• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | Le « concret » en mathématiques et en physique: contraintes et latitudes

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | Le « concret » en mathématiques et en physique: contraintes et latitudes"

Copied!
5
0
0

Texte intégral

(1)

LE "CONCRET" EN MATHEMATIQUES ET EN

PHYSIQUE: CONTRAINTES ET LATITUDES

Marie-Alberte JOHSUA et Samuel JOHSUA G.R.D.P.M. Université de Provence, Marseille

MOTS-CLES ; DIDACTIQUE - MATHEMATIQUES - PHYSIQUE - CONCRET.

RESUME: L'appel au "concret", traditionnel en physique, prend de l'extension en mathématiques. Mais le rapportàl'expérimental demandeàêtre questionné, dans ses présupposés épistémologiques dominants, comme dans la pratique courante correspondante. Des données issues de textes historiques, de manuels, comme d'observation de classes, pennettent aux auteurs de montrer qu'un couple "inductivisme / formalisme" continue de dominer l'enseignement scientifique. Issu d'idéologies bien spécifiques, ce couple répond tout de mêmeàcertaines contraintes didactiques qu'il importe de connaître pour baliser un champ de pratiques alternatives possibles.

SUMMARY : In the present paper, we aim at clarifying the didactic mechanisms of the resort to experimentation in physics ( where this resort is largely present in pedagogie declarations as weil as in teaching practice), andinrnathematics (where an attraction fat the "concrete" seems to be more and more present and has to be questionned). Authors show that an "inductivism / fonnalism" pair dominates the CUITent scientific teaching practice, avoiding a real sense for scientic activities at school.

(2)

1. FONDEMENTS THEORIQUES

Plusieurs études historiques et empiriques ont montré que le point de vue épistémologique le plus répandu parmi les enseignants de physique était fondé sur l'inductivisme, c'est-à-dire la croyance positiviste que la théorie "correcte" découle nécessairement -et naturellement-d'une "observation rigoureuse", et seulement de cela.

Au contraire si l'on en croit les épistémologues modernes, le modèle en physique n'est pas une "description" mais une construction théorique dont la validité doit être appréciée dans le cadre des morphismes entre structure théorique et structure praxéologique ; le test validant étant la comparaison entre les valeurs calculées dans la théorie et celles mesurées dans l'expérimentation.

Parfois les mathématiques sont aussi décrites comme un domaine "expérimental", mais dans ce cas l'expérimentation s'appliquerait à un domaine déjà mathématisé mais à un niveau inférieur, et serait enracinée dans une construction où chaque objet mathématique est aussi un outil élaboré pour résoudre une classe de problèmes. En ce sens par exemple, l'algèbre, historiquement fut d'abord élaborée pour résoudre des problèmes d'arithmétique. Certains d'entre eux devenant trop complexes pour être conçus seulement en langage "naturel", l'algèbre était d'abord un moyen d'écrire ces "histoires" arithmétiques avec des symboles tels que+ou - et des lettres, calqués sur les structures numériques. Mais cet outil (l'algèbre) a aussi ses propres lois, et ceci crée un nouvel objet formel, qui est actuellement, et de façon assez générale, présenté pour lui même dans l'enseignement.

Dans la pratique courante ces relations entre outil et objet sont souvent considérées comme inintéressantes, le moment important de l'enseignement étant la preuve abstraite, au niveau le plus général, devant qui le niveau "expérimental" disparaît.

Comme dit LAKATOS (1976) : "l'inductivisme est le plus grand danger en physique, et le formalisme, en mathématiques".

Les données concernant les pratiques réelles d'enseignement viennent de trois sources: les études historiques, les manuels utilisés couramment, et l'observation naturaliste en classes, qui ensemble fournissent d'importantes tendances permanentes.

2. EN PHYSIQUE

En fait une expérience ne parle clairement que si l'on connaît déjà la conclusion. Ainsi pourquoi la couleur des fils n'aurait-elle aucun effet sur une expérience électrique? En réalité les inférences inductives sont des procédés risqués.

Et à un autre niveau, ce type d'approche n'est pas compatible avec le fonctionnement psychologique d'un sujet. Les recherches à propos des conceptions naïves ont montré comment celles-ci peuvent être considérées comme de véritables modèles, des grilles de lecture pour traiter les expériences, capables de gagner en consistance interne tout en restant éloignées des concepts scientifiques.

(3)

En conséquence, ceux qui défendent l'approche inductiviste sont amenés à présenter des expériences très typiques, des "monstrations" initiales très simplifiées qui doivent être strictement en correspondance avec le phénomène désigné. La monstration du fait expérimental ne doit laisser aucune place au doute. Cette expérience de référence ne doit pas seulement montrer, elle doit être une fondation du fait, une évidence.

Mais il y a plus, elle doit aussi présenter tous les outils nécessaires pour une modélisation selon le mode inductiviste :

- les relations entre les éléments pertinents doivent affleurer dès la monstration - l'expérience doit aussi donner directement les moyens appropriés de mesures.

En ce sens le modèle devient la conséquence inévitable de l'expérience. La loi est mise en évidence.

Deux exemples:

"Lâchez votre valise, elle tombe. Cette observation familière (et d'autres du même genre) montre que la terre attire les objets. Ceci est appelé gravité". Nul besoin de Gallilée ou Newton. Une observation intelligente est suffisante.

"Mesurez la chaleur produite pendant un temps donné, pour différentes in:msités du courant. Notez qu'elle est proportionnelle au carré de l'intensité. Même chose pour le temps. Conclusion W=RI2 t U(loi de Joule).

La complexité intrinsèque de la situation est contournée. Pourquoi essayer d'abord le rapport avec 12 ? et pourquoi seulement ces rapports? et la température ambiante? Plus fondamentalement ici, on doit admettre que la valeur de la résistance ne dépend pas de l'intensité du courant (ce qui est exactement la loi d'Ohm). Tout ceci est présenté comme évident, naturel, découlant seulement d'une observation correcte. Pourquoi alors la science a-t-elle dû attendre jusqu'à Joule?

Il faut cependant reconnaître que ce mécanisme, comparé aux processus réels de l'élaboration scientifique, garde une certaine pertinence tant que le but est une loi descriptive. Mais tout ceci devient particulièrement fragile lorsque le modèle à atteindre est une "structure" (comme par exemple dans le modèle atomique) ou des mécanismes cachés, etc.

3. EN MATHEMATIQUES

Ici aussi le recours à l'expérimentation lorsqu'il apparaît, est fortement enraciné sur une conception inductiviste. L'expérience est considérée comme menant naturellement au concept, mais dans ce cas, l'exigence dominante de la démonstration conduitàdes difficultés nouvelles par rapport à la physique. En effet l'épistémologie dominante dans l'enseignement - même si cela est loin de la pratique réelle de l'élaboration scientifique en mathématiques - c'est le paradigme d'un type supérieur de preuve: la démonstration logique, la recherche de la plus grande généralité, le rejet de niveaux de rigueur "atténués". Nous trouvons alors deux cas de traitement de cette exigence.

La rupture différée: Lorsque la démonstration n'est pas présente -ce qui est le cas général dans les classes primaires- elle est considérée comme différée, mais on tombe alors de nouveau

(4)

dans les difficultés de l'inductivisme naïf, exactement semblables à celles décrites en physique, difficultés accrues car les structuresà atteindre dans ce cas sont souvent des plus abstraites.

L'exemple le plus frappant était celui dans des classes primaires d'enfants de 8 ans environ -où des élèves avaient à classer des figures de couleurs (cercles, triangles, rectangles, bleus, rouges etc.) selon deux (ou plusieurs) éléments caractéristiques; et pour toute une génération d'instituteurs français, cela devait introduire naturellement à la théorie des ensembles et aux structures de groupes. Une sorte de miracle!

La rupture démonstrative: Dans l'autre cas, la démonstration est présente - dans les classes plus élevées - et de fait tout est absorbé par elle. Un exemple, l'introduction de la "règle des signes" dans la multiplication des nombres algébriques. Le produit -ici (+ou-4)(+ou-3)- est représenté par la surface d'un carton quadrillé, ce qui est déjà une représentation inhabituelle du produit, les deux faces du carton étant de couleurs différentes, correspondant ainsi au signe du résultat; on peut transformer la face rose en la face grise en tournant autour d'un des axes du repère quadrillé, ce qui représente le changement de signe d'un des nombres, ainsi on obtient toujours la même surface mais de couleur différente. Et ceci est censé fournir une "expérience concrète" d'introduction de la multiplication algébrique. Dans ce cas, comme on peut le constater aisément, la place de l'expérience est formelle, illusoire, et de fait n'a aucune importance pour l'apprentissage de la règle ni du concept.

4. QUELQUES REGLES GENERALES

Le rapport didactique à l'expérimental semble remplir deux fonctions principales:

- il joue un rôle important dans la proposition du problème, de l'objet à étudier. Le moyen le plus généralement utilisé est la "monstration", un processus qui permet en même temps de désigner le phénomène et de présenter ses principales caractéristiques.

- il joue un rôle dans l'introduction d'un modèle, qui doit être admis comme la structure cOITespondant nécessairement à ces caractéristiques.

Ici, l'option inductiviste affirme que tout ce qu'il y a à savoir se déduit directement de la démonstration initiale, et cette conception amène à un type de recoursà l'expérimentation où le processus postulé (de l'observation à la mise en évidence de la loi ou de la structure) se déroule sans accident. Cette option est relativement bien adaptée à la physique phénoménologique, mais rencontre de sérieux obstacles si on vise une physique plus structurelle.

Paradoxalement, il semble que l'enseignement des mathématiques lorsqu'il essaie d'être plus expérimental devient victime de la même conception inductiviste. Or contrairement à une opinion très populaire, l'expérience en mathématiques n'est pas limitée par la définition de "situations concrètes" ; les mathématiques sont ancrées sur un niveau expérimental, lui même déjà abstrait, mais seulement un certain sens. Les objets mathématiques (les nombres, les figures) se suffisent à eux-mêmes, nul besoin de les confronterà des objets concrets. Et ce type de concret est souvent plus accessible que la complexité du concret physique (comparez les deux assertions suivantes: "soit un

(5)

triangle" et "la couleur du ciel est bleue"!). Il serait alors plus facile d'être expérimental en mathématiques, mais le point de vue épistémologique dominant dans l'enseignement: la rupture démonstrative inévitable, a tendance à éliminer la place du recours à l'expérience.

Un jeu très populaire parmi les enseignants consiste à chercher la "bonne" présentation, celle qui abolira comme par miracle toutes les difficultés. Mais, de fait, nous devons faire face à cette conclusion simple: les sciences sont une matière très compliquée, et on ne peut éviter les rapports complexes, constitutifs, de l'expérimentation et de la modélisation.

Alors, pouvons nous agir différemment dans une situation de classe réelle ?Il n'est pas facile de répondre. Dans les sciences, une expérience est totalement imbriquée dans une théorie, et même ce que l'on nomme un "phénomène" ne peut être observé, ni même "vu" sans une théorie.

Mais pour l'élève, l'établissement de la théorie est au contraire le but de l'apprentissage. La différence radicale entre l'expérience et le modèle, qui n'est pas présente dans un processus scientifique réel, est sans doute inévitable dans une situation de classe, en particulier pour introduire la question, ce qui correspondàla première fonction : proposer le problème: "plutôt que de vous expliquer ce qu'est un circuit électrique, (ou un triangle), je vais vous le montrer".

Mais si on considère la seconde fonction, l'introduction d'un modèle, la voie inductiviste n'est pas la seule concevable. Nous pouvons essayer de restaurer des liens plus articulés entre l'expérimentation et la modélisation en utilisant la voie hypothético-déductive. Dans celle-ci, les modèles sont postulés, élaborésàpartir des conceptions naïves, des connaissance antérieures et des expériences introductives; puis ils sont testésàtravers des discussions et de nouvelles expériences tests.

Ceci pourrait redonner du sens aux activités expérimentales à l'école. Quelques chercheurs actuellement, en mathématiques et en physiques essayent cette démarche, et en tout cas, ceci peut être une voieàexplorer digne d'intérêt.

S. BIBLIOGRAPHIE

CHEVALLARD (Y.), 1985. - Modélisation et problèmes "concrets" en mathématiques et en sciences physiques.Contrat de recherche, ministère de la Recherche et de la Technologie, Paris.

HALBWACHS (E),1974. -Lapensée physique chez l'enfant et le savant.Ed. Delachaux et Niestlé. LAKATOS (1.) (1976). - Proofs and refutations, the Logic of Mathematical Discovery. Cambridge University Press.

JOHSUA (M.-A.) et JOHSUA (S.), 1987. - Les fonctions didactiques de l'expérimental dans l'enseignement scientifique. In Recherches en Didactique des Mathématiques, 8 (3), 231-266.

Références

Documents relatifs

Puis l’on recommence le traitement au minimum après un délai de 8 heures après la fin de l’intervention (temps nécessaire pour une hémostase, consensus d’ex- perts), délai

Si l’étude de la jurisprudence Magill laisse présumer de l’application du droit communautaire de la concurrence aux droits de propriété intellectuelle, régis

Paribas, la cour a refusé les offres liées au nom du principe d’irrévocabilité 147 , ceci revient à dire qu’une condition qui n’est pas potestative (puisqu’elle ne dépend

et la gestion des emballages des pesticides telles que appliquées par les maraîchers de Nkolo et ses environs... 2017 Utilisation et gestion des pesticides en

On réalise un montage comportant un GTBF, une résistance et une DEL branchés en série. Le GTBF délivre une tension sinusoïdale de fréquence 0,25 Hertz. 1) Calculer la période de

2) Pourquoi un des scientifiques avait donné le nom d’atomes aux plus petites particules qui, pour lui, constituaient la matière ? Pour répondre à cette question,

Les objectifs spécifiques sont de: (i) cartographier les unités d’occupation des sols dans la réserve partielle de faune de Pama et les agrosystèmes adjacents;

chirurgical d’un pontage chez un patient traité par clopidogrel ou prasugrel ou ticagrelor soit similaire au saignement sous placebo, il faut attendre respectivement 5, 7 et 5