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ARTheque - STEF - ENS Cachan | Éloge des théories fausses

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Academic year: 2021

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ELOGE DES THEORIES FAUSSES

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Maltriser un concept scientifique c'est, d'abord, con-naitre les limites de sa validit~ et de sa pertinence : la pr~­ cision des outils intellectuels de la science vient de leur spécificit~. Tant pour donner aux savoirs scientifiques leur pleine efficacité que pour ~viter les abus deleurs extrapola-tions (id~ologiquespar exemple), la p~dagogiedoit fournir la maltrise des conditions de mise en oeuvre des concepts, c'est-à-dire la reconnaissance des situations oü ils n'opèrent ~. La construction des concepts est indissociable de la délimita-tion de leur champ.

L'enseignement des "bonnes" th~ories est ~videmment im-puissant â permettre cette acquisition puisqu'il s'agit, par définition, des cas 00 "ça marche". Il est donc nécessaire d'introduire dans le processus d'apprentissage de "mauvaises" théories pour que leur analyse et leur rejet permette de cir-conscrire les domaines d'applicabilité des concepts.

Après tout, la pratique p~dagogiquene ferait ainsi que se rapprocher un peu de la science telle qu'elle se fait 1 Le travail scientifique r~el consiste pour sa majeure partie en un examen d'hypothèses qui se r~vèlent fausses. L'histoire tradi-tionnelle des sciences et de leur succès est celle de la seule partie émergée d'un iceberg, qui ne flotterait pas, s ' i l n'était soutenu par un volume beaucoup plus grand d'échecs et d'erreurs.

L'enseignement scientifique devrait avoir pour but es-sentiel de permettre l'examen critique et la d~cision raison-née de la validité des idées et concepts. L'expérience pédago-gique est, â cet égard, désolante : des étudiants, même avancés

(niveau maitrise de physique) et compétents dans la mise en oeuvre constructive de leur bagage scientifique pour r~soudre un problème conventionnel, se révèlent quasiment incapables d'utiliser leur savoir pour r~futer une théorie évidemment er-ronn~e, telle l'idée de la Terre creuse (voir Annexe). Leur ex-tr~me difficulté face â une telle tâche ne provient pas de leur manque de connaissances, mais de leur manque de jugement. Elle démontre une réelle incapacité â mobiliser ces connaissances et â décider de leur pertinence relative devant la question posée. C'est que, contrairement au problème ou â l'exercice tradition-nel, résolu d'avance, et qui renvoie explicitement à un bloc de savoir bien délimité (m~canique, ~lectromagn~tisme, thermo-dynamique ... ), la critique d'une th~orie fausse, par la globalité

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de son sujet et ses limites a priori ind~finies, fait en q6nêral appel ~ des savoirs divers et exige leur coordination.

Ces considérations pédagogiques s'~tendent tout naturel-lement â l'épistémologie et â l'histoire des sciences, que la prise en considération systématique des théories fausses (sans parler des expériences ... ) soumettent â rude épreuve.

De fait, un matériau d'une extr~me richessse est offert tant par des th~ories anciennes abandonn~esaprès avoir eu leur

heure de gloire, que par l'abondante-production des ~ternels

marginaux de la science, dont les ~lucubrations, souvent extra-ordinaires, ne manquent ni de charme, ni de subtilit~.

Proposons, afin d'y voir un peu plus clair dans cette surabondance de l'erreur, une petite typologie des théories fausses. Par ordre de distance croissante â la vérité reçue, on peut distinguer des théories :

1) adhérentes

2) cohérentes (ou coerrantes) 3) aberrantes

4) sidérantes

1) !~~_~~~Q~!~~_~9~~~~~~~ê

:

ce sont les théories fausses aujourd'hui qui furent vraies hier, et restent souvent d'excel-lentes approximations. Un exemple typique en est la relativité galiléenne, par opposition â la relativité einsteinienne(l). Il est aisé de montrer que de telles théories sont loin d'avoir épuisé leurs potentialités et en disent souvent plus qu'on ne le croit(2,3), ou bien, au contraire, échouent ailleurs qu'on ne le dit. Ainsi, une théorie galiléenne conséquente de l'élec-tromagnétisme est possible et montre déjâ l'unification du champ électrique et du champ magnétique(4). De même, la méca-nique newtonienne suffit largement â expliquer l'expansion de

(5) l'univers, sans que la relativité générale soit indispensable. Du coup, il devient parfois moins facile que la plupart des livres ne l'affirment de prouver l'échec de ces théories et la nécessité de leurs remplaçantes. La frontière de l'erreur n'est pas toujours visible -surtout si elle passe ailleurs qu'on ne croit.

2) !~~_t~~Q~!~~_ÇQ~~~~~~~§

:

je désigne ainsi des théo-ries ~ forte logique interne, mais extérieures aux cadres

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théoriques généraux en vigueur, capables cependant de faire face â la plupart des objections et qui butent en définitive sur une réfutation convaincante mais subtile. Un exemple excel-lent est la théorie de la gravitation de Lesage(6). Cet auteur du I8eme siècle proposait de l'attraction newtonienne une ex-plication fort astucieuse, qui éliminait la notion mystérieuse d'action-â-distance. Pour lui, l'espace était parcouru d'un abondant flux isotrope de corpuscules particuliers ("ultra-mondains") dont les collisions avec les corps célestes com-muniquait â ceux-ci autant d'impulsions. En vertu de sa symé-trie, un corps sphérique isolé voyait se compenser ces actions. Par contre, deux corps faisaient chacun écran â l'autre, et le déficit de collisions conséquent, engendrait une force nette sur la face opposée. Autrement dit, pour Lesage, les corps ne

s'attiraient pas mais étaient poussés l'un vers l'autre! Il était aisé de voir que la force correspondante, à longue dis-tance au moins, variait bien en raison inverse du carré de la distance -puisque la proportion des corpuscules interceptés était de l'ordre de l'angle solide sous-tendu. L'action-à-dis-tance apparaissait comme un effet des actions de contact !

Lesage surmonta lui-m~me avec succès nombre d'objections, et sa théorie fut dédaignée plutôt que réfutée. Elle connut un regain d'intér~t à la fin du Ige siècle oü elle s'effondra finalement sous les coups de Maxwell. Mais l'argument décisif brillamment résumé par poincaré(7), est subtil et il est inté-ressant de voir que les critiques courantes de la théorie ne sont pas les bonnes(8) ... Il Y a lâ en tout cas matière à une superbe leçon de physique -et d'histoire.

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:

c'est dans cette catégorie que se rangent la plupart des propositions des marginaux de la science: le soleil froid, la terre creuse, l'atome pneumatique, etc. (9), sans parler des dizaines de protestations contre la relativité einsteinienne(IO). La contradiction entre les

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assertions de ces ouvrages et les idées admises est souvent difficile à localiser et les erreurs de raisonnement bien dis-simulées. Mais si un étudiant (ou un enseignant 1), apparem-ment fort compétent en relativité einsteinienne, est incapable d'en réfuter les réfutations (c'est en général le cas), que vaut son savoir? On trouvera en Annexe, la présentation d'une théorie aberrante sous forme d'un sujet d'examen proposé à des étudiants de la maItrise de physique de l'Université Paris 7

(Unité de Valeur "Méthodes Qualitatives de la Physique"). Les copies rendues, faut-il le dire, étaient elles-m~mesassez creuses ...

4) !~~_t~~2~!~~_~!9~~è~~~~

:

i l s'agit là des moins intéressantes et des plus pernicieuses. Ce sont des textes qui ont l'apparence de la physique ou des discours qui en font le bruit, sans aucune signification, telles les fausses écritures de Steinberg ou les imitateurs de music-hall qui parlent des langues étrang~ressans rien dire. L'absence de sens d'un mes-sage est toujours inquiétante, car on n'est jamais sOr qu'il ne s'agisse pas d'une absence de compréhension du récepteur. D'oü la prudence de beaucoup devant ces escroqueries intellectuelles,

- ( l I )

qu'il s'agisse de la "théorie synergétique" de M. Vallée , ou de la parapsychologie quantique de M. Costa de Beauregard. L'enjeu ici pourtant dépasse le plan didactique, pour devenir culturel et idéologique. C'est, â mon sens, une question de responsabilité éthique que de ne pas tolérer cette exploitation du savoir scientifique.

La présentation et la discussion systématique des théo-ries fausses permettent de mettre en lumi~re de nombreux obs-tacles pédagogiques et épistémologiques trop souvent ignorés ou contournés dans l'enseignement traditionnel. Mieux vaut pour-tant les affronter explicitement.

On contribue ainsi â l'élaboration d'une pédagogie du refus: permettre â l'él~ve et à l'étudiant de dire "non", c'est l'aider â sortir d'une situation passive oü il ne peut qu'accepter un savoir ready-made. La pratique montre que les gratifications psychologiques apportées par une telle pédagogie sont considérables et font beaucoup pour accroItre la confiance

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en soi de l'élève -et donc la solidité des acquisitions concep-tuelles.

L'enseignement scientifique ne peut contribuer, comme il prétend, A la formation de l'esprit critique que s'il favorise la critique dans la Science même, et lui offre donc des cibles pertinentes.

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ReFERENCes

(l) J.-M. Lévy-Leblond, "W1Iat is so "special" about relativity 7" in Group Theoretical Methods in Physics, A. Janner, T. Janssen and M. Boon eds, Lecture Notes in Physics vol. 50 (Springer-Verlag, Berlin 1976) p. 167.

12} J.-M. Lévy-Leblond, "Les Relativités", Cahiers de Fontenay nOB, e.N.S. de Fontenay-aux-Roses (septembre 1977).

(3) J.-M. Lévy-Leblond, "The Pedagogica1 Ro1e and Epistemologica1 Signi-ficanee of Group Theory in Quantum Mechanics", Revista de1 Nuovo Cimento,

i,

99 (1974).

(4) M. Le Bellac et J.-M. Lévy-Leblond "Galilean e1eetromagnetism", Nuovo Cimento 148, 217 (1973).

(5) C. Ca1lan, R.H. Dicke, P.J. Peebles, Am.J.Phys. 33, 105 (1965). Voir aussi J.-M. Lévy-Leblond, "Expansion de l'univers et obstacles épistémologiques", La Recherche n025, juil-aoùt 1972, p. 669.

(6) S. Aronson, "The Gravitational Theory of Georges-Louis Le Sage" Natura1 Philosopher

i,

51 (1964).

(7) H. Poincaré, "La Théorie de Lesage" dans Science et Méthode (Flam-marion, Paris 1947), p. 263.

(8) voir par exemple R.P. Feynman, La Nature de la Physique (le Seuil, série "Points Sciences", 1980 - cl paraltre).

(9) Un petit échantillon de ma bibliothèque:

L. Jacot, Attraction OU Distraction universelle (Nouvelles Editions Latines, 1954).

L. Kervan, Transmutations biologiques (Ma1oine, 1965). M. Gandi1lot, L'Ethérique (Vuibert, 1923).

A. Carrayrou, Les Erreurs de base de la physique moderne (1968). C.H. lfeibig, Thermodynamique de l'Ether Fondamentique (J979). E. Nyssens, L'Energétisme (Rousset, Paris 1908). -R. Weckering, The Nodic Field Atom (Hermann, Luxembourg 1957). A. Lartigue, Physique et Métaphysique (Dain, Paris 1942) J. Charon, Théorie unitaire (Albin Michel, Paris 1974).

Dr. S. Ga1onier-Gratzinsky, Géométrisation Energétique (Pramantha,

Paris 1953).

Prince G. Stourdza, Les Lois Fondamentales de l'Univers (Baudry,

Paris 1891).

L.C.E. Vial, Les Erreurs de la Science (Paris 1908). M. Weyl, Au-delà de l'Atome (1965).

A. Guerrin, Cyclologie Universelle (La Colombe, Paris 1962). T.W. Da"" Repea1 Kepler's Laws (Celestial Press, Wo'lshington 19(0).

etc., etc., etc.

(!O) C. Cornelissen, Les Hallucinations des Einsteiniens (Blanchard, 1923).

lI. Bouasse, La Question Préalable contre la Théorie d'Einstein (Blanchard 1923).

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5. Lévy, Réfutation mathématique de la théorie de la relativité d'Einstein (1961).

L. Brillouin, Relativity Reexamined (Academie Press, 1970). o. Luther, Relativity is Dead (Key, California 1966).

Ii.C. Dudle'}, The Theory of Relativity, a Reexamination (llnàree 19S8). O.A. Ribeiro da Cunha, Les erreurs d'Einstein dans la transformation de Lorentz (Rio de J. 1967).

B. Bourbon, Critique et Effondrement de la Relativité d'Einstein (Jlmba7ac, 1965).

G. Casazza, Einstein e la commedia della relatività (Bietti, M.i1ano 1923).

G. Antoni, La relativita è proprio indispensable ? (Thyrus, Terni 1959).

~t~: ~~~~'et~~t velocity and Relativity (Burckel, N.Y. 1963). (1/) J.-M. Lévy-Leblond, La "théorie synergétique" de M. Vallée, La

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Dans son ouvrage La Terre Creuse (Albin-Michel, Paris 1971), traduit de l'américain M.R. Bernard, reprenant de nombreuses spéculations antérieures, développe la thèse suivante:

"LaTerre n'est pas lD1e st:hère solide avec un noyau brûlant de métal en fusiCI1 o:mœ 011 le SUHJOSe cœmmére.nt. En réalité, la Terre est creuse et SOl intérieur a:mronique avec la surface par deux ouvertures p:llaires. Sur sa surface intérieure vit lD1e civilisation avancée,

créatrice de o=s soucxJUpes VQlantes qui viennent nous espicnner â

intervalles réguliers".

Le schéma ci-contre, tiré du livre, illustre la théorie de la Terre creuse.

Il est aisé de prouver, en examinant les nombreuses et dé-taJllées photographies de notre globe prises par satellite, que les gigantesques ouvertures supposées par l'auteur n'existent pas. Mais, en abandonnant cette partie de l'hypothèse, comment juger l'idée 7 Que nous disent nos théories physiqueq actuelles

sur sa possibilité et sa plausibilité 7 Et si nous restons

scep-tiques quant â cette idée appliquée â la Terre, pourrions-nous la juger, appliquée â une autre planète (Mars, par exemple, ou une planète inconnue d'un système stellaire lointain) sur la-quelle nos observations sont plus limitées 7 D'ailleurs, Marshall B. Gardner, l'un des auteurs sur lesquels s'appuie

R. Bernard, avançait en 1920, dans son livre Voyage â l'Inté-rieur de la Terre, que toutes les planètes devraient être creu-ses puisque "au centre de chaque planète, une partie du feu originel constitue le soleil central, tandis que les substances plus lourdes sont projetées vers la surface où elles forment une croate solide, laissant l'intérieur creux". Il évoque ainsi une exploration de la surface interne :

"La force de gravité ne devrait-elle pas faire t:.crrber dans le vide

l'explorateur arrIvant sur la paroi interne de la Terre, étant donné que cette force attire toute

mose

vers le cenÜe

du gld:>e ? NC"15 réIUldrons qu'en ce qui COI1cerne l' attractiooterrestre, ce n'· t"st ["'1.'1 le centre gécr.étrigue du gld:e qui dfi:ennine la force d'attr2c'.lol mais sa masse. Et si lallBSse de la 'lb.rre est plus inportanL', 3e ni '\/Bau rif> la croOte, c'est la masse de cette croûte qui

exen"BEJ la forŒ' d'attractiOl, non un sinl>le point gêcrœtrigue situé il 4600 klk,-mètresde 111 - ces 4600 ki1~tres représentant la distance

awroxima-tive qui sépare la surfao= interne de la Terre du soleil o=ntral. L'égale r,e;parti tion de la force de gravi té tout au long de l'écorce terrestre fait gue ce soleil central est suspendu

a

un endroit précis,

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la paroi externe de l'écorœ terrestre, c'est la masse de cette écorœ qui nous plaque il la surfaœ. Q..land nous nous trouvens sur la p..-rroi interne, c'est la nêœ force qui nous penœt de nous maintenir solidelœnt sur nos pieds".

On discutera successivement, il l'aide des théories physi-qdes coura.mment admises, et en cherchant les arguments les plus convaincRnts, les hypothèses suivantes:

li La planète fi est creuse, avec des dimensions voistn.esl' en ordre de grandeur, de celles données par le schéma (on peut abandon0er l'idée des ouvertures polaires).

2) ,!\dmettant JI L'intérieur de la planète P comprend un petit "oleI} (voir schéma). Ce soleil est au centre de la pla-nète.

3) Admettant 1) et 2) La surface intérieure de Pest habitable et habitée; on y trouve fleuves, végétaux, animaux

(pas nécessairement une "civilisation").

On s'attachera en particulier il examiner, au stade adéquat de la disc'lssion, les arguments ci-dessus de M. B. Gardner.

OUVERTVRE NORD'

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