• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Voir, savoir, faire voir dans les sciences ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Voir, savoir, faire voir dans les sciences ?"

Copied!
8
0
0

Texte intégral

(1)

VOIR, SAVOIR, FAIRE VOIR DANS LES SCIENCES?

Élisabeth BACON

G.E.R.S.U.L.P. (Groupe d'Étude et de Recherche sur la Science de l'Université Louis Pasteur), Strasbourg

MOTS.CLÉS : SCIENTIFIQUES ACTEURS - SCIENTIFIQUES SPECTATEURS-SCIENTIFIQUES RÉALISATEURS

RÉSUMÉ: La science a toujours donné lieu à spectacle. Quel est le rôle joué,à cet égard, par les scientifiques et comment considèrent-ils eux-mêmes cette mise en spectacle qu'ils font? Que peut-on attendre de ce mode de diffusion de la culture scientifique et technique? Le G.E.R.S.U.L.P. a organisé en mars 1992 une rencontre internationale, les scientifiques et le spectacle de la science. Des tables rondes ont réuni artistes, scientifiques, sociologues et philosophes, sur les thèmes: les scientifiques spectateurs, acteurs ou metteurs en scène du spectacle de la science.

SUMMARY : Science always has been the object of shows, in which scientists themselves could be spectators, actors or authors. How should this particular aspect of science be considered ? 1t is of great interest to commit scientists to the entertainment of science and to initiate a debate about the importance of this kind of diffusion of scientific knowledge. G.E.R.S.U.L.P. has organized a "show and debate" : scientists and the entertainment of science, devoted to the scientific community.

(2)
(3)
(4)

Mais alors, la science est-elle spectaculaire? La science des scientifiques est-elle différente de celle des médias? Ceci amène à s'interroger sur le caractère intrinsèquement spectaculaire de la science, qui ne doit pas être confondu avec sa mise en spectacle délibérée.

3. ET LE SPECTACLE?

Les dictionnaires en donnent en effet deux définitions: le spectacle estun ensemble de choses ou de/aits qui s'offre au regard, capable de provoquer des réactions. L'expérience du scientifique, et surtout son interprétation, qui provoque chez ce dernier des réactions, sont donc spectaculaires. C'est ce que j'appellerai lespectacle de la science. Maislespectacle, c'est aussi:représentation théatrale, cinématographique, chorégraphique. Spectaculaires aussi, donc, le prix Nobel, La Passion du scientifique, Cortex, '" Mais il s'agit là de la science en spectacle.

Trois termes importants ressortent de ces définitions : le regard, les réactions et la représentation. C'est autour d'eux que se sont en fait concentrés les débats entre scientifiques et artistes. Je n'en présenterai ici que quelques illustrations.

Le spectacle s'adresse en premier lieuà~.Certaines sciences, comme l'astronomie, donnent des choses visibles immédiatement. Mais n'y a-t-il pas quelque chose d'énigmatique dans l'activité du scientifique qui réfléchit sur le tube incolore qui lui fait face. Si spectacle ilya, il parait opaque au profane. Beaucoup de chercheurs pensent en effet que la recherche fondamentale n'a rien à montrer, qu'elle produit surtout des idées, voire des textes, difficilesàmettre en scène. Le regard du scientifique serait-il différent du regard du spectateur? C'est ce qu'affirme Baudouin Jurdant, sociologue, en disant que le scientifique a un regard de lecteur, qui vise toujours un sens derrière l'expérience qu'il met en place. Or le spectacle ne vise-t-il pas justement à l'inverse, à savoir faire passer le regard du lisible au visible. En cherchant à ce que le spectateur s'arrête sur l'image, ne bloque-t-on pas la possibilité de passer à travers les choses pour chercher un sens?

En ce qui concerne les réactions suscitées par le spectacle de la science, on peut tout de suite parler d'élllil.ilim. Les réactions du scientifique qui interprète son expérience peuvent être plaisir, enthousiasme, mais aussi agacement, interrogation, doute, voire découragement. Emotions que ressentent aussi le réalisateur, le danseur, le comédien, face à l'interprétation d'une oeuvre. Ainsi, Fred Dijs nous dit que le réalisateur ne travaille pas un sujet mais des sentiments, et ce sont ces sentiments qu'il chercheà traduire dans des actes cinématographiques. Et le résultat de ce travail, ce sont des images mais surtout pas des énoncés scientifiques. L'émotion dans la science mise en spectacle est par ailleurs source de paradoxes et d' ambiguités. Pour preuve ce commentaire de la chorégraphe Maguy Marin à propos deCortex: "L'émotion est constamment contrôlée, traitée comme une étude que l'on ferait sur l'être humain" ! Il Y a ici comme un retour de manivelle et il faudrait aussi interroger les artistes sur ce qu'ils pensent de la science.

(5)
(6)

1. INTRODUCTION SCIENCE

LES SCIENTIFIQUES ET LE SPECTACLE DE LA

L'association de la science et du spectacle n'est pas évidente de prime abord. Peut-on prendre le parti du spectacle pour intéresser aux sciences, faire connaître ou comprendre une rechercheà priori compliquée ou ésotérique, chasse gardée de savants au langage obscur, confinée dans les cénacles des laboratoires ?

ÀStrasbourg, nous avons voulu amener les scientifiques, les chercheurs,à s'interroger sur le spectacle de la science:Àleur avis, le spectacle est-il un moyen d'accès aux sciences, peut-il aider à comprendre les problèmes et les difficultés d'une recherche? La science se prête-t-elle effectivement au spectacle? Ce spectacle conserve-t-il des particularités? Quelle importance les scientifiques accordent-ilsà ce mode de transmission du savoir? Enfin, le spectacle de la science doit-il être organisé par les scientifiques eux-mêmes ou par les professionnels?

Nous avons interrogé des scientifiques, bien sûr, mais nous les avons aussi confrontésàdes gens du spectacle, des sociologues et des philosophes. Le spectacle de Daniel Raichvarg, La Passion du Scientifique, a pennis d'initier les débats. Trois tables rondes ont ensuite réuni les intervenants sur les thèmes des scientifiques spectateurs, acteurs ou metteurs en scène du spectacle de la science.1

2. Q'EST-CE QUE LE SPECTACLE DE LA SCIENCE?

Àla question: le spectacle est-il un moyen d'accès aux sciences? on pourrait répondre oui, étant donné que nombre de scientifiques avouent, comme les étudiants du physicien Michel Crozon, avoir découvert leur vocation en visitant, enfant, le Palais de la Découverte. Ceci amène cependant à tenter de préciser ce qu'on qualifie de "spectacle de la science".

Est-ce un spectacle théatral commeLaPassion du scientifique, ou chorégraphique comme Cortex, chorégraphie de Maguy Marin, sorte de leçon de chose servie par une danse "anatomique"? Sont-ce les scientifiques quand ils se donnent en spectacle, comme la remise du prix Nobel? Est-ce le spectacle de la nature que l'homme essaye de déchiffrer (Envisageons une image extraite deÀ la dérive, un film de Fred Dijs, réalisateur d'émissions scientifiquesàla télévision néérlandaise. Sur cette plage venteuse de la Mer du Nord, un géologue explique la dérive des continents en faisant un calcul sur le sable. C'est très sobre et c'est très beau). Est-ce le produit de la science, une molécule spectaculaire? Mais la trouverez-vous spectaculaire si je ne vous explique pas au préalable qu'il s'agit du premier noeud chimique jamais synthétisé, et qu'il est identique aux noeuds représentés par le peintre Escher? Poussons un peu plus loin. Si je vous montre une figure d'un article scientifique, je pense que vous ne trouverez pas ça spectaculaire du tout ! Et bien moi, qui suis neurochimiste, je trouve ça spectaculaire. Parce que je l'interprète. Mais il me faudra sans doute un moment pour vous ameneràla trouver, vous-aussi, spectaculaire.

lIes actes de cette rencontre sont disponibles auprès du GERSULP. 275

(7)

L'importance de l'émotion est reconnue par tous, qu'ils soient scientifiques ou artistes. Elle apparait ausi lorsqu'on envisage la représentation. Dans la représentation de la science, les étapes essentielles d'une démarche de recherche, à savoir la manipulation et justement l'interprétation, avec ses émotions, ne sont-elles pas souvent escamotées ? L'expérience se réduirait alors à une démonstration qui relève plus de l'illusionnisme et de la magie que de la science. D'ailleurs, bien souvent, le chercheur ne se reconnait pas dans la science en spectacle, ne reconnait pas sa science, ou ce qu'il pense de sa science. Bien plus, les scientifiques sont même souvent scandalisés devant la vulgarisation qui, d'après eux, trahit et dénature leur recherche. On peut s'interroger en effet sur la marge tolérable d'ambiguité et de flou dans le concept que se fera le spectateur de ce qui va être offert à son regard. Qu'importe, nous répond Marie-Paule Marbach, chorégraphe, l'essentiel est de déclencher une accroche émotionnelle et conceptuelle, car c'est la curiosité qui doit être stimulée en premier lieu par le spectacle. Aux scientifiques ensuite de prendre la relève. Et Jean-Marc Lévy-Leblond, physicien, de renchérir en affirmant qu'il n'y a rien d'artificiel à porter la science en scène, dès lors que le ressort dramaturgique implique le dialogue. C'est-à-dire la parole, qui précède et rend possible l'écriture du savoir. Mais malheureusement, on peut déplorer que le dialogue, le débat d'idées, disparaissent bien souvent dans les productions scientifiques primaires que sont les publications et les colloques et aussi dans les représentations profanes de la science.

La représentation, qui se fait devant un public, sous-entend une implication sociale. Les spectacles de la science que sont les colloques scientifiques ont leurs rites, leurs vedettes, etc. Souvent considérés par les scientifiques eux-mêmes comme ennuyeux, voire sinistres, ils créent tout de même une convivialité spécifique très importante. Les musées scientifiques, autres mises en spectacle de la science, ne semblent pas rentrer dans les processus de la valorisation sociale. Vous ne pourrez pas faire état de votre visite dans un musée scientifique au cours d'une soirée mondaine comme vous auriez pu le faire de la visite d'une exposition de peinture, estime Anne-Marie Laurian, linguiste. Pourtant, Jean-Jacques Mercier, metteur en scène de théâtre, considère que théâtre et science constituent tous deux des représentations du monde, différant cependant de par leur sanction: la sanction de la science est celle de l'expérience. Celle du théâtre étant la sanction du public, beaucoup plus superficielle, il se demande si la recherche scientifique de la vérité peut être soumise ainsi à des questions de mode.

Représenter signifie enfin présenter à nouveau, exposer, s'exposer, et implique de comprendre avec clarté le fond des choses sans se retrancher derrière des équations et des graphiques, compliqués mais parfois si confortables. Il faut pour vulgariser un effort de recul, de synthèse, de bon sens qui est finalement bénéfique à la justesse de la démarche scientifique elle-même, comme le souligne Agnès Acker, astrophysicienne.Lefait de pouvoir rendre intéressante la science est un des buts du spectacle: cela peut être du simple cabotinage, comme cela peut être la recherche d'un style ou d'une vérité.

(8)

4. LA MISE EN SPECTACLE DE LA SCIENCE, C'EST L'AFFAIRE DE QUI ?

En effet, qui doit faire cette représentation? Certains estiment que les scientifiques ne peuvent démissioner de leur responsabilité d'information vis-à-vis du public. D'autres, comme Fred Dijs, s'insurgent violemment contre les scientifiques qui croient tout savoir et pouvoir régenter même le spectacle.Le spectacle est un métier, et il en fait la démonstration percutante à propos de son film À la

dérive:"Pour réaliser ce film, nous avons dû nous battre contre le vent qui renversait le caméraman et couvrait la voix du géologue! Il m'a fallu aussi convaincre la société Shell de l'intérêt de mon approche du sujet. La réalisation de cette scène a pris trois heures sur la plage. Tout le parcours, de l'idée au résultat, a prisà peu près quatre semaines de travail. Il s'est écoulé deux ans entre l'idée de cette scène et la réalisation du film. Et qu'est-ce qu'il a vu le scientifique, le géologue, de tout cela? Je l'ai vu deux fois deux heures, on a tourné une journée - de 14 heures il est vrai - qui a produit deux heures de pellicule dont j'ai utilisé 10 minutes pour le film final. C'est ça qu'a vu le géologue."

5. CONCLUSION UN LANGAGE COMMUN

La confrontation des scientifiques strasbourgeois à cette "science en spectacle" a fait émerger bien des ambiguïtés, des paradoxes, des contradictions et des conflits. Si certains aspects de ce spectacle ont été âprement débattus, il reste cependant entre la science et le spectacle un langage commun qui parle d'interprétation, d'émotion et de dialogue. Par ailleurs, artistes, philosophes et scientifiques se sont trouvés d'accord sur l'importance à donner au fait que les spectateurs qui assisteront à ce spectacle ne repartent pas avec des certitudes, mais avec énormément de questions. En d'autres termes, que le spectacle de la science reste toujours présent dans la science en spectacle.

Références

Documents relatifs

calculs). 3) Tracer ensuite les vecteurs vitesse à ces différentes dates. Préciser l’échelle choisie. La direction des vecteurs vitesse est celle de la tangente à la trajectoire

Equation de la réaction Etat Avancement (mol) Initial En cours Final.. Représentez graphiquement l'évolution de l'avancement x de la réaction de synthèse de l'iodure

En chirurgie pédiatrique, l’anxiété des parents est élevée en préopératoire, diminue en postopératoire alors que c’est l’inverse chez l’enfant où

Inefficacité circulatoire Inefficacité circulatoire QUE SI -pouls reste < 60 Bpm -chez un nouveau-né correctement ventilé depuis plus de 30sec. -2 mamelons -2 pouces

Les 31es JIES sont organisées par lʼAssociation Traces en partenariat avec la ville de Chamonix Mont-Blanc, lʼ Unité Mixte de Recherche Sciences Techniques et Education (ENS

Le renseignement d’intérêt national pour la lutte contre le terrorisme est une activité prioritaire du renseignement public qui a pour but d’assurer la stratégie de

Quel que soit l’objectif désiré, il existe dans toutes les visites des particularités profanes : • Une marche en pleine nature, qui entraîne une relation sensible

C’est en raison de cette différenciation entre le titre et le mode d’acquisition en matière de biens que la doctrine majoritaire et la jurisprudence colombiennes ont trouvé