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L'action de la Cour de Justice de l'Union européenne pour la protection des droits fondamentaux face à la répression des migrations irrégulières

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© Roberto Angrisani, 2020

L’action de la Cour de Justice de l’Union européenne

pour la protection des droits fondamentaux face à la

répression des migrations irrégulières

Thèse en cotutelle

Doctorat en droit

Roberto Angrisani

Université Laval

Québec, Canada

Docteur en droit (LL. D.)

et

Université de Bordeaux

Talence,France

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L’action de la Cour de Justice de l’Union européenne

pour la protection des droits fondamentaux face à la

répression des migrations irrégulières

Thèse en cotutelle

Doctorat en Droit

Roberto Angrisani

Université Laval Université Laval

Québec, Canada

Docteur en droit (LL. D.)

et

Université de Bordeaux,

Bordeaux, France

Docteur en Droit Public

Sous la direction de :

Olivier DELAS, Professeur à l’Université Laval

Sébastien PLATON, Professeur à l’Université de Bordeaux

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iii

Résumé

L’étude défend la thèse selon laquelle la Cour de justice de l’Union européenne, avec son action interprétative, joue un rôle majeur dans la définition du niveau de protection des droits fondamentaux des migrants en condition irrégulière dans l’UE.

Les compétences limitées de l’UE en matière migratoire, partagées avec les États membres (article 4, § 2, lettre j TFUE ), n’ont pas empêché la Cour de justice d’affirmer des principes généraux de droit qui ont marqué l’évolution de l’activité législative européenne, au point de contrecarrer l’action répressive mise en exergue par les États membres et parfois par l’UE elle-même. Néanmoins, l’interprétation faite par la CJUE du droit primaire et dérivé à la lumière de la Charte des droits fondamentaux de l’UE rencontre des limites majeures lorsqu’elle vise le contentieux pénal et administratif portant sur l’immigration irrégulière.

La première partie de l’étude est consacrée aux limites de l’action interprétative de la CJUE. La dimension territoriale étant le fil conducteur de la recherche, l’analyse montrera d’abord les obstacles qui s’opposent à une action efficace des juges de Luxembourg face à la répression « avant l’entrée » et « à la sortie » des migrants. En effet, tant les accords pris par l’UE ou par ses États membres avec des pays tiers pour empêcher les départs, que les accords de réadmission visant les retours des migrants en condition irrégulière vers leur pays d’origine ou vers des pays de transit se placent souvent à l’extérieur des compétences de la CJUE. La deuxième partie se concentre sur les pratiques de répression des migrations irrégulières sur le territoire de l’UE. L’importance du mécanisme du renvoi préjudiciel (article 267 TFUE) sera mise en exergue à partir du contentieux pénal sur la criminalisation des migrations et le contentieux administratif sur la répression du même phénomène. Si l’efficacité de l’action de la CJUE manifeste son ampleur dans la dimension interne de la répression des migrations, l’analyse de sa jurisprudence touchant la dimension externe de la répression permet de montrer le besoin d’harmonisation dont la politique migratoire de l’UE a besoin aujourd’hui.

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iv

Abstract

This research argues that the European Court of Justice, with its interpretative action, plays a major role in defining fundamental rights for irregular migrants in the EU.

The limited competences of the EU in migration matters, shared with the Member States (Article 4(2)(j) TFEU), have not prevented the Court of Justice from affirming general principles of law that have marked the development of European legislative activity, to the point of thwarting the law enforcement action highlighted by the Member States and sometimes by the EU itself. Nevertheless, the interpretation made by the CJEU of primary and secondary law in the light of the EU Charter of Fundamental Rights encounters major limitations when it comes to criminal and administrative litigation on illegal immigration.

The first part of the study is dedicated to the limits of the interpretative action of the CJEU. As the territorial dimension is the central thread of the research, the analysis of case law shows the obstacles to effective action by Luxembourg judges in the face of repression "before entry" and "on exit" of migrants. Indeed, both the agreements taken by the EU or by its Member States with third countries to prevent departures, and the readmission agreements aimed at the return of migrants in an irregular condition to their country of origin or to transit countries are often outside the competence of the CJEU. The second part focuses on the practices of repression of irregular migration on the territory of the EU. The importance of the preliminary ruling mechanism (Article 267 TFEU) will be highlighted from the criminal litigation on the criminalisation of migration and the administrative litigation on the repression of the same phenomenon. While the effectiveness of the action of the CJEU is obvious in the internal dimension of the repression of migration, the analysis of its case law on the external dimension of repression shows the need for harmonisation that EU migration policy needs today.

Key words: European Union law, fundamental rights, EU, migration policy, criminalisation of migration, outsourcing of migration control.

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Table des matières

RÉSUMÉ ... III ABSTRACT... IV TABLE DES MATIÈRES ... V LISTE DES ABRÉVIATIONS ... XII REMERCIEMENTS ... XV

INTRODUCTION GÉNÉRALE ... 1

Section 1 : L’objet de l’étude ... 1

La réponse juridique aux migrations irrégulières dans l’UE ... 2

A. La mécompréhension du phénomène migratoire ... 2

B. La quête de sécurisation ... 5

C. L’équation entre la personne migrante en condition irrégulière et la menace pour la société ... 7

Le rôle de la CJUE dans le contexte de la répression de l’immigration irrégulière dans l’UE ... 9

A. L’apport de la CJUE à l’encadrement juridique des migrations irrégulières ... 10

B. L’importance du dialogue entre CJUE et juges nationaux ... 12

Section 2 : Les limites et la méthode de la recherche ... 13

Les éléments qui définissent l’étendue de l’étude ... 14

A. Limites géographiques ... 14

B. La nature non comparative de la recherche ... 15

C. Limites chronologiques ... 16

Le Cadre conceptuel ... 16

A. Crise migratoire, crise de la politique migratoire européenne et pas « crise des migrants » ... 17

B. Le statut juridique du migrant en condition irrégulière ... 19

C. « Répression » et « criminalisation » des migrations ... 21

D. La place des droits fondamentaux ... 22

E. Les droits fondamentaux et la « matière pénale » ... 26

F. La relation entre le droit de l’UE et la marge d’appréciation des États membres ... 28

G. La Cour européenne des droits de l’Homme ... 30

H. La nécessaire prise en compte du dialogue entre CJUE et CourEDH ... 33

La méthode de travail ... 36

Section 3 : Une approche inédite à la répression et à la criminalisation des migrations irrégulières mettant au centre l’action de la CJUE... 37

Pertinence scientifique de la recherche... 38

Problématique et question de recherche ... 41

La thèse d’une action marquante de la CJUE dans l’évolution de la protection des droits fondamentaux des personnes migrantes dans l’UE ... 43

PREMIÈRE PARTIE ... 45

LA RÉPRESSION DES MIGRATIONS IRRÉGULIÈRES À L’EXTÉRIEUR DU TERRITOIRE DE L’UNION EUROPÉENNE ET LES LIMITES DU CONTRÔLE DE LA COUR DE JUSTICE SUR LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX ... 45

TITRE 1 :LA RÉPRESSION AVANT L’ENTRÉE ET L’ÉMERGENCE DU « PARADIGME DE LA PRÉVENTION »... 49

Chapitre 1 : La distance entre barrières juridiques et frontières géographiques ... 51

Section 1 : L’Europe des murs ... 54

L’impact de la jurisprudence de la CEDH sur la notion de Frontières physiques dans l’ELSJ ... 54

A. Un aperçu des frontières de l’Union européenne ... 55

B. Un exemple atypique de frontière : Ceuta et Melilla ... 58

Melilla : la notion de « frontière opérationnelle » ... 60

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vi

L’impact de la jurisprudence de la CJUE sur la distance entre frontières physiques et barrières

juridiques ... 68

A. La notion de Visa : une interprétation restrictive offerte par la CJUE ... 69

B. Le visa humanitaire : l’action incomprise, mais féconde de la CJUE ... 72

La discipline défaillante du visa humanitaire en droit de l’UE ... 73

L’affaire X. et X. contre Belgique : une leçon à tirer ... 76

Section 2 : Le Fossé Méditerranéen ... 85

Les normes européennes et l’approche opérationnelle en matière de surveillance des frontières maritimes ... 86

la jurisprudence européenne : premier gilet de sauvetage pour les droits fondamentaux des personnes migrantes en situation irrégulière ... 89

Section 3 : Les pratiques d’externalisation du contrôle des flux migratoires ... 93

L’agencification pièce maitresse du modèle de fédéralisme d’exécution dans le contrôle des migrations irrégulières ... 95

A. Les origines du phénomène d’agencification ... 97

La distinction entre agence de régulation et agence exécutives... 98

L’action de la CJUE pour la définition des compétences des agences ...100

B. Le phénomène d’agencification sous le prisme du « fédéralisme d’exécution » ...102

La tentative de la CJUE d’interpréter la construction progressive du fédéralisme d’exécution dans l’ELSJ 102 L’impossibilité d’un contrôle juridictionnel adéquat dans la mise en œuvre du fédéralisme d’exécution dans l’ELSJ ...103

L’institutionnalisation des pratiques bilatérales ou multilatérales d’externalisation au niveau de l'UE 105 A. Les cadres extra européens d’externalisation du contrôle migratoire...108

Le processus de Rabat ...108

Le forum de Khartoum ...109

B. Les actions prises au sein de l’UE et entre l’UE et les États tiers dans le sens de l’externalisation du contrôle migratoire ...110

Les accords de réadmission conclus directement par l’UE ...112

Les accords non conventionnels ...113

Chapitre 2 : Les limites du contrôle de la cour de justice face à l’action externe de l’UE et aux initiatives des États membres dans la répression des migrations « avant l’entrée » ... 118

Section 1 : Les initiatives de l’Union européenne dans la répression des migrations « avant l’entrée » : la Déclaration UE-Turquie à l’épreuve de la CJUE ...122

La nature stratégique du partenariat UE-Turquie ...123

A. La Déclaration UE-Turquie ...124

B. Les antécédents de la Déclaration UE-Turquie ...126

La Déclaration UE-Turquie à l’épreuve de la Cour de justice de l’Union européenne ...128

A. L’action timide de la CJUE dans affaire N.F. : occasion manquée pour la protection des droits fondamentaux des personnes migrantes ...129

La reconnaissance implicite de la Turquie comme « pays tiers sûr » ...130

La complexe identification de l’« auteur de l’acte » ...132

L’approche interprétative adoptée par la CJUE dans l’affaire N.F. c. Conseil européen ...136

B. Analyse critique de la jurisprudence de la Cour de justice concernant la Déclaration UE-Turquie : une autre issue possible. ...140

Le rôle proactif de l’UE dans la mise en œuvre du plan d’action UE- Turquie ...141

Des éléments clarificateurs de la nature juridique de la Déclaration UE-Turquie ...142

La « consecutio legis » entre l’accord de réadmission République hellénique-Turquie et l’accord de réadmission UE-Turquie face au non-droit de la Déclaration ...147

Section 2 : Les initiatives des pays membres dans la répression des migrations « à l’entrée » : menaces concrètes à la cohérence de l’action externe de l’UE qui échappent au contrôle de la Cour de justice ...149

Les ententes techniques entre services de police des États membres et des États tiers : pratiques concrètes de répression des migrations à l’entrée ...150

(7)

vii

A. Les ententes techniques : une pratique fondée sur une mauvaise application du principe de séparation des pouvoirs ...151 B. La compatibilité des ententes techniques pour la répression des migrations avec le droit de l’UE ...152

Le contrôle de la CJUE sur le joint statement entre forces de police de l’Autriche et des pays des Balkans 159

A. Les entraves au contrôle de la CJUE sur le joint statement entre forces de police de l’Autriche et des pays des Balkans ...159 B. Vers un possible dépassement des limites à l’action de la CJUE via l’application du principe de « non-contradiction » ...164 Section 3 : Le rôle des agences dans le contrôle et la répression des migrations irrégulières avant l’entrée ...166

Les agences rattachées à la DG Migration et Affaire intérieures et leur rôle dans l’externalisation du contrôle migratoire ...166

A. Les acteurs de la gestion intégrée des systèmes d’information de l’UE : vers l’interopérabilité des agences ...167

Le rôle stratégique de l’agence eu-Lisa pour l’interopérabilité des systèmes d’information de l’UE 168

Le système EUROSUR « refonte » désormais sous contrôle de Frontex ...172 B. De Frontex au corps européen de garde-frontières et garde-côtes : plus qu’une simple agence

décentralisée ...176 Les origines de Frontex : une simple agence de coordination opérationnelle aux frontières

extérieures de l’UE ...177 Le corps européen de garde-frontières et garde-côtes : une « Agence de substitution »...181 L’évolution des pouvoirs répressifs de l’agence Frontex ...183 A. L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes: quel rôle dans la répression des

migrations irrégulières? ...185 L’action de la CJUE pour l’encadrement des pouvoirs répressifs de Frontex ...187 La multiplication du contrôle politique sur l’agence Frontex : symptôme d’efficacité? ...193 B. L’Agence de garde-frontières et de garde-côtes : plus qu’une simple agence décentralisée, moins qu’un sujet concrètement justiciable...195 Quelle responsabilité pour l’agence Frontex? ...196 Quelle efficacité du mécanisme de plainte pour violation des droits fondamentaux? ...204 Section 4 : Les accords entre pays membres et pays tiers pour la répression des migrations avant l’entrée : entre gestion des frontières et entrave au droit d’asile ...208

La coopération avec le Maroc : quand la répression des migrations à l’entrée des frontières de l’UE comporte la criminalisation des migrations à la sortie du continent africain ...210

A. L’accord entre l’Espagne et le Maroc : premier exemple de criminalisation « par induction » ...211 B. Les relations UE-Marc : du « more-for-more» au « less-for-less » ...215

Les nouveaux horizons de la répression des migrations avant l’entrée et les limites de l’action de la Cour de justice mises en exergue par le mémorandum of understanding entre l’Italie et la Libye ...218

A. De Bruxelles à Tripoli en passant par Rome : la complexité des relations avec la Libye pour la

répression des migrations irrégulières ...218 B. Quelle place pour l’Action de la CJUE face à la fictio juris de l’entente Italie-Libye pour la répression des migrations irrégulières ...222 Conclusion Titre I ... 227

TITRE 2 :LA CONSTRUCTION DU MODÈLE DE RÉPRESSION DES MIGRATIONS « À LA SORTIE » PAR L’UE ET SES ÉTATS MEMBRES

... 229

Chapitre 1 : La cristallisation des pratiques de répression des migrations irrégulières « à la sortie » ... 231 Section 1 : Les accords de réadmission conclus directement par l’UE avec des États tiers ...232 L’évolution des accords de réadmission conclus par l’UE avec les pays tiers : le recours à la ruse pour le bien de l’UE ? ...233

A. La réadmission pierre angulaire de l’action externe de l’UE ...234 B. Les ententes informelles pour la réadmission : formule d’efficacité ou boomerang pour l’UE ? ...237 Les limites de l’action de la CJUE face aux derniers « accords » de réadmission : l’exemple du Joint Way

Forward UE-Afghanistan ...242

(8)

viii

B. Les outils juridiques ou quasi-juridiques mis en place par les institutions UE afin d’échapper au contrôle judiciaire de la CJUE ...247 Section 2 : Les partenariats conclus par l’agence Frontex avec les pays tiers pour la réadmission des personnes migrantes en condition irrégulière ...253 Les accords de travail conclus par Frontex : Objets juridiques non identifiés ...255 A. Les accords de travail en vigueur en matière de retour ...257 B. Les bases légales qui permettent à Frontex de conclure des accords de travail et les limites concernant les droits fondamentaux ...260 Les obstacles à la justiciabilité des accords de travail conclus par Frontex ...264 A. La nature des accords de travail conclus par Frontex : zone grise entre dimension technique et expression d’un pouvoir politique...266 B. Les accords de travail entre Frontex et les autorités des États tiers sont-ils justiciables devant la Cour de justice de l’Union européenne ? ...271 Section 3 : La nature insaisissables des partenariats entre États membres et pays tiers pour la réadmission des migrants irréguliers ...277

Les ententes techniques entre Pays Membres de l’UE et Soudan : exemples concrets de relations juridiquement insaisissables ...280

A. Connaître le contexte migratoire soudanais pour saisir la portée des pratiques des répressions des migrations « à la sortie » ...281 B. Le Soudan : partenaire privilégié-caché de plusieurs pays européens pour l’externalisation des migrations ...282

Analyse de l’efficacité et de la compatibilité des ententes techniques avec le Soudan à partir du cas italien 288

A. Le causus belli de l’expulsion de 40 Soudanais et la découverte du Mémorandum d’entente entre l’Italie et le Soudan ...288 B. Le contenu et l’efficacité du memorandum of understanding entre la police italienne et la police soudanaise ...290 Section 4 : La justiciabilité des ententes techniques : vers un contrôle possible du principe de non-refoulement et du droit à un recours effectif de la part de la Cour de justice de L’UE ...296 Le principe de non-refoulement en droit de l’Union européenne ...297 Le droit à un recours effectif en droit de l’UE ...301 Chapitre 2 : la Cour de justice et le renvoi vers un « pays tiers sûr », comme moyen de répression des

personnes migrantes « à la sortie » ... 304 Section 1 : Les notions de « pays tiers sûr » et de « pays d’origine sûr » au crible de la Cour de Justice de l’Union européenne : état de l’art et perspectives de reformes ...305

La notion de « pays tiers sûr » ...307 La notion de « pays d’origine sûr » ...313 Section 2 : Les mesures à l’étude en matière de classification des « pays tiers sûrs » en droit européen et leur efficacité ...316

Les perspectives de réforme de la notion de « pays tiers sur » en droit européen ...316 L’efficacité de la réforme proposée : la création d’une liste européenne commune de pays tiers sûrs 320

Les retombées pratiques sur les principaux flux migratoires vers l’UE ...322 Section 3 : L’exclusion et la révocation du statut de réfugié et de la protection subsidiaire : principaux moyens de la répression des migrations à la sortie ...324

L’action de la Cour de justice sur l’exclusion du statut de réfugié et de la protection subsidiaire ...327 A. La notion d’exclusion prévue par la Directive « qualifications » à la lumière de la jurisprudence de la CJUE 327

B. Les conditions de l’exclusion du statut de réfugié prévues par l’article 12, paragraphe 2, de la

Directive 2011/95 à la lumière de la jurisprudence de la CJUE ...329 C. L’interprétation de la CJUE des clauses d’exclusion du statut de la protection subsidiaire prévues par l’article 17, paragraphe 2, de la Directive 2011/95 ...334

L’action de la Cour de justice sur la révocation du statut de réfugié et de la protection subsidiaire ....337 A. La révocation de la protection subsidiaire à la lumière de la jurisprudence de la CJUE : vers le

(9)

ix

B. Les conditions de la révocation du statut de réfugié à la lumière de la jurisprudence de la CJUE : entre

obligation et pouvoir discrétionnaire des États membres ...340

C. La compatibilité de l’article 14, paragraphe 5 de la Directive 2011/95 avec la Convention de Genève ..342

Conclusion Titre II ... 346

CONCLUSIONS PARTIE I : L’EXTERNALISATION 3.0 ... 348

DEUXIÈME PARTIE ... 350

L’ACTION EFFICACE DE LA CJUE POUR LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX FACE À LA RÉPRESSION DES MIGRATIONS IRRÉGULIÈRES SUR LE TERRITOIRE DE L’UE... 350

TITRE 1 :L’ACTIVITÉ INTERPRÉTATIVE DE LA CJUE : REMPART POUR LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DANS LE CONTENTIEUX SUR LA CRIMINALISATION DES MIGRATIONS ... 353

Chapitre 1 : La construction complexe du dialogue entre CJUE et juridictions nationales pour la protection des droits fondamentaux des personnes migrantes en situation irrégulière ... 355

Section 1 : La place des droits fondamentaux dans la jurisprudence de la CJUE : du silence des traités aux principes généraux de droit ...357

Les principes généraux de droit : porte d’entrée de droits fondamentaux dans l’action de la CJUE ...357

A. La construction d’une troisième voie entre création du droit par le juge et simple interprétation des traités ...358

Vers la création d’une Communauté de peuples européens au sein d’une Communauté économique 358 La place des principes généraux de droit dans la hiérarchie des sources ...361

B. L’utilisation des PGD par la CJUE au-delà de la protection des droits fondamentaux ...364

La consolidation de l’ordre juridique européen : objectif prioritaire pour la CJUE ...365

L’action interprétative de la CJUE : remède efficace à l’absence originelle d’une politique globale de protection des droits fondamentaux ...368

Les limites de l’application du modèle des principes généraux de droit à l’ELSJ ...371

A. La spécificité de l’ELSJ ...372

Une spécificité « extrinsèque » ...373

Une spécificité « intrinsèque » ...376

B. Un arrêt « Van Gend end Loos » pour l’ELSJ ?...379

Des avancées remarquables en matière pénale inspirées par l’action de la CJUE ...379

L’absence d’une réponse législative adéquate aux inputs venant de la CJUE en matière de protection des droits fondamentaux des personnes migrantes ...384

Section 2 : Le rôle des traditions constitutionnelles des pays membres : frein ou accélérateur de l’action de la CJUE pour la protection des droits fondamentaux dans l’ELSJ ...388

La jurisprudence de la CJUE en matière de droits fondamentaux au carrefour entre jus commune europaeum et identités constitutionnelles des États membres ...389

Les Cour constitutionnelles des pays membres ennemies et alliées de la CJUE pour la protection des droits fondamentaux ...395

A. Le dialogue de la CJUE avec la Cour constitutionnelle allemande ...397

B. Le dialogue de la CJUE avec la Cour constitutionnelle italienne ...401

Section 3 : Les interactions entre la CJUE et la CourEDH : source précieuse pour la protection des droits fondamentaux des personnes migrantes ...404

Convergences réelles… ...406

A. L’empreinte laissée par l’interaction des arrêts M.S.S. c. Belgique et N.S. sur la protection des demandeurs d’asile dans l’UE ...407

B. Un exemple de synergie explicite : les arrêts Al Chodor et Del Rio Prada c. Espagne ...412

Et divergences apparentes entre la jurisprudence de la CJUE et celle de la Cour EDH ...415

A. Retour sur la jurisprudence N.S. : divergences apparentes avec l’arrêt Tarakhel de la Cour EDH ...415

B. La déclaration UE-Turquie « au tamis » des cours européennes ...421

Chapitre 2 : Le renvoi préjudiciel devant la CJUE, clé de voûte de l’interaction entre juridiction de l’UE et systèmes nationaux pour la protection des droits fondamentaux des migrants ... 427

(10)

x

Section 1 : Principes dégagés par la CJUE en matière de protection des droits fondamentaux lors de l’entrée sur le

territoire de l’UE ...429

Droits subjectifs en matière d’accès au territoire ...430

A. La protection de la dignité humaine lors de l’accès au territoire de l’UE ...431

B. La protection de la liberté dans l’accès au territoire ...434

L’interdiction d’entrée à durée illimitée...435

La protection des données personnelles lors de l’accès au territoire UE ...436

La protection de l’unité familiale ...440

Droits procéduraux lors de l’accès au territoire de l’UE ...443

A. La fictio iuris du « cas frontière » ...444

B. Droit à un recours effectif : ...448

La marge d’appréciation des États membres dans la prédisposition des mécanismes juridictionnels effectifs ...449

Le caractère péremptoire du délai de traitement des demandes de protection internationale : exemple de « répression déguisée » ...451

La notion controversée de « for naturel » compètent pour le recours face à un refus de visa ...456

C. Égalité de traitement et discrimination sur la base de la nationalité ...459

Section 2 : Principes dégagés par la CJUE en matière de protection des droits fondamentaux sur le territoire de l’UE..462

Droits subjectifs en matière de répression sur le territoire ...463

A. La protection de la dignité humaine sur le territoire de l’UE ...464

L’interdiction d’exposer les demandeurs à un « dénouement matériel extrême » ...464

L’obligation d’assurer un niveau de vie digne des mineurs non accompagnés...469

B. La protection de la liberté sur le territoire de l’UE ...472

Le respect de la vie privée et familiale dans la protection contre le risque de persécution pour l’orientation sexuelle...472

La CJUE s’oppose aux limitations à la liberté de circulation des bénéficiaires de protection subsidiaire ...476

C. Égalité de traitement et non-discrimination ...480

L’égalité d’accès aux prestations sociales ...481

Discrimination fondée sur l’orientation sexuelle ou la religion...484

Droits procéduraux en matière de répression sur le territoire ...488

A. Droit à un Recours effectif ...488

Les résultats de l’interaction féconde entre la CJUE et le législateur de l’UE ...489

La CJUE met fin à « l’effet ping-pong » ...493

Le recours effectif contre un refus de protection internationale dans la zone grise du caractère « irrégulier » du séjour d’un demandeur débouté ...497

B. Droit à être entendu ...499

La CJUE s’oppose aux restrictions au droit à être entendu prévues dans le système irlandais ...499

La protection « a minimis » offerte par le droit de l’UE du droit à être entendu ...501

Conclusions Titre 1 ... 504

TITRE 2 :L’ACTIVITÉ INTERPRÉTATIVE DE LA CJUE POUR LA PROTECTION DES DROITS FONDAMENTAUX DES MIGRANTS INFLUENÇANT L’ÉMERGENCE D’UNE RÉPONSE EUROPÉENNE HARMONISÉE... 507

Chapitre 1 : L’action de la CJUE en matière de détention et rétention de personnes migrantes dans les pays membres de l’UE ... 510

Section 1 : Le droit à la liberté personnelle : vrai perdant de la lutte contre l’immigration irrégulière ...510

Quel droit à la liberté personnelle? ...510

Quelle distinction entre les notions de « rétention » et « détention » ? ...516

Section 2 : Les limitations à la liberté personnelle des personnes migrantes à la lumière de la jurisprudence de la CJUE ...521

La jurisprudence de la CJUE en matière de détention des personnes migrantes ...522

A. La criminalisation de l’immigration irrégulière : un phénomène répandu dans la plupart des pays membres de l’UE ...522

B. L’électrochoc de la réponse pénale causé par les Arrêts El Dridi… ...525

(11)

xi

D. Le résultat d’un long parcours interprétatif en matière de détention de personnes migrantes en

condition irrégulière ...532

La jurisprudence de la CJUE en matière de rétention des personnes migrantes ...535

A. Retour sur la notion de rétention ...536

B. Le risque de fuite ...539

C. La rétention des demandeurs d’asile au nom de la protection de la sécurité nationale ou de l’ordre public ...543

Chapitre 2 : Les conséquences de l’action de la CJUE dans le contentieux sur la criminalisation des migrations irrégulières ... 547

Section 1 : L’impact de la jurisprudence de la CJUE sur les dispositions de droit pénal national en matière migratoire 547 La quiescence des normes incompatibles avec le droit UE ...548

D. Le contrecoup de l’arrêt El Dridi sur les praticiens du droit ...548

E. La non-application du droit interne comme modalité pour résoudre les antinomies ...549

F. Les limites du mécanisme de la non-application du droit interne ...551

L’abrogation des normes incompatibles avec le droit UE ...552

Section 2 : La redéfinition des frontières entre droit administratif et droit pénal national en matière migratoire selon les principes dégagés par la CJUE ...554

Le droit administratif en matière migratoire ne peut se passer des droits fondamentaux ...555

Vers un code européen des migrations ? ...559

A. Les tentatives inachevées ...559

B. Des craintes légitimes… ...561

C. Une solution immédiatement applicable ...562

Conclusion Titre II ...566

CONCLUSION GÉNÉRALE ... 568

Une action efficace dans les limites de ses propres compétences : the sound of silence ...570

La jurisprudence de la CJUE source incontournable pour l’évolution du droit migratoire ...572

INDEX ... 575

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 577

TABLE DE LA JURISPRUDENCE ... 605

ANNEXE I – ACCORDS DE RÉADMISSION SIGNÉS PAR L’UE ... 614

ANNEXE II – LISTES NATIONALES DE « PAYS SURS » ... 615

ANNEXE III – LISTE COMPLETE DES AGENCES DE L’UE ... 616

(12)

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Liste des abréviations

AAE Agence d’approvisionnement d’Euratom

AEMF Autorité européenne des marchés financiers

ASGI Association des juristes italiens

CDFUE Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne

CEDEAO Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest

CEDH Cour européenne des droits de l’homme

CFS Code frontières Schengen

CJUE Cour de Justice de l’Union européenne

Convention EDH Convention européenne des droits de l’homme

COREPER Comité des représentants permanents

CSIFA Comité stratégique sur l’immigration, les frontières et l’asile DG-JAI Direction générale du Conseil « Justice et Affaires intérieures » D. lgs. Decreto legislativo (décret législatif)

EASO Bureau européen d’appui en matière d’asile

ELSJ Espace de liberté, de sécurité et de justice

eu-Lisa Agence européenne pour la gestion à large échelle de systèmes d’information dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice

Europol Bureau de police européenne

Eurosur Système européen de surveillance des frontières

FED Fonds européen de développement

FRA Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne

Frontex Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes

HRC Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés

IAP Instrument d’aide de préadhésion

IEGE Institut européen pour l’égalité de genre

JAI Conseil « Justice et Affaires intérieures »

(13)

xiii

LIBE Commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures

MOU Memorandum of Understanding

OIM Organisation internationale pour les migrations

PE PICUM

Parlement européen

Plateform for International Cooperation on Undocumented Migrants

RABIT Équipes d’intervention rapide aux frontières

RAEC Régime d’asile européen commun

SEAE Service européen pour l’action extérieure

SIS II Systèmes d’information Schengen

TCE Traité instituant la Communauté européenne

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TIMEP Institut Tahrir pour les politiques au Moyen-Orient

TUE Traité sur l’Union européenne

UA Union africaine

UE Union européenne

VIS Système d’information sur les visas

(14)

xiv

À Gaetano et Antonella,

mes rocs inébranlables

(15)

xv

Remerciements

Mes premiers remerciements s’adressent à mes deux directeurs de thèse. Je suis profondément reconnaissant au professeur Olivier Delas, pour sa confiance et sa direction indéfectibles tout au long de ce parcours qui marque une page fondamentale de ma formation professionnelle. Je suis extrêmement reconnaissant aussi au Professeur Sébastien Platon, qui a su, dans des moments décisifs, me guider avec des avis et des conseils essentiels pour l’avancement de ce travail.

Je suis également très reconnaissant envers le juge Jean-Claude Bonichot, de m’avoir permis d’intégrer temporairement son cabinet à la Cour de justice de l’Union européenne. Cette expérience a grandement contribué à orienter cette étude dans la juste direction. Les échanges avec lui et son équipe de référendaires ont été des moments précieux.

Mes remerciements sincères, vont aussi au professeur Henri Labayle et au professeur François Crépeau, auxquels je dois énormément en termes d’inspiration. Leurs écrits ont souvent guidé mes réflexions, et les occasions d’échange lors de colloques et de conférences m’ont permis de mieux définir l’objectif de cette étude.

Je me dois de remercier mon ami et collègue, le professeur Mulry Mondelice, pour ses conseils toujours pertinents et sa bienveillance chaleureuse. Je tiens par ailleurs à remercier Pierre Desroches et Benoit Martel, amis sincères, pour leur soutien inébranlable, sans lequel cette recherche n’aurait probablement pas vu le jour.

À Mylène j’exprime toute ma reconnaissance pour la force tranquille et la patience avec lesquelles elle a su soutenir les longues journées de rédaction.

Je tiens finalement à adresser mon plus grand remerciement à Gaetano et Antonella, parents exceptionnels auxquels je dédie ces pages, au nom de l’amour et de la confiance avec lesquels ils ont su nourrir tous mes efforts. À Rosalba, Antonio et Rossella vont aussi mes pensées les plus sincères.

Cette recherche n’aurait pas pu aboutir sans le financement du Conseil de Recherches en Sciences Humaines du Canada (CRSH), qui m’a honoré de la prestigieuse Bourse Vanie

(16)

1

Introduction Générale

Est-il désormais possible de distinguer l'immigration de la migration alors que la planète entière devient territoire de déplacements croisés ? Je crois que c'est possible : comme je l'ai dit, l'immigration est politiquement contrôlable, la migration ne l'est pas ; c'est comme les phénomènes naturels. Tant qu'il y a de l'immigration, on peut espérer maintenir les immigrés dans un ghetto pour qu'ils ne se mélangent pas aux autochtones. Lorsqu'il y a migration, il n'y a plus de ghettos, et le métissage est incontournable.

Les phénomènes que l'Europe tente encore de traiter comme des cas d'immigration sont des cas de migration. Le Tiers Monde frappe à la porte de l'Europe, et il y rentre même si l'Europe n'est

pas d'accord.1

S

ECTION

1 :

L’

OBJET DE L

ÉTUDE

Il est difficile, voire quasi impossible, d’imaginer quelle politique migratoire existerait aujourd’hui en Europe si la Cour de justice de l’Union européenne (ci-dessous « CJUE » ou « Cour ») ne s’était pas saisie de cette question dans les limites de ses compétences. Les prémisses de cette étude se fondent alors sur un fait avéré : la jurisprudence produite par cette Cour a eu, et continue d’avoir, un impact marquant sur la protection des droits fondamentaux des personnes migrantes en condition irrégulière dans l’Union européenne (ci-dessous « UE » ou « l’Union »).

Les principes dégagés par l’activité judiciaire de la CJUE dans ce domaine ont grandement participé au processus d’intégration européenne, produisant souvent des avancées remarquables et mettant en exergue, dans d’autres occasions, l’incertitude juridique, fruit de la fragilité de l’architecture encore inachevée de l’UE.

(17)

2

Après avoir mis en lumière le lien qui arrime l’action de la CJUE aux migrations irrégulières (§1), il conviendra de parcourir les choix méthodologiques qui ont guidé cette recherche et les limites qui la caractérisent (§ 2), avant d’évoquer l’impact de la jurisprudence de la CJUE sur l’évolution du droit migratoire de l’UE et de ses pays membres (§3).

LA RÉPONSE JURIDIQUE AUX MIGRATIONS IRRÉGULIÈRES DANS L’UE

L’Union européenne, étant l’une des destinations principales des flux migratoires, reflète toute la complexité de la mise en place d’un système juridique de gestion de l’immigration efficace. La compétence partagée entre États membres et UE en matière migratoire produit des réponses asymétriques au sein de l’Union, pouvant mener jusqu’à la criminalisation des personnes migrantes.

La réponse juridique aux migrations irrégulières dans l’UE – et plus génériquement dans le Nord global – est caractérisée par trois éléments : (A) la minimisation du phénomène migratoire; (B) la quête de sécurisation des frontières et de l’accès au territoire national; (C) l’encadrement de la catégorie des personnes migrantes en condition irrégulière comme une menace. Ces trois composantes, parfois dangereusement confondues par la narration politique des événements internationaux, sont à la base de la répression des migrations irrégulières partout dans le monde.

A. La mécompréhension du phénomène migratoire

Dans son rapport sur l’état de la migration dans le monde, publié en juin 2020, l’Organisation internationale des migrations (OIM) estime à environ 272 millions les migrants internationaux dans le monde, dont plus de la moitié en Europe et en Amérique du

(18)

3

Nord2. Depuis des dizaines d’années, les migrants représentent environ 3,5 % de la population mondiale. Il est donc évident que ce chiffre ne correspond pas à l’image d’une invasion ingérable.

François Crepeau et J.-Y. Carlier affirment que le droit de l’immigration est « un droit en mouvement »3. Dès lors nous rajoutons que cette dynamique juridique, nécessaire pour adapter la réponse du législateur aux mouvements de personnes, repose néanmoins sur une donnée statique, à savoir le fait que la migration demeure un phénomène ontologiquement lié à la condition humaine. Ainsi, la doctrine contemporaine est unanime à l’effet que « si l’intensité des mouvements migratoires est sujette à fluctuation, la migration demeure, plus que jamais, un phénomène social constant »4.

La mécompréhension du phénomène migratoire découle, alors, de sa minimisation. Les décideurs ‒ gouvernements nationaux et organisations internationales ‒ encadrent trop souvent l’immigration comme un épisode extraordinaire, imprévisible, limité dans le temps et dans ses causes. Ceci mène à l’adoption de mesures temporaires destinées à s’attaquer aux symptômes, et jamais aux causes, du phénomène migratoire. Or, il est avéré que l’histoire de l’humanité a été marquée par de grands déplacements et qu’il est impossible d’analyser la condition des hommes et des femmes qui quittent leur lieux d’origine en quête de sécurité et d’un avenir meilleur, sans considérer la nature d’« homo migrator »5 qui caractérise l’espèce humaine.

Une autre composante de la mécompréhension du phénomène migratoire se cache dans la prétention du législateur de vouloir opérer à tout prix une « classification » statique

2 OIM, État de la migration dans le monde, 2020, p. 2‑3, en ligne :

<https://publications.iom.int/system/files/pdf/wmr_2020_fr.pdf>.

3 Jean-Yves C

ARLIER et François CRÉPEAU, « Le droit européen des migrations : exemple d’un droit en mouvement ? », (2011) 57-1 Annuaire français de droit international 641‑674.

4 Jean Yves C

ARLIER et Luc LEBOEUF, « Chroniques de Droit européen des migrations », JDE

2020.3.132‑146, 132.

5 Guy S G

OODWIN-GILL et Philippe WECKEL, Protection des migrants et des réfugiés au XXIe siècle :

(19)

4

et irréfutable des migrants (migrants économiques, réfugiés climatiques, demandeurs d’asile, etc.). En revanche, la réalité des affaires portées à l’attention de la CJUE nous montre qu’il s’agit plutôt de catégories extrêmement perméables.

De plus, les chiffres fournis par l’OIM nous montrent clairement que la cause principale des migrations demeure la poursuite d’une activité économique et que « les travailleurs migrants représentant environ deux tiers de la population migrante »6. Sur cette base, l’échec des systèmes de mobilité créés pour les travailleurs étrangers, et la quasi-absence de voies légales d’accès au territoire de l’UE, nous permettent d’identifier le principal paradoxe du droit de l’immigration, à savoir le fait que la migration pour motif économique « constitue la plus grande lacune du droit international contemporain »7.

Les auteurs J.-Y. Carlier et L. Leboeuf rappellent sur ce point que

[e]n Europe, les divisions sociétales sur la gestion de ce phénomène demeurent vives. Elles se manifestent de diverses manières en droit européen de l’asile, notamment au travers des désaccords politiques au sujet de la réforme du système européen commun d’asile, commencée en 2016, en réponse législative à la « crise des réfugiés » de l’été 2015 8.

Ces désaccords, ainsi que le manque de vision à long terme, trouvent une confirmation ultérieure dans le projet – très peu courageux – de réforme de l’ensemble des

6 Jean Yves C

ARLIER et Luc LEBOEUF, « Chroniques de Droit européen des migrations », JDE 2020.3.132‑146, 133. Les auteurs rappellent aussi que « [l]es conclusions d’un colloque organisé à Tampere à l’initiative du réseau Odysseus, qui a rassemblé divers acteurs du monde académique afin d’établir des recommandations concrètes à destination des décideurs politiques, en appellent à poursuivre la voie des réformes Elles constatent, toutefois, une certaine appréhension des décideurs, qui craignent que toute nouvelle initiative ait pour effet d’intensifier davantage encore les tensions autour de la question migratoire, laquelle focalise l’attention et polarise, au détriment des autres défis qui attendent l’Union, notamment en termes de digitalisation de son économie et de changement climatique ».

7 Vincent C

HETAIL, International Migration Law, Oxford, New York, Oxford University Press, 2019, p. 401; Pour une perspective française au sujet, voir aussi Vincent TCHEN, Droit des étrangers,

LexisNexis, 2020.

8 Jean Yves C

ARLIER et Luc LEBOEUF, « Chroniques de Droit européen des migrations », JDE

(20)

5

mesures visant à régler l’immigration irrégulière dans l’UE, proposé par la Commission en septembre 20209.

Dès lors, compte tenu de la complexité entourant l’encadrement du phénomène migratoire, dans la présente étude nous aborderons la notion d’immigration irrégulière en adoptant l’approche large et inclusive définie par la CJUE dans sa jurisprudence10.

B. La quête de sécurisation

La première réponse aux migrations irrégulières est souvent une réponse sécuritaire. L’UE et ses États membres, d’abord avec la création de l’espace Schengen11, et ensuite avec la consécration d’un espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ)12 encore plus intégré, ont adopté des mesures de « sécurisation »13, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de leur territoire.

9 C

OMMISSION EUROPÉENNE, Communication de la Commission sur un nouveau pacte sur la

migration et l’asile, COM(2020) 609 final, Bruxelles, le 23.9.2020.

10 Pour la définition d’immigration irrégulière aux fins de cette étude, voir infra, Introduction

générale, Section 1, § 4.

11 Convention d’application de l’Accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements des

États de l’Union économique Benelux, de la République fédérale d’Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, JO L 239 du

22.9.2000, p. 19–62.

12 Bien que le traité de Rome de 1957 mentionnait déjà, dans son article 61, la mise en place d'un

espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ) à l'échelle de la Communauté européenne, sa création a été marquée par une série d’étapes dont : le Traité d’Amsterdam, le Conseil de Tampere de 1999, le programme de la Haye de 2004 et le programme de Stockholm de 2009, qui ont mené à son institutionnalisation définitive dans le traité de Lisbonne.

13 Ici, par le mot « sécurisation », nous faisons référence à l’ensemble de pratiques interdépendantes

visant à protéger d’une menace, tel que décrit par Thierry Balzacq, Securitization theory : how security problems emerge and dissolve, Milton Park, Abingdon, Oxon, Routledge, 2011 à la p xiii : « securisation » is the « set of interrelated practices, and the processes of their production, diffusion and reception/translation that bring threats into being ».

(21)

6

À l’échelle de l’UE, la quête de sécurisation, qui se traduit en lutte contre l’immigration irrégulière14, s’articule aujourd’hui autour d’une logique circulaire. La première étape est constituée par les accords avec les États tiers15, visant à empêcher les départs des migrants16. Ensuite, les agences de l’Union, notamment FRONTEX, assurent le contrôle et l’impénétrabilité des frontières maritimes et terrestres de l’ELSJ17; une fois franchies les frontières extérieures, les États membres déploient leur arsenal administratif et pénal visant à réprimer les tentatives d’entrée et de séjour irréguliers dans leur territoire et, enfin, grâce aux accords de réadmission, tout est mis en place pour favoriser les retours des étrangers dans leur pays d’origine ou dans des pays de transit considérés « sûrs »18.

La logique sous-jacente à une telle politique de répression des migrations irrégulières en UE dépasse le simple phénomène migratoire. Le professeur Didier Bigo, déjà au début des années 2000, affirmait que la sécurisation permet l’adoption de mesures répressives fondées sur la création d’un « continuum de menaces »19 à l’ordre public et à la paix, auxquelles s’ajoute, depuis plusieurs décennies, la « menace » migratoire.

14 Sur ce point voir Idil Atak, L’européanisation de la lutte contre la migration irrégulière et les

droits humains : une étude des politiques de renvois forcés en France, au Royaume-Uni et en Turquie,

Bruxelles, Bruylant, 2011; voir aussi Olivier Delas, « L’Union européenne et la crise des migrants : crise des migrants ou crise de la politique d’immigration de l’Union européenne? » dans par Mitch Robinson et al, Réciprocité et universalité: sources et régimes du droit international et des droits de

l’homme : mélanges en l’honneur du Professeur Emmanuel Decaux., Paris, Éditions Pedone, 2017.

15 Pour la nature juridique et la portée contraignante de ces accords, voir infra, Partie I, Titre 1,

Chapitre 1, Section 3, §2, lettre B.

16 L’un des exemples plus éloquents de cette pratique est la Déclaration UE-Turquie de 2016, voir

infra, Partie I, Titre 2, Chapitre 2, Section1.

17 Sébastien Platon, « La coopération aux frontières de l’Europe et le respect des droits

fondamentaux » La coopération, enjeu essentiel du droit des réfugiés, s d A-M Tournepiche, Paris, Pedone, 2015, p 49.

18 Pour une analyse approfondie des accords de réadmission, voir infra, Partie I, Titre 2, Chapitre 1,

Section1.

19 Didier Bigo, « Security and Immigration: Toward a Critique of the Governmentality of Unease »:

(22)

7

C. L’équation entre la personne migrante en condition irrégulière et la menace pour la société

Le sociologue Salvatore Palidda, dans un célèbre article publié en 1999, affrontait la question suivante : « les migrants constituent-ils une menace effective pour la sécurité européenne, ou jouent-ils un rôle de bouc émissaire ? »20. L’auteur soutient la thèse selon laquelle les politiques sécuritaires seraient l’arme privilégiée de la « guerre aux migrations » des nations plus puissantes. Son analyse permet de comprendre les origines des politiques de sécurisation envers les personnes migrantes.

Toute l’histoire des migrations, comme celle des classes subalternes, est marquée par des moments de criminalisation […].

La relation entre police, migrations et problèmes de sécurité a une histoire assez longue. En effet, cette relation prend une importance considérable lorsque les migrations atteignent des dimensions massives, phénomène qui, en Europe, est étroitement lié à l’exode rural et au développement industriel. On peut donc dire que, depuis la fin du XVIIIe siècle, se constitue un « paradigme de la sécurité », voire de la cohésion et de l’intégration sociale, qui concerne en particulier l’inclusion des migrants dans le cadre du développement économique et social de l’Europe occidentale21.

L’auteur poursuit son discours en affirmant que, dans le contexte actuel, il semble y avoir une rupture avec cette logique d’inclusion. En effet, les services de police et de renseignement, ainsi que « l’opinion publique des pays d’immigration [ont] développé une tendance à considérer [les migrants] comme un problème de sécurité des plus sérieux, avec les trafics de la criminalité organisée transnationale et le terrorisme »22.

D’ailleurs, de nombreux auteurs ont adressé d’âpres critiques à l’UE pour avoir adopté une telle approche sécuritaire mettant, notamment, en exergue les conséquences humaines et juridiques de ces politiques. Dans les écrits de Michel Foucault, nous retrouvons,

20 Salvatore P

ALIDDA, « La criminalisation des migrants », (1999) 129-1 Actes de la recherche en

sciences sociales 39‑49, 43.

21 Ibidem, p. 44. 22 Ibidem, p. 44.

(23)

8

dès les années soixante-dix, la définition de « bio-politique » 23 utilisée pour indiquer la tendance des gouvernements européens à considérer la souveraineté comme la capacité de dire qui peut vivre et qui doit mourir. Ce concept a ensuite subi une première transformation avec l’apparition de la notion de « thanatopolitique »24, qui présente une approche renversée mettant l’accent sur le droit de mort exercé par l’ État sur tout individu soumis à sa juridiction. Enfin, suite aux événement tragiques dans la méditerranée centrale et orientale de 2013 et 2015, d’autres auteurs qualifient les choix – et l’inertie – de l’UE de « nécropolitique »25, pour indiquer une politique européenne – tant de l’UE que de ses États membres ‒ qui n’hésite pas à rentrer dans des calculs macabres au détriment des droits fondamentaux afin de protéger ses propres frontières. « Sur cette frontière, sont tolérées des pertes humaines dans une forme de “nécropolitique” : on y pratique une politique du laisser mourir »26.

L’identification de la personne migrante en condition irrégulière avec une menace potentielle pour la paix et le bien-être est à la base de la pseudo légitimation de ces mesures. Au niveau national, cette répression se transforme en criminalisation27, une pratique

23 Roger MEHL, « Michel Foucault, Histoire de la Sexualité. 1. La Volonté de Savoir. Paris,

Gallimard, 1976. (Bibliothèque des Histoires.) », (1978) 58-4 Revue d’Histoire et de Philosophie

religieuses 472‑473; Pour une analyse plus recente, voir aussi Katia GENEL, « Le biopouvoir chez Foucault et Agamben », Methodos. Savoirs et textes 2004.4, en ligne : <http://journals.openedition.org/methodos/131> (consulté le 11 octobre 2020).

24 Katia Genel, « Le biopouvoir chez Foucault et Agamben » [2004] 4 Methodos Savoirs et textes, en

ligne : Methodos. Savoirs et textes <http://journals.openedition.org/methodos/131> (consulté le 11 octobre 2018); Saïd Chebili, « Corps et politique : Foucault et Agamben » (2009) Volume 85:1 L’information psychiatrique 63‑68.

25 Évelyne R

ITAINE, « Migrants morts, des fantômes en Méditerranée », Rhizome 2017.64.16‑17; Achille MBEMBE, « Nécropolitique », (2006) no 21-1 Raisons politiques 29‑60.

26 Évelyne R

ITAINE, « Migrants morts, des fantômes en Méditerranée », Rhizome 2017.64.16‑17, 16.

27 L’un des auteurs qui a consacré le plus ses recherche sur ce sujet est Valsamis Mitsilegas, The

criminalisation of migration in Europe : challenges for human rights and the rule of law, Cham,

Springer, 2015; Pour une mise en contexte exhaustive des recherches sur le sujet voir aussi Joanna Parkin et Belgium) Centre for European Policy Studies (Brussels, The criminalisation of migration

in Europe: a state-of-the-art of the academic literature and research, 2013, en ligne :

<https://www.ceps.eu/system/files/Criminalisation%20of%20Migration%20in%20Europe%20J%20 Parkin%20FIDUCIA%20final.pdf> (consulté le 23 avril 2017).

(24)

9

législative qui prévoit la réponse pénale comme mesure proportionnelle et adaptée à la « menace » migratoire.

La présente étude vise, entre autres, à identifier la ou les réponses que la CJUE donne grâce à son action interprétative à la question complexe de la protection des droits fondamentaux des personnes migrantes vis-à-vis des politiques répressives.

LE RÔLE DE LA CJUE DANS LE CONTEXTE DE LA RÉPRESSION DE L’IMMIGRATION IRRÉGULIÈRE DANS L’UE

La Cour de Justice de l’Union européenne joue désormais un rôle déterminant dans l’encadrement juridique du phénomène migratoire qui concerne, depuis la fin des années quatre-vingt-dix28, de façon importante les frontières extérieures de l’UE. Dans ce domaine, l’action de la Cour ne se limite pas à la simple interprétation et application des normes européennes29 en matière d’immigration irrégulière (A), mais, à travers sa jurisprudence, elle

28 En 1995 entrait en vigueur la Convention de Schengen qui organisait l'ouverture des frontières

internes entre les pays européens signataires (France Allemagne, Italie, Espagne Portugal et pays du Benelux : Belgique, Pays-Bas et Luxembourg). Si la première convention de Schengen date de 1985, l'espace Schengen a été institutionnalisé à l'échelle européenne par le traité d'Amsterdam du 2 octobre 1997. L'espace Schengen comprend actuellement 26 États membres et trouve sa base légale dans l’article 67 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ainsi que dans l’art 45 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

29 Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, articles 18 (droit d’asile), 19 (protection

contre l’éloignement, expulsion ou d’extradition) et 47 (droit à un recours effectif et à un procès équitable); Convention d’application de l’accord de Schengen de 1985, 19 juin 1990; Code des visas, règlement n. 154/2012 du Parlement et du Conseil (modifiant le règlement (CE) n. 810/2009); Directive 2001/90/51/CE sur les sanctions pécuniaires aux transporteurs; Directive 2002/90/CE définissant l’aide à l’entrée, au transit et au séjour irrégulier; Règlement SIS II n. 2006/1987 du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 2006, Décision nº 2007/533/JAI du Conseil du 12 juin 2007; Règlement EURODAC nº 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 (modifiant le règlement nº 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000, Règlement nº 407/2002 du Conseil du 28 février 2002); Règlement VIS nº 767/2008 du Parlement européen et du Conseil du 9 juillet 2008 (modifiant la décision nº 2004/512/CE du Conseil du 8 juin 2004 et la décision nº 2008/633/JAI du Conseil du 23 juin 2008); Directive « retour » 2008/115/CE; Directive

(25)

10

exprime aussi une tentative beaucoup plus large d’harmonisation du kaléidoscope complexe de dispositions nationales qui qualifient, de façon très hétérogène, l’entrée et les séjours irréguliers (B).

A. L’apport de la CJUE à l’encadrement juridique des migrations irrégulières

En effet, afin de parvenir à des solutions structurelles et durables, la compréhension et l’encadrement juridiques des migrations sont, à l’heure actuelle, des défis incontournables pour l’UE. L’étude des dynamiques migratoires qui concernent aujourd’hui l’Union ne peut donc se passer de l’analyse de la pratique répandue dans les États membres qui, dans leurs législations internes, prévoient une réponse répressive à l’entrée et au séjour irréguliers des personnes migrantes.

La répression de l’immigration irrégulière, que certains appellent « criminalisation des migrations », pour reprendre les mots de Valsamis Mitsilegas, consiste en « l’importation des logiques contraignantes du droit pénal dans le domaine du contrôle migratoire »30. Le Commissaire aux droits de l’Homme, dans un document thématique publié en 2010, avait déjà défini cette tendance comme « le recours à des sanctions pénales ou à des sanctions administratives qui équivalent à des sanctions pénales (comme la rétention administrative) en matière de contrôle des frontières et de maîtrise de l’immigration » 31. Dans ce même rapport, l’auteur soulignait que ce sujet, en raison de ses implications en termes de droits

« qualifications » 2011/95/UE; Directive 2013/32/UE relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte). La présente n’est pas une liste exhaustive de toutes les normes européennes en matière migratoire.

30 Valsamis M

ITSILEGAS, The criminalisation of migration in Europe : challenges for human rights

and the rule of law, Cham, Springer, 2015, p. 1.

31 Commissaire aux Droits de l’Homme - La criminalisation des migrations en Europe : quelles

incidences pour les droits de l’homme ? Document thématique par Thomas Hammarberg, Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, en ligne : <https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?p=&id=1579823&direct=true> (consulté le 23 avril 2017).

(26)

11

fondamentaux, devenait depuis quelque temps une source de préoccupation supplémentaire dans la doctrine32.

Au long de cette étude, nous mettrons aussi en exergue le fait que les mesures répressives adoptées dans la plupart des États membres de l’UE en réponse aux migrations sont en contraste avec les valeurs européennes et les principes généraux de droit33 dégagés par la CJUE en la matière. En effet, la superposition de la matière pénale au droit de l’immigration est source de nombreuses inquiétudes dans la doctrine.

Le professeur Olivier Delas, dans l’un de ses articles, affirme sur ce point que les réponses fragmentées et symptomatiques de l’Union européenne aux questions liées aux migrations irrégulières donnent vie à « une politique d'immigration se résumant à une politique de lutte contre l'immigration irrégulière » 34. Cela est dû, premièrement à l’assimilation simpliste qui peut être faite entre le ressortissant d’un pays tiers et le criminel potentiel35. En ce sens, la sémantique de la terminologie utilisée dans les textes de loi est déterminante36. En deuxième lieu, l’approche répressive aux migrations pose un problème quant au respect des droits fondamentaux des ressortissants des pays tiers, qui risquent d’être

32 Lee M, « Human trade and the criminalization of irregular migration », (2005) 33-1 Int. J. Sociol.

Law 1‑15, 33; Elspeth GUILD et Paul MINDERHOU, « Immigration and Criminal Law in the European Union: The Legal Measures and Social Consequences of Criminal Law in Member States on Trafficking and Smuggling in Human Beings », (2007) 19-4 Int J Refugee Law 771‑776, DOI : 10.1093/ijrl/eem062; Anneliese BALDACCINI, Elspeth GUILD et Helen TONER, « Whose Freedom, Security and Justice? », Bloomsbury Publishing, p. 301‑336, en ligne : <http://www.bloomsbury.com/au/whose-freedom-security-and-justice-9781841136844/> (consulté le 23 avril 2017).

33 Voir infra, Titre 2, Chapitre 1. 34 Olivier D

ELAS, « L’Union européenne et la crise des migrants : crise des migrants ou crise de la politique d’immigration de l’Union européenne? », dans Mitch ROBINSON et al., Réciprocité et

universalité: sources et régimes du droit international et des droits de l’homme : mélanges en l’honneur du Professeur Emmanuel Decaux., Paris, Éditions Pedone, 2017 à la page 814.

35 Supra, Introduction générale, Section 1, §1, lettre C. 36 Idil A

TAK, L’européanisation de la lutte contre la migration irrégulière et les droits humains : une

étude des politiques de renvois forcés en France, au Royaume-Uni et en Turquie, Bruxelles, Bruylant,

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12

fortement limités par les dispositions répressives à caractère pénal. Enfin, cette pratique répressive se concilie difficilement avec les exigences d’ouverture et d’impartialité envers les requêtes de protection internationale des demandeurs d’asile.

Nous pouvons, dès maintenant, identifier trois raisons pour lesquelles l’action de la CJUE est au centre de cette étude : i) depuis le Traité d’Amsterdam et après le Traité de Lisbonne, la Cour a pleine compétence pour se prononcer sur les matières de l’ancien troisième pilier (JAI), ainsi qu’en matière d’immigration, d’asile et de gestion des frontières; ii) Le mécanisme du renvoi préjudiciel, renforcé par la procédure d’urgence prévue par l’article 23-bis du statut de la Cour, permet une liaison directe entre juridictions nationales et européennes, relais fondamental pour l’application des droits fondamentaux; iii) Grâce à son action, la Cour joue un rôle prépondérant dans la création de l’ordre juridique européen37.

B. L’importance du dialogue entre CJUE et juges nationaux

Grâce au mécanisme du renvoi préjudiciel, prévu par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après TFUE), à l’article 26738, la Cour de justice de l’UE est saisie en validité ou en interprétation par les juges nationaux afin d’interpréter le droit de l’Union et, indirectement, pour vérifier la compatibilité du droit national applicable au cas d’espèce

37 C

OURT OF JUSTICE OF THE EUROPEAN UNION (dir.), The Court of Justice and the Construction of

Europe: Analyses and Perspectives on Sixty Years of Case-law - La Cour de Justice et la Construction de l’Europe: Analyses et Perspectives de Soixante Ans de Jurisprudence, The Hague, The

Netherlands, T. M. C. Asser Press, 2013, p. 3.

38 Article 267 TFUE (ex-article 234 TCE) : « La Cour de justice de l'Union européenne est

compétente pour statuer, à titre préjudiciel: a) sur l'interprétation des traités, b) sur la validité et l'interprétation des actes pris par les institutions, organes ou organismes de l'Union. Lorsqu'une telle question est soulevée devant une juridiction d'un des États membres, cette juridiction peut, si elle estime qu'une décision sur ce point est nécessaire pour rendre son jugement, demander à la Cour de statuer sur cette question. Lorsqu'une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne, cette juridiction est tenue de saisir la Cour. Si une telle question est soulevée dans une affaire pendante devant une juridiction nationale concernant une personne détenue, la Cour statue dans les plus brefs délais ».

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avec les traités, ou encore, avec les directives ou les règlements de l’UE. À travers ce dialogue entre juridictions, basé sur le contentieux en matière d’immigration - qui passe souvent par les biais des procès pénaux (ou administratifs) nationaux -, les niveaux des garanties assurés aux ressortissants de pays tiers sont souvent rétablis à la hausse par la Cour. Parfois, nous assistons à une véritable opération d’harmonisation des réponses juridiques offertes en matière d’immigration, qui se réalise par la voie prétorienne, au fil de la jurisprudence de la CJUE.

Cette recherche vise donc à offrir une analyse d’impact de l’action de la Cour de justice de l’Union européenne dans les systèmes nationaux de justice répressive en matière d’immigration irrégulière, en regardant, notamment, les interactions entre l’ordre juridique européen et les systèmes nationaux. En effet, depuis le Traité de Lisbonne, l’immigration et l’asile figurent parmi les compétences partagées entre l’UE et ses pays membres, et la matière migratoire représente un chaînon fondamental pour la construction d’une mosaïque européenne harmonieuse et cohérente.

L’accent sera mis sur la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et sur les impulsions de changement que ses arrêts produisent dans les systèmes nationaux, grâce aux réponses offertes aux questions préjudicielles et, parfois, dans le même ordre juridique européen, par le biais du recours en annulation prévu à l’article 263 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE).

S

ECTION

2 :

L

ES LIMITES ET LA MÉTHODE DE LA RECHERCHE

La protection des droits fondamentaux des personnes migrantes en condition irrégulière en Europe soulève un nombre toujours croissant de questions, qui font d’ailleurs l’objet d’études remarquables tant sociologiques que juridiques. La présente recherche, qui se veut pleinement fondée en droit, est encadrée par des choix méthodologiques précis et affirme sa validité tout en étant consciente des limites qui la caractérisent. Avant d’aborder plus en détail la méthode qui guide cette étude (§3) et le cadre théorique de référence (§2), il

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est opportun d’orienter le regard critique du lecteur en mettant en exergue les aspects qui resteront nécessairement en dehors du champ d’analyse de cette recherche, n’étant pas en lien direct avec l’objet d’étude (§1).

LES ÉLÉMENTS QUI DÉFINISSENT L’ÉTENDUE DE L’ÉTUDE

La validité d’une étude se mesure, en bonne partie, par la prise en compte des limites qui la caractérisent. Le nombre de questions qui peuvent être abordées de façon approfondie et exhaustive est forcément limité et la pertinence de ces dernières est en lien avec l’étendue de l’analyse. Nous pouvons, ainsi, identifier trois limites qui aident à définir cette recherche : la première est une limite d’ordre géographique et politique (A), la deuxième touche la distance avec la technique du droit comparé (B), et la troisième concerne le dynamisme de l’évolution du sujet et son impact sur l’exhaustivité de l’étude (C).

A. Limites géographiques

La dimension globale du phénomène migratoire pourrait facilement mener à la conclusion selon laquelle une réflexion tout aussi « globale » et omni-compréhensive s’impose à chaque fois que ce sujet est abordé. Cependant, la péculiarité du raisonnement analytique est celle de fractionner une problématique complexe pour mieux en aborder chaque composante, la considérer individuellement et dans le respect de ses spécificités.

Suivant cette méthode analytique, nous avons choisi de nous concentrer sur l’action de la CJUE en matière de protection des droits fondamentaux des personnes migrantes en condition irrégulière. Dès lors, l’UE représente la zone géographique sur laquelle se concentre majoritairement cette étude, le territoire de l’Union étant la zone sur laquelle la Cour exerce sa juridiction.

L’UE est une union politique dont les « frontières » dépassent la simple somme des territoires de ses États membres. La CJUE exerce donc sa juridiction, aussi, sur les pays qui,

Figure

Figure 1 - source: Jean-Pierre Cassarino et Mariagiulia Giuffré, « Finding Its Place In Africa: Why has the EU  opted for flexible arrangements on readmission? » (2017) N

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