enfant et de son intérêt vis-à-vis les événements nouveaux.

Les modèles suivants s’éloignent quant à eux de la conceptualisation pivot de Sokolov. Brièvement, selon le modèle du processus duel (Bashinski et al., 1985), la performance observée en habituation visuelle/réponse à la nouveauté est fonction de deux processus antagonistes: la sensibilisation et !’habituation. La sensibilisation, soit un

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processus d’accroissement (« incremental »), augmenterait avec !’introduction de tout stimulus (répété ou nouveau), serait liée à l’état de vigilance, et s’affaiblirait avec le temps. Par ailleurs, ce modèle postule également que !’habituation, considérée ici comme le processus de diminution (« décrémentai »), serait affectée par !’exposition répétée à un stimulus et non seulement par le facteur temporel (voir: Millar & Weir, 1995). Les

variations dans les durées d’attention visuelle seraient tributaires, et du processus de sensibilisation, et de celui d’habituation La réponse à la nouveauté serait quant à elle expliquée par une augmentation temporaire de la sensibilisation, donc de l’intérêt pour le stimulus (voir : Rovee-Collier, 1987; Lécuyer, Pêcheux & Streri, 1994).

Selon le modèle de Malcuit et al. (1988), l’habituation visuelle/réponse à la nouveauté constituerait un paradigme de conditionnement (ou apprentissage) opérant impliquant un programme de renforcements synchrones. La poursuite de l’activité de fixation/exploration visuelle de l’enfant est expliquée par la qualité contingente et complexe du stimulus, tandis que la cessation du comportement est expliquée par le fait qu’un autre comportement devient plus probable (ou préféré) et/ou que la conséquence perd ses propriétés de renforcement.

Ces dernières positions conceptuelles ne font pas l’unanimité dans la littérature sur !’habituation visuelle. De façon consensuelle, on s’entend généralement sur le fait que cette procédure renvoie à des capacités de traitement de Γ information telles que la

vitesse, la qualité et la complétude de l’encodage ou encore l’habileté à reconnaître un nouveau stimulus ou la propension à éviter un stimulus familier pour explorer un

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39 nouveau stimulus (pour une revue des travaux, voir: McCall & Carriger, 1993). Les propositions de Sigman à l’égard du lien étroit entre les capacités de régulation et le comportement du nourrisson en habituation visuelle apparaissent intéressantes en regard de la présente étude.

Les constituants de la phase d’habituation visuelle

Deux procédures sont utilisées pour mesurer !’habituation visuelle du nourrisson : la procédure à essais fixes et la procédure contrôlée par l’enfant (Horowitz, Paden, Bhana & Self, 1972). La procédure à essais fixes comporte un nombre prédéterminé d’essais dans lesquels le stimulus (ou deux stimuli identiques) est présenté au bébé, sans égard à son comportement visuel, et pour une durée fixée à l’avance par !’expérimentateur

(Colombo, 1993; Slater, 1995). Un taux d’habituation est calculé à partir de la somme des temps de fixation obtenus pour tous les essais d’habituation. Cette première procédure possède le désavantage de contraindre la variabilité des latences de fixation de l’enfant compte tenu de la prédétermination de la durée des essais (Millar & Weir, 1995). De plus, la durée d’attention potentielle vis-à-vis le stimulus est considérablement réduite si

l’enfant n’est pas attentif dès le début de l’essai. Aussi, le choix arbitraire du début et de la fin d’un essai dans une procédure à essais fixes peut avoir comme conséquence de sous-estimer la quantité de fixation du stimulus, d’influencer !’attention aux éléments du stimulus et la quantité d’encodage, et finalement, la réponse à la nouveauté (Millar & Weir, 1995). Selon Lewis (cité dans Colombo, 1993), une procédure fixe implique donc que certains bébés ne seront pas habitués au terme de la présentation du stimulus. Par

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ailleurs, on distingue aussi deux types d’essais fixes, soit inconditionnel quant aux durées de fixations du nourrisson, soit avec cumul du temps de fixation.

La procédure à essais contrôlés par l’enfant constitue une avancée majeure dans l’évaluation des différences individuelles pour la phase d’habituation (Bomstein & Benasich, 1986; Colombo et al., 1987a; Horowitz et al., 1972). À la différence de la procédure précédente, la procédure à essais contrôlés permet à l’enfant d’accumuler le temps de fixation nécessaire à l’atteinte du critère d’habituation prédéterminé, fonction de

son comportement visuel (Millar & Weir, 1995). Ainsi, la présentation du stimulus (le nombre d’essais et leur durée) est entièrement dépendante du comportement oculaire du nourrisson (Colombo, 1993). La première fixation de l’enfant vis-à-vis le stimulus

familier initie le début du premier essai, alors que cet essai se termine lorsque l’enfant n’y est plus attentif (il s’en détourne) (Slater, 1995). Par exemple, le critère d’habituation est atteint lorsque l’enfant présente, au cours de trois essais consécutifs, une durée de

fixation reflétant une diminution de 50% de la durée initiale de fixation visuelle obtenue au cours des trois premiers essais de la phase d’habituation.

La procédure à essais contrôlés par le bébé présente l’avantage de s’ajuster aux différences individuelles relativement au traitement de !’information qui s’effectue au cours des essais d’habituation, et de soutenir l’hypothèse d’un encodage du stimulus inter-sujets comparable au terme de cette phase (Millar & Weir, 1995). En somme, la procédure contrôlée par l’enfant permet l’obtention de différences individuelles notamment pour ce qui est de la durée totale d’attention dirigée vers le stimulus, de la

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41 vitesse ou toux d’habituation, et des patrons spécifiques de fixations précédant l’atteinte du critère (voir : Colombo et al., 1987a).

Les constituants de la phase de réponse à la nouveauté

La deuxième classe de mesures du traitement de !’information (Bomstein & Sigman, 1986), soit la phase de réponse à la nouveauté, comporte également deux paradigmes : la réaction à la nouveauté et la comparaison pairée (ou préférence pour la nouveauté). La réaction à la nouveauté implique qu’à la suite de Γhabituation à un

stimulus, on présente seul un nouveau stimulus susceptible de provoquer chez l’enfant un regain d’attention (manifesté par une augmentation de la durée de fixation visuelle). De l’avis de certains chercheurs (e.g. Bomstein, 1990; Colombo, 1993), cette réponse à la nouveauté signifie qu’un apprentissage ou mémorisation du stimulus familier a eu lieu, et que la présentation du nouveau stimulus a pu être adéquatement discriminée de la

représentation interne. À la différence de la mesure d’habituation à un stimulus qui est de l’ordre d’une mesure du processus cognitif, la mesure de réponse à la nouveauté se révèle être davantage une mesure du produit cognitif (Colombo, 1993).

Le second paradigme utilisé, soit celui de préférence pour la nouveauté (en comparaison pairée), a l’avantage de générer des toux de validité plus élevés que le paradigme de réaction à la nouveauté avec présentation unique de stimulus (Colombo, 1993). H constituerait une mesure plus valide du fonctionnement cognitif du nourrisson, permettant l’étude de différences individuelles dans l’attention (e.g. Bomstein Brown & Slater, 1996; Colombo et al., 1987a; Rose & Feldman, 1987). En comparaison pairée, le stimulus ancien et le nouveau stimulus sont présentés de façon concomitante. La réponse

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à la nouveauté est alors mesurée en comparant la durée de fixation visuelle portée au nouveau stimulus par rapport à celle accordée à l’ancien stimulus. Le pourcentage de temps de fixation dirigé vers le nouveau stimulus doit être significativement different de la chance (50%) pour conclure à une préférence pour la nouveauté (Colombo, 1993). La préférence pour la nouveauté démontre Γhabileté de l’enfant à reconnaître la familiarité ou la nouveauté des stimuli présentés, et sa capacité de freiner son attention vis-à-vis le stimulus familier pour accorder une plus longue fixation visuelle au nouveau stimulus (McCall & Corriger, 1993).

Les différences individuelles en habituation visuelle

Les recherches portant sur les différences individuelles en habituation visuelle ont mené à Une classification dichotomique des jeunes enfants, soit ceux qui présentent de longues durées d’attention (« long lookers ») et ceux qui présentent de courtes durées d’attention (« short lookers ») (e.g. Colombo & Mitchell, 1990; Colombo, Mitchell, Coldren & Freeseman, 1991). Au-delà du modèle théorique adopté pour expliquer les mécanismes sous-jacents à ces différences individuelles dans les durées d’attention accordée aux stimuli, les recherches sur la validité prédictive concurrente des mesures de durées de fixation suggèrent que les enfants présentant de courtes durées d’attentioù (les « short lookers ») traitent !’information de façon plus efficace. Ces conclusions sont aussi appuyées par les études sur les différences individuelles observées aux plan des durées de fixation visuelle, et qui ont permis de constater que les durées de fixation décroissent en fonction de l’âge du jeune enfant (e.g. Bomstein et al., 1988; Colombo, Mitchell, Dodd et al. 1988; Mayes & Kessen, 1989; Rose, Slater & Perry, 1986). Les « short lookers »

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43 semblent également démontrer une préférence pour les nouveaux stimuli (Colombo, Mitchell & Horowitz, 1988), suggérant ici encore un traitement de !,information plus efficace durant la phase d’habituation selon Colombo (1993).

À l’inverse, les enfants présentant de longues durées de fixation visuelle

traiteraient Γ information de manière moins efficace, et obtiendraient des performances plus pauvres à des tests cognitifs et intellectuels concurrents et ultérieurs durant l’enfance (Colombo, Mitchell & Horowitz, 1988; Rose et al., 1986). De plus, certaines études (voir Colombo [1993] pour une revue exhaustive de ces travaux) suggèrent que les enfants avec de longues durées de fixation visuelle présentent des performances plus faibles notamment au niveau de la reconnaissance mnémonique (Colombo, Mitchell & Horowitz, 1988; Freeseman, Colombo & Coldren, 1993) et dans des tâches

d’apprentissage opérant (Hayes, Ewy & Watson, 1982), ainsi qu’un développement moteur plus lent (Colombo et al., 1987b). Par ailleurs, ces jeunes enfants tendraient à jouer avec le même jouet pour de plus longues périodes (Fenson, Sapper & Minner,

1974). Bref, de façon générale, la durée de fixation est corrélée négativement avec la performance aux mesures concurrentes d’intelligence (Colombo, 1993).

Enfin, de longues durées de fixation ont été associées à des populations à risque tels que les enfants nés prématurément (e.g. Fantz & Fagan, 1975; Rose, 1981; Sigman, 1983) ou les enfants souffrant du syndrome de Down (e.g. Miranda & Fantz, 1970) (voir Colombo [1993] pour une revue exhaustive de ces travaux).

Figure

Tableau 1. Caractéristiques sélectionnées de Γ échantillon en fonction des sous-catégories de renrésentations maternelles : uourcentages et nrobabilité associée au test du Chi-carré
Tableau 3. Coefficients de corrélation (Spearman), valeurs Z (Wilcoxon Signed-Ranks'], moyennes en centièmes de secondes (M) et écarts-types (E.T.l des scores d’habituation obtenus aux deux temps de Γexpérimentation
Tableau 4 (suite). Moyennes en centièmes de secondes (M). écarts-types ÍE.T.1 médianes et valeurs KS (Kolroogorov-Smirnov) des scores d’habituation obtenus par le nourrisson en fonction de la complétion des deux procédures d’habituation visuelle
Tableau 6. Valeur F du modèle, variance expliquée (R2), et valeur F augmentée des régressions hiérarchiques des facteurs exogènes et endogènes sur les scores d’habituation

Références

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