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Habiter, de Latifa Laâbissi

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Academic year: 2021

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Submitted on 17 Feb 2021

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Habiter, de Latifa Laâbissi

Emmanuelle Chérel

To cite this version:

Emmanuelle Chérel. Habiter, de Latifa Laâbissi. Lieux Communs - Les Cahiers du LAUA, LAUA (Langages, Actions Urbaines, Altérités - Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Nantes), 2006, Art et anthropologie, pp.245-247. �halshs-03144665�

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Revue Lieux communs 9 (2006) p. 245-246 Rubrique Transpositions

Auteur : Emmanuelle Chérel

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Habiter, de Latifa Laâbissi-

Latifa Laâbissi, chorégraphe, propose, pour ce projet intitulé Habiter, un solo dans un espace quotidien, ou plus précisément chez les habitants d’une ville (par exemple à Rennes dans le cadre des Allotopies en 2003). Pour ce, elle a mis en place un protocole. Après un repérage dans une ville, une dérive, qui lui permet de choisir un quartier (sans s’arrêter sur des populations type), elle diffuse une petite annonce dans les journaux locaux et sur des panneaux prévus à cet effet dans certains magasins :

« Artiste chorégraphe recherche un habitant qui accepterait d’accueillir chez lui un projet de danse. La proposition est gratuite et nécessite 2 heures de disponibilité. Pour plus de renseignements, vous pouvez contacter le (06…..)»

Suite à une première rencontre téléphonique, lors de laquelle elle décrit son intention et sa manière de procéder, Latifa L. se rend chez l’hôte de sa danse. Après un échange et une visite de l’habitation, ils choisissent l’espace qui accueillera le corps de la chorégraphe (la salle manger, un couloir,...). En ce temps, elle observe la manière qu’à son hôte d’ouvrir son intimité, sa « maison », son « chez lui » à un étranger et de lui céder un espace pour le recevoir. Sans rien changer à son agencement, elle s’attarde alors dans cet espace, l’investit, et laisse à son hôte le soin de décider d’assister ou non au déploiement de sa proposition.

Latifa L. n’est pas seule, elle est accompagnée de Sophie Laly, artiste vidéaste et de Jocelyn Cottencin, artiste et graphiste. Les films et les photographies réalisés constituent matière pour la suite du projet. Des séances de visionnage des films (d’une durée de 10 minutes chacun et réalisé sans aucun montage) sont prévues chez certains des habitants, pour les regarder ensemble, c’est à dire une rencontre entre l’équipe artistique, les habitants et leurs invités, un moment commun et une conversation1 autour de cette expérience. La présence de la caméra n’est pas neutre,

elle joue sur la proposition artistique en elle-même. Le cadrage est un plan fixe sur un espace et ses objets dans lequel la chorégraphe rentre pour un solo de 10 minutes. Une fois terminée, elle disparaît dans le hors champ, dans tout ce qu’il est impossible de montrer, à ce qui par définition échappe, dépasse, déborde. Il faut noter que pour Latifa L., l’image est aussi une trace, une mémoire, des intentions non-réalisées, des oublis, des inachèvements, des pistes possibles.

1 Une édition réunira des photographies et une matière textuelle pour retracer le cheminement et les

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Sans préparation physique afin de sortir des habitudes d’un corps savant, d’éviter « les automatismes, les formes apprises et tous les aspects ‘ready-made’ présents dans la pratique artistique2», la chorégraphe réagit à cet espace habité. Elle en absorbe des

éléments, les prélève. Les qualités des espaces génèrent des rencontres physique et mentale spécifiques avec des objets, des matières, des odeurs, des sons. « Ces espaces ne sont pas une scène, un décor, où je joue un rôle. Je m’intéresse à ce que les lieux et les objets racontent, à leur charge affective, à leur histoire, à leur puissance fictionnelle et j’en fais une relecture, immédiate, par échos spontanés, et par écarts aux conventions du spectacle». Cependant la chorégraphie n’est pas totalement improvisée, elle est composée d’une matrice de matériaux hétérogènes née de ses premières expérimentations. Cette matière est sans cesse composée, recyclée. Ainsi apparaissent des récurrences qui appartiennent au langage de Latifa Laâbissi : gravité, corps renversé, culbuté, morceaux de corps, figures grotesques, corps illisible dans sa totalité et dont la définition est inachevée. « Je peux être attirée par un objet, par sa forme, par l’architecture de l’espace, par un angle et je joue avec le rapport à ma propre masse, poids, force, capacité à résister. Il s’agit d’une relation d’architecture à architecture ». Elle travaille avec son corps l’espace, par empathie, écart, tension. Elle le pratique, le construit et le fait vivre autrement : en déplace les sens et participe ainsi à son existence. Les réalités qui informent le corps de la chorégraphe proviennent de sources multiples (bruits de la cuisine, de la rue), mais elle accepte également son propre état, ses absences, une rêverie, sa disponibilité ou son indisponibilité. Ce corps habité génère des zones de porosité et dresse des limites, il travaille la complexité de la présence et de co-présence. Durant ces quelques minutes, les variations émotionnelles peuvent être nombreuses, mais sans obligation, sans recherche d’adéquation ou de fusion avec le lieu et ses habitants. « Peu importe où se situe la rencontre mais il faut qu’elle ait lieu. »

Danser chez quelqu’un, filmer cette danse, pénétrer l’espace de l’autre engendre une variété des comportements. Du partage de l’intime, au sentiment d’intrusion, à l’étonnement, la chorégraphe rencontre l’autre et sa manière d’arranger son lieu de vie. Sa gestuelle qui rompt les figures quotidiennes de ces lieux, son statut d’étrangère, suscitent chez ses hôtes des récits singuliers dans lesquels chacun s’invente et auxquels se joint leur idée de la danse. « Ma présence physique dévoile une réalité, un usage, une mémoire. » Cette invitation peut créer des petits états de chocs, des silences. L’hôte est témoin de cet usage nouveau de son propre espace et du déplacement de ses attributions habituelles, différentes couches de son réel s’y entremêlent : évocations, projections, fictions, souvenirs.

Ses chorégraphies exposent « un corps vécu comme un récepteur-émetteur, une danse capable de révéler les relations entre les événements et la conscience ». Ce corps, agent de transformations, est aussi celui des hôtes et des photographes. Chacun est intégré à la matière chorégraphique. Par contacts, résonances, réflexions, chacun se

2 Les citations viennent du dossier de présentation de ce projet et d’un entretien

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constitue tout en constituant l’espace qui le reçoit. C’est alors que toute présence change de statut : de témoin à celui d’activateur de relation. Chaque intervenant instaure un mouvement et investit un élément de la représentation ce qui donne l’épaisseur de l’expérience3. Le présent, interprété comme moment relationnel, où ce

qui n’est plus là, se compose avec ce qui est et sera là, est forme, il est poème du monde habité.

Cette proposition recouvre plusieurs strates et enjeux : la confrontation de réalités différentes des relations au corps, des représentations, des figures. Ce projet reformule de façon aiguë l’inscription chorégraphique dans un lieu. « Cette inscription me permet de rendre plus spécifique le lien entre l’émetteur et le récepteur de signes ». Ce lien est de nature différente à chaque fois. Néanmoins des récurrences existent : « Comment s’engagent les « négociations » avec les hôtes pour aboutir à

l’expérience ? Sur quels motifs se portent-t-elles ? Quelle pièce de leur habitation cèdent-ils pour l’expérience d’une danse chez eux ? Quelles sont leurs envies , leurs motivations ? Souhaitent-ils être spectateurs ou non de la danse qu’il leur est offerte ? Souhaitent-ils des traces de cette danse ? Comment parler et échanger sur cette expérience ? » Ces questions constituent une part importante du projet et nécessitent

une réflexion spécifique4.

Ce projet Habiter de L. Laâbissi est un déploiement de l’espace, un déploiement du temps, un déploiement de notre corporalité, de nos temporalités, de nos spatialités (de nos figures mentales aux formes architecturales), un déploiement des choses en parole humaine et en poésie5. La prochaine étape est une invitation à Rabat au Maroc

à l’automne.

3 Latifa Laâbissi suit sa formation au studio de Merce Cunningham à New York. Dès son retour en France

en 1989, elle multiplie les collaborations avec Jean-Claude Gallotta, Loïc Touzé, Georges Appaix, Jennifer Lacey et la plasticienne Nadia Lauro, Boris Charmatz. Avec Emmanuelle Huynh elle mène, en association avec d’autres artistes plasticiens, architectes, paysagistes et chorégraphes, plusieurs laboratoires de recherche au Centre Georges Pompidou à Paris, au Centre national chorégraphique de Montpellier et au Centre d’art de Chamarande. Elle participe à de nombreuses collaborations avec des artistes plasticiens tels que Pier Paolo Calzolari, Laurent Dejente, Frédéric Lormeau, Matthieu Kavirchine. Elle crée successivement au sein de la structure « 391 » qu’elle co-dirige avec Loïc Touzé : « L’âme et le corps duo » - au centre d’art de Kerguéhennec - et « To Play » avec Yves-Noël Genod, « Phasmes », puis « I Love Like Animals » au centre d’art de Pougues-Les-Eaux, présenté également au Domaine de Chamarande, enfin « Love » en collaboration avec Loïc Touzé, et « Habiter » dans le cadre d’Allotopies-Rennes avec station mobile, « Masse » projet d’exposition en collaboration avec Jocelyn Cottencin et Loïc Touzé à la galerie du Dourven. Elle vient de produire un solo intitulé « Self portrait camouflage » au Centre Georges Pompidou à Paris en avril dernier. Elle enseigne dans différents contextes : universités, écoles d’art, centres chorégraphiques nationaux. Elle est membre de l’association Aéroport International

4 Un travail théorique est engagé avec Emmanuelle Chérel Historienne de l’art, à partir de la mise en

place d’une observation précise des différentes réalisations du projet.

5 « La poétique première de l’habiter humain, c’est ce poème au monde, cela en quoi l’oeuvre

humaine, déployant la terre en Monde, devient écoumène, la demeure de notre être, la terre habitée » argument d’Augustin Berque, du colloque de Cerisy-la-salle, « L’habiter dans sa poétique première », septembre 2006.

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